CAIRN.INFO : Matières à réflexion

? Introduction

1L’Espagne fait partie des pays de l’Union européenne les plus fortement frappés par la crise de l’emploi et ses conséquences en terme de chômage. Depuis plus de deux décennies, le taux de chômage espagnol est largement supérieur à celui de la moyenne européenne, avec deux points culminants, en 1985 où le taux de chômage atteint 21,5 % et en 1994 où il bat tous les records avec un taux de 24,2 %. La forte récession des années quatre-vingt-dix a porté le taux de chômage en Espagne au double de la moyenne européenne.

2Toutefois, la période de croissance économique que connaît l’Espagne depuis 1996, entraîne une reprise de l’emploi ayant un impact positif sur le chômage. En effet, entre 1997 et 2002, l’Espagne a été l’État membre qui a enregistré la plus forte progression de ses taux d’emploi et la plus forte diminution de ses taux de chômage. Aujourd’hui et malgré un certain fléchissement de la conjoncture du travail en 2002 et 2003 entraînant une légère hausse du chômage [1], on assiste à une nette reprise de l’emploi, ainsi, durant toute l’année 2004, 461 300 postes de travail furent créés, ce qui provoqua une baisse conséquente du taux de chômage. Malgré tout, l’Espagne reste toujours le mauvais élève de l’Union européenne avec un taux de chômage de 10,4 % en décembre 2004, alors que le taux de chômage de la zone euro ainsi que celui de l’Union européenne des 25, s’élèvent à 8,9 % en décembre 2004 [2].

3Plus inquiétant encore, le chômage continue d’affecter très diversement les différentes régions espagnoles. En effet, comme dans d’autres pays méditerranéens, le chômage est inégalement réparti sur le territoire, et la forte création d’emploi depuis 1996 n’a pas permis de réduire les différences entre taux d’emploi et taux de chômage des dix-sept communautés autonomes. La position des différentes communautés autonomes a, de fait, varié très peu durant ces dernières années, tant en terme de taux d’emploi que de taux de chômage. Certaines régions restent toujours relativement épargnées par cette situation de crise, leurs taux de chômage étant inférieurs au taux de chômage national et européen. D’autres, par contre, présentent toujours des taux de chômage plus hauts c’est le cas de l’Estrémadure et l’Andalousie (cf. tableau en annexe). Cet écart important de performances entre les régions explique que la lutte contre les disparités régionales demeure une priorité pour les pouvoirs publics.
Cette difficulté de la politique espagnole à lutter durablement et de manière homogène contre la raréfaction des emplois et la hausse du chômage est un facteur de majoration du risque d’exclusion (cf. encadré 1). Face à cette situation, les pouvoirs publics espagnols mobilisent un ensemble de mesures que nous avons choisi de traiter sous l’angle du partage territorial des compétences.

Encadré 1 : Exclusion et exclusion professionnelle

La notion d’exclusion présente des contours flous, il s’agit à la fois d’un processus et d’un état qui déclenche traditionnellement un retranchement, une mise à l’écart durable des mécanismes habituels d’intégration tels que l’emploi, le logement, la santé, l’éducation, la participation aux activités de la cité.
Les sources de l’exclusion sont multidimensionnelles et il est difficile de l’appréhender de façon exhaustive. Aujourd’hui, le concept d’exclusion est passé dans le langage courant englobant à la fois la pauvreté, le chômage et l’affaiblissement des liens sociaux. Cependant, la perte d’emploi et l’inactivité professionnelle, sont, à notre sens, les principales et les premières causes d’exclusion.
Nous avons donc choisi, dans le cadre de cet article, de traiter des mesures de lutte contre l’exclusion professionnelle. Ce thème concerne directement la politique sociale, mais nous l’examinerons plus précisément sous l’angle des réponses en terme de politique d’emploi. Il est difficile de poser une définition précise des politiques sociales et des politiques d’emploi car il s’agit d’objets mouvants, dont les limites sont floues. Cependant, il est fréquent de désigner la politique sociale comme un ensemble d’actions mises en œuvre par les pouvoirs publics pour améliorer le bien-être global de la société et assurer les droits sociaux des citoyens. En ce sens, les politiques de l’emploi, au même titre que les politiques de la ville, de la santé, de la famille, etc., constituent l’une des différentes formes de la politique sociale. L’objectif des politiques d’emploi étant d’agir sur le marché du travail pour en réduire les déséquilibres et en améliorer le fonctionnement.
Les mesures répondant à une situation d’exclusion du monde du travail sont majoritairement du ressort des politiques d’emploi, mais elles concernent en réalité d’autres dimensions de la politique sociale qui correspondent à la protection sociale (aide sociale, indemnisation chômage), ainsi qu’aux différentes politiques dites transversales (revenu minimum et politiques locales d’insertion). Les mesures spécifiques de lutte contre l’exclusion professionnelle peuvent donc se lire comme l’aménagement de passerelles combinant plusieurs instruments : formations, mesures d’emploi, prestations sociales… qui organisent un cheminement des individus vers leur intégration dans le marché du travail. C’est précisément cet axe de lecture que nous avons choisi de suivre pour la réalisation de cet article.

4Contrairement à l’État français unitaire, l’Espagne est un « État des autonomies » [3], dont le caractère profondément régionalisé s’explique par l’existence de spécificités culturelles et linguistiques, déjà reconnues sous la Première (1873-1874) et la Deuxième République (1931-1936). Le retour en 1976 aux principes démocratiques marque la fin du régime autoritaire et centralisé de Franco et la reconnaissance des particularismes régionaux. C’est cette consécration institutionnelle des particularismes qui fonde « l’État à autonomies régionales » espagnol (Marcou, 2003).

5Aujourd’hui, l’organisation territoriale des pouvoirs publics espagnols est établie par la Constitution du 6 décembre 1978. La combinaison, au sein de cette dernière, du principe « d’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols » et de droit « à l’autonomie des nationalités et des régions qui la composent » [4], fonde le système complexe de répartition des compétences entre les différentes entités publiques espagnoles. Le premier article du titre VIII de la Constitution espagnole traitant « De l’organisation territoriale de l’État » développe l’idée d’« État des autonomies » et reconnaît l’existence des différentes nationalités et identités régionales en consacrant au côté de l’État, l’autonomie des communautés autonomes, des communes et des provinces [5] (cf. encadré 2).

Encadré 2 : L’organisation territoriale de l’État espagnol

L’État espagnol, démocratique et de droit social, puise sa souveraineté nationale dans le peuple espagnol (article 1 de la Constitution espagnole) et garantit l’application effective du principe de solidarité, en veillant à l’établissement d’un équilibre économique approprié et juste entre les différentes parties du territoire espagnol (article 138.1 de la Constitution espagnole).
Les communautés autonomes, au nombre de dix-sept, ont accédé à leur autonomie de deux manières :
  • soit par voie exceptionnelle : pour les territoires qui lors de la Seconde République de 1931, avaient déjà adopté un Statut d’autonomie, comme l’ont fait la Catalogne, le Pays basque et la Galice ou en répondant aux exigences contraignantes de l’article 151.1 de la Constitution espagnole (seule l’Andalousie s’est constituée de la sorte). Ces communautés autonomes dites de « premier rang » bénéficient d’un niveau maximum de compétences [6] ;
  • soit par voie ordinaire, pour les communautés autonomes répondant aux conditions posées par l’article 143.2 de la Constitution espagnole – cela concerne la Cantabrie, Madrid et La Rioja – ou pour les communautés autonomes qui se sont dotées d’un régime de pré-autonomie avant même la promulgation de la Constitution espagnole, c’est-à-dire l’Aragon, les Asturies, les Baléares, les Canaries, Castille-La Manche, Castille et Léon, l’Estrémadure, Murcie, la Navarre et Valence. Ces treize communautés autonomes dites de « second rang », voient leurs compétences limitées par l’article 148.1 de la Constitution espagnole (cf. encadré 3).
Cette distinction entre les communautés autonomes de premier et de second rang n’a plus d’intérêt aujourd’hui puisque depuis un mouvement initié en 1992, toutes les communautés autonomes de second rang se sont, en vertu de l’article 148.2 [7] de la Constitution espagnole, attribuées les compétences reconnues aux communautés autonomes de premier rang.
• Les colectivités locales se composent de cinquante-deux provinces et de huit mille cent huit communes qui se sont vu reconnaître par la Constitution espagnole une certaine autonomie dans la gestion de leurs intérêts respectifs ; autonomie qui n’atteint pas les domaines politiques mais qui se limite aux domaines de la vie administrative des citoyens.

