CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La tâche proposée par la Revue française des Affaires sociales [1] (RFAS) en vue de la célébration de son soixantième anniversaire (couvrir le thème « travail et emploi ») était si exigeante que j’ai hésité à l’assumer. D’abord, parce qu’il s’agissait d’histoire et que je ne suis pas historien. Ensuite parce que, comme le montrent les précédents, l’exercice n’est pas aisé, quel que soit le choix qu’on fasse [2]. Il fallait aussi choisir une période dans l’ensemble des années, sauf à tout couvrir de façon superficielle. Pour le faire, j’ai tenu compte de ma relation personnelle à la revue, dont il me faut dire ici un mot [3]. J’ai publié mon premier article dans la RFAS en 1989, à la suite d’un exposé que la DG V de la Commission européenne m’avait demandé pour comparer les politiques familiales en Europe, à un moment où, assurant la présidence, la France, voulait prendre des initiatives (Barbier, 1989). À cette époque, les travaux vraiment comparatifs sur la politique familiale étaient peu développés ou peu connus en France [4]. J’ai décidé de limiter la période de mon examen de la revue, sous l’angle « emploi-travail » à celle (1946-1988) où, lecteur de la revue, je ne suis ni membre de son comité de rédaction, ni sociologue. Au demeurant, cette période revêt une unité, car elle commence à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour s’arrêter au seuil d’un autre tournant majeur des politiques de l’emploi : celui de l’action sur les charges sociales, qui va bouleverser leur paysage.

2J’ai choisi de privilégier une entrée par les catégories, qui caractérise mes recherches, dans mon travail comparatif sur les politiques sociales (Barbier, 2005b). L’objet de cet article sera donc de repérer, tout simplement, dans un corpus limité de textes, la construction, l’usage savant ou non, voire la naissance de certaines catégories, qui sont devenues courantes dans le vocabulaire contemporain. Le résultat, je l’espère, contribuera à la connaissance d’une période charnière pour la construction des « référentiels [5] » des « politiques de l’emploi », qui s’extraient des définitions et représentations d’avant-guerre et de Vichy, pour ensuite à nouveau revêtir des habits neufs dans les années quatre-vingt. Or, ce mouvement, qui n’est jamais vraiment terminé, se déploie aussi sur un fond de controverse plus ou moins latente, ou, parfois de confusion, entre les notions d’emploi et de travail. Il n’est pas anecdotique que ce soit dans la revue que Margaret Maruani publie un article appelant à la fondation d’une « sociologie de l’emploi » avec André Clément Decouflé, par ailleurs auteur de plusieurs ouvrages consacrés aux politiques de l’emploi (Decouflé et Maruani, 1987). L’ouvrage de la collection « Repères », Sociologie de l’emploi, n’aura sa première édition qu’en 1993 (Maruani et Raynaud, 1993). C’est aussi à Margaret Maruani que fut confiée la tâche d’écrire un article sur les premières quarante années de la RFAS, qui fut intitulé « Travail et emploi » (Maruani, 1986), article paraissant en même temps qu’un autre faisant le point sur la « représentation féminine » dans la revue pour la même période (Nicole, 1986).
Je suis à la recherche, au sein de ce corpus limité, de « tournants », de périodes de controverses ou d’incertitudes, d’apparitions de catégories qui non utilisées auparavant, mais éventuellement de certaines absences qui peuvent étonner [6]. Le travail mené ici se veut exploratoire. J’ai essayé de situer les textes de la RFT-RFAS dans un paysage plus large, mais, faute de temps, il est inévitablement inachevé. Le voyage dans la revue s’organise autour de deux questions :

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  • la controverse sur la définition des notions de travail et d’emploi ;
  • la naissance ambiguë des politiques de l’emploi de la période et leur transformation [7].
Le voyage subjectif à travers les catégories utilisées dans les textes publiés par la RFT-RFAS, qu’elles soient utilisées par des chercheurs, par des hommes et femmes politiques ou par des acteurs, nous permettra de prendre de la distance [8] par rapport aux catégories que nous utilisons de façon « naturelle », et surtout de ne pas tomber dans le piège de l’anachronisme ou de l’universalisme a-historique et fonctionnaliste. Pour la compréhension sociologique, l’essentiel tient en effet, à notre avis, dans le fait que ces catégories, toutes plus ou moins marquées d’influences normatives, portent un sens qui varie constamment (parfois, insensiblement) dans l’histoire. Il n’est jamais indifférent d’utiliser tel ou tel mot pour désigner ce qui se veut une « politique publique », et aujourd’hui encore moins qu’hier, dans un débat public influencé de façon déterminante par la communication politique (Barbier, 2005b).
On procédera en deux temps : dans la première partie, on souligne, à travers les usages repérés dans la revue, la difficulté persistante de la ferme délimitation des notions de travail et d’emploi. Dans la seconde, on entre dans le repérage de l’émergence de ce qu’on viendra à nommer, dans les années quatre-vingt des « politiques de l’emploi », qui se distinguent d’autres interventions publiques.

Controverse et apories dans la définition du travail et de l’emploi : une affaire qui se poursuit

4Malgré les efforts nombreux pour définir ce qui est travail et ce qui est emploi, dans diverses disciplines (essentiellement l’économie, la sociologie et le droit), la lecture de la RFT-RFAS nous fait mieux comprendre qu’une incertitude latente persiste, à propos de l’usage du couple « emploi travail » dans la langue française, dans le langage savant comme dans le profane ou dans le langage technique de l’administration. Cette controverse ne peut probablement pas être tranchée, dans la mesure où le concept d’emploi, comme celui de travail appartiennent à la catégorie des concepts « polymorphes », qui charrient avec eux un entrelacs confus de paradigmes (Passeron, 1991). Un autre indice de cette incertitude est fourni par l’exercice de la traduction : ainsi les distinctions, dans la sociologie, entre travail et emploi, sur lesquelles on va revenir ici, ne s’exportent pas dans les autres langues au moyen d’équivalents (Barbier, 1997, 2005b) ; nous risquons l’hypothèse ici que le terme emploi, en français contemporain, est chargé de connotations et de sens plus variés que, par exemple, le terme impiego en italien [9], ou le terme employment en anglais [10]. À propos d’employment, d’ailleurs, qui n’est qu’un très imparfait équivalent d’emploi, une recension [11] perspicace dans la revue (Anonyme RFT, 1951) note qu’il vaudrait mieux parfois traduire full employment par « pleine occupation » ce qui correspond mieux à l’antonyme de « chômage ».

Trois notions : main-d’œuvre, travail, emploi

5Au vrai, les notions concernées ne se limitent pas au couple « emploitravail » ; il faut y ajouter celle de main-d’œuvre, et celle de ressources humaines.

6Traitons à part cette dernière, aujourd’hui indéfectiblement associée à leur gestion. L’expression gestion des ressources humaines et l’acronyme GRH ont fait florès (suivant leurs équivalents anglais, human resources et HRM). Sous cet angle, J. Brabet a repéré un premier usage par un économiste américain, Springer, en 1817, « pour désigner en termes comptables le coût de l’utilisation des hommes » (Brabet, 1993, p. 19). Mais ce n’est pas le sens de la notion dans la RFT-RFAS : celui qui est utilisé, dans les premières années, correspond à la notion de « ressources humaines de la nation », comme un équivalent de « ressources de main-d’œuvre ». C’est en des termes analogues que parle Georges Friedmann : « le capitalisme s’organise d’une autre manière, en tentant de dépasser la période de gaspillage des ressources naturelles et des ressources humaines » (Friedmann, 1946, p. 20). La formule de J. Desmarest (1946, p. 1-2) est éclairante quand il entend définir ce qu’il appelle « politique de main-d’œuvre » par son objet : « adapter aussi exactement que possible les ressources humaines d’une Nation à ses besoins généraux et plus spécialement à ses besoins économiques » et quand il met en balance les « exigences de main-d’œuvre de l’économie » et les ressources humaines de la Nation (avec un grand N). C’est dans le même sens que les utilisateurs du mot, dans la RFT-RFAS, procèdent : le premier numéro de la revue parle des « ressources humaines » du pays, dans sa rubrique statistique (Anonyme, 1946a) ; beaucoup plus tard, un autre auteur parle de la « planification des ressources humaines dans les pays en voie de développement » (Blanchard, 1966). La plupart du temps, ressources humaines est employé dans un sens très proche, voire identique, à main-d’œuvre, avec parfois peut-être une légère connotation euphémique.

