1Au cours du XXe siècle [1], l’État a progressivement acquis une compétence et une légitimité en matière de logement social [2]. L’investissement croissant des pouvoirs publics en faveur de l’habitat populaire, dont nos HLM sont devenus l’expression emblématique, est traditionnellement présenté comme un basculement des initiatives privées émergentes au XIXe siècle ( œuvre de philanthropes, de patrons éclairés et de sociétés charitables) vers le développement d’une action publique autonome et de plus en plus efficace. Le principe du 1 % logement, qui oblige depuis 1953 les entreprises françaises à investir en faveur du logement, invite pourtant à une lecture plus nuancée de cette évolution [3]. En effet, par cette contribution obligatoire, le patronat a soutenu l’effort public et largement contribué à réduire le déficit qualitatif et quantitatif chronique du logement en France. Les industriels français auraient donc pleinement participé à l’édification de l’État providence, pourvu qu’on admette que le logement social constitue l’une des composantes de la protection sociale. C’est à la genèse de ce soutien, au cours de l’entre-deux-guerres, que nous nous intéressons ici.
2Celui-ci, en effet, ne s’est pas imposé facilement. S’ils affichaient la poursuite d’un objectif commun – loger les classes populaires laborieuses – pouvoirs publics et industriels avaient en pratique des missions, et dès lors des modalités d’intervention, en grande partie divergentes. De plus, les industriels souhaitaient préserver leur autonomie en la matière et considéraient que le financement des politiques publiques n’était pas de leur ressort. Il a donc fallu de nombreux débats et un véritable changement de mentalité pour qu’un rapprochement se dessine et que le principe d’une obligation puisse s’imposer. Sur quels éléments s’est fondé cet étonnant rapprochement ? Comment une telle association entre public et privé a-t-elle pu être imaginée ? Qui ont été les acteurs de cette évolution ?
? Investissement patronal et politiques publiques : l’illusion d’un objet commun d’intervention
État et industriels : deux partenaires au coude à coude
3Si les industriels s’intéressent au logement de leurs ouvriers dès le début de la Révolution industrielle, et si les pouvoirs publics s’inquiètent, depuis le milieu du XIXe siècle, des mauvaises conditions de logement des Français, les rapports qui se nouent entre pratiques patronales et politiques publiques ne débutent formellement qu’à la fin du siècle, lorsque se met en place une législation spécifique marquant l’intervention étatique dans ce domaine. Cet engagement se fait dans un climat très libéral : la première loi votée en 1894 est le fait d’ardents défendeurs de l’initiative privée : seule l’incapacité de cette dernière à résoudre la crise du logement qui sévit chroniquement les amène à renoncer à leurs convictions, et à accepter l’idée d’une intervention publique. Loin de remettre en cause le rôle des acteurs privés (philanthropes, sociétés charitables, industriels), cette intervention est plutôt envisagée comme un soutien et un encouragement apporté à ces derniers (Guerrand, 1966).
4Plus qu’une simple filiation, les acteurs privés sont constitutifs du dispositif institué par la loi de 1894, et, même quand les lois sur les Habitations Bon Marché (HBM) renforceront le rôle de l’État, l’initiative privée ne sera jamais exclue du processus : la législation associera toujours, pour l’octroi d’exemptions fiscales et de prêts à taux réduits, les organismes parapublics (les offices publics d’HBM, créés par la loi 1912), et les organismes privés (les sociétés HBM et sociétés de crédit) [4]. Il suffit, pour cela, que l’organisme soit approuvé par l’État et que les logements qu’il rachète, construit ou finance respectent les prescriptions légales en matière d’HBM (qui couplent des critères de qualité à des exigences en matière de loyer ou de prix d’achat). En ce qui concerne plus spécifiquement l’action des industriels, le lien entre politiques patronales et politiques publiques est d’autant plus fort que la définition donnée par la loi de 1894 des destinataires du dispositif (ces « travailleurs vivant principalement de leur salaire ») peut s’appliquer aux occupants des cités patronales. Comme le souligne en 1925 l’auteur bien renseigné d’une synthèse sur la législation HBM, « nulle part il n’y est fait de distinction entre les différents buts poursuivis par le constructeur, et aucune exception n’a été établie pour les sociétés qui n’auraient pas été exclusivement philanthropiques. Toutes les sociétés d’habitations à bon marché ont droit aux avantages de la loi, à la seule condition qu’elles soient approuvées par le ministère du Travail, de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociales » [5]. Les sociétés HBM créées par les industriels peuvent donc faire partie des sociétés approuvées, comme en témoignent de nombreux cas d’espèce. L’État encourage d’ailleurs la participation des syndicats patronaux à des actions en faveur du logement [6].
Le patronat, acteur naturel des politiques du logement ?
5Ces éléments contribuent à nourrir l’idée que le patronat est un acteur naturel du dispositif législatif en faveur du logement. Rien d’étonnant, dans ces conditions, si les enquêtes consacrées par le ministère du Travail au « problème du logement ouvrier depuis la guerre », au début des années vingt, mêlent allégrement les opérations réalisées dans le cadre de la législation sur les HBM, et celles menées par les organismes patronaux [7]. De même Georges Risler, n’hésite pas à faire état en 1920, au nom du Comité permanent du conseil supérieur des HBM, des actions menées par les industriels, qui « reconnaissent l’importance morale et matérielle du logement sain pour les travailleurs qu’ils emploient et estiment qu’il est indispensable de le leur procurer […] et ne craignent pas de s’imposer des sacrifices considérables pour procurer à leurs collaborateurs un home salubre et confortable » [8].
6L’existence supposée d’un champ d’intervention commun à l’État et aux industriels dans la première moitié du XXe siècle est loin d’être une question formelle : devant l’échec relatif des politiques publiques, l’ampleur de l’action patronale éclate a contrario aux yeux des spécialistes de la question, et souligne le fait que les entreprises privées jouent un rôle clé dans le processus du logement des classes populaires.
7C’est surtout au lendemain de la guerre de 1914-1918 que les contemporains prennent conscience de l’apport majeur des industriels. L’aggravation de la crise du logement (consécutive aux destructions massives puis, après la guerre, aux difficultés du secteur de la construction et au blocage des loyers) est de plus en plus mal supportée. De là l’inclination des acteurs publics à dresser le bilan des politiques lancées vingt années plus tôt. Or ce bilan apparaît particulièrement dérisoire au regard des besoins recensés : le député Landry estime, en 1926, à 60 000 le nombre d’HBM construites depuis l’origine ; nombre repris dans un Cahier du redressement français de 1927, qui établit à 66 433 le nombre de logements enregistrés comme HBM de 1894 à 1925, tous promoteurs confondus [9] : chiffres dérisoires, ne serait-ce qu’en regard des 450 000 logements détruits durant la guerre (Roncayolo, 1980). Tant et si bien que les diverses commissions créées dans les années vingt pour étudier la question ou encore le tout nouveau Conseil national économique (1925) estimeront à quelques centaines de milliers (de 200 à 500 000 selon les auteurs) le nombre de logements à construire en dix années [10].
En comparaison, deux enquêtes menées par le ministère du Travail permettent aux contemporains de prendre la mesure de l’effort de construction fourni par les industriels. Dans le cadre de son étude sur le logement ouvrier depuis la guerre, le ministère lance en 1924 une première enquête spécifique sur le logement des ouvriers et employés dans les établissements industriels et commerciaux [11]. Bien que lacunaire, cette enquête permet d’établir que 446 établissements au moins continuent depuis la guerre à construire des logements. En 1929, Louis Loucheur, alors ministre du Travail, lance une seconde enquête, destinée à éclairer le Conseil supérieur du travail qui doit se pencher sur l’action patronale en matière de logement [12]. Plus complète que la première, cette seconde étude porte sur 2 822 établissements (établissements commerciaux et industriels de plus de 200 salariés, mines de plus de 50 salariés et les sept principales compagnies de chemin de fer) employant au total 2 635 336 employés. Elle révèle que ces entreprises possèdent en propre, à la date de l’enquête, 334 854 logements. Le contraste avec les réalisations des pouvoirs publics est saisissant, et remarquable aux yeux des contemporains eux-mêmes, qui prennent la mesure de l’effort de construction fourni par les entreprises.