6La distribution des compétences entre les différentes entités publiques conditionne très concrètement l’élaboration, la gestion, la réception et le contenu même des politiques de lutte contre l’exclusion professionnelle. Pour éclaircir cette question, nous allons, dans un premier temps, examiner comment se répartissent les compétences entre l’État et les communautés autonomes – qui dans le cadre d’un État régionalisé comme l’Espagne sont une « catégorie privilégiée des collectivités territoriales » (Gohin, 2003) –. Notre deuxième partie sera consacrée aux prérogatives des collectivités locales, qui bien que moindres, semblent se renforcer sous l’impulsion européenne en faveur d’une territorialisation des politiques sociales et des politiques d’emploi.

? L’articulation des compétences entre l’État et les communautés autonomes dans les politiques de lutte contre l’exclusion professionnelle

7À la différence des communes et des provinces, les communautés autonomes bénéficient d’une autonomie politique [8], qui selon Pierre Bon repose sur quatre points : l’accès volontaire à l’autonomie, en ce sens qu’elle est non imposée par le pouvoir central, l’élaboration d’un statut d’autonomie, l’existence d’institutions administratives mais aussi politiques, l’obtention de pouvoirs réglementaires et surtout législatifs (Bon, 1994). De ce fait, l’Espagne reconnaît aux communautés autonomes des compétences propres, déterminées et garanties au niveau constitutionnel qui se distinguent des compétences de l’État (cf. encadré 3). Cependant, en matière de lutte contre l’exclusion professionnelle bien que les compétences de chacune de ces entités soient constitutionnellement établies, il existe des imprécisions qui rendent le système complexe. Le premier organe visé par les références constitutionnelles aux pouvoirs publics est, cependant, encore l’État, il est donc le principal acteur sur le terrain de la politique de lutte contre les situations de non-emploi et ce même si les communautés autonomes se sont approprié et se sont vu reconnaître des prérogatives de plus en plus importantes.

Encadré 3 : Le cadre constitutionnel de répartition des compétences entre l’État et les communautés autonomes

• Les compétences de l’État sont établies à l’article 149 de la Constitution espagnole selon deux techniques :
  • d’une part, dans son premier paragraphe, l’article 149 dresse une liste de trente-deux matières, compétences exclusives de l’État ;
  • d’autre part, le troisième paragraphe de l’article 149 étend les compétences de l’État aux matières qui ne figurent pas dans les statuts d’autonomie des communautés autonomes.
    • Les compétences des communautés autonomes se retrouvent à trois niveaux :
  • l’article 148.1 offre une liste de vingt-deux matières dans lesquelles les communautés autonomes pourront assumer leurs compétences si elles l’ont revendiqué dans leur respectif statut d’autonomie ;
  • l’article 149.3 étend le domaine de compétences de ces communautés en considérant que les matières qui ne sont pas expressément attribuées à l’État par la Constitution (article 149.1) pourront incomber aux communautés autonomes même si ces matières ne figurent pas dans la liste des compétences que celles ci sont susceptibles d’assumer (article 148.1), à condition que ces compétences soient revendiquées dans leur statut respectif ;
  • l’article 150 permet aux communautés autonomes d’exercer des compétences qui en vertu de l’article 149.1 reviennent à l’État. Ce sont les « Cortès générales » [9] (Congrès des députés et Sénat) qui attribuent la faculté aux communautés autonomes d’édicter des normes législatives dans le cadre des principes, des bases et des directives fixés par une loi étatique. L’État lui-même peut également transférer ou déléguer aux communautés autonomes, par une loi organique, des compétences lui appartenant.
Ces compétences accessibles aux communautés autonomes doivent, pour être totalement effectives, être inscrites dans leur statut d’autonomie respectif.

La persistance du rôle central de l’État

8L’engagement de l’État en matière de lutte contre l’exclusion professionnelle varie en fonction du domaine concerné. Il semble en l’espèce que l’État garde le monopole des compétences en matière de politique d’emploi, cependant, on assiste à un affaiblissement de l’intervention étatique en matière de protection chômage.

Le monopole de l’État sur la politique de l’emploi

9L’emploi, considéré comme l’un des principes de la politique sociale et économique est invoqué à l’article 40.1 de la Constitution espagnole qui énonce que « Les pouvoirs publics créeront les conditions favorables au progrès social et économique et à une distribution du revenu régional et personnel plus équitable, dans le cadre d’une politique de stabilité économique. Ils poursuivront, en particulier, une politique orientée vers le plein emploi. » Les termes de cet article, qui a cependant le mérite de faire référence à l’emploi, sont imprécis.

10D’une part, l’utilisation du terme générique de « pouvoirs publics » ne permet pas de déterminer qu’elle est l’entité responsable de la « politique de plein emploi ». Elle peut revenir aussi bien à l’État qu’aux communautés autonomes. La répartition des compétences en la matière ne peut donc être clairement identifiée.

11D’autre part, bien que traitant d’une politique orientée vers le plein l’emploi, il n’est fait aucune référence formelle à la politique de l’emploi.

12Il n’existe en réalité aucun précepte constitutionnel traitant expressément de la politique de l’emploi et de la distribution des compétences opérée dans ce domaine. En dépit de ces imprécisions, il est possible de trouver des éléments permettant d’éclairer la question de la distribution des compétences dans le domaine des politiques d’emploi.

13En se basant sur la doctrine espagnole situant les politiques d’emploi à « l’intersection des matières économiques et sociales » (Serrano Falcon, 2004) et sur le titre VIII de la Constitution espagnole concernant « l’organisation territoriale de l’État », il nous est permis de penser que l’État est le principal acteur en matière de politiques d’emploi, principalement sur le plan législatif et de manière accessoire sur le plan exécutif.

14Le rôle dominant que joue l’État sur la législation des politiques d’emploi se justifie au regard des multiples matières qui affectent l’ensemble des politiques d’emploi et qui sont attribuées de manière exclusive à la compétence de l’État :

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  • ainsi, en vertu de l’article 149.1.7 [10] de la Constitution espagnole, l’État a, de manière exclusive, compétence en matière de législation du travail. Cette compétence en matière de législation du travail inclut l’élaboration et la mise en œuvre des normes relatives à l’emploi et au marché du travail ;
  • la planification générale de la politique économique, ses bases et sa coordination reviennent, en vertu de l’article 149.1.13 [11] de la Constitution espagnole, également, à l’État. Cela signifie que l’État pourra « planifier l’activité économique générale pour veiller aux besoins collectifs, équilibrer et harmoniser le développement régional et sectoriel et stimuler la croissance des revenus et de la richesse et leur plus juste distribution » [12] ;
  • enfin, si les politiques d’emploi se concrétisent dans des mesures d’allègement du coût du travail – bonification ou réduction des cotisations patronales à la Sécurité sociale –, la Constitution espagnole dans son article 149.1.17 [13] reconnaît une compétence exclusive à l’État dans ce domaine. En effet, responsable du régime économique de la Sécurité sociale, l’État est seul à pouvoir prendre des mesures incitant les employeurs à embaucher via la baisse des cotisations sociales.
La récente loi no 56 du 16 décembre 2003 sur l’emploi dérogeant en totalité à la loi de base sur l’emploi [14] confirme et garantit ce rôle dominant de l’État sur la législation des politiques de l’emploi. Ce texte de portée générale et historique, consacre dans son article 3 les compétences de l’État dans « la coordination de la politique de l’emploi », « l’approbation des projets de loi, l’élaboration et de l’approbation des dispositions réglementaires relatives à l’insertion sur le marché du travail, à la promotion de l’emploi, à la protection contre le chômage, à la formation professionnelle occupationnelle et continue […] ainsi que la mise à jour de ces aménagements » [15].