7Avec le recul, on notera en passant, avec étonnement, que « ressources humaines » semble aller de soi, comme domaine bien délimité, pour un économiste contemporain qui écrit : « L’économie du travail constitue l’une des spécialités de la science économique et l’économie des ressources humaines (ERH), entendue comme l’économie du travail appliquée à l’entreprise, en constitue un domaine d’analyse particulier » (Stankiewicz, 1999, p. 3-7).

8Mais venons-en aux trois notions étroitement imbriquées d’emploi, de main-d’œuvre et de travail, telles qu’employées dans la RFT-RFAS, pour des usages diversifiés. L’analyse nous montre deux choses : d’abord, les notions sont plastiques et variables, ensuite, les éclaircissements académiques (économie, sociologie et droit) sur lesquels nous reviendrons en conclusion de cette partie (éclaircissements qui trouvent d’ailleurs une part de leur source dans la revue), sont aussi tributaires du cheminement des sens des notions à travers la pratique juridique, la désignation bureaucratique des compétences des entités administratives, le discours politique. Ils ne sortent pas indemnes de cette confrontation. Il faudra donc relativiser la distinction contemporaine, sans pour autant bien sûr la faire disparaître.

Classement des matières de bibliographie et des rubriques de droit dans la revue

9Une première approche se guide sur le classement des matières, soit dans les recensions à caractère bibliographique, qui sont publiées très inégalement sur la période, soit dans le classement des textes juridiques, dont un index est, lui, régulièrement servi. Un examen exhaustif serait fastidieux, mais prenons quelques exemples.

10• En 1946 dans le numéro 2, outre la partie « sécurité sociale » dont nous ne traitons pas ici, les ouvrages recensés sont séparés en une section « main-d’œuvre » et une section « travail » : dans la première, on parle des ouvrages d’A. Sauvy, mais aussi de G. Mauco, sur l’immigration, alors que dans la seconde il est question d’apprentissage, de relations de l’emploi, de psychotechnique, de grèves et de salaires.

11Cela est relativement homogène avec le classement des textes législatifs et réglementaires dans le numéro 5-6 de la RFT en 1946 : « salaires » ; « congés payés et conditions de travail » ; « hygiène et sécurité » ; « main-d’œuvre étrangère » ; « circonstances de guerre ». La rubrique « emploi » ici (par exemple, décret du 25 avril 1946 sur le placement des travailleurs et le contrôle de l’emploi) est, pour l’essentiel, centrée sur le « placement ». Cela se confirmera longtemps.

12• En 1947, on trouve dans le numéro 13 de la RFT, à part « accidents du travail », « allocations familiales et assurances sociales » : « hygiène et sécurité » ; « main-d’œuvre » (il s’agit de la « main-d’œuvre nécessaire en 1947 » et du rapatriement des économies des travailleurs suisses). La rubrique « emploi » dans le numéro 17 inclut des textes sur le logement des travailleurs originaires de province, (qui va avec le placement) ; une rubrique « chômage » apparaît.

13• Mais la division n’est pas stable : dans le numéro 4-5-6 du printemps 1948, « travail », « main-d’œuvre », et « sécurité sociale » sont les trois grandes divisions.

14Dans « main-d’œuvre », il y a « emploi » : reclassement des chômeurs, formation professionnelle, main-d’œuvre étrangère.

15Les rubriques se compliquent et s’allongent, au fil des ans, mais une certaine stabilité apparaît. Par exemple, au début de 1959, la rubrique « travail et main-d’œuvre » se divise en huit sous-rubriques qui couvrent le droit du travail (conseils de prud’hommes ; conventions collectives, durée du travail, salaires ; hygiène et sécurité) et les relations du travail dans l’entreprise, alors que la matière de l’« emploi » se répartit entre « problèmes d’emploi et de reclassement professionnel » (plans régionaux d’aménagement du territoire, définition de zones de conversion, prime spéciale d’équipement…) et « réglementation et contrôle de l’emploi » (action en faveur des travailleurs sans emploi, allocations de chômage, allocations spéciales…). La « main-d’œuvre étrangère », comme souvent, est à part.
Il est tentant de rapprocher ces divisions de celles qui répartissent les directions, sous-directions et bureaux du ministère. Le principe explicatif du classement est alors la compétence juridique, comme J.-P. Le Crom le fait remarquer dans ce numéro [12]. Avant d’y faire référence, un constat : l’emploi au sens contemporain n’est présent que marginalement, à travers principalement le placement, dont on sait combien il est « problématique » pendant la période [13]. C’est la notion de « main-d’œuvre » qui domine pour parler de ce qui serait classé aujourd’hui sous une rubrique « emploi ».

Noms de bureaux, périmètres de compétence

16Il faut attendre 1965 pour que la direction, qui s’appelait Direction générale du travail et de la main-d’œuvre (DGTMO), se transforme en DGTE, « emploi » se substituant à « main-d’œuvre ».

17Le mot « main-d’œuvre » figure dans la dénomination des services extérieurs et dans nombre de dénominations de bureaux ou services sur la période étudiée. Il était également présent avant la guerre et sous Vichy (Viet, 2004).

18A. Ziegler (1971, p. 103), a repéré l’apparition du terme en 1937 dans les dénominations de bureaux du ministère du Travail, (voir aussi Viet, 2006, p. 177), quelques années après la loi d’août 1932, relative à « la protection de la main-d’œuvre nationale ». Il faut relire les débats parlementaires préparatoires à cette loi pour saisir la signification politique du terme. Les parlementaires adoptent une position ouvertement paternaliste (presque « affectueuse ») à propos de ce qu’ils appellent emphatiquement « notre main-d’œuvre nationale » : c’est le cas, par exemple, du rapporteur Joseph Courtier, à la séance rapportée dans le JO des Débats du 12 juillet 1932 : « la situation de notre main-d’œuvre nationale [14] est assez grave pour réclamer des mesures de protection immédiate ».

19Les questions dont sont chargés les bureaux [15], opposent assez clairement les problèmes de main-d’œuvre en 1937 (« chômage, fonds national de chômage », « main-d’œuvre et placement », « main-d’œuvre étrangère » sont les dénominations des trois premiers bureaux) aux problèmes de travail, de relations salariés-employeurs, et d’allocations. Cette logique taxinomique persiste sous Vichy.

20En 1946, une sous-direction « emploi » (Ziegler, 1971, p. 122 ssq.) apparaît dans le giron de la Direction de la main-d’œuvre : l’emploi, c’est donc la partie des problèmes de main-d’œuvre qui concernent le placement, les embauches et les licenciements, ainsi que le chômage. À cette date, la main-d’œuvre étrangère est traitée par une deuxième sous-direction, à côté d’une troisième en charge de la formation professionnelle. En 1957, la logique persiste, mais cette fois les mains-d’œuvre étrangère et nord-africaine figurent dans le périmètre de la sous-direction emploi, comme elles le seront dans l’organisation de 1965 (ibid., p. 138 ssq.). Est-ce à dire, comme le note A. Ziegler (ibid., p. 148), qu’à partir de cette époque, la « priorité est donnée finalement aux problèmes de l’emploi, qui prennent le pas sur ceux du travail » ?
Notre voyage sémantique ne cherche pas à répondre à cette question ; il essaie de comprendre ce qui est entendu dans les dénominations. Quoi qu’il en soit, à cette étape, il paraît clair que la notion d’emploi, toujours en retrait par rapport à celle de main-d’œuvre, n’a pas le sens qu’on lui attribue aujourd’hui : l’emploi d’aujourd’hui a hérité de domaines qui relevaient de la main-d’œuvre, mais il ne s’y résume pas. C’est pourquoi l’on ne peut, sans dommage, à notre avis, mettre les politiques de l’un et de l’autre dans le même sac.

L’omniprésence de la notion de main-d’œuvre dans la langue de la revue

21La domination incontestable d’une vision (d’un imaginaire) « main-d’œuvre » peut être illustrée tout au long de la période jusqu’à la fin des années soixante : on verra, en deuxième partie, que la revue, devenue Revue française des Affaires sociales depuis 1967, ne parle plus beaucoup des questions qu’on appellerait aujourd’hui « d’emploi ». Il est donc difficile de dire la carrière de la notion de « main-d’œuvre » dans cette seconde période et à partir de son seul corpus.

