CAIRN.INFO : Matières à réflexion
linkThis article is available in English on Cairn International

Présentation du National Health Service

1Le système de santé anglais, est fondé sur un système qui est l’archétype du service public centralisé : le National Health Service (NHS) Il s’agit d’un système d’assurance national, essentiellement financé par la fiscalité générale, et géré par le ministère de la Santé (Department of Health). Le ministère dispose d’une enveloppe annuelle, allouée par le Parlement, avec laquelle il doit couvrir les dépenses de l’exercice budgétaire. Le NHS est donc en concurrence avec d’autres services publics en ce qui concerne la part de l’impôt qui lui est attribuée. En Angleterre, tous les services publics sont tenus de respecter strictement leurs plafonds de dépenses annuels et tout dépassement sensible par un ministère hypothèque la carrière des ministres concernés.

2Les dépenses de santé ont toujours été plus faibles en Angleterre que dans les autres pays de l’OCDE. Toutefois, dans les années quatre-vingt-dix, il est apparu clairement que le NHS se distinguait également par de piètres résultats sanitaires (en matière de survie au cancer par exemple) et un manque de réactivité (illustré par des délais d’attente très longs pour bénéficier de certaines interventions chirurgicales non urgentes). Ces carences ont fini par occuper une place centrale dans les préoccupations des pouvoirs publics et, en 2000, le Premier ministre, Tony Blair, s’est engagé à faire progresser les dépenses de santé pour les porter, en cinq ans, au niveau de la moyenne européenne, soit 8 % du produit intérieur brut (Ferriman, 2000).

3En contrepartie, le NHS devait s’engager à accepter certaines réformes, destinées à améliorer ses performances en termes de qualité des soins et de réactivité. À cette fin, le ministère de la Santé a élaboré le NHS Plan, un plan de réforme qui assigne au NHS plus de 400 objectifs à atteindre sur dix ans grâce aux fonds supplémentaires qui lui sont alloués. Depuis, le ministère se consacre à la mise en œuvre de ce plan.

4En Angleterre, la majeure partie des soins sont dispensés par le NHS. Il existe toutefois un secteur dit « privé » ; de taille modeste, il n’en occupe pas moins une place non négligeable, surtout dans le domaine de la chirurgie non urgente. Près de 12 % de la population du Royaume-Uni est couverte par une assurance maladie privée (Matheson et Babb, 2002). La souscription d’une assurance privée, par l’intermédiaire de l’employeur ou individuellement, est la plupart du temps motivée par la volonté d’éviter les longs délais d’attente imposés par le NHS. Environ 15 % des interventions chirurgicales non urgentes ont lieu dans le cadre du secteur privé et sont financées soit par une assurance, soit directement par les patients (Williams et al., 2000).

5Le NHS a toujours appliqué un ticket modérateur très faible, ce dernier concernant essentiellement certains médicaments pour lesquels existent de nombreux cas d’exonération. En 2004, le ticket modérateur appliqué aux médicaments a rapporté 446 millions de livres sterling de recettes, la participation maximale (6,20 livres sterling) n’ayant concerné que 8,9 % des médicaments prescrits (House of Commons Health Committee, 2005). Le ticket modérateur appliqué aux soins dentaires a rapporté 452 millions de livres sterling. Au total, la participation des patients ne représente qu’environ 1,3 % des ressources du NHS. Les collectivités locales ne jouent qu’un rôle mineur dans le système et ne contribuent pas à son financement.
Le tableau 1 présente les prévisions d’affectation de l’enveloppe allouée au NHS au titre de l’exercice budgétaire 2005-2006. Environ 5 % du budget est affecté aux investissements. Moins de 50 % de cette somme correspond au financement d’objectifs prévus par le NHS Plan, dans le domaine du cancer, des maladies coronariennes, des maladies mentales, de l’amélioration de l’accès aux soins et de l’élargissement du choix des patients. Plus de 90 % du budget est destiné à financer des services de santé locaux : services hospitaliers et dispensaires (59,8 %), médicaments et appareillage (10,7 %) et soins primaires (5,9 %). À cela s’ajoutent des activités financées par le budget central et gérées par le ministère de la Santé, par exemple dans le domaine de la formation (5,2 %) et de la recherche et développement (0,8 %). Le poste « autres » (4,1 %) inclut les frais de fonctionnement au niveau central.

Tableau 1

Ventilation prévisionnelle (en %) des dépenses totales du NHS, 2005-20061

Tableau 1
Investissements 5,5 % Services locaux2 90,4 % Enveloppes budgétaires générales allouées 77,1 % aux services de santé locaux Hôpitaux et dispensaires3 59,8 % Médecine générale 5,9 % Dépenses de pharmacie4 10,7 % Services financés par le budget central5 15,3 % Enveloppes budgétaires centrales allouées 3,9 % aux services de santé locaux Éducation et formation 5,2 % Litiges impliquant le NHS 1,3 % Recherche et développement (R & D) 0,8 % Autres 6 4,1 % 1 Montant total des dépenses prévisionnelles : 76,4 milliards de livres sterling. (Ce chiffre n’inclut pas les charges d’investissement.) 2 Hôpitaux et dispensaires, dépenses des services de santé à la famille (Family Health Services), comprenant soins de médecine générale, soins dentaires, ophtalmologie et médicaments et soumises à un plafond de dépenses. 3 Hôpitaux et dispensaires, estimation effectuée à partir des chiffres 2002-2003. 4 Estimation effectuée à partir des chiffres 2002-2003. Exclut les dépenses de pharmacie des hôpitaux et dispensaires. 5 Financement par le budget central pour la mise en œuvre du NHS Plan et d’autres actions 6 Comprend : – les dépenses de services des Family Health Services non soumises à un plafond de dépenses : dépenses variables en fonction de la demande, comme le coût des soins dentaires et ophtalmologiques, la rémunération des médecins au titre de la délivrance de médicaments et les recettes provenant du ticket modérateur appliqué aux médicaments et soins dentaires ; – celles des services de santé et services divers (Central Health and Miscellaneous services) financés par le budget central comme certaines actions dans le domaine de la santé publique et de soutien du secteur à but non lucratif ; – le fonctionnement du ministère de la Santé. Source : Departmental report 2005, The Stationery Office, London (Department of Health, 2005).

