Introduction
1Les pays de l’OCDE consacrent des sommes considérables à leurs systèmes de santé. En 2003, dernière année pour laquelle des données permettant des comparaisons internationales sont disponibles, les dépenses de santé ont atteint, en moyenne, un record de 8,8 % du produit intérieur brut (PIB). Elles ont représenté 15 % du PIB aux États-Unis et ont également excédé la moyenne de l’OCDE en France, où elles ont atteint plus de 10,1 % de la richesse nationale.
2La croissance constante des dépenses de santé s’explique par la conjugaison de plusieurs facteurs, entre autres par les progrès des techniques médicales, le vieillissement de la population et l’évolution de ses attentes. Ces dix dernières années, les dépenses de santé ont progressé plus rapidement que l’activité économique. Bien que ce phénomène s’explique en partie par un ralentissement conjoncturel, en particulier au début des années 2000, la croissance des dépenses de santé était déjà supérieure à celle de l’économie avant ce fléchissement de l’activité. Durant les années quatre-vingt-dix, dans les pays de l’OCDE, l’écart entre la croissance des dépenses de santé et celle du PIB a été, en moyenne, de plus d’un point. Puis, en 2002, les dépenses de santé ont recommencé à croître rapidement dans plusieurs pays, ce qui a amené les pouvoirs publics à s’interroger sur la soutenabilité du financement de leur système de santé. Dans la plupart des pays de l’OCDE, le financement des dépenses de santé est en majeure partie public, ce qui vient grever des budgets publics déjà très sollicités.
3Déterminer le juste niveau des dépenses de santé n’est toutefois pas chose aisée. Ces vingt dernières années, les pays de l’OCDE ont adopté diverses mesures pour maîtriser les coûts et améliorer l’efficacité de leurs systèmes : réduction de l’importance du secteur hospitalier et des effectifs, diminution des biens et services financés par des fonds publics auxquels les ménages peuvent prétendre, augmentation du ticket modérateur pour les médicaments et les soins dentaires, par exemple. Toutefois, l’encadrement strict des dépenses publiques de santé peut avoir des incidences sur d’autres aspects de la politique sanitaire, par exemple entraîner une pénurie d’infirmières et de médecins et allonger le délai d’attente pour bénéficier d’une intervention chirurgicale non urgente.
4Dans cet article [1], nous présentons des données, extraites de la base Éco-Santé OCDE [2], sur les dépenses de santé des trente pays de l’OCDE, en faisant ressortir les grandes tendances et les différences entre pays. Nous étudions d’abord la contribution des dépenses de santé au PIB des pays de l’OCDE, et démontrons que le poids de la santé dans l’économie a augmenté sous l’effet conjugué de la progression des dépenses et du ralentissement de l’activité économique. Nous analysons ensuite le financement des dépenses avant d’examiner leur ventilation.
Il convient de noter que cet article porte exclusivement sur le niveau des dépenses et les différences entre pays, il n’entre pas dans l’analyse l’importante question du lien entre le niveau des dépenses de santé et la situation sanitaire de la population.
Les dépenses de santé : une part importante et croissante de l’économie
5En 2003, les pays de l’OCDE ont, en moyenne, consacré 8,8 % de leur PIB à la santé. De fortes disparités sont toutefois observées d’un pays à l’autre : en République slovaque, en Pologne, au Mexique et en Corée [3], par exemple, les dépenses de santé ont été inférieures de plus de moitié à celles des États-Unis, où elles ont représenté 15 % du PIB. Elles ont atteint respectivement 11,5 % et 11,1 % du PIB en Suisse et en Allemagne et 10,1 % en France, où elles ont été supérieures à la moyenne des pays de l’OCDE (cf. graphique 1).
Dépenses de santé en pourcentage du PIB, 2003

Dépenses de santé en pourcentage du PIB, 2003
6Ces dernières décennies ont été marquées par une augmentation de la part du PIB consacrée à la santé. Dans les 29 pays pour lesquels des séries historiques permettant des comparaisons sont disponibles, cette part est passée de 7,1 % en 1990 à 8,8 % en 2003 (cf. tableau 1). Depuis 1980, les États-Unis affichent systématiquement les dépenses les plus élevées de l’OCDE et la France se situe au-dessus de la moyenne de l’OCDE. Toutefois, dans l’Hexagone, la progression des dépenses en part du PIB a globalement suivi la même tendance que la moyenne de l’OCDE, alors que des variations plus importantes ont été observées dans quelques autres pays membres, comme la République tchèque, la Turquie et le Portugal (cf. graphique 1, partie de droite).
Dépenses totales de santé en pourcentage du PIB, 1970-2003