16Bien que l’exécution de ces différentes mesures de politique d’emploi revienne majoritairement aux communautés autonomes, il existe plusieurs hypothèses dans lesquelles l’administration de l’État contribue à l’exécution des mesures d’emploi :

  • quand, en dépit des transferts réalisés aux communautés autonomes, l’État se réserve la gestion de quelques parcelles de politiques actives d’emploi, par exemple, pour traiter de la planification ou de la coordination générale de certains programmes et actions ;
  • lorsque le cadre territorial de certaines décisions dépasse le cadre régional ;
  • pour les matières non assumées par les communautés autonomes dans leur statut d’autonomie respectif ;
  • en ce qui concerne la surveillance du fonctionnement de l’Administration autonome fonction qui est, constitutionnellement, attribuée de manière exclusive à l’État.
En outre, la nouvelle loi sur l’emploi organise un Système national de l’emploi qu’elle définit comme « l’ensemble des structures, mesures et actions nécessaire à la promotion et au développement de la politique de l’emploi » [16]. Ce système se compose du Service public de l’emploi étatique – substitué à l’Institut national de l’emploi (INEM) [17] - et des services publics de l’emploi des communautés autonomes. Dans sa volonté de définir clairement le Système national de l’emploi, la loi précise les fonctions exécutives qui reviennent à l’État par le biais du Service public de l’emploi étatique. Ainsi, l’article 10 de la loi précise que le Service public de l’emploi étatique est l’organisme autonome de l’Administration générale de l’État chargé de l’aménagement, du développement et du suivi des programmes et mesures de la politique de l’emploi. Il revient donc à l’État d’autres compétences que des compétences législatives, l’article 13 qui fixe les compétences du Service public de l’emploi étatique précise que dans les compétences de gestion et de contrôle données à l’État, figurent la gestion des programmes financiers, la gestion et le contrôle des prestations chômage et, enfin, la gestion des politiques actives de l’emploi en cas d’absence de transfert de ces compétences aux communautés autonomes.
Les pouvoirs de l’État se centrent donc, encore, prioritairement sur les fonctions législatives, il garde ainsi le contrôle général du cadre d’élaboration des politiques d’emploi, mais détient également le monopole de la législation portant sur le système de protection chômage. Cependant on assiste à une progressive limitation du rôle de l’État dans la mise en œuvre de ce droit à une « protection chômage ».

L’affaiblissement du rôle de l’État en matière de protection chômage

17En Espagne, le système de protection chômage est inclus dans le régime de Sécurité sociale par l’article 41 de la Constitution espagnole qui prévoit que « Les pouvoirs publics assureront un régime public de Sécurité sociale pour tous les citoyens qui garantira une assistance et des prestations sociales suffisantes dans les cas de nécessité, tout particulièrement en ce qui concerne le chômage. […] ».

18Or en l’espèce, l’article 149.1.17 [18] de la Constitution espagnole précise que l’État dispose de compétences exclusives sur la législation et le régime économique de la Sécurité sociale. Aussi, la protection chômage s’est construite comme une tâche exclusivement étatique, dans laquelle l’État a pleinement assumé la législation et a monopolisé la gestion.

19L’architecture du système d’indemnisation chômage relève de la législation de 1984. Inspirée des modèles européens majoritairement dualistes, la loi no 31 du 2 août 1984 reconnaît l’existence d’un niveau contributif qui correspond à l’allocation chômage et d’un niveau d’assistance complémentaire qui correspond à l’allocation chômage. Bien que déjà modifié à plusieurs reprises – en 1989 [19], en 1992 [20] et en 1993 [21] et en 2002 [22] –, le régime de protection chômage se construit toujours suivant le même schéma :

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  • un niveau contributif qui établit précisément la situation légale de chômage (perte involontaire d’emploi) et la durée minimum de cotisation (six mois au cours des quatre dernières années) ouvrant droit à indemnisation dont la durée varie de trois à vingt-quatre mois maximum et dont le montant diminue progressivement ;
  • un niveau d’assistance qui garantit une protection aux travailleurs sans emploi ayant épuisé leurs droits à indemnisation et se trouvant dans une situation de nécessité économique résultant du chômage.
L’État, en vertu des compétences financières et de gestion qui lui étaient alors reconnues en la matière, a confié à l’INEM la gestion de la politique nationale de l’emploi. Cet organisme illustrait l’étendue des compétences de l’État en matière d’insertion professionnelle, puisqu’il remplissait de nombreuses fonctions, parmi lesquelles la gestion et le contrôle des prestations de chômage, de placement des demandeurs d’emploi, la politique de formation des travailleurs à travers des actions de perfectionnement, de reconversion professionnelle… et, enfin, la gestion et le contrôle des subventions et des aides pour la promotion et la protection de l’emploi et, de manière générale, de toute action menant à une politique active d’emploi.

21Cependant depuis le début des années quatre-vingt-dix, les fonctions de protection chômage de l’État ont été progressivement et profondément amputées. Avec la perte du monopole de placement de l’INEM [23] et avec le transfert aux communautés autonomes de nombreuses compétences concernant l’insertion professionnelle des chômeurs (comme nous le verrons ultérieurement), le rôle de l’État en matière de protection chômage se réduit aujourd’hui à la seule fonction d’indemnisation.

22La loi du 16 décembre 2003 sur l’emploi confirme cette tendance. Dans sa volonté de clarifier le cadre d’existence des politiques d’emploi et de lutte contre le chômage, le rôle de l’État en matière de protection chômage a été précisé. Ainsi, en vertu de l’article 3 et 13. h de la loi, les fonctions qui reviennent à l’État en matière de protection chômage correspondent aujourd’hui à l’élaboration et l’approbation des dispositions réglementaires ainsi qu’à la gestion et au contrôle des prestations chômage.
Le rôle de l’État en matière de protection chômage a donc été fortement limité mais cela n’affecte cependant pas sa mission législative ; il n’en demeure pas moins que les compétences de l’État ont été extraordinairement réduites par une décentralisation profonde en faveur des communautés autonomes, qui se voient reconnaître des prérogatives de plus en plus importantes.

L’intervention croissante des communautés autonomes

23Les compétences attribuées par la Constitution espagnole aux communautés autonomes en matière de lutte contre l’exclusion professionnelle ont été historiquement construites dans le champ des politiques d’assistance – et limitées à celles-ci –. Les dispositifs de revenu minimum d’insertion (RMI) en sont l’illustration la plus aboutie. Cependant aujourd’hui, on assiste à une décentralisation de la gestion de certaines autres compétences qui empiètent sur le champ des politiques d’emploi.

Le revenu minimum d’insertion, une exclusivité régionale

24Bien que l’article 41 de la Constitution espagnole contraigne les pouvoirs publics à garantir « une assistance et des prestations sociales suffisantes dans les cas de nécessité », l’État n’a pas envisagé la possibilité d’inclure l’assistance sociale dans le cadre des droits non contributifs de la Sécurité sociale. Ainsi, en l’absence d’une intervention étatique face aux problèmes de pauvreté et d’exclusion, les communautés autonomes ont pris l’initiative de garantir ce droit à l’assistance en instaurant des dispositifs de revenu minimum d’insertion. La création des dispositifs de RMI résulte donc de la prise de conscience des imperfections du système étatique de protection sociale face aux nouveaux défis que posent les nouvelles formes de précarité et d’insécurité sociale.

