CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1En tant qu’historienne des XIXe et premier XXe siècles, je n’avais guère fréquenté la Revue française des Affaires sociales jusqu’à présent. En dépit de l’ampleur du travail, je me suis prise au jeu et glissé avec plaisir dans l’habit du lecteur lambda, désireux, à travers cette revue, d’appréhender les politiques françaises de l’enfance, mais aussi, au-delà, les réactions de la société française face aux bouleversements enregistrés par les modes de vie familiaux, la raréfaction de l’enfant, l’enrichissement général des Trente Glorieuses, mais aussi la crise persistante des trente dernières années. Le volume même des pages consacrées par la revue à ce thème ne pouvait que combler de grands pans de ma curiosité. J’essaie donc ici à la fois de retrouver les grandes lignes des politiques sociales en faveur de l’enfance, mais aussi, bien sûr, la manière dont la revue en a rendu compte. L’aide sociale à l’enfance n’en est qu’un des volets.

2En fait, la tâche, quoique lourde, s’est montrée plus légère que prévue. Certes j’avais affaire à près de 7 % des 2 342 articles répertoriés, mais un certain nombre d’entre eux faisait double emploi, d’un fichier à l’autre : douze articles, sur les vingt-deux, du numéro hors série « Pères et paternité dans la France et l’Europe d’aujourd’hui » (1988) par exemple, se retrouvaient dans les deux fichiers « famille » et « enfance ». Il n’en reste pas moins qu’avec une bonne centaine d’articles, la matière est très dense. L’analyse statistique rapide permet toutefois de constater ce que d’autres auteurs de ce numéro soulignent aussi la rupture entre la Revue française du Travail (RFT) et la Revue française des Affaires sociales (RFAS). 1965 constitue une date charnière indiscutable : pauvreté du nombre d’articles en deçà, foisonnement au-delà. 90 % des articles sur l’enfance ont été publiés après 1964, et la quasi-totalité de ceux qui concernent la famille (81 sur 82 !). À partir de 1981 on observe une multiplication du nombre des articles, qui ne se dément plus, même avec les changements de couleurs des gouvernements. Respectivement 88 % et 62 % des articles sur la famille et sur l’enfance ont été publiés depuis 1981. La revue est donc très riche pour les vingt-cinq dernières années et révèle l’intérêt que les pouvoirs publics accordent désormais à des problèmes qui pendant longtemps semblaient peu dignes de la grande politique. Trois périodes peuvent donc être dégagées, qui structurent ce survol, et correspondent à trois niveaux différents d’investissement de la revue sur ces thèmes.

Le regard marginal de la Revue française du Travail (1946-1966) sur l’enfance

3On ne s’étonne guère du silence relatif de la première revue sur le thème de l’aide sociale à l’enfance : son origine ne lui conférait aucune légitimité particulière pour la question. Toutefois par le biais de la mise en place de la Sécurité sociale, qui relevait du ministère de Travail, et incluait les allocations familiales, la revue a eu quelques motifs d’intervention.

L’appui à la Sécurité sociale dans sa protection de l’enfance

4L’occasion de donner une place à l’enfance apparaît dès la première année. En 1946 deux pages, claires, convaincantes, consacrées à « L’action de la Sécurité sociale et les colonies de vacances », rapportent les instructions envoyées par le ministère du Travail aux caisses de Sécurité sociale, les encourageant à ouvrir des aériums, des colonies sanitaires, et à assimiler certaines colonies aux colonies sanitaires pour élargir les offres de prise en charge des enfants (Anonyme, 1946a). Une circulaire encourage également les caisses d’allocations familiales (CAF) à organiser des colonies de vacances l’été suivant, au-delà des 31 d’entre elles qui sont déjà propriétaires d’établissements. Les impératifs sanitaires de la Reconstruction sont rappelés : « Le séjour en colonies de vacances s’imposant actuellement pour tous les enfants en raison de leur état de santé déficient, le ministre du Travail s’est préoccupé d’en étendre le bénéfice au plus grand nombre ». En dehors de cet article, deux autres seulement sont consacrés à ce que l’on n’appelle pas encore la petite enfance. Celui que consacrent les président et directeur de la section maternelle de l’Office public d’hygiène de Meurtheet-Moselle (Parisot, Vermelin, 1946) à « L’organisation de la protection maternelle en Meurthe-et-Moselle », se déclare favorable à l’intégration des sages-femmes dans l’œuvre sociale. L’autre, « Les crèches scolaires en Grande-Bretagne » (Anonyme, 1946b), apporte un air venu de l’étranger en résumant pour la rubrique « l’activité sociale à l’étranger » un article du Journal of the Royal Institute of Public health and Hygien, qui brosse un historique et un tableau précis des réalités du moment, insistant sur la valeur d’un placement de tous les enfants quelques heures par jour dans ces structures qui leur éviteront ainsi d’être « bornés et sans vitalité ». Les colonies sanitaires mobilisent encore une fois l’attention, en 1947.

5Rien en 1948 mais l’année 1949 est plus riche avec un article sur « La caisse primaire de Sécurité sociale de la région parisienne et la protection maternelle et infantile » et celui, du fondateur et directeur général de la Sécurité sociale, Pierre Laroque, « L’effort de la sécurité sociale en faveur de la mère et de l’enfant » (Laroque, 1949). La revue ouvre donc ses colonnes au plus compétent et au plus militant sur ces questions, sans précipitation, les ordonnances fondant la Sécurité sociale ont alors quatre ans.
La Sécurité sociale comportant un volet de politique familiale, la revue se fait aussi le porte-parole d’un des mouvements militants les plus actifs en sa faveur, l’UNAF (Union nationale des associations familiales).

Le relais du mouvement familial

6Dans une France républicaine qui privilégie l’individu, la famille n’a guère sa place. Mais les impératifs de la Reconstruction, l’influence du MRP encouragent la poursuite des interventions en sa faveur, amorcée à la fin des années trente dans une optique nataliste. La RFT reflète cet esprit et publie en 1951 une partie des résultats de la grande enquête diligentée par l’UNAF, et analysée par son directeur, qu’elle intitule « Les obstacles que rencontre la famille ouvrière dans le développement de sa vie propre » (UNAF, 1951). L’article qui comporte 14 pages est un des gros articles de la revue. Même s’il résulte d’une enquête menée pendant un an par l’UNAF, le résumé qui en est présenté est une analyse qui reflète non des faits précis mais des points de vue. L’UNAF rappelle : « Nous n’avons pas voulu prendre position pour tel ou tel type d’organisation de la société […] nous n’avons pas à mélanger le plan politique avec le plan familial. Ce que demande l’UNAF c’est qu’une société soit construite en fonction de la réalité que représente la famille, et réponde aux exigences particulières de toutes les catégories de famille ». Le texte brillant, militant, ne concerne qu’indirectement l’enfant. Certes, dans la mesure où la situation de la famille sera prise en compte (« la répartition des richesses doit s’effectuer au prorata des besoins »), le sort de l’enfant s’améliorera, mais la perspective nataliste est essentielle. Il faut « que l’enfant ne soit pas l’inaccessible article de luxe : cela les familles ouvrières l’ont trop longtemps enduré ». Trop longtemps, pour les ouvriers, « la famille restait encore à leurs yeux le privilège d’une classe, voire d’une confession ». Ils pensaient que la famille n’était encouragée que pour fabriquer futurs soldats et futurs travailleurs. L’UNAF demande, entre autres, une prise en considération du logement, susceptible de créer un capital social. Une politique favorable aux familles, et donc aux enfants, serait efficace pour prévenir la délinquance et l’inadaptation. L’article milite pour la reconnaissance sociale de l’individu en famille et non seulement de l’individu abstrait, coupé de son environnement affectif et quotidien.

7Au-delà de 1951, silence sur l’enfant et sa famille, silence aussi sur l’enfant hors de sa famille, totalement absent de cette première période. Certes, il ne faudrait pas chercher dans cette revue ce qui n’a pas vocation à s’y trouver : le mouvement foisonnant de structures spécialisées ou le remaniement de la prise en charge de l’enfance délinquante par la mise en place de l’Éducation surveillée, contemporaine de la Sécurité sociale et, comme elle, largement issue de la Résistance. Ainsi ces années fastes de la revue, comme les a qualifiées son secrétaire général, Albert Ziegler, en 1986, restent pour le chapitre qui nous intéresse, bien faibles. Si la revue s’intéresse à la protection de la santé de l’enfant, elle n’y attache d’intérêt que dans la perspective du rétablissement d’un capital humain très affaibli par les années de guerre.
Notons encore qu’en dépit de la nouvelle formule de la revue qui devient Revue française des Affaires sociales en 1967, celle-ci reste muette sur l’enfance et les politiques à son égard jusqu’aux années 1970. Vingt ans de silence donc, des années 1950 aux années 1970, à l’exception d’un article de démographie (Leca, 1959) qui analyse les conséquences du baby-boom (sans jamais utiliser ce vocabulaire). Ce n’est donc finalement qu’au cours des années 1970, et plus encore au cours des décennies suivantes, ainsi que nous l’avons déjà dit en introduction, que la revue change de fond en comble, révélant que peu à peu enfant et famille deviennent parties intégrantes des politiques sociales.

Les années 1970 : l’accompagnement des nouvelles législations de protection de l’enfance

8Trois thèmes occupent la quasi-totalité de l’espace éditorial consacré à l’enfance dans les années 1970, la réforme de l’aide sociale à l’enfance, l’arrivée des enfants de l’immigration et surtout l’intégration de l’enfant handicapé.

