Introduction
1Cet article [1] analyse les principes et les conséquences des quatre réformes du système de retraite adoptées en Italie ces quinze dernières années, plus précisément en 1992, 1995, 1997 et 2004.
2L’Italie se démarque des autres pays de l’Union européenne par l’actualité du problème du vieillissement de la population et par l’ampleur de ses dépenses publiques de retraite. Le déficit public et la dette étant élevés, la question de la soutenabilité financière des régimes de retraite a été placée au cœur du débat politique et a joué un rôle déterminant dans la nature des réformes engagées. En réalité, les trois réformes adoptées au cours de la dernière décennie ont remarquablement bien traité la question financière, à court et long terme, le système notionnel à « cotisations définies » introduit en 1995 devant garantir l’équilibre financier de la sécurité sociale à long terme, quelles que soient les tendances macroéconomiques et démographiques.
3Les réformes engagées dans les années quatre-vingt-dix ont également relevé de manière substantielle l’âge légal de la retraite, même si elles ont parfois été jugées trop timides à cet égard. La volonté de stabiliser les dépenses de retraite à leur niveau actuel jusqu’à environ 2015 et de limiter leur progression au cours de la période 2015-2035 a laissé peu de marge de manœuvre aux responsables politiques. De plus, la montée en puissance des régimes privés, considérés comme un élément essentiel du nouveau système, a été extrêmement lente. Tout cela a motivé la réforme de 2004 qui a sacrifié à ces objectifs un des aspects les plus intéressants de la réforme de 1995, à savoir, la flexibilité du système.
4Ces quatre réformes ont prévu des périodes de transition longues et un ensemble complexe de règles différentes pour le calcul des pensions et la mise à la retraite. De plus, la question de l’adéquation des futures pensions de retraite et le transfert progressif des risques démographique, économique et financier aux travailleurs, prévu par le nouveau système, suscitent de plus en plus d’interrogations. Globalement, les réformes adoptées ont un coût – inefficacité potentielle, inégalité intergénérationnelle et problème d’adéquation des futures pensions – qui mérite qu’on s’y attarde dans l’avenir.
Nous décrivons tout d’abord le système de retraite italien, avant de présenter les grandes lignes des quatre réformes adoptées. Nous analysons ensuite les effets de la réforme de 2004 en nous attachant d’abord aux mesures destinées à inciter les assurés à différer leur départ en retraite, puis aux conséquences sur le marché du travail du relèvement de trois ans de l’âge minimal de départ à la retraite, qui doit intervenir en 2008, en une seule étape. La quatrième partie s’inscrit dans une perspective à plus long terme et porte, d’une part, sur les questions traditionnelles que sont la soutenabilité financière du système et l’adéquation des pensions et, d’autre part, sur un problème plus rarement abordé : celui de la répartition des risques au sein du nouveau système de retraite hybride – mi-public, mi-privé – envisagé.
Le système de retraite italien
Sécurité sociale, aide sociale et pensions complémentaires
5Le système italien de retraite de sécurité sociale repose sur un régime public obligatoire, financé par répartition, qui couvre tous les travailleurs. Il est complété, d’un côté, par des régimes d’aide sociale, de l’autre, par des régimes complémentaires privés.
6Actuellement, la formule utilisée pour calculer les pensions du régime public de sécurité sociale repose, conformément au modèle traditionnel d’un mécanisme à « prestations définies » (Defined Benefit – DB), sur une formule basée sur les revenus d’activité :
7pension = (2 %) x (salaire de référence) x (années de cotisation)
8étant entendu que la durée de cotisation n’est prise en compte qu’à concurrence de quarante années. Les femmes peuvent demander la liquidation de leur « pension de vieillesse » à 60 ans et les hommes à 65 ans, à condition d’avoir cotisé pendant vingt ans au moins. Il est également possible d’obtenir une « pension d’ancienneté » à partir de 39 années de cotisation (40 à compter de 2008) sans condition d’âge, ou à partir de 35 années de cotisa tion à condition d’avoir 57 ans (60 à compter de 2008) [2]. À compter de 2015 environ, le système à prestations définies sera progressivement remplacé par un système « notionnel à cotisations définies » (NDC) : les droits seront calculés en fonction des cotisations versées durant toute la vie active, capitalisées selon la croissance du PIB et multipliées par un coefficient dépendant de l’âge à la liquidation et reflétant l’espérance de vie à la retraite (cf. encadré). Les taux de cotisation de retraite s’établissent à 32,7 % pour les salariés, 17,5 % pour les non-salariés et les travailleurs titulaires de « contrats atypiques ». Ce taux va progressivement augmenter jusqu’à 19 %.
Encadré : Quelques éléments sur les systèmes à prestations définies et à cotisations définies
– À l’inverse, dans un système à « cotisations définies » (DC), le montant des droits dépend des cotisations versées, capitalisées selon un certain taux ; la durée de cotisation n’influe pas (en dehors du fait que les cotisations les plus anciennes sont capitalisées pendant plus longtemps). Les régimes à cotisations définies fonctionnent généralement par capitalisation ; la capitalisation se fait selon le rendement des actifs détenus, net des frais.
– Ces douze dernières années, des systèmes publics à cotisations définies ont été introduits en Italie, en Suède, en Pologne et en Lettonie. Dans ces pays, la formule de calcul est celle d’un système à cotisations définies, mais les régimes restent financés par répartition. Toutefois, car ils n’ont pas suffisament d’actifs et par conséquent de rendements financiers, les systèmes notionnels à cotisations définies (NDC) assurent leur équilibre financier en modifiant le taux de rendement des cotisations, qu’ils indexent sur le taux de croissance des recettes de cotisations de retraite.
9Des compléments de retraite soumis à condition de ressources peuvent venir s’ajouter à la retraite pour garantir une pension minimum, qui, en 2006, est d’environ 450 euros (entre 60 et 64 ans) et 510 euros (de 65 à 69 ans) par mois. Par ailleurs, des pensions non contributives (d’aide sociale) peuvent être servies aux personnes de 65 ans au moins qui n’ouvrent pas droit à une retraite de sécurité sociale. Elles leur garantissent un revenu d’à peine 400 euros par mois. Au-delà de 70 ans, tous les minima passent à 551 euros par mois.
10Le pilier complémentaire est facultatif, entièrement financé par capitalisation et est à cotisations définies. Il s’articule autour de trois types de fonds de pension : des fonds fermés, reposant sur des accords collectifs ; des fonds ouverts et des polices d’assurance retraite, généralement souscrits individuellement. Toutefois, bien que les gouvernements qui se sont succédé au cours de la décennie écoulée aient érigé l’adhésion à des fonds de pension privés au rang de priorité, le pilier privé reste peu développé : il y a peu de pensions en paiement et seulement 12 % de la population active adhèrent à un fonds privé.
Dépenses de retraite et de protection sociale
11L’Italie arrive en tête des États membres de l’Union européenne en termes de dépenses de retraite, alors que ses dépenses totales de protection sociale sont inférieures à celles des autres membres. En 2002, les dépenses de retraite (presque entièrement publiques) représentaient 15 % du PIB, soit la part la plus élevée de l’Europe des Quinze, supérieure de 2,5 points à la moyenne (cf. tableau 1). Or, les dépenses de protection sociale (publiques et privées) sont inférieures de 1,6 point à la moyenne, d’environ 4 points aux dépenses de la France et de l’Allemagne et sont légèrement inférieures à celles du Royaume-Uni [3]. Cet écart se creuse encore si l’on se base sur les nouvelles estimations de dépenses sociales nettes, faites par l’OCDE pour 2001, d’après lesquelles les dépenses sociales de l’Italie sont même inférieures à celles des États-Unis, y compris lorsque l’on ne tient pas compte des incitations fiscales destinées à favoriser l’adhésion à des fonds de pension privés (Adema et Ladaique, 2005).
Dépenses de protection sociale et dépenses de retraite, Italie et UE 15

Dépenses de protection sociale et dépenses de retraite, Italie et UE 15
12L’ampleur des dépenses de retraite s’explique en partie par le fait que dans le passé, les retraites étaient utilisées pour lutter contre la pauvreté (via des règles très souples et des formules de calcul généreuses), dans un contexte où la conjoncture économique était favorable, la population jeune et le niveau d’emploi élevé. Mais depuis le début des années soixante-dix, le système de retraite a également été utilisé comme un instrument de politique de l’emploi, du fait que les prestations de chômage étaient – et restent – peu développées.
Situation économique des personnes âgées
13Le niveau de pauvreté (relative) de l’Italie est supérieur à la moyenne de l’Europe des Quinze. Le taux de pauvreté de la population âgée est toutefois plus faible que celui du reste de la population et est inférieur à la moyenne de l’Europe des Quinze. D’après Eurostat, en 2004, le « taux de risque de pauvreté » (calculé en fixant le seuil de risque à 60 % du revenu équivalent médian) était de 19 % de l’ensemble de la population et de 17 % de la population âgée de 65 ans ou plus, contre une moyenne de respectivement 17 % et 19 % pour l’Europe des Quinze. Cela semble montrer qu’en Italie (tout comme en France, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Suède et au Luxembourg) les systèmes de sécurité sociale et d’aide sociale constituent actuellement un « filet de sécurité » qui permet d’éviter l’augmentation sensible de la pauvreté parmi les personnes âgées que l’on observe dans les autres pays de l’Europe des Quinze.
