1S’il est un lieu commun, c’est bien celui qui voit dans la sécurité sociale, ici élargie et confondue à la protection sociale, le point de rencontre de nombreuses disciplines. Si besoin en était, la consultation de la table des articles et thèmes publiés par la RFAS illustrerait le truisme et, plus particulièrement, les numéros anniversaires (1971 et le 25e anniversaire, 1985 et le 40e anniversaire, 1995 et le 50e anniversaire). Sans doute est-ce pourquoi les aspects juridiques de la protection sociale ne paraissent pas avoir conduit la revue à une ligne rédactionnelle directrice, les articles semblant paraître au gré de leur présentation au comité de rédaction dont la composition, au fil du temps, mériterait à cet égard un inventaire. La Revue française du Travail (RFT), qui a publié très tôt quelques articles portant sur le droit de la protection sociale (Anonyme, 1947 ; Anonyme, 1948) ne conduit pas à infléchir le constat.
2Devant la difficulté pratique de dégager des lignes de force, le mieux est alors de partir des articles publiés sachant que seront écartés, fût-ce de manière arbitraire, les thèmes du droit du logement, du droit médical et du droit hospitalier, sans oublier le droit de la santé.
3Bien que les contributions soient souvent denses mais en définitive peu nombreuses, les thèmes ayant trait à la sécurité et à la protection sociale sont pris de haut et même de très haut. C’est-à-dire que la technique juridique n’est pas ici de mise, écartant par là même toute idée d’un droit de la protection sociale qui ne serait au mieux qu’un instrument de mise en œuvre des politiques de sécurité sociale, au pire qu’une somme de réglementations à vocation pratique, coupant court à toute forme d’argumentation. C’est pourquoi ces thèmes traduisent le souci d’éclaircir des questions apparemment détachées des contingences du moment mais dont les résonances peuvent être fortes, fournissant dans le même temps des prétextes à réflexion juridique.
Le droit international de la sécurité sociale et le droit communautaire
4À tout seigneur tout honneur, le droit international de la sécurité sociale est présent par le truchement d’auteurs importants – G. Perrin (1981), fonctionnaire international et dont les écrits sur le thème retenu sont d’une richesse sans égale à ce jour ; R. Bonnet (1985),M. Rezeau (1971) – qui ont la particularité de s’être frottés à la pratique à l’occasion de leurs carrières professionnelles tout ayant toujours manifesté, par de nombreux écrits, un goût très prononcé pour la réflexion sur le thème.
5Mais si l’influence du droit international demeure aujourd’hui encore méconnue, celle de son cousin, le droit social communautaire, l’est nettement moins car s’il est vrai que les Communautés européennes hier, l’Union européenne aujourd’hui, ont d’abord été une construction économique, elles sont également une construction juridique ayant donné naissance à un ordre juridique propre, comme il existe un ordre juridique (national) pour chaque État membre. Des articles sur la matière sociale en général en témoignent notamment celui de M. Lagrave (1971), et récemment celui d’O. de Schutter (2006). La coordination des régimes de sécurité sociale, seule ébauche véritable mais sans suite d’un droit communautaire de la sécurité sociale fait l’objet d’un seul article, celui de H. Verschuren (1995).
6En revanche, alors que les politiques sociales comparées ont fourni le prétexte de plusieurs numéros ou thèmes spéciaux de la revue ces dernières années, la part du droit social comparé, cousin d’une autre branche de la famille, est réduite à la portion congrue (Zacher, 1983) alors que le droit comparé, est de manière générale, une source incomparable de connaissances et mériterait une meilleure place.
7On ne peut tout à fait en dire autant pour le thème des droits de l’homme, qui fait l’objet d’un meilleur traitement et qui apparaît dans la revue à l’occasion des 40e et 50e anniversaires de la sécurité sociale (Rivero, 1985 ; Belorgey, 1995). Thème ambigu ou ambivalent car il relève autant du politique que du juridique et chevauche parfois, sans qu’on les distingue nettement, le thème des libertés et droits fondamentaux attachés à la personne que n’ignore d’ailleurs pas le droit communautaire. Avec le principe d’égalité, c’est même tout le contraire puisque celui-ci domine la construction juridique communautaire (pour des applications particulières, voir F. Muller (2002) sur l’égalité professionnelle ; D. Borillo (2002) sur la non-discrimination érigée en principe).
Aspects institutionnels
8Dans un second temps, on peut constater que les aspects institutionnels ne sont pas ignorés de la revue. Si les services publics sont évoqués sans discontinuer dans le discours politique et social français, il est courant sinon habituel que la sécurité sociale soit omise de la liste. C’est pourtant sa nature de service public qui justifie l’exercice d’une tutelle de la part de la puissance publique sur les organismes (Delarbre et Lombardot, 1971).
9Il en va de même avec l’existence, en leur sein, d’un authentique pouvoir réglementaire (Laroque, 1978, 1983), à l’instar de l’administration de l’État ou des collectivités locales. Pourtant encore, ces organismes sont, du moins pour les organismes de base (les plus nombreux), des personnes morales de droit privé.
Ce paradoxe, qui en réalité accuse les choix retenus lors de la création de la sécurité sociale, affleure lorsqu’il s’agit de réfléchir à la création d’une organisation juridictionnelle et contentieuse propre à la matière sociale (Saint Jours, 1993 ; Supiot, 1993), même si la protection sociale n’est, dans cet ensemble confus, qu’un aspect de la question (Sayn, 2004).
Approches diverses
10Restent, si l’on peut dire, des articles épars.
11Les premiers sont autant de prétextes à réfléchir sur des questions d’actualité sociale. C’est le cas avec la maladie et sa couverture prétendument universelle (Chauchard et Marie, 2001) ou avec le thème de la contrepartie, lequel pourrait bien avoir un avenir dans le droit de la protection sociale (Lafore, 1996).
12Les seconds sont une partie dans un ensemble qui irrigue régulièrement les publications de la revue et qui concernent, pour faire masse, la famille (Tulli, 1981 ; Catala, 1981 ; Sayn, 2005 ; Del Valle Lezier, 2005).
13On le voit à la lecture de ces lignes, si la part du droit social dans les publications de la revue est minime, on ne peut dire pour autant que sa place soit insignifiante. Et, partant, que la revue s’y soit intéressée par inadvertance.