La réforme de l’aide sociale à l’enfance

9L’aide sociale à l’enfance (ASE) ne mobilise les colonnes de la revue que relativement tard, longtemps après la mise en place des grandes ordonnances la rénovant (1956) et longtemps après la transformation de la revue. Le premier article de la RFAS consacré à ce service date de 1971. Il est dû à François Charles (Charles, 1971), dont les qualités ne sont pas mentionnées, mais qui semble bien être administrateur civil. Il en brosse un rapide historique, depuis ses origines en 1804 (service des enfants assistés), son changement de nom en 1943, et rappelle que « depuis Henri Monod », il n’a eu qu’une grande idée, prévenir l’abandon. Constatant la diminution du nombre des enfants abandonnés en partie grâce à la politique de prévention judiciaire de 1958 et 1959, dont on entend parler ici pour la première fois, son article est en fait un plaidoyer pour une « véritable doctrine du placement ». Il ne faut plus gommer les liens avec la famille naturelle du fait, écrit l’auteur, d’une « meilleure connaissance des exigences psychosociales ». Il propose des dispositions (formation des nourrices, salaire équivalent au SMIC pour trois enfants accueillis, etc.) qu’il examine essentiellement dans l’optique d’accroître le nombre d’enfants adoptables, et de « prévenir les incidents encore trop fréquents dans le domaine de l’enfant et apporter la quiétude aux familles adoptives ». Par cet article, le lecteur de la revue voit évoquer pour la première fois l’idée de l’intérêt de l’enfant. Il voit poindre aussi la réflexion sur l’adoption et avancer la définition d’un statut des assistantes maternelles, devenues telles par la loi du 17 mai 1977. Rappelons que le rapport Dupont-Fauville sur les services de l’aide sociale à l’enfance est de la même année. Il est vrai qu’il ne donna lieu à aucun texte législatif ou réglementaire (Thévenet, 1988). Il fournit toutefois « une définition d’une politique de prévention reposant sur des actions visant à éviter la rupture des liens parents-enfants et à favoriser le retour rapide dans le milieu familial, lorsque la prise en charge physique apparaissait inévitable [1] » qui est annoncé dans l’article de François Charles.

10Quatre ans plus tard, la revue publie un article qui introduit du recul par rapport à la politique française, et qui ouvre l’horizon sur une partie de l’espace européen. Le placement familial est encore évoqué mais cette fois dans un cadre élargi à trois pays proches, la Belgique, la Suède et l’Angleterre, ce qui permet de remettre en cause les certitudes les mieux établies dans chacun des pays étudiés. L’article est dû à « Miss Hazel », auteur d’un exposé présenté à l’Institut interuniversitaire de l’action sociale de Marcinelle en Belgique (Hazel, 1975). Elle insiste sur la diversité des choix de placement opérés dans chacun de ces pays, le « tout famille » en Suède, le « tout internat » en Angleterre, choix indépendants du statut de l’enfant, « cas social » ou « délinquant ». Elle encourage surtout à mener des recherches et à s’interroger : « jusqu’à quel point avons-nous des connaissances précises ? ». Ses conclusions, présentées sous la forme de ses recommandations personnelles pour la Belgique et l’Angleterre, soulignent les difficultés de la tâche. Pour les enfants petits, il ne fait aucun doute que la famille d’accueil s’impose, car pour eux si la vie en institution présente une plus grande sécurité sanitaire, elle se révèle dangereuse pour leur progression langagière. Elle se révèle aussi très coûteuse, exigeant des investissements financiers tels qu’aucun pays jamais n’y pourra consentir. Mademoiselle Hazel rappelle que pour un enfant inadapté, des recherches ont montré que « les institutions et les familles ont à peu près le même succès – ou plutôt manque de succès – dans leurs efforts pour améliorer la situation ». Avec cet article apparaît pour la première fois un doute méthodique propre à relativiser les choix de l’aide sociale à l’enfance à la française.

11La revue ne cache pas le flou dans lequel est condamnée à s’inscrire la réflexion. Les réalités du placement restent mal connues. Deux auteurs, probablement des fonctionnaires, (la revue est alors chiche d’indications sur les auteurs), Thibault Lambert et Jacqueline Doneddu, en proposent un tableau pour l’année 1973, tiré de l’enquête annuelle périodique et de l’enquête spécifique sur les jeunes majeurs, lancée au lendemain de l’abaissement de l’âge de la majorité (Lambert et Doneddu, 1976). En dépit du caractère incertain des données statistiques, variables selon les départements, ils établissent que les orphelins ne représentent plus que le quart des pupilles, que près d’un quart sont désormais les enfants de parents ayant été déchus de leur puissance paternelle et que 90 % des enfants dits « en garde » sont des enfants en danger. Sont analysés les types d’accueil, le rôle croissant des maisons d’enfants à caractère social, au détriment des placements en famille et en foyers de l’enfance. Les auteurs concluent que la prévention sociale est faible comparée à la protection judiciaire (jamais étudiée dans la revue), les juges plaçant autant hors aide sociale qu’à l’ASE. L’article est très critique sur les résultats obtenus par l’ASE : ses établissements se caractérisent par une relative inoccupation, le niveau scolaire et professionnel des pupilles et assimilés est faible, et pourtant les dépenses se sont accrues deux fois plus vite que les populations, entre 1961 et 1973. Ainsi, bien avant les critiques virulentes des années 1980 (notamment Aisha, 1980 ; Lani, 1984), l’administration prend conscience des insuffisances de l’ASE.

12Avec l’article de Claude Ameline et Pierre Verdier, (Ameline et Verdier, 1977), paraît la première synthèse claire, nette et structurée sur l’aide sociale à l’enfance. Les thèmes annoncent ceux qui seront repris l’année suivante dans L’enfant en miettes, de Pierre Verdier, devenu depuis le grand spécialiste – et militant – de cette question avec, entre autres, cet ouvrage appelé à un grand succès, puisque la quatrième et (dernière ?) édition est toute récente (Verdier, 2004). L’article commence par une définition de l’aide sociale à l’enfance, « ensemble des moyens financés et organisés par la collectivité publique pour permettre que les besoins essentiels des enfants soient satisfaits dans la mesure où leur famille et les autres institutions n’y suffisent pas ». Les auteurs brossent une synthèse qui résume les origines du système, rappelle qu’un décret du 24 janvier 1956 a réuni les principaux textes concernant l’aide sociale à l’enfance dans le Code de la famille et lui a donné le nom d’aide sociale, (notons le désaccord avec François Charles sur ce point). La présentation est synthétique et statistique (100 000 enfants placés en famille d’accueil, 70 000 en internat dont 23 000 en maison d’enfants à caractère social (MCS) pour un budget de 5 milliards de francs en 1976, dont les internats épuisent les 58 %). Comme leurs prédécesseurs, les auteurs s’interrogent particulièrement sur la place et la formation des familles d’accueil dont ils soulignent combien la tâche est délicate, surtout depuis que les nouveaux textes leur imposent des contraintes nouvelles en tenant compte des familles naturelles. L’article suggère d’améliorer le choix des familles, de rechercher la collaboration du mari et des enfants, de mettre en place un plan de formation des familles d’accueil dans leur tâche éducative. On sait que le statut des assistantes maternelles est du 17 mai de cette année-là, 1977. Publié en janvier, cet article mettait en valeur les enjeux éducatifs de la nouvelle loi sans toutefois jamais annoncer qu’elle se préparait. Mais on voit émerger dans l’administration une attention renouvelée à des enfants gérés par la routine depuis des décennies.

13C’est ce même regard renouvelé sur la fonction de l’ASE que réclame l’article de Francine de La Gorce sur « L’enfant du Quart Monde » (Gorce, 1979). Le mouvement Aide à Toute Détresse, au nom duquel elle s’exprime, a alors quelque vingt ans d’existence. Présidé par Geneviève de Gaulle Anthonioz depuis 1964, (il s’appelle ATD-Quart Monde depuis 1968), il est alors sur la voie de la reconnaissance : Joseph Wresinski est nommé la même année 1979 au Conseil économique et social. L’auteur est une des premières militantes à être accueillie par la revue. Elle se félicite de la loi de novembre 1974 sur les centres d’hébergement et de promotion familiale et sociale, qui rompt avec l’ignorance de la pauvreté qui était celle du pays, selon elle, vingt ans plus tôt. Elle indique que 600 000 enfants de moins de 12 ans appartiennent au Quart Monde. Elle rappelle que lors du Congrès international d’ATD, les familles ont réclamé le droit d’élever leurs enfants et la garantie d’un logement décent leur permettant une vie de famille. Une note de l’article précise qu’il a été rédigé « avant le Conseil des ministres du 28 mars définissant les orientations nouvelles de l’ASE qui laissent espérer une réelle volonté de mettre en place une telle politique dans un avenir prochain ». Les conclusions de cet article qui présente les objectifs généraux du mouvement remettent en cause l’esprit de l’ASE : « La volonté de supprimer la misère rallie tous les suffrages : croire que les personnes qui en sont victimes sont capables de s’en sortir est moins courant. Pourtant c’est sur cette conviction que repose un vrai changement de politique sociale : oser remplacer les retraits d’enfants, les hospitalisations répétées par un renforcement de l’aide à domicile suppose une confiance dans les capacités de la famille, si démunie soit-elle ».
Jamais au cours de ces années-là, la revue n’est revenue sur l’aide sociale à l’enfance, elle a préparé la réforme, mais ne l’a pas commentée. Le rapport Bianco-Lamy en 1980, qui a eu un grand écho dans les milieux professionnels, est passé sous silence. Le placement familial n’est plus l’objet d’attention… jusqu’à la fin des années 1990, où la sociologie est requise à son sujet (comme dans beaucoup d’autres domaines, comme nous le verrons plus loin). Un article de chercheurs (Bonte, Cohen-Scali, 1999), du Centre d’études et de recherches sur les qualifications s’interroge sur le type de savoir mobilisé par les intervenants, travailleurs sociaux, juges et assistantes maternelles : savoir scientifique, savoir professionnel ou savoir de sens commun ? Il conclut sur le constat d’une hostilité générale des professionnels envers l’internat, héritier des courants des années 1970 et sur l’absence de critères communs.
Dans l’univers de la protection de l’enfance, l’ASE ne constitue plus qu’une des interventions possibles. Les mutations de la société française renvoient à d’autres priorités et à d’autres problèmes sociaux et en particulier à celui de l’arrivée massive des étrangers, dont on commence à beaucoup parler en France au lendemain de 1968 (cf. notamment Noirel, 1988).

