CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 La médecine de ville connaît aujourd’hui tant du point de vue de son organisation que de ses relations avec l’assurance maladie et de la demande de soins une évolution sans précédent même si la plupart des principes « historiques » de la médecine libérale avaient déjà commencé à être remis en cause progressivement.

2 Les principes présidant à la pratique libérale de la médecine avaient été posés en novembre 1927 par la « charte de la médecine libérale ». Ils portent sur les conditions de l’activité des médecins libéraux : le paiement de l’acte médical par le patient, la libre entente du prix entre le médecin et son patient et la liberté totale des prescriptions. Ils précisent également la relation entre le patient et le médecin en soulignant le respect absolu du secret médical, et les modalités d’accès aux soins des médecins libéraux, avec le principe du libre choix du médecin par le patient.

3 La première convention médicale de 1971 est venue ajouter un principe supplémentaire concernant l’accès aux soins : celui de la liberté d’installation des médecins libéraux sur le territoire.

4 Mais le développement de l’assurance maladie publique et de la socialisation des dépenses a conduit à remettre rapidement en cause la liberté de fixation des prix dans le cas général (secteur 1 d’exercice) : il s’agit aujourd’hui de « prix administrés », autrement dit de tarifs. Beaucoup plus récemment, les évolutions législatives et réglementaires ont réduit dans une certaine mesure la liberté de choix du médecin par le patient, avec le dispositif du médecin traitant, et ont amendé le caractère absolu du respect du secret médical avec la diffusion prochaine du dossier médical partagé. Enfin, la liberté de prescription des médecins n’est plus vraiment totale puisqu’elle est à la fois l’objet d’une régulation incitative de la part des caisses d’assurance maladie (accords sur les génériques, profils de prescription…) et d’une régulation « de proximité » fondée sur le renforcement du rôle des médecins-conseils.

5 Deux principes de la « charte de la médecine libérale » échappent toutefois à cette remise en cause : le paiement de l’acte médical par le patient et la liberté d’installation des médecins libéraux. On observe ainsi une situation singulière où l’organisation des soins ambulatoires de médecins connaît des changements importants – dont le plus emblématique est certainement l’adoption d’un gate-keeper – tandis que perdure le maintien quasi exclusif du paiement à l’acte et de la liberté d’installation des médecins.
Cette contradiction est d’autant plus manifeste aujourd’hui que les récents travaux portant sur l’offre de soins médicaux ont abouti à deux principales conclusions :

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  • tout d’abord, les travaux théoriques montrent que le paiement exclusif à l’acte est considéré comme inflationniste même s’il permet globalement de satisfaire la demande de soins en termes de qualité et de réactivité. Ils suggèrent aussi qu’un paiement de type mixte, combinant paiement à l’acte et rémunération forfaitaire, est plus souhaitable d’un point de vue économique ;
  • ensuite, les travaux empiriques sur la démographie médicale française soulignent les inégalités d’accès aux soins médicaux liées à une répartition très inégale des médecins sur le territoire français, et susceptibles de se renforcer en raison des problèmes de renouvellement de la médecine générale et des médecins exerçant en secteur libéral [1].
L’objet de cet article est de présenter à partir de la réforme du médecin traitant les nouveaux enjeux auxquels est confrontée la médecine de ville en France. Un panorama des modes de régulation actuels de ce secteur sanitaire est proposé en présentant les alternatives aux principes du paiement à l’acte exclusif et à la liberté d’installation des médecins libéraux.
Dans ce cadre, la première partie est consacrée aux implications de la réforme du médecin traitant sur l’organisation de la médecine de ville. La deuxième partie s’interroge sur la pertinence du maintien du paiement à l’acte exclusif pour rémunérer les médecins libéraux dans ce nouveau contexte et évoque les nouveaux outils de régulation destinés à contrôler les coûts des soins médicaux. Dans cette même perspective, la troisième partie questionne l’opportunité de laisser les médecins libéraux s’installer librement sur le territoire compte tenu des diagnostics récents établis à propos de la répartition des médecins, tout en rappelant qu’une alternative consiste à encourager le partage d’activité entre professionnels de santé.

Quelles implications de la réforme du médecin traitant sur l’organisation de la médecine de ville ?

7 Depuis l’entrée en vigueur de la réforme de 2004, tout assuré social de 16 ans et plus doit en principe choisir un « médecin traitant ». Dans le cadre du « parcours de soins coordonnés », la prise en charge de l’acte médical par les caisses d’assurance maladie demeure inchangée, à savoir un taux de remboursement de 70 %. Si l’assuré se place hors du parcours de soins coordonnés (médecin non traitant ou visite directe d’un spécialiste), la base du remboursement se réduit à 60 % et donc le reste à charge du patient s’élève, ce qui a probablement conduit 80 % des Français à choisir leur médecin traitant [2].

8 L’adoption d’un principe de médecin traitant – et donc de gate-keeper – en France constitue sans doute l’un des signes, comme précédemment la mise en place de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la couverture maladie universelle (CMU), de l’évolution du système de santé vers un modèle de fourniture de soins et d’assurance maladie plus fiscalisé, d’inspiration beveridgienne et qui prévaut actuellement en Europe. Cela se traduit par une organisation davantage intégrée de l’offre des médecins – offre primaire (ou de premier recours), offre secondaire – tout en conservant en France la logique d’une médecine libérale.