? Une articulation introuvable
8Pour autant, une collaboration entre l’État et les industriels semble difficile à imaginer. Derrière leur apparente communauté d’action les deux types d’acteurs mènent des actions qui divergent profondément dans leurs finalités et donc dans leurs modalités.
Les HBM, comme éléments constitutifs de la protection sociale
9Les politiques publiques du logement concourent à la « réduction et socialisation des incertitudes de l’existence » qui est sans doute la principale caractéristique des politiques sociales (Renard, 1995). Cette inscription des lois sur les HBM dans le cadre des politiques sociales alors en cours de concrétion est régulièrement soulignée par les acteurs de ce dispositif : dans le rapport du Conseil supérieur des HBM de 1920, déjà cité, Georges Risler n’hésite pas à déclarer que « l’amélioration du logement populaire constitue le carrefour de toutes les lois sociales », expression qui sera reprise à peu de choses près par le député Trémitin lors de la discussion de la loi Loucheur de 1928 [13].
L’État s’efforce donc, dans un processus au long cours de stabilisation et de protection des salariés, de procurer un logement décent et économique à ces familles non propriétaires, que les insuffisances du marché immobilier enchaînent à l’univers des taudis (la guerre de 1914-1918 renforçant de façon décisive cette volonté publique). Trois impératifs sous-tendent cette action : offrir un logement décent qui permette l’épanouissement dans les meilleures conditions du foyer familial (c’est le but des prescriptions d’hygiène qui régissent l’appellation HBM) ; en autoriser l’accès à un coût raisonnable (grâce à la fixation de maxima de loyer ou de coût de construction) ; enfin, fournir ce logement dans des conditions qui assurent une stabilité minimale, pour contrer l’instabilité traditionnelle populaire. Ce dernier point, porté par un attachement viscéral à la petite propriété, pousse les pouvoirs publics à favoriser l’acquisition des logements (par opposition aux locations), ce qui permet à la fois de pérenniser le maintien dans les lieux en cas de chômage, accident ou vieillesse, et de permettre la constitution d’un petit capital, rempart protecteur du salarié contre les aléas de la vie : de fait, les financements publics sont pour moitié consacrés à la constitution de petites propriétés, la location restant durant tout l’entre-deux-guerres considérée comme un pisaller, réservé principalement au logement en immeuble [14].
Les politiques patronales du logement : sous le signe du réalisme économique
10En comparaison, que de différences recèlent les pratiques patronales ! L’intérêt que porte le patronat français au logement depuis le début du XIXe siècle, bien loin d’être mû par un souci de protection sociale, est d’abord dicté par des considérations économiques. La croissance industrielle et les migrations de main-d’œuvre vers des régions industrielles, qui souffraient d’un manque certain de bras, ont en effet entraîné d’importants besoins en logements. Le lien entre les investissements dans ce domaine, et les impératifs de production, est souligné avec constance, par exemple par un gérant de Blanzy en 1857 : « pour augmenter le chiffre de ventes et par conséquent celui de l’extraction, il faut accroître le nombre d’ouvriers, ce qui implique la nécessité de construire de nouveaux logements » (Figueroa, 1979) ; et rappelé un demi-siècle plus tard avec le même réalisme par le directeur des mines de Lens : « C’est de 12 000 à 15 000 logements qu’il nous faudra bâtir si nous voulons, aux mines de Lens, faire la même extraction qu’avant guerre » [15].
11Le patronat est bien loin d’ailleurs d’avoir désiré s’impliquer directement dans la constitution d’un parc immobilier. Bien au contraire, les signes sont nombreux qui montrent sa volonté de recourir, quand il le peut, à des expédients moins onéreux. Attitude fort compréhensible, si l’on songe, pour ne prendre qu’un exemple parmi d’autres, que les frais liés au logement, pour l’ensemble des usines du groupe Alais Froges et Camargue, représentaient, en 1932, plus du cinquième des frais accessoires de main-d’œuvre tels que retraites, écoles, assurances accidents et assurances sociales, allocations familiales, etc. [16] D’autres voies sont donc explorées dans le but d’échapper à une contrainte qui n’est en somme acceptée que sur le mode de la résignation : recrutement de travailleurs agricoles voisins dans le Hainaut, logement des nouveaux venus dans l’immobilier préexistant pour la Société des forges motrices de l’Arve-en-Savoie, transports collectifs quotidiens offerts aux mineurs et sidérurgistes du Dendisis, promotion immobilière effectuée par les ouvriers eux-mêmes à Fourmies… C’est seulement après avoir épuisé ces solutions alternatives, difficilement généralisables, que certaines entreprises se lancent dans la promotion immobilière.
12Loin d’être issue d’une politique volontariste de protection sociale, l’implication des patrons dans la promotion immobilière apparaît d’abord comme la réponse à un besoin économique. De là des modalités spécifiques d’intervention, bien éloignées des catégories de l’action publique.
13La première différence tient au public visé. Si les ouvriers (identifiables à ces « travailleurs vivant principalement de leur salaire » destinataires de la législation HBM) représentent une large proportion du public logé par les entreprises, d’autres catégories sociales en bénéficient. L’encadrement (cadres, médecins, mais aussi directeurs d’usine) fait ainsi l’objet d’un investissement non négligeable (à Auboué, les logements pour cadres et catégories intermédiaires abritent 2,3 % du personnel mais pèsent pour un quart dans les dépenses de logement (Köll, 1981)). À l’autre bout de l’échelle, le logement en baraquements pour célibataires fait partie du paysage traditionnel du logement patronal, alors qu’il ne sera intégré dans le dispositif légal qu’après la seconde guerre mondiale [17]. Enfin, alors que certaines dispositions de la loi Loucheur seront réservées aux seuls nationaux (sous réserve de dispositions diplomatiques spécifiques) [18], le parc patronal a toujours été largement ouvert aux ouvriers de nationalité étrangère.
14Autre différence de taille, les logements patronaux sont d’un confort et d’une qualité architecturale très variables. Si l’on s’en tient au seul logement des familles ouvrières, force est de noter, qu’en dépit de réalisations architecturalement innovantes, dont certaines (on pense entre autres à l’exemplemulhousien) ont d’ailleurs servi de modèle aux pouvoirs publics, nombre de patrons fournissent dès l’origine et tout au long de l’entre-deux-guerres, des types de logements beaucoup plus simples, voire insalubres. Les inspecteurs ne manquent de le dénoncer, comme en témoigne, parmi d’autres, ce rapport de 1905 sur le couchage dans une sucrerie de Seine-et-Oise : deux groupes de deux ouvriers se partagent alternativement chaque lit, et « les draps et la literie sont dans un état de malpropreté difficile à décrire, le sol disparaît sous une couche de matières innommables, dans un coin on a accumulé des pommes de terre, les hardes et les chaussures recouvrent les murs, aucun placard, aucun lavabo, aucun moyen de ventilation n’existent » [19]. Le ministre du Travail inscrit d’ailleurs la question de l’hygiène dans les logements d’entreprise à l’ordre du jour du Conseil supérieur du travail en 1929 – le vœu alors adopté par les représentants ouvriers, contre l’avis des membres patronaux, n’étant suivi d’aucun effet. Ainsi, le souci clairement manifesté par l’État d’offrir aux classes populaires ces « maisons salubres » [20] est-il bien loin d’être systématiquement partagé par les industriels.
