1Au terme d’une année riche du point de vue de l’agenda social européen (rejets de la directive « Bolkestein » puis de la Constitution européenne, recentrage de la stratégie de Lisbonne autour des objectifs de croissance et d’emploi, blocage des négociations autour de la question du budget européen, etc.), c’est un sentiment d’incertitude qui domine les débats sur l’avenir des systèmes européens de protection sociale et la promotion éventuelle d’un « modèle social européen ». Cette incertitude est renforcée, au niveau national, par la mise en œuvre de réformes profondes en matière de protection et d’aide sociale et par l’audience croissante que reçoivent, au moins dans certains pays comme l’Allemagne ou la France, des thèses qui, parfois, mettent en cause les fondements même de leurs systèmes de protection sociale.
2Dans ce contexte, la Drees a organisé en décembre 2005 un colloque sur le thème des réformes de la protection sociale dans les pays d’Europe continentale et du Sud, dont l’objectif était de proposer un panorama des réformes qui y ont été engagées depuis le milieu des années quatre-vingt-dix. Il proposait ainsi de poursuivre l’étude des réformes mises en œuvre dans les pays de l’Union européenne, les pays nordiques ayant fait l’objet deux ans plus tôt d’un précédent colloque et de la publication d’un numéro spécial de la Revue française des Affaires sociales [1].
3Les réformes dans les pays d’Europe continentale et du Sud ont été abordées selon diverses perspectives : celle des enjeux et des contraintes les motivant, dans un contexte de « repli » dans les pays continentaux et de « montée en régime » dans les pays du Sud ; celle des évolutions institutionnelles qui marquent les politiques menées au cours de quinze dernières années ; enfin, les effets positifs ou négatifs sur le niveau de vie anticipé des populations concernées, directement ou non, par ces réformes. Les points de vue d’économistes, de politologues, de juristes ou d’experts d’administration, venus des différents pays concernés ou des États-Unis, ont alors été croisés.
4Les articles réunis dans le présent numéro reflètent cette pluralité d’approche du colloque dont ils sont issus, mais ne représentent pas la totalité des questions examinées. Il a été en effet décidé de mettre l’accent dans ce numéro plus particulièrement sur certaines d’entre elles compte tenu de publications antérieures ou à venir dans la Revue française des Affaires sociales [2]. Ce numéro propose ainsi une réflexion sur les réformes engagées dans ces pays et un éclairage particulier des pays du Sud notamment sur leurs régimes de retraite. Les dynamiques économiques, politiques et sociales liées aux réformes sont d’abord présentées. L’évolution de la question de l’égalité entre les sexes est aussi abordée car les régimes de protection sociale mis en place dans ces pays se sont longtemps accommodés de la forte asymétrie de rôles et de traitement réservés aux hommes et aux femmes. Enfin, la façon dont les réformes sont justifiées et leurs effets pris en compte en matière de retraite sont examinés à travers les expériences connues dans les pays du Sud.
L’héritage bismarckien des pays d’Europe continentale
Une protection sociale adossée à l’emploi
5Les pays « continentaux » (c’est-à-dire la France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, et l’Autriche) sont désignés comme un ensemble parce qu’ils ont pour point commun d’être les pays du noyau le plus ancien de l’Union européenne (sauf l’Autriche) et qu’ils sont représentatifs de régimes de protection sociale traditionnellement qualifiés de « bismarckiens » : le système de prestations sociales et leur financement sont étroitement liés aux marchés du travail puisque les prestations sont adossées au statut dans l’emploi, et leur financement est très largement assuré par voie de cotisations sociales. Les assurances sociales ont été historiquement constituées pour garantir au travailleur et à sa famille un revenu de subsistance en cas d’incapacité, temporaire ou prolongée, de participer à la force de travail. Elles visent donc à protéger, en premier lieu, le revenu du principal apporteur, adulte et masculin, en lui accordant des protections et un soutien dont bénéficient alors les membres de sa famille sous forme de droits dérivés.
Une aide publique favorable à « Monsieur Gagnepain »
6La famille organisée sur le modèle traditionnel de « Monsieur Gagnepain » constitue donc l’un des socles du système de protections et de politiques sociales mises en œuvre en direction des ménages. L’adulte « responsable » financièrement du ménage est ainsi la figure de proue des dispositifs de protection sociale qui visent, avant tout, à protéger le statut du travailleur et garantissent une protection proportionnelle à la position acquise dans l’emploi. Cette protection du travailleur doit en outre être suffisante pour protéger l’ensemble de sa famille, via l’octroi de droits dérivés dont bénéficient alors ses membres. Dans ce contexte, les jeunes et les femmes n’ont longtemps été les cibles d’aucune politique les aidant à acquérir une autonomie économique et à s’insérer dans l’emploi, et les politiques parfois mises en place demeurent fréquemment sous-développées. Certains pays octroient même des prestations permettant aux femmes [3] de se maintenir à l’écart du marché du travail durant une période assez longue coïncidant avec la formation de la famille. Les taux d’activité des femmes progressent néanmoins, dans des contextes institutionnels et de fonctionnement des marchés du travail peu propices à leur insertion continue dans l’emploi, et peu favorables au développement de leur carrière.