9 Cette intégration semble prendre la forme en France d’une relative concentration de l’activité des médecins libéraux. Les exigences des jeunes médecins (cf. infra) et les réformes actuelles concernant l’organisation de la médecine de ville contribuent à favoriser le développement de l’exercice en groupe, monodisciplinaire ou pluridisciplinaire. Selon une enquête récente de la Drees, le nombre de médecins libéraux exerçant en société ou en groupe a augmenté de 18 % entre 2000 et 2003 (Audric, 2004) [3]. L’exercice en groupe présente en effet plusieurs avantages : il est susceptible de réduire le coût de fonctionnement d’un cabinet, de permettre d’acquérir certains matériels coûteux et d’engendrer une amélioration des conditions de travail. Toutefois, il concerne moins les omnipraticiens que les spécialistes à activité technique : 40 % des hommes médecins généralistes et 35 % des femmes exercent en groupe (contre 61 % des hommes et 56 % des femmes exerçant des spécialités à activités techniques).

10 Concernant tout particulièrement les médecins généralistes, qui représentent 99,5 % des médecins traitants, l’exercice en groupe, majoritairement monodisciplinaire, permet de générer des honoraires légèrement plus élevés et d’employer plus fréquemment du personnel.

11 Le développement des groupes de médecins en France permet de mieux concilier l’exigence de plus grande disponibilité de l’offre de soins (par exemple avec des horaires d’ouverture du cabinet étendus, y compris le samedi) et les aspirations personnelles des jeunes médecins (aménagement des horaires individuels, conditions de travail…).

12 Idéalement, l’organisation de l’offre de médecins en cabinet de groupe suppose le partage de l’information médicale entre médecins dans un objectif de continuité des soins (comme cela est d’ailleurs déjà le cas dans certains pays d’Europe comme au Royaume-Uni ou en Suède). Cependant, en France, le partage de l’information peut remettre en question le principe du respect absolu du secret médical . Les évolutions récentes et à venir sur la coordination des soins, le dossier médical partagé, la transmission et l’analyse des données médicales et la nécessaire mise en place d’une véritable gestion des risques par l’Assurance maladie passent donc par une adaptation du secret médical aux nouvelles exigences des systèmes de santé et de la médecine tout en respectant ce droit essentiel du malade.

13 Il est vraisemblable que le regroupement des médecins généralistes est une tendance qui va se conforter dans l’avenir, dans la mesure où ils voient leur rôle renforcé en matière d’orientation du parcours de soins, où ils subissent parallèlement une désaffection importante de leur spécialité d’exercice [4] et où leur temps hebdomadaire de travail en secteur libéral est en moyenne le plus élevé. En effet, Niel et Vilain (2001) montrent, toutes choses égales par ailleurs, que la durée hebdomadaire de travail des généralistes est plus élevée que celle des spécialistes (56 heures en moyenne pour un généraliste et 49 heures pour un spécialiste) et que les femmes travaillent environ six heures de moins par semaine que les hommes. En postulant une stabilité dans le temps des comportements des médecins, les seules évolutions démographiques (notamment la féminisation de la profession) conduiraient d’ici 2020 à une diminution d’environ deux heures par semaine du temps de travail.

14 Si l’objectif poursuivi par la réforme dite du « gate-keeper » vise à améliorer la coordination des soins et à favoriser l’accès aux soins par un circuit mieux défini et encadré, l’ensemble de ces évolutions conduisent finalement à remettre en question la liberté de choix du médecin par le patient , non seulement par la désignation d’un médecin traitant mais aussi parce que le patient doit renoncer parfois à voir « son médecin » au profit du médecin disponible dans « son cabinet ». Notons toutefois que la liberté de choix du médecin par le patient était, de fait, soit déjà contrainte dans certaines régions par manque de professionnels, soit affectée par les comportements d’une partie des médecins refusant de soigner certains patients (tels que les bénéficiaires de la CMU complémentaire). La notion de « cabinet de famille » pourrait donc se substituer progressivement à celle de « médecin de famille ».

15 Ces évolutions observables en France le sont également à l’étranger, où les systèmes de soins se tournent vers des modes d’exercice de la médecine libérale plus collectifs, interprofessionnels et structurés. Les travaux de l’IRDES (Bourgueil, Marek et al., 2006) ont mis en évidence l’évolution de l’organisation du système de soins primaires dans plusieurs pays (Allemagne, Belgique, Canada, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Finlande et Italie), où l’on peut distinguer trois principaux modèles :

  • les « modèles professionnels de contact » (Ontario, Québec, Belgique et Allemagne, France) se caractérisent par une offre de soins primaires s’exerçant au cabinet par des groupes de médecins de petite taille (deux ou trois) qui se rémunèrent individuellement sur le mode du paiement à l’acte ;
  • les « modèles professionnels de coordination » (Royaume-Uni, Pays-Bas, Québec) proposent une offre de soins primaires articulée autour de groupes de médecins de taille plus importante (six à neuf) collaborant avec d’autres professionnels de santé et rémunérés sur un mode mixte ou par capitation ;
  • les « soins communautaires intégrés » (Suède, Finlande, Royaume-Uni, Québec, Italie) : les centres de santé dispensent un éventail de soins et services médicaux et sociaux (soins préventifs, curatifs…) et sont organisés autour d’associations de professionnels salariés.
Le potentiel du « modèle professionnel de contact » que semble adopter la France paraît toutefois relativement limité en termes d’intégration des soins, notamment parce que le système de soins demeure aujourd’hui l’un des rares d’Europe où les médecins de ville sont rémunérés presque exclusivement sur la base du paiement à l’acte [5].