Ventilation prévisionnelle (en %) des dépenses totales du NHS, 2005-20061

Structure institutionnelle générale du NHS : les acteurs, leur rôle et leurs rapports

6Le NHS est organisé sur une base territoriale. À l’échelon national, le ministère assume deux fonctions de contrôle général : il définit des normes nationales et affecte les ressources aux instances locales. Il assure un suivi des territoires sanitaires locaux via un réseau de 28 Strategic Health Authorities (SHA), qui couvrent chacune une zone géographique comptant deux millions d’habitants environ. Elles sont chargées de veiller à ce que le fonctionnement du marché des soins dispensés dans le cadre du NHS soit de nature à satisfaire les critères de performance fixés par le ministère. Elles s’assurent également que la somme des dépenses engagées au sein de la zone qu’elles desservent ne dépasse pas les plafonds autorisés. Elles exercent donc une mission de suivi pour le compte du ministère. Ce dispositif est actuellement en cours de réorganisation, l’objectif étant de faire passer le nombre de SHA de 28 à 11 (Department of Health, 2006b).
Les principales instances locales du NHS, responsables de l’essentiel de l’organisation de l’offre de soins à l’échelon local, sont les 304 Primary Care Trusts (PCT). Le conseil d’administration de ces « groupes de soins primaires » est nommé au niveau national, par le ministre. Trois grandes missions leur sont assignées :

7

  • ils fournissent des soins primaires, essentiellement sous forme de consultations de médecine générale ;
  • ils achètent des soins secondaires auprès de prestataires locaux ;
  • ils sont chargés de la santé publique à l’échelon local.
Actuellement, chaque PCT couvre un territoire géographique comptant environ 150 000 habitants, si bien qu’il y a environ 12 PCT par SHA. Toutefois, une profonde réorganisation des procédures d’achat du NHS étant en cours, le nombre d’habitants desservis par un PCT devrait passer à environ 500 000.

8Pour que les PCT mènent à bien leurs missions, le ministère leur attribue une enveloppe budgétaire, avec laquelle ils sont censés acheter des soins pour la population qu’ils desservent, qu’il s’agisse de soins primaires, de soins prodigués en dispensaires, de soins hospitaliers, de médicaments ou d’actions de santé publique. Ces enveloppes sont essentiellement calculées à la capitation, en fonction d’une formule nationale qui tient compte des caractéristiques démographiques et socio-économiques de la région et des variations locales du coût du travail et du capital. Ce mécanisme d’allocation des ressources est décrit plus précisément dans la partie 4. Les PCT doivent veiller à ce que leurs dépenses annuelles ne dépassent pas l’enveloppe qui leur a été allouée.

9Les PCT achètent des soins primaires auprès de cabinets de médecine générale, qui occupent une place importante au sein du NHS. Tous les citoyens doivent en effet s’inscrire auprès d’un cabinet de médecine générale et, sauf en cas d’urgence, n’ont pas accès aux soins secondaires s’ils ne passent pas par leur médecin généraliste. Ces derniers jouent donc un important rôle de filtre à l’entrée du système (gate-keeping) et les restrictions qu’ils imposent pour l’accès aux spécialistes sont pour beaucoup dans le fait que les dépenses de santé ont toujours été faibles en Angleterre.

10Les médecins généralistes sont rémunérés selon deux mécanismes différents. Les deux tiers d’entre eux sont des praticiens indépendants, qui travaillent dans le cadre d’une convention nationale (GP contract) négociée entre le ministère de la Santé et l’organisation représentative des médecins (la British Medical Association). Cette convention précise leurs conditions de rémunération. Cette dernière est en grande partie composée d’une rétribution à la capitation pour les prestations essentielles (consultations au cabinet par exemple), et d’un complément pour les prestations supplémentaires. Il existe également un système de primes (qui sera décrit plus précisément ultérieurement), qui a vocation à favoriser une amélioration de la qualité des soins primaires. Enfin, un tiers des médecins sont salariés du PCT local.

11Les PCT achètent les soins secondaires auprès d’offreurs de soins publics, privés ou à but non lucratif. Dans le secteur hospitalier, les offreurs sont traditionnellement les NHS Trusts (hôpitaux ou groupements d’hôpitaux sous gestion commune). Il s’agit d’organismes de droit public, dont le conseil d’administration est désigné à l’échelon national, par le ministre. Les NHS Trusts sont indépendants du PCT local et sont en concurrence avec d’autres offreurs pour remporter les marchés proposés par les PCT locaux. Ils sont censés équilibrer leur budget, les recettes d’une année devant compenser les dépenses de l’autre, ce qui est généralement interprété comme une obligation de parvenir à l’équilibre budgétaire sur une période de trois ans.

12De plus en plus de NHS Trusts sont actuellement transformés en fondations hospitalières ou Foundation Trusts, dès lors qu’ils satisfont certains critères de performance (bonne gestion financière ou délais d’attente limités, par exemple). À l’instar des NHS Trusts, les Foundation Trusts sont en concurrence avec d’autres offreurs pour remporter les marchés du NHS localement, mais elles jouissent d’une plus grande autonomie par rapport à l’État. Elles peuvent notamment définir leurs propres priorités cliniques, emprunter, offrir à leur personnel une rémunération supérieure à celle fixée à l’échelon national et ne sont pas tenues d’équilibrer leurs comptes au cours d’un exercice. Elles doivent au contraire garantir une viabilité financière durable, selon un plan de gestion à long terme classique. Contrairement aux NHS Trusts, les Foundation Trusts ne sont pas contrôlées par le ministère de la Santé mais par un organisme de contrôle indépendant, le Monitor [1].