14L’Italie ne doit pas seulement ce résultat au système à prestations définies actuellement en vigueur – qui garantit des taux de remplacement élevés aux salariés de l’économie traditionnelle et du secteur public qui justifiaient d’une ancienneté importante – mais aussi à son système d’aide sociale. En effet, l’ampleur de l’économie informelle, le niveau élevé du chômage, la faiblesse des taux d’activité (en particulier parmi les femmes et dans le sud du pays), l’utilisation massive qui, dans le passé, a été faite des préretraites pour éviter les licenciements et l’obligation de justifier d’au moins vingt ans d’ancienneté pour percevoir une pension de sécurité sociale, obligent une forte proportion de la population à se tourner vers les dispositifs d’aide sociale, à savoir les compléments non contributifs versés en sus de la pension de sécurité sociale ou des minima sociaux. Ainsi, en 2003, sur 22,8 millions de pensions en paiement, 5,5 millions étaient soit des pensions d’aide sociale, soit des pensions de sécurité sociale donnant lieu au versement de compléments ; ce dernier composant représentait 20 % du total des pensions [4].
Le défi démographique
15Tous les États membres de l’Union européenne vont devoir relever un défi démographique au cours des décennies à venir, mais le problème se pose avec encore plus d’acuité en Italie. Le vieillissement de la population résulte à la fois de celui des générations du baby-boom, de l’augmentation de l’espérance de vie et de la chute du taux de fécondité. Or, en Italie, comme le montre le tableau 2, l’espérance de vie est nettement supérieure à la moyenne européenne, tandis que le taux de fécondité est nettement inférieur. De ce fait, le ratio de dépendance démographique (qui rapporte la population de 65 ans ou plus à celle âgée de 15 à 64 ans) est déjà de 28,9 % (3,4 points de plus que la moyenne de l’Europe des Quinze) et devrait plus que doubler à l’horizon 2050, où il dépassera 60 % malgré un solde migratoire évalué à 150 000 par an ; dans le même temps, le ratio de dépendance économique (dont le dénominateur ne tient compte que de la population de 15 à 64 ans occupée), devrait passer de 48,7 % à 92,7 % (22,9 points de plus que la moyenne de l’Europe des Quinze), bien que, d’après les prévisions, la situation de l’emploi des femmes et des travailleurs âgés devrait être plus favorable en Italie.
Le défi démographique

Le défi démographique
Système de retraite : quatre réformes en quinze ans
16Au cours des quinze dernières années, quatre réformes majeures ont été engagées en Italie : la réforme Amato en 1992, la réforme Dini en 1995, la réforme Prodi en 1997 et la réforme Maroni en 2004. Elles ont introduit plusieurs changements, dont certains sont pleinement entrés en vigueur, tandis que les d’autres seront appliqués progressivement. Ces changements sont récapitulés dans le tableau en annexe 1.
La réforme Amato
17Avant 1992, la formule utilisée pour calculer les pensions reposait sur le principe des prestations définies. Le « salaire de référence ouvrant à pension » était généralement calculé en fonction du salaire moyen des dernières années de travail. L’accès à la retraite était subordonné à une condition d’âge (60 ans pour les hommes, 55 ans pour les femmes pour la pension de vieillesse) ou de durée de cotisations (pension d’ancienneté). Le système était toutefois extrêmement fragmenté, d’importantes disparités existant entre les différentes catégories professionnelles en ce qui concerne les modalités de calcul du salaire de référence et les conditions d’ouverture des droits et les modalités de calcul de l’ancienneté, souvent très souples. Les pensions étaient indexées à la fois sur l’évolution des prix et sur les salaires réels.
18En 1992, la situation préoccupante des finances publiques a motivé une réforme du système de retraite (réforme Amato), qui a porté sur les paramètres. L’âge minimal a été relevé (l’âge requis pour percevoir une pension de vieillesse, notamment, a été porté progressivement à 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes), la durée minimale de cotisation a été allongée, l’accès à la pension d’ancienneté a été temporairement bloqué et les conditions – jusqu’alors libérales – d’ouverture des droits (en particulier pour les salariés du secteur public) ont été durcies. En outre, le « salaire de référence » a été redéfini : la période sur la base de laquelle il est calculé a été allongée, pour atteindre progressivement la totalité de la vie active. Enfin, les pensions ont cessé d’être revalorisées en fonction des salaires réels et même l’indexation sur l’évolution des prix est devenue partielle au-delà d’un plafond de revenu égal à trois fois la pension minimum.
La réforme Dini
19La réforme Dini de 1995 portait sur la structure même du système de retraite. Elle a abouti à un système qui, tout en restant financé par répartition, est passé des prestations définies (DB) aux cotisations définies (DC). Plus précisément une formule NDC, identique (et neutre) pour toutes les catégories professionnelles, a été introduite. On prévoit qu’elle aura pour effet de réduire de manière significative le montant unitaire des pensions (voir plus loin). Les droits sont désormais calculés en fonction des cotisations versées pendant la vie active, capitalisées au taux de croissance du PIB (moyenne mobile des cinq dernières années) et d’un coefficient dépendant de l’âge à la liquidation, calculé actuariellement selon l’espérance de vie moyenne à la retraite (deux sexes confondus) et actualisé tous les dix ans [5]. La réforme a donné en outre aux travailleurs, hommes et femmes, la possibilité de partir en retraite à l’âge de leur choix, entre 57 et 65 ans, à la seule condition, pour un départ avant 65 ans, d’ouvrir droit à une pension au moins égale à 1,2 fois le montant minimum de la pension d’aide sociale.
Ce mécanisme NDC n’est toutefois pas applicable aux travailleurs qui prennent leur retraite aujourd’hui. Ceux qui totalisaient au moins 18 années de cotisation fin 1995 (en d’autres termes, qui devaient partir en retraite avant 2015 environ), ont continué à relever du régime DB, leur pension devant être calculée selon la formule modifiée en 1992. En revanche, deux catégories de travailleurs ont été concernées par le changement :
- ceux qui, en 1995, tout en ne totalisant pas 18 années de cotisations justifiaient d’une certaine ancienneté, dont la pension sera calculée en utilisant un mélange des deux formules DB et NDC (la formule NDC étant proratisée, à savoir appliquée aux périodes accomplies après 1996 seulement) ;
- et ceux qui sont entrés sur le marché du travail à partir de 1996 et dont la pension sera intégralement calculée selon le nouveau système.
Répartition du stock de pensions selon la formule de calcul utilisée

Répartition du stock de pensions selon la formule de calcul utilisée
La réforme Prodi
21Outre ce volet structurel, qui devait produire des effets à moyen et long terme, la réforme Dini comportait des mesures à plus court terme, venant renforcer celles adoptées en 1992. La réforme Prodi, intervenue en 1997, s’est inscrite dans la même logique. Ainsi, elle harmonisait également les règles entre les différentes catégories professionnelles et resserrait encore les conditions d’accès à la « pension d’ancienneté » ; la durée de cotisation requise a été progressivement allongée : depuis 2006, il faut totaliser 39 années de cotisation (40 années à compter de 2008) pour en bénéficier sans condition d’âge ou 35 années et avoir au moins 57 ans (pour les salariés) ou 58 ans (pour les non-salariés).
Au cours de la période qui a suivi, et jusqu’à la réforme Maroni, adoptée en 2004, trois lignes d’action ont été suivies :
- les pensions minimum ont été revalorisées ;
- des incitations à la poursuite d’activité au-delà de l’âge de la retraite ont été introduites, mais sans grand succès (voir infra) ;
- les règles de cumul emploi-retraite ont été progressivement assouplies : les assurés relevant du système à DB et du système mixte (DB + NDC) peuvent désormais cumuler leur pension et un revenu d’activité s’ils prennent leur retraite à plus de 58 ans et totalisent au moins 37 années de cotisation [6]. Cette règle interfère avec la précédente : d’un côté, elle constitue une incitation supplémentaire à la poursuite d’activité au-delà de l’âge minimal, mais de l’autre, risque de l’emporter sur toute autre mesure visant à encourager les travailleurs à différer la liquidation de la pension d’ancienneté au-delà de ces seuils.
La promotion des régimes de retraite privés
22Dès le début du processus de réforme, les pouvoirs publics italiens ont notamment eu pour objectif de stimuler le développement des régimes de retraite privés. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, l’idée selon laquelle une réduction de la part des pensions publiques est inévitable et doit être compensée par un système associant des régimes publics et privés, et un financement en répartition et en capitalisation fait une certaine unanimité en Italie [7]. La progressivité de la mise en œuvre des réformes du premier pilier était motivée par des considérations sociales et politiques, mais avait aussi vocation à faire une distinction entre les travailleurs déjà âgés qui n’avaient pas le temps de constituer des droits dans des régimes par capitalisation, et les jeunes, qui eux, avaient cette possibilité.