Dépenses totales de santé en pourcentage du PIB, 1970-2003
7L’augmentation du poids de la santé dans l’économie des pays de l’OCDE s’explique en partie par le fait que le PIB a crû moins rapidement que les dépenses de santé. Durant certaines périodes, cet écart a même été important : ainsi, entre 1990 et 2002, la croissance des dépenses de santé réelles [4] par habitant a été supérieure de plus de deux points à celle du revenu réel par habitant (cf. tableau 2). En 2003, dans plusieurs pays de l’OCDE, les dépenses de santé continuent de progresser plus vite que l’activité économique. Ainsi, aux États-Unis, elles ont augmenté plus de deux fois plus vite que la richesse nationale, passant de 14,6 % à 15 % du PIB. En France, en 2003, elles ont crû de 4,6 % par rapport à l’activité économique, qui n’a pas progressé.
Croissance des dépenses de santé par habitant par rapport à la croissance du PIB, 1990-2003

Croissance des dépenses de santé par habitant par rapport à la croissance du PIB, 1990-2003
8Toutefois, les dépenses ont progressé à un rythme différent selon les époques (cf. tableau 3). Ainsi, la décennie quatre-vingt-dix peut être subdivisée en trois périodes :
- de 1990 à 1992, les dépenses de santé ont augmenté rapidement dans tous les pays de l’OCDE ;
- les inquiétudes de plus en plus vives suscitées par cette forte progression ont amené plusieurs pays à engager des réformes et à adopter des mesures destinées à réduire les coûts ou à ralentir leur croissance (Docteur et Oxley, 2003 ; Mossialos et Le Grand, 1999). Il s’est ensuivi un ralentissement du rythme de croissance des dépenses qui a été ramenée à 2,6 % en moyenne entre 1992 et 1997 ;
- puis, à partir de la fin des années quatre-vingt-dix, les dépenses ont recommencé à augmenter rapidement et cette tendance se poursuit en ce début de millénaire.
Croissance réelle moyenne des dépenses de santé par habitant, 1980-2003

Croissance réelle moyenne des dépenses de santé par habitant, 1980-2003
9Aux États-Unis, les initiatives prises par les assureurs pour rationaliser les soins ont été couronnées d’un certain succès dans les années quatre-vingt-dix ; toutefois, les réactions de la population et des prestataires de soins contre les formes les plus restrictives de managed care ont obligé les assureurs à assouplir leur position, ce qui a eu pour corollaire un retour à une croissance rapide des dépenses. Dans certains pays, comme le Royaume-Uni, le Canada et l’Irlande, la hausse des dépenses a résulté de politiques visant spécifiquement à augmenter les dépenses publiques de santé. Les restrictions budgétaires appliquées dans ces pays durant la période précédente avaient en effet eu des répercussions négatives sur les capacités du système de soins et l’activité chirurgicale. Au Royaume-Uni, le mécontentement suscité par les délais d’attente pour bénéficier d’une intervention chirurgicale non urgente a incité les pouvoirs publics à assouplir leur politique de maîtrise stricte de la croissance des coûts (Hurst et Siciliani, 2003).
Par ailleurs, la hausse des dépenses de santé varie selon les pays (cf. graphique 2).
Croissance des dépenses de santé par rapport au PIB, 1980-2003

Croissance des dépenses de santé par rapport au PIB, 1980-2003
10Ainsi, ces vingt dernières années, elle a été plus rapide que la moyenne de l’OCDE en Corée, en Irlande et au Portugal [5], par exemple, qui affichent un revenu et des dépenses de santé par habitant plus faibles que les autres pays. Le taux de croissance des dépenses a également été supérieur à la moyenne dans certains pays à haut revenu, par exemple l’Australie et le Royaume-Uni.
11En revanche, il a été inférieur à la moyenne de l’OCDE en Allemagne, en Suisse et en France ; il est toutefois resté supérieur au taux de croissance du PIB, ce qui s’est soldé par une augmentation des dépenses de santé en pourcentage du PIB au fil du temps.
12À l’inverse, la croissance rapide du PIB enregistrée par la Finlande, le Canada et l’Italie est allée de pair avec une stabilisation, voire une diminution de la part du PIB consacrée à la santé.
13Certains pays, qui affichaient en 1990 des dépenses de santé relativement faibles par rapport au PIB, ont enregistré un fort taux de croissance de ces dépenses. Il ne faut pas pour autant en déduire que cette croissance a été plus faible dans les pays dont les dépenses de santé représentent une part plus grande de la richesse nationale (cf. graphique 3).
Taux de croissance des dépenses de santé par rapport au PIB et dépenses de santé en pourcentage du PIB, 1990