13Récemment, la politique de santé s’est résolument orientée vers un renforcement du rôle du secteur privé dans la fourniture de soins de santé pour le NHS, afin d’accroître la concurrence localement et donner davantage de choix aux patients. À cet égard, la création de centres de traitement indépendants (independent treatment centres), qui effectuent des actes diagnostiques de routine et des actes de chirurgie dans le cadre d’hospitalisations de jour ou de courte durée, est à noter. Aucun des quatre grands offreurs privés présents sur le marché britannique n’a remporté les contrats quinquennaux proposés dans le cadre des appels d’offre lancés pour les premiers centres indépendants, ces contrats ayant été attribués à des offreurs étrangers, dont certains travaillent en partenariat avec des organisations britanniques (Timmins, 2005b). Les tarifs proposés aux offreurs étaient avantageux (supérieurs d’environ 15 % à ceux du NHS), pour tenir compte du niveau élevé de leurs frais de démarrage, mais devraient diminuer dans le cadre de la deuxième vague de contrats (Timmins, 2005a). Fin décembre 2005, le NHS avait acheté pour 2 milliards de livres sterling de soins et services aux centres de traitement indépendants, en particulier des soins dispensés par ces centres, des unités mobiles d’imagerie à résonance magnétique, des centres médicaux implantés à proximité des transports en commun (commuter walk-in centres) et des prestations hospitalières classiques [2].
Les contrats négociés avec les PCT locaux constituent la principale source de revenu du NHS et des Foundation Trusts. Jusqu’à une période récente, les contrats étaient souvent des contrats globaux (block contracts) annuels, aux termes desquels le PCT et l’offreur s’entendaient sur la fourniture, en contrepartie d’une enveloppe budgétaire définie, d’un volume de soins hospitaliers pour l’année à venir. En réalité, les SHA ont jusqu’à présent souvent ajusté les enveloppes au cours ou à la fin de l’exercice pour éviter que les organisations dépendant du NHS (acheteurs et offreurs) n’affichent de trop grands écarts par rapport aux budgets convenus. Toutefois, ces budgets globaux sont actuellement remplacés par un nouveau système de rémunération, fondé sur des groupes homogènes de diagnostic (DRG [3]) : la rémunération aux résultats (Payment by Results, ou PbR), (voir infra). Dans ce système, les prestataires sont rémunérés selon un barème national de tarification à la pathologie. Les Foundation Trusts relèvent déjà intégralement de ce mode de paiement à la pathologie, l’objectif étant qu’il concerne 90 % de l’activité hospitalière à l’horizon 2008. Ce nouveau mode de rémunération prive les SHA de toute possibilité d’ajuster les budgets, si bien que son introduction a, dès le départ, eu pour corollaire d’énormes excédents et déficits budgétaires pour certaines organisations du NHS (National Audit Office and Audit Commission, 2006).
La mise en place de la rémunération aux résultats va de pair avec le renforcement de l’importance accordée au choix des patients. Alors que les contrats globaux les obligeaient à recourir aux hôpitaux avec lesquels le PCT avaient négocié un contrat, le nouveau mode de rémunération est censé leur permettre d’avoir le choix entre un plus grand nombre de prestataires. Depuis janvier 2006, le système Choose and book (« Choisissez et réservez ») est en place : une fois que le médecin généraliste a décidé qu’une orientation vers l’hôpital ou vers un spécialiste était nécessaire, les patients qui ont besoin de soins non urgents se voient offrir le choix entre quatre ou cinq prestataires, qui peuvent être des NHS Trusts, des Foundation Trusts, des centres de traitement indépendants, des hôpitaux privés ou des praticiens qui ont une compétence spécialisée et exercent dans le secteur des soins primaires. Un système électronique national de réservation permet aux patients de choisir la date et l’heure de leur rendez-vous. Les rendez-vous peuvent être pris au cabinet du médecin généraliste, auprès d’un centre d’appel, par Internet ou en téléphonant directement à l’hôpital [4].
Les fonds versés par le ministère de la Santé au titre de la recherche médicale et de la formation (cf. tableau 1) constituent une autre source de financement importante pour les offreurs de soins locaux. Ces fonds sont, dans une large mesure, alloués en fonction de critères historiques, bien qu’il soit actuellement proposé de ne plus en faire bénéficier que les centres où ils peuvent se révéler le plus utile (Department of Health, 2006a). Quelque 4 milliards de livres sterling sont consacrés à la recherche et à la formation, dont plus de 600 millions aux activités de recherche et développement (Department of Health, 2005). En outre, les conseils nationaux pour le financement de l’enseignement supérieur (Higher Education Funding Councils) contribuent à raison d’environ 850 millions de livres sterling au financement de la formation et de la recherche dans le domaine de la santé (Department of Health, 2006a).

Régulation : garantir les performances du NHS

14Le NHS est soumis à un ensemble complexe de mécanismes de régulation et de contrôle, qui sont actuellement en cours d’examen. Nous présentons dans cette partie les éléments les plus importants du cadre réglementaire actuel.

15L’une des principales missions incombant au ministère de la Santé est de définir des normes nationales en matière de soins de santé. Il s’en acquitte par différents moyens : il a, par exemple, établi des référentiels par type de maladie (maladies coronariennes notamment), les National Service Frameworks (NSF), qui contiennent des recommandations sur la manière dont les soins devraient être dispensés. Malgré l’accueil globalement positif réservé à la majorité des référentiels publiés, des réserves ont été émises : les critères de coût et d’efficacité n’auraient pas toujours été suffisamment pris en compte pour établir les recommandations, les praticiens seraient parfois mal informés du contenu des référentiels, qui ne seraient pas toujours actualisés en fonction des nouvelles données disponibles.

16Le National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE), institut qui a vocation à promouvoir l’efficacité et un bon rapport coût-efficacité dans l’utilisation des technologies sanitaires, y compris dans les interventions de santé publique, est une autre source importante de référentiels. Il produit trois types de documents (guidances).

17Évaluations des technologies : elles portent sur l’utilisation des traitements, nouveaux et existants, dispensés dans le cadre du NHS. À ce jour (mars 2006), 97 évaluations de ce type ont été publiées, dont 11 sont des révisions d’évaluations antérieures. Elles portent sur les médicaments, le matériel médical (inhalateurs par exemple), les techniques diagnostiques (cytologie cervicale), les actes chirurgicaux (l’utilisation d’endoprothèses coronariennes) et les actions de promotion de la santé (moyens d’aider les diabétiques à gérer leur maladie). Les évaluations sont effectuées par un comité indépendant (Appraisal Committee), dont les membres sont issus de milieux professionnels divers. Le comité se base sur des données recueillies auprès d’un groupe académique d’évaluation et sur les informations fournies par les entreprises. La publication intervient au terme d’une procédure de consultation rigoureuse (National Institute for Clinical Excellence, 2004a). Toutes les brochures d’information sont révisées régulièrement en fonction des nouvelles données disponibles, le cas échéant.