15Dernier point et non des moindres, le statut des occupants des logements représente une ligne de clivage entre les modes d’intervention patronaux et publics. La constitution d’un parc immobilier représentant un investissement lourd, les industriels entendent en conserver le contrôle. Par conséquent, les tentatives des industriels pour promouvoir l’accession à la propriété, soit par conviction idéologique comme à Mulhouse au XIXe siècle, soit davantage par calcul, sont très minoritaires. La position des industriels est à ce sujet très claire : permettre à un ouvrier d’acquérir son logement, c’est prendre le risque qu’une fois propriétaire, cet ouvrier ne choisisse de changer d’employeur : c’est donc à terme, un investissement perdu pour l’entreprise qui a contribué à financer cet achat [21]. Cette crainte tenace explique le recul, dans l’entre-deux-guerres, des dispositifs d’accession à la propriété. C’est ainsi que la SNCF, comptera, à la fin des années trente, dans son parc immobilier (héritage des logements construits par les compagnies nationalisées) 33 000 logements, dont 4 300 seulement proposés en accession à la propriété [22]. L’enquête de 1931 du ministère du Travail le confirme : l’effort financier fourni par les industriels à des organismes tiers ou aux salariés eux-mêmes s’élève à un peu moins de 500 000 francs, alors que l’investissement consacré dans le même temps à la construction directe, tel qu’il peut être calculé sur la base du nombre de logements patronaux rapportée aux prix de la construction, s’élève à une somme allant de 1 400 000 francs (estimation la plus basse) à plus de 7 500 000 francs (estimation haute) (Frouard, 2003) : c’est bien la construction directe de logements en pleine propriété qui a été le mode d’intervention majeur des industriels.
Dans le cas, beaucoup plus fréquent, de logements fournis temporairement pour la durée du contrat de travail [23], leur concession reste à la discrétion de l’employeur qui en fait volontiers un instrument – parfois léonin – de gestion de son personnel. D’où une certaine précarité pour les occupants. Cette fragilité d’occupation, soulignée par l’absence de baux écrits avant le XXe siècle, est confirmée par la jurisprudence qui refuse de voir dans cette concession une location au sens classique du terme mais considère le logement comme un élément accessoire au contrat de travail [24] (Vivier, 1953). Deux épisodes font ressortir cette fragilité de statut, contribuant à dresser les esprits contre cet état de fait. Durant la guerre de 1914-1918, des mesures ont été prises pour éviter que les mobilisés et leurs familles puissent être expulsés. Le dispositif est prorogé durant tout l’entre-deux-guerres. Au début des années vingt, certains occupants de logements patronaux ont bien tenté de faire valoir ce droit, mais les chefs d’entreprise, inquiets de voir leur contrôle du parc immobilier menacé, ont réagi immédiatement et obtenu gain de cause auprès des tribunaux, au motif qu’il ne s’agit pas de locations stricto sensu (Frouard, 2003). Le problème n’a fait que rebondir avec la crise économique des années trente : certaines entreprises ont alors usé de leur faculté d’expulser leurs anciens ouvriers, devenus chômeurs, des logements qu’ils occupaient (comme le montre l’exemple de la Société des habitations ouvrières du Nord et du Centre, filiale du métallurgiste Arbel) [25]. La Cour de cassation leur a donné raison en réaffirmant que la résiliation du contrat de travail entraînait de fait la déchéance du droit à se maintenir dans les lieux (Vivier, 1953). Cette décision a eu d’autant plus de résonance que les expulsions prenaient en défaut le souci public d’assurer à chacun un logement décent, notamment dans un contexte de crise qui aggravait la fragilité du corps social. De là sans doute les recommandations pressantes du garde des Sceaux auprès des parquets pour qu’ils fassent preuve de mansuétude, ou encore la consultation par le ministre du Travail (et alors du logement social), Louis Loucheur, du Conseil supérieur du travail sur la pertinence de l’instauration d’un délai minimal avant expulsion [26].
La fragilité du statut des occupants de logements patronaux détonne donc dans le processus de protection des familles ouvrières lancé, depuis la fin du XIXe siècle, par les pouvoirs publics et confirmé, à la fin des années vingt, par le vote des lois sur les assurances sociales.
L’impossible articulation entre investissement patronal et législation HBM
16Accession à la propriété ou occupation précaire, protection des familles ou soutien à une stratégie économique… derrière d’apparentes convergences, qui avaient fondé l’illusion d’un objet d’intervention commun (ce « logement ouvrier » si présent dans l’esprit des contemporains), les lignes de fracture n’ont donc pas manqué pour séparer dans les faits les politiques patronales des politiques publiques. C’est pourquoi le dispositif mis en place par la législation HBM, pourtant officiellement ouvert aux initiatives privées, a été en pratique peu utilisé par les industriels.
17Les exemptions fiscales, bien qu’accordées de plein droit aux habitations homologuées comme HBM, ont peu intéressé les patrons. Ceux-ci ont le plus souvent estimé que l’équilibre à respecter entre des normes architecturales exigeantes et un coût de construction légalement limité, était impossible à atteindre (c’est l’analyse qu’en fait la Société d’électrométallurgie française pour les logements qu’elle souhaite construire en 1906 à L’Argentière, ou encore l’entreprise Saint-Gobain dans les mêmes années [27]). D’autant que l’enregistrement comme HBM impliquait le respect de normes architecturales, et donc un contrôle administratif, considéré par la direction des entreprises comme une odieuse ingérence dans leurs affaires privées. Le nombre de logements patronaux ayant bénéficié d’une exemption fiscale est ainsi inférieur à 18 000 entre 1920 et 1927, chiffre bien dérisoire en comparaison des quelque 300 000 logements dont le patronat français était, en 1931, propriétaire pour les seules mines, grandes compagnies de chemins de fer et établissements commerciaux et industriels de plus de 200 salariés [28].
18Le recours aux sociétés de crédit immobilier n’a guère eu plus de succès auprès des industriels, peu enclins, on l’a souligné, à promouvoir l’accession à la propriété. De fait, si certaines entreprises ont fondé des SCI approuvées par l’État (par exemple, les compagnies de chemin de fer, la Banque de France, la chocolaterie de Royat, etc.), ces initiatives ont donné fort peu de résultats.
19Les prêts à taux réduits proposés aux sociétés HBM permettent enfin de suivre au mieux les contradictions entre logiques patronales et publiques.
20À la recherche permanente de capitaux, les entreprises ont lorgné, dès 1894, les possibilités de prêts à taux réduits proposés par l’État ; elles s’y intéressent encore davantage au lendemain de la Grande Guerre, lorsque l’envolée des coûts de la construction handicape lourdement la promotion immobilière patronale (Barjot, 1991). Si elles parviennent sans difficulté à obtenir l’agrément ministériel pour les sociétés HBM qu’elles créent et contrôlent [29], et si rien dès lors ne les exclut en théorie de l’accès aux prêts, leurs demandes sont pourtant rejetées par le comité de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations (responsable de l’attribution des prêts jusqu’en 1921) puis par la commission d’attribution des prêts instituée au ministère de l’Hygiène. Ces dernières fondent une jurisprudence hostile aux demandes venant d’entreprises particulières, car, comme le résume en 1920 le président de l’Office départemental des HBM du Calvados : « l’État ne peut se substituer à ces industries pour édifier des logements qu’elles seraient appelées à construire pour les facilités de leur exploitation […]. Il est juste d’ailleurs que les maisons à bon marché ne soient point le monopole de travailleurs d’une ou plusieurs industries déterminées » [30].
21A contrario, alors que l’État se montre prêt à soutenir les industriels qui accepteraient de collaborer à des sociétés HBM indépendantes, c’est cette fois le patronat qui se détourne d’une telle collaboration, dont le résultat échapperait largement à son contrôle. De sorte que l’effet de telles collaborations reste marginal : la Société anonyme d’HBM de Saint-Chamond, créée par les aciéries de la Marine avec l’aide de trente-trois industriels, n’aura construit en 1931 que 48 maisons au total, contre 157 logements directement possédés par les aciéries [31].
Ainsi, alors même que l’État considère le patronat comme un acteur clé de la promotion du logement populaire, le soutien des industriels aux politiques publiques apparaît impossible dans le cadre de la législation HBM, tant les visées des uns et des autres sont divergentes. La faiblesse du bilan chiffré de ces collaborations témoigne d’une véritable impasse.