23La première intervention réglementaire portant sur les régimes privés remonte donc à 1993, date à laquelle deux nouveaux types de fonds de pension à cotisations définies (DC) furent créés aux côtés de ceux qui existaient déjà (mais ne jouaient qu’un rôle marginal). Le premier reposait sur des contrats collectifs (fonds contractuels ou fermés) et visait essentiellement les salariés ; le second (fonds ouverts) s’adressait en priorité aux non-salariés. Ces mesures et celles adoptées par la suite ont débouché sur la mise en place d’un cadre réglementaire qui a permis à ces nouveaux fonds de commencer à fonctionner en 1997. Les cotisations versées aux fonds de pension sont assorties d’un avantage fiscal. Le régime fiscal est un régime ETT [8] hybride, dans lequel, pour éviter une double imposition, une partie de la pension seulement est imposable. En 2001, les plans individuels gérés par les compagnies d’assurance se sont vus reconnaître le statut de fonds de pension privés (et ont pu bénéficier de l’avantage fiscal).
24Promouvoir les régimes privés était une stratégie apparemment réaliste et séduisante dans le contexte italien en raison de l’existence d’un système d’indemnités de fin de contrat, le Trattamento di Fine Rapporto (TFR). Égal à un mois de salaire par année de travail (6,91 % de la rémunération totale), le TFR est accumulé sous forme de réserves par l’entreprise et reversé au salarié au terme de son contrat (en cas de retraite, de démission ou de licenciement), voire avant s’il doit faire face à des dépenses inhabituelles (par exemple acheter un logement). Le taux d’intérêt que les employeurs appliquent au TFR étant relativement faible (1,5 % par an, majoré de 75 % du taux d’inflation), il est apparu que les salariés pourraient avoir intérêt à investir leur TFR dans un fonds de pension et que les entreprises renonçant à cette source de financement peu onéreuse pourraient, en contrepartie, être indemnisées par le gouvernement. En outre, il semblait qu’elles tireraient finalement avantage d’un plus grand dynamisme du marché financier [9].
Cependant, en 2005, seules 2,6 millions de personnes, soit 12 % des actifs environ, avaient adhéré à un fonds privé. De plus, la majorité d’entre eux étaient des travailleurs d’âge moyen, fortement syndiqués et travaillant dans des secteurs économiques traditionnels ou encore des individus ayant des revenus élevés ; en d’autres termes, ils n’appartenaient pas aux catégories qui avaient le plus besoin du deuxième pilier. En réalité, ceux qui adhèrent à un fonds de pension sont uniquement motivés par l’avantage fiscal, tandis que, parmi ceux qui n’adhèrent pas, les jeunes et les personnes à bas revenus invoquent le manque de moyens, ne veulent pas renoncer à la sécurité que représente le TFR et, globalement, jugent les fonds de pension trop risqués. Ils sont donc plutôt opposés au transfert de leur TFR à un fonds privé, proposé par la réforme de 2004 (voir infra) (Cozzolino et Raitano, 2004) [10].
La réforme Maroni
25En 2001, le gouvernement a proposé une nouvelle réforme des retraites. Elle a été approuvée par le Parlement en 2004 et complétée par des décrets adoptés en 2004 et 2005.
26Par rapport à son projet initial, le gouvernement a dû renoncer à l’allégement des cotisations dues au titre des nouvelles embauches, qui aurait entraîné une trop forte baisse des recettes de cotisations et, à terme, une nouvelle baisse du montant unitaire des prestations. De même, le projet initial, qui rendait obligatoire le transfert aux fonds de pension privés des futurs versements au titre du TFR, a été assoupli et transformé en une clause reposant sur le principe du « qui ne dit mot consent », qui ne s’appliquera qu’aux salariés du secteur privé (pas aux fonctionnaires) et pas avant 2008 [11].
27En outre, contraint de réaliser des économies, le gouvernement est revenu sur son intention de départ, de ne pas modifier les règles d’accès aux pensions. L’âge minimal a donc de nouveau été relevé (aussi bien pour la « pension d’ancienneté » que pour le nouveau système NDC). Il augmentera de plus de trois ans en une seule étape le 1er janvier 2008. Les économies ainsi réalisées atteindront leur maximum – environ 0,8 % du PIB – aux alentours de 2015.
28Une troisième mesure vise même à favoriser le report du départ en retraite, par un renforcement, jusqu’en 2008, des mécanismes destinés à inciter les salariés qui remplissent les conditions requises pour bénéficier de la « pension d’ancienneté », à poursuivre leur activité. Ainsi est maintenue la volonté déjà exprimée en 2001 d’éviter toute mesure restrictive immédiate pour ce type de pensions.
Conséquences à court terme de la réforme de 2004
29Cette partie présente les effets probables des réformes menées en Italie. Nous commençons par analyser deux des mesures de la réforme de 2004, en l’occurrence les mesures destinées à favoriser le report du départ en retraite et le relèvement de l’âge légal de la retraite, avant d’examiner les effets à plus long terme de la réforme. La méthodologie et les sources sur lesquelles reposent ces évaluations sont décrites en annexe 2.
Le « bonus » destiné à favoriser le report du départ en retraite
30Le « bonus », qui renforce l’incitation à la poursuite d’activité au-delà de la date à laquelle les salariés pourraient demander la liquidation de leurs droits, est la première des mesures adoptées en 2004 à entrer en application (et, jusqu’en 2008, la seule susceptible d’avoir un impact sur l’attitude des salariés vis-à-vis de la retraite). Les salariés du secteur privé qui remplissent les conditions requises pour percevoir la pension d’ancienneté mais choisissent de poursuivre leur activité, peuvent, jusqu’à fin 2007, demander à être exonérés des cotisations de retraite ; la somme correspondante (32,7 % du salaire) leur est intégralement reversée et n’est pas imposable. Le bénéfice du bonus entraîne un gel du montant de la pension (en termes réels), tandis qu’un système de certification garantit au salarié que ses droits ne seront pas affectés par un éventuel changement des règles applicables aux retraites [12].
Le gouvernement voyait dans cette mesure un moyen d’influer à la fois sur l’âge de la liquidation et sur les dépenses de retraite : inciter les salariés à poursuivre leur activité permettait de réduire le nombre de demandes de retraite et les dépenses de retraite actuelles, tandis que le gel des pensions évitait toute augmentation des dépenses futures. Tout en ayant conscience que cette mesure impliquait de renoncer à prélever des impôts et des cotisations de retraite sur le bonus, le gouvernement estimait que ces impôts et cotisations n’auraient de toute façon pas été versés, puisqu’en l’absence de bonus, le salarié aurait pris sa retraite. Une grande campagne de publicité a été lancée (y compris à la télévision) pour assurer le succès de cette mesure et, effectivement, mi-juin 2005, plus de 42 000 salariés avaient demandé à en bénéficier. Toutefois, dès le départ, des doutes ont été émis quant à l’efficacité de ce dispositif et, jusqu’à présent, les données disponibles semblent les corroborer. Tout d’abord, en se plaçant dans une perspective ex ante, il ne fait aucun doute que l’incitation est forte, puisque le bonus peut entraîner une augmentation de plus de 50 % du revenu net d’un salarié, selon son salaire et son taux d’imposition (cf. tableau 4).
Incidence du « bonus » sur la rémunération

Incidence du « bonus » sur la rémunération
31Cela ne suffit toutefois pas à conclure à son efficacité. Il faut en effet tenir compte de ce que tous les salariés qui sollicitent le bonus n’auraient peut-être pas demandé la liquidation de leur pension : certains d’entre eux auraient peut-être continué à travailler, même en l’absence de bonus [13]. De ce fait, ses effets financiers ne sont pas univoques : pour évaluer les économies immédiates qu’il permet de réaliser pour les finances publiques, il faut tenir compte de la seule réduction du nombre de demandes de pension imputable aux salariés qui, en l’absence de bonus, n’auraient pas continué à travailler ; en revanche, les recettes de cotisations diminuent parce que certains salariés auraient continué à travailler, même en l’absence de bonus, et parce que le maintien de ces travailleurs âgés dans leur emploi peut avoir un effet d’éviction sur les nouvelles embauches. En effet, en retenant un taux de cotisation de 32,7 % et un taux de liquidation de 65 % du salaire final, la mesure ne peut s’autofinancer que si les salariés qui reportent véritablement (en d’autres termes, en raison du bonus) leur départ en retraite représentent entre 30 et 50 % du total [14]. Ce type de raisonnement a d’ailleurs amené la direction de la prévision du ministère de l’Économie à faire une estimation très prudente des économies que permettrait de réaliser ce dispositif (70 millions d’euros par an pendant la période 2005-2007).
32Par conséquent, pour évaluer l’efficacité du bonus, il faut identifier les salariés qui, même en son absence, reporteraient leur départ en retraite et ceux qui veulent prendre leur retraite dès que possible, et apprécier l’impact du bonus sur ces deux groupes.