18Recommandations cliniques : elles portent sur les traitements et soins à dispenser, dans le cadre du NHS, aux patients atteints de certaines maladies. Elles sont élaborées sur la base des dernières données probantes disponibles et visent à aider les professionnels de santé dans leur pratique, sans pour autant remplacer leurs connaissances et leur savoir-faire. Elles peuvent par exemple concerner la prise en charge des cardiopathies chroniques, de la dyspepsie et de l’hypertension et couvrent les soins primaires, secondaires et tertiaires. À ce jour (mars 2006), 47 recommandations ont été publiées. Les recommandations cliniques interprètent les National Service Frameworks et précisent comment les mettre en œuvre. Par exemple, la recommandation de NICE sur la prise en charge du diabète de type 2 décrit le traitement des maladies rénales, dont le National Service Framework sur le diabète définit les grands objectifs.

19Procédures interventionnelles : les procédures interventionnelles à visée diagnostique ou thérapeutique sont évaluées afin de savoir si elles présentent des garanties de sécurité et d’efficacité suffisantes pour être utilisées de manière habituelle dans le cadre du NHS. Cela concerne généralement des procédures nouvelles, même si celles qui existent déjà peuvent également faire l’objet d’un examen en cas de doute quant aux garanties de sécurité qu’elles offrent. (par exemple la radiothérapie en cas de dégénérescence maculaire liée à l’âge et le monitoring cardiaque dynamique). À ce jour (mars 2006), 156 procédures ont donné lieu à publication d’un avis. Le comité consultatif en charge des procédures interventionnelles (Interventional procedures Advisory Committee) est un organe indépendant, composé de 24 membres ayant des domaines d’expertise très divers. Le comité se base sur des critères de sécurité et d’efficacité technique, mais ne tient pas compte de l’efficacité clinique, ni du rapport coût-efficacité (National Institute for Clinical Excellence, 2004b).
Un aspect des travaux conduits par le NICE dans le champ de l’évaluation des technologies est cautionné par la loi : s’il apparaît, d’après les recommandations publiées dans le cadre de l’évaluation des technologies, que les patients du NHS remplissant certains critères doivent pouvoir bénéficier d’un nouveau médicament, les PCT, à qui il incombe de financer ce traitement, sont légalement tenus de veiller à ce que la technologie « soit disponible dans des conditions normales dans un délai maximum de trois mois à compter de la date de la recommandation » (Secretary of State for Health, 2001).

20Un organe national de contrôle, la Healthcare Commission, est chargé de veiller au respect des normes nationales de qualité et de sécurité. Cette commission inspecte toutes les organisations du NHS et tous les prestataires de soins indépendants (privés et à but non lucratif). Elle a de multiples fonctions, et est notamment chargée :

21

  • d’évaluer la gestion, la fourniture et la qualité des services de soins et de santé publique du NHS ;
  • d’évaluer les performances de tous les NHS Trusts et de leur attribuer une note annuelle ;
  • de contrôler le secteur privé via une procédure d’enregistrement, une inspection annuelle, un suivi des réclamations et de l’application des décisions prises ;
  • de publier des informations sur la situation sanitaire ;
  • d’examiner les plaintes formées contre les organisations du NHS lorsque ces dernières ne sont pas parvenues à trouver de solution elles-mêmes ;
  • de favoriser la coordination des examens et évaluations conduits par elle-même et par d’autres instances ;
  • de procéder à une enquête en cas de carence grave dans la fourniture des soins.
La Healthcare Commission contrôle également la conformité aux normes en matière de santé. Jusqu’en juillet 2005, l’évaluation annuelle des organisations du NHS était sanctionnée par l’attribution d’étoiles, de 0 étoile pour les organisations affichant la plus mauvaise performance à 3 pour celles qui affichaient les meilleurs résultats. Le principal critère entrant en ligne de compte était la capacité de l’organisation à atteindre l’objectif fixé par le gouvernement en termes de délais d’attente. De ce point de vue, ce système de notation a indiscutablement contribué à réduire de manière spectaculaire les délais d’attente interminables auxquels les patients du NHS étaient habitués. Toutefois, il a été accusé de fausser la pratique clinique, du fait que la qualité clinique ne jouait qu’un rôle marginal dans l’attribution des étoiles.

22La Healthcare Commission a donc mis au point une nouvelle méthode d’évaluation, applicable à partir de 2006 (Healthcare Commission, 2005). Dans le cadre de cette nouvelle approche, baptisée « annual health check » (bilan de santé annuel), le contrôle passe par la délivrance d’un agrément, par une notation et une inspection annuelles. L’objectif est de rendre le contrôle plus utile pour les patients et les usagers et moins contraignant pour les prestataires de soins. La commission entend accorder la priorité à la qualité des soins dispensés aux patients et à la capacité des organisations à fournir des prestations de qualité supérieure, en vérifiant que les normes de qualité sont respectées. En 2005-2006, elle va évaluer, dans le cadre du bilan annuel, une série de données pour déterminer si les organisations du NHS remplissent des normes « de base » (par exemple, pour vérifier si les objectifs fixés par le gouvernement sont tenus), si elles font des progrès et si ces progrès sont durables. Elle vérifiera, pour de nombreux domaines, si des soins de qualité supérieure sont dispensés, notamment en s’assurant que les organisations respectent les recommandations du NICE et les référentiels NSF.
La Healthcare Commission s’assure également que les praticiens travaillant dans les établissements de soins font l’objet d’un audit clinique régulier et répondant à la définition suivante : « Une procédure d’amélioration de la qualité visant à améliorer les soins dispensés et les résultats sanitaires par une évaluation systématique des soins en référence à des critères explicites et par la mise en œuvre des changements nécessaires. Des aspects relatifs à la structure, aux procédures et aux résultats sanitaires sont sélectionnés et comparés, de manière systématique, à des critères explicites. Lorsque cela est nécessaire, les changements sont mis en œuvre au niveau d’un individu, d’une équipe ou d’un service et un suivi est effectué pour s’assurer de l’amélioration de la fourniture de soins » (National Institute for Clinical Excellence et al., 2002).
Ces audits cliniques existent actuellement pour diverses maladies et types d’actes et certains d’entre eux sont mentionnés dans les National Service Frameworks (par exemple dans le NSF sur les maladies coronariennes). Toutefois, leur mise en œuvre n’en est qu’à ses débuts et des doutes subsistent quant à la manière dont la stratégie nationale va évoluer.
Une commission d’audit indépendante (Audit Commission) est chargée de contrôler la gestion financière du NHS. Elle nomme des contrôleurs, qui examinent la situation financière des organisations du NHS et leurs méthodes de gestion à l’exception des Foundation Trusts qui relèvent d’une autre procédure (cf supra). La commission publie des rapports locaux et nationaux sur les résultats financiers du NHS.