? L’invention du compromis
Un milieu de « passeurs »
22C’est en se plaçant sur un autre terrain que les spécialistes de la question vont proposer puis encourager de nouveaux types de collaboration entre patronat et pouvoirs publics. Dans le cadre des divers organismes et institutions qui s’intéressent au logement dans les années vingt (commissions ministérielles de 1920 et 1922 sur le logement, Assemblée nationale – avec la proposition Peyroux de 1922 ou le projet de loi de finances du député Landry – Conseil national économique, etc.), de nouvelles pistes sont explorées, qui doivent beaucoup à la personnalité des intervenants et plus précisément à leur triple insertion dans les sphères gouvernementales, dans l’univers des spécialistes des HBM et dans le monde des affaires.
23C’est le cas tout particulièrement de Louis Loucheur et Raoul Dautry, deux figures tutélaires de la rationalisation de l’entre-deux-guerres. Le premier, président de la première commission de 1920 (il en présente les conclusions devant la Chambre le 22 juillet 1920 aux côtés de Laurent Bonnevay), puis sous-président de la seconde commission de juillet 1922, est ministre des Régions libérées. Il a été sous-secrétaire d’État à l’Armement et aux Fabrications de guerre dès décembre 1916, puis ministre de l’Armement à partir de septembre 1917. Fort de son expérience de chef d’entreprise (il a dirigé une entreprise de travaux publics avant guerre), de ses contacts et de son réseau de collaborateurs venant de l’univers privé et de l’École polytechnique dont il est issu, il a su conjuguer avec talent intérêts privés et besoins publics (Carls, 2000). Il acquiert également, aux postes de ministre de la Reconstitution industrielle puis ministre des Régions libérées, des compétences en matière de logement. Raoul Dautry, polytechnicien lui aussi, a pris en charge, en tant qu’ingénieur en chef de la Compagnie du Nord, les programmes de construction lancés en urgence par la Compagnie au lendemain de la guerre, et participe en 1924 au lancement de la Ligue nationale contre le taudis (Baudouï, 1992). À cette date, il n’a pas de responsabilités gouvernementales, mais intervient dans la sphère publique comme expert pour le Conseil national économique [32].
24Autour de ces deux personnages clés gravitent des spécialistes de la législation HBM. Louis Loucheur est ainsi entouré, dans les commissions de 1920 et 1922, de divers parlementaires et hommes politiques (Alexandre Ribot, Jules Siegfried, Paul Strauss, Louis Bonnevay, Henri Sellier, Georges Risler…) dont les noms ont marqué l’histoire de la législation sur les HBM, et qui tentent activement de résoudre les problèmes du logement en France. Au sein du CNE, il faut également noter la présence d’éminents représentants de l’univers patronal comme Alfred Lambert-Ribot, membre du Comité des forges ou Henri de Peyerimhoff, secrétaire du Comité central des houillères de France – et c’est là remarquable.
25Ce milieu politiquement modéré, peu hostile au monde de l’entreprise et bon connaisseur de la législation HBM cherche de nouvelles pistes pour résoudre la crise de l’habitation, grâce à de nouvelles politiques publiques plus efficaces. La question du financement y occupe une large place. Tous sont en effet conscients de la faiblesse des fonds publics investis jusqu’alors dans la promotion des HBM (pour la commission Loucheur de 1920, l’échec de la législation tiendrait à son mode de financement basé sur « des organismes qui, comme la Caisse des dépôts et consignations, étaient peu portés à envisager, avec une grande largeur de vues, les problèmes sociaux ») et a contrario de l’ampleur de l’investissement patronal dans la constitution de son parc immobilier. Le constat subsiste pourtant d’une impossible association, en l’état, du patronat à la législation HBM existante (Louis Loucheur lui-même confirmera, en 1928, la jurisprudence de la commission d’attribution des prêts [33]).
26C’est dans cet esprit que ces spécialistes envisagent, dès 1920, de faire participer les entreprises au financement des politiques qu’ils élaborent. Envisagé comme un simple outil au sein de dispositifs plus larges, le procédé retenu repose sur une taxation des industriels proportionnellement au nombre d’ouvriers employés ou aux salaires versés.
27Dès 1920, la commission Loucheur, estimant à 500 000 le nombre de nouveaux logements à construire, propose d’améliorer le mécanisme des aides publiques à la construction [34]. Le projet de loi final s’abstient d’aborder la question du financement de ce projet mais l’avant-propos indique que certains membres de la commission avaient envisagé de frapper « les employeurs d’une taxe de 0,75 à 1 p. 100, sur les salaires payés par eux ». L’idée d’une taxe, proportionnelle cette fois « au nombre d’ouvriers et d’employés » dans les grandes villes, est reprise dans le projet de loi Peyroux de 1922 qui recherche des financements pour pallier les effets du blocage des loyers et de la croissance excessive des villes. Il s’agit d’obtenir de « de ceux qui profitent et profiteront de la situation actuelle » et de ces « employeurs industriels, commerçant, sociétés […] un effort de mutualité et de solidarité » [35]. En 1925, Raoul Dautry apporte à ce projet une pierre décisive [36]. Loin de sanctionner les industriels, il propose d’encourager les entreprises qui ont fait « de magnifiques réalisations d’habitations ». Mais il estime que l’entreprise ne peut se sentir quitte vis-à-vis de la société après avoir simplement versé des salaires à son personnel. Et de suggérer que les industriels et commerçants qui n’auraient pas logé 1 % de leur personnel s’acquittent d’un « salaire-logement » consistant en une taxe de 1 % sur les salaires (ou une souscription équivalente à des sociétés HBM) ; contrepartie à la charge que s’imposent les industriels qui logent déjà une partie de leur personnel.
28Le principe est repris par le Redressement français. Créé par le polytechnicien et homme d’affaire Ernest Mercier, ce mouvement technocratique, composé d’experts, privilégie la recherche de solutions techniques aux divers problèmes dont souffre le pays. Très influent dans les années 1926-1928, entre autres à travers ses publications (qui rassemblent dans 35 cahiers les 127 études réalisées sur des sujets fort variés) le Redressement français s’intéresse ainsi à la question du logement à travers sa commission « Habitation et urbanisme ». Sous la houlette de la section sociale du mouvement, présidée par Georges Risler, la commission rassemble divers experts, dont Raoul Dautry et Le Corbusier. Le bilan des travaux, publié dans le Cahier no 15, reprend l’idée d’une taxation, en l’intégrant à un dispositif plus large de réforme de la politique du logement ayant « l’intérêt comme moteur, l’industrie comme pivot, l’État comme auxiliaire » [37].
29Enfin, le Conseil national économique (se basant entre autres sur l’expertise de Dautry) puis le député Landry (dans son rapport portant fixation du budget général de l’exercice 1928) appuient à leur tour ce projet de taxation [38].
30« Mutualité » et « solidarité » (pour reprendre les termes de la commission de 1922) : bien plus que de faire plier les industriels aux exigences du dispositif légal, il s’agit de les aider à répondre à leurs besoins, en les faisant participer financièrement au prorata du nombre de salariés employés, utilisateurs potentiels du parc de logements. Ou, dit autrement, de considérer la pénurie de logements et les difficultés de recrutement qu’elle implique, comme un risque pour les acteurs économiques (dans une période, rappelons-le, de pénurie chronique de main-d’œuvre), contre lequel il convient d’aider le patronat à s’assurer, en lui imposant une cotisation obligatoire, dont le produit serait affecté au financement des constructions.