22En tous les cas, de 1946 à 1966, les choses sont assez claires :

  • Pierre Laroque parle d’organisation de la main-d’œuvre, et du besoin de « la politique de la main-d’œuvre la plus évoluée », au moment où il parle de plein emploi et de fondation de la sécurité sociale (Laroque, 1946). Le mot est très courant, alors qu’en 2006, il a reculé au profit de l’emploi, du travail et d’autres notions encore. La loi du 20 mai 1944, présentée dans la revue, est relative à la main-d’œuvre privée d’emploi par suite d’événements de guerre ; c’est la même « main-d’œuvre » que celle d’août 1932.
  • Une réflexion sur la question du « recrutement de la main-d’œuvre étrangère » (Anonyme, 1946c) évoque les problèmes de main-d’œuvre de la guerre de 1914 et appelle à « l’introduction massive de travailleurs étrangers » dont il faudrait assouplir le « statut des étrangers », tout en coordonnant mieux les activités des différents départements ministériels concernés, une antienne qui n’a cessé d’être reprise dans la période d’avant guerre (Bonnet, 1976). Prisonniers de guerre, « main-d’œuvre d’appoint », nécessité de ne pas concurrencer la « main-d’œuvre française », sont au menu d’une conférence de presse de M. Patinaud, secrétaire d’État au Travail (Anonyme, 1946d).
  • Quand les pays étrangers sont évoqués (dans la partie « activité sociale à l’étranger » dans les premiers numéros de la revue), on évoque le « rendement de la main-d’œuvre » par exemple, en Tchécoslovaquie (Anonyme, 1946e).
  • Le président de la Commission de la main-d’œuvre pour le plan de modernisation et d’équipement, A. Tollet, secrétaire de la CGT, signe un court article intitulé « Le Plan et les problèmes de la main-d’œuvre » (Tollet, 1946).
  • Une rubrique statistique régulière, l’« état statistique de la main-d’œuvre » figure dès 1946. Le commentaire des tableaux publiés dans ce même numéro donne les clefs du contenu de ce qu’on considère comme main-d’œuvre à l’époque. « Les problèmes de la main-d’œuvre sont parmi les plus importants que doit résoudre une politique d’économie dirigée » (Anonyme, 1946f) ; il faut donc une politique « dirigée » [16] de main-d’œuvre ; cette politique doit faire face à la pénurie de main-d’œuvre et favoriser l’affectation, dès qu’on connaît les besoins, vers les secteurs et branches déficitaires de l’économie ; cela doit inclure aussi les qualités de la main-d’œuvre, en termes de qualification et d’âge, voire « d’emploi optimum » sur le plan régional. Considérant cet objectif de politique publique, l’auteur du commentaire se plaint de l’inadéquation des statistiques : il a comme un regret quand il évoque l’URSS « où les études relatives à l’emploi de la main-d’œuvre sont particulièrement poussées et la répartition des ressources humaines est présentée selon ses multiples aspects » ; l’imaginaire de la main-d’œuvre, l’algorithme principal du référentiel tient dans la capacité présumée à diriger une affectation des ressources en fonction de besoins. Il y a de visibles parentés dans ce dirigisme avec celui de la période de Vichy (Viet, 2004). Le dirigisme va de soi, en quelque sorte, avec une « planification souple et partielle », écrit par ailleurs l’économiste Henri Bartoli, dans un petit opuscule où il constate comme une évidence que « le retour à l’économie libérale est impossible » (Bartoli, 1945, p. 5). Considérée avec le recul du temps, la main-d’œuvre apparaît donc comme la base d’une conception dépassée, celle qu’illustre bien l’ouvrage de J. Desmarest, en 1946, ancien haut fonctionnaire du régime de Vichy. Vincent Viet (2006) a très bien montré le rôle central de la main-d’œuvre étrangère dans cette représentation des problèmes de politique publique ce n’est pas la peine d’y revenir ici.
L’emploi courant, en français, du terme « main-d’œuvre » date du début du XXe siècle, et se poursuit aujourd’hui, quand on veut parler d’une quantité relativement indifférenciée et plus particulièrement d’un travail non qualifié [17] (le labour indifférencié anglais) [18]. Est-ce à dire qu’il faut voir une rupture, ce que suggère Viet (2004, p. 92), quand on introduit le mot « emploi » pour qualifier des politiques qui seraient plus centrées sur « l’équilibre entre les attentes individuelles des candidats à un emploi et les tendances générales de l’économie » ? Nous discuterons plus loin cette interprétation.

23Mais, au sein du triptyque « main-d’œuvre – travail – emploi », centrons l’attention maintenant sur le couple « travail – emploi ». L’ouvrage de Pierre Demondion [19], dont la revue rend compte dans sa rubrique « notes et informations bibliographiques » dans son numéro 1 de 1960, est intéressant de ce point de vue. L’auteur consacre des efforts louables, quoique laborieux, à éclairer ce qui est, à l’époque, vu comme « travail » et ce qui est considéré comme « emploi », tout en n’étant pas loin – il aurait à notre avis raison – d’avouer son échec à produire une distinction incontestable [20] ; la solution qu’il privilégie en définitive, c’est une séparation selon le droit, après avoir trouvé trop « pragmatique » et « formel » l’idée de désigner comme relevant de l’emploi ce qui est attribué aux services de main-d’œuvre (Demondion, 1960, p. 11). Selon lui, « Dans l’opinion générale, comme dans les milieux administratifs, on appelle problèmes de l’emploi tous les problèmes qui s’attachent à l’utilisation économique des travailleurs par la production, par opposition aux problèmes du travail qui, stricto sensu, s’appliquent à la protection et à la réglementation des conditions du travail [21] ». Demondion met son lecteur cependant sur une piste, concernant l’évolution des politiques, en signalant parmi trois « lignes de force qui apparaissent dans l’évolution des problèmes » en 1960, celle-ci « l’évolution depuis la Libération réside en une prise de conscience globale de l’emploi » (ibid., p. 20-21), fait qu’il rapporte à l’existence des plans qui relèvent d’une « analyse plus scientifique et de techniques plus objectives ».

Usages des termes et catégories savantes : de la RFT à l’approche contemporaine en sociologie

24Le parcours que nous venons d’esquisser devrait s’insérer dans une recherche systématique dans la littérature, à l’évidence principalement économique, des années étudiées, pour apprécier plus finement les interrelations entre le lexique de la RFT et celui des manuels ou des articles scientifiques. Ce travail reste à faire. Deux notations intéressantes, cependant : en 1964, dans un ouvrage qu’ils présentent comme de vulgarisation économique, H. Hatzfeld et J. Freyssinet ont une formule intéressante sur la distinction emploi-travail, du point de vue des économistes : « Lorsqu’on parle de l’emploi, c’est de l’emploi du travail qu’il s’agit. Peut-être vaut-il mieux dire que c’est l’emploi des travailleurs et l’utilisation de leur force de travail qui est en cause » (1964, p. 12). Comme il est constant dans la discipline, le travail est ici, clairement, d’abord vu en tant que facteur de la production. En 1991, Bernard Gazier intitule son manuel Économie du travail et de l’emploi, alors que les manuels traditionnels sont des manuels d’économie du travail[22].