Les enfants de l’immigration

14Avec l’article de Robert Jampy, administrateur civil au ministère de la Santé, sur « L’action sociale en faveur des familles de migrants et de leurs enfants » (Jampy, 1974), la revue s’ouvre au thème de l’immigration, au moment où celle-ci devient sensible dans la société française. En effet, entre le recensement de 1962 et celui de 1975 la population étrangère recensée en France s’est accrue de 60 % et de 1 300 000 personnes (Dupâquier, 1995). Partant du constat que si l’immigration des travailleurs stagne depuis dix ans, celle des femmes et des enfants s’est accrue pendant la même période, en raison du regroupement familial, l’article montre, tableaux et graphiques à l’appui, que les familles étrangères encombrent les services de l’aide sociale (exemple des Hauts-de-Seine de 1970 à 1973) et que leurs enfants sont surreprésentés dans tous les services d’hospitalisation de la région parisienne et de Lyon. Il tente de donner « un taux de risque » selon l’origine. Il s’interroge sur une sélection à l’entrée sur le territoire français et sur les mesures à prendre qui « ne seraient pas appliquées au détriment de l’immigré mais auraient au contraire pour objectif essentiel de ne pas “piéger” certains d’entre eux dans une société trop différente de la leur où ils deviennent progressivement des victimes. S’il est acceptable et souvent souhaitable de supprimer les obstacles séparant les races, on peut par contre se demander s’il est bon de mélanger, sans préparation, les siècles ».

15L’année suivante, un article dû à Emma Morin, conseillère au ministère des Affaires étrangères italien (Morin, 1975), reflète la réflexion menée à l’échelle européenne sur les enfants d’immigrés. Tiré de la conférence permanente des ministres européens de l’Éducation et plus particulièrement de la conférence ad hoc sur l’éducation des migrants qui s’est tenue à Strasbourg, il part du principe, qu’en matière d’immigration, la famille n’a jamais été l’angle d’attaque, que l’immigrant seul est pris en compte, et que l’on ne se s’attarde que sur les problèmes posés par les familles et non sur les problèmes posés aux familles. Préparer les femmes en tant qu’épouses et mères à s’insérer dans le pays d’accueil « ne semble pas intéresser les organismes responsables ». Or c’est bien cette tâche éducative qui doit être entreprise, et complétée par l’école, et qui ne pourra l’être qu’après des études précises. C’est en « considérant [les familles] dans leur variété que l’on pourra réussir à dégager un minimum de traitement social ». D’où l’appel que lance l’auteur, à partir de l’exemple de plusieurs pays européens, à mener des recherches systématiques sur la situation des familles, en particulier par l’étude de cas (case studies) qui pourrait fournir des suggestions aux politiques.

16Un immense terrain de recherche et de pensée est ainsi ouvert aux chercheurs, la revue rend compte des premiers résultats des travaux trois ans plus tard, en 1978, dans un numéro spécial : « Les migrations externes. Approches diverses de quelques aspects significatifs du fait migratoire en France », annonçant à ses lecteurs que le numéro a la volonté de rattraper le retard. Il est proposé à la demande de la Mission recherche et documentation de la direction de la Population et des Migrations. Dans ce numéro, un article est consacré aux problèmes des enfants de l’immigration. Jacques Courbin met en évidence les difficultés scolaires des 950 000 enfants d’immigrés, dont le tiers se retrouvent en collège technique, 20 % quittent le système scolaire à 16 ans sans savoir lire, 60 % sont en échec partiel, victimes de grandes difficultés en orthographe et en expression écrite, 20 % seulement accédant à l’enseignement supérieur (Courbin, 1978). Il souligne en conclusion combien ces données doivent être prises au sérieux dans la mesure où il faut cesser de considérer l’immigration comme une seule force d’appoint à l’économie nationale.

L’intégration de l’enfant handicapé

17L’intégration du ministère de la Santé publique et de la Population dans le ministère des Affaires sociales en 1966 accompagne un abord médicalisé des problèmes de l’enfance. Par ailleurs, la société française s’ouvre aux problèmes des handicapés, ainsi qu’en témoigne, par exemple, la publication du numéro spécial sur ce thème de la revue Esprit en novembre 1965.

18L’inadaptation apparaît pour la première fois dans la revue en 1969, avec un auteur déjà rencontré, François Charles, dont est publié le résumé de la conférence qu’il avait faite à la demande de l’École nationale de santé publique pour la formation des directeurs d’établissements. Il commence par l’évocation du rapport Bloch-Lainé [2] qui a révélé au public les véritables dimensions du problème et le constat que depuis un quart de siècle « l’opinion publique a pris désormais conscience du problème de l’inadaptation et de la réadaptation » (Charles, 1969). L’article annonce les grandes lignes du VIe Plan, dépistage précoce, prévention, réadaptation et rappelle combien le ministère des Affaires sociales va se trouver au cœur des missions de coordination (des centres de recherches, centres médico-psychopédagogiques, services de rééducation en milieu ouvert, ateliers protégés, CAT, foyers, instituts médico-pédagogiques semi-internats, externats et centres de rééducation). Il rappelle que le principe même de la réadaptation a été posé par la création en 1966, au sein du ministère des Affaires sociales, de la sous-direction de la réadaptation. Les directeurs d’établissement ont désormais la plénitude de responsabilité de la direction (gestionnaire, éducative et morale). Le statut est en attente et ne pourra venir qu’après la délivrance du diplôme d’État d’éducateur (en 1970). L’article annonce clairement les mutations à l’œuvre en haut lieu.

19La revue donne ensuite la parole à Geneviève Massé, professeur à l’École nationale de santé publique (à Rennes depuis 1962) pour un article, centré sur la rationalité gestionnaire, portant sur « Les registres de risques et de l’enfance handicapée en Grande-Bretagne : applications possibles en France » (Massé, 1970). On y apprend que les Écossais sont en avance en matière de statistiques de santé, en particulier dans la ville de Glasgow, et que leur exemple pourrait être suivi en France. L’article est publié au moment même de la mise en place de la section « Enfance » dans les directions départementales de l’action sanitaire et sociale (DDASS).

20Pour la première fois concernant ce thème, la revue s’ouvre à une initiative des Nations unies. Elle publie les conclusions d’un séminaire sur l’intégration des enfants et adolescents handicapés mentaux tenu à Huvinkaa (Finlande) en 1976, donc au lendemain de la loi d’orientation sur le handicap de 1975 (Anonyme, 1977). L’enrichissement général « semble s’accompagner d’une régression de l’intégration des handicapés en général et des handicapés mentaux plus particulièrement ». Les conclusions de ce séminaire se font en faveur de l’intégration. L’enfant n’a pas à être isolé de son devenir d’adulte. Les spécialistes seront réduits à poser le diagnostic et à se charger des handicapés les plus lourds. Les autres doivent partager la vie de tous. « L’État doit planifier, financer, contrôler », tout en conservant « la stimulation créative que constitue l’initiative privée ». « Tous les participants semblent réclamer une plus grande autonomie régionale ou locale pour la mise en pratique de l’intégration sociale, en fonction des réalités historiques, culturelles et économiques d’un environnement donné ». Tous ont souhaité l’adoption d’une terminologie internationale et si l’étiquetage de l’individu handicapé mental a été tout au long du séminaire violemment critiqué, la nécessité d’une classification a dû être acceptée.

21Il faut noter que la RFAS n’a jamais eu à présenter les CREAI (centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptées) qui ont succédé aux sauvegardes. Certes, leur mise en place en 1964 était contemporaine de la RFT, mais par la suite le sujet est resté inconnu des lecteurs.

22D’autres articles sont plus techniques. Françoise Dutreil, de la direction générale de la santé, aborde le « Fonctionnement des services de pédiatrie et de prématurés des hôpitaux publics », et s’interroge sur le développement de la médecine préventive (Dutreil, 1974). Accentuera-t-elle la perte de vitesse de ces services ou le progrès de la médecine va-t-il maintenir une activité à peu près stable ? D’autres encore se penchent sur les élèves ayant des troubles auditifs (Cornet, 1976) ou sur les internats (Sibileau, 1975).