31La technique ainsi proposée relèverait de l’assurance. Non pas d’une assurance « sociale » qui eût, comme sur le modèle alors contemporain des assurances sociales, impliqué une cotisation ouvrière, mais d’une assurance proprement patronale dans le cadre d’une politique d’intérêt général visant à conjuguer l’initiative publique avec les intérêts privés de l’industrie. Un parallèle est d’ailleurs dressé par Dautry lui-même avec un système dont la technique est fort proche, la taxe d’apprentissage. Adoptée durant ces mêmes années, elle procède du souci de « compenser l’insuffisance numérique de la main-d’œuvre par une utilisation plus rationnelle » (Desmaret, 1946) de celle-ci en rendant obligatoire la formation professionnelle des moins de 18 ans. Le financement des instituts de formation était assuré par une taxe sur les appointements et salaires versés par les entreprises, premières bénéficiaires d’une meilleure formation de la main-d’œuvre (excepté les entreprises participant déjà, directement ou non, à la formation) [39]. Amélioration de la formation, résolution de la crise du logement : dans les deux cas, l’État cherche une solution de compromis qui réponde tout à la fois aux besoins des industriels et à des exigences sociales.
Contrairement à la taxe professionnelle (légalisée en 1925), le projet de taxe pour le logement ne parvient pas toutefois à s’imposer légalement durant l’entre-deux-guerres. Il est totalement absent de la grande loi sur le logement de 1928, pourtant défendue par Louis Loucheur lui-même [40]. Le texte qui reprend la législation HBM et l’élargit au public des classes moyennes grâce à la création des logements à loyer moyen, fixe à 260 000 le nombre de construction à réaliser dans les cinq années qui suivent. Si elle fait ainsi opérer un saut quantitatif à l’action de l’État, la loi ne modifie en rien le dispositif de financement des politiques du logement qui restent tributaire de la décision politique au lieu de reposer, comme les projets précédents le proposaient, sur un système de taxation lui assurant un financement autonome et dès lors pérenne [41]. C’est ce que reconnaîtra avec lucidité le député Joseph Denais, regrettant publiquement que « le projet semble s’inspirer d’une conception d’assistance, alors que [lui-même inclinait] à considérer bien plutôt le logement comme un grand service social » [42].
Cette impossible légalisation de la taxe patronale s’explique, entre autre, par l’évidente réticence du monde industriel à tout dispositif contraignant. Si Louis Loucheur et Raoul Dautry, à mi-chemin entre l’univers politique et le monde des affaires, ont été pour partie à l’origine du projet, et si Jean Lévèque, du Redressement français, se croit autorisé à prétendre que les membres patronaux du CNE (Alfred Lambert-Ribot, Robert Pinot et Henri de Peyerimhoff) ont accueilli favorablement le projet de taxation des industriels ; la reprise, en 1930, par le Conseil supérieur du travail, du débat sur l’éventualité d’une contribution obligatoire des entreprises au logement, révèle l’opposition farouche des entrepreneurs français – ou tout au moins de leurs porte-parole [43]. Les débats sont en effet fort vifs et la partie patronale, quoique préoccupée par la crise du logement, se montre inflexible sur la question de l’obligation, refusant ce qu’elle considère comme « un impôt nouveau » qui viendrait s’ajouter à la taxe d’apprentissage ou aux assurances sociales [44].
Devancer la contrainte plutôt que de la subir : la réponse patronale
32Si le patronat témoigne d’un rejet radical de toute forme de contrainte, ces projets de taxation précipitent néanmoins une évolution interne au monde industriel. Se multiplient ainsi, au cours de la fin des années vingt, de nouvelles expériences collectives (très minoritaires jusque-là [45]).
33Louis Loucheur et Raoul Dautry jouent un rôle certain dans cette transmission, et d’abord par l’intermédiaire du Redressement français [46]. La commission d’urbanisme, qui avait défendu sa propre version du projet de taxation, souhaite en effet « intéresser l’opinion » par « une sorte de laboratoire d’expériences élaborant des projets d’urbanisme » [47]. C’est dans cet esprit que trente-cinq industriels se réunissent, à l’instigation du mouvement, pour créer la Société des cités jardins de la région parisienne (dont Raoul Dautry sera président de 1936 environ à 1939 [48]). La société fait construire à Orgemont une cité de plus d’un millier de logements, dont Louis Loucheur soutient personnellement la réalisation.
34Des organisations patronales se lancent également dans de nouveaux types d’actions, en profitant de l’appel d’air ouvert par la loi Loucheur. Certaines chambres de commerce au moins, désirent aider leurs adhérents à recruter le personnel qui leur est nécessaire en améliorant localement la situation du logement. La première (la chambre de commerce de Mazamet) intervient dans ce sens dès 1918, mais les exemples se multiplient à la fin des années vingt. Au total, sept chambres de commerce au moins interviennent, le plus souvent en soutenant les projets d’accession à la propriété des employés des entreprises cotisantes. Les caisses patronales de compensation des allocations (qui se sont développées depuis la première guerre mondiale) font de même, en considérant le logement comme un élément de leur politique familiale. Dans tous les cas, ces organismes agissent (grâce aux financements patronaux qu’ils collectent) soit en intervenant directement auprès de familles, soit par l’intermédiaire d’organismes constructeurs ou prêteurs (comme la caisse familiale du textile de Lille, qui regroupe en 1930 la quasi-totalité des industriels textiles lilloises), voire même en créant des organismes spécifiques (comme à Armentières où caisse patronale de compensation et chambre de commerce s’associent pour fonder une association consacrée au logement [49]).
35D’autres expériences enfin sont menées, qui reposent cette fois sur une contribution patronale assise directement sur la masse salariale, et non plus sur des cotisations faites à des organismes tiers. C’est le cas du montage proposé par l’Association industrielle, commerciale et agricole de Lyon et région (l’AICA) dans le cadre de la loi Loucheur. L’association prend l’initiative, à travers son comité lyonnais du logement, de créer des organismes HBM chargés de construire des logements, pour les salariés des entreprises d’un même quartier. Les résultats quantitatifs, obtenus avec l’accord des pouvoirs publics, sont certes modestes [50],mais le dispositif, reposant sur une cotisation proportionnelle au nombre de travailleurs de chaque entreprise, est original.
36Le même type d’expérience est proposé (semble-t-il sans succès) par le patronat textile du Nord. En 1929, alors que le manque d’ouvriers à Roubaix et Tourcoing est estimé à 20 000, le Consortium de l’industrie textile (principal syndical patronal local) projette de créer une société qui réaliserait un parc de logements locatifs contrôlé directement par les industriels. Ces derniers s’engagent à verser 3 % de leurs salaires pendant une dizaine d’années, pour réaliser 4 000 à 5 000 logements [51]. Loin d’être une œuvre philanthropique (l’habitat ainsi conçu serait loué « au prix fort » et le dispositif fait de sorte à faciliter d’éventuelles expulsions) le dispositif vise à créer entre les industriels une solidarité efficace et rentable face à la pénurie de logement. Largement diffusé en 1930, il semble avoir été abandonné [52].
37Quelle que soit leur diversité, ces exemples ont en commun le souci de trouver une réponse collective au problème du logement : il s’agit d’éviter que les investissements en logement, très variables d’une entreprise à l’autre, ne viennent (comme pour le cas des allocations familiales que le législateur s’est attaché à résoudre en 1932) fausser le libre jeu de la concurrence. Surtout, ces projets représentent, de la part d’une fraction éclairée du patronat, une réponse alternative aux projets de taxation. Ils en reprennent le principe d’une participation collective des employeurs. Mais ils modifient fondamentalement le projet initial puisque, loin de revêtir un caractère contraignant, ils se fondent sur une adhésion volontaire du patronat, et une autonomie en matière de gestion. Cette opposition entre les projets de taxation et les nouvelles expériences est consciemment revendiquée par le CIT qui oppose son projet de cotisation-logement aux propositions gouvernementales de taxation obligatoire [53] ; discours repris quelques années plus tard par les responsables de l’AICA, pour qui « le résultat de [leur] effort, le résultat pratique, est peut-être plus important en son principe que si nous considérons les réalisations proprement dites » [54].