Attribution de ressources et achat des soins de santé

23Le ministère de la Santé alloue une enveloppe annuelle à chaque Primary Care Trusts en appliquant une formule complexe, qui repose sur la capitation et tient compte de certaines caractéristiques de la population locale. Les principaux facteurs pris en compte dans cette formule sont des données démographiques, d’autres indicateurs relatifs aux besoins sanitaires (taux de mortalité et de morbidité par exemple), les variations dans le prix des biens et services entrant dans le processus de production des soins et le montant des dépenses des exercices antérieurs. Les PCT doivent en principe respecter ces budgets, tout manquement grave pouvant être lourd de conséquences pour le salaire et la carrière de leurs dirigeants. Même si certaines organisations dépassent leur enveloppe, cette discipline budgétaire a généralement toujours permis au NHS de respecter à la lettre son plafond de dépenses, et contribue fortement à la bonne maîtrise des dépenses de santé en Angleterre.

24De toute évidence, les PCT sont fortement incités à contenir la demande de soins en mettant en place des mesures préventives, par exemple en favorisant le recours à des traitements présentant un bon rapport coût-efficacité. Cette fonction d’acheteur est toutefois une mission de gestion difficile à assumer et la plupart des PCT ont un talent limité dans ce domaine. Jusqu’à présent, ils ont, pour réguler les coûts, essentiellement cherché à conclure des contrats globaux avec les offreurs de manière à ne pas dépasser leurs enveloppes.

25Toutefois, cette approche est maintenant remplacée par le paiement aux résultats, qui modifie radicalement le mode de financement du NHS et exige de plus grandes capacités de gestion financière de la part des PCT, des NHS Trusts et des Foundation Trusts (Department of Health, 2002). Ce nouveau mode de rémunération vise à améliorer la qualité des soins hospitaliers, à permettre plus d’efficacité et à élargir les possibilités de choix des patients (Street et Abdul Hussain, 2004). Comme d’autres mécanismes de rémunération reposant sur des groupes homogènes de diagnostic, il offre d’importantes perspectives et constitue une forte incitation à maîtriser les coûts, mais comporte aussi « des risques importants, qui, mal gérés, pourraient entraîner instabilité financière et difficultés dans la délivrance des soins » (Audit Commission, 2004).

26Dans le cadre du paiement aux résultats, le barème des tarifs à la pathologie est établi selon la version anglaise du système DRG, qui définit les activités de soins en fonction de Healthcare Resource Groups (HRG). Le HRG dont relève un patient est déterminé par le diagnostic et par la complexité du traitement. Le tarif correspondant est calculé sur la base de la moyenne historique nationale de tous les coûts hospitaliers (investissements compris) engagés pour le traitement en question. Le chiffre ainsi obtenu est le « coût de référence ». Ainsi, un traitement pouvant être dispensé aussi bien dans le cadre d’une hospitalisation de jour que d’une hospitalisation se verra attribuer un tarif unique, résultant de la moyenne pondérée du coût de référence pour l’hospitalisation et pour l’hospitalisation de jour. Pour calculer le coût de référence, les coûts historiques sont corrigés en fonction de l’évolution des salaires et des prix à la consommation et de l’impact attendu d’éventuelles nouvelles recommandations du NICE ou des NFS.

27Dans un premier temps, ce nouveau mode de rémunération a été appliqué aux Foundation Trusts pour l’ensemble des traitements ; à partir d’avril 2004. L’objectif est qu’il couvre 100 % des prestataires de soins et 90 % des spécialités à l’horizon 2008. Les inévitables variations régionales dans le prix des biens et services entrant dans le processus de production Des actes médicaux seront compensées à l’échelon national. En dehors de cette compensation, ce système se caractérise par une forte volonté de conserver un barème national uniforme, autorisant une faible marge de manœuvre pour des négociations locales au niveau du remboursement. Toute augmentation ou diminution de l’activité sera donc facturée en fonction de la moyenne nationale, non du coût marginal. Le peu de recul dont on dispose laisse déjà penser que ce manque de souplesse risque de mettre certaines organisations du NHS en grave difficulté financière et qu’il pourrait être nécessaire de prévoir une mise en œuvre plus progressive et d’introduire une certaine souplesse dans la gestion des achats au niveau local (Audit Commission, 2005).

28Les médecins généralistes ont incontestablement un rôle crucial à jouer dans la détermination de l’utilisation des fonds du NHS. Une nouvelle convention nationale est entrée en vigueur le 1er avril 2004. Elle repose sur une rémunération à la capitation, avec quelques possibilités d’ajustement en fonction de l’âge et de la situation sociale des patients. Toutefois, l’innovation majeure de cette convention est un ambitieux système de mesures incitatives (le Quality and Outcomes Framework ou QOF), instauré pour favoriser l’amélioration de la qualité en médecine générale (Department of Health, 2004).
L’objectif du QOF est d’évaluer, sur la base de quelque 150 indicateurs de performance, si les recommandations concernant les meilleures pratiques sont observées. Les cabinets peuvent accumuler des « points qualité » en fonction de leurs résultats pour ces indicateurs, à concurrence de 1 050 points (cf. tableau 2). Au sein de chaque domaine apparaissant dans le tableau, des points sont attribués pour une série d’indicateurs. À titre d’exemple, le tableau 3 présente les indicateurs utilisés dans le domaine de l’hypertension artérielle dans la version 2004 du QOF. Les points ne commencent à s’accumuler qu’à partir du moment où un certain seuil est atteint et à concurrence d’un plafond pour chaque indicateur. Par exemple, les cabinets médicaux qui peuvent prouver que 90 % des dossiers de leurs patients souffrant d’hypertension artérielle contiennent au moins une indication du statut tabagique du patient (BP 2) obtiennent le nombre de points maximum (20 points). D’après les prévisions, les primes ainsi obtenues devaient représenter environ 20 % des revenus des médecins généralistes la première année. En réalité, ce chiffre est toutefois plus proche de 25 %, car les résultats sont bien meilleurs que prévu, 90 % des cabinets parvenant à obtenir le nombre maximum de points. Le QOF a subi quelques modifications pour 2006 sur la base des premiers enseignements tirés et de nouvelles données cliniques (White, 2006).