Le dispositif du médecin traitant est-il conciliable avec un paiement exclusif à l’acte des médecins ?

Le paiement à l’acte exclusif, une singularité française

16 Malgré les évolutions observables en Europe, l’activité des médecins de ville demeure en France presque exclusivement fondée sur le paiement à l’acte, dont le niveau et l’évolution font l’objet de conventions entre les médecins et l’assurance maladie [6].

17 Dans le secteur conventionnel, la rémunération de base des médecins prend la forme d’un paiement à l’acte défini par la Classification commune des actes médicaux (CCAM). À l’acte de base du médecin généraliste ou spécialiste peuvent s’ajouter des majorations [7]. La convention, qui stipule que « le paiement à l’acte reste le mode de rémunération le plus adapté pour rémunérer des fonctions soignantes directes », prévoit cependant la possibilité « de faire appel à des modes de rémunération forfaitaires légalement définis, au travers notamment de dispositions spécifiques ».

18 L’augmentation de la rémunération des médecins libéraux au cours des deux dernières décennies, surtout celle des spécialistes, est plus forte que pour la plupart des actifs occupés. Selon la Drees (Legendre, 2006), les revenus (honoraires nets de charges) s’échelonnaient en 2004 en moyenne entre 57 200 € pour les psychiatres et 196 100 € pour les radiologues, les omnipraticiens percevant pour leur part 63 700 € (contre 102 300 € pour l’ensemble des spécialistes). Seul le revenu libéral est pris en compte dans ces calculs et diffère donc du revenu global perçu par les 17 % de médecins libéraux (27 % parmi les spécialistes) qui exercent en parallèle d’autres activités (activité salariée, publications, enseignements, recherches…).
Ces revenus placent les médecins nettement au-dessus de la moyenne des salariés du secteur privé et même de celle des cadres (dont le salaire net moyen est de l’ordre de 43 700 € par an) en 2004, même si l’on tient compte du temps du travail élevé des médecins libéraux et de sa progression (CNAMTS, 2001 ; Niel et Vilain, 2001). Les très nettes revalorisations de tarifs intervenues depuis ont vraisemblablement fortement accru cet écart. Par ailleurs, les niveaux de revenu très disparates entre médecins selon leur spécialité d’exercice et la différence très marquée entre médecins généralistes et spécialistes peuvent conforter, dans une certaine mesure, la désaffection subie par la médecine générale.

Graphique

Évolution du pouvoir d’achat des médecins libéraux et des autres professions (base 100 : 1980)

Graphique

Évolution du pouvoir d’achat des médecins libéraux et des autres professions (base 100 : 1980)

* Document de travail CNAM (2006), données actualisées à partir de Ulmann (2003).
Lecture : le revenu annuel net moyen hors inflation (i. e. le pouvoir d’achat) a progressé de 24 % entre 1980 et 1988 pour les spécialistes libéraux, soit un accroissement annuel moyen de 2,7 % sur cette période.
Source : P. Ulmann (CNAM, 2006), chiffres : DREES, DGI, CNAMTS, INSEE, DGAPF.

19 Toutefois, il est notable que le niveau de revenu des médecins généralistes, relativement faible comparé à celui des spécialistes, est moins élevé que celui de la plupart de leurs homologues européens [8], interrogeant l’exclusivité du paiement à l’acte pour rémunérer les activités de coordination exigées par la formule du médecin traitant.

20 En outre, l’un des objectifs du dispositif du médecin traitant, destiné à rationaliser le parcours du patient dans le système de soins, est de mieux contrôler les coûts de traitement des patients. Or, les nombreux travaux menés en économie de la santé ont permis de montrer que ces coûts sont largement endogènes dans le sens où leur niveau est pour une large part déterminé par les modes de rémunération des offreurs de soins [9]. Ce constat vaut particulièrement pour le médecin, non pas spécifiquement en termes d’honoraires, mais surtout du point de vue des prescriptions. C’est en effet le rôle du médecin prescripteur qui est en question dans le paiement à l’acte, puisque la concurrence locale peut l’amener à développer des « comportements de fidélisation » se traduisant par une augmentation des prescriptions ou des arrêts de travail (Rochaix, 2004). Bien qu’en comparaison, le salariat et la capitation puissent assurer davantage de neutralité, ils n’en comportent pas moins des inconvénients en termes de qualité des soins et de diffusion de l’innovation.