Ces dispositifs restent néanmoins marginaux : dans l’entre-deux-guerres, le nombre de logements dont on sait avec certitude qu’ils ont été construits à l’initiative des chambres de commerce s’élève à 604 logements seulement, et par les caisses de compensation, à 757, alors que le parc immobilier patronal regroupait, en 1931, plus de 300 000 logements ! La construction directe par chaque entreprise reste le mode principal d’investissement du patronat français, largement défiant envers toute nouveauté dans le domaine.
L’expérience fondatrice du Comité Interprofessionnel du Logement de Roubaix, aux origines du 1 % logement
38Marginal jusqu’alors, le mouvement se développe à la fin des années trente, en raison d’une prise de conscience des industriels.
39Les débats menés au sein du Conseil supérieur du travail entre 1928 et 1930 avaient déjà permis aux inspecteurs du travail comme aux membres ouvriers de critiquer par trois fois les modalités des politiques patronales [55]. Dans le climat de crise des années trente, ces critiques se multiplient : pendant la crise économique, les pouvoirs publics ne cachent pas leur hostilité au statut trop fragile des logements patronaux, qui permet de trop nombreuses expulsions de chômeurs. Si aucun texte légal n’autorise les ouvriers débauchés à conserver leur logement, le garde des Sceaux se prononce en 1931 en faveur de prises de positions bienveillantes à leur égard [56]. Après le Front populaire, les conventions collectives également commencent timidement à prendre en compte les questions d’habitat : ainsi, la convention collective des travaux publics (qui concerne les employés, cadres, techniciens et ingénieurs de ce secteur) prévoit qu’en cas d’expulsion consécutive à un congédiement, le collaborateur qui était logé se voit accorder une compensation égale à 50 % de trois mois de loyer (Vivier, 1953).
40Parallèlement, les aléas de la conjoncture ont mis en évidence la lourdeur de ce type d’investissement, que la persistance de la pénurie de logement a en effet continué dans les années vingt à handicaper le développement économique en freinant le recrutement de la main-d’œuvre. Mais la crise des années trente, loin de résoudre la question, complique les données du problème : alors que les revenus industriels chutent et que les débauchages sont massifs, les industriels découvrent que posséder en propre un parc immobilier peut se révéler lourd, coûteux à entretenir et inadapté aux fluctuations économiques [57].
41Face à ces pressions, le patronat prend conscience de la nécessité de devancer une évolution en cours, s’il ne veut la subir de plein fouet. En novembre 1941, une note conservée dans les archives de la DGEN souligne qu’« en face de ce problème du logement, toute l’industrie française va se trouver immanquablement appelée à produire un gros effort de financement, soit directement, soit par l’intermédiaire d’impôts ou de prélèvements. Il est souhaitable que cet effort de financement reste autant que possible coordonné et dirigé à l’intérieur des grandes familles professionnelles […] car autrement la solution risque de se trouver en dehors d’elles sinon contre elle » [58]. Nombreux sont ceux qui, comme au sein du Comité d’organisation de la sidérurgie, partagent la même conviction [59].
42C’est dans le droit fil de ces préoccupations que s’inscrit l’expérience menée par le patronat roubaisien, dont le principe préfigure la loi du 1 %. Le Syndicat patronal textile de Roubaix-Tourcoing (dit SPTRT ou « syndicat patronal textile ») fondé en 1942, prend en charge, dans le respect de la Charte du travail¸ les questions sociales ; et confie à Albert Prouvost la direction d’une commission « sport et logement » (Dumortier, ca 1975 ; Prouvost, 1992) [60]. Ce dernier s’attelle avec enthousiasme à sa tâche, fort de ses convictions personnelles autant que du souci de remédier à la pénurie chronique de logements, aggravée par la guerre (la région ayant subi de plein fouet la débâcle puis l’imposition d’un régime spécial d’occupation très éprouvant).
43Un programme d’envergure est mis en œuvre, dont le but est de remplacer les taudis de Roubaix et Tourcoing par des logements sains et dont le financement doit être assuré solidairement par les employeurs. Très rapidement, le programme rallie la quasi-totalité des industries textiles, bientôt réunies dans un « comité interprofessionnel du logement » (CIL) fondé en 1942. En juin 1943, le principe d’une cotisation égale à 1 % des salaires déclarés aux caisses de compensation est adopté [61]. Le produit de ces cotisations doit permettre, dès que les circonstances le permettront, le rachat des courées, l’octroi de prêts avantageux aux sociétés HBM qui vont construire les nouveaux logements (le programme étant mené en accord avec les pouvoirs publics et plus particulièrement avec les municipalités) et le financement d’une caisse d’épargne immobilière.
44Le succès est immédiat : dès la fin de l’année 1944, 97 % des employeurs sont adhérents du CIL (soit, pour le seul secteur textile, 368 firmes et 30 000 ouvriers et employés) et la première tranche de construction est lancée en 1946. Basé sur le volontariat patronal, le dispositif reprend les expériences précédentes, et y apporte une ampleur nouvelle. Mais il y ajoute une nouveauté, puisqu’il confirme la disjonction relative du lien entre emploi et logement (très timidement esquissée dans certains des dispositifs précédents) : un ouvrier peut conserver son logement tout en changeant d’employeur, tant que celui-ci est adhérent du CIL ; et, à partir de la Libération tout au moins, la gestion des sommes collectées se fait paritairement entre employeurs et les employés.
Alors que les besoins en logement sont immenses au sortir de la guerre, le dispositif mis en place par Prouvost fait rapidement école : création des CIL de Mazamet et de Belfort-Montbéliard en 1946, du CIL de Reims en 1947… Treize CIL existent en 1948, 130 en 1952 (Girardin, 1968). Le Centre national d’amélioration de l’habitat, proche du CNPF, lui-même fait pression pour l’extension de ce dispositif autonome qui contribue à reconstituer le parc immobilier indispensable à la relève économique du pays, tout en préservant l’essentiel, c’est-à-dire la liberté patronale, face à la menace d’une taxe obligatoire.
Mais Albert Prouvost et Eugène Claudius-Petit (ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme de 1948 à 1952 et inlassable défenseur d’une politique du logement enfin à la hauteur des besoins des Français) sont conscients des limites d’un modèle basé sur le volontariat et souhaitent imposer au patronat une obligation d’investir (Pouvreau, 2004). Malgré un climat politique hostile, une version, d’ailleurs revue à la baisse, du projet porté par Claudius-Petit est finalement adoptée un an plus tard sous le ministère Lemaire : la loi du 11 juillet 1953 portant redressement économique et financier pose le principe d’une participation des employeurs à la construction de logement (article 7), et le décret du 9 août 1953 en définit les modalités techniques. Obligeant les entreprises de plus de dix salariés à investir annuellement en faveur du logement au moins 1 % des salaires payés au cours de l’exercice écoulé mais leur laissant toute liberté quant au mode d’investissement lui-même, c’est un compromis entre logiques libérales et logiques sociales que sanctionne le décret de 1953 [62] : par son obligation d’investissement, l’État associe, à sa façon, le patronat français aux politiques publiques dans ce domaine. Les résultats en sont décisifs : si l’on reprend le bilan donné par Mireille Girardin dans sa thèse de 1968, basé sur les statistiques du ministère de l’Équipement et du Logement, la contribution patronale aurait représenté près d’un tiers (34 %) des prêts à taux réduits accordés aux HLM et la moitié (48 %) des prêts accordés aux logements primés. Mais le texte, en même temps qu’il inscrit juridiquement les politiques patronales de logement dans une logique d’œuvre sociale, laisse aux employeurs « la plus grande liberté pour utiliser, sous la forme de leur choix […] les sommes qu’elles doivent consacrer au logement » [63] : ne créant ni nouvel impôt ni taxe supplémentaire qui auraient directement financé les politiques publiques [64], il se contente de poser le principe d’une obligation d’investir dont les modalités sont largement laissées à la discrétion des entreprises : construction directe par l’employeur (dans le respect des normes HLM), participation à un organisme extérieur, versement à un comité interprofessionnel du logement, soutien individuel à l’accession à la propriété… [65] La liberté patronale, ardemment défendue par la frange la plus libérale du patronat français, est ainsi largement préservée [66].