33Plusieurs paramètres peuvent avoir une incidence sur le choix des salariés : la désutilité du travail pour l’individu, le facteur d’actualisation du futur, l’augmentation des droits attendue de la poursuite de l’activité et du paiement de cotisations. D’une part, ce dernier facteur dépend des perspectives de salaire de l’intéressé [15] ; d’autre part, il varie selon que le salarié atteint ou non les seuils au-delà desquels le taux d’acquisition de droits à pension devient, dans le système DB actuellement en vigueur, inférieur à 2 % par an du salaire de référence (seuil de durée de cotisation : 40 années ; seuil de revenu : 38 642 euros par an en 2005). En outre, la situation du marché de l’emploi, ainsi que la possibilité de cumuler revenu d’activité et pension peuvent également influer sur la décision des salariés. Enfin, des contraintes de liquidité et l’illusion financière peuvent aussi jouer un rôle, même si continuer à travailler permet certes au salarié de percevoir ses cotisations de retraite mais l’oblige à différer la liquidation de son TFR.
Le tableau 5 présente quelques éléments permettant d’apprécier l’intérêt du bonus pour les salariés et la probabilité d’un report véritable du départ en retraite. Il fait apparaître l’augmentation du patrimoine retraite induite par un report de deux ans du départ en retraite, avec et sans bénéfice du bonus. Les dimensions prises en compte sont la désutilité du travail, le taux d’actualisation, le salaire actuel et le taux de remplacement. On observe que le bonus est d’autant plus intéressant que le salaire est élevé (en raison de la progressivité de l’impôt sur le revenu), et que certains des salariés demandant à en bénéficier auraient, même en son absence, différé leur départ en retraite (données en italique). C’est le cas lorsque l’intérêt que représente le nouveau mécanisme incitatif est supérieur à celui que représentait déjà le report du départ en retraite sans bénéfice du bonus. Il y a néanmoins des cas de report véritable du départ en retraite, mais ils sont rares (données en caractères gras).
Impact du nouveau mécanisme incitatif : incidences sur le patrimoine retraite d’un report de deux ans du départ en retraite

Impact du nouveau mécanisme incitatif : incidences sur le patrimoine retraite d’un report de deux ans du départ en retraite
34Si l’on tient compte des autres facteurs cités, le bonus a plus de chance d’entraîner des reports véritables du départ en retraite parmi les salariés qui ont des perspectives d’emploi médiocres ou un revenu élevé ou une longue durée de cotisation. Les deux derniers groupes sont toutefois susceptibles de compter également de nombreux salariés présentant une faible désutilité du travail, qui auraient donc continué à travailler, même sans bonus. En outre, pour les salariés qui peuvent prendre leur retraite et avoir un nouvel emploi, la possibilité de cumuler revenu d’activité et pension – cumul qui, comme indiqué précédemment, est possible sans pénalité à condition de totaliser 37 années de cotisation et d’être âgé de 58 ans – l’emportera toujours sur la possibilité de reporter la date de liquidation (Marano, 2003 ; Marano et Sestito, 2004, 2005) [16].
35L’analyse ex ante invite donc à la plus grande prudence en ce qui concerne l’évaluation de l’efficacité du bonus, tout en mettant en évidence l’existence d’effets redistributifs latents, amplifiés par l’exonération fiscale des cotisations de retraite reversées au salarié.
36Les premières données publiées concernant le nombre de salariés qui ont demandé à bénéficier du bonus et leurs caractéristiques socio-économiques, vont également dans le sens de la prudence. Le nombre de demandeurs, qui avait atteint 42 000 au cours des neuf premiers mois, est certes très élevé au regard des quelque 150 000 pensions d’ancienneté liquidées pour les salariés du secteur privé en 2004. Toutefois, après avoir atteint un record le premier mois (octobre 2004), le nombre de demandes a baissé pour se stabiliser à environ 2000 par mois (cf. graphique 1). Le succès initial de la mesure semble essentiellement s’expliquer par la présence sur le marché du travail de travailleurs âgés qui, alors qu’ils auraient déjà pu prendre leur retraite, avaient choisi de continuer à travailler avant même l’introduction du bonus et qui, après son instauration, ont jugé plus avantageux de demander à en bénéficier. D’après les estimations d’un syndicat, 85 % des demandeurs ont sollicité le bonus alors qu’ils remplissaient déjà les conditions requises pour percevoir leur pension d’ancienneté (et non à la date à laquelle ils ont commencé à remplir ces conditions). 54,6 % d’entre eux remplissaient ces conditions depuis un an au moins (CGIL, 2005).
Demandes de bonus

Demandes de bonus
37Par ailleurs, les demandeurs présentent également les caractéristiques socio-économiques attendues. D’après les données officielles de l’INPS, chargée de la gestion du bonus, environ 50 % des demandeurs avaient un revenu d’activité annuel supérieur à 40 000 euros, et une forte proportion d’entre eux percevait plus de 100 000 euros [17]. Le montant annuel de la pension acquise par les demandeurs (montant « gelé » lors de la demande de bonus) s’élevait à environ 33 500 euros, contre une moyenne de seulement 13 000 euros par an pour l’ensemble des salariés du secteur privé. Il n’est donc pas surprenant de trouver parmi les demandeurs plus de cadres que d’ouvriers (45,2 % contre 25,6 %) et une forte proportion de hauts fonctionnaires (14,7 %) et de dirigeants d’entreprises (14,5 %) (INPS, 2005 et mises à jour ultérieures).
38D’autres caractéristiques sont également significatives, quoique peu surprenantes : la plupart des demandeurs sont des hommes (90 %), vivent dans le nord du pays (plus de 50 %) ou dans le centre (30 %), alors que seulement 20 % vivent dans le sud. Ces chiffres révèlent certes une représentation inégale des demandeurs selon le sexe et l’origine géographique, mais elle ne fait en réalité que refléter les écarts de revenus et de durée de cotisation importants observés en Italie entre les hommes et les femmes et entre les régions.
Effets sur le marché du travail du relèvement, en 2008, de l’âge minimal requis pour bénéficier d’une pension
39La réforme de 2004 resserre les conditions d’accès à la pension d’ancienneté, avec effet à compter du 1er janvier 2008 :
- la durée de cotisation requise (sans considération d’âge) passera de 39 à 40 ans, comme prévu précédemment, puis restera fixée à ce niveau ;
- l’âge minimum requis pour les assurés qui totalisent 35 années de cotisation passera de 57 à 60 ans, puis à 61 ans en 2010 et à 62 ans en 2014 ;
- dans le deuxième cas, le délai d’attente supplémentaire entre le moment où l’assuré remplit les conditions de durée de cotisation et d’âge requises et la date effective de liquidation de ses droits (temps nécessaire pour que la fenêtre de sortie s’ouvre) va doubler, passant de 4,5 à 9 mois en moyenne.
40Nous reviendrons ultérieurement sur les effets financiers de cette mesure et sur les raisons pour lesquelles elle a été étendue au système NDC. Dans l’immédiat, nous allons nous intéresser à ses effets sur le marché du travail.
41En dépit de bonnes performances du marché du travail italien ces dernières années – en particulier d’une progression des taux d’activité et d’un recul du taux de chômage (actuellement de 8 %) – les taux d’activité restent nettement inférieurs à la moyenne de l’Europe des Quinze (49,5 % contre 56,8 %), en particulier pour les femmes (38,3 % contre 48,7 %) et les travailleurs âgés (31,8 % contre 45,4 %) (cf. tableau 6). De ce point de vue, le relèvement de l’âge légal de la retraite devrait se révéler très efficace et entraîner une augmentation rapide de l’âge effectif de liquidation moyen. Compte tenu de la proportion de salariés qui font valoir leurs droits dès qu’ils remplissent les conditions requises, les estimations officielles, selon lesquelles à l’horizon 2010, la mesure obligera 330 000 travailleurs (460 000 à l’horizon 2013) appartenant à trois cohortes consécutives, à travailler plus de trois années supplémentaires, paraissent réalistes. De plus, au cours des années qui suivront, des facteurs démographiques devraient venir renforcer l’efficacité de la mesure, puisqu’elle concernera progressivement les enfants du baby-boom du milieu des années soixante.
Taux d’activité par sexe et âge (2004)

Taux d’activité par sexe et âge (2004)
42Toutefois, le relèvement prévu en 2008 risque d’aggraver les inégalités entre les générations dans un système où les réformes précédentes ont déjà conduit à un traitement très inégalitaire des différentes générations, tant en ce qui concerne les règles de liquidation que le montant des droits.
En outre, du fait qu’il intervient en une seule fois, ce relèvement va provoquer un choc sur le marché du travail, du côté de l’offre, qui, bien qu’annoncé, sera à la fois significatif et durable. En effet, pendant les trois premières années et demi, le nombre de sorties du marché du travail va chuter de manière spectaculaire, ce qui diminuera les chances des nouveaux arrivants de trouver un emploi et ralentira le processus de sortie progressive des travailleurs ayant un faible niveau d’éducation (Marano et Sestito, 2004, 2005). En effet, s’il est quasi unanimement reconnu que les entreprises font souvent pression sur leurs salariés âgés pour qu’ils prennent leur retraite dès qu’ils le peuvent afin de pouvoir les remplacer par des salariés plus jeunes, moins bien rémunérés, on accorde souvent moins d’attention au fait que le remplacement de travailleurs âgés par des salariés plus jeunes, en plus d’entraîner une baisse des coûts, se traduit par une augmentation de la qualification de la main-d’œuvre – en termes de niveau d’éducation. Or, le niveau d’éducation est plus bas en Italie que dans les principaux pays de l’Union européenne, particulièrement dans les classes d’âge les plus élevées, une très forte proportion des plus de 50 ans ayant, dans le meilleur des cas, arrêté leur scolarité au terme du premier cycle de l’enseignement secondaire (cf. graphique 2).