Un futur dépendant de l’évolution des marchés du travail et du « vieillissement » de la population
7Pour ces raisons, les pays du bloc continental héritent d’un ensemble de contraintes et partagent de nombreux points communs, face à des évolutions qui mettent en cause la cohérence du système et sa viabilité de long terme. Trois ensembles de facteurs sont particulièrement importants pour comprendre les évolutions en matière de protection sociale : le premier, d’ordre économique, concerne les marchés du travail et les orientations de politique économique qui définissent le contexte macroéconomique ; le deuxième est d’ordre démographique, c’est-à-dire relatif aux dynamiques de « vieillissement » des populations ; le dernier, d’ordre politico-institutionnel, est lié aux conditions de légitimité et de rapport de force politiques devant être réunies pour qu’un compromis soit accepté en matière de réformes à mettre en œuvre.
8L’évolution des marchés du travail a de fortes conséquences sur les réformes de la protection sociale, pour deux raisons. D’abord, parce que le processus de « flexibilisation » qui caractérise leur évolution affecte, par divers biais, la distribution des risques de perte d’emploi ou de capital humain. Les formes nouvelles de « transitions » sur et hors du marché du travail et les risques associés que les individus connaîtront au cours de leur cycle de vie nécessitent une adaptation des protections [4]. Ensuite, parce que l’ensemble des possibles en matière de protection sociale dépend de l’évolution future des niveaux d’emploi, tant du point de vue de la capacité de financement que des besoins qui émergeront. Mais cet ensemble est évidemment contraint par le régime de politique économique, très recentré, depuis la mise en circulation de l’euro, sur les politiques monétaires. Les contraintes imposées sur les niveaux de déficit et d’endettement font alors clairement levier aux arguments de ceux qui voient dans les réformes de la protection sociale une occasion d’en alléger le « coût », notamment pour ne pas peser sur le coût du travail.
Par ailleurs, le processus de « vieillissement » démographique fait pression sur lamise en œuvre de réformes, principalement sur les volets de la protection sociale les plus directement concernés, à savoir les retraites, la santé, et la prise en charge des personnes âgées. L’enjeu est alors de mener un ensemble de réformes négociées qui, à la fois, répondent aux « besoins » émergents et s’inscrivent dans une optique de dépenses maîtrisées tout en préservant les solidarités essentielles. Sans ces réformes, le système de protection deviendrait inadapté à l’évolution des risques, et le vieillissement de la population risque de produire une forte augmentation des dépenses sociales. Des projections réalisées par la Drees et l’OFCE estiment que, sans prendre en compte les effets des réformes en cours et en supposant le maintien du niveau actuel relatif des prestations, les dépenses de protection sociale verraient leur part dans le PIB accrue, en 2050, de 6 à 12 points selon les pays [5].
L’héritage lacunaire des pays d’Europe du Sud
Une protection sociale en pleine maturation
9Les pays d’Europe du Sud (Espagne, Grèce, Italie, Portugal) partagent certaines de ces caractéristiques, mais sont soumis à d’autres dynamiques. En particulier, la protection sociale se trouve actuellement, dans ces pays, dans une phase de « montée en régime ». Deux raisons à cela : d’une part, l’élargissement de l’accès à la protection sociale et le développement de politiques d’assistance envers les populations démunies n’ont été mis en œuvre que de façon relativement récente [6] ; d’autre part, le vieillissement de la population est à la fois plus rapide et plus marqué que dans la plupart des autres pays. Un accélérateur important de ce vieillissement est la forte baisse des niveaux de fécondité depuis le milieu des années soixante-dix, avec des répercussions importantes pour le futur sur la part de la population en âge d’activité et, par conséquent, sur le ratio de dépendance économique [7]. À cela s’ajoute, à l’autre extrémité de la pyramide des âges, l’allongement de l’espérance de vie qui renforce la tendance au vieillissement de la population, avec en perspective un fort besoin de financement des dépenses de santé et de retraite. Les projections démographiques prévoient alors, à l’horizon de 2050, une diminution très marquée de la population active en Italie (-40 % par rapport à 2000) et en Espagne (-32 %). Conséquence de ces évolutions, l’Espagne et l’Italie présentent déjà des ratios de dépendance économique en forte croissance et qui devraient atteindre des niveaux particulièrement élevés à l’horizon 2050, alors que ce ratio devrait être moins élevé au Portugal. Dans ce contexte, la projection des évolutions des dépenses sociales apparaît particulièrement sensible aux variations futures des comportements démographiques [8]. Ces dynamiques démographiques font alors peser un risque majeur sur les dépenses sociales : celui que les postes de la santé et des retraites captent la plus grande part des efforts réalisés en matière de dépenses, au détriment des prestations destinées aux enfants et aux familles qui demeurent pourtant particulièrement faibles dans ces pays au regard des autres pays européens et des besoins émergents [9].