21 La prise en compte des nouvelles tâches du médecin traitant et la nécessité de contrôler les coûts de traitement du patient militent pour un mode de rémunération mixte devenu par ailleurs le modèle dominant européen. Il permet de concilier des objectifs souvent conflictuels que sont la recherche de l’efficience et la satisfaction de la demande de soins. S’il est encore bien prématuré d’évaluer les avantages du dispositif du médecin traitant, on peut s’interroger sur sa pertinence dans un contexte où, d’une part, les médecins libéraux continuent d’être payés à l’acte et d’autre part, les médecins traitants peuvent construire des relations privilégiées avec certains spécialistes intervenant en second recours. En d’autres termes, quelles stratégies peuvent être élaborées à la suite de l’introduction d’un principe de filière de soins dans un contexte de médecine libérale ? À l’heure actuelle, peu de travaux permettent d’apporter des éléments de réponse à cette question, au moins d’un point de vue théorique, même si les premières analyses de la CNAMTS montrent qu’à ce jour l’instauration du médecin traitant a eu peu d’impact sur l’activité en médecine de ville (CNAMTS, 2007).
Le paiement à l’acte exclusif pour rémunérer les médecins du secteur libéral est un principe qui n’a jamais été remis en question, même au cours de la dernière décennie où l’on a choisi d’introduire des mécanismes de régulation par enveloppe afin de contrôler la croissance des dépenses de santé, mécanismes finalement abandonnés en 2003 [10]. Deux actions d’information sont actuellement menées pour réguler l’activité des médecins libéraux : l’une portant sur la pratique médicale et les incitations conventionnelles et l’autre tournée vers le patient afin de permettre une meilleure efficacité des mesures.

Les nouveaux outils de régulation de l’activité des médecins libéraux

22 Depuis quelques années, les politiques de responsabilisation de la demande ne sont plus considérées indépendamment des politiques de régulation de l’offre de soins. Il est vrai que la loi du 4 mars 2002, qui pose le droit des patients à l’information sur leur état de santé, constitue un changement de perspective non négligeable : la décision du patient, jusque-là subordonnée à celle du médecin, devrait aujourd’hui être prise de manière éclairée, après un partage de l’information entre les deux agents. En effet, comme le stipule la loi, « aucun acte médical, ni aucun traitement, ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne ». Il importe que la décision soit en adéquation avec les préférences propres du patient et que, en conséquence, ce dernier soit informé des implications de sa décision.

23 Dans ce cadre, si le médecin peut être amené à développer des stratégies de fidélisation de la clientèle, le patient peut aussi être à l’origine d’une augmentation des coûts : prescriptions trop importantes, mésusage du médicament, arrêts de travail abusifs… C’est pourquoi il est devenu nécessaire, pour infléchir efficacement les comportements, d’agir conjointement sur l’offre et la demande : il s’agit de mieux diffuser l’information concernant les prescriptions auprès des médecins (dont on sait que la formation continue n’est pas encore suivie idéalement et qu’elle est parfois elle-même biaisée par la médiation de l’industrie pharmaceutique) ; et de diffuser également l’information auprès des patients, ce qui revient à un partage d’information entre patient et médecin.

24 Ainsi, les campagnes d’information récentes, portant par exemple sur l’antibiothérapie ou le développement des génériques, ou encore les programmes d’éducation thérapeutique des malades chroniques, poursuivent cet objectif. Il en est de même pour le renforcement du contrôle des arrêts de travail, centré sur le développement des contre-visites obligatoires pour les patients (ainsi environ 15 % d’avis défavorables ont été émis en 2005).

25 Par ailleurs, de nombreux dispositifs sont institués depuis quelques années afin d’influencer le comportement des médecins, en matière de prescription en particulier [11].

26 À cet égard, le rapport 2005 de la Cour des comptes est édifiant. Il rappelle, entre autres, que les taux de visites de médecins à domicile sont très élevés par rapport à la moyenne européenne, que les Français sont les premiers consommateurs de médicaments, qu’ils consultent bien plus que leurs homologues européens pour de simples angines pour lesquelles les prescriptions sont importantes en volume de produits pharmaceutiques par ordonnance. Il existerait donc un potentiel considérable d’économies par rapport aux prescriptions médicales (sans compter les avantages en termes de santé publique du point de vue des maladies iatrogènes ou des effets secondaires des médicaments). C’est pourquoi deux catégories d’instruments de régulation sont aujourd’hui développées qui encadrent la liberté de prescription  : l’information sur les bonnes pratiques et de nouvelles incitations conventionnelles.

27 • L’information sur les bonnes pratiques passe par de nouveaux canaux : par exemple, les enquêtes sur la prescription permettent de mieux connaître les comportements des médecins et de les sensibiliser à travers des entretiens confraternels menés par les médecins-conseils des échelons locaux des services médicaux des caisses d’assurance maladie aux bonnes pratiques. Surtout depuis deux ans, le régime général a instauré les DAM (délégués de l’assurance maladie), autrement dit des « visiteurs médicaux de la sécurité sociale » dont la mission principale consiste à rendre visite aux professionnels de santé (pas uniquement les médecins) pour leur communiquer des informations sur leur activité, en la comparant à celle des confrères, à les sensibiliser sur les actions de maîtrise médicalisée, enfin à leur transmettre le cas échéant les dernières recommandations de bonne pratique. D’ores et déjà, les premières évaluations menées par la CNAMTS fin 2006 semblent démontrer une réelle influence des DAM sur les comportements des médecins à l’occasion de leur visite.