Niveau d’éducation en Italie et dans les principaux pays de l’Union européenne selon la classe d’âge, 2005

Niveau d’éducation en Italie et dans les principaux pays de l’Union européenne selon la classe d’âge, 2005
Note : niveau 0-2 : préprimaire, primaire et 1er cycle du secondaire ; niveau 3-4 : 2e cycle du secondaire et enseignement postsecondaire non supérieur ; niveau 5-6 : enseignement supérieur (CITE 1997).43Par conséquent, le maintien dans l’emploi des travailleurs âgés risque non seulement de faire obstacle pendant plusieurs années à l’intégration au marché du travail des nouveaux arrivants mais aussi de retarder la progression du niveau de qualification. Pour que cela ne s’accompagne pas d’une baisse de la compétitivité, il faudrait mettre en place des mesures d’activation et des programmes de reconversion pour les travailleurs âgés. Or, la réforme de 2004 ne prévoit aucune mesure de ce type. De plus, toute initiative qui serait prise à l’avenir dans ce domaine risque de se heurter au fait que le profit des retours en formation décroît avec l’âge, les travailleurs âgés ayant moins d’années d’activité devant eux.
Conséquences à moyen et long terme des réformes
44Nous allons maintenant nous placer dans une perspective plus large pour évaluer les effets financiers des réformes à moyen et long terme et apprécier leurs conséquences du point de vue de l’adéquation des futures pensions. Nous décrirons également les mécanismes censés garantir l’équilibre financier des régimes publics et privés et analyserons leur impact sur l’allocation des risques.
Effets financiers des réformes : un « pic » des dépenses de retraite moins élevé que prévu
45En 1992, l’Italie affichait un déficit public de 10 % du PIB, tandis que le ratio dette sur PIB atteignait 100 %. Les dépenses de retraite avaient déjà commencé à augmenter rapidement, ce qui contribuait à créer une impression générale de dérive des finances publiques. La dévaluation de la Lire, intervenue la même année, est venue renforcer ce sentiment. Dans un tel contexte, il n’est donc pas surprenant que l’objectif premier des réformes du système de retraite ait été financier – il s’agissait d’assurer de nouveau la maîtrise des dépenses – même si la recherche d’un consensus, qui s’est traduite par la participation des partenaires sociaux aux trois réformes des années quatre-vingt-dix, a apporté un bémol à cette orientation financière.
46Le graphique 3 montre les projections de dépenses de retraite jusqu’en 2050 : avant les réformes, après les réformes des années quatre-vingt-dix et après celle de 2004 ; elles ont été réalisées par la direction de la Prévision du ministère de l’Économie, sur la base d’une méthodologie définie au niveau européen (Comité de politique économique 2001, Direction générale des Affaires économiques et financières, 2005) [19].
Prévisions de dépenses de retraite avant et après les réformes

Prévisions de dépenses de retraite avant et après les réformes
47Il apparaît que les réformes des années quatre-vingt-dix ont eu un fort impact sur la dynamique des dépenses publiques de retraite. Elles les ont stabilisées et ont transformé le pic de 23,3 % du PIB initialement prévu en 2040 en un pic plus modeste, de 16 %, en 2033. Au sein de l’Europe des Quinze, l’Italie devrait même arriver en deuxième position en termes de faiblesse de l’augmentation de ses dépenses au moment du pic par rapport à leur niveau actuel. Alors que les charges de retraite auraient dû progresser de 9,5 points de PIB entre 2000 et 2050 sous l’effet du vieillissement de la population, cette hausse potentielle devrait être totalement compensée par la baisse du montant unitaire des pensions (qui permettra une économie de 4,9 points de PIB), la croissance de l’emploi escomptée (3,1 points) et le resserrement des conditions d’accès à la pension d’ancienneté (1,4 point) (Comité de politique économique, 2001).
48La stabilisation des dépenses à court terme devait principalement être assurée par deux mesures :
- le relèvement de l’âge de la retraite, qui permet toujours de réaliser d’importantes économies à très court terme (même s’il implique une augmentation des dépenses quelques années plus tard, du fait que les travailleurs justifient d’une durée de cotisation plus longue lorsqu’ils prennent leur retraite) ;
- et la suppression de l’indexation des retraites sur les salaires – seule l’indexation sur l’évolution des prix ayant été maintenue –, qui induit un appauvrissement progressif des retraités par rapport aux actifs.
- le passage progressif à un système NDC ;
- la révision périodique des coefficients NDC de conversion dépendant de l’âge à la liquidation, qui vise à compenser l’augmentation de l’espérance de vie ;
- la suppression, pour les assurés qui relèvent intégralement du nouveau système, du complément s’ajoutant à la pension de sécurité sociale, ce qui signifie que la pension d’aide sociale devient le seul minimum vieillesse pour tous les pensionnés, qu’ils aient ou non travaillé.
49Toutefois, il est apparu que l’impact de la réduction du nombre de demandes de liquidation sur les dépenses risquait d’être progressivement contrebalancé par le fait qu’en travaillant plus longtemps, les salariés cotisent aussi plus longtemps et acquièrent par conséquent des droits plus élevés. Ce phénomène aurait dû s’accentuer du fait que les nouveaux retraités seront de plus en plus nombreux à relever du système NDC et de moins en moins nombreux à être concernés par le durcissement des conditions d’accès à la pension d’ancienneté. Les économies dégagées grâce cette dernière mesure auraient alors fini par disparaître et les dépenses de retraite par dépasser le niveau actuel. En 2030, ce resserrement ne devrait plus concerner aucun nouveau retraité, tandis que la majorité des pensionnés concernés au cours de la période précédente devraient être encore en vie et percevoir, comme indiqué ci-dessus, une pension plus élevée que si l’âge minimal n’avait pas été relevé.
50Apparemment, c’est essentiellement pour cette raison que la réforme de 2004 étend ces nouvelles conditions d’âge aux salariés relevant du système NDC, supprimant ainsi la flexibilité permise par la neutralité actuarielle de la formule de calcul, qui permettait aux salariés de prendre leur retraite à l’âge de leur choix entre 57 et 65 ans. Sans cela, la réforme de 2004 aurait eu l’effet paradoxal d’entraîner une hausse des dépenses de retraite aux alentours de 2030, c’est-à-dire précisément au moment où le pic des dépenses de retraite est attendu.
Globalement, les réformes se sont révélées très efficaces en termes de maîtrise des dépenses de retraite, aussi bien à court qu’à long terme.
L’adéquation des retraites en péril
51Certaines des mesures adoptées pour alléger les charges de retraite impliquent une baisse du montant unitaire des pensions. Cette baisse – qui permettra de dégager une économie de 4,9 points de PIB à l’horizon 2050 – est la principale mesure qui permet de compenser l’impact des tendances démographiques sur les dépenses.
52Cette baisse des droits futurs apparaît clairement sur le graphique 4, qui montre l’évolution des taux de remplacement (rapport entre la pension et le dernier salaire) entre 2005 et 2050 dans quatre cas types de base, représentant deux profils de carrière types : une carrière plate, avec un revenu d’activité égal au revenu moyen (cf. graphique 4a) et une carrière dynamique, avec des revenus augmentant de 100 % à 200 % par rapport à la moyenne en 40 ans (cf. graphique 4b). Les quatre cas types correspondent à un salarié et un non-salarié qui, respectivement, prennent leur retraite à 60 ou 65 ans et justifient de 35 ou 40 années de cotisation [21]. D’après les graphiques, les taux de remplacement sont constants pour la décennie en cours – période durant laquelle les droits sont calculés dans le cadre du système DB – avant de chuter nettement au cours de la période 2010-2030. La baisse devrait continuer aussi après 2030, du fait que les coefficients de conversion appliqués dans le système NDC seront actualisés pour tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie [22]. À noter que, dans le système NDC, la pension étant calculée sur la base de l’ensemble de la vie active et non du dernier salaire, l’introduction d’une dimension « carrière individuelle » entraîne une baisse supplémentaire des taux de remplacement.
Taux de remplacement bruts des retraites publiques, Italie 2005-2050

Taux de remplacement bruts des retraites publiques, Italie 2005-2050
53Les taux de remplacement présentés sur le graphique 4 sont calculés à la date de la retraite. Après la retraite, la situation (relative) des retraités continue de se dégrader du fait que les pensions ne sont indexées que sur l’évolution des prix (non sur celle des salaires). D’après les estimations, ce mode d’indexation induit une réduction supplémentaire de 15 % du taux de remplacement dix ans après la retraite [23].