Taux de croissance des dépenses de santé par rapport au PIB et dépenses de santé en pourcentage du PIB, 1990
14Ainsi, en Allemagne, en Suisse et aux États-Unis, les dépenses de santé, qui représentaient une part importante du PIB en 1990, ont également connu une croissance rapide par rapport à la richesse nationale. Ceci porte à croire que des dépenses de santé élevées par rapport au PIB ne s’accompagnent pas nécessairement d’une moindre croissance des dépenses totales de santé.
Les dépenses de santé par habitant varient fortement d’un pays de l’OCDE à l’autre
15Les États-Unis arrivent en tête des pays de l’OCDE en termes de dépenses de santé par habitant. En 2003, ils ont consacré 5 635 US$ PPA [6] par habitant à la santé, contre moins de 1 000 US$ PPA dans des pays où les dépenses sont plus faibles, comme le Mexique, la Corée et les pays d’Europe de l’Est (cf. graphique 4). Aux États-Unis, les dépenses de santé par habitant atteignent plus de deux fois la moyenne de l’OCDE, qui s’établit à 2 394 US$ PPA [7], alors qu’exprimées en pourcentage du PIB, les dépenses de santé sont supérieures de 70 % à la moyenne environ.
Dépenses de santé publiques et privées par habitant, 2003

Dépenses de santé publiques et privées par habitant, 2003
Note : Les pays sont classés selon le niveau de leurs dépenses totales de santé par habitant, dans l’ordre décroissant.16La France dépense 2 903 US$ PPA par habitant, soit environ 20 % de plus que la moyenne de l’OCDE. D’importantes disparités sont également observées au sein de la zone OCDE en ce qui concerne la part que représentent les dépenses publiques par habitant par rapport aux dépenses privées, même si les dépenses publiques sont nettement supérieures aux dépenses privées dans la majorité des pays.
17Les écarts de dépenses par habitant s’expliquent en partie par des différences de développement économique. Toutefois, la corrélation positive entre le revenu par habitant et les dépenses de santé par habitant (cf. graphique 5) est plus faible si l’on considère des groupes de pays ayant des niveaux de développement économique différents. Par conséquent, le revenu est certainement un facteur explicatif important de la hausse des dépenses de santé, en particulier des écarts de dépenses entre des pays qui n’ont pas le même niveau de développement. Pour autant, il n’existe pas un niveau de dépenses unique, optimal pour tous les pays, en particulier pour les pays les plus avancés sur le plan économique. Si les pays riches tendent à afficher des dépenses de santé plus élevées, il n’en existe pas moins d’importantes disparités entre des pays dont la richesse est comparable. Ces disparités et le caractère plus faible de la corrélation revenu-dépenses dans les pays plus riches portent également à croire que la croissance du revenu ne s’accompagne pas nécessairement d’une hausse des dépenses. D’autres facteurs, par exemple les choix politiques en matière de structure et de régulation des systèmes de santé, peuvent également avoir un impact sur le montant des dépenses (OCDE, 2004a).
Dépenses de santé par habitant et revenu par habitant, 2003

Dépenses de santé par habitant et revenu par habitant, 2003
18De même, certains pays qui affectent une part similaire de leur PIB à la santé n’ont pas le même niveau de dépenses par habitant (cf. graphique 6).
Dépenses totales de santé par habitant et en pourcentage du PIB, 2003