28 Les références médicales opposables (RMO) – même si elles ne sont pas assorties de sanctions concrètes, ont été délaissées depuis plusieurs années et sont aujourd’hui complétées par des recommandations de bonne pratique (RBP) élaborées par des groupes de travail à dominante professionnelle, généralement conduits par des sociétés savantes.
• Les nouvelles incitations conventionnelles consistent à subordonner des avantages financiers aux engagements de meilleure pratique. Des dispositifs de rémunération forfaitaire sont prévus par des conventions professionnelles de type AcBus (accords de bon usage des soins), engagements collectifs concernant une ou plusieurs spécialités médicales associés éventuellement à des contreparties financières, reposant sur le principe de l’Evidence-Based Medicine (médecine reposant sur l’évidence scientifique) ou des CBP (contrats de bonne pratique), engagements individuels liés à un complément forfaitaire de rémunération ou une majoration de certaines prises en charge.
Il convient d’évaluer rapidement l’impact de ces nouveaux modes de régulation sur le comportement des médecins et des patients, à la suite d’un partage de l’information plus important. Cette nécessité renvoie à s’interroger sur l’opportunité de développer des schémas mixtes de paiement, notamment pour les médecins traitants, afin aussi de prendre en compte de manière plus explicite les tâches et compétences non directement liées à l’activité de soins [12]. La reconnaissance du rôle du médecin traitant est également essentielle face aux inégalités territoriales d’offre de soins médicaux.

Le dispositif du médecin traitant est-il conciliable avec la liberté d’installation des médecins ?

29 Face aux inégalités territoriales d’offre de soins médicaux, la question de la liberté d’installation des médecins libéraux sur le territoire se pose ; la liberté de choix du médecin et donc du médecin traitant par le patient est, de fait, contrainte dans certaines régions par manque de professionnels.

Densité médicale et répartition géographique : état des lieux

30 Avec environ 340 médecins pour 100 000 habitants en 2003, la France se situe au niveau de la moyenne des pays de l’Union européenne à quinze (326 selon l’OCDE) et nettement au-dessus de l’ensemble des pays de l’OCDE (289). En l’espace de vingt-cinq ans, le nombre de médecins français a augmenté de 89 % (soit une hausse de 61 % en densité pour 100 000 habitants) et parmi eux les effectifs de praticiens libéraux ont progressé de 69 % (soit 52 % en densité) [13].

31 En moyenne, la densité médicale des médecins libéraux [14] en France métropolitaine est égale à 183 (103 pour les généralistes et 80 pour les spécialistes). La césure entre le Nord et le Sud est particulièrement soulignée (cf. cartes ci-après) : les régions du sud de la France (Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Languedoc-Roussillon) se distinguent par l’offre de médecins la plus importante (densité médicale respectivement égale à 254 et 226), alors que les régions Basse-Normandie et Picardie sont les moins bien loties (respectivement 144 et 133).

32 Alors que l’Île-de-France est la région dont l’offre de médecins en activité régulière est la plus généreuse (388 médecins pour 100 000 habitants), elle n’arrive qu’au 6e rang en termes de médecins libéraux (18e rang pour les généralistes libéraux et 2e rang pour les spécialistes derrière la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur). L’analyse par département permet d’ores et déjà de cibler ceux confrontés aux plus faibles densités de médecins de ville, à savoir pour les généralistes : Seine-Saint-Denis (76 pour 100 000 habitants), Orne (78) et Mayenne (78) ; et pour les spécialistes : Haute-Loire (26), Lozère (27) et Haute-Saône (32).

Carte 1

Densité de généralistes libéraux en 2005 (pour 100 000 habitants)

Carte 1

Densité de généralistes libéraux en 2005 (pour 100 000 habitants)

Carte 2

Densité de spécialistes libéraux en 2005 (pour 100 000 habitants)

Carte 2

Densité de spécialistes libéraux en 2005 (pour 100 000 habitants)

33 Si peu de territoires connaissent de réelles difficultés d’accès aux soins de premier recours (les cantons dits fragiles concernent 1,6 % de la population), la situation des médecins spécialistes est différente. Le renoncement ponctuel aux soins de spécialistes (en particulier pédiatres et ophtalmologues), en raison de l’insuffisance de l’offre voire pour des raisons financières (prédominance du secteur 2), est un fait avéré dans certaines régions telles que la Franche-Comté ou le Nord-Pas-de-Calais (ONDPS, 2006a).
Or, on peut s’attendre à ce que ces difficultés s’amplifient, en raison du départ massif à la retraite des générations de médecins du baby boom, lesquelles ont bénéficié d’une politique de régulation des flux de formation avantageuse (avec un numerus clausus supérieur à 8 000 avant 1978). Le scénario central actuellement retenu par la Drees [15] est celui du maintien du numerus clausus à 7 000 places à partir de 2006, ce niveau restant constant jusqu’en 2025 : toutes choses égales par ailleurs, le nombre de médecins diminuerait de 9,4 % sur l’ensemble de cette période pour atteindre 186 000. Ce scénario aboutirait à une densité médicale (en activité globale) de 283 médecins pour 100 000 habitants en 2025 (correspondant à celle de 1987), caractérisée par une surreprésentation féminine.

Des mesures incitatives pour l’installation des médecins dans les zones sous-médicalisées

34 Afin de remédier à ces inégalités géographiques de l’offre de soins médicaux, certaines mesures, déjà envisagées dans les rapports Berland et Descours, ont été suivies d’effet à travers les dispositions adoptées en janvier 2006 par les pouvoirs publics.

35 Certaines visent notamment à soutenir les médecins qui exercent dans des zones sous-médicalisées, par le biais d’aides conventionnelles (des majorations d’honoraires, des aides à l’exercice regroupé et des aides au remplacement), d’aides financées par les collectivités locales (mise à disposition d’équipements ou primes, en contrepartie desquelles les professionnels sont engagés pour trois ans minimum dans le lieu d’exercice, ou encore d’aides à l’installation pour les étudiants l’engagement est alors d’au moins cinq ans).