25Chaque communauté autonome, en vertu des compétences en matière d’assistance sociale qui leur sont reconnues par la Constitution espagnole (article 148.1.20) [24] assume les compétences exclusives dans ce domaine afin d’instaurer des dispositifs de RMI. L’instauration du RMI a ainsi pris « la forme d’une mosaïque » (Estivill, 1991).

26La communauté autonome du Pays basque a été la première à prendre l’initiative en la matière en créant par décret no 39 du 28 février 1989 le revenu minimum familial (« el ingreso minimo familial »). L’adoption de ce premier dispositif de RMI, élément d’un plan plus global de lutte contre la pauvreté (« Plan integral de lucha contra la pobreza ») au Pays basque, a eu un indéniable écho au sein des autres communautés autonomes. Ainsi, entre 1989 et 1992, la majeure partie des communautés autonomes ont décidé l’instauration de dispositifs de type RMI, sous diverses dénominations : « salario social », « renta minima de inserción » ou « ingreso minimo de inserción » (cf. tableau 1).

Tableau 1

Chronologie de la mise en œuvre des dispositifs RMI dans les différentes communautés autonomes 1

Tableau 1
Communauté autonome Dénomination Date de création Cadre légal Pays basque Ingreso Mínimo Familiar Février 1989 Décret 39/1989 du 28 février : Plan intégral de lutte contre la pauvreté (Plan Integral de Lucha contra la Pobreza) Cantabrie Ayuda a la Necesidad Familiar Mai 1989 Décret 40/1989 du 17 mai : Plan cantabre d’aide aux besoins familiaux (Plan Cántabro de Ayuda a la Necesidad Familiar) Catalogne Renda Mínima d ’Inserció Mai 1990 Décret 144/90 du 28 mai 1990 : Programme interdépartemental de revenus minimaux d’insertion (Programa Interdepartamental de Rentas Mínimas de Inserción) La Rioja Ingreso Mínimo de Inserción Juin 1990 Décret 68/1990 du 7 juin : Revenu minimum d’insertion (Ingreso Mínimo de Inserción) Navarre Renta Básica Juin 1990 Décret 169/1990 du 28 juin : régulation des prestations et aides individuelles et familiales (Regulacion de las Prestaciones y Ayudas Individuales y Familiares) Castille et León Ingreso Mínimo de Inserción Juillet 1990 Décret 132/1990 du 12 juillet : Revenu minimum d’insertion (Ingreso Mínimo de Inserción) Madrid Ingreso Madrileño de Integración Juillet 1990 Décret 73/1990 du 19 juillet : Revenu madrilène d’intégration (Ingreso Madrileño de Integración) Valence Prestaciones Económicas Regladas Juillet 1990 Décret 132/1990 du 23 juillet : Plan de mesures d’insertion sociale (Plan de Medidas de Inserción Social) Estrémadure Ingreso Mínimo de Integración Juillet 1990 Décret 66/1990 du 31 juillet : aides pour l’intégration des personnes en situation d’urgence sociale (Ayudas para la Integración en Situaciones de Emergencia Social) Andalousie Ingreso Mínimo de Solidaridad Novembre 1990 Décret 400/1990 du 27 novembre : Programme de solidarité des Andalous pour l’élimination de la marginalisation et des inégalités (Programa de Solidaridad de los Andaluces para la erradicación de la marginación y la desigualdad) Castille-La Manche Ayuda economica y Ayuda de Inserción Décembre 1990 Décret 141/1990 du 18 décembre : Plan régional de solidarité (Plan Regional de Solidaridad) Murcie Ingreso Mínimo de Inserción Janvier 1991 Décret 1/1991 du 10 janvier : Plan régional d’insertion sociale (Plan Regional de Inserción Social) Asturies Ingreso Mínimo de Inserción Avril 1991 Loi 6/1991 du 5 avril : régulation du revenu minimum d’insertion (Regulación del Ingreso Mínimo de Inserción) Galice Renda de Integración Social Octobre 1991 Loi 9/1991 du 2 octobre : mesures de base pour l’insertion sociale (Medidas Básicas para la Inserción Social) Canaries Ayudas Económicas Básicas Juillet 1992 Décret 133/1992 du 30 juillet : aides économiques de base (Ayudas Económicas Básicas) Aragon Ingreso Aragonés de Inserción Février 1993 Loi 1/1993 du 19 février : mesures de base d’insertion et de normalisation sociale (Medidas basicas de inserción y normalización social) Baléares Salario social Avril 1995 Décret 36/1995 du 6 avril : support transitoire communautaire (Soporte Transitario Comunitario) 1 La plupart de ces dispositifs ont été, depuis leur instauration, modifiés et/ou remplacés.

Chronologie de la mise en œuvre des dispositifs RMI dans les différentes communautés autonomes 1

27D’une certaine façon, on peut estimer que les communautés autonomes ont suivi les exemples du Luxembourg et de la France en se dotant d’un revenu minimum de « deuxième génération », dans lequel la relation entre la perception de la prestation de revenu minimum et l’accès à des mesures complémentaires d’insertion sociale et professionnelle est essentielle (Garcia Romero, 1999 ; Laborde, 1988 ; Rojo Torrecilla, 1991).

28Partant du domaine assistantiel qui leur est maintenant « réservé » et sur la base des responsabilités confiées par la Constitution espagnole aux communautés autonomes dans la mise enœuvre des normes étatiques [25], une décentralisation étendue de la gestion de certaines compétences en matière de politique d’emploi s’est produite faisant des communautés autonomes un acteur de plus en plus important dans la lutte contre l’exclusion professionnelle.

Le rôle émergent des communautés autonomes en matière de politique d’emploi

29La Constitution espagnole n’attribue pas aux communautés autonomes de compétences formelles en matière de politique d’emploi, mais, celles-ci ont commencé à développer, dans le cadre de leur politique économique et sociale, des mesures relatives à l’emploi ainsi qu’à la lutte contre le chômage.

30On peut trouver divers fondements à l’intervention des communautés autonomes dans un domaine « appartenant » en principe à l’État.

31Tout d’abord, les communautés autonomes, en vertu des articles 149.1.7 et 149.1.17 de la Constitution espagnole, ont l’obligation d’assurer l’application de la législation du travail et la mise en œuvre des services de la Sécurité sociale. Ces compétences, fixées dans leurs statuts d’autonomie après transfert exprès de l’État, sont toutefois limitées aux actions de gestion, d’administration, d’application des normes étatiques.

32Par ailleurs, les communautés autonomes peuvent se voir assigner certaines compétences législatives – et, évidemment, exécutives – en matière de politiques d’emploi sur la base de leur responsabilité dans la promotion du développement économique de leur territoire, dans les limites des objectifs prévus par la politique économique nationale [26]. Une telle situation sur le plan normatif, permet aux communautés autonomes non seulement de développer des actions propres à leur territoire mais aussi, en même temps, de récupérer une partie des fonctions de l’État. Ces fonctions qui étaient initialement assumées de manière conjoncturelle et indirecte par les communautés autonomes [27] se sont développées et généralisées dans la seconde moitié des années quatre-vingt-dix. On a, ainsi, assisté à un processus de cession aux communautés autonomes des compétences d’exécution en matière d’emploi, traditionnellement exercées par l’État.
Ce processus de transfert des compétences s’est fait en plusieurs temps :