? Conclusion
45Tout au long de l’entre-deux-guerres, les pouvoirs publics proclament haut et fort leur volonté de bâtir une véritable et efficace politique du logement. Faute de financements suffisants, cette politique s’avère pourtant difficile à mettre en place. C’est pourquoi le projet d’une taxation des entreprises est évoqué dès les années vingt.
46Loin de se développer au sein d’un milieu révolutionnaire ou du syndicalisme ouvrier, ce projet est mis au point dans un milieu politiquement modéré, proche de l’appareil d’État comme du monde industriel, prêt à articuler logiques publiques et intérêts privés de façon à permettre l’émergence de solutions pragmatiques. Le lien entre salaires versés et logement s’impose d’autant plus volontiers que l’État a, dès l’origine, posé un lien fort entre HBM et salariat, « les travailleurs vivant principalement de leur salaire » étant explicitement visés par la législation sur les HBM. Rien d’étonnant, dans ces conditions, si l’idée de faire dépendre l’accès au logement du contrat de travail pour les quelque 300 000 foyers dépendant en 1931 d’une entreprise, et d’obtenir une contribution financière du patronat au financement des politiques publiques a pu se cristalliser.
47Le principe d’une taxation sur la masse salariale a finalement rallié un patronat, certes hostile à toute obligation, mais qui, devant l’offensive croissante de la société et des pouvoirs publics, s’est efforcé de trouver un compromis lui permettant de sauver l’essentiel : sa liberté d’action. Cet épisode contribue à démontrer la capacité de l’État providence à s’appuyer et à composer avec des forces qui complètent ou prolongent son action : loin d’une construction autonome, l’histoire de ce compromis entre pouvoirs publics et patronat, témoigne, entre autres, de la présence dans la construction de notre système de protection sociale « d’autres acteurs majeurs, qui font souvent de l’action [de l’État] une interaction » (Renard, 1995).
48L’histoire du 1 % logement rend compte également de la recomposition permanente et du caractère mouvant des équilibres qui se font entre ces différents acteurs : alors que dans les mêmes années, le patronat français a perdu la gestion des allocations familiales et qu’il a dû s’incliner devant la généralisation d’une protection sociale assise sur les salaires, il a su dans le domaine du logement préserver largement sa liberté d’action, en profitant d’un rapport de force qui lui était très favorable – puisqu’il possédait un parc immobilier, et des capacités d’investissements dans ce domaine, que l’État était bien loin d’égaler.
Cette histoire paraît finalement exemplaire des indécisions de l’État face à la question du logement. Indécis quant au public visé (promouvoir le logement des ouvriers stables était-il un moyen de résorber la vie en taudis des plus pauvres ?) ; partagé entre un idéal propriétariste et un pragmatisme l’amenant à composer avec la location ; souhaitant la stabilité du foyer familial mais acceptant qu’une partie des travailleurs français et de leurs familles n’ait accès au logement qu’à travers leur contrat de travail (donc dans une certaine précarité d’occupation) ; indécis enfin quant à l’importance de ce champ d’action, puisque les efforts financiers consentis ont été longtemps en deçà des buts proclamés. Tout cela concorde à démontrer que, derrière des prises de position ambitieuses, le « droit au logement », est longtemps (sinon toujours) resté considéré comme un droit secondaire au regard des autres besoins fondamentaux.
Notes
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[*]
Docteure en histoire de l’art, professeure agrégée d’histoire, secrétaire scientifique de l’Institut pour l’histoire de l’aluminium.
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[1]
Cet article s’appuie sur les travaux de recherche qui ont donné lieu à une thèse « Les politiques patronales de logement en France (1894-1944) » réalisée avec le soutien de l’Institut pour l’histoire de l’aluminium.
Je remercie vivement Vincent Viet pour sa relecture attentive et pour les nombreuses corrections qu’il m’a suggérées. -
[2]
Le terme de logement social est utilisé au sens commun du terme. En raison de lamultiplicité des formes de l’intervention publique, il serait toutefois plus exact de parler de politiques publiques du logement.
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[3]
Article 7 de la loi du 11 juillet 1953, décret d’application du 9 août 1953.
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[4]
Les lois principales sont les lois des 24 octobre 1919, 27 octobre 1919, 26 février 1921, 21 mars 1921, 5 décembre 1922, 10 avril 1925 et 3 juillet 1928.
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[5]
Ducrocq R., (1925), L’intervention financière de l’État et des personnes publiques dans l’amélioration du logement populaire, Lille, imprimerie-librairie Camille Robbe, p. 295 et suivantes.
-
[6]
Loi du 19 mars 1920 sur l’extension de la capacité civile des syndicats professionnels ; circulaire du ministre de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociales aux préfets en date du 4 mars 1922.
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[7]
Ces enquêtes sont publiées dans le Bulletin du ministère du Travail entre 1921 et 1925.
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[8]
« Rapport du Conseil supérieur des HBM au Président de la République pour les années 1914-1919 », JO, Annexe, 18 juillet 1920, p. 725 et suivantes.
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[9]
Lévèque J. et Ricard J.-H., (1928), « Une politique du logement », Les Cahiers du redressement français, no 15, Paris, Éditions de la SAPE, 228 p. ; et Rapport du député Landry fait au nom de la Commission des finances chargée d’examiner le projet de loi portant fixation du budget général de l’exercice 1928, Paris, Chambre des députés, 1927.
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[10]
Projet de loi de la commission Loucheur de 1920 (JO, 1920, Annexe 1336) ; proposition
Peyroux présentée à l’Assemblée nationale le 4 juillet 1922 (JO, Chambre des députés, 4 juillet 1922, Annexe 4654) ; projet du Conseil national économique (annexe au JO, 20 février 1926) ; Rapport Landry. -
[11]
Synthèse publiée en 1925 : « Le logement ouvrier depuis la guerre (suite) », Bulletin du ministère du Travail, no 1-2-3, janvier-février-mars 1925, p. 26-50.
-
[12]
Enquête réalisée de 1929 à 1931 et publiée de 1930 à 1932 dans le Bulletin du ministère du Travail (synthèse de l’enquête dans le Bulletin no 1-2-3, de janvier-février-mars 1932, p. 1-23).
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[13]
Rapport du Conseil supérieur des HBM sur les années 1914-1919 (publié en 1920) ; et intervention de Trémitin (JO, déb. parl., 1re séance du 3 juillet 1928 : « le problème de l’habitation est au carrefour des lois sociales »).
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[14]
En 1925, près de la moitié des 60 000 HBM construits depuis la mise en place de la législation seraient la propriété de leurs habitants. À la même date, 45,7 % des avances de l’État faites au titre de la législation sont allées aux sociétés de crédit immobilier (visant à faciliter l’acquisition ou la construction deHBM) : Lévèque J. et Ricard J.-H., « Une politique du logement », op. cit.
-
[15]
Cuvelette, La destruction et la reconstitution des mines de Lens (conférence faite au Conservatoire national des arts et métiers le 12 mars 1922), s. l. n.d., sans mention d’éditeur, p. 84.
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[16]
Archives Péchiney Paris, 080-16-6236, Direction des relations avec le personnel, frais accessoires de main-d’œuvre, 1932. Encore la Compagnie ne loge-t-elle que 60,2 % de ses salariés.
-
[17]
Dans l’enquête de 1924, les 49 sites patronaux indiqués comme offrant du logement en baraquement mettent à disposition de leurs travailleurs 12 122 lits au total sous cette forme, soit autant que de logements familiaux (12 300).
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[18]
Décret du 20 octobre 1928 pris en application des articles 25 et 34 de la loi Loucheur.
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[19]
AN, F 22/513, lettre de l’inspecteur du travail le 30 octobre 1905.
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[20]
Loi du 30 novembre 1894.