Tableau 2

Quality and Outcomes Framework (QOF)

Tableau 2
2004 2006 Points % Points % Indicateurs cliniques Prévention secondaire dans les maladies coronariennes 121 12 % 120 11 % Hypertension 105 10 % 103 10 % Diabète sucré 99 9 % 101 10 % Asthme 72 7 % 57 5 % Pneumopathie obstructive chronique (BPCO) 45 4 % 45 4 % Maladie mentale 41 4 % 39 4 % Accident vasculaire cérébral ou attaques ischémiques transitoires 31 3 % 29 3 % Épilepsie 16 2 % 15 1 % Cancer 12 1 % 11 1 % Hypothyroidie 8 1 % 7 1 % Dépression 33 3 % Fibrillation auriculaire 30 3 % Affection rénale chronique 27 3 % Démence 20 2 % Obésité 8 1 Soins palliatifs 6 1 Difficultés d’apprentissage 4 0 Indicateurs relatifs aux capacités d’organisation A. Tenue des dossiers et informations sur les patients 85 8 % 87 8 % B. Communication avec les patients 8 1 % 5.5 1 % C. Formation 29 3 % 31 3 % D. Gestion du cabinet 20 2 % 17.5 2 % E. Gestion des médicaments 42 4 % 40 4 % Autres Vécu des patients 100 10 % 108 10 % Performances cliniques globales 100 10 % 20 2 % Disponibilité sous 48 heures 50 5 % 50 5 % Prestations supplémentaires 36 3 % 36 3 % Performances globales dans le domaine de l’organisation, du vécu des patients et des prestations supplémentaires 30 3 % Nombre total de points 1 050 1 050 Sources : NHS Confederation 2003 ; NHS Confederation, 2006.

Quality and Outcomes Framework (QOF)

Tableau 3

Un exemple : la construction des indicateurs de l’hypertension (QOF, 2004)

Tableau 3
Points Plafond Dossiers BP 1. Le cabinet peut présenter une liste des patients souffrant d’une hypertension diagnostiquée. 9 Non applicable. Diagnostic et traitement initial BP 2. Pourcentage de patients souffrant d’hypertension dont le dossier comporte au moins une indication 10 90 % du statut tabagique. BP 3. Pourcentage de patients fumeurs souffrant d’hypertension dont le dossier indique que des conseils pour arrêter de fumer leur ont été proposés au moins une fois. 10 90 % Suivi BP 4. Pourcentage de patients souffrant d’hypertension dont le dossier indique au moins une mesure de la tension artérielle au cours des 9 derniers mois. 20 90 % BP 5. Pourcentage de patients souffrant d’hypertension dont la dernière valeur de tension artérielle (mesurée au cours des neuf derniers mois) est inférieure ou égale à 150/90 mmHg. 56 70 % Source : NHS Confederation, 2003.

Un exemple : la construction des indicateurs de l’hypertension (QOF, 2004)

29Environ un tiers des médecins généralistes sont salariés et travaillent dans le cadre de conventions de Personal Medical Services (PMS), variante locale de la convention nationale General Medical Services (GMS). Bien que le contenu des conventions varie d’un lieu à l’autre, nombre de PCT ont également prévu l’application du QOF dans la convention PMS.
Par ailleurs, la mise en place d’une démarche consistant à déléguer la fonction d’achat aux cabinets (practice-based commissioning), qui vise à améliorer l’achat des soins et à favoriser le respect des budgets, constitue une nouveauté majeure (Department of Health, 1997). Tout cabinet de médecine générale participant à cette démarche se voit allouer une enveloppe budgétaire indicative, avec laquelle il doit acheter tous les soins de santé – y compris la plupart des soins secondaires et des médicaments – nécessaires à ses patients. Cette démarche, qui influe à la baisse sur la demande de soins hospitaliers, particulièrement coûteux, est censée contrebalancer l’augmentation de l’activité hospitalière inhérente au mécanisme de paiement aux résultats (Smith et al., 2005). Bien qu’il soit encore trop tôt pour se prononcer sur son efficacité, sa réussite pourrait se révéler déterminante pour continuer à assurer une stricte maîtrise des coûts du NHS. On espère que 100 % des cabinets participeront à ce dispositif d’ici fin 2006 (Harding, 2006).

Discussion

30Le système de santé anglais traverse une période de fortes turbulences. Certaines d’entre elles ont en réalité été provoquées délibérément, pour entraîner ce qu’un ancien conseiller du Premier ministre a qualifié de « constructive discomfort » (gêne constructive) (Stevens, 2004). Le vent de réforme qui a soufflé sur le système anglais traduit une volonté de consacrer davantage de ressources à la santé, mais de le faire de manière efficace, en garantissant une amélioration du système en termes de qualité des soins et de réactivité.

31La diffusion de recommandations cliniques, par la publication de référentiels définis par le ministère (National Service Frameworks) ou de recommandations de l’institut NICE, est au cœur de ces réformes. Cette démarche vise à définir les « meilleures » pratiques cliniques, mais les critères sur lesquels reposent les recommandations présentent un certain manque de cohérence. Ainsi, alors que le rapport coût-efficacité joue en principe un rôle majeur dans les évaluations de NICE, les considérations économiques n’ont, jusqu’à présent, pas occupé une place importante dans l’élaboration des National Service Frameworks.

32Par ailleurs, différents mécanismes ont été instaurés pour favoriser le respect de ces recommandations, le plus ambitieux étant le Quality and Outcomes Framework, prévu par la nouvelle convention médicale. En médecine de spécialité, la sécurité des patients est devenue une préoccupation de santé publique majeure, qui nécessite l’élaboration des recommandations de bonnes pratiques. D’autres dispositifs, moins ambitieux, ont également été mis en place, par exemple le renouvellement de l’agrément des médecins tous les cinq ans et le contrôle de la pratique clinique par une instance indépendante.