Encadré : Le plein emploi d’antan

Les références au plein emploi dans la revue sont nombreuses dans les premières années que nous considérons ; elles ne deviennent problématiques qu’à partir de la fin des années soixante, bien après l’émergence d’un chômage important. Aux débuts, les références sont peu fréquentes [23], puis, la notion devient « naturelle » dans les années cinquante et elle disparaît.
Pierre Laroque y fait allusion dès le premier numéro (Laroque, 1946), où le plan français de sécurité sociale suppose « une organisation économique adaptée, assurant le plein emploi, ful employment des Anglo-Saxons». Il faut entrer dans les détails de ce plein emploi de l’époque pour mesurer toute la distance qui existe avec l’objectif de plein emploi, timidement réintroduit récemment par la Stratégie européenne de l’emploi, objectif dont il n’est plus guère parlé en 2006 il est vrai. Ce n’est pas d’un « plein emploi » où « any job is better than no job », à la britannique dont parle Alfred Sauvy en 1946 dans la revue Population sous le titre « Plein emploi et pleine population » : « Le plein emploi ne résout donc que partiellement le problème économique. Il est évidemment préférable, même du seul point de vue économique, à l’état de chômage [mais] le bien-être maximum n’est obtenu que dans l’état de “pleine population” […] » ; l’auteur définit ce dernier état comme celui où ne diffèrent pas « la population employée » et la « population demandée » compte tenu de la « structure professionnelle ». Sauvy est loin d’être seul dans cette acception [24]. De façon complémentaire, P. Laroque, note, l’année suivante, à propos de la conception de Beveridge : « Sir William Beveridge ne voit-il pas dans la Sécurité sociale un instrument de la réalisation du plein emploi ? Mais même en faisant abstraction de cette préoccupation – car le problème du plein emploi ne se pose guère en France – la Sécurité sociale n’apporte pas réellement une charge nouvelle à l’économie d’un pays, car elle est une pure et simple redistribution de revenus » (Laroque, 1947). On ne peut être plus éloigné des conceptions qui règnent aujourd’hui en France, à la fois sur la sécurité sociale et sur le plein emploi.
Dans un ouvrage publié dix-sept ans plus tard, au moment où la France connaît encore une situation de plein emploi, Hatzfeld et Freyssinet (1964), traitant des « politiques de plein emploi » dans l’un de leurs chapitres (p. 66-72), donnent une définition exigeante du plein emploi, qui peut apparaître bien étrange dans le contexte contemporain : « le plein emploi est donc une première étape ; il doit céder la place au “bon emploi” ou au “meilleur emploi” […] [à] l’affectation rationnelle de la main-d’œuvre aux tâches économiquement les plus utiles, d’autre part [à] l’organisation de la mobilité de la main-d’œuvre de telle sorte que celle-ci s’adapte rapidement et aux moindres coûts humains aux transformations de la structure de l’emploi exigées par le progrès économique ».

25On restera toutefois dans le domaine de la sociologie, de l’emploi et du travail (il n’y a jamais eu, à notre connaissance de « sociologie de la main-d’œuvre », alors qu’existent désormais des références, çà et là, à une « sociologie des ressources humaines »). À tout seigneur, tout honneur : il revient à la RFAS d’avoir publié le premier article programmatique [25] – sauf erreur de notre part, traitant de la sociologie de l’emploi [26]. L’argument de Decouflé et Maruani (1987) – qui sera ensuite systématisé dans Maruani et Reynaud (1993) – est le suivant : l’emploi n’a pas de sociologie car c’est un objet qui est en quelque sorte monopolisé par les économistes, alors que les sociologues restent cantonnés dans la sociologie du travail. Or, les deux disciplines ne définissent pas les choses de la même façon. L’emploi, pour ces auteurs, recouvre deux dimensions : « l’accès à ce que le vocabulaire courant nomme “le marché du travail” ; ses formes, ses modalités et ses résultats » d’une part ; de l’autre, « la traduction de l’activité laborieuse en termes de statuts et de rôles sociaux pour un individu comme pour un groupe socioprofessionnel » (p. 15), pendant que le travail, c’est l’activité et l’ensemble de ses conditions d’exercice. Cette opposition, globalement, reste pertinente aujourd’hui : toutefois, elle a tendance à figer les choses, de façon un peu rigide peut être. Elle ne tient pas compte d’un autre angle possible de vue, comme celui de Pierre Maclouf (2001), qui argumente, dans la RFAS, bien plus tard, pour une distinction entre Travail (avec un grand T) et travail (avec un petit t) : le premier renvoie pour lui à ce qu’il appelle « ses institutions d’encadrement », dans une problématique théorique qui s’inspire de P. Legendre, à propos du rôle de l’État et, partant, de l’ordre politique, alors que le second désigne l’activité sociale et le facteur de production, objets classiques de l’économie et de la sociologie du travail. Le regard rétrospectif dans la RFT-RFAS nous rappelle aussi une époque où les cloisonnements disciplinaires n’étaient pas les mêmes et où des « sciences sociales du travail », dont il est assez souvent question dans les livraisons de la deuxième décennie de la revue, faisaient cohabiter des travaux de « psychotechnique », de psychosociologie, et de sociologie (voir en particulier l’article sur la recherche sociale dans l’industrie (Anonyme, 1958), les textes de F. Sellier, Y. Delamotte, M. Crozier et J.-D. Raynaud, et les rapports de « missions de productivité » aux États-Unis [27]).

26Nous avons suggéré (Barbier et Nadel, 2000) que l’opposition entre économie et sociologie était probablement moins étanche, en observant la distinction du point de vue dynamique, en y introduisant le processus de flexibilisation contemporain. À mesure que l’économie s’intéresse, si l’on suit Gazier, à la « qualité », la zone commune entre économie et sociologie a tendance à s’accroître, comme l’indique le tableau 1. Ce que les économistes privilégient traditionnellement, c’est la dimension volume de l’emploi et le facteur de production qu’ils désignent par la notion de travail, pendant que les sociologues insistent plus sur les statuts et les rôles, en parlant d’emploi, mais le facteur de production des économistes est pour eux une activité humaine située dans une organisation de production. Les concepts de travail et d’emploi que P. Demondion trouve difficiles en 1960 à discriminer, sont tout autant ambigus dans le dialogue, pas toujours aisé, entre les disciplines. Si la sociologie de l’emploi n’apparaît dans la revue, qu’à la toute fin de la période, c’est aussi que, jusqu’à la moitié des années 1970, l’emploi « allait de soi ». Au début des années 1970 on évoquait même « l’allergie au travail » chez les jeunes, et la revue y fait écho, avec plusieurs articles (Rousselet, 1967 et Yan, 1968).
Résumons-nous : dans une approche économiste étroite, le travail s’analyse comme l’un des facteurs de la production, alors que, pour les autres sciences sociales, il est une activité humaine fondamentale située dans l’espace et le temps. Si l’emploi, pour les économistes, est plutôt envisagé en volume et sous l’angle de la macroéconomie, il représente d’abord pour la sociologie un support de l’identité sociale. Mais, la flexibilité, en tant qu’elle s’oppose à la rigidité ou la fixité, peut s’appliquer aux deux notions avec des conséquences très différentes. « Flexibiliser » un emploi signifie en effet, de manière résumée, en rendre variables les caractéristiques : le temps de travail qui lui est associé, les lieux et les conditions de son exercice, ses éléments statutaires et juridiques. « Flexibiliser » le travail, par contraste, c’est assurer que l’activité humaine spécifique (ou le facteur productif) devienne malléable, adaptable à des circonstances changeantes de la production. Avec la flexibilité du travail et de l’emploi, dont il ne sera question dans la RFAS qu’à l’extrême fin de la période que nous étudions, la distinction travail-emploi se révèle encore plus ardue.

Tableau 1

Flexibilité du travail et de l’emploi en gestion, économie et sociologie

Tableau 1
Flexibilité du travail Flexibilité de l’emploi Notions communes à l’économie, la sociologie et la gestion Souplesse de l’organisation productive, adaptabilité des capacités d’apprentissage et des compétences, des structures hiérarchiques, des conditions et du temps de travail. Approche économique Variabilité du salaire et des coûts du travail. Variabilité du volume de l’emploi dans la firme ou dans l’économie, mobilité de l’emploi. Approche sociologique Adaptabilité de l’activité productive, individuelle et collective. Adaptabilité des qualifications, des contrats, des statuts et des droits attachés. Source : Barbier et Nadel, 2000.

Flexibilité du travail et de l’emploi en gestion, économie et sociologie

27Au total, le lexique de la revue, dans ses débuts, se partage entre main-d’œuvre et travail (du côté du droit), et il n’intègre qu’avec réticence la notion d’emploi, qui n’est presque jamais entendue comme un emploi individuel. Il est vrai que la préoccupation de politique publique, vers laquelle nous nous tournerons maintenant, reste quantitative, d’équilibrage entre besoins et ressources, tout au long des premiers Plans, dont la revue publie abondamment, jusqu’en 1966, les documents préparatoires. La préoccupation « qualitative » apparaît cependant dans l’évolution de la façon dont sont conçues les politiques, de la main-d’œuvre, du travail, de l’emploi.
L’usage du terme de main-d’œuvre, si fréquent, soulignons-le enfin, a peut-être aussi à voir avec une époque qui n’est pas encline à manier les euphémismes [28].