54Par ailleurs, une fois que tous les assurés relèveront du système NDC, la suppression du complément versé avec la pension de sécurité sociale entraînera une réduction supplémentaire du montant unitaire des droits. Il y aura cependant une augmentation du nombre de bénéficiaires de la sécurité sociale : du fait que la durée de cotisation requise pour bénéficier d’une pension, passe de vingt ans dans le système DB à cinq ans dans le système NDC, presque tous les assurés ouvriront droit à une pension (voire à plusieurs). Toutefois nombre de ces pensions seront très probablement extrêmement faibles, en particulier pour les bas salaires et les contrats atypiques. Par conséquent, nombre de personnes dépourvues d’autres sources de revenus devront solliciter la pension d’aide sociale [24]. D’après les résultats préliminaires d’un modèle de microsimulation dynamique mis au point à l’université de Modène, 40 % des retraités devront se tourner vers la pension d’aide sociale d’ici à 2050, tandis que le rapport de la pension de sécurité sociale moyenne sur le salaire moyen va diminuer de moitié, passant de 66 % à 33 % entre 2002 et 2050 (CAPP, 2005).
55Par conséquent, le système de retraite italien va certes assainir sa situation financière, mais au prix d’une nette baisse du montant unitaire des pensions, qui se manifestera de manière brutale aux alentours de 2015, lorsque les derniers salariés continuant à relever intégralement du système DB prendront leur retraite. En réalité, pour les cohortes venant immédiatement après, la nouvelle formule de calcul s’appliquera dans un premier temps aux vingt années postérieures à 1996 pour tous les pensionnés puis, progressivement, à l’intégralité de la vie active à mesure que les cohortes suivantes prendront leur retraite.
56Ce problème d’adéquation des pensions ne se posera que d’ici quelque temps, mais les solutions envisagées jusqu’à présent risquent de n’offrir que des solutions partielles. D’une part, si le fait de travailler plus longtemps et de justifier ainsi d’une durée de cotisation plus longue contribue sans nul doute à maintenir le niveau des prestations, il faut également tenir compte du fait que les jeunes générations commencent à travailler plus tard que ne le faisaient leurs parents (parce qu’ils font des études plus longues) ; de plus, du fait de l’accroissement de la flexibilité du marché du travail, les interruptions de carrière pour cause de chômage ou de formation de reconversion risquent d’être plus fréquentes que dans le passé ; il n’est donc pas prouvé que les travailleurs justifieront d’une durée de cotisation plus longue dans les années à venir. D’autre part, non seulement les pensions privées, censées compléter les pensions publiques, ont un coût puisqu’elles supposent le versement de cotisations supplémentaires, mais en plus, elles semblent viser principalement les travailleurs qui en ont le moins besoin (salariés ayant un emploi stable, à durée indéterminée et ceux dont la rémunération est élevée). Enfin, s’il est certain qu’une hausse des taux de cotisation permettrait d’améliorer le montant des futures pensions, ce taux est déjà de 32,7 % pour les salariés, ce qui est très élevé par rapport à d’autres pays. Étant plus faible pour les non-salariés et les personnes qui travaillent dans le cadre de contrats « atypiques », il pourrait être encore relevé mais probablement pas jusqu’à atteindre celui appliqué aux salariés.
Il s’ensuit que l’adéquation des pensions va probablement devenir le principal défi à relever par le système de retraite italien dans les années à venir. Il serait peut-être bon de revoir le système NDC « idéal » mis en place dans lequel les recettes de cotisations sont censées financer l’intégralité des prestations de sécurité sociale en tenant compte du fait que des taux de cotisation extrêmement élevés sont nécessaires pour garantir un niveau convenable de prestations. En outre, la possibilité de prévoir des recettes supplémentaires (par des transferts du budget de l’État ou par la création d’un fonds de réserve [25]) ne doit peut-être pas être écartée a priori à condition que cela ne nuise pas aux mécanismes incitatifs et à l’équité actuarielle du système NDC.
Mécanismes automatiques garantissant l’équilibre financier et allocation des risques
57Outre le fait qu’elle a conduit les responsables politiques italiens à adopter les mesures qui viennent d’être décrites, la priorité accordée à la stabilisation financière du système de retraite a également déterminé la manière dont le système issu des réformes est conçu. Ainsi, il intègre des mécanismes automatiques censés garantir l’équilibre du pilier public mais aussi du pilier privé. Or, ces mécanismes reposent sur le principe du transfert des risques vers les individus, ce qui s’ajoute à la baisse des prestations et risque d’entraîner une plus grande insécurité pour les retraités.
58En ce qui concerne le pilier privé, le législateur italien a expressément opté pour le principe des cotisations définies (DC). Tout risque de faillite d’un fonds privé est donc exclu, puisqu’il se contente de restituer au retraité, après déduction des frais, l’argent investi majoré des rendements réalisés, le cas échéant, sur les marchés financiers. Ces fonds sont également à l’abri du risque démographique, puisqu’ils ont le droit de modifier le taux d’annuité [26] en fonction de l’allongement de l’espérance de vie, tant que l’individu n’a pas pris sa retraite. À cela s’ajoute le fait que des pratiques permettant de reculer encore la date à laquelle le fonds commence à supporter le risque démographique, se répandent dans le secteur de l’assurance [27]. Globalement, l’intégralité du risque financier et la majeure partie du risque démographique sont supportées par les assurés.
59La situation est presque la même dans le système public NDC, l’assuré supportant l’intégralité des risques économique et démographique jusqu’à la date de sa retraite. En effet, le système comporte des mécanismes destinés à garantir sa soutenabilité financière : les dépenses tendant à évoluer parallèlement aux recettes de cotisations, il est protégé – fût-ce avec un décalage – des chocs démographiques et macroéconomiques. Le fonctionnement de ces régulateurs automatiques repose sur deux paramètres : le taux de rendement des cotisations et le coefficient de conversion appliqué au capital notionnel accumulé par l’assuré.
60Le taux de rendement est l’équivalent, dans un système par répartition, du taux d’intérêt net dans les régimes par capitalisation. En Italie, il est égal au taux de croissance du PIB ; en effet, si les salaires évoluaient parallèlement à la productivité, le total des revenus d’activité dans le pays (donc, des recettes de cotisations) progresserait à un rythme égal à la somme des taux de croissance de l’emploi et de la productivité, en d’autres termes à la croissance du PIB ; par conséquent, le rendement des cotisations serait égal à la croissance des ressources disponibles. Ce mécanisme implique que les travailleurs ne savent pas a priori, mais seulement a posteriori – une fois qu’ils connaissent tous les taux de croissance du PIB – ce qu’ils percevront à la retraite, ce qui est d’ailleurs une des principales caractéristiques des régimes à cotisations définies par rapport aux régimes à prestations définies. Les travailleurs assument donc les risques économique et démographique : si la croissance de la productivité ou de l’emploi est faible (en raison de facteurs économiques ou démographiques), le rendement de leurs cotisations le sera également.
61Le deuxième paramètre qui concourt à reporter le risque démographique sur les assurés est le coefficient appliqué pour convertir le capital notionnel en pension, qui est l’équivalent du taux d’annuité dans les fonds privés. Ce coefficient, qui dépend de l’âge à la liquidation, est actualisé tous les dix ans selon une formule actuariellement neutre [28] (voir supra.). Cette actualisation est un autre facteur qui empêche les assurés de connaître à l’avance le montant de leurs droits : l’augmentation de l’espérance de vie entraîne une baisse des coefficients de conversion et, par conséquent, du montant unitaire de la pension. Une fois l’assuré en retraite, le risque démographique résiduel (à savoir la poursuite de l’augmentation de l’espérance de vie des personnes âgées), est supporté par le système public.
La poursuite d’un objectif de stabilisation financière semble donc avoir conduit les responsables politiques italiens à concevoir un système de retraite qui reporte la majeure partie des risques financiers, économique et démographique sur les individus, au lieu de les mutualiser pour qu’ils soient assumés collectivement, conformément à la vocation initiale des systèmes publics et privés d’assurance sociale.
Ce transfert de risque vers les individus apparaît clairement sur le graphique 5, qui présente une analyse de sensibilité des taux de remplacement à quatre paramètres : la croissance de la productivité et de l’emploi (risque économique), les rendements des fonds de pension (risque financier) et l’espérance de vie à la liquidation (risque démographique). Les taux de remplacement de référence ont été calculés pour l’ancien système à prestations définies (DB), et le nouveau système hybride public NDC, complété par un système privé (DC), pour un salarié prenant sa retraite à 65 ans après avoir cotisé pendant 40 ans et accompli une carrière dynamique (cf. graphique 4b). Chacun des quatre graphiques illustre la sensibilité des taux de remplacement à l’un des quatre paramètres précités, selon diverses hypothèses.
Effets des risques économique, démographique et financier dans l’ancien système (public NDC et privé DC)

Effets des risques économique, démographique et financier dans l’ancien système (public NDC et privé DC)
Notes : les quatre graphiques représentent les taux de remplacement pour un salarié prenant sa retraite à 65 ans, totalisant 40 années de cotisation et ayant eu un profil de carrière dynamique (graphique 4b). Ils font apparaître les taux de remplacement garanti par l’ancien système à prestations définies et par le nouveau (public à cotisations définies notionnelles + privé à cotisations définies). Sur chaque graphique, un des paramètres déterminant le taux de remplacement est modifié. Comme pour le graphique 4, un taux de productivité de 1,6 %, un taux de croissance de l’emploi de -0,3 %, des rendements nets sur les fonds de pension de 2 % et une espérance de vie à la liquidation de 16,5 ans ont été retenus comme référence.Les taux de remplacement assurés par les fonds de pension à cotisations définies reposent sur l’hypothèse d’un taux de cotisation de 6,91 % (égal au TFR). Les coefficients d’annuité sont approchés par l’inverse de l’espérance de vie dans le système à cotisations définies notionnelles et par l’espérance de vie +1,5 an dans les régimes privés.