Un rôle persistant des solidarités familiales…
10Ces dépenses s’avèrent en effet insuffisantes au regard des changements récents mais rapides des modes de vie familiale. Ces changements sont certes, à certains égards, moins visibles dans les pays du Sud que dans d’autres pays européens puisque le taux de mariage demeure plus élevé, la cohabitation hors mariage y apparaît moins fréquente malgré son développement, les divorces et le nombre de parents isolés sont aussi moindres. À l’inverse, sont beaucoup plus fréquents les ménages où coexistent plusieurs générations dans un même lieu d’habitation. Cette fréquence illustre alors la persistance du rôle de solidarité joué par la famille, qui reste un élément central de l’organisation sociale et de la redistribution des ressources. Ces solidarités créent toutefois certaines dépendances, dont il est difficile de s’affranchir car aucune ressource alternative – comme celles que pourraient offrir les politiques sociales – ne peut leur être substituée.
… mais inadapté aux évolutions de modes de vie familiale
11Pourtant, ces dépendances pèsent sur les comportements des jeunes générations, notamment durant la période de transition vers la vie adulte [10]. Cela s’observe notamment à travers la tendance des plus jeunes à prolonger la période de cohabitation avec leurs parents et à quitter le foyer parental pour rentrer en union, sans passage, comme c’est le cas plus fréquemment dans les autres pays européens, par une période de célibat. Un mode de transition vers la vie adulte assez spécifique se développe ainsi, en partie lié aux difficultés (croissantes) pour les jeunes de s’insérer dans l’emploi, d’acquérir un niveau d’autonomie financière suffisant et/ou d’accéder à un logement indépendant. Ce développement illustre alors la carence des politiques sociales pour accompagner l’évolution des modes de transition vers la vie adulte ; il en résulte une dépendance accrue des jeunes générations envers les solidarités intergénérationnelles et familiales.
12D’autres processus remettent pourtant en cause cette capacité à mobiliser les solidarités familiales en matière de prise en charge des enfants et/ou des personnes dépendantes. En particulier, la participation des femmes aux marchés du travail concerne désormais un large ensemble de générations, moins « disponibles » pour réaliser les activités de « care ». Des substituts aux « grands-mères » dans la prise en charge des enfants et aux « filles » dans celle des parents doivent alors être développés. Clairement, ces évolutions définissent de nouveaux enjeux pour les politiques sociales et familiales dans les pays du Sud. Elles mettent aussi en cause le principe de « subsidiarité » réservant traditionnellement l’intervention publique aux cas de « défaillance de la famille » et conférant aux organismes du tiers secteur un rôle fondamental dans la délivrance de services complémentaires aux aides délivrées par les familles.
Processus de réforme et évolutions induites
Le processus de réforme entre « contraintes » démographiques, économiques et politiques : des défis potentiellement communs aux pays continentaux et du Sud
13Au terme de cette rapide présentation des héritages acquis par les pays du bloc continental et d’Europe du Sud, un ensemble de défis communs à ces pays apparaît clairement. L’un d’eux est de proposer des solutions reposant sur un compromis suffisamment « équilibré », c’est-à-dire qui tienne compte des contraintes économiques et budgétaires tout en répondant aux évolutions démographiques et aux transformations des modes de vie, et qui s’ajuste aux contraintes de financement sans créer, auprès des bénéficiaires, de trop grandes carences en matière d’accès à la protection sociale et de niveau de couverture. D’autres contraintes doivent aussi être gérées, inhérentes au processus politique de négociation et de mise en œuvre des réformes, qui pèsent de façon particulière tant dans le contexte des pays bismarckiens que dans les pays du Sud. Mais si l’environnement politico-institutionnel peut être facteur de contraintes, il délivre aussi certaines ressources pour faire levier à certaines réformes. C’est du moins comme cela que peut-être interprété le rôle, apparemment croissant, de l’acteur européen en matière de protection sociale.
14Pour saisir l’ensemble de ces dimensions, le premier ensemble de contributions réunies dans les pages suivantes analyse les « contraintes » démographiques, économiques et politiques qui pèsent sur les réformes engagées dans les différents pays. Peter Whiteford livre un panorama assez complet de la situation démographique, de celle des marchés du travail et de la structure des dépenses sociales des pays concernés, comparé aux autres pays de l’OCDE. Bruno Palier analyse, quant à lui, plus précisément les contraintes et ressources de nature plus politique existant dans les pays bismarckiens pour mener à bien le processus de réforme. Luis Moreno étudie les spécificités des pays du Sud européen et envisage les réformes que devraient mettre en place ces pays pour ne pas renoncer à ces spécificités. Enfin, le rôle de la construction juridique d’une « Europe sociale » comme levier des réformes en matière de protection sociale est ensuite examiné par Olivier de Schutter.