L’émergence incertaine de « politiques de l’emploi » et leur transformation tout aussi incertaine

28Une fois défrichés les territoires de l’emploi et du travail à l’aide de la RFT, il est plus facile d’envisager « leurs politiques », au cours de la même période. Même aujourd’hui, la qualification de ces dernières, sur le plan formel, n’est toutefois pas stabilisée : on utilise alternativement « politiques d’emploi » ou « politiques de l’emploi » comme des équivalents [29] ; le terme « politique pour l’emploi [30] » est rare : il est employé récemment par J. Freyssinet (2006, p. 189).

29Dans un passé proche, certains auteurs, très minoritaires, ont choisi de parler de « politique du travail » en y incluant ce que la plupart des autres appellent « politique de la main-d’œuvre » ou « politiques de l’emploi » : c’est le cas de Thuillier (1981), mais on ne trouve pas d’illustration significative de cette tendance dans les livraisons de la revue que nous étudions ici [31]. Évidemment, la solution est économique, puisqu’elle permet d’éviter justement les difficultés que nous avons illustrées en première partie. Pourtant, à la différence du choix englobant de la notion de « travail » (qui est aussi le Travail avec un grand T de P. Maclouf en 2001 (cf. supra), pour d’autres raisons théoriques), il nous semble important de repérer pourquoi les politiques sont dénommées différemment à telle ou telle époque, en prenant au sérieux le fait que les normes, les valeurs, les algorithmes, et les images, composantes des référentiels, changent en même temps que les médiateurs et les frontières d’un éventuel « secteur » de politique publique, au sens de Jobert et Muller (1987).
La lecture de la RFT-RFAS doit nous aider, précisément, à repérer une partie de ces éléments, car les auteurs qui y écrivent, dans les livraisons de notre période, en sont majoritairement des acteurs (des médiateurs). L’analyse de leurs discours – qu’encore une fois, il faudrait situer dans un contexte et une investigation plus large – nous met sur des pistes d’interprétation quant à la datation de la naissance de telles politiques, quant à leurs tournants significatifs importants. On repérera deux tournants principaux, à mettre en relation avec trois référentiels globaux : le libéralisme d’avant-guerre, qui se lit en contraste du référentiel keynésien des années d’après guerre, jusqu’à la moitié des années soixante-dix, moment où, selon l’argument désormais classique, on bascule vers le référentiel du libéralisme gestionnaire, pour employer l’expression de Bruno Jobert (1994). Ce cadre est bien connu. Ce qui l’est moins, en revanche, ce sont la substance et l’époque précise des tournants significatifs, non pas dans le référentiel global, mais au sein de ce qui se construit, sans doute, comme un secteur particulier de politiques publiques au sein d’une très englobante « politique sociale », et par opposition à la politique de plein emploi keynésienne, dont les contours précis sont si difficiles à repérer, tant il est vrai que la variété des actions publiques qui influencent l’emploi (au double sens de volume et de qualité) est grande, comme le soulignent pratiquement tous les auteurs [32].

Le contraste avec l’avant 1945

30La « politique de l’emploi » ne sort pas toute armée des travaux de la Commission de la main-d’œuvre des Plans successifs. Comme on l’a indiqué en décortiquant les usages du terme main-d’œuvre précédemment, elle se dégage de la gangue des significations et des algorithmes d’avant-guerre et de l’époque de Vichy. On se contentera ici de quelques rappels, puisque ce n’est pas le centre de notre analyse.

31La politique de la main-d’œuvre en France, que Desmarest (1946) reconstruit rétrospectivement, est marquée par un trait essentiel que la plupart des auteurs ont souligné : son objet dominant est l’action sur la quantité de main-d’œuvre, par l’immigration et le renvoi de travailleurs étrangers chez eux (refoulement, rapatriement), selon la conjoncture. Là est sans doute le contraste le plus frappant avec la période actuelle où la politique de l’immigration n’est, pratiquement, plus considérée comme relevant de la politique de l’emploi. Viet (2006) mais aussi Decouflé (1990) ont noté l’importance de la guerre de 1914 à cet égard. La « protection de la main-d’œuvre nationale », sur fond de xénophobie croissante, dans les années trente, n’est pourtant certainement pas vue, à cette époque, comme une « politique de l’emploi ». Au vrai, comme l’a noté très justement Ralph Schor (1985, p. 596), il y a en France, à cette époque « sclérose de la pensée économique » : « Les projets de limitation de la main-d’œuvre immigrée, quelle que fut leur sévérité, attestaient du regain de nationalisme et de la volonté de la France de se replier sur elle-même. Ces conceptions dénotaient aussi une sclérose de la pensée économique. En effet, les modérés, porte-parole du patronat, formaient le dernier carré du libéralisme, et, fidèles au “laisser-faire” des anciens temps, ne préconisaient aucune solution originale. La gauche cherchait bien à innover, en plaidant pour les grands travaux, la réduction de la durée du travail, le maintien de la consommation, mais elle ne croyait pas à l’efficacité de tels remèdes pour les promouvoir en force et vouloir les substituer totalement à une réduction du nombre des étrangers ». Dans les années trente, aussi, on note des politiques hésitantes, localement appliquées [33], d’organisation de « travaux de chômage », en particulier dans le cadre du plan Marquet, mais qu’est ce que ces actions ont à voir avec le New Deal aux USA, ou avec le recours massif aux contrats emploi-solidarité, par exemple ? Le caractère à la fois velléitaire, symbolique et incertain [34] des politiques de l’époque est également bien illustré par le rapporteur de la loi d’août 1932, quand il présente cette loi au sein d’un trio d’actions : la protection de la main-d’œuvre, le « plan d’outillage » (dont il reconnaît lui-même l’influence marginale en termes d’emploi), et, last but not least, un hypothétique « retour à la terre » des ouvriers, qu’il faudra bien, dans l’avenir discuter à la chambre. Tout en se poursuivant d’une certaine manière sous Vichy (les « chantiers de bûcheronnage »), les choses changent grandement, jusqu’à dégénérer dans la politique criminelle (Viet, 2004). Mais la forme de « rationalisation » qui est au fondement de la Charte du travail et du contrôle de la main-d’œuvre ne s’évanouit pas d’un coup, comme le note ce dernier auteur (ibid., p. 91), à la Libération. Il faut avoir ces éléments présents à l’esprit pour comprendre l’esprit « dirigiste » affiché dans les premiers numéros de la RFT.

Le dirigisme : politiques de la main-d’œuvre et politique de plein emploi combinées

32Des quelques citations glanées dans les livraisons de la revue, on constate que le mélange de politique publique qui s’installe à cette époque combine une « politique de plein emploi » avec une forme renouvelée de « politique de la main-d’œuvre ». C’est pourquoi la revue parle à la fois des deux, ce qui pourrait paraître paradoxal. Avec le rapport de la Commission de la main-d’œuvre du Commissariat général du plan d’équipement et de la productivité (1966) dont Jean Fourastié est le président, on aborde à ce moment un autre tournant, mais le rapport insiste (comme les précédents qui ont toujours parlé d’équilibre de l’emploi et de la main-d’œuvre) : « La politique de l’emploi [sous-entendu, de plein emploi NDR] déborde largement le seul cadre des actions du ministère des Affaires sociales […] » et il cite l’éducation nationale, la formation, le développement régional, pour ensuite conclure « cette politique de l’emploi […] sera un chapitre important de la politique économique et financière des prochaines années ». La politique de l’emploi est à la fois globale, et en train de changer de façon décisive par rapport à l’après Libération (cf. infra).