62Il apparaît que le passage du système DB au système hybride, entraîne une plus grande variabilité des taux de remplacement, du fait qu’ils sont alors affectés par trois paramètres (croissance de l’emploi, rendements financiers, espérance de vie). En revanche, le quatrième paramètre – la croissance de la productivité – influe sur les taux de remplacement dans les deux systèmes [29].
Conclusion
63Les réformes qui, ces quinze dernières années ont transformé le système de retraite italien, visaient en premier lieu à retarder le départ en retraite et à stabiliser les dépenses. Pour atteindre le premier objectif, les conditions d’âge et de durée de cotisation ont été resserrées. Ces mesures, ainsi que la suppression de l’indexation des pensions sur les salaires, intervenue en 1992, ont fortement contribué à stabiliser les dépenses. Le relèvement supplémentaire de l’âge légal de la retraite, prévu en 2008, devrait permettre de réaliser d’autres économies. En outre, le système NDC, instauré en 1995, devrait garantir automatiquement l’équilibre financier du système public de la retraite.
64Il n’en reste pas moins que l’efficacité de certaines des mesures introduites par les réformes est sujette à caution. Il est notamment permis de se demander si le bonus, introduit en 2004 pour encourager les assurés à différer leur départ en retraite, entraîne des reports véritables ou s’il ne profite pas simplement à des salariés (percevant généralement une rémunération élevée) qui auraient continué à travailler, même en l’absence de bonus. De même, le relèvement de l’âge de la retraite, prévu en 2008, sera probablement très efficace, mais risque d’avoir des répercussions sur le marché du travail. Il conviendrait d’étudier cette question avant 2008.
65Par ailleurs, si les réformes traitent la question financière de manière cohérente, elles laissent d’autres problèmes en suspens, voire les aggravent : la question de l’adéquation des pensions, en particulier, risque de devenir un problème majeur dans l’avenir (il se posera brutalement aux environs de 2015) et le transfert des risques (démographique, économique et financier) aux individus, tant au sein de la partie publique que de la partie privée du système hybride, mi-public, mi-privé qui se met en place (lentement), semble en contradiction avec le principe même d’assurance.
Bien que cet article ne traite pas de manière exhaustive toutes les questions qui se posent dans le système de retraite italien (le transfert du TFR vers les régimes privés, envisagé par la réforme de 2004, ne fait par l’exemple l’objet que de quelques lignes), il démontre que si sa situation financière ne nécessite plus un traitement d’urgence, des ajustements restent nécessaires pour atteindre les objectifs d’adéquation des pensions, d’équité, de sécurité et de modernisation.
Les réformes du système de retraite italien

Méthodologie de l’évaluation des réformes du système de retraite italien
66• Effets des nouvelles incitations favorisant le report du départ en retraite
67Méthodologie :
68Évaluation ex-ante : calcul de l’incidence sur le patrimoine retraite d’un report de deux ans du départ en retraite, avec et sans bénéfice du « bonus ». Les paramètres considérés sont la désutilité du travail, le taux d’actualisation, les taux de remplacement et le niveau des salaires.
69Évaluation ex-post : suivi de diverses caractéristiques économiques et sociales des travailleurs demandant à bénéficier du bonus, réalisé par l’Istituto Nazionale de la Previdenza Sociale – INPS (Institut national de sécurité sociale) et la Confederazione Italiana del Lavoro – CGIL (Confédération générale italienne du travail)
70Sources :
71Évaluation ex-ante : Marano, 2003 ; Marano et Sestito, 2004, 2005 ;
72Évaluation ex-post : INPS 2005 et mises à jour ultérieures, CGIL 2005.
73• Effets sur le marché du travail du relèvement de l’âge légal de la retraite, prévu en 2008
74Les estimations du gouvernement concernant le nombre de travailleurs directement concernés par les nouvelles règles reposent sur le flux annuel de nouvelles demandes de pensions d’ancienneté, corrigé de la taille des cohortes démographiques, d’après les annexes techniques à la réforme de 2004 présentée au Parlement. Il n’existe pas encore d’études évaluant les effets sur le marché du travail du maintien dans l’emploi de ces travailleurs.
75• Effets financiers de la réforme
76Méthodologie : les projections du ministère de l’Économie sur la base d’une méthodologie cohérente avec celle élaborée par le groupe de travail « Vieillissement » du Comité de politique économique de l’Union européenne (Comité de politique économique 2001, Direction générale des affaires économiques et financières, 2005, 2006). Le modèle de simulation est construit sur la base de la structure démographique de la population italienne, et comporte un module intégrant des données sur l’emploi et un module normatif ; le niveau de désagrégation est élevé, pour garantir la cohérence d’ensemble de l’exercice de simulation. Cette méthodologie est présentée dans Ministère de l’Économie, (2001).
77Source : ministère de l’Économie 1998 et annexes techniques à la réforme de 2004 présentée par le gouvernement au Parlement.
78• Effets de la réforme sur l’adéquation des pensions
79Méthodologie : le calcul des taux de remplacement théoriques, actuels et futurs, est basé sur la méthodologie de l’Union européenne (sous-groupe « Indicateurs » du Comité de protection sociale, 2004 et mises à jour ultérieures – Marano, 2005b). Les quatre cas types de base considérés sont ceux qui ont été pris en compte par le gouvernement italien (Ministère du Travail et des Affaires sociales, 2002), tandis que les deux carrières types retenues ont été définies au niveau européen. Les hypothèses de croissance de la productivité et du PIB retenues sont respectivement de 1,6 % et 1,3 % par an.
80Source : nos calculs.
81• Effets de la réforme sur l’allocation des risques
82Méthodologie : analyse de sensibilité des taux de remplacement à la croissance de la productivité, de l’emploi, aux rendements financiers et à l’espérance de vie à la retraite, dans l’ancien et le nouveau système de retraite. Les taux de remplacement sont calculés sur la base de la méthodologie de l’Union européenne : les coefficients d’annuité sont approchés par l’inverse de l’espérance de vie pour le système NDC et par l’espérance de vie +1,5 an pour les pensions privées. Pour les cotisations aux fonds de pension privés, un taux égal à 6,91 % du salaire (le même que celui appliqué pour le TFR) a été retenu. Dans le cas servant de référence, sur lequel repose l’analyse de sensibilité, le taux de productivité est de 1,6 %, le taux de croissance de l’emploi de -0,3 %, le taux de rendement des fonds de pension après impôts et frais est de 2 % et l’espérance de vie à la retraite de 16,5 ans.
Source : nos calculs.
Notes
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[*]
Économiste, département des affaires économiques, cabinet du Premier ministre (Italie) et université de la Tuscia.
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[1]
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que son auteur et ne sauraient être attribuées à une institution à laquelle il appartient ou avec laquelle il collabore.
-
[2]
Ainsi, alors que, pour la pension de vieillesse, la condition principale est que le travailleur ait atteint l’âge minimal de la retraite (et justifie d’au moins vingt années de cotisation), pour la pension d’ancienneté, c’est la durée de cotisation qui compte, étant entendu qu’une condition d’âge est également appliquée aux travailleurs qui ne justifient que de 35 à 38 ans d’ancienneté contributive.
-
[3]
En se basant sur la méthodologie SESPROS d’Eurostat, l’Italie consacre moins de moyens que les autres États en particulier dans les domaines de la famille et des enfants (1 % du PIB, contre 2,2 % en moyenne dans l’Europe des Quinze), de l’indemnisation du chômage (0,5 % contre 1,8 %), du logement (0 % contre 0,5 %) et de l’exclusion sociale (0 % contre 0,4 %).
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[4]
Le dispositif d’aide sociale a encore gagné en importance depuis l’introduction, en 2002, du complément pour les personnes âgées de 70 ans ou plus (servi à environ 1,8 million de pensionnés). Celui-ci a également un impact statistique important sur le calcul des taux de pauvreté, selon les seuils retenus : en 2003 (année à laquelle correspondent les revenus utilisés par Eurostat pour calculer les taux de pauvreté 2004), il a porté le montant minimum des pensions servies aux retraités de 70 ans ou plus à environ 525 euros par mois, ce qui est inférieur au seuil de 60 % du revenu équivalent médian pour un individu seul (586 euros), mais supérieur au seuil de 50 % (489 euros).
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[5]
Actuellement le coefficient est de 5,163 % pour une retraite liquidée à 60 ans, de 6,136 % pour une retraite liquidée à 65 ans, quel que soit le sexe. Pour connaître la formule exacte, voir Annexes statistiques du ministère du Travail et des politiques sociales, 2002.
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[6]
À cet égard, la loi actuelle pénalise les individus relevant du système à cotisations définies notionnelles, qui, lorsqu’ils cumulent emploi et retraite perçoivent une pension réduite et jamais avant 63 ans s’ils veulent travailler comme salariés.