23S’il n’y a pas de commentaire du texte de la loi d’orientation en faveur des handicapés, sa mise en place fait ultérieurement l’objet de deux articles. Le premier, relativement long (22 pages) et très argumenté du docteur Élisabeth Zucman, médecin de réadaptation fonctionnelle, grande spécialiste du secteur [3], porte sur le fonctionnement des commissions départementales d’éducation spéciale (CDES). Instituées par la loi d’orientation et mises en place dans chaque département le 1er janvier 1977, ces commissions qui ont pour but d’attribuer des allocations et de décider de l’orientation éducative des enfants handicapés ont été l’objet d’une grande attente de la part des parents et de l’administration, mais les professionnels et les institutions étaient plus craintifs à leur égard. Basée sur l’analyse de 800 dossiers de deux départements, l’étude conclut que, dès 1979, les CDES ont été à même de connaître 90 % de leur population potentielle mais constate qu’elles hésitent à attribuer spontanément une allocation, qu’elles se méfient de l’écrit et, enfin et surtout, qu’elles connaissent un échec relatif du fait du manque de disponibilité réelle des membres de ces commissions, en grande partie prélevés sur le service public de prévention (PMI, santé, scolarité) (Zucman, 1982).
Le second dû à Jean-François Ravaud, de l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches et Annie Triomphe, du laboratoire d’économie sociale (CNRS Université Paris I), propose un bilan de la politique d’intégration, menée à la suite de la loi de 1975, pour corriger les effets de la politique institutionnelle des années 1950-1960 (Ravaud et Triomphe, 1987). À l’heure où « l’isolement institutionnel des enfants et adolescents handicapés n’a plus de défenseurs », ils constatent, diagrammes et tableaux à l’appui, que 6 % seulement des enfants sont placés dans le système scolaire et concluent : « Si les handicapés moteurs sont la catégorie de handicap la mieux intégrée individuellement, un peu plus de la moitié d’entre eux se trouve cependant encore dans l’éducation spéciale ».

Le reflet de l’élargissement des politiques sociales de l’enfance (1981-2004)

24Les évolutions politiques et administratives consécutives à l’arrivée de la gauche au pouvoir marquent fortement la Revue française des Affaires sociales : aucun changement politique antérieur n’avait eu une telle incidence dans la vie de la revue, au moins pour le thème qui nous retient ici. La priorité accordée au social par le nouveau pouvoir qui crée un ministère de la Solidarité nationale, devenant des Affaires sociales et de la Solidarité nationale en 1982, avec en 1983 quatre secrétariats d’État [4], qui surtout pousse à la recherche, entraîne l’arrivée d’articles non seulement plus nombreux, mais aux thèmes plus ouverts, aux contenus plus « problématisés ». Certes, nous l’avons vu et nous le redirons, les années 1979-1980 avaient déjà amorcé le changement, mais il ne fait aucun doute que la volonté politique affichée au plus haut niveau de l’État a modifié les politiques sociales et les colonnes de la revue. Désormais les politiques en faveur de l’enfance vont occuper une grande part des volumes, indépendamment des changements de couleur des gouvernements ultérieurs. Redisons-le, ces vingt-cinq dernières années, à elles seules, mériteraient la consultation de la revue ! D’autant qu’elle s’ouvre de plus en plus à l’Europe et au monde, en particulier en rendant largement compte des politiques en faveur de la petite enfance, au cours des années 1990.

Un numéro spécial « Recherches et familles » en 1983 : nouveaux impératifs et relance de la recherche

25En publiant un numéro thématique consacré à « Recherches et familles » (octobre-décembre 1983), la revue fait connaître le nouvel environnement politique et scientifique dans lequel désormais seront abordés les problèmes de l’aide sociale à la famille et à l’enfant et, par conséquent, la nature des articles qui vont alimenter ses colonnes. Ce numéro permet d’abord de connaître l’engagement de François Mitterrand qui « à la fin de l’année 1981 devant le Congrès de l’Union internationale des associations familiales (a) formulé le vœu d’une rencontre » à l’UNESCO et qui s’adressant au pays au seuil de l’année avait indiqué que l’action pour la famille était, à ses yeux, prioritaire. Son engagement est déterminé par les changements ayant affecté les familles depuis une quinzaine d’années, qui ne peuvent manquer d’avoir des implications politiques : la crise démographique (la France ne renouvelle plus ses générations), le travail des femmes (qui a modifié l’équilibre familial), le nouveau visage des familles (avec 800 000 femmes qui élèvent seules leurs enfants), et les changements technologiques dans l’information (qui bouleversent l’éducation). Le numéro publie donc les actes du colloque tenu à l’UNESCO en janvier 1983 et organisé par Jean-Pierre Chevènement, ministre de la Recherche et de la Technologie, et Georgina Dufoix, secrétaire d’État chargée de la Famille auprès du ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale. Ce colloque répond également au souhait de nombreux chercheurs et des principaux responsables de grands organismes ou services sociaux ainsi que de multiples associations. Le numéro se centre sur les cinq rapports préparatoires au colloque, dus à cinq rapporteurs, secondés par les présidents de groupes de travail ayant regroupé plusieurs chercheurs. Daniel Bertaux, président du Centre d’études des mouvements sociaux, et Hervé le Bras ont travaillé sur « Modèles familiaux, structures et cycles de vie » (Bertaux, 1983), Nadine Lefaucheur, chargée de recherche au CNRS, et Annie Fouquet, sur « Modes de vie, pratiques familiales et consommation » (Lefaucheur, 1983), Alice Barthez (Institut de recherche agronomique) et François de Singly, sur « Vie familiale et travail » (Barthez, 1983), Annick Percheron et Stanislas Tomkiewicz sur « Famille et socialisation de l’enfant »

26(Percheron, 1983), Liane Mozère et Yvonne Knibiehler, sur « Famille, environnement social, État » (Mozère, 1983). Ainsi on le voit de grands noms de la sociologie, de l’histoire, de la science politique, de la démographie, de la pédopsychiatrie sont ainsi convoqués, des grands noms qui sont aussi souvent ceux de militants engagés.

27Le numéro s’achève par la présentation des différents organismes chargés de recherche sur ces thèmes. Maurice Godelier présente les recherches du CNRS et lance la grande enquête des TRA (étude des familles de 8 000 descendants par les hommes des 3 000 Français figurant sur les recensements de 1804 et dont le patronyme commence par la syllabe « Tra ») (Godelier et al., 1983). Joseph Goy déplore l’émiettement de la recherche universitaire, mais en souligne toute la richesse, en particulier en matière de démographie historique. Lucien Brams présente la toute neuve Mission recherche et expérimentation (MiRe) dont il est le responsable, et dont il justifie les travaux par l’obligation de s’interroger sur un secteur qui gère de façon directe ou indirecte plus de 900 milliards de prestations sociales. La recherche à la CNAF, « boulimique de théories » aux dires de son directeur, Bernard Guilbert, est présentée par ce dernier qui rappelle que dépendent de ses services quelque quatre millions et demi de familles allocataires. La revue annonce aussi la mise en place de l’Institut de l’enfant et de la famille (IDEF), par Gilles Johanet, directeur de cabinet du secrétariat chargé de la Famille, élargissant les missions de l’Institut de l’enfant fondé le 5 mai 1981. L’IDEF sera créé par le décret du 22 février 1984, dans le cadre prioritaire d’exécution n° 8 du IXe Plan : « Assurer un environnement favorable à la famille et à la natalité » (Thévenet, 1988). Sont encore présentés les recherches à l’INSERM, le Conseil supérieur de l’information sexuelle, de l’éducation familiale et de la régularisation des naissances, etc.

28La revue se fait l’écho de ces profonds changements, tant dans les objets étudiés, que dans lesméthodes d’approches. Les administrateurs d’antan ne disparaissent pas totalement. Ils interviennent encore dans l’analyse du fonctionnement de leurs services, par des analyses techniques, pour tester sur des points précis, de la pertinence d’aides sociales spécifiques, et de leur reconduction éventuelle. C’est ainsi par exemple qu’en 1995, trois cadres de caisses d’allocations familiales : François Bihler de Saône-et-Loire, Jacques Bonniol de Grenoble et Éric Maingueneau, de la direction des prestations familiales de la CNAF (Bihler et al., 1995) concluent à la satisfaction des familles devant les aides à la rentrée scolaire. Un certain nombre d’entre eux se font chercheurs.

29Sociologues, démographes, vont devenir de plus en plus nombreux parmi les auteurs de la revue. Les médecins, comme Élizabeth Zucman (1982), nous l’avons vu, ont aussi leur place. Seuls les historiens sont rares en dépit de leurs multiples travaux, pourtant très marqués aussi par les questionnements du moment sur les transformations de la famille (Burguière, Flandrin, etc.) et de l’enfance (historiens démographes comme Jacques Dupâquier, ou Catherine Rollet, qui apparaît une fois dans la revue) et largement sollicités par les appels d’offres de la MiRe [5]. La revue, jusqu’à une période récente, fait peu appel à eux. Seuls, sur les thèmes analysés ici, sont dus à des historiens un article sur le travail des enfants par la future auteure du Procès Mendès France et de biographies d’Antoine Pinay et de Pierre Bérégovoy (Rimbaud, 1979), une étude sur les inspecteurs des enfants assistés de Virginie de Luca, démographe, sociologue, (de Luca, 2001) et un article sur les associations régionales de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence, par un tandem d’historien-sociologue (Gardet et Vilbrod, 2004). La République d’enfants fondée par Janusz Korczack est évoquée par l’écrivain et journaliste Alain Buhler (1979).
Quoi qu’il en soit, la richesse de la revue est indéniable, richesse qui s’organise autour de trois centres principaux d’intérêt, donnant une priorité à l’analyse démographique et familiale et une attention renouvelée aux politiques. La revue reflète bien cet élargissement des politiques sociales en direction de l’ensemble des enfants, et non seulement de ceux dont la famille est défaillante ou qui présente des problèmes médicaux.