33Une commission sanitaire, la Healthcare Commission, a été mise en place en 2004 pour s’assurer du respect des normes adoptées en matière sanitaire. Elle a commencé par publier des échelles de performance, classant les organisations du NHS en fonction d’une note allant de 1 à 4. Ce système controversé était censé permettre une évaluation équilibrée des performances des organisations, même si, jusqu’à présent, il a accordé davantage d’importance aux délais d’attente qu’aux performances cliniques. La commission prévoit de modifier son système d’évaluation en profondeur, dans le sens d’une augmentation du nombre de critères pris en compte et d’un renforcement de l’importance accordée à l’aspect clinique des soins. Reste à savoir si ce type de système de notation, dont les effets positifs sur les délais d’attente sont indéniables, peut également être mis en place dans le domaine clinique.
La réforme du mode de financement est un aspect essentiel des réformes engagées en Angleterre. Les PCT, localement chargés de l’achat des soins, se voient allouer des enveloppes fixes avec lesquelles ils doivent répondre à la quasi-totalité des besoins sanitaires de la population qu’ils desservent. Toutefois, une grande partie de ces dépenses, par exemple celles liées aux hospitalisations d’urgence, échappe à leur contrôle. De plus, la tarification prévue dans le cadre du paiement aux résultats étant fixée par le gouvernement, les PCT ne peuvent pas négocier les tarifs des soins hospitaliers. Les recommandations cliniques nationales limitent également leur marge de manœuvre pour agir sur la demande. Les graves difficultés financières que rencontrent actuellement certains PCT s’expliquent par :

34

  • les lacunes de la formule reposant sur la capitation,
  • une piètre gestion financière,
  • le peu d’influence exercé sur les pratiques des médecins généralistes en matière de prescription ou d’orientation vers des spécialistes,
  • et les fluctuations incontrôlables de la demande de soins.
Les mesures introduites en 2006 pour élargir les possibilités de choix des patients rendent peut-être la tâche des acheteurs locaux encore plus difficile. Ces mesures vont de pair avec un pluralisme accru de l’offre de soins, qui se traduit par un marché des soins plus diversifié, sur lequel sont présents des offreurs privés, publics et à but non lucratif. Ces transformations visent à mettre fin au manque de réactivité légendaire du NHS et pourraient se révéler bénéfiques pour les patients. Mais elles risquent également de compliquer la fonction d’achat, en rendant plus difficiles la coordination et la planification du système de santé local. On ne peut pas non plus exclure le risque que les centres de traitement indépendants « écrèment » le marché des soins, en accordant la priorité aux patients les plus faciles à soigner, à charge pour le NHS de s’occuper des cas plus lourds. Un tel phénomène pourrait se répercuter à la hausse sur les coûts moyens des hôpitaux traditionnels, ce qui renforcerait les difficultés financières qu’ils rencontrent actuellement.

35Deux stratégies ont été mises en œuvre pour améliorer la fonction d’achat à l’échelon local : le regroupement des PCT sous forme d’organisations plus grandes couvrant environ 500 000 habitants et la délégation de la fonction d’achat aux cabinets (practice-based commissioning). La réorganisation des PCT est destinée à réduire le nombre d’organisations en charge de la gestion, et à réduire les lacunes de la formule reposant sur la capitation. Toutefois, dans l’immédiat, cette refonte est à l’origine d’une grave instabilité, du fait que les responsables de ces organisations tendent à oublier qu’ils doivent garantir un bon rapport coût-efficacité, pour se concentrer sur une préoccupation plus prosaïque : conserver leur emploi. D’après la longue expérience du NHS en matière de réorganisations, il faudra attendre deux ans pour que le nouveau système se relève de cette dernière réforme.

36La délégation de la fonction d’achat aux cabinets (practice-based commissioning) répond à la volonté de faire jouer aux médecins généralistes un rôle plus actif dans la régulation de la demande de soins. Elle s’inspire d’un principe entré en vigueur durant les années quatre-vingt-dix, qui consistait à proposer aux cabinets de médecine générale de devenir gestionnaires de fonds (fundholding). Les généralistes qui choisissaient cette option recevaient une enveloppe budgétaire avec laquelle ils devaient acheter des soins hospitaliers courants et non urgents, et des médicaments pour leurs patients. Il a été mis fin à cette expérience en 1998, essentiellement, semble-t-il, pour des raisons idéologiques, alors que plus de 50 % des patients étaient, à cette date, inscrits auprès d’un cabinet gestionnaire de fonds. D’après les évaluations conduites par la suite, la comparaison des cabinets gestionnaires et de leurs homologues non gestionnaires démontre que ce système a réellement contribué à réduire les listes d’attente et le nombre d’orientations vers les spécialistes (Dusheiko et al., 2006). Ces données ont peut-être motivé la réintroduction de ce type de système sous la forme d’une délégation de la fonction d’achat aux cabinets (practice-based commissioning).

37L’instabilité financière actuelle du NHS s’explique notamment par l’introduction, avec le paiement aux résultats, d’un mode de rémunération par DRG pour la quasi-totalité des soins hospitaliers. Il s’agit d’une forme extrême de rémunération par DRG, qui n’intègre qu’un petit nombre des mécanismes de sécurité existant dans d’autres systèmes, comme la possibilité d’ajuster la fiscalité locale (comme en Finlande), le financement distinct des dépenses d’investissement (comme en Allemagne), l’association d’une rémunération forfaitaire et d’une rémunération par DRG (comme en Norvège), la possibilité de s’écarter de la tarification nationale, le partage des coûts pour les gros consommateurs de soins (en vigueur dans de nombreux systèmes) (Busse et al., 2006). Le paiement aux résultats est à l’origine, dans certains hôpitaux, de déficits (et d’excédents) très élevés, dont l’ampleur est accentuée par l’obligation de parvenir à l’équilibre budgétaire à court terme.
À la date ou nous rédigeons cet article, ce système (dans sa forme pure) a été temporairement suspendu dans certaines régions et il reste encore à prouver qu’il constitue une stratégie viable à long terme.
Globalement, le NHS est donc un laboratoire intéressant pour de nombreuses réformes du système de santé. Malheureusement, la majorité des réformes ayant été mises en œuvre de manière parcellaire, il est difficile d’en évaluer l’impact ; en réalité, le ministère de la Santé a même souvent aménagé voire abandonné certaines mesures avant qu’il ait été possible de les évaluer correctement. En outre, la réorganisation structurelle actuellement en cours détourne de leurs objectifs les acteurs du système qui ont une mission de gestion. Il est donc peu probable que les réformes portent pleinement leurs fruits dans un avenir proche. C’est pourquoi nous proposons à ceux qui sont désireux de tirer des enseignements de l’expérience anglaise de considérer ces réformes comme une source féconde d’idées pour réformer leur propre système. Ils devraient cependant, lors de la mise en œuvre des mesures qui leur semblent appropriées, adopter une approche beaucoup plus prudente que l’Angleterre, pour permettre un suivi et une évaluation correctes des réformes.