Mais des contextes économiques et démographiques variables
15Peter Whiteford illustre, tout d’abord, une caractéristique bien connue des pays continentaux qui se distinguent par une somme de prélèvements plus importante pour financer les dépenses sociales, et une part des cotisations sociales dans ce financement supérieure en moyenne à celle des autres pays de l’OCDE. Cumulée à un niveau d’emploi des femmes, et surtout des seniors, plus faible que dans les autres pays, cette somme exerce une forte contrainte sur la capacité de financement des réformes de la protection sociale. En premier lieu, parce que l’assiette de financement est plus réduite, en raison de taux d’emploi plus faibles et plus directement indexée sur l’évolution future des taux de dépendance économique. À cet égard, la situation des pays du Sud est encore plus sensible en raison de la baisse des niveaux de fécondité qui y est observée (cf. Luis Moreno). Ensuite, parce que, comme l’argumente Bruno Palier, un financement de prestations contributives assis sur les cotisations sociales acquiert une forte légitimité, les prestations étant perçues comme des droits acquis par le travail ; toute réforme du mode de financement se heurte, de ce fait, à de fortes résistances au changement dès lors qu’il s’agit de réviser les niveaux des prestations ou d’en modifier les conditions d’éligibilité.
La dynamique politique des réformes : un changement de paradigme dans les pays d’Europe continentale ?
16Dès lors, on peut se demander, toujours avec Bruno Palier, pourquoi les pays de tradition bismarckienne semblent éprouver plus de difficultés que les autres à se réformer, et si toute réforme n’est pas condamnée à aller dans le sens d’un repli des politiques sociales. C’est le cas, semble-t-il, si l’on regarde la chronologie des réformes entreprises dans la plupart des pays bismarckiens jusqu’au milieu des années quatre-vingt-dix. Les changements observés depuis cette date semblent, en revanche, plus profonds et même, peut-être, révéler un changement de « paradigme » – c’est-à-dire un changement affectant simultanément les objectifs, les évaluations et les instruments de la protection sociale. Ceci apparaît, nous assure l’auteur, notamment en France par le biais d’une évolution progressive du mode de financement et de prise de décision en matière de protection sociale [11], et accompagnée de « nouvelles » politiques d’emploi en faveur de « l’activation » qui dessinent alors de nouvelles attentes vis-à-vis des dispositifs de protection sociale. Quatre critiques principales seraient à l’origine de ce changement d’orientation paradigmatique : d’abord, la critique de la nature contributive des prestations qui, en écartant les individus n’ayant pas préalablement cotisé, est accusée de renforcer le processus d’exclusion sociale ; puis, un argument d’efficacité économique puisque le poids des cotisations sociales pourrait accroître le coût du travail et porter atteinte, par conséquent, à la compétitivité ; le blocage des réformes par les partenaires sociaux serait une troisième raison pour justifier un changement de paradigme ; enfin, la nécessité d’adapter les protections aux nouvelles formes de risque, et le redéploiement des dépenses qui s’avère en conséquence nécessaire, plaident aussi pour un tel changement de régime. Mais il est encore peut-être prématuré d’affirmer un changement de paradigme et ce d’autant plus que certaines dimensions des évolutions, comme par exemple en France la décentralisation des politiques d’assistance [12], sont ignorées ici alors qu’elles auront probablement des effets considérables sur les modes de régulation émergents. On perçoit toutefois bien là une « dynamique de la critique » susceptible de modifier non seulement « l’esprit » de la protection sociale, mais aussi son mode de régulation [13] dans la très grande majorité des pays de tradition bismarckienne.
L’Europe : quel levier juridique pour les réformes ?
17L’une des raisons de cette très large diffusion tient certainement au rôle de l’Union européenne dans la constitution d’une « Europe sociale ». C’est du moins ce que nous rappelle Olivier De Schutter, qui montre comment s’est constituée juridiquement, étape par étape, la dimension sociale de la construction européenne, très fortement ancrée dans une logique d’intégration économique et d’accompagnement du marché. Quatre phases peuvent ainsi être distinguées, non sans une certaine continuité, et sans parvenir à rééquilibrer véritablement la balance entre l’économique et le social : on serait ainsi passé de l’absence de prise en compte de la dimension sociale du Marché commun à un progrès important visant l’harmonisation sociale (pour la période 1970-1980), avec un net ralentissement du processus à la fin des années quatre-vingt-dix. Ainsi la stratégie de Lisbonne peut être interprétée comme une tentative de définir l’équilibre entre l’économique et le social à partir de « l’impératif » de compétitivité de l’économie européenne, dont le risque est pourtant d’accroître le déséquilibre en faveur du premier. C’est en particulier ce risque que porte le recentrage de cette stratégie à mi-parcours autour de lignes directrices visant la croissance et l’emploi, et le développement de politiques d’incitation (les juristes parlent de Soft Law) à travers les « méthodes ouvertes de coordination » si elles se substituent plutôt qu’elles ne complètent des politiques plus volontaristes. Au total, l’attention croissante de la construction européenne à sa dimension sociale est certes indéniable (ne serait-ce que du point de vue du nombre de textes adoptés), mais ses résultats peuvent laisser plus sceptique. Aussi, si l’un des rôles de l’Union européenne est d’assurer une coordination des politiques économiques des États membres, il est aussi de servir de caisse de résonance à certains arguments en faveur de réformes de la protection et œuvre, par ce biais, à la diffusion de « modèles » dominants. On comprend de ce fait que la stratégie de Lisbonne et le processus de Luxembourg participent à la légitimation des réformes du marché du travail et des systèmes de protection sociale, parfois très impopulaires, auprès des pays de tradition bismarckienne.