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  • au moyen d’accords négociés au cas par cas [28], certaines compétences étatiques ont été transférées aux communautés autonomes. Ce changement s’est initié en Catalogne avec le transfert – en application du décret no 1577 du 18 octobre 1991 – des compétences de gestion des programmes de formation professionnelle s’adressant aux chômeurs ;
  • ces transferts de compétences se sont rapidement élargis à d’autres communautés autonomes et ont couvert d’autres matières. Ainsi, certaines communautés autonomes ont également profité de la base légale offerte par le décret no 735 du 5 mai 1995 relatif aux agences de placement à but non lucratif, pour solliciter de l’INEM l’autorisation de se constituer en agences de placement ;
  • le cumul de transferts de compétences a abouti à la signature, en 1997, d’accords de transfert de la gestion des fonctions de l’INEM en matière de politique active de l’emploi. Dans ce cadre, toutes les communautés autonomes signataires (sauf le Pays basque) ont pu créer leur propre Service public de l’emploi. Ces nouvelles missions ont permis l’adoption par les communautés autonomes de mesures spécifiques en matière d’emploi. En ce sens, elles ont progressivement mis en œuvre des mesures incitant l’embauche de travailleurs en situation de chômage par divers stimulants économiques favorisant la création d’entreprises, le lancement de nouvelles activités professionnelles et « l’auto-emploi ».
La loi du 16 décembre 2003 sur l’emploi, institutionnalise cette décentralisation des compétences de gestion de la politique de l’emploi en précisant le cadre de compétences des communautés autonomes.
Ainsi, l’article 3 de cette loi reconnaît certaines prérogatives aux communautés autonomes :

34

  • le paragraphe 2 attribue des compétences aux communautés autonomes, pour la mise en œuvre de la politique de l’emploi, le développement de l’emploi et l’exécution de la législation du travail, ainsi que pour les programmes et mesures qui leur ont été transférés, dans le cadre de leur territoire ;
  • le paragraphe 3 reconnaît aux communautés autonomes la possibilité d’élaborer leurs propres plans régionaux pour l’emploi, à condition qu’ils restent conformes au cadre européen et national.
L’article 17 de la même loi confie la responsabilité de l’exercice de ces compétences aux services publics de l’emploi des communautés autonomes qui en collaboration avec le Service public de l’emploi étatique constitue le Système national de l’emploi.
Cette loi qui consacre les compétences des communautés autonomes en matière de politique d’emploi, apporte un éclaircissement fort sur l’organisation territoriale de l’emploi et inscrit l’Espagne dans une réelle politique de décentralisation qui se retrouve également au niveau local. Bien que déjà reconnues par la Constitution espagnole de 1978, les collectivités locales (cf. encadré 2) se voient, sous l’influence de l’Union européenne, reconnaître des initiatives nouvelles.

? La tendance à un approfondissement de la politique de territorialisation

35La politique européenne de recherche de proximité locale, qui se veut garante d’une meilleure efficacité, favorise en Espagne la réalisation du processus de « seconde décentralisation » (Aragón, Rocha, 2003) qui déplace les enjeux de la décentralisation du régional au local. Nous présenterons donc cette politique européenne de territorialisation, avant d’en analyser les retombées sur les politiques locales menées en Espagne.

La politique européenne de territorialisation

36Dès le début, la stratégie européenne pour l’emploi a promu le développement d’une dimension territoriale des politiques de lutte contre l’exclusion professionnelle. Ainsi parmi les lignes directrices développées depuis le Conseil européen de Luxembourg de 1997 figure la politique de territorialisation qui vise à renforcer le rôle et les initiatives des acteurs locaux dans l’objectif d’adapter l’offre de services aux besoins locaux et de rapprocher les bénéficiaires des politiques publiques.

L’impulsion européenne en faveur des initiatives locales

37Selon Laurent Gardin et Jean-Louis Laville, cette volonté européenne de favoriser l’essor des initiatives locales s’explique à la fois « par une montée des taux de chômage qui demande de trouver de nouveaux emplois et par la croissance de la demande sociale pour de nombreux services, peu ou mal couverts » (Gardin, Laville, 2000), mais aussi par le fait que le développement rapide de la stratégie européenne pour l’emploi inscrite dans le traité d’Amsterdam ne pourra se réaliser « qu’avec la participation des acteurs régionaux et locaux » (Commission européenne, 1999).

38Alors que la stratégie européenne pour l’emploi (SEE) reposait depuis 1997 essentiellement sur les efforts déployés au niveau européen et national, celle adoptée en janvier 2003, nommée « une stratégie pour le plein emploi et des emplois de meilleure qualité pour tous », a proposé un contenu rénové des futures orientations communautaires : elle s’articule autour du plein emploi, de la qualité et de la productivité du travail, de la cohésion sociale et de l’insertion. Le renforcement de la cohésion sociale passe par une réduction des disparités régionales en termes d’emploi et de chômage en développant le potentiel local d’emploi, en encourageant le partenariat avec tous les acteurs concernés et en investissant dans les régions en retard de développement.

39Le soutien européen aux initiatives locales pour l’emploi se reflète dans l’existence du Fonds structurel de l’Union européenne. Cet instrument financier de la politique de cohésion économique et sociale de l’Union européenne joue un rôle particulier en faveur du développement économique local, principalement par le biais du Fonds social européen (FSE) et du Fonds européen de développement régional (FEDER). Ces fonds proposent des subventions favorisant des mesures visant à promouvoir et à soutenir les initiatives locales en matière de développement et d’emploi. C’est le cas des « pactes territoriaux pour l’emploi » que le Conseil des chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne réunis à Florence en 1996 a décidé de promouvoir dans certaines régions et villes. Ces pactes sont de natures diverses, mais l’objectif reste commun, il s’agit de susciter un large partenariat régional ou local afin de réaliser des actions et des mesures exemplaires en faveur de l’emploi. Les mesures en faveur de l’emploi appelées « initiatives locales d’emploi » illustrent également cette tendance. Forgées dans le cadre local, elles supposent la mise en œuvre par les collectivités locales de programmes d’activités et de services d’intérêt général ou social, qui considérés comme une première phase d’insertion professionnelle et qui combinent généralement la formation avec le travail. L’organisation d’activités de formation et de spécialisation professionnelle, orientées spécialement vers les groupes de populations avec de grandes difficultés pour s’intégrer dans les circuits ordinaires de l’embauche, ainsi que les actions ordinaires de la politique de l’emploi sont aussi des tâches habituelles de ces collectivités.

L’objectif de proximité et de coordination

40L’objectif visé est de faire émerger les difficultés concrètes et réelles de l’emploi à partir de diagnostics locaux pour mobiliser toutes les ressources disponibles afin d’amener les acteurs à être porteurs de projets communs répondant au plus près des besoins des citoyens.

41L’action de proximité qui découle de la politique de territorialisation s’attache non seulement à être le plus fortement en phase avec les besoins locaux mais aussi à prendre en compte les besoins individuels des demandeurs d’emploi. Le cadre local doit permettre une identification plus précise des nécessités sociales ou des activités d’intérêt général et social qui peuvent agir comme « pépinières » d’emploi. L’idée ici est de recenser les informations sur les marchés locaux du travail tant sur les caractéristiques de l’offre que de la demande afin d’identifier les besoins.

42Dans le cadre d’un pays comme l’Espagne, qui se caractérise par une grande diversité territoriale et où l’on constate de fortes inégalités sur le territoire, il est important de pouvoir cibler les zones en difficulté afin de répondre de manière souple et adaptée à la situation locale.

43Cette stratégie d’identification des besoins locaux répond ainsi à une volonté de rapprocher la décision du citoyen, en vue d’une meilleure adaptation des politiques sociales à ses attentes. Cette idée rejoint un aspect de la politique d’individualisation qui vise à prendre en compte les besoins des personnes en situation d’exclusion professionnelle pour leur offrir des services adéquats.

44Cependant, cette politique de territorialisation ne peut se réaliser qu’à condition de s’insérer dans un processus plus général de coordination et de coopération entre les différents acteurs, qui implique les autorités locales, régionales, nationales et communautaires et qui s’accompagne d’une expérimentation et d’un échange de bonnes pratiques.

L’impact du principe européen de territorialisation sur les politiques locales espagnoles

45La puissance des régions, notamment sur le plan financier, rend difficile l’exercice réel de l’autonomie locale, cependant, en Espagne, le principe de décentralisation reconnaît également au niveau local un certain nombre de prérogatives complémentaires, traditionnellement en matière sociale et de manière plus récente en matière d’emploi.