Notes

linkThis article is available in English on Cairn International
Français

Résumé

Cet article porte sur la régulation financière du système de santé en Angleterre. Après un rapide historique, il présente la structure institutionnelle actuelle avant de s’intéresser aux instruments de régulation et à l’organisation financière du système. Pour conclure, il propose une analyse critique de certaines des réformes en cours, en soulignant que l’Angleterre peut être une source d’inspiration pour d’autres pays cherchant à réformer leur système de santé. Toutefois, le système de santé anglais traverse actuellement une période de fortes turbulences, de nombreux éléments de son mode de financement étant en cours de redéfinition. Ces transformations rendant l’évaluation de l’impact des réformes difficile, nombre des conclusions présentées ont inévitablement un caractère hypothétique.

Bibliographie

  • AUDIT COMMISSION, (2004), Introducing Payment by Results : Getting the Balance Right for the NHS and Taxpayers, Audit Commission for Local Authorities and the National Health Service in England and Wales, London.
  • AUDIT COMMISSION, (2005), Early Lessons from Payment by Results, Audit Commission, London.
  • En ligneBUSSE R., SCHREYÖGG J., SMITH P. C., (2006), « Special issue on hospital case payment systems in Europe », Health Care Management Science, 9.
  • DEPARTMENT OF HEALTH, (1997), in Cm 3807HMSO, London, p. 86.
  • DEPARTMENT OF HEALTH, (2002), Reforming NHS Financial Flows : Introducing Payment by Results, Department of Health, London.
  • DEPARTMENT OF HEALTH, (2004), Department of Health, London, p. 119.
  • DEPARTMENT OF HEALTH, (2005), Departmental report 2005, The Stationery Office, London.
  • DEPARTMENT OF HEALTH, (2006a), Best Research for Best Health : a New National Health Research Strategy. Department of Health, London.
  • DEPARTMENT OF HEALTH, (2006b), « Creating tomorrow whilst managing today : transitional arrangements », in The NHS and Department of Health. Press Release, 2006/ 0019.
  • DUSHEIKO M., GRAVELLE H., JACOBS R., SMITH P. C., (2006), « The effect of budgets on doctor behaviour : evidence from a natural experiment », Journal of Health Economics, (à paraître).
  • En ligneFERRIMAN A., (2000), « Blair will have difficulty in matching European spending », Bmj, 320, 267.
  • HARDING, M. L., (2006), « The paradox at the heart of practice power », Health Service Journal, 9th March.
  • HEALTHCARE COMMISSION, (2005), Assessment for Improvement : the Annual Health Check – Measuring What Matters, Healthcare Commission, London.
  • HOUSE OF COMMONS HEALTH COMMITTEE, (2005), The Stationery Office, London. MATHESON J., BABB P. (ed), (2002), Social Trends, n° 32, The Stationery Office, London.
  • NATIONAL AUDIT OFFICE and AUDIT COMMISSION, (2006), Financial Management in the NHS, The Stationery Office, London.
  • NATIONAL INSTITUTE FOR CLINICAL EXCELLENCE, (2004a), Guide to the Methods of Technology Appraisal, NICE, London.
  • NATIONAL INSTITUTE FOR CLINICAL EXCELLENCE, (2004b), The Interventional Procedures Programme, NICE, London.
  • NATIONAL INSTITUTE FOR CLINICAL EXCELLENCE, (2002), Principles for Best Practice in Clinical Audit, Commission for Health Improvement, Royal College of Nursing and University of Leicester, Radcliffe Medical Press Ltd, Abingdon.
  • NHS Confederation, (2003).
  • NHS Confederation, (2006).
  • SECRETARY OF STATE FOR HEALTH, (2001), vol. Directions The Stationery Office Limited, London.
  • En ligneSMITH J., DIXON J., MAYS N., MCLEOD H., GOODWIN, N., MCCLELLAND S., LEWIS R., WYKE, S., (2005), « Practice based commissioning : applying the research evidence. » BMJ, 331, 1397-9.
  • En ligneSTEVENS, S., (2004), « Reform strategies for the English NHS », Health Affairs, 23, p. 37-44.
  • En ligneSTREET A., ABDULHUSSAIN S., (2004), « Would Roman soldiers fight for the financial flows regime ? The re-issue of Diocletian’s Edict in the English NHS », Public Money and Management, 24, p.301-308.
  • En ligneTIMMINS, N., (2005a), « Challenges of private provision in the NHS », BMJ, 331, 1193-5.
  • En ligneTIMMINS N., (2005b), « Use of private health care in the NHS ». BMJ, 331, 1141-2.
  • En ligneWHITE C., (2006), « GP contract settlement under threat », BMJ, 332 : 10 ; doi : 10 1136/bmj. 332 7532.10-f.
  • En ligneWILLIAMS B., WHATMOUGH P., MCGILL J., RUSHTON L., (2000), « Private funding of elective hospital treatment in England and Wales, » 1997-8 : national survey. BMJ, 320, 904-5.
Anne Mason
Chercheuse au Centre for Health Economics, université de York (Royaume-Uni). Ses travaux portent notamment sur la prise en charge des personnes âgées, sur les déterminants des habitudes de prescription des médecins et sur le traitement du psoriasis.
Peter C. Smith [*]
Professeur d’économie, il dirige le Centre for Health Economics, université de York (Royaume-Uni). Ses travaux portent notamment sur le financement, les performances et l’efficience des systèmes de santé.
  • [*]
    Anne Mason : chercheuse au Centre for Health Economics, university of York.
    Peter C. Smith : professeur d’économie et Directeur du Centre for Health Economics, university of York (Royaume-Uni).
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/rfas.062.0265
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour La Documentation française © La Documentation française. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...