Dépenses totales de santé par habitant et en pourcentage du PIB, 2003
19Ainsi, en 2003, la Grèce et la France ont consacré l’une comme l’autre environ 10 % de leur PIB à la santé, mais les dépenses par habitant de la Grèce ont été inférieures de plus de 30 % à celles de la France. Ces écarts dans le niveau des dépenses s’expliquent par la conjugaison de différences de prix et de volumes d’un pays à l’autre. Ainsi, alors que les États-Unis affichent les dépenses de santé les plus élevées de l’OCDE, ils se situent au même niveau que les autres pays en termes de volume de soins (Docteur et al., 2003). Plusieurs facteurs concourent à expliquer ces dépenses plus élevées, depuis la fragmentation du système de financement, qui induit des frais administratifs plus importants, jusqu’au fait que les prestataires de soins exercent, vis-à-vis des tiers-payeurs, un pouvoir de marché plus fort que dans les autres pays de l’OCDE, en particulier dans ceux où l’État est en situation de monopsone ou dispose d’un pouvoir de négociation collective vis-à-vis des offreurs (Reinhardt et al., 2004). Aux États-Unis, la concurrence entre assureurs et entre prestataires de soins incite également les professionnels de la santé à essayer d’attirer des patients en jouant sur l’importance des soins, sur l’offre d’avantages divers et sur d’autres aspects de la qualité ; ces stratégies sont également utilisées par les hôpitaux pour attirer patients et praticiens (McClellan et al., 2002).
Le financement des dépenses de santé reste majoritairement public
20Les dépenses de santé peuvent être financées par l’association, dans des proportions diverses, de fonds publics (fiscalité générale, budgets d’assurance sociale) et privés (versements des ménages et des systèmes d’assurance privés). L’assurance privée recouvre les polices subventionnées par l’employeur et celles souscrites individuellement. Les versements des ménages incluent les paiements directs qu’ils effectuent en contrepartie de biens et services médicaux et le ticket modérateur laissé à leur charge par les systèmes d’assurance. Ils correspondent à la part du financement qui n’est prise en charge par aucun tiers-payeur, qu’il soit public ou privé.
21Les pays de l’OCDE ont adopté trois approches différentes pour permettre à la majorité de la population de bénéficier d’une couverture maladie.
22• Dans un premier groupe de pays (les pays d’Europe du Nord, du Sud, dont l’Italie, et de l’Est, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Corée et le Japon), le système de couverture maladie public national – qu’il s’agisse d’un dispositif financé par l’impôt ou d’un système d’assurance maladie – offre une couverture universelle ou quasi universelle.
23• Un deuxième groupe de pays (dont l’Allemagne et les Pays-Bas) a cherché à mettre en place une couverture publique de base ciblée sur des publics spécifiques, laissant aux autres catégories de la population le choix entre la souscription d’une assurance privée, l’autoassurance ou l’absence d’assurance. Aux États-Unis, où seuls les plus défavorisés et les personnes âgées peuvent prétendre à une couverture publique, la majorité de la population est contrainte de recourir à un financement privé.
24• La troisième approche, adoptée par la Suisse [8], a consisté à garantir une couverture universelle en obligeant l’ensemble de la population à souscrire une assurance maladie de base. Seuls trois pays de l’OCDE n’offrent pas de couverture universelle : les États-Unis, où environ 14 % de la population était dépourvue d’assurance maladie en 2001 ; le Mexique, où environ la moitié de la population est exclue du système de sécurité sociale, et la Turquie, où seuls les deux tiers de la population étaient couverts par le système public à la fin des années quatre-vingt-dix (OCDE, 2004b).
25La manière dont les différents régimes se complètent pour couvrir l’ensemble de la population a une incidence sur le mode de financement des systèmes de santé. Or, même dans les pays qui sont parvenus à garantir une couverture universelle, une part significative du financement peut provenir de sources privées, selon l’importance des soins et services non couverts par les systèmes publics, le niveau du ticket modérateur ainsi que le rôle et la taille des marchés de l’assurance privée.
26En Corée, par exemple, bien que la couverture universelle nationale soit offerte par un système d’assurance maladie, les fonds d’origine privée représentent près de la moitié du financement total (OCDE, 2003c).
27En revanche, alors que seulement un quart de la population américaine est couvert par un régime public, les États-Unis arrivent dans le peloton de tête des pays de l’OCDE en termes de dépenses publiques de santé par habitant ; en outre, en pourcentage du PIB, leurs dépenses publiques sont comparables à celles de pays membres où le financement public représente une part plus importante du financement de la santé (Docteur et al., 2003).
Le financement public est le mode de financement de la santé prépondérant dans tous les pays de l’OCDE, sauf en Corée, au Mexique et aux États-Unis (cf. graphique 7). En 2003, 72 % des dépenses de santé totales de la zone OCDE ont été financées par des fonds publics [9]. Dans plusieurs pays, notamment les Républiques tchèque et slovaque, les pays d’Europe du Nord, le Japon et le Royaume-Uni, le financement public a couvert plus de 80 % des dépenses. La France, où 76 % des dépenses totales ont été financées par des fonds publics, s’est située légèrement au-dessus de la moyenne de l’OCDE.
Dépenses de santé par source de financement, 2003