La prise en compte des nouveaux types de familles

30Dès le tournant des années 1970-1980, la revue avait déjà publié deux articles de fond sur les évolutions démographiques et familiales, l’un d’un chercheur, l’autre d’un haut fonctionnaire, amorçant la réflexion sur les grandes lames de fond affectant la démographie française. « Les conséquences de la disparition des familles nombreuses » du démographe et économiste Jean-Claude Chesnais, est issu d’un colloque sur l’économie du vieillissement, tenu à Paris en 1978 (Chesnais, 1979). Partant du constat de la chute brutale de la natalité quinze ans auparavant, après deux décennies de baby boom, il aborde trois types de conséquences de ce bouleversement. Les conséquences financières se traduisent par un allègement de la masse financière des allocations familiales distribuées et par des recettes fiscales importantes pour l’État : « La décision de renoncer au 3e enfant se traduit pour l’État par une recette fiscale supplémentaire ». « Dès lors la contradiction s’accentue entre le caractère massif des surplus réalisés grâce aux familles et l’insuffisance de l’aide qui leur est consentie à un moment où le remplacement des générations n’est plus assuré ». Pour les conséquences économiques, il souligne que la consommation s’orienterait dès lors vers des biens de luxe, vers un accroissement de l’épargne, mais qu’il faut se méfier des hypothèses mécaniques. Peut-être une activité moindre conduira-t-elle à de nouvelles attitudes de refus du travail ? Sociologiquement, le fait que la fonction de reproduction soit mieux répartie socialement peut conduire à une crispation de la mobilité sociale, les bonnes places étant de fait limitées aux descendants de ceux qui les détiennent. Sur la politique de la famille, le texte de Michel Laroque (1981), IGAS, alors affecté au cabinet de Jacques Barrot, ministre de la Santé et de la Sécurité sociale, comme conseiller technique enfance et famille, est la traduction d’une conférence qu’il avait faite au colloque international sur les systèmes familiaux, à Séoul en avril 1981. Se référant aux meilleurs auteurs, Ariès, Flandrin, Roussel, après avoir parcouru l’histoire de la famille, il repère les indices des nouveaux comportements (accroissement des naissances illégitimes de 6 % en 1965 à 10 % en 1979, de l’indice de divortialité à 26 % en 1979, etc.) et souligne l’arrivée des familles monoparentales (10 % des familles), qui révèle un pluralisme familial. Il conclut que si l’avenir de la famille ne dépend que partiellement des politiques familiales, celles-ci peuvent l’infléchir. « L’épanouissement de l’enfant ne pourrait-il pas souvent être favorisé par une éducation familiale ? ». S’appuyant sur les travaux de l’IDE de Paris, qui travaille en collaboration avec l’UNICEF, il pense qu’une politique internationale de la famille pourrait être un moteur du progrès économique et constituer une finalité du progrès social.

31Le numéro hors série « Pères et paternité dans la France et l’Europe d’aujourd’hui » (1988), reflète les interrogations masculines dans un contexte de plus en plus marqué par l’émancipation des femmes. Présenté par Jean-Pierre Rosenczveig, juge pour enfants et directeur de l’IDEF, qui constate que « malgré les incontestables avancées introduites par la loi du 27 juillet 1987, notre législation reste sexiste au profit des femmes et que les pères seraient encore hors la loi », il comprend 22 articles issus d’un colloque organisé sous l’égide du ministère de la Santé et de la Famille, dont certains sont très brefs. Ils sont regroupés en quatre thèmes, « Être père », « L’importance pour un enfant d’avoir un père », « L’image paternelle », et « Le statut du père en regard de la législation sociale et civile », présentés par les grands spécialistes de la famille et de l’enfant, historien (Knibiehler, 1988), démographe (Festy, 1988), psychologue (Chiland, 1988), psychiatre (Guyotat, 1988), sociologue (Commaille, 1988), juriste (Rubellin-Devichi, 1988), biologiste (Georges David, fondateur du Cecos, 1988), etc.

32En dehors de ce gros numéro sur les pères, les articles concernant les études sur la famille sont assez disparates, mais n’en permettent pas moins de disposer d’éléments de réflexion très larges. Le mariage, par exemple, fait l’objet d’un article stimulant de François de Singly, « L’amour, un bien privé ? un mal public ? » (Singly, 1988).
La famille polygame émerge en 1992 sous la plume de l’historienne et politologue Françoise Gaspard, alors représentante française du réseau « Femmes dans la prise de décision » du 3e programme communautaire d’égalité des chances. Elle rappelle combien l’admission de familles polygames en France n’est qu’un héritage de l’ancien statut personnel reconnu aux administrés des départements français d’Algérie et la seule façon pour le droit français de reconnaître pleinement le droit au regroupement familial et la non-séparation d’enfants mineurs de leur mère. Elle souligne toutefois que le droit de la Sécurité sociale ne reconnaît que la première arrivée sur le sol français. Situant le problème dans le contexte historique bien défini des années antérieures à 1970, où l’on pouvait encore croire à un séjour provisoire des étrangers sur le sol français, l’article conclut toutefois sur les nouvelles données démographiques qui font du mariage monogame le seul pratiqué par les sociétés modernes. Il souligne l’incompatibilité de la polygynie avec la dignité des femmes et leur égalité avec les hommes.

L’attention aux nouvelles politiques de protection de l’enfance

33La modification fondamentale des années 1980 vient de la mise en place de la décentralisation. En matière d’aide sociale, la « loi particulière » en matière de décentralisation a été votée le 22 décembre 1985. La revue ne lui accorde toutefois un article qu’en… 1998, en se faisant le porte-parole de la CNAF, dans un article très structuré et très documenté (Aballéa, 1998), résumé d’une recherche du programme lancé par la CNAF sur « action sociale et décentralisation ». L’article présente les vastes terrains retenus par l’enquête (huit monographies portant, entre autres sur les Bouches-du-Rhône, l’Ain, et les caisses de Lille et Roubaix, etc.). Il analyse le contexte en profonde mutation, qui remet en cause le champ d’intervention des caisses d’allocations familiales, en particulier les poussant à faire face à l’urgence plutôt qu’aux visées éducatives de mobilisation communautaire. Ce qui remet en cause le modèle initial de l’action sociale paru pour la première fois dans le VIe Plan, qui devait agir en faveur des laissés pour compte de la croissance.

34La revue n’insiste pas non plus sur le nouvel esprit qui doit régner dans les services de l’ASE, pourtant largement diffusé par le ministère de la Solidarité nationale, par sa direction de l’action sociale. En effet, la circulaire Z4 de mai 1982 avait annoncé qu’il fallait désormais « Reconnaître les droits des usagers », pour « que le dispositif de l’ASE dépasse “une conception assistancielle des rapports avec les familles et les enfants” » et mène à bien « une politique de solidarité », encourageant la prise de parole des usagers. Mais nous avions déjà noté le peu d’intérêt de la revue pour l’ASE au-delà de la réforme du statut des assistantes maternelles.

35La revue se fait aussi une fois l’écho d’une pratique qui se généralise, l’adoption, avec un article de Pierre Verdier (1980). Après avoir déploré que les dépenses de l’aide sociale à l’enfance doublent tous les trois ans, sans toutefois parvenir à de bons résultats pour le devenir des enfants, il commente les nouvelles orientations en faveur de l’adoption. Il rappelle que l’adoption a été prévue dans le droit français en 1904, étendue aux mineurs en 1923, et assouplie en 1966 et 1978, et envisage différents cas de figure pour l’encourager. Il préconise, entre autres de faire disparaître le mot « abandon » contenu aux articles 50 et 55 du Code de la famille et de le remplacer par « enfant remis à titre définitif ». Il insiste sur le fait qu’en cas de désintéressement des familles pour leur enfant placé, il est bon de ne tuer « juridiquement les parents que s’ils sont morts pour l’enfant », qu’il est essentiel de se placer du côté de l’enfant et de préférer par exemple, quand les enfants sont déjà grands, l’adoption par la famille nourricière, (que l’ASE devrait pouvoir aider financièrement) aux déplacements pour une adoption à l’autre bout de la France. Il constate que « le petit nombre d’enfants adoptables, l’augmentation des candidats conduisent le service à rejeter neuf candidats sur dix sans explication ». L’article se termine par un constat : « Pour les adultes sans enfants, l’adoption sera de moins en moins la solution ». Son analyse est strictement abordée du côté de l’ASE, et non des familles adoptantes. Il annonce ainsi la loi du 6 juin 1984 relative à l’aide sociale à l’enfance (loi « Dufoix »), dont un des principes est de favoriser l’adoption des pupilles de l’État.

36La revue n’aborde pas ultérieurement l’adoption internationale qui se diffuse pourtant rapidement. L’association « Enfance et famille d’adoption » est reconnue d’utilité publique en 1984. Mais rien dans les colonnes de la revue ne vient rendre compte des modalités d’intervention auprès de ces nouvelles populations d’enfants qui mobilisent l’attention des pouvoirs publics. Rien donc sur la convention de La Haye (1993), qui réglemente l’adoption internationale, rien non plus sur la loi « Mattéi » de 1996 qui simplifie les procédures d’adoption. Elle reste aussi à l’écart des problèmes posés à l’ASE et à la législation française sur la recherche des origines. Les publications ne manquent pas sur la question (Verdier et Margiotta, 1998) mais la revue ne relaie pas le débat, sur ce sujet très controversé, en dépit de ses implications sur la loi.