En dépit de cette dynamique commune portée par l’Union européenne, des évolutions différentes peuvent être observées au cours des années quatre-vingt-dix. Elles concernent, en premier lieu, les inégalités et la redistribution réalisée directement et indirectement par le biais des politiques sociales. Ces évolutions permettent de relativiser l’hypothèse d’un repli de l’intervention des États en matière de redistribution et de lutte contre les inégalités, mais elles montrent aussi l’hétérogénéité des situations et des évolutions auxquelles les pays d’Europe continentale et du Sud sont confrontées. Ainsi, Peter Whiteford mesure l’effet « redistributif » du système de protection sociale par la différence entre les inégalités de revenu disponible et celles dérivées du marché, et montre que cette différence n’a pas varié ou s’est faiblement accrue dans la plupart des pays (sauf en Allemagne). Pourtant, dans le même temps, les inégalités résultant du marché se sont accrues dans certains pays, comme la Belgique, l’Allemagne, la Grèce et l’Italie, alors qu’elles ont diminué dans les autres pays sauf aux Pays-Bas et en Espagne où elles sont demeurées constantes.
Des évolutions spécifiques mais variées dans les pays du Sud
18La spécificité des pays du Sud en matière de protection sociale avait fait l’objet des rencontres de Florence, organisées par la MiRe en 1997 [14]. Loin de toujours illustrer un modèle radicalement différent de celui des pays d’Europe continentale, les spécificités qui étaient alors décrites pouvaient s’interpréter comme une simple « variante » du groupe continental, pour reprendre les termes de Maurizio Ferrera dans l’introduction générale du volume [15]. L’éclairage à nouveau porté ici à cet ensemble géographique a pour but d’examiner la persistance de ces spécificités et leur évolution au gré des réformes engagées au cours des années quatre-vingt-dix. Plusieurs contributions abordent cette question.
19Elles mettent, tout d’abord, en avant les spécificités des situations économiques, sociales et démographiques que Peter Whiteford illustre en rappelant que les pays du Sud sont caractérisés non seulement, comme nous l’avons déjà rappelé, par les niveaux d’emploi les plus faibles, spécialement pour les femmes, un vieillissement accéléré de la population, mais aussi par les niveaux de dépenses sociales les plus faibles, et, ce qui est moins connu, par des transferts moins progressifs que dans les autres pays. Inversement, les taux de pauvreté sont plus importants dans ces pays, surtout parmi les retraités et les enfants. Un pays fait toutefois exception à cet ensemble : le Portugal, qui se distingue surtout par des taux d’emploi particulièrement élevés, parmi les travailleurs âgés et les femmes, et une érosion plus limitée des taux de fécondité.
20Les spécificités en matière de configuration institutionnelle et politique sont, quant à elles, analysées par Luis Moreno et Chiara Saraceno. Tous deux rappellent que les pays du Sud doivent composer avec un système institutionnel « fragmenté », largement hérité de leur passé autoritaire dans lequel les provinces locales disposaient de peu de moyens financiers et d’une capacité administrative restreinte pour mettre en place une politique de sécurité sociale. La protection sociale reste, de ce fait, très largement réservée à une minorité d’individus qui bénéficie d’une large couverture associée à leur statut au regard de l’emploi. Il en résulte un fort clivage entre une population privilégiée d’insiders qui bénéficient d’une protection sociale assez large et qui s’organisent pour garder ses privilèges, et les outsiders qui n’ont pas accès à cette protection et ne peuvent faire pression de façon suffisante pour obtenir l’extension des droits. Ce clivage serait alors, selon Moreno, facteur de résistances au changement et de permanences de certains traits de plus en plus inadaptés aux évolutions des modes de vie, et plus largement aux évolutions sociétales.
Face à ces permanences, Chiara Saraceno livre une analyse très fine des évolutions institutionnelles intervenues à travers la mise en place de politiques de lutte contre la pauvreté et d’accès aux services sociaux dans les quatre pays du Sud. L’un des intérêts de sa contribution est de montrer la très grande difficulté à mettre en œuvre une réforme, en raison du « sous-développement » administratif, de son caractère fragmenté et des résistances politiques auxquelles ces réformes sont parfois confrontées. Parfois les enjeux politiques l’ont emporté sur les intérêts économiques. Mais surtout, elle met en lumière la diversité du chemin suivi par les réformes dans les quatre pays du Sud au cours des années quatre-vingt-dix. Les différences identifiées portent sur les modalités de mise en œuvre de la décentralisation, la délivrance ou non de prestations universelles, et le recours plus ou moins développé au marché pour délivrer des services sociaux. Sa contribution conduit alors à considérer avec circonspection toute analyse qui, en mettant trop l’accent sur l’existence de « dépendances de chemin », aurait pour effet de gommer artificiellement les différences d’évolutions inscrites dans des orientations de réforme variées.