Dépenses de santé par source de financement, 2003
28En 2002, les ménages ont financé 19,4 % des dépenses totales de santé [10], ce qui représente environ les trois quarts du financement privé total (dans les graphiques 7 et 8, les pays de l’OCDE sont classés selon le montant de la participation des ménages au financement, dans l’ordre croissant). De fortes disparités sont observées d’un pays à l’autre. Ainsi, les ménages financent environ 30 % des dépenses totales de santé en Suisse, en Corée et au Mexique (près de la moitié du financement total dans ces deux derniers pays) et entre 10 et 30 % dans la majorité des autres pays pour lesquels des données sont disponibles. En France, les versements des ménages représentent 10 % du financement de la santé. À quelques exceptions près, la contribution des ménages est plus élevée dans les pays où le revenu par habitant est plus faible et vice-versa. Dans les pays de l’OCDE, les ménages financent divers types de biens et services médicaux : produits pharmaceutiques, qui constituent un poste important dans la plupart des pays, et, avec d’importantes variations d’un pays à l’autre, soins dentaires, soins de longue durée et soins ambulatoires.
Les versements des ménages constituent la forme de financement de la santé la plus régressive et peuvent entraver l’accès aux soins des catégories sociales à faible revenu, en particulier lorsqu’ils représentent une fraction significative du revenu disponible. Ces dix dernières années, l’impact de la contribution des ménages au financement de la santé sur leur consommation totale a augmenté dans la majorité des pays de l’OCDE. Seuls quelques pays – le Danemark, la France, la Corée et les États-Unis – ont enregistré une stabilité, voire une diminution de la part des dépenses des ménages consacrées à la santé (Huber et Orosz, 2003).
En moyenne, la contribution de l’assurance maladie privée ne représente que 6,1 % du financement total de la santé [11] et environ un quart du financement privé (cf. graphique 8). Son poids relatif dans le financement des dépenses totales de santé varie de 36 % aux États-Unis, où il est le plus élevé, à 0 % dans plusieurs pays de l’OCDE dépourvus de marché de l’assurance privée. Il n’existe pas de corrélation entre le poids de l’assurance privée dans le financement des dépenses totales et le niveau de développement économique d’un pays.
Part du financement public, 2002

Part du financement public, 2002
29Les écarts observés concernant la contribution de l’assurance privée s’expliquent par des différences dans le nombre de personnes couvertes par des polices d’assurance privées et par l’hétérogénéité des prestations offertes par les assureurs au sein de la zone OCDE.
30• Aux États-Unis, l’assurance privée constitue la seule forme de couverture pour une forte proportion de la population, les régimes publics ne couvrant que les plus défavorisés (Medicaid) ou les personnes âgées (Medicare).
31• Cela vaut également pour une proportion plus restreinte de la population aux Pays-Bas (où un tiers seulement de la population – au sommet de l’échelle des revenus – n’ouvre pas droit à l’assurance maladie) et en Allemagne (où un dixième de la population choisit de renoncer à s’affilier à une caisse d’assurance maladie).
32• L’assurance privée contribue également de manière non négligeable au financement de la santé au Canada (plus de 10 % des dépenses totales de santé) – où elle prend en charge les médicaments et les soins dentaires non remboursés par les régimes publics – et en France – où elle couvre le ticket modérateur de la Sécurité sociale.
33• Elle offre par ailleurs une deuxième forme de couverture universelle en Australie, Irlande, Nouvelle-Zélande, Italie et au Royaume-Uni (entre autres), constituant une alternative privée aux régimes universels publics (Colombo et Tapay, 2004 ; OCDE, 2004b).
La structure du financement de la santé est restée relativement stable au fil du temps. Certaines évolutions méritent toutefois d’être soulignées : ainsi, après avoir été en hausse durant les années soixante-dix, le financement public s’est stabilisé avant de diminuer légèrement dans les années quatre-vingt-dix. En France, la part du financement public est restée stable, à 76-77 % environ. Globalement, une certaine convergence de l’évolution de la part du financement public apparaît entre les pays de l’OCDE : les pays dont les dépenses publiques de santé étaient supérieures à la moyenne de l’OCDE ont enregistré une baisse de la part du financement public, tandis que la tendance inverse est observée dans ceux qui affichaient des dépenses inférieures à la moyenne (cf. graphique 9). La contribution des ménages au financement des dépenses totales a légèrement augmenté.
Évolution de la part du financement public des dépenses de santé, 1990-2003