36 Des aides fiscales sont également conçues pour les médecins exerçant en zones sous-médicalisées, prenant la forme d’une exonération plafonnée de l’imposition sur le revenu des astreintes.

37 Par ailleurs, des moyens d’information destinés aux étudiants en médecine sont mobilisés, à la fois pour clarifier les dispositifs d’aide auprès des intéressés et pour faciliter les formalités administratives, voire leur offrir des services de conseil relatifs au démarrage de leur activité.

38 Au-delà de l’aspect financier, des incitations à l’exercice regroupé comme la création du statut de collaborateur devraient se multiplier.

39 Toutefois, une revue récente de la littérature relatant les expériences internationales (Bourgueil, Mousquès et al., 2006) relativise l’efficacité des mesures d’incitations financières visant à l’installation des médecins dans des zones déficitaires, certains pays les ayant même abandonnées (c’est le cas du Royaume-Uni). En France, les facteurs d’attractivité de certaines régions, analysés par le CNOM en 2002 et 2003, conduisent à des constats similaires. Le rapport sur la démographie médicale française de 2003 présentait notamment les résultats d’une étude qualitative sur le choix du lieu d’installation et ses déterminants pour les médecins nouvellement inscrits entre 1998 et 2002. D’après ces résultats, le choix du canton d’installation dépend davantage des conditions de vie et du niveau d’équipement (distance d’accès aux services, école…), du contexte démographique (croissance démographique) et socio-économique (chômage, revenu…) que de raisons purement financières (le revenu espéré par le médecin) ; les médecins exerçant dans les cantons moins attractifs ayant des honoraires supérieurs aux autres. De même, selon l’ONDPS (2004), l’attractivité de certaines régions dépend aussi de la mise à disposition de ressources humaines et technologiques plus importantes. Par la suite, l’ONDPS (2006a) a souligné le rôle crucial de l’amélioration des conditions de vie et des outils d’aménagement du territoire pour « attirer plus qu’inciter » les médecins, c’est-à-dire finalement modifier les conditions du marché du travail afin de rendre les médecins plus mobiles. S’il semble évidemment souhaitable d’améliorer les conditions de travail des médecins, on peut s’interroger sur les moyens d’y parvenir. Aussi une alternative consisterait plus simplement à remettre en cause la liberté d’installation des médecins, au moins dans certaines conditions, comme cela est déjà le cas dans de nombreux pays d’Europe [16].
Cette voie ne semble toutefois pas être encore envisagée en France pour pallier ces inégalités géographiques d’accès aux soins, comme en témoignent les récentes mesures prises dans ce domaine par les pouvoirs publics qui se limitent à nouveau aux incitations financières (avenant n° 20 de la convention médicale négociée début 2007 et visant à octroyer 20 % de primes aux médecins exerçant en zone déficitaire). En revanche, la question de la démographie médicale à moyen terme a récemment débouché sur le principe d’une redistribution des tâches entre professionnels de santé.

Coopération et partage d’activité entre médecins et autres professions de santé

40 Afin d’éviter tout rationnement de la demande, des travaux récents, à la suite des rapports Berland (2002, 2003), suggèrent de développer le partage d’activité entre professionnels de santé. Le partage et la délégation de tâches conduisent à redéfinir les contours des métiers et à mieux valoriser l’interdépendance des métiers de la santé.

41 Si l’offre de soins primaires médicaux devient déficitaire globalement et/ou localement, il serait possible de la compléter par une offre en soins infirmiers qui pourrait assurer dans certaines conditions tout ou partie de certaines tâches (substitution et partage des tâches) [17]. Bourgueil, Marek et al. (2006) mettent en évidence le rôle de gate-keeper de l’infirmier qui souvent assure le premier recours par exemple en Finlande ou en Suède (dans les centres de santé). Ils soulignent que le déficit de médecins entraîne le développement d’une offre plurielle composée d’infirmiers mais aussi d’autres professionnels de santé. Les auteurs concluent que ce n’est pas la substitution des tâches en tant que telle qui semble apparaître comme le nouveau modèle d’offre de soins primaires mais plutôt l’émergence de nouvelles tâches attribuées aux infirmiers dans le cadre d’une nouvelle organisation collective des soins. Dans ce domaine, les travaux de Hartmann et al. (2006a) soulignent également l’adoption de ce modèle d’organisation des soins au Royaume-Uni et en Suède, qui consiste à recourir à des infirmiers en toute première ligne pour effectuer un triage des patients.

42 Dans l’hypothèse où cette diversification de l’offre médicale est possible en France dans un proche futur, elle ne sera optimale que si les effectifs d’infirmiers sont suffisants d’une part et si leur répartition est équitable d’autre part. La croissance du nombre d’infirmiers a été particulièrement marquée entre 2000 et 2005 (supérieure à 3 % chaque année), notamment en raison du relèvement du numerus clausus qui a doublé entre 1980 et 2004 (Sicart, 2006). Cependant, seuls 12 % des infirmiers exercent dans le secteur libéral [18] et les densités régionales, particulièrement disparates elles aussi, varient de 1 à 5 (43 pour 100 000 habitants en Île-de-France contre 186 en Languedoc-Roussillon) [19].
L’ONDPS (2006a) souligne ainsi l’obligation de reconsidérer un modèle français de partage des activités tenant compte de l’interdépendance des exercices professionnels, non seulement sous la pression des contraintes démographiques mais également en raison de l’évolution des exigences des jeunes médecins. Afin d’étudier les modalités d’une coopération plus étroite entre professions de santé, cinq expérimentations ont été lancées au cours des derniers mois, qui ont livré des premiers résultats probants en termes de faisabilité (ONDPS, 2006b).