L’égalité entre les sexes : un enjeu persistant pour les réformes futures
21Un autre axe qui a été choisi pour aborder les réformes en cours et leurs perspectives futures est la façon dont l’égalité entre sexes en matière d’emploi et de répartition des tâches de soin (care) est promue ou par les évolutions récentes. Cette question apparaît d’autant plus importante ici que l’égalité entre les sexes n’apparaissait pas, jusque très récemment, comme un objectif central des politiques sociales dans ces pays, alors qu’elle est, par exemple, l’un des vecteurs principaux des politiques sociales des pays scandinaves. De plus, la notion d’égalité reçoit des acceptions variables selon les pays, pour articuler cette notion à d’autres principes. L’objectif d’égalité qui en résulte est alors plus ou moins ambitieux : limité à une égalité des chances et de traitement dans les pays à tradition libérale, c’est plus une « égalité de situation » qui est activement visée dans les pays scandinaves, alors que les pays continentaux formuleraient davantage un objectif d’« égalité dans la différence » pour préserver la complémentarité des rôles de sexe ; l’égale capacité « à faire ce choix [16] » est alors visée. C’est du moins ce que nous rappelle la contribution de Jane Lewis qui éclaire aussi les raisons pour lesquelles les politiques d’égalité instiguées au niveau de l’Union européenne n’ont pas réussi à créer des leviers suffisants pour parvenir à une « réelle » égalité. L’auteure détaille alors très finement les limites de l’approche européenne par le Gender Mainstreaming, d’une part, et des lois se limitant à lutter contre les discriminations, d’autre part.
22Les trois contributions de Jane Lewis, Janet C. Gornick et Marcia K. Meyers, et María José González convergent autour de l’idée que l’égalité réelle entre les sexes n’a de chances de devenir effective que si se développe un modèle où les deux parents participent à l’emploi et partagent les activités de soin. Les auteures s’accordent aussi sur les moyens pour y parvenir : l’octroi d’un congé parental court (pour en éviter les effets pervers) et bien rémunéré (pour inciter les deux conjoints à le partager) ; le développement de structures d’accueil des jeunes enfants ; l’aménagement des temps de travail, et enfin la création d’incitations envers les pères pour qu’ils octroient plus de temps aux activités de « care » [17]. Janet C. Gornick et Marcia K. Meyers proposent une comparaison internationale des régimes d’emploi et de « care » dont l’intérêt est de présenter en parallèle les variations de politiques « familiales » et les différences de situations entre pays concernant diverses dimensions de la vie des familles. Leur analyse s’inscrit au sein d’une littérature qui examine comment les différentes configurations d’État social prennent en compte les problèmes liés à la conciliation emploi-famille et permettent par ce biais aux ménages d’adopter une organisation moins campée sur le schéma traditionnel d’une division stricte des rôles. L’intérêt spécifique de la contribution proposée ici réside dans l’introduction d’une dimension jusque-là ignorée par cette littérature : la « performance » des enfants en matière de développement cognitif et de réussite scolaire. L’un des résultats les plus frappants que livrent alors les auteures est le constat d’une moindre performance des États-Unis vis-à-vis de tous les indicateurs mesurant le « bien-être » des enfants. Ce résultat apparaît paradoxal puisque le « bien-être » des enfants est, dans ce pays, fixé comme un objectif prioritaire justifiant une intervention sociale des États. Clairement, les pays du bloc continental montrent des situations campées dans la moyenne : plutôt « performants » du point de vue du bien-être des enfants, notamment, semble-t-il, parce que les parents disposent de plus de temps pour s’occuper de leurs enfants ; mais moins performants, par exemple en matière d’égalité des sexes. La perspective de recherche engagée ici est alors particulièrement intéressante et mériterait d’être poursuivie en identifiant plus précisément les effets des politiques et des dispositifs associés sur les différentes dimensions de la vie des familles.
23María José González propose, quant à elle, un éclairage centré sur les pays du Sud, en rappelant tout d’abord les très fortes évolutions connues dans les années récentes en matière d’accès des femmes à l’emploi et dans les modalités du processus de formation de la famille. Ces évolutions se sont diffusées au sein des plus jeunes générations avec une telle rapidité que l’on peut parler de clivage générationnel. L’évolution des comportements démographiques est notamment illustrée par un report de la sortie des jeunes adultes du foyer parental, une entrée en union retardée comme l’est aussi l’arrivée des enfants et, de surcroît, une connexion plus étroite entre la sortie du foyer parental et l’entrée en union. Cette connexion montre alors l’importance des solidarités familiales qui se trouvent mobilisées, semble-t-il de façon croissante, par les plus jeunes générations dans des pays où l’État offre encore assez peu de ressources pouvant se substituer à ces solidarités et aider les jeunes femmes à aménager ces transitions sans les forcer à faire des choix assez radicaux en matière d’activité ou de vie familiale.