Évolution de la part du financement public des dépenses de santé, 1990-2003
Ventilation des dépenses de santé : le poids croissant des produits pharmaceutiques
34D’importantes disparités sont observées au sein de l’OCDE concernant le montant des dépenses par type de soins (cf. graphique 10). Dans les 24 pays pour lesquels des données sont disponibles, les frais d’hospitalisation ont représenté 37 % des dépenses courantes de santé en 2003, contre 34 % pour les soins ambulatoires et 22 % pour les biens médicaux [12]. Bien qu’il soit de plus en plus reconnu que la prévention et la santé publique jouent en rôle crucial dans l’amélioration des performances des systèmes de santé, les pays de l’OCDE n’affectent que peu de ressources à la prévention. En moyenne, il, n’ont consacré que 2,9 % de leurs dépenses totales de santé à la mise en place de programmes de prévention publics ou privés (cf. graphique 11) en 2003. En France, ce chiffre était d’environ 2,5 % la même année [13].
Dépenses courantes de santé en services médicaux, biens médicaux et dépenses de santé pour la collectivité 2003

Dépenses courantes de santé en services médicaux, biens médicaux et dépenses de santé pour la collectivité 2003
Dépenses de prévention et de santé publique en pourcentage des dépenses courantes de santé, 2003

Dépenses de prévention et de santé publique en pourcentage des dépenses courantes de santé, 2003
35Les frais d’hospitalisation représentent plus de 50 % des dépenses courantes totales de santé en Islande et au Danemark, et près de 50 % en Suisse, contre moins de 30 % au Canada, aux États-Unis et en Espagne.
36Les biens et services médicaux représentent plus d’un quart des dépenses totales de santé dans certains pays d’Europe de l’Est, comme la République slovaque (46 %), la Hongrie (33 %) et la République tchèque (27 %), contre seulement 14 % environ aux États-Unis.
37Bien que les produits pharmaceutiques représentent une faible part des dépenses totales, c’est aux États-Unis que les dépenses de produits pharmaceutiques sont les plus élevées de l’OCDE en valeur absolue (cf. graphique 12).
Dépenses pharmaceutiques par habitant et en pourcentage des dépenses totales de santé, 2003

Dépenses pharmaceutiques par habitant et en pourcentage des dépenses totales de santé, 2003
38En 2003, la France a consacré 38 % de ses dépenses courantes de santé à l’hospitalisation, 28 % aux soins ambulatoires et 25 % aux biens et services médicaux, ce qui correspond à une situation relativement proche de la moyenne de l’OCDE.
39Plusieurs raisons concourent à expliquer les différences dans la ventilation des dépenses par type de soins : les progrès technologiques dans le domaine médical, les réformes adoptées par les pouvoirs publics pour améliorer l’efficience des systèmes de santé, les modifications dans l’allocation des ressources – y compris, par exemple, les réformes des modes de paiement (Docteur et Oxley, 2003). Les différences de prix de différents facteurs de production d’un pays à l’autre ont également une incidence (Huber et Orosz, 2003).
40Les produits pharmaceutiques constituent un poste de dépenses particulièrement important – qui connaît en outre une croissance rapide. En 2003, les dépenses de pharmacie ont représenté 17,5 % des dépenses totales de santé de la zone OCDE [14]. Toutefois, d’importantes disparités sont observées d’un pays à l’autre, ces dépenses représentant entre 10 % (au Danemark) et 38,5 % des dépenses totales (en République slovaque). En France, la part des dépenses de pharmacie est supérieure à la moyenne de l’OCDE, à 20,9 %.
Ces écarts entre pays traduisent également d’importantes différences dans les prix unitaires et les volumes prescrits et consommés. Les États-Unis, qui affichent les dépenses pharmaceutiques les plus élevées, ont dépensé 728 US$ PPA par habitant en 2003. La France, qui arrive en deuxième position, a dépensé 606 US$ PPA, suivie par le Canada et l’Italie.
Il n’existe pas nécessairement de corrélation entre les dépenses par habitant et le poids des produits pharmaceutiques dans les dépenses totales. En réalité, la part des dépenses pharmaceutiques peut varier de manière significative entre des pays qui ont un niveau de dépenses par habitant similaire. Ainsi, alors que la France et le Danemark ont des dépenses de santé par habitant comparables, le Danemark a consacré 10 % de ses dépenses totales de santé aux produits pharmaceutiques et la France 21 %.
Les dépenses de pharmacie ont nettement progressé ces dix dernières années. Entre 1997 et 2003 (cf. graphique 13), elles ont, en moyenne, augmenté 27 % plus vite chaque année que les dépenses totales de santé dans la zone OCDE et 76 % plus vite en France. De ce fait, la part des dépenses pharmaceutiques dans les dépenses totales de santé a augmenté au cours de cette période : ainsi, en France, elle est passée de 18 à 21 % des dépenses totales de santé. Plusieurs facteurs expliquent cette croissance rapide : la production et la mise sur le marché de nouveaux médicaments – notamment de médicaments coûteux – et le remplacement de certains traitements chirurgicaux par des traitements médicamenteux.
Croissance annuelle réelle des dépenses pharmaceutiques et des dépenses totales de santé, 1997-2003