La place complémentaire des collectivités locales en matière sociale

46L’État espagnol reconnaît l’existence territoriale de collectivités locales – les communes et les provinces –. Leur existence est constitutionnellement posée, mais leur autonomie est simplement administrative et non politique. Il existe, tout de même, un droit d’intervention aux entités locales qui « jouissent d’une autonomie pour la gestion de leurs intérêts respectifs » [29] (cf. encadré 3). Les compétences des collectivités locales sont déterminées, de manière générale, par une loi étatique : la loi de base du régime local no 7 du 2 avril 1985. Cette loi ne donne aucune compétence législative aux collectivités locales. Leur marge d’activité est donc étroite.

47Cependant, il est prévu une série de fonctions propres aux entités locales dans le domaine des services sociaux [30] qui concernent de manière directe la lutte contre l’exclusion. Les services sociaux se limitent au public des personnes âgées comme le stipule l’article 50 de la Constitution espagnole [31]. Cet article impose aux pouvoirs publics, d’une part, le versement de pensions aux personnes âgées afin de couvrir leurs besoins économiques et, d’autre part, l’octroi de prestations en nature leur assurant un certain bien-être et répondant aux problèmes spécifiques qu’ils peuvent rencontrer en terme de santé, de logement, de culture et de loisirs.

48Cependant, progressivement l’action des services sociaux s’est étendue à d’autres groupes en difficulté : jeunes, femmes, handicapés, immigrés.

49Les services sociaux ne font partie ni de la liste des compétences exclusives de l’État qu’énumère l’article 149.1 de la Constitution espagnole, ni des compétences possibles des communautés autonomes inscrites à l’article 148 de la Constitution espagnole. Il existe donc en la matière un authentique vide juridique dont se sont emparées les différentes entités publiques espagnoles :

  • on retrouve donc les services sociaux intégrés dans la législation de la Sécurité sociale qui relève des compétences de l’État. L’article 53 et 54 du décret législatif no 1 du 20 juin 1994 réformant la loi générale de Sécurité sociale justifie son existence comme complément aux prestations de Sécurité sociale. Dans ce cas, il s’agit de prestations en nature concédées à deux collectifs spécifiques, le troisième âge et les personnes handicapées ;
  • les communautés autonomes ont également inscrit les services sociaux dans la liste de leurs attributions, au titre de l’article 149.3 de la Constitution espagnole qui leur donne la possibilité d’exercer leurs compétences sur « Les matières qui ne sont pas expressément attribuées à l’État par la Constitution […] » ;
  • enfin, les collectivités locales, et principalement les communes, se sont, en vertu de la loi de base du régime local, attribuées elles aussi, des compétences qui affectent de manière directe la lutte contre l’exclusion.
D’une part, l’article 25.2 [32] de cette loi prévoit, en effet, une série de fonctions dans le domaine des services sociaux dont la compétence revient aux communes. Celles-ci doivent mettre en place des prestations minimales de services sociaux, de promotion et de réinsertion sociale. Cela inclut l’adoption de nombreuses mesures d’intervention sociale, mesures publiques destinées à l’ensemble de la collectivité. Il s’agit en réalité de prestations économiques, mais aussi de prestations en nature destinées à compléter les systèmes de Sécurité sociale et d’assistance sociale.

50D’autre part, les collectivités locales se voient reconnaître des compétences à deux autres titres :

  • l’article 27.1 [33] pour les communes et l’article 37 [34] pour les provinces prévoient la possibilité d’assumer dans les cas précis de transfert de compétences, les fonctions propres à l’État, aux communautés autonomes ou à d’autres entités locales dans des domaines qui touchent leurs intérêts locaux ;
  • les communes bénéficient de compétences complémentaires leur permettant d’« effectuer toute autre activité complémentaire à leurs compétences propres » [35]. Ces attributions de nouvelles compétences se feront au cas par cas dans des domaines qui affectent leurs intérêts propres, et donc également dans le domaine de l’action sociale.
Les activités des collectivités locales dépendent du domaine concerné, si elles sont relativement ancrées en matière sociale, elles sont réduites et récentes en matière de politiques d’emploi. C’est sous l’influence de la politique européenne de territorialisation qu’elles ont pris une dimension nouvelle.

Le renforcement des actions locales en matière d’emploi

51Les compétences des collectivités locales en matière de politique d’emploi sont, en principe, inexistantes, la Constitution espagnole ne leur reconnaît en effet aucune compétence en la matière.

52Il existe néanmoins un programme original qui a été adopté en 1988 [36] et qui reconnaît un certain rôle aux collectivités locales. Il s’agit des programmes publics d’« écoles-ateliers » (Escuelas taller) et de « maisons des métiers » (Casas de oficio). L’objectif de ces programmes, toujours en vigueur, est d’assurer la qualification professionnelle des jeunes chômeurs de moins de 25 ans par un système d’alternance entre formation et emploi. L’aspect novateur de ces programmes est qu’ils incluent les collectivités locales dans l’ensemble des entités promotrices. Ainsi, au même titre que les organes administratifs étatiques, régionaux et autres institutions publiques et privées à but non lucratif, les collectivités locales s’investissent pour embaucher des élèves tout en leur offrant une formation en alternance dans des secteurs précis d’intérêt social : restauration, réhabilitation, promotion du patrimoine artistique, culturel, historique et environnemental, ainsi que rénovation et amélioration des infrastructures publiques. Cette mesure importante qui concernait uniquement les jeunes fut élargie en 1999 aux chômeurs âgés de plus 25 ans avec la création des « ateliers-emploi » (Talleres de empleo) [37] qui combinent des actions alternant formation et emploi d’intérêt général et social au sein d’entités publiques ou privées sans but lucratif, dont les collectivités locales.

53Par le biais de ces programmes, les collectivités locales bénéficiaient déjà depuis la fin des années quatre-vingt, un rôle promoteur dans les politiques d’emploi. Cependant, le rôle des collectivités locales a évolué sous l’influence de la politique européenne de territorialisation qui a permis de reconnaître de nouvelles responsabilités aux entités locales dans le cadre des politiques d’emploi. En effet, la politique européenne de territorialisation [38] a progressivement été reprise par chacun des pays membres, dont l’Espagne, dans l’objectif de favoriser les initiatives locales de développement et d’emploi.

54Ainsi, les plans nationaux d’action pour l’emploi (PNAE) d’Espagne confirment cette volonté de répondre aux attentes de l’Union européenne en terme de politique de lutte contre les disparités régionales par la mise en œuvre de mesures favorisant la création d’emploi à l’échelon local et de dispositions spécifiques visant à faciliter la participation des partenaires locaux.

55Par ailleurs, la loi de l’emploi de 2003, simplifiant le schéma de distribution territoriale des compétences, consacre également le rôle des collectivités locales en matière d’emploi.

56Ainsi l’article 4, relatif à « la dimension locale de la politique de l’emploi », précise que conformément aux attentes européennes, il est nécessaire de répondre aux besoins du territoire afin de favoriser les initiatives engendrant des créations d’emplois au niveau local. Les collectivités locales se voient donc reconnaître des compétences générales dans l’exécution des programmes et mesures de politique active de l’emploi.