37En revanche, elle se fait l’écho de la Convention internationale de l’enfant dans un article très étoffé (24 pages de texte et 12 de références bibliographiques) de la juriste Jacqueline Rubellin-Devichi, professeur à l’université Jean-Moulin Lyon 3 et directrice du Centre de droit de la famille (Rubellin-Devichi, 1994). Elle rappelle que l’enfant est déjà sujet de droit et redoute que le droit français, allant au-delà de la Convention, se préoccupe tellement de l’intérêt de l’enfant qu’il risque d’escamoter ses droits.

38Sur les politiques familiales, trois articles sont publiés. Le passage par l’étranger permet de réfléchir sur la nature des politiques familiales même si rares sont les articles émanant d’auteurs étrangers. Toutefois la chute du mur, élargissant les échanges intellectuels, la revue publie celui d’une professeure de sociologie roumaine, Smanrada Mezei, « L’odyssée de la famille roumaine » (Mezei, 1991), qui souligne avec force l’impact du politique sur les mœurs familiales. La loi roumaine de 1966 qui interdit l’avortement, ainsi que la suppression de tout moyen contraceptif du marché entraînent un spectaculaire accroissement démographique en 1967 et 1968, puis un planning subversif, accompagné d une augmentation des maladies nerveuses des femmes. L’article conclut sur le fait qu’il n’y avait pas dans la Roumanie de Ceausescu de politique familiale et que les décisions prises par le pouvoir n’étaient qu’un des effets de stratégies politiques fluctuantes.

39Un autre article s’éloigne de la France métropolitaine, celui d’Arlette Gautier (1992), maître de conférences à Paris X – Nanterre. Mandatée par la CNAF, elle démontre dans un article solide et bien documenté, basé sur l’analyse de 464 dossiers d’API (allocation parent isolé) et 95 entretiens, base d’une observation ethnographique, que les allocations familiales en Guadeloupe n’ont pas d’effets natalistes. On a critiqué, rappelle-t-elle, les mères célibataires de Guadeloupe et la « monétarisation de leur comportement », et son étude démontre qu’elles ont le désir clair de nouer des relations durables avec leurs « amis » et de ne plus laisser Dieu décider de leur descendance. Mais elles maîtrisent mal la contraception, tout comme les pères de leurs enfants, L’auteure pointe du doigt la responsabilité des médias et des médecins (qui manquent à leur devoir d’information) mais aussi de l’application de la loi dans cet état de fait. Les juges, comme en France métropolitaine, condamnent peu souvent les parents non gardiens qui ne paient pas la pension alimentaire. Elle préconise un système s’inspirant de ceux du Wisconsin ou des pays nordiques, où une autorité locale vérifie que le père s’est déclaré à la naissance et qu’il remplit son obligation d’entretien. Le système incite ainsi les hommes à ne plus ignorer la contraception. Article féministe et stimulant.
La politique face aux familles monoparentales est analysée de façon critique dans un article (Berthier, Oriot, 1998) sur « Les familles monoparentales : plus nombreuses et plus pauvres elles sont le reflet d’une politique familiale inadaptée », dont le titre seul annonce les conclusions. La pauvreté a crû en France de 10 % entre 1985 et 1995, une part croissante des allocations familiales est distribuée sous couvert de ressources. Aussi, interrogent les auteurs, rattachés au service de pédiatrie de l’hôpital Jean-Bernard de Poitiers : « Pourquoi maintenir une politique familiale nataliste ? ».
La même année, Jeanne Fagnani, directeur de recherche au CNRS et Antoine Math, conseiller à la CNAF (Fagnani, Math, 1998) présentent dans un article de 19 pages une étude européenne sur les liens entre fiscalité et prestations familiales. Ils partent de la décision du gouvernement Jospin, fin 1997, de mettre les allocations familiales sous condition de ressources. Ils analysent les choix politiques des différents pays européens, qui renvoient à des conceptions différentes des obligations de la collectivité à l’égard des parents et de leurs enfants. L’intérêt de l’étude est de tenir compte aussi du système fiscal et de conclure, à partir d’un tableau comparatif très riche, que la mise sous condition de ressources des allocations familiales n’aurait rien changé à la situation des familles aisées, ce qui justifie en quelque sorte l’annulation de 1998.

L’écho des grandes initiatives européenne et mondiale

40La décennie des années 1990 est marquée, dans la revue, par un élargissement à l’Europe et au monde.

41La revue se fait l’écho, à travers un numéro thématique intitulé : « Un enjeu de société pour l’Europe : la petite enfance » (1991), du bilan de « l’un des programmes les plus originaux de la Communauté européenne » sur les modes d’accueil de la petite enfance. Jean-Pierre Rozenczveig, directeur de l’IDEF, qui ouvre le numéro rappelle que la CEE ne traite des problèmes de la famille et de l’enfance que dans une perspective économique (Rozenczveig, 1991). Les treize communications qui suivent permettent de comprendre le rôle incitatif fondamental que peut jouer l’Europe en matière de politiques sociales. La mise en place du Réseau d’accueil des jeunes enfants créé en 1986, à la suite du premier programme d’action pour l’égalité de traitement entre femmes et hommes de la CEE (1982-1985), permet à Martine Félix, chargée de mission à l’IDEF, correspondant européen du Réseau d’accueil des jeunes enfants, de brosser un tour d’Europe des modes de garde (Felix, 1991).Des élus rappellent que le label petite enfance est venu d’une initiative du secrétariat à la Famille, aux Personnes âgées et aux Rapatriés et donnent le nom de 50 villes qui l’ont obtenu. Christian Gilles, chef de la mission pour l’égalité professionnelle au secrétariat d’État, chargé du Droit des femmes, rappelle que les syndicats commencent à prendre en compte ces problèmes (Gilles, 1991). Alain Norvez, démographe, cite joliment Nehru : « La Nation marche sur les pieds des petits enfants », et dénonce « l’existence d’une double image de la femme : sans refuser sa participation nécessaire à la vie économique, tout a été fait comme si elle devait rester à la maison pour élever ses enfants » (Norvez, 1991). Mieux accueillir les enfants peut certes inciter les parents à en faire d’autres, mais est un but en soi. Le numéro comprend quelques articles originaux sur ce thème. Celui de la linguiste Béatrice Ludwig, sur les représentations des relations mère-enfant en France et en Allemagne, apporte un air nouveau à la revue, qui n’avait pas, semble-t-il, jusque-là, recouru à ce type d’approche. Sa démarche ethnolinguistique permet de pointer par des voies nouvelles des différences culturelles fondamentales entre les deux pays. Elle remarque, par exemple, combien en France le vocabulaire lié à la maternité, issu du latin ou du grec, est coupé du langage populaire. En Allemagne, au contraire, il est très poétique. Le placenta, c’est le Mutter-Kuchen, le gâteau de la mère, le liquide amniotique, le Fruchtwasser, l’eau du fruit, etc. Elle estime aussi combien « la méfiance profonde à l’égard des structures étatiques auxquelles on déléguerait entièrement les enfants a une de ses racines dans l’histoire du nazisme : l’embrigadement massif des enfants et de la jeunesse, du jardin d’enfants à l’armée tandis que les parents travaillaient à la production, notamment dans les usines d’armement » (Ludwig, 1991).

42En 1994, un autre numéro thématique intitulé « À propos des manifestations internationales – Population et famille » se fait l’écho de la conférence tenue au Caire sur la population et le développement dans le cadre de l’Année internationale de la famille. L’introduction d’Élisabeth Zucker, rédactrice en chef de la revue, présente cette conférence du Caire comme la revanche de Margaret Sanger, fondatrice, en 1915, à New York, de la Ligue nationale pour la régulation des naissances, ce qui lui avait valu l’emprisonnement. Le programme du Caire a adopté la nécessité d’aligner le statut de la femme sur celui de l’homme dans la famille et dans la société (Zucker, 1994). Cela fera disparaître « les maternités asservies » et ouvrira un dialogue entre la pluralité des modèles familiaux. Jean-Bernard Mérimée, ambassadeur permanent de la France à l’ONU, explique que l’Année internationale de la famille réaffirme la volonté de l’ONU « de donner aux questions sociales la place que la Charte de 1945 leur réservait et que les affrontements idéologiques et la recherche du progrès social par le seul développement économique avaient conduit à perdre de vue » (Mérimée, 1994). Il rappelle que dès l’installation de son gouvernement, Édouard Balladur a mis en chantier une loi quinquennale adoptée le 25 juillet 1994 comportant quatre points : l’extension de l’allocation parentale d’éducation versée à l’un des parents qui s’arrête de travailler pour élever un enfant de moins de trois ans (accordée dès le second enfant), le développement des aides à l’accueil des jeunes enfants, les aides en cas de naissances multiples ou d’adoption, l’augmentation progressive des taux de pension de réversion des personnes veuves. Danièle Refuveille, de la division des relations internationales du ministère des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, explique les réticences françaises face à l’organisation de cette Année internationale et rappelle que si beaucoup d’associations non gouvernementales ont désiré que l’Année prélude à une Déclaration des droits de la famille, l’ONU s’y est refusé, car « Jamais les Nations unies n’ont édicté de droits autres qu’individuels » (Refuvielle, 1994). Le slogan de l’Année « Édifier la plus petite démocratie au cœur de la société » doit suffire à l’incitation. Guy Desplanques, de l’INED, suit l’émergence des concepts à travers les recensements et constate que, dans les années 1950 et 1960 si le mot famille était utilisé au singulier, depuis une quinzaine d’années il est mis au pluriel. La grande coupure désormais est entre les couples avec enfants et les familles monoparentales. La précarité des familles après divorce a poussé à faire des familles à un seul parent un objet de politique sociale, avec par exemple, l’allocation parent isolé (Desplanques, 1994).