L’irréversibilité des décisions qui peuvent être prises est renforcée par le dualisme du marché du travail, très fermé sur une population d’insiders, qui a des effets très importants sur les comportements féminins d’offre de travail et de fécondité. Toute interruption d’activité au moment de la formation de la famille devient ainsi particulièrement risquée pour les femmes, qui n’ont alors guère la possibilité d’aménager des entrées et sorties de l’emploi [18]. Cela, ajouté au fait que les politiques de conciliation emploi-famille demeurent encore peu développées, génère alors une forte polarisation des comportements d’offre de travail, l’arrivée d’enfant(s) se révélant souvent incompatible avec l’occupation d’un emploi [19]. María José González réitère ce constat mais apporte un nouvel élément par l’examen des effets de la situation familiale et des relations de genre sur la mobilité professionnelle des femmes. L’un de ses résultats les plus significatifs est que les variables d’égalité entre les conjoints (notamment la participation du père à la prise en charge des enfants et le degré d’homogamie dans les niveaux d’éducation des conjoints) affectent surtout le fait de quitter l’emploi (et non le fait de connaître une mobilité ascendante ou descendante). Les solidarités familiales jouent aussi un grand rôle dans la capacité à poursuivre une carrière puisque le fait de vivre dans une famille « élargie » réduit la probabilité de quitter l’emploi et, en Espagne, réduit même le risque de connaître une mobilité professionnelle descendante. Enfin, le développement de l’emploi des femmes beaucoup plus important au Portugal est à nouveau pointé, expliqué à la fois par la nécessité d’avoir deux actifs pour compenser la faiblesse des niveaux de vie, et par le développement plus important en moyenne des structures d’accueil des enfants.
Les retraites dans les pays du sud de l’Europe : un exemple de réformes structurelles ?
24Enfin, les réformes réalisées en matière de retraite sont le dernier volet considéré dans ce dossier au vu de l’importance que ce domaine revêt dans les pays du Sud. Trois contributions y sont consacrées : celle d’Angelo Marano pour l’Italie, de Carlos Manuel Pereira da Silva pour le Portugal, et celle de Laurent Caussat qui aborde de façon plus large les enjeux de ces réformes dans trois pays du Sud (Espagne, Italie, Portugal) [20]. Ces pays sont en effet confrontés à un double enjeu. D’une part, des perspectives démographiques relativement convergentes : croissance importante de la part des personnes âgées dans l’ensemble de la population, faible niveau de fécondité. Des caractéristiques des marchés du travail, d’autre part, assez similaires, sauf au Portugal : participation relativement faible des femmes à l’activité, chômage élevé parmi les jeunes et sous-emploi des seniors. Si ces tendances agissent évidemment sur les conditions de l’équilibre futur des systèmes des retraites, les trois pays ont pourtant opté pour des stratégies différentes. L’Italie a mis en œuvre une réforme structurelle de ses régimes de pensions pour faire face au besoin de financement attendu, avec une diminution de la générosité des pensions publiques et un développement des fonds de pension privés. En revanche, l’Espagne et le Portugal, dont les difficultés de financement seront probablement plus progressives, ont opté pour des ajustements graduels des paramètres de leurs régimes publics sans toucher jusqu’à présent l’architecture d’ensemble. Une attention particulière est en outre apportée au Portugal aux effets des réformes sur les niveaux de vie des retraités les plus modestes (en raison, notamment d’un taux de pauvreté particulièrement élevé au sein de cette catégorie de population). Néanmoins, beaucoup d’incertitudes demeurent dans ces trois pays sur l’avenir des réformes engagées sur la distribution des bénéfices et des pertes qui en résulteront pour les populations. Les trois auteurs posent toutefois d’importants jalons pour en considérer les enjeux.
L’ensemble de ces contributions illustre ainsi le contexte très incertain auquel sont confrontés les pays d’Europe continentale et du Sud sur toutes les dimensions démographiques, économiques, sociales et politiques au cœur de la protection sociale. Si cette incertitude fait, sans aucun doute, peser certains risques sur les acquis de la protection sociale, elle n’est pas moins source d’innovations, qu’illustre la diversité des réformes accomplies jusqu’ici. Les contributions qui suivent témoignent de cette diversité.
Notes
-
[*]
Chargé de mission à la Mission Recherche (MiRe) de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.
-
[1]
Colloque organisé en décembre 2003, accompagné d’un numéro spécial de la Revue française des Affaires sociales, n° 4 -2003, octobre-décembre.
-
[2]
Les réformes des systèmes de santé en Europe feront l’objet d’un prochain numéro.
-
[3]
Bien que les hommes puissent théoriquement recourir à ces prestations, ils n’y sont effectivement guère incités puisque ces prestations sont, la plupart du temps, versées pour un montant forfaitaire. Il est alors plus avantageux pour le ménage que ce soit la femme qui ait recours à ces prestations puisque le salaire auquel elle renoncera sera généralement moindre que celui de son conjoint.
-
[4]
Voir sur ce thème : Gazier B., (2005), Vers un nouveau modèle social, « Champs », Flammarion.
-
[5]
Algava E., Plane M., (2004), « Vieillissement et protection sociale en Europe et aux États-Unis », Études et Résultats, n° 355, novembre, Drees.
-
[6]
Ferrera M. (ed.), (2005), Welfare State Reform in Southern Europe – Fighting Poverty and Social Exclusion in Italy, Spain, Portugal and Greece, Routledge/EUI Studies in the Political Economy of Welfare.