57Dans le cadre de cette nouvelle loi de l’emploi, les mesures favorisant l’émergence de puits d’emploi restent à la charge des communautés autonomes mais cette fois la collaboration des collectivités locales est officialisée. Les actions locales en faveur de l’emploi et du développement local sont développées en partenariat ou avec le soutien financier d’autres entités publiques. En effet, une grande partie du financement provient des programmes de formation et d’emploi soutenus par les instruments financiers de la Communauté européenne (Fonds social européen, etc.), ou directement de l’État espagnol et de ses communautés autonomes.
Dans ce cadre de coopération, les collectivités locales peuvent être acteurs de nombreuses mesures visant à :

58

  • permettre l’implantation d’entreprises dans leur territoire par le biais de réduction des charges fiscales ;
  • favoriser l’embauche et l’auto-emploi par des subventions et de l’assistance technique ;
  • intervenir dans certaines initiatives nationales ou régionales en souscrivant une convention de collaboration avec le Service public d’emploi correspondant ou en rejoignant le Service intégré pour l’emploi ;
  • constituer leurs propres agences de placement ;
  • réaliser des actions de formation professionnelle qui associent plusieurs objectifs, la formation, la réalisation d’activités d’utilité sociale.
Bien que le rôle des collectivités locales, en matière de politique d’emploi, soit encore faible en raison de leurs compétences et de leurs disponibilités financières assez limitées. Il existe certaines actions ou mesures de politique d’emploi qui cadrent avec la gestion au niveau local, précisément celles dans lesquelles une délimitation préalable des secteurs ou des groupes sociaux en situation marginale d’exclusion sociale ou avec des difficultés spéciales d’insertion professionnelle est nécessaire. Dans ce sens, la démarche européenne de territorialisation a permis d’insuffler un nouveau rôle aux entités locales dans le cadre de la lutte contre l’exclusion professionnelle.

? Conclusion

59L’intervention socio-économique des communautés autonomes et des collectivités locales en Espagne se concrétise dans des activités diverses, dont la mise en œuvre dépend fortement du niveau de ressources disponibles. En ce sens, il est nécessaire de souligner que le phénomène des initiatives de développement territorial en Espagne ne suit pas un modèle unique. De fait, les réponses des collectivités territoriales aux défis émergents dans ce cadre sont très variées et en aucun cas homogènes. Ces réponses reprennent, en effet, la diversité de la carte régionale et locale espagnole dans ses aspects géographiques, démographiques, économiques, sociaux et culturels.

60La complexité du système espagnol de répartition des compétences a, cependant, été profondément réduite par la loi de l’emploi de 2003 qui constitue un élément important dans l’histoire des politiques d’emploi. Conscient des évolutions institutionnelles et politiques du pays, le législateur espagnol a souhaité, par cette loi, consacrer la politique de décentralisation qui s’était progressivement intensifiée par le transfert aux collectivités territoriales de fonctions et services nouveaux. L’organisation territoriale des compétences en matière d’emploi, ainsi clairement définie, a permis de déterminer les marges de manœuvres des acteurs aux niveaux national, régional et local en désamorçant dans une certaine mesure les conflits liés aux enjeux, financiers et de pouvoir, de la conquête de nouvelles prérogatives.

61Cette nouvelle loi de l’emploi permet également une coexistence plus facile de programmes en faveur de la lutte contre l’exclusion professionnelle à l’initiative de l’État, des régions ou encore des collectivités locales. Ainsi la politique de l’Union européenne en faveur d’une « territorialisation des politiques d’emploi », lorsqu’elle est intégrée dans une démarche de coordination et de coopération, devient un instrument fort en faveur de la lutte contre l’exclusion professionnelle.
En cela, ces initiatives coordonnées peuvent participer plus efficacement à un modèle de développement intégrant les objectifs de cohésion sociale et de participation citoyenne. Cette réflexion sur l’apport de la territorialisation des politiques de lutte contre l’exclusion professionnelle se retrouve d’ailleurs dans nombreux États membres de l’Union européenne parmi lesquels figure la France qui malgré sa tradition d’un système politique « centralisé » opère un certain nombre de réformes allant dans le sens d’une décentralisation des initiatives en matière de lutte contre l’exclusion professionnelle.

Annexe : Taux d’activité et taux de chômage en Espagne par régions en 2002
tableau im2
Taux d’activité Taux de chômage Espagne 53,8 11,1 Andalousie 52,4 19,0 Aragon 50,1 5,6 Asturies 44,5 10,4 Baléares 60,2 6,7 Canaries 56,8 11,1 Cantabrie 50,7 9,7 Castille et León 49,2 10,7 Castille-La Manche 49,8 9,2 Catalogne 57,7 9,2 Estrémadure 50,0 18,6 Galice 51,0 11,9 La Rioja 52,8 7,3 Madrid 56,2 6,7 Murcia 54,4 11,3 Navarre 54,6 5,1 Pays basque 54,3 9,3 Valence 56,0 10,5 Source : MTAS, Boletín de Estadísticas Laborales, procedentes de la EPA, INE.