Conclusion

43 L’évolution de la médecine de ville en France suscite des débats au sein de la profession, comme en témoignent les négociations autour de la convention médicale ou de la mise en œuvre de la réforme du médecin traitant, rapprochant ainsi le modèle français du modèle européen du gate-keeper.

44 Cette dichotomie entre l’émergence du rôle déterminant du médecin généraliste et les tensions qui reposent sur la profession semble remettre en question le bien-fondé du maintien des principes d’exclusivité de paiement à l’acte et de liberté d’installation des médecins, derniers principes fondateurs de la médecine libérale qui n’aient pas été abandonnés.

45 Le mode de rémunération unique à l’acte génère des comportements inflationnistes. Les dépenses prescrites par les médecins de ville ont connu jusqu’à récemment une croissance sans précédent, notamment en matière de médicaments, ce qui reste sans doute le pendant d’une organisation « à guichet ouvert ». Face à ces nouveaux enjeux, les politiques de régulation du secteur libéral de la médecine consistent à la fois à renforcer les incitations conventionnelles au respect des accords passés entre caisses d’assurance maladie et médecins et à encourager l’émergence des nouvelles formes d’organisation des soins susceptibles de mieux répondre à la demande de soins. C’est ainsi que l’on observe progressivement l’institution de transferts monétaires pour les médecins en plus du paiement à l’acte, prenant la forme d’intéressements ou de paiements forfaitaires : il s’agit sans doute d’un premier pas vers la mise en place de paiements mixtes pour rémunérer les médecins. Il est probable qu’à terme le système français se rapprochera du modèle dominant européen, puisque la convention actuelle prévoit la possibilité de paiements forfaitaires.

46 Par ailleurs et alors même que la médecine de ville constitue bien souvent le premier interlocuteur du système de soins, l’accès au généraliste dans certaines zones (campagne, banlieue) ou à certaines heures (nuit et week-end), à certains spécialistes dans certaines régions par manque d’effectifs (liste d’attente) ou pour des raisons financières (prédominance de médecins en secteur 2 à honoraires libres) est inégal sur le territoire français. Le modèle d’offre est contraint de se diversifier faisant appel à d’autres professions pour partager ou déléguer certaines activités. En outre, au-delà des aides fiscales, les incitations à s’installer dans les zones sous-médicalisées devront porter sur les aménagements du travail (pour une meilleure conciliation vies privées et professionnelle), une aide au logement, aux études, au remplacement des médecins, à l’exercice regroupé pour répondre aux nouvelles aspirations du corps médical.

47 De cette capacité à évoluer et à s’adapter dépend la réussite du modèle de la médecine libérale à l’aube d’un retournement démographique important qui conduira d’ici à 2025 à une baisse de 10 % des effectifs de médecins.