Croissance annuelle réelle des dépenses pharmaceutiques et des dépenses totales de santé, 1997-2003
41Les fonds privés occupent une place plus importante dans le financement des dépenses de pharmacie que dans celui d’autres postes de dépenses de santé. Ainsi, en 2003, 79 % des dépenses totales de pharmacie ont été financées par des fonds privés aux États-Unis, 62 % au Canada et 33 % en France. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, les dépenses publiques ont représenté environ 60 % des dépenses totales de pharmacie. À titre de comparaison, dans les pays pour lesquels les données sont disponibles, 85 % des dépenses d’hospitalisation ont été financées par des fonds publics. Cette différence s’explique à la fois par le montant plus élevé du ticket modérateur pour les produits pharmaceutiques que pour d’autres types de soins et par le fait qu’une forte proportion des dépenses de pharmacie n’est pas prise en charge par les régimes d’assurance publics.
42Les pays de l’OCDE ont adopté différentes stratégies pour endiguer la croissance rapide des dépenses, depuis des mécanismes de contrôle des prix, jusqu’à des mesures destinées à contrôler la demande de médicaments ou à modifier les habitudes de prescription. La mise en place de prix de référence appartient à la fois à la première et à la deuxième catégorie de mesures : le principe consiste à appliquer un ticket modérateur plus élevé aux patients qui choisissent des médicaments onéreux de préférence à des médicaments génériques, moins coûteux. D’autres mesures consistent à ne rembourser que les médicaments ayant une valeur thérapeutique avérée et à dérembourser certains médicaments de confort. Plusieurs pays de l’OCDE, à l’instar de l’Italie, ont choisi d’augmenter le ticket modérateur et de contrôler strictement la nature et la quantité de médicaments remboursables par les régimes publics (Mossialos et Le Grand, 1999 ; Jacobzone, 2000 ; Docteur et Oxley, 2003).
Conclusions
43Les dépenses de santé sont en hausse et le coût élevé des systèmes de santé fait de nouveau partie des priorités des pouvoirs publics. En France, les dépenses de santé en pourcentage du PIB sont supérieures à la moyenne de l’OCDE et ont, ces dix dernières années, augmenté plus vite que la richesse nationale. Pourtant, les mesures de maîtrise des coûts mises en œuvre par plusieurs pays de l’OCDE dans les années quatre-vingt-dix ne constituent pas nécessairement la panacée pour relever le défi de la soutenabilité financière des systèmes de santé. En réalité, dans certains pays, les mesures qui ont permis de réduire les capacités des systèmes de santé et les volumes de soins ont donné naissance à des systèmes de santé qui ne répondent plus aux attentes de la population. Les longs délais d’attente pour bénéficier d’une intervention chirurgicale non urgente sont une illustration de ce phénomène.
44Les inquiétudes suscitées par les dépenses de santé ne sont pas toujours fondées. À mesure que la richesse des pays augmente, les individus veulent inévitablement consacrer plus de ressources à l’amélioration de leur propre santé. Cela est d’autant plus vrai que la population vieillit et que les progrès technologiques l’incitent à se montrer plus exigeante vis-à-vis du système de santé, en termes de quantité et de qualité des soins. En fait, un niveau de dépenses de santé élevé n’est pas intrinsèquement négatif s’il correspond aux attentes de la population, même s’il s’ensuit une diminution de la consommation d’autres biens et services.
45Toutefois, deux types de préoccupations au moins sont légitimes. Premièrement, le financement de la santé reste essentiellement public. En France, 76 % des dépenses totales de santé sont financées par des fonds publics, ce qui est légèrement supérieur à la moyenne de l’OCDE. De toute évidence, la hausse des dépenses préoccupe les responsables politiques, confrontés à la situation difficile des finances publiques. Deuxièmement, et surtout, la majorité des dépenses ne permettent pas de garantir une efficience et une qualité optimales des systèmes de santé (OCDE, 2004a). Il apparaît de plus en plus que des dysfonctionnements – soins inadéquats, sous-utilisation de services nécessaires, erreurs médicales – sont à l’origine de décès prématurés, de handicaps, de problèmes de santé, et souvent de coûts supplémentaires.