Notes

  • [*]
    Doctorante en droit social, université Montesquieu Bordeaux IV (Comptrasec) et université d’Alcalá (Madrid).
  • [1]
    Entre 2002 et 2003, le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté de près de 1,5 %. Soit un taux de chômage en 2002 de 11,4 %, ce qui représente une augmentation de 226 400 personnes et en 2003, 11,3 % soit de 8 900 chômeurs en plus.
  • [2]
    Données publiées par Eurostat, l’Office statistique des Communautés européennes : http://epp.eurostat.cec.eu.int/pls/portal/docs/PAGE/PGP_PRD_CAT_PREREL/PGE_CAT_PREREL_YEAR_2005/PGE_CAT_PREREL_YEAR_2005_MONTH_02/3-01022005-FRAP.PDF
  • [3]
    Le Tribunal constitutionnel qualifie lui-même l’État espagnol d’« État des autonomies » ou d’« État autonomique » : cf. sentence 100/1984.
  • [4]
    Article 2 de la Constitution espagnole (pour une traduction de la Constitution espagnole, cf. : http://www.constitucion.es/constitucion/lenguas/frances.html).
  • [5]
    Article 137 de la Constitution espagnole précise en effet que « L’État se compose, dans son organisation territoriale, de communes, de provinces et des communautés autonomes qui seront constituées. Toutes ces entités jouissent d’une autonomie pour la gestion de leurs intérêts respectifs ».
  • [6]
    Ce niveau maximum de compétences leur est reconnu par l’article 149-2 de la Constitution espagnole qui énonce que « Les matières qui ne sont pas expressément attribuées à l’État par la Constitution pourront incomber aux communautés autonomes, conformément à leurs statuts respectifs. »
  • [7]
    « Au terme d’une période de cinq ans et par la révision de leurs statuts, les communautés autonomes pourront étendre successivement leurs compétences dans le cadre établi à l’article 149 ».
  • [8]
    Le Tribunal constitutionnel, devant l’ambiguïté de l’article 137 de la Constitution espagnole, affirme que l’autonomie des communautés autonomes est supérieure à l’autonomie administrative des collectivités locales puisqu’il s’agit d’une autonomie politique : cf. sentences 4/1981 et 25/1981.
  • [9]
    Équivalent en France au Parlement.
  • [10]
    Article 149.1.7 de la Constitution espagnole : « L’État jouit d’une compétence exclusive dans les matières suivantes : […] La législation du travail, sans préjudice de son application par les organes des communautés autonomes. »
  • [11]
    Article 149.1.13 de la Constitution espagnole : « L’État jouit d’une compétence exclusive dans les matières suivantes : […] Les bases et la coordination de la planification générale de l’activité économique. »
  • [12]
    Article 131.1 de la Constitution espagnole.
  • [13]
    Article 149.1.17 de la Constitution espagnole : « L’État jouit d’une compétence exclusive dans les matières suivantes : […] La législation fondamentale et le régime économique de la Sécurité sociale, sans préjudice de la mise en œuvre de ses services par les communautés autonomes. »
  • [14]
    Loi no 52 du 8 octobre 1980 intitulée « Ley Basica » de l’emploi était jusqu’à lors le principal cadre légal de la politique d’emploi.
  • [15]
    « En el ambito estatal corresponde al Estado […], la coordinacion de la politica de empleo. […] la abrobacion de los proyectos de normas con rango de ley y la elaboracion y aprobacion de las disposiciones reglamentarias en relacion con la intermediacion y colocacion en el mercado de trabajo, fomento del empleo, proteccion por desempleo, formacion prfesional ocupacional y continua […], asi como el desarollo de dicha ordenacion ».
  • [16]
    Article 5 : « Se entiende por Sistema Nacional de Empleo el conjunto de estructuras, medidas y acciones necesarias para promover y desarrollar la politica de empleo. […] ».
  • [17]
    L’INEM est une personne morale de droit public placée sous la tutelle du ministère du Travail et des Affaires sociales ; il a été créé en 1978 par le décret no 36 du 16 novembre 1978.
  • [18]
    « L’État jouit d’une compétence exclusive dans les matières suivantes : […] 17. La législation fondamentale et le régime économique de la Sécurité sociale, sans préjudice de la mise en œuvre de ses services par les communautés autonomes. »
  • [19]
    Décret-loi no 3 du 31 mars 1989 a pour objectif de « colmater » les effets négatifs de l’utilisation croissante des différentes modalités d’emplois temporaires. Ce décret élargit donc la couverture chômage dans sa dimension assistantielle à de nouvelles catégories et tout particulièrement aux chômeurs de longue durée âgés de plus de 45 ans et de 52 ans.
  • [20]
    Les conséquences en terme de coût public de la forte augmentation du nombre des chômeurs contraignent le gouvernement à tenter de freiner le déséquilibre du régime d’indemnisation chômage. En ce sens, la loi no 22 du 30 juillet 1992 réalise un certain nombre de limitations au régime contributif : le temps de cotisation minimum pour accéder à prestation passe de six à douze mois, la période de cotisation est trois fois plus importante que la prestation ouverte (ainsi l’échelle des prestations est d’un mois pour trois mois de cotisation avec un maximum de couverture de vingt-quatre mois) et le niveau de prestation baisse. Cependant, pour compenser ce durcissement du régime assurantiel, le régime assistantiel est élargi à tous les travailleurs ayant cotisé au moins six mois qui bénéficieront d’une allocation chômage pouvant aller de six à vingt et un mois s’ils sont chargés de famille.
  • [21]
    La loi no 22 du 29 décembre 1993, toujours dans le souci d’équilibre budgétaire, restreint encore le système de protection chômage en diminuant de diverses manières le montant des prestations chômage.
  • [22]
    La loi no 45 du 12 décembre 2002 introduit une sévère limitation dans l’octroi des allocations de chômage. En effet, cette loi mise en œuvre par le dernier gouvernement Aznar subordonne le versement de la prestation chômage à la recherche active d’un emploi. Les obligations du demandeur d’emploi font l’objet d’un « engagement d’activité » que l’intéressé signe lorsqu’il dépose son dossier de demande d’indemnisation. Le non-respect de l’engagement peut entraîner la suspension des allocations pour trois mois, puis pour six mois en cas de récidive. La troisième infraction peut se traduire par la suppression définitive des allocations. Dans le cadre de cet « engagement d’activité », les demandeurs d’emploi doivent participer à toutes les actions de motivation, d’information, de formation, de reconversion et accepter tout poste adapté qui leur est proposé.
  • [23]
    Des agences de placement sans but lucratif peuvent, depuis le décret no 735 du 5 mai 1995, agir comme intermédiaires sur le marché du travail.
  • [24]
    L’article 148.20 de la Constitution espagnole prévoit que « Les communautés autonomes pourront assumer des compétences dans les matières suivantes : […] L’assistance sociale. ».
  • [25]
    Ainsi bien que l’État jouisse en vertu de l’article 149.1 de la Constitution de compétences exclusives sur la législation du travail ou sur la législation fondamentale et le régime économique de la sécurité sociale, il est précisé que c’est « sans préjudice de la mise en œuvre de ses services par les communautés autonomes ».
  • [26]
    Article 148.1.13 de la Constitution espagnole : « Les communautés autonomes pourront assumer des compétences dans les matières suivantes : […] Le développement de l’activité économique de la communauté autonome dans le cadre des objectifs fixés par la politique économique nationale. »
  • [27]
    À travers les conventions de collaboration souscrites entre les communautés autonomes et les instances correspondantes de l’État dans l’objectif de gérer certains programmes d’emploi de niveau national.
  • [28]
    Dans tous les cas de transfert, une exigence de coordination entre l’Administration centrale et l’Administration autonome correspondante a été posée.
  • [29]
    Article 137 de la Constitution espagnole.
  • [30]
    Article 25.2 de la loi de base du régime local.
  • [31]
    Article 50 de la Constitution espagnole : « Les pouvoirs publics garantiront, moyennant le versement de pensions appropriées et périodiquement mises à jour, des ressources suffisantes aux citoyens du troisième âge. En outre, et indépendamment des obligations familiales, ils accroîtront leur bien-être par un système de services sociaux qui veilleront à leurs problèmes particuliers dans les domaines de la santé, du logement, de la culture et des loisirs. »
  • [32]
    Article 25.2 de la loi de base du régime local : « El Municipio ejercerá, en todo caso, competencias, en los términos de la legislación del Estado y de las Comunidades Autónomas, en las siguientes materias : […] k) Prestación de los servicios sociales y de promoción y reinserción social. »
  • [33]
    Article 27.1 de la loi de base du régime local : « La Administración del Estado, de las Comunidades Autónomas y otras entidades locales podrán delegar en los Municipios el ejercicio de competencias en materias que afecten a sus intereses propios, siempre que con ello se mejore la eficacia de la gestión pública y se alcance una mayor participación ciudadana ».
  • [34]
    Article 37 de la loi de base du régime local : « Las Comunidades Autónomas podrán delegar competencias en las Diputaciones, así como encomendar a éstas la gestión ordinaria de servicios propios en los términos previstos en los Estatutos correspondientes. En este último supuesto las Diputaciones actuarán con sujeción plena a las instrucciones generales y particulares de las Comunidades. El Estado podrá, asimismo, previa consulta e informe de la Comunidad Autónoma interesada, delegar en las Diputaciones competencias de mera ejecución cuando el ámbito provincial sea el más idóneo para la prestación de los correspondientes servicios ».
  • [35]
    Article 28 de la loi de base du régime local : « Los Municipios pueden realizar actividades complementarias de las propias de otras Administraciones Públicas y, en particular, las relativas a la educación, la cultura, la promoción de la mujer, la vivienda, la sanidad y la protección del medio ambiente ».
  • [36]
    Ordre ministériel du 29 mars 1988.
  • [37]
    Décret no 282 du 2 février 1999.
  • [38]
    Que l’on retrouve notamment dans le cadre de la Charte européenne de l’autonomie locale.
Français

Résumé

Depuis le début des années quatre-vingt et, plus encore, depuis le début des années quatre-vingt-dix, l’Europe est affectée par un mal social qui perdure : le chômage de masse. Ce phénomène pèse avec plus de force sur certains pays, dont l’Espagne. Cette situation à l’origine d’une radicalisation de l’exclusion professionnelle mobilise l’ensemble des pouvoirs publics à la recherche de nouvelles politiques. L’Espagne a la particularité d’être un État régionalisé, qui se caractérise par un haut niveau de décentralisation politique. La mobilisation des pouvoirs publics face à ce phénomène d’exclusion professionnelle recouvre donc à la fois les niveaux national, régional, départemental et local. Compte tenu de cette particularité, nous avons choisi de traiter la question de la lutte contre l’exclusion professionnelle sous l’angle de la distribution territoriale des compétences. Le constat est celui d’une tendance à un renforcement des initiatives régionales et locales sans pour autant remettre radicalement en cause les prérogatives majeures de l’État.

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Emmanuelle Cayado [*]
Doctorante en droit social, université Montesquieu Bordeaux IV (Comptrasec) et université d’Alcalá (Madrid). Ses recherches portent sur les politiques d’emploi comme moyen de lutte contre l’exclusion professionnelle des jeunes et des travailleurs âgés en Espagne et en France.
  • [*]
    Doctorante en droit social, université Montesquieu Bordeaux IV (Comptrasec) et université d’Alcalá (Madrid).
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/rfas.053.0077
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