33Avant d’en arriver là, la revue a fidèlement tenu la chronique des conceptions de politique de main-d’œuvre et de politique de plein emploi, qui paraissent relativement homogènes ; prenons-en quelques exemples significatifs. Le premier plan se préoccupe des « effectifs supplémentaires à mettre en place », compte tenu du contingent des prisonniers de guerre, des travailleurs algériens, et étrangers (Commission…, 1947). Le responsable des statistiques du ministère du Travail indique que les « déficients » ou « handicapés » peuvent être « utilisés dans les périodes de pénurie de main-d’œuvre » (Aboughanem, 1948). Le directeur de la main-d’œuvre dans un discours (Rosier, 1950) fait référence à la « politique de l’emploi définie par les chefs des démocraties en guerre ». À l’OIT, Paul Bacon, le ministre du Travail MRP, enregistre « l’évidence de la nécessité d’une politique de l’emploi » qui doit « prévenir le développement du chômage » : c’est aussi de politique de plein emploi qu’il s’agit, alors que, dans le même temps, le ministre énumère toute une série de domaines spécifiques d’intervention (placement, contrôle des mouvements de main-d’œuvre, droit du travail dans divers domaines) (Bacon, 1950) ; la tonalité est constante jusqu’à la moitié des années soixante : c’est le ministre Gazier qui célèbre en quelque sorte l’enterrement des idées de Jacques Rueff, quand il déclare « seule une infime minorité d’esprits attardés estime encore que le chômage est un des éléments indispensables de l’équilibre économique. Aujourd’hui, dans tous les pays ou presque dans tous, le chômage est considéré à la fois comme une monstruosité et une absurdité » (Gazier, 1956). Le consensus n’est pas troublé par un article plutôt confus dont seul le titre est prometteur : « de la politique de la main-d’œuvre à une politique de l’emploi » (Roux, 1949).

Le tournant de 1963-1967 : fin du dirigisme et orientation vers l’imaginaire et les algorithmes de la politique active

34Un tournant, à la fois dans les significations et dans la substance des politiques apparaît fort bien dans les textes de la revue, entre 1963 et 1967. N’oublions pas qu’à cette époque, le chantre et l’un des inventeurs de la « politique active de l’emploi », en Suède, Gøsta Rehn, est à Paris, comme responsable des questions sociales à l’OCDE (1962-1973) et qu’il a commencé sa croisade en faveur de cette politique (qui, on ne le répète pas assez, critique une conception dominante du keynésianisme et s’oppose aussi à la doxa néoclassique). Ce n’est donc pas étonnant de constater que, petit à petit se mettent en place des « dispositifs », des « programmes », qui, en raison d’un chômage encore fort faible, ne sont que marginaux. Mais, comme l’a bien vu Jachiet (1981, p. 9), une bonne part des dispositifs des années quatre-vingt furent mis en place avant le choc pétrolier, sous une forme en quelque sorte embryonnaire. La variation de sens se révèle, progressivement, à la lecture de la revue. Pierre Laurent, directeur général du travail et de la main-d’œuvre, évoque ces « aspects nouveaux » une première fois, en 1963, appelant de ses vœux une politique « fine » de création d’emploi, qu’il oppose aux « mécanismes traditionnels » (pour l’essentiel, l’immigration et le « contrôle de l’emploi », mécanismes que nous voyons du côté de la « main-d’œuvre ») (Laurent, 1963) ; dans le même temps, il souligne, parmi les « mécanismes nouveaux », la nécessité de connaissance du marché du travail, la formation professionnelle, mais aussi la question des « services de l’emploi adaptés » et, last but not least, « l’accompagnement des changements » ; deux ans avant, il s’était penché dans la revue, sur les problèmes « posés par la reconversion des entreprises » (Laurent, 1961). La lecture de la RFT montre très clairement qu’on s’éloigne d’une politique comprise à la façon de P. Demondion (1960), et, qu’en même temps, l’accent sur la question du plein emploi devient moindre. Cela ne signifie nullement que la référence à ce dernier disparaît, mais qu’elle s’estompe. C’est, dans la revue, à propos de la création du Fonds national de l’emploi (FNE), que la première référence à des « moyens d’action positive » est repérable (Anonyme, 1963), action qui doit, selon l’exposé des motifs de la loi, fournir des aides adéquates pour « affronter efficacement les mutations » ; le mot de « politique active de l’emploi » est prononcé (ibid., p. 6). Les doutes sur l’efficacité du Plan apparaissent (« un plan est-il encore possible ? ») (Masse, 1964) dans un discours de Pierre Massé, le commissaire de l’époque, même si, « prévisionnellement, en probabilité », celui-ci prévoit « le plein emploi de nos ressources en main-d’œuvre », tout en prévoyant une stratégie souple et combinée, incluant la fiscalité et la maîtrise des prix : l’économie est de plus en plus ouverte et la concurrence, constate-t-il, de plus en plus vive. Le point d’orgue de cette période, vu de la fenêtre importante – et limitée à la fois – de la RFT, est 1966-1967 : la revue publie pour la dernière fois le rapport de la Commission de la main-d’œuvre et la nouvelle RFAS publie un court texte d’analyse des ordonnances de 1967 (RFAS, 1967). Le rapport de Marie-Thérèse Join-Lambert et les critiques sur les services de l’emploi sont suivis d’effets, avec la naissance de l’ANPE.

L’emploi vient à manquer, la revue se fait discrète : le chômage augmente, incertitudes sur le plein emploi et multiplication des interventions

35On n’apprendra pas facilement dans la RFAS ce qui se passe ensuite en matière de politique de l’emploi en France ou de chômage, car, curieusement, au moment où l’emploi va commencer à manquer, et les politiques se transformer pour prendre un autre visage dans les années quatre-vingt, la revue ne parle pratiquement plus de l’emploi. Ce point avait été noté par M. Maruani (1986), mais elle n’avait retenu dans son article que les textes universitaires ; la remarque s’étend aux autres. Chaque année, la revue ne publie qu’une petite poignée d’articles relevant du sujet « emploi », et on est frappé par le fait que la RFAS parle, en matière de politiques, surtout de l’étranger, et majoritairement de la Suède (les articles sur la Suède sont d’ailleurs écrits presque tous par le même auteur, R. Danaho (1967, 1975)).

Années quatre-vingt, le chômage de masse, c’est surtout la précarité que retient la revue

36La question de l’emploi ne reviendra à l’ordre du jour éditorial que dans la toute fin des années soixante-dix et, surtout, les années quatre-vingt ; il s’agit de questions de l’emploi et de politiques de l’emploi cette fois contemporaines, qui ne posent pas de problème d’étrangeté. Le premier article significatif (Benarroch et Espinasse, 1981) présente une analyse des stages pratiques en entreprise, de la fin des années soixante-dix (« pactes pour l’emploi des jeunes ») et note, significativement, que ce qui est proposé aux jeunes correspond à une « occupation », un « quasi-emploi » : ce thème anticipe sur l’analyse des statuts transformés, qui sera systématisée par Dominique Schnapper dans son article de 1989. Les auteurs soulignent également le mouvement de « précarisation » de la situation des jeunes. Plus généralement, l’analyse de la précarité se révèle, dans ces années quatre-vingt, la dominante des contributions qui abordent le thème de l’emploi. Nous avons analysé ailleurs l’apparition de ce thème, plus largement (Barbier, 2005a) ; le contenu des articles publiés par la RFAS confirme notre analyse : la revue publie un article de la pionnière, Agnès Pitrou, qui fait référence à son étude réalisée pour la CNAF (Pitrou, 1979). De la même façon, le thème de la précarité est traité particulièrement par égard à la situation des femmes : il traverse les analyses du numéro spécial préfacé par Yvette Roudy, ministre délégué, chargé des droits des femmes (Roudy 1981). Les livraisons de la dernière partie de la période que nous passons en revue font aussi une place éminente à la question de la préparation et de la mise en œuvre, mais aussi de l’évaluation du RMI (Martin, 1989). Clairement, les choix de publication de la RFAS se spécialisent, en matière de traitement de l’emploi et d’analyse de la politique publique, sur les questions reliées à l’insertion. Les méthodes partielles que nous avons utilisées ne permettent pas de trancher les raisons de cette spécialisation : entre-temps, il est vrai, est apparue, dans l’orbite du ministère, une nouvelle revue, créée en 1979, Travail et Emploi, mais l’explication de l’évolution du contenu de la revue doit être certainement référée à la répartition des compétences entre les parties « emploi, travail » et « affaires sociales » du grand ministère.

Conclusion : pour une grille d’analyse des « politiques de l’emploi »

37La recherche menée parmi les catégories utilisées dans les articles de la RFT-RFAS permet donc de repérer un certain nombre de tournants significatifs. Elle montre que, bien que la revue ne soit évidemment pas en mesure de traiter du champ « emploi – travail – main-d’œuvre » de façon exhaustive, elle révèle tout à fait pertinemment les évolutions du sens des expressions et des politiques associées.