Conclusion

43Ainsi, on le voit au cours de ce survol, la Revue française des Affaires sociales apparaît comme une source précieuse pour l’histoire des politiques de l’enfance des trente dernières années. Loin de rester le nez sur le guidon des politiques sociales, elle élargit constamment ses angles de vue et s’ouvre très largement sur les réflexions et les politiques suivies en Europe et dans le monde. Sur le thème qui a été celui de cet article, elle rend bien compte de la mobilisation des sciences sociales dans le domaine politique. À une époque où le désengagement des intellectuels de la sphère du politique est dénoncé par beaucoup, la revue montre l’apport du monde de la recherche au niveau modeste des politiques sociales. Sans doute faudrait-il connaître de plus près les auteurs pour repérer les réseaux mobilisés par la revue, et les personnes ou les institutions laissées à l’écart. Il n’empêche que la lecture de la plupart des numéros permet de conclure à la variété des approches et à la multiplicité des thèmes abordés.

44Il faut toutefois noter quelques absences. Je n’en pointerai que deux, non pour dénoncer des insuffisances en tant que telles, mais pour mieux tenter de comprendre le fonctionnement de la revue. Elle fait appel à des spécialistes, à des universitaires. Certes, mais elle a relayé aussi, nous l’avons vu, les propos de grandes associations comme ATD Quart-Monde. Mais elle en a négligé d’autres qui pourtant ont été aussi de formidables caisses de résonance. C’est ainsi que n’apparaît jamais dans ses colonnes le rôle d’une association très engagée dans la défense des droits des orphelins, la Fédération des associations de veuves civiles de France (FAVEC). Premier mouvement féminin de France encore dans les années 1990 [6], porte-parole influent non seulement des veuves mais aussi de leurs enfants, elle faisait se déplacer ministres et président de la République lors de ses congrès annuels. La revue ne l’évoque jamais. L’écoute de la société civile apparaît donc comme particulièrement sélectif, même quand cette dernière s’exprime à travers des mouvements forts et influents.

45L’écoute des grands organismes sociaux eux-mêmes semble également déficitaire. Le silence total sur le rôle des centres sociaux (Durand, 1996, Dessertine et al., 2004), pourtant en partie intégrés dans les politiques des caisses d’allocations familiales, est particulièrement étonnant. Certes, ils sont à la limite de l’action militante, défendue par la Fédération des centres sociaux de France, mais ils ont été intégrés dans les plans quinquennaux et ont suscité débats et controverses, tant au niveau national qu’au niveau municipal. Ils sont un des foyers actifs de la socialisation des jeunes générations et de l’intégration de tous les enfants vivant en France, mobilisent des crédits publics et, à ce titre, s’intègrent dans les politiques sociales en faveur de l’enfance. La revue ne les évoque jamais.
Ces quelques restrictions ne doivent pas ternir le tableau d’ensemble d’une revue dont l’ouverture n’a cessé de s’élargir au cours des trente dernières années. Gageons qu’avec l’acuité des problèmes posés par la pauvreté dans notre société en ce début de XXIe siècle, dont les enfants sont les premières victimes, la revue aura encore bien des raisons de se pencher sur les politiques sociales en faveur de l’enfance, en France et dans le monde.

Notes

  • [*]
    Ingénieure de recherche au CNRS (LARHRA – Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes).
  • [1]
    Cité dans CREAI Rhône-Alpes, Flash informations, mai 1980, n° 21, p. 10.
  • [2]
    François Bloch-Lainé, fonctionnaire, financier, citoyen. Journée d’études tenue à Bercy le 25 février 2003, Comité pour l’histoire économique et financière, Paris, 2005, 261 p.
  • [3]
    Auteur la même année de Famille et handicap dans le monde : analyse critique des travaux de la dernière décennie, (préfacé par Antoine Lion), CTNERHI, 181 p.
  • [4]
    Les configurations ultérieures sont trop nombreuses pour être reprises ici…
  • [5]
    Nous renvoyons aux bulletins MiRe-Information, devenus les Cahiers de recherches de la MiRe, puis depuis avril 2004, La Lettre de la MiRe. Faut-il signaler que l’auteure de cet article a remis à la MiRe, en collaboration avec Bernard Maradan, deux rapports : en 1991, « Pratiques judiciaires de l’assistance éducative » qui a donné lieu à la publication de deux articles et, en 1996, « Les institutions de socialisation des enfants de la ville (1919-1940) », publié en 2001 sous le titre L’âge d’or des patronages (1919-1939). La socialisation de l’enfance par les loisirs, Vaucresson, CNFE, PJJ, 235 p.
  • [6]
    Cf. par exemple : FAVEC, XIIIe congrès national. Un mouvement en marche, Saint-Étienne, novembre 1993, FAVEC, 1993, 140 p.
Français

Résumé

En soixante ans, la Revue française des Affaires sociales a consacré près de 7 % de ses articles à la famille et à l’aide sociale à l’enfance, entendu au sens large d’interventions en faveur de l’enfance et pas seulement de service administratif de l’ASE, soit plus de 150 articles. Trois périodes peuvent être dégagées. La première est celle de la Revue française du Travail, qui n’a pas vocation à traiter de l’enfance, mais qui publie quelques articles sur ce thème, dans le cadre de l’application de la Sécurité sociale. La deuxième période, celle des années 1970, est incomparablement plus dense : les auteurs, pour la plupart des administrateurs civils, rendent compte des principales lois en gestation ou de nouveaux problèmes liés à la protection de l’enfance : réforme de l’ASE, situation des enfants d’immigrés, intégration des enfants handicapés. La troisième période, à partir de l’extrême fin des années 1970 et plus encore de l’arrivée de la gauche au pouvoir, transforme la revue en revue de référence pour l’analyse, par des scientifiques (sociologues démographes, mais aussi politologues, etc.) des grands problèmes sociaux posés par l’évolution des configurations familiales, les nouvelles situations des enfants et des politiques qui leur sont appliquées. Cette orientation ne se dément plus depuis ces années-là, et fait une place de plus en plus importante aux analyses et aux manifestations européennes et mondiales. En dépit de sa grande richesse, la revue a laissé passer quelques grands sujets, parfois en n’étant pas assez à l’écoute des manifestations de ce qu’il est convenu d’appeler la société civile.

Bibliographie

  • Articles et dossiers de la Revue française du Travail et de la Revue française des Affaires sociales