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[7]
Dans Marano (2002), j’ai exprimé quelques réserves par rapport à l’importance donnée aux fonds de pension.
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[8]
L’acronyme ETT (Exempt, Taxed, Taxed) signifie que les cotisations versées au fonds sont exonérées d’impôt, tandis que les revenus des investissements et les plus-values des fonds ainsi que les prestations sont imposés.
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[9]
Le TFR s’applique aux salariés du secteur privé. Un système similaire, mais fonctionnant par répartition, est en vigueur dans le secteur public.
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[10]
Dans la pratique, la plupart des salariés utilisent leur TFR avant la retraite. Même ceux de plus de 50 ans, qui ont l’ancienneté la plus longue de toutes les classes d’âge, n’ont, en moyenne, accumulé que dix à onze ans de TFR, le reste ayant été utilisé avant (voir Annexes statistiques du ministère du Travail et des Politiques sociales, 2002). En Italie, le TFR joue un rôle très important en cas de perte d’emploi du fait que les indemnités de chômage sont très faibles.
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[11]
La réforme prévoit que les entreprises percevront des aides financées par le budget de l’État en contrepartie de la perte de la gestion du TFR.
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[12]
Un dispositif comparable, quoique moins incitatif avait déjà été introduit fin 2000. Toutefois, les cotisations non versées étaient partagées entre le salarié et l’employeur et ne donnaient pas lieu à un avantage fiscal. En outre, les deux parties (pas seulement le salarié) devaient accepter le report. Dans la pratique, seulement quelques centaines de salariés ont demandé à en bénéficier.
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[13]
Actuellement, 50 à 60 % seulement des salariés prennent leur retraite dès qu’ils remplissent les conditions requises pour bénéficier de la pension d’ancienneté. Une faible proportion des salariés font valoir leurs droits à la pension d’ancienneté et à la pension de veillesse légèrement après la date à laquelle ils remplissent les conditions requises. Les autres prennent leur retraite plus tard, des pics étant observés lorsqu’ils totalisent 40 années de cotisation et atteignent l’âge requis pour bénéficier de la pension de vieillesse (60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes).
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[14]
30 % en l’absence d’effet d’éviction, 50 % en cas d’effet d’éviction maximal. Par souci de simplification, je néglige les implications fiscales et les effets macroéconomiques (en particulier sur le PIB) potentiels de cette mesure. À noter également, dans une perspective intertemporelle, que les salariés qui auraient reporté leur départ en retraite, même en l’absence de bonus, permettent de réaliser une économie dans la mesure où ils renoncent à améliorer leur pension.
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[15]
Dans le cadre du système actuellement en vigueur (DB), un travailleur âgé ayant des perspectives d’emploi médiocres, préfère de beaucoup prendre sa retraite plutôt qu’accepter une réduction de salaire qui se répercuterait à la baisse sur la base de calcul de sa pension. De ce point de vue, le bonus – qui est assorti d’un gel du montant de la pension – peut augmenter la flexibilité du salaire.
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[16]
En outre, un autre élément invite à la prudence, en l’occurrence le fait que les données disponibles ne permettent pas de mesurer avec précision l’impact du bonus sur la demande de main-d’œuvre et la productivité, les départs en retraite étant souvent dus au fait que les entreprises veulent se séparer de leurs travailleurs âgés.
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[17]
En Italie, le revenu annuel d’un ouvrier de production moyen était de 24 500 euros en 2005.
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[18]
Pour les travailleurs indépendants, l’âge requis pour bénéficier de la pension d’ancienneté est supérieur d’un an à celui exigé des salariés. Cette différence sera maintenue, et le délai d’attente pour voir la « fenêtre de sortie » s’ouvrir, actuellement de 7,5 mois en moyenne, passera à 15 mois. Ainsi, à compter de 2014, un non-salarié de sexe masculin devra attendre 64 ans et 3 mois pour obtenir la liquidation de sa pension.
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[19]
Sur les prévisions de dépenses de retraite voir également : Ministère de l’Économie, 2001, Annexes statistiques du ministère du Travail et des Affaires sociales, 2002 et Pizzuti 2005 qui corrobore les tendances et phénomènes décrits dans cet article. Ces tendances sont aussi confirmées par les nouvelles projections que la Commission européenne vient de rendre publiques (Direction générale des affaires économiques et financières, 2006).
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[20]
Curieusement, l’augmentation du montant unitaire des pensions, liée au fait que les salariés vont devoir travailler – donc cotiser – plus longtemps, n’a jamais été évoquée parmi les arguments avancés pour justifier la réforme lorsqu’elle a été adoptée.
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[21]
Le graphique 4 repose sur la méthodologie commune mise au point par le sous-groupe « Indicateurs du Comité de protection sociale ». Cette méthodologie se fonde sur l’analyse de cas-types de base représentatifs des différents pays et sur une analyse de sensibilité (sous-groupe « Indicateurs du Comité de protection sociale », 2004 ; voir également les deux rapports 2005 non publiés du groupe ad hoc sur les taux de remplacement théorique (Ad hoc group on Theoretical Replacement Rates), créé au sein du sous-groupe « Indicateurs ». Une synthèse de ces rapports est présentée dans Marano, 2005b).
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[22]
La baisse des taux de remplacement est particulièrement nette pour les non-salariés, dont les droits vont quasiment être divisés par deux, même s’ils prennent leur retraite à 65 ans et totalisent 40 années de cotisations. Cette différence est liée à la formule de calcul utilisée dans le système à cotisations définies et au fait que le taux de cotisation appliqué aux non-salariés est inférieur à celui appliqué aux salariés : le taux appliqué aux salariés est égal à 32,7 % de leur salaire (dont 8,89 % de part salariale et 23,81 % de part patronale), avec un taux d’acquisition des droits légèrement supérieur (33 %), tandis que le taux appliqué aux non-salariés est d’environ 17,5 % (et passera progressivement à 19 %), avec un taux d’acquisition de 20 %.
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[23]
Dans ce cas, le taux de remplacement rapporte le montant de la pension dix ans après la date de liquidation aux revenus d’un salarié devant prendre sa retraite dix ans plus tard.
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[24]
En ce cas, la pension d’aide sociale va absorber la quasi-intégralité de la pension contributive. Ainsi, pour les bas salaires, l’effet incitatif qu’intègre la formule de calcul appliquée dans le cadre du système à cotisations définies notionnelles (et dans tout système à cotisations définies) soit inopérant car il peut arriver qu’un travailleur ne parvienne pas à acquérir des droits beaucoup plus élevés que la pension d’assistance, même s’il justifie d’une durée de cotisation longue (20 à 25 ans).
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[25]
La plupart des pays de l’Europe des Quinze ont instauré un fonds de réserve pour les retraites. Un tel fonds pourrait, à moyen et long terme, permettre au système de retraite de disposer de ressources supplémentaires, ce qui permettrait de dégager des fonds pour financer d’autres actions dans le champ de la protection sociale ou de financer des pensions d’un montant plus élevé. Pour une présentation plus détaillée de ce type de mesure, qui aurait le mérite de ne pas faire peser une charge supplémentaire sur les finances publiques, voir Marano (2005a).
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[26]
C’est-à-dire le pourcentage du capital épargné par un individu qui va lui être restitué chaque année sous forme de pension.
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[27]
La technique classique consiste à proposer des contrats qui prévoient le paiement de prestations fixes pendant un certain nombre d’années, tandis que la conversion en pension de l’épargne retraite résiduelle n’intervient que plus tard.
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[28]
Le système à cotisations définies notionnelles ayant été instauré en 1995, les coefficients auraient dû être actualisés pour la première fois en 2005. Cela n’a toutefois pas encore été fait.
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[29]
Ces résultats sont faciles à comprendre compte tenu des formules de calcul appliquées dans le cadre de l’ancien système DB, d’une part, et dans les systèmes NDC et DC, d’autre part. Dans un système DB, le montant de la pension dépend du salaire de référence (PE), qui peut être exprimé ainsi :
, où A est le nombre de salaires pris en compte dans le calcul, ? le taux de revalorisation, wL le salaire perçu au cours de la dernière année de travail et gw le taux de croissance du salaire de l’assuré. Il est évident que les prestations ne sont pas affectées – du moins pas directement – par la croissance de l’emploi, l’espérance de vie et les rendements financiers, tandis qu’elles le sont par la croissance de la productivité par l’intermédiaire de gw et, éventuellement, selon les régles appliquées, de ?.
En revanche, dans un système NDC ou DC, les pensions peuvent (en simplifiant un peu) être exprimées ainsi : P=Sav/e (L), où e (L) est l’espérance de vie à la liquidation et Sav la valeur totale des cotisations versées par l’assuré., où ? est le taux de cotisation, L le nombre d’années de travail et i le taux de rendement des cotisations. Il apparaît immédiatement que l’espérance de vie e (L) a une incidence sur le montant de la pension, de même que les rendements financiers (puisque, dans les régimes privés DC i découle de ces rendements) et les performances économiques du pays (du moins quand i est lié à la croissance du PIB, comme c’est le cas dans le système NDC italien).