38De la même manière que la séparation stricte des notions d’emploi et de travail nous est apparue, en première partie, impossible, à partir de la confrontation des concepts sociologiques et économiques contemporains au langage de la revue, pour le versant des politiques publiques, la revue nous incite à une réflexion éclairant de façon plus systématique les raisons des problèmes que nous avons rencontrés dans les usages du vocabulaire.

39Au fond, il faut admettre que les contours de ce qui est dénommé « politique de l’emploi » aujourd’hui (et, comme nous l’avons vu, après guerre) ne pourront jamais être parfaitement cernés. La principale raison tient au fait que toute politique se crée sur un imaginaire (des normes, des valeurs et des images) et sur la base d’une représentation des effets attendus de l’action (son algorithme, ou sa théorie d’action normative). Mais le propre de chaque politique est de changer constamment de périmètre et, par le fait même de sa nomination, de cristalliser des messages politiques normatifs, dont l’usage est à la fois électoral et de régulation. Il n’est donc pas étonnant que, les contenus changeant au cours de la période considérée, le lexique se trouve en défaut. Le tableau 2 esquisse quatre approches bien différentes de l’objet contemporain « politique de l’emploi », qui correspond imparfaitement à l’objet « politique de la main-d’œuvre » et « politique de l’immigration », ainsi qu’à d’autres objets que nous n’avons pas rencontrés ni analysés en détail, comme « politiques de l’insertion », « politiques de la formation professionnelle ».

Tableau 2

Analyser les politiques de l’emploi : approches diverses

Tableau 2
Approches Types de définitions Conséquences/dates Fonctionnaliste Réguler le marché du travail, augmenter l’emploi : politiques de l’emploi, de plein emploi. Les politiques de l’emploi datées de 1945 Césure « politiques de l’emploi »/politiques de plein emploi. Approche par les rapports sociaux : structuraliste, marxiste, régulationniste Administrer, réguler, voire « civiliser » un « rapport social ». Des politiques du travail (éventuellement avec un grand T). Leur origine peut remonter à la fin du XVIIIe ou à la première moitié du XIXe. À la limite, dans la période contemporaine, les politiques du travail subsument le reste des interventions, y compris sous l’angle du droit. Empirico-agrégative Des politiques de la main-d’œuvre et/ou du travail, voire, de l’emploi. Politiques modernes de la main-d’œuvre. Les interventions remontent très loin dans l’histoire, mais les politiques modernes datent de la première guerre mondiale. Insistance sur la signification sociale et les valeurs Référentiel et sens Distinguer politiques de la main-d’œuvre/travail et politiques de l’emploi/politique de plein emploi/politique d’immigration/etc., par l’articulation entre référentiel sectoriel et référentiel global : identifier les médiateurs et les acteurs. Politiques du travail, de l’emploi, de la main-d’œuvre, diffèrent parce que les normes, les valeurs, les images et les algorithmes, donc le sens ont changé : une périodisation fine est nécessaire et possible.

Analyser les politiques de l’emploi : approches diverses

40Comme le montre le tableau 2, quatre perspectives sont possibles, qui sont inégalement utilisées par les auteurs que nous avons rencontrés, dans la revue, et aussi, parfois, par l’intermédiaire de textes contemporains, ou jetant un regard rétrospectif.

41La première approche peut être qualifiée de « fonctionnaliste » ; dans ce cas, la ou les politique(s) de l’emploi peuvent se représenter par l’addition d’une série de « fonctions » qui visent à l’intervention sur le marché du travail ou à la création d’emploi. Ces politiques, on l’a vu, ne sont jamais autonomes d’un ensemble d’autres actions. L’approche fonctionnaliste est particulièrement privilégiée par les économistes (Freyssinet, 2006 ; Gazier, 1991).

42Une seconde approche se situe de façon nette au niveau de l’analyse des rapports sociaux et du rôle de l’ordre politique dans leur organisation ; c’est celle de l’école de la Régulation (Boyer, 1986), que nous n’avons pas rencontrée explicitement dans la revue, mais c’est celle aussi adoptée par P. Maclouf (2001), avec des prémisses théoriques différentes.

43Une troisième approche est plus empirique, elle est à la recherche de dispositifs circonscrits qui, par leur fonctionnement concret, peuvent être comparés à travers les âges : en les agrégeant, malgré leur hétérogénéité, ils forment une autre façon de « politique », qui est plutôt reconstruite ex post, dans une dynamique empirico-agrégative (Decouflé, 1990).

44Enfin, si l’on privilégie le sens et les représentations, les référentiels de l’analyse à la Jobert et Muller (1987), les politiques ne prennent tout leur sens que par ce référentiel sectoriel, qui, bien sûr, est amené à évoluer, et à interagir avec ce que ces auteurs ont appelé le « référentiel global ». Une analyse systématique depuis ce dernier point de vue n’a pas encore été tentée en France, à notre connaissance.
Cette grille d’analyse n’est évidemment, à ce stade, qu’une mise en forme exploratoire des interprétations possibles qui nous sont apparues à la lecture de la revue.