    • « À propos des manifestations internationales. Population et famille », (1994), dossier RFAS, n° 4 octobre-décembre, (numéro spécial), 223 p.
    • ABALLEA F., (1998), « Décentralisation et action sociale familiale », RFAS, n° 2, avril, p. 181-197.
    • AMELINE C., VERDIER P., (1977), « L’aide sociale à l’enfance », RFAS, n° 1 janvier-mars, p. 57-73.
    • ANONYME, (1946a), « L’action de la Sécurité sociale et les colonies de vacances », RFT, n° 5-6 août-septembre, p. 474-475.
    • ANONYME, (1946b), « Grande-Bretagne : les crèches scolaires », RFT, n° 4 juillet, p. 356-359.
    • ANONYME, (1949), « La Caisse primaire centrale de Sécurité sociale de la région parisienne et la protection maternelle et infantile », RFT, n° 5-6 mai.
    • ANONYME, (1977), « L’intégration des enfants et adolescents handicapés mentaux », RFAS, n° 3 juillet-septembre, p. 95-103.
    • BARTHES A., (1983), « Vie familiale et travail », RFAS, n° 4 octobre-décembre.
    • BERTAUX D., (1983), « Modèles familiaux, structures et cycles de vie », RFAS, n° 4 octobre-décembre.
    • BERTHIER M., ORIOT D., (1998), « Les familles monoparentales : plus nombreuses et plus pauvres elles sont le reflet d’une politique familiale inadaptée », RFAS, n° 4 octobre-décembre, p. 169-186.
    • BIHLER F., BONNIOL J., MAINGUENEAU E., (1995), « Enquête sur les aides à la rentrée scolaire versées en 1994 », RFAS, n° 2-3 avril-septembre, p. 273-285.
    • BONTE M.-C., COHEN-SCALI V., (1999), « Institutions et familles d’accueil : la professionnalité des acteurs du placement en question », RFAS, n° 1 janvier-mars, p. 75-91.
    • BUHLER A., (1979), « Une “République” d’enfants », RFAS, n° 2 avril-juin, p. 81-89.
    • CHARLES F., (1969), « Formation et responsabilité des directeurs d’établissements pour mineurs inadaptés », RFAS, n° 4 octobre-décembre, p 1-12.
    • CHARLES F., (1971), « Le service d’aide sociale à l’enfance », RFAS, n° 1 janvier-mars, p. 3-18.
    • CHESNAIS J., (1979), « Les conséquences socio-économiques de la disparition des familles nombreuses », RFAS, n° 1 janvier-mars, p. 63-86.
    • CHILAND C., (1988), « Le père et l’identité sexuée », RFAS, n° hors-série novembre.
    • COMMAILLE J., (1988), « À propos des fonctions du droit », RFAS, n° hors-série novembre.
    • CORNET G., (1976), « Recensement d’une population scolaire méconnue : les jeunes déficients auditifs », RFAS, n° 2 avril-juin, p. 145-167.
    • COURBIN J., (1978), « Quel avenir pour les jeunes migrants ? », RFAS, n° 2, avril-juin, p. 127-137.
    • DAVID G., (1988), « L’importance d’être père », RFAS, n° hors-série, novembre.
    • DESPLANQUES G., (1994), « La famille : histoire d’un concept », RFAS, n° 4 octobre-décembre, p. 95-98.
    • DUTREIL F., (1974), « Le fonctionnement des services de pédiatrie et de prématurés des hôpitaux publics », RFAS, n° 3 juillet-septembre, p. 3-15.
    • FAGNANI J., MATH A., (1998), « Fiscalité et prestations familiales en Europe : les familles aisées vivant en France sont-elles les plus favorisées ? », RFAS, n° 4 octobre-décembre, p. 149-167.
    • FELIX M., (1991), « Un tour d’Europe sur l’accueil des jeunes enfants de 1985 à 1990 », RFAS, n° 3 juillet-septembre, p. 31-41.
    • FESTY P., (1988), « Le cadre de constitution de la famille », RFAS, n° hors-série, novembre.
    • GARDET M., VILBROD A., (2004), « Une décentralisation avant la lettre. Les coordinations pour l’enfance et l’adolescence inadaptées. Le cas breton (1944-1984) », RFAS, n° 4 octobre-décembre, p. 173-195.
    • GASPARD F., (1992), « La société française confrontée à la polygamie. Quelques éléments de réflexion », RFAS, n° hors-série décembre, p. 181-196.
    • GAUTIER A., (1992), « La fécondité en Guadeloupe. L’impact des allocations aux personnes isolées », RFAS, n° 2, p. 33-48.
    • GILLES C., (1991), « La vie familiale et l’entreprise » suivi de « Quelques expériences en entreprises : le prix de l’innovation sociale », RFAS, n° 3 juillet-septembre, p. 59-66.
    • GODELIER M. et al., (1983), « Promouvoir et orienter les recherches sur les familles », RFAS, n° 4 octobre-décembre.
    • GORCE F. de la, (1979), « L’enfant du Quart-Monde. Une destinée qui doit changer », RFAS, n° 2 avril-juin, p. 41-64.
    • GUYOTAT J., (1988), « Qu’est-ce qu’être père ? », RFAS, n° hors-série novembre.
    • HAZEL M., (1975), « La famille d’accueil et la politique du placement. L’étude comparative des politiques de placement », RFAS, n° 1 janvier-mars, p. 87-101.
    • JAMPY R., (1974), « L’action sociale en faveur des familles de migrants et de leurs enfants », RFAS, n° 4 octobre-décembre, p. 115-130.
    • KNIBIEHLER Y., (1988), « Le rôle des pères à travers l’histoire », RFAS, n° hors-série novembre.
    • LAMBERT T., DONEDDU J., (1976), « L’aide sociale à l’enfance en 1973 », RFAS, n° 1 janvier-mars, p. 146-229.
    • LAROQUE M., (1981), « Systèmes familiaux et politique de la famille en France », RFAS, n° 2 avril-juin, p. 123-138.
    • LAROQUE P., (1949), « L’effort de la Sécurité sociale en faveur de la mère et de l’enfant », RFT, n° 11-12 novembre-décembre.
    • LECA, (1959), « Perspectives démographiques et évolution des effectifs d’enfants ouvrant droit aux prestations familiales », RFAS, n° 1 janvier-mars, p. 56-83.
    • LEFAUCHEUR N, (1983), « Modes de vie, pratiques familiales et consommation », RFAS, n° 4 octobre-décembre.
    • LUCA de V, (2001), « Des inspecteurs des enfants assistés aux inspecteurs de l’Assistance publique : la lente transformation d’un fonctionnaire d’État au XIXe siècle », RFAS, n° 4 octobre-décembre, p. 97-104.
    • LUDWIG B., (1991), « La séparation au quotidien entre les mères et les enfants. Ses représentations en Allemagne de l’Ouest et en France », RFAS, n° 3 juillet-septembre, p. 113-130.
    • MASSE G., (1970), « Les registres de risques et de l’enfance handicapée en Grande-Bretagne. Applications possibles en France », RFAS, n° 4 octobre-décembre, p. 3-22.
    • MEZEI S., (1991), « L’odyssée de la famille roumaine », RFAS, n° 2 avril-juin, p. 129-141.
    • MORIN E., (1975), « Les immigrants et leur famille : accueil, installation », RFAS, n° 4 octobre-décembre, p. 215-227.
    • MOZERE L., (1983), « Famille, environnement social, État », RFAS, n° 4 octobre-décembre, p. 133.
    • NORVEZ A., (1991), « La place du petit enfant dans la société. Quelles politiques ? quelle socialisation ? », RFAS, n° 3 juillet-septembre, p. 71-80.
    • PARISOT J., VERMELIN H., (1946), « L’organisation de la protection maternelle en Meurthe-et-Moselle », RFT, n° 9 janvier-mars, p. 56-83.
    • « Pères et paternité dans la France et l’Europe d’aujourd’hui », (1988), dossier RFAS, n° hors-série novembre, 233 p.
    • PERCHERON A., (1983), « Famille et socialisation de l’enfant », RFAS, n° 4 octobre-décembre.
    • RAVAUD J.-F., TRIOMPHE A., (1987), « L’intégration scolaire des enfants et adolescents handicapés moteurs : mythe ou réalité ? », RFAS, n° 4 octobre-décembre, p. 83-98.
    • « Recherches et familles », (1983), dossier RFAS, n° 4 octobre-décembre (numéro spécial), 255 p.
    • REFUVEILLE D., (1994), « La proclamation de l’année internationale de la famille », RFAS, n° 4 octobre-décembre, p. 67-76.
    • RIMBAUD C., (1979), « Le travail des enfants », RFAS, n° 4 octobre-décembre, p. 115-130.
    • ROZENCZVEIG J.-P., (1991), « La politique familiale européenne en construction », RFAS, n° 3 juillet-septembre, p. 15-17.
    • RUBELLIN DEVICHI J., (1988), « Le droit, les pères et la paternité », RFAS, n° hors-série novembre.
    • RUBELLIN DEVICHI J., (1994), « Le principe de l’intérêt de l’enfant dans la loi et la jurisprudence française », RFAS, n° 4 octobre-décembre, p. 157-193.
    • SIBILEAU J., (1975), « Rôle de l’internat aujourd’hui comme moyen d’éducation des enfants handicapés ou inadaptés », RFAS, n° 3 juillet-septembre, p. 25-35.
    • SINGLY F. de, (1988), « L’amour un bien privé ? un mal public ? », RFAS, n° 2 avril-juin, p. 129-142.
    • « Un enjeu de société pour l’Europe : la petite enfance », (1991), dossier RFAS, n° 3 juillet-septembre, 130 p.
    • UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES, (1951), « Les obstacles que rencontre la famille ouvrière dans le développement de sa vie propre », RFT, n° 3-4 mars-avril, p. 173-187.
    • VERDIER P., (1980), « L’adoption dans la politique d’aide actuelle à la famille », RFAS, n° 3 juillet-octobre, p. 63-78.
    • ZUCKER E., (1994), « À propos des manifestations internationales », RFAS, n° 4 octobre-décembre, p. 3-4.
    • ZUCMAN E., (1982), « Les commissions départementales d’éducation spéciale (CDES). Résultats d’une étude pluridisciplinaire de leur fonctionnement », RFAS, n° 2 avril-juin, p. 21-43.
  • Bibliographie générale

    • AISHA, (1980), Décharge publique, les emmurés de l’Assistance, Paris, F. Maspéro, 232 p.
    • DESSERTINE D., DURAND R., ELOY J., GARDET M., MAREC Y., TETARD F., (2004), Les centres sociaux (1880-1980) : une résolution locale de la question sociale ?, Presses universitaires du Septentrion, 283 p.
    • DUPÂQUIER J., dir., (1995), Histoire de la population française, tome 4 : De 1914 à nos jours, Paris, Quadrige/Presses universitaires de France, 586 p.
    • DURAND P., (1996), Histoire des centres sociaux. Du voisinage à la citoyenneté, Paris, Syros, 262 p. (rééd. 2006).
    • LANI M., (1984), Enfants déchirés, enfants déchirants. Réflexion à partir du placement familial, Paris, Éditions universitaires, 235 p.
    • NOIRIEL, G., (1988), Le creuset français, histoire de l’immigration, Paris, Le Seuil, réédité en 2006 dans la coll. « Points » du Seuil, 437 p.
    • THEVENET A., (1988), L’aide sociale aujourd’hui, après la décentralisation, Paris, Les éditions ESF, 343 p.
    • VERDIER P., (2004), L’enfant en miettes, Paris, Dunod, coll. « Enfance », 195 p.
    • VERDIER P., MARGIOTTA N., (1998), Le droit à la connaissance de son origine : un droit de l’homme. Pour en finir avec l’accouchement sous X et le secret de la filiation, Paris, Jeunesse et droit, 103 p.
Dominique Dessertine [*]
Ingénieure de recherche au CNRS – (LARHRA – Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes) –. Elle est membre du comité de rédaction de la Revue d’histoire de l’enfance irrégulière.
  • [*]
    Ingénieure de recherche au CNRS (LARHRA – Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes).
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/rfas.064.0245
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour La Documentation française © La Documentation française. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...