-
[7]
Avec 1,3 enfant par femme, l’Italie et l’Espagne ont actuellement les taux de fécondité les plus faibles de l’Europe des Quinze. Avec 1,4 enfant par femme en 2005, le Portugal se situe également en dessous de la moyenne européenne (1,6 enfant par femme pour l’Europe à 25) ; voir Cohu S., Lelièvre M., Lequet-Slama D., Thévenon O. (2005), « Les politiques en faveur de la famille : de nouveaux enjeux pour les pays d’Europe du Sud », Études et Résultats, n° 449, décembre, Drees.
-
[8]
Voir Algava et Plane, 2005, op. cit.
-
[9]
À l’heure actuelle, les dépenses de protection sociale représentent, tous postes confondus, en moyenne une part du PIB plus faible qu’ailleurs en Europe (20 % en Espagne, 25-26 % en Italie et au Portugal, contre 28 % en moyenne dans l’Union européenne des quinze). Le poste « vieillesse-survie » y absorbe déjà la plus grande part des dépenses, avec une part supérieure à celle observée en moyenne dans l’Union européenne (51 % du total des dépenses sociales en moyenne dans ces trois pays en 2002 contre 43,9 % en moyenne dans l’Union européenne). Les dépenses destinées aux familles apparaissent, en revanche, particulièrement peu élevées (2,5 % et 3,8 % du total des dépenses de protection sociale en 2002 respectivement en Espagne et en Italie, contre 4,3 % au Portugal et 7,7 % pour la moyenne de l’Union européenne à 15).
-
[10]
Voir sur cet aspect notamment : Blossfeld H.-P., Klijzing E., Mills M., Kurz K. (ed.), (2005), Globalization, uncertainty and youth in society, London, Routledge.
-
[11]
En France, l’évolution du financement est surtout marquée, depuis les années quatre-vingt, par une hausse de la part des impôts et taxes (de 2 % en 1981 à 19 % en 2003), et l’allégement des autres contributions publiques et des cotisations sociales employeurs et salariées. La montée en charge de la CSG occupe alors une place prépondérante dans cette évolution avec, notamment, un changement d’échelle décisif avec, en 1998, sa substitution presque intégrale aux cotisations d’assurance maladie à la charge des salariés (Caussat L., Hennion M., Horusitzky P., Loisy Ch., (2005), « Les transformations du financement de la protection sociale et leurs incidences économiques », Dossiers Solidarité et Santé, juillet-septembre, p. 23-47).
-
[12]
Cf. Revue française des Affaires sociales n° 4, octobre-décembre 2004, « Acteurs locaux et décentralisation ».
-
[13]
De ce point de vue, la contribution Palier peut se lire dans la continuité de l’analyse de l’évolution de « l’esprit » du capitalisme proposée par Boltanski et Chiapello (2000), Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, coll. « Nrf essai ». L’évolution des institutions et des modes de régulations apparaît indissociable de celle des idées et de la mise en forme des critiques qui en sont dérivées (voir Palier B., Surel Y., (2005), « Les “trois i” et l’analyse de l’État en action », Revue française de sciences politiques, 55 (1), Paris, p. 7-32 ; ou Thévenon O., (2006), « Esquisse d’une analyse des régulations à laquelle pourrait contribuer l’économie des conventions », in Eymard-Duvernay F., Favereau O. (ed.), Valeurs, coordination et rationalité. L’économie des conventions quinze ans après, La Découverte, coll. « Essais et Recherches »).
-
[14]
Comparer les systèmes de protection sociale en Europe du Sud, Rencontres de Florence, Drees, MiRe.
-
[15]
Ferrera M., (1997), « Introduction générale », in Comparer les systèmes de protection sociale en Europe du Sud, Rencontres de Florence, MiRe.
-
[16]
Voir aussi sur ce point : O’Connor J., (1999), “Employment Equality Strategies in Liberal Welfare States”, in Sainsbury D. (ed.), Gender and Welfare State Regimes, Oxford, Oxford University Press, p. 47-75 ; Ostner I., Lewis J., (1995), “Gender and the Evolution of European Social Policies”, in Leibfried S., Pierson P., European Social Policy, between integration and fragmentation, p. 159-194 ; ou encore, Daly M., Rake K., (2003), Gender and the Welfare State, Polity Press.
-
[17]
Notons que ces conclusions sont aussi celles de l’OCDE au terme de l’examen des politiques de conciliation entre travail et vie familiale réalisé à travers les rapports Bébés et employeurs : comment concilier travail et vie de famille, vol. 1 à 4, Paris.
-
[18]
Trifiletti R., (1999), « Southern European Welfare Regimes and the Worsening Position of Women », Journal of European Social Policy, vol. 9 (1), p. 49-64.En ligne
-
[19]
Voir sur ce point : Thévenon O., (2004), « Les enjeux pour l’emploi féminin de la Stratégie européenne pour l’emploi », Revue de l’OFCE, n° 90, juillet 2004, p. 379-417.
-
[20]
Voir aussi pour une comparaison plus détaillée des évolutions récentes dans ces trois pays : Caussat L., Lelièvre M., (2005), « Les réformes des systèmes de retraite dans les pays d’Europe du Sud », Études et Résultats, n° 450, Drees.