Notes

  • [*]
    Directeur de recherche CNRS, UMR Centre d’économie de la Sorbonne (CES – Matisse), université Paris I Panthéon-Sorbonne.
  • [1]
    En parlant de la Revue française des Affaires sociales ou de la revue, j’englobe l’ensemble du corpus étudié, à savoir la Revue française du Travail (RFT) de 1946 à 1967 puis la RFAS. On retrouvera l’intitulé exact de la revue dans les références bibliographiques en fin d’article.
  • [2]
    Je pense notamment aux textes de M. Maruani (1986) et C. Nicole (1986).
  • [3]
    Je suis devenu membre de son comité de rédaction, depuis lami-1991, alors que j’étais directeur des études, des statistiques, de l’évaluation et de la recherche de l’ANPE (1991-1993). Je connaissais la revue relativement bien depuis 1985. À cette dernière date, j’étais adjoint au chef de bureau SEF3, dans le service de Louis Dessaint, alors que Marinette Girard était directeur de l’Action sociale, et je m’y occupais de la réglementation et du financement des établissements sociaux et médico-sociaux. J’ai aussi beaucoup lu la revue quand je suis devenu (1988-1991) responsable de la recherche à la CNAF, d’abord sous l’autorité de Bernard Guibert, puis en assurant son « intérim » brièvement (1990-1991).
  • [4]
    Gaston Rimlinger publie son ouvrage Welfare Policy and Industrialization in Europe, America and Russia en 1971, l’un des rares ouvrages pionniers qui prenne la France au sérieux, tout en ne lui consacrant quand même pas une partie. Il donne de nombreuses notations intéressantes sur l’enracinement historique de la politique familiale en France.
  • [5]
    Nous nous référons à la notion créée par Bruno Jobert et Pierre Muller.
  • [6]
    La place étant limitée, je n’aurai pas les moyens de faire autre chose que de noter, sur la période, l’absence étonnante de référence à la grande loi sur les handicapés de juin 1975. Il faut attendre un texte d’Annick Morel, en 1986, pour que soient mentionnées explicitement les conséquences de cette loi (Morel, 1986).
  • [7]
    Cette réflexion bénéficie des échanges menés avec Fabrice Colomb, qui a entrepris une thèse de sociologie sur une question similaire. Qu’il en soit vivement remercié.
  • [8]
    C’est semble-t-il, à une démarche de ce type qu’invitait V. Viet (2001, p. 106) pour réinterpréter et relativiser des notions contemporaines, comme celle de « refondation sociale ».
  • [9]
    Mansione, ou posto di lavoro en italien ne sont pas impiego.
  • [10]
    Barbara Cassin et ses collègues (2004, p. 1321-2) n’ont pas d’entrée « emploi » dans leur dictionnaire des intraduisibles, mais ils ont une entrée « travail », qui, au demeurant, n’aborde pas la question de façon approfondie. C’est le travail qui est la notion philosophique, pas l’emploi.
  • [11]
    À propos d’un article de F. Henry dans la revue Formation de décembre 1950.
  • [12]
    « Les années “fastes” de la Revue française du Travail (1946-1948) ».
  • [13]
    Dans le rapport (1966) précité de la Commission de la main-d’œuvre on peut lire ce jugement sans aménité, quelque temps avant la création de l’ANPE, le rapport Ortoli et les ordonnances de 1967 : « Les services de l’emploi, en fait, ne sont pas en mesure d’exercer le monopole de placement de la main-d’œuvre que l’on a voulu leur donner […] À cette pauvreté de moyens correspond la pauvreté des résultats de l’activité des services de la main-d’œuvre. La proportion du nombre total des placements […] par l’intermédiaire des services publics de l’emploi paraît […] inférieure à 10 % […] Cette quasi-inorganisation du marché du travail n’a pas un caractère inéluctable ». Sur ce point, voir Muller (1991).
  • [14]
    C’est aussi par exemple l’expression employée, dans le rapport au président de la République pour la signature du décret qui étend les cartes d’identités aux jeunes étrangers travaillant avant l’âge de 15 ans (JO du 31 octobre 1933).
  • [15]
    Nombreuses sont les institutions diverses qui portent en leur dénomination le terme ; avant 1939, il existait un « Conseil national de la main-d’œuvre », qui faisait suite au « Conseil national du travail » ; en 1944, il y a création du « Conseil national du travail » : la RFT (Anonyme, 1946b) rappelle son champ : « étudier les problèmes concernant le travail et la politique sociale, à l’exception de ceux concernant la sécurité sociale ». Par ailleurs, les « services de la main-d’œuvre », à la Libération, remplacent les « offices du travail ».
  • [16]
    Le mot dirigisme et le qualificatif dirigé sont fréquents à l’époque dans le langage de la revue. On va y revenir.
  • [17]
    C’est aussi un terme courant de comptabilité analytique.
  • [18]
    Mais pas seulement : un exemple tout récent, pris dans Les Échos (12 mai 2006), qui titrent : « Les patrons français ne sont pas demandeurs de main-d’œuvre étrangère ».
  • [19]
    Administrateur au ministère du Travail et membre du comité de rédaction de la revue, en 1965.
  • [20]
    Il ajoute (p. 13) : « Il existe donc des différences entre problèmes d’emploi et problèmes de travail […] Mais, si leur distinction est parfois délicate, c’est que leur interdépendance est toujours manifeste. Les problèmes de l’emploi s’intègrent dans l’étude du droit du travail, conçu dans un sens large, au même titre, naturellement, que la réglementation du travail ».
  • [21]
    On n’a pas la place ici de faire l’analyse de la notion de « conditions du travail » ou, plus souvent, « conditions de travail », qui, dans la période d’avant 1968 en France, est synonyme de « conditions d’exercice du travail », y compris la réglementation des contrats, par opposition à la notion qui, après les grandes grèves contre les conditions épuisantes et parfois dégradantes du travail taylorisé, prendra un contenu plus focalisé sur ces dernières et, souvent, relèvera d’une vision étendue de l’hygiène et de la sécurité (cf. Barbier, 1982).
  • [22]
    Il s’en explique ainsi (p. 1) : « Préciser, comme le fait ce manuel, Économie du travail et de l’emploi, permet de souligner une préoccupation devenue dominante de nos jours […]. C’est quantitativement que l’emploi, entendu au sens de travail rémunéré disponible dans un pays, est d’abord envisagé. Mais, il faut aller plus loin : la qualité de l’emploi – notamment le contenu des tâches, les garanties et les perspectives de carrière qu’il offre – est devenue un enjeu politique et social de première grandeur ».
  • [23]
    Un exposé relativement didactique sous le titre « Plein emploi » dans le n° 1-2 de la RFT en 1951 (p. 60-62) souligne que la notion de plein emploi est devenue courante, mais qu’elle demande à être précisée.
  • [24]
    Voir aussi L. Jouhaux (1947 p. 651), rappelant la Constitution, qui définit la mission du Conseil économique : il « se doit d’établir le bilan de l’économie nationale, en guise de préface » à l’étude « d’un plan économique national ayant pour objet le plein emploi des hommes et l’utilisation rationnelle des ressources matérielles ».
  • [25]
    Un article de référence en droit est écrit par François Gaudu (1987), à la même époque, dans Droit social.
  • [26]
    En 1981, Danielle Linhart (1981) avait opposé, cependant, « rapport au travail » et « rapport à l’emploi ».
  • [27]
    Voir sur ce point la contribution de L. Tanguy au colloque du centenaire du ministère en 2006.
  • [28]
    Notons, anecdotiquement, deux expressions d’une « franchise » qui ne passerait pas aujourd’hui : dans ses premières années, la RFT qualifie couramment les personnes handicapées de « diminués physiques » (par exemple, RFT, 1950, n° 11-12, p. 491, à propos de leur « reclassement » ; RFT, 1959, n° 2, p. 3, à propos de leur « rééducation »). La RFT ne manie pas non plus la litote, ni la périphrase, quand elle évoque le Comité d’orientation et de réemploi des fonctionnaires et agents du service public : « Ce sera un des mérites du Gouvernement actuel d’avoir pris la décision évidemment impopulaire de porter la hache dans l’administration publique » (RFT, 1946, n° 2, p. 146).
  • [29]
    C’est notre cas dans Barbier (1997), même si nous préférons généralement « politiques publiques de l’emploi » (Barbier et Gautié, 1998).
  • [30]
    Ici, l’allemand n’a pas de difficulté, avec Beschäftigungspolitik qu’il oppose à Arbeitsmarktpolitik. Freyssinet oppose la politique « au sens strict », « ensemble des dispositifs mis en œuvre pour anticiper ou corriger les déséquilibres du marché du travail ou pour réduire le coût salarial » à une politique pour l’emploi comme « ensemble des interventions publiques visant, à titre principal ou secondaire, à agir sur le niveau et la qualité de l’emploi ».
  • [31]
    L’ensemble collectif de rapports remis au ministre du Travail Robert Boulin, en 1979, qui comprend notamment le rapport Farge sur l’ANPE, est édité sous le titre Pour une politique du travail.
  • [32]
    Comme le note justement B. Gazier (1991, p. 382) : « Au sens le plus large, les interventions sur le travail et l’emploi sont elles-mêmes inextricablement liées aux politiques d’ensemble menées par les gouvernements ».
  • [33]
    Un exemple : Le démocrate du Jura (5.12 1936), journal radical-socialiste, retrace les décisions du conseil général du Jura en matière de grands travaux, pour lesquels le département vote une participation à hauteur de 10 %, le reste étant financé par l’État : travaux sur la route nationale de Saint-Claude à la Faucille, entretien des chemins vicinaux, défense des rives du Doubs et de la Loue, construction d’une école à Champagnole, d’une cave coopérative à Poligny et dans le Haut-Jura.
  • [34]
    Il faut, à n’en pas douter, rapprocher ces incertitudes de l’action publique des observations faites par Rosental et al. (2006, notamment p. 145), à propos de la « politique migratoire ».
Français

Résumé

Le voyage dans les catégories utilisées par les auteurs des articles publiés dans la Revue française des Affaires socialesRevue française du Travail permet, en suivant l’évolution des usages, de montrer que ces derniers varient en fonction de conceptions de l’action publique dans le domaine du travail et de l’emploi. La présence initiale de la notion de main-d’œuvre s’estompera pratiquement dans les années soixante-dix et la notion de politiques de l’emploi (au pluriel) naîtra et s’installera progressivement à partir de la fin des années soixante-dix. Dans toute la période particulièrement analysée (1946-1988), les incertitudes des frontières entre ce qu’on nomme « travail » et ce qu’on nomme « emploi » ne disparaîtront jamais complètement, dans les activités pratiques comme dans la recherche (et surtout entre disciplines). La variation considérable des nominations (qui fait aussi écho aux changements de dénomination des organismes et services du ministère) est d’autant plus féconde à étudier qu’elle permet de souligner, au-delà même du corpus de textes de la revue, combien les formes de l’action publique en matière d’emploi et de travail ont évolué sur la période qui va de la fin de la deuxième guerre mondiale à la réforme des politiques de l’emploi vers une action nouvelle, au début des années quatre-vingt-dix : la réduction des cotisations sociales.

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Jean-Claude Barbier [*]
Directeur de recherche (CNRS) au Matisse, une équipe du Centre d’économie de la Sorbonne (UMR CES) de l’université Paris 1. Il est spécialiste des comparaisons internationales des systèmes de protection sociale en Europe. Membre du comité de rédaction et de lecture de la Revue française des Affaires sociales.
  • [*]
    Directeur de recherche CNRS, UMR Centre d’économie de la Sorbonne (CES – Matisse), université Paris I Panthéon-Sorbonne.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/rfas.064.0147
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