Aussi, dans l’avenir, il faudrait que les pouvoirs publics concentrent leurs efforts sur l’amélioration de l’efficience et de la rentabilité de la croissance des dépenses, non sur des mesures de maîtrise des coûts, qui risquent de se solder par un décalage entre les attentes de la population et la capacité des systèmes de santé à y répondre. De même, il est fort probable que la mesure, l’analyse et le suivi des dépenses constituent des moyens à mettre en place rapidement pour réduire le manque de transparence en matière de qualité et de performances du système de santé. Les analyses comparatives peuvent apporter un éclairage utile sur ces deux plans, dans la mesure où elles permettent de disposer d’une référence pour évaluer les performances des systèmes de santé des différents pays et offrent une série d’outils que ces pays peuvent mettre en œuvre pour améliorer l’efficience de leur système.
Notes
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Francesca Colombo et David Morgan sont respectivement économiste de la santé et statisticien au sein de la Division de la santé de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
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[1]
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que ses auteurs et ne reflètent pas nécessairement la position de l’OCDE. Les auteurs tiennent à remercier Eva Orosz and Elizabeth Docteur, Division de la santé de l’OCDE, pour leurs précieux commentaires sur cet article.
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[2]
La base de données Éco-Santé OCDE 2005 regroupe les dernières données annuelles sur les systèmes de santé des 30 pays industrialisés qui composent l’OCDE. Elle contient, outre les grands agrégats en matière de dépenses de santé et de financement de la santé, des données plus fines relatives à la fonction et à l’offre de soins de santé. Tous les pays ne sont pas en mesure de fournir toutes les données, ce qui peut rendre les comparaisons difficiles. Pour plus d’informations sur la définition des données : www.oecd.org/health/healthdata
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[3]
En Corée, les dépenses de santé ont représenté 5,9 % du PIB en 2001.
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[4]
En appliquant le déflateur du PIB.
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[5]
Ce phénomène a rapproché ces pays de la moyenne de l’OCDE en termes de dépenses de santé en part du PIB (cf. tableau 1).
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[6]
US $PPA : parité de pouvoir d’achat en dollars.
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[7]
Il s’agit de la moyenne pour 2003. Ce chiffre ne tient pas compte de la République slovaque. Pour l’Australie, le Japon et le Royaume-Uni, les données disponibles correspondent à 2002 (OCDE, 2005).
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[8]
Ce sera également l’approche des Pays-Bas après l’entrée en vigueur des réformes adoptées récemment pour transformer le système actuel, qui exclut de la couverture par l’assurance maladie les individus dont les ressources dépassent un certain plafond, en un système d’assurance maladie privé universel, obligatoire pour l’ensemble de la population (Dutch Ministry of Health, Welfare and Sport, 2002).
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[9]
Hors Belgique et République slovaque, pour lesquelles les données ne sont pas disponibles (OCDE, 2005).
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[10]
La moyenne ne tient pas compte de la Belgique, de la Grèce, du Portugal, de la Suède, de la Turquie et du Royaume-Uni, pour lesquels les données ne sont pas disponibles. Pour l’Australie, le Japon et la Corée, les données ne sont disponibles que pour 2002 (OECD, 2005).
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[11]
Cette moyenne a été calculée sans tenir compte de la Belgique, de la Grèce, du Portugal, de la Suède, de la Turquie et du Royaume-Uni, pour lesquels les données ne sont pas disponibles. En ce qui concerne l’Autralie, le Japon et la Corée, les données ne sont connues que pour 2001. Dans certains pays de l’OCDE, le marché de l’assurance privée est marginal, voire inexistant ; la contribution de l’assurance privée a donc été considérée comme nulle (OECD, 2005).
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[12]
La Belgique, la Grèce, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande, le Portugal et le Royaume-Uni ne sont pas pris en compte dans ces moyennes Les biens médicaux comprennent les produits pharmaceutiques et autres biens médicaux non durables, ainsi que les appareils thérapeutiques et autres biens médicaux durables (OCDE, 2005).
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[13]
À noter que la comparaison internationale des dépenses de prévention et de santé publique est moins fiable que pour les autres types de dépenses. Par exemple, en France, comme dans d’autres pays, une forte proportion des dépenses de prévention est intégrée aux dépenses de soins curatifs et de réadaptation.
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[14]
Compte non tenu de la Pologne et de la Turquie, pour lesquelles les données ne sont pas disponibles.