Notes

  • [*]
    Thomas Barnay : maître de conférences en sciences économiques, Erudite, université Paris XII Val-de-Marne.
    Laurence Hartmann : maître de conférences en sciences économiques, université de Lille 2, Institut d’économie publique (IDEP).
    Philippe Ulmann : directeur de la Politique de santé et de gestion du risque, Régime social des indépendants et maître de conférences au Conservatoire national des arts et métiers.
  • [1]
    En effet, les travaux menés par l’ONDPS (2006a) relèvent trois principaux problèmes affectant actuellement l’exercice de la médecine en France : un problème de renouvellement de la médecine générale, en raison d’une faible attractivité, qui se traduit par une désaffection importante avec 40 % des postes non pourvus ; un problème probable de renouvellement des médecins exerçant en secteur libéral, les projections « toutes choses égales par ailleurs » laissant supposer une baisse de 17 % des effectifs dans ce secteur d’ici à 2025 (tandis que cette baisse serait de l’ordre de 10 % pour l’ensemble des médecins et de 8 % dans le secteur salarié non hospitalier) ; une fragilisation de certaines spécialités (notamment la psychiatrie, l’oncologie radiothérapique et la stomatologie).
  • [2]
    Certains cas permettent néanmoins d’éviter le recours au gate keeper en premier recours ; il s’agit de situations d’urgence, d’éloignement géographique ou de visites de certains spécialistes pour des cas particuliers (accès direct autorisé) : par exemple, les gynécologues (contraception, suivi de grossesse, dépistages périodiques, IVG), et les ophtalmologues (prescription et renouvellement de lunettes, dépistage et suivi du glaucome) ou encore les pédiatres et les psychiatres.
  • [3]
    L’exercice en groupe consiste à mettre en commun des moyens sous des formes juridiques qui peuvent être variées : la société civile de moyens (SCM), qui représente environ 70 % des groupes auxquels appartiennent des omnipraticiens, la société de fait (SDF), la société civile professionnelle (SCP), la société d’exercice libéral (SE) et la convention d’exercice conjoint.
  • [4]
    Selon la Drees (Billaut, 2006), les spécialités les plus plébiscitées sont les spécialités médicales puis la pédiatrie, l’anesthésie-réanimation, la biologie médicale, la gynécologie-obstétrique et les spécialités chirurgicales. La santé publique, la médecine du travail et la médecine générale ne sont généralement qu’un second choix. En outre, la médecine générale ne représente que 37 % de l’ensemble des affectations.
  • [5]
    En effet, la plupart des systèmes de santé voisins combinent modes rétrospectif et prospectif de paiement (de type salariat ou capitation – forfait par patient inscrit auprès d’un médecin –), ainsi que d’autres transferts monétaires (subventionnement des charges, intéressement aux résultats…).
  • [6]
    Actuellement, c’est la convention conclue entre l’UNCAM et les représentations professionnelles des médecins libéraux et publiée au Journal officiel du 11 février 2005 et ses avenants qui définissent les droits et devoirs des médecins libéraux exerçant dans le secteur conventionnel.
  • [7]
    Pour la majorité des praticiens libéraux (ceux du « secteur 1 »), le paiement à l’acte est un tarif conventionnel qui ne correspond donc plus à une libre entente entre médecins et patients comme le prévoyait la charte de la médecine libérale. En effet, plus des trois quarts des médecins pratiquent en secteur 1 (91 % des généralistes et 62 % de spécialistes) et appliquent donc les tarifs conventionnels (avec pour certains un droit au dépassement) pris en charge à 70 % par l’assurance maladie (21 euros pour les généralistes et 28 euros désormais pour les spécialistes dans le cas général).
  • [8]
    On trouvera quelques éléments d’information sur ce sujet dans Hartmann et al. (2006a).
  • [9]
    Pour une revue de la littérature, voir par exemple Chalkley et Malcomsom (2001).
  • [10]
    Ces instruments quantitatifs de « maîtrise médicalisée des dépenses » ont été adoptés en 1994 par le biais d’un Objectif prévisionnel d’évolution des honoraires et des prescriptions – enveloppe qui reste encore indicative – ; puis les ordonnances de 1996 instituent l’enveloppe globale fermée ou Objectif prévisionnel d’évolution des dépenses médicales (OPEDM). Ces procédures de mise à contribution financière des médecins en cas de dépassement de l’objectif n’ont pas abouti et l’Objectif de dépenses déléguées introduit par la LFSS 2000 a finalement été abandonné en 2003.
  • [11]
    Ces dispositifs sont conçus par les caisses nationales d’assurance maladie par le biais de l’UNCAM et appliqués par les échelons locaux, notamment depuis le renforcement de leur responsabilité en matière de régulation des dépenses prévu par la loi du 13 août 2004.
  • [12]
    À l’heure actuelle, seul un paiement forfaitaire annuel pour le suivi d’un patient en affection de longue durée a été institué pour rémunérer le médecin traitant.
  • [13]
    Pour plus d’informations, voir CNOM (2006).
  • [14]
    Généralistes et spécialistes confondus en activité régulière (calculs des auteurs à partir des données du CNOM).
  • [15]
    Pour plus de détails, cf. Bessière et al. (2004a). Concernant la situation des régions, voir également l’Études et Résultats (2004b) n° 353 de la Drees des mêmes auteurs.
  • [16]
    Voir par exemple Hartmann et al. (2006b).
  • [17]
    Pour certaines spécialités médicales des soins primaires, le partage ou la délégation de tâches peut évidemment concerner d’autres types d’auxiliaires médicaux (orthoptistes, etc.).
  • [18]
    Chiffres : ADELI, ministère de la Santé, 2004.
  • [19]
    SNIR-Eco Santé régions et départements 2004, Éco-santé, IRDES.
Français

Résumé

L’objectif d’efficience du système de soins et la nécessité de réagir face à une offre de soins médicaux localement déficitaire (objectif d’équité) conduisent le modèle initial de la médecine de ville à évoluer. La mise en place d’un gate keeper, la concentration de l’activité et les expérimentations du partage des tâches participent à ce mouvement et marquent l’avènement d’un nouveau modèle de médecine ambulatoire, remettant ainsi peu à peu en question les principes de la charte de la médecine libérale. Malgré cette tendance forte, certaines règles de l’ancien modèle perdurent avec le maintien quasi exclusif du paiement à l’acte et la liberté d’installation des médecins notamment. À partir de la réforme du médecin traitant, cette contribution vise à analyser cette transformation, les enjeux qu’elle souligne mais aussi les contradictions qui l’accompagnent. L’impact de cette réforme sur les nouvelles formes d’organisation, les outils de régulation et les disparités territoriales d’offre de soins médicaux est analysé au regard des dernières données démographiques disponibles.

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Thomas Barnay
Maître de conférences en sciences économiques (Erudite, université Paris XII Val-de-Marne) et chercheur associé à la Direction des recherches sur le vieillissement de la CNAV.
Laurence Hartmann
Maître de conférences en sciences économiques à l’université de Lille 2, Service d’épidémiologie et de santé publique et Institut d’économie publique (IDEP).
Philippe Ulmann [*]
Directeur de la Politique de la santé et de gestion du risque (Régime social des indépendants) et maître de conférences au Conservatoire national des arts et métiers en détachement.
  • [*]
    Thomas Barnay : maître de conférences en sciences économiques, Erudite, université Paris XII Val-de-Marne.
    Laurence Hartmann : maître de conférences en sciences économiques, université de Lille 2, Institut d’économie publique (IDEP).
    Philippe Ulmann : directeur de la Politique de santé et de gestion du risque, Régime social des indépendants et maître de conférences au Conservatoire national des arts et métiers.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/rfas.071.0109
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