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[21]
Voir, par exemple, le témoignage du directeur des mines de Champagnac (CAMT, 40AS 61, lettre au CCHF et réponse de ce dernier le 27 mai 1911).
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[22]
Forestier H., (1941), La famille ouvrière dans sa maison. Enquête sur les logements ouvriers, Paris, Éditions du Temps présent, 61 p.
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[23]
Et ce, quel que soit le mode de constitution du parc immobilier, qui peut être très varié : à côté des constructions qu’elles assument elles-mêmes, les entreprises n’hésitent pas à racheter des bâtiments déjà existants, ou prendre en location des logements du parc immobilier privé, pour les sous-louer ensuite à leurs propres ouvriers.
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[24]
L’accessoire étant juridiquement lié au sort de l’élément principal, la jurisprudence établit ainsi que le droit au logement du salarié est « subordonné à la vie et aux vicissitudes du contrat de travail ». Or la rupture du contrat de travail est à l’époque, elle-même, peu encadrée juridiquement.
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[25]
CAMT, 80 AQ 29, rapports mensuels de gérance de la Société des habitations ouvrières.
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[26]
Questions des députés Dœblé (3 juillet 1931, question écrite no 13453) et Doudon (11 juillet 1923, question écrite no 663) ;Ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, Conseil supérieur du travail, publication des sessions de 1928, 1931 et 1932 (Paris, Imprimerie nationale, 1929, 1932, 1933).
-
[27]
Archives Péchiney Paris : Toussaint P., Historique de la Compagnie, 1955, dact. ; et archives Saint-Gobain Blois, CSG 893/25, Société anonyme des habitations ouvrières de Saint-Denis, rapports présentés au conseil d’administration.
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[28]
Bureau international du travail, 1930, Études et Documents, série G no 3.
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[29]
Approbation de la SHBM de la Chocolaterie de Royat en 1919, approbation de la SHBM La Mouche fondée par la Compagnie du gaz en 1920, etc.
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[30]
Archives de la CDC, dépôt de Gentilly, PV du Comité de surveillance, séance du 20 février 1920.
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[31]
Comité d’organisation de la sidérurgie, (1944), Étude sur le logement ouvrier, imp. Chaix, 157 p. ; Pinot R., (1924), Les œuvres sociales des industries métallurgiques, Paris, Armand Colin, 271 p. ; et « Le logement ouvrier depuis la guerre (suite) », Bulletin du ministère du Travail, no 1-2-3, janvier-février-mars 1925, p. 26-50
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[32]
AN/307 AP 8, note sur les conditions de constructions de logement présentée au CNE le 30 octobre 1925.
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[33]
Commentaire sur la loi du 13 juillet 1928, Paris, Imprimerie nationale, 1928 ; et réponse du ministre à la question écrite no 3633 du député Lemelle (JO, Chambre des députés, 15 mars 1929).
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[34]
JO, Annexe no 1336, séance du 22 juillet 1920.
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[35]
JO, Annexe no 4654, séance du 4 juillet 1922.
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[36]
En présentant son programme devant la Ligue contre le taudis, puis au Conseil national économique qui le lui a demandé au nom de son expérience menée à la Compagnie du Nord (AN 307 AP/8 : Conférence sur le taudis faite par Raoul Dautry le 10 juillet 1925, publiée par la Ligue nationale contre le taudis, 1926 ; Note sur les conditions de construction de logements présentée au Conseil national économique le 30 octobre 1925).
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[37]
Lévèque J., « Une politique du logement », op. cit.
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[38]
AN, CE 71, sessions du CNE des 12 et 13 janvier 1926, et rapport du CNE publié au JO (Annexe du 20 février 1926) ; et Rapport Landry.
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[39]
Loi du 25 juillet 1919 sur l’enseignement technique ; loi du 13 juillet 1925 sur la taxe d’apprentissage.
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[40]
Loi du 3 juillet 1928.
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[41]
De fait, l’envol des constructions s’arrêtera net à la fin du programme des cinq ans prévu par la loi Loucheur, et, dans un contexte de crise économique, ne sera pas renouvelé.
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[42]
JO, déb. parl., intervention du député Desnais lors de la 1re séance du 3 juillet 1928.
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[43]
Conseil supérieur du travail, 35e session, novembre 1931, Paris, Imprimerie nationale, 1932.
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[44]
Réflexion de Garnier, représentant patronal, lors de la séance du 20 novembre 1931.
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[45]
Parmi les plus anciennes, la Société des habitations ouvrières de Mulhouse.
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[46]
Le programme du mouvement est largement diffusé tant par les Cahiers (édités en 1927 à 40 000 exemplaires, dont la moitié vendue et l’autre distribuée) que par l’intermédiaire des 82 groupes provinciaux du mouvement (Kuisel, 1967).
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[47]
Fondation Le Corbusier, D1 12, PVde la réunion de la section d’urbanisme du Redressement français du 6 décembre 1927.
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[48]
AN 307 AP/245, Raoul Dautry, note sur la Société anonyme des cités jardins de la région parisienne, 3 novembre 1941.
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[49]
« Enquête sur les initiatives patronales d’ordre collectif en faveur du logement ouvrier », Bulletin du ministère du Travail, no 7-8-9, juillet-août-septembre 1931, p. 183-201 et Comité d’organisation de la sidérurgie, Étude sur le logement ouvrier, op. cit.
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[50]
La SHBM et la SCI mise en place à Villeurbanne n’auront construit en 1939 que deux immeubles et trente maisons, et aider à la construction d’une centaine de maisons par les ouvriers.
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[51]
Sur l’ensemble de ce projet : CAMT, 1996 0415.
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[52]
Peut-être en raison des conflits internes qui traversaient alors le Consortium, suite à des divergences concernant l’application de la loi sur les assurances sociales.
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[53]
CAMT, 1996 0415, Aide-mémoire au général Bossu, 11 mars 1930.
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[54]
Dupraz S., (1939), « Comment l’AICA a appliqué la loi Loucheur », in UIMM, Journée d’étude sur le logement ouvrier, Vannes, imp. Lajolye et M ; de Lamarselle, p. 48-49. Dupraz est le rédacteur en chef des Bulletins et documents de l’AICA.
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[55]
Les trois débats ayant porté sur l’hygiène des logements, sur la pertinence d’instaurer un délai-congé avant expulsion, et sur la légitimité d’une taxation obligatoire.
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[56]
JO, Chambre des députés, réponse du ministre de la Justice à la question écrite no 13543 du 3 juillet 1931.
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[57]
Les entreprises, comme Alais, Froges et Camargue, qui avaient pris en location des logements s’empressent d’ailleurs de résilier leurs baux pour réduire la taille de leur parc immobilier.
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[58]
CAC 770777 (1), Le problème du logement à Lyon considéré au travers de la solidarité entre employeurs et employés et en fonction d’une possibilité d’occupation des chômeurs, n. s., le 5 novembre 1941.
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[59]
Comité d’organisation de la sidérurgie, Étude sur le logement ouvrier, op. cit.
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[60]
Sur l’ensemble du projet, voir entre autres AD du Nord, 79 J 946 F 375.
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[61]
Le programme de Prouvost comporte d’autres facettes, dont la mise en place d’une allocation-logement.
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[62]
Le montant des salaires étant défini par référence à l’article 231 du Code général des impôts. Les entreprises avaient la possibilité de faire valoir les sommes déjà investies depuis 1948 dans le logement (hors indemnités de dommages de guerre) sous réserve que cet investissement préexistant soit supérieur à la somme prévue dans le dispositif légal.
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[63]
Décret du 9 août 1953. Les dérives du décret de 1953 ne manqueront pas. Soulignées par Eugène Claudius-Petit dans les années qui suivent devant l’Assemblée nationale, elles amèneront à l’adoption de textes plus restrictifs.
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[64]
Le versement au Fonds national de construction, d’équipement rural et d’expansion économique n’est envisagé que comme une sanction faite aux industriels qui ne respecteraient pas l’obligation d’investir (article 3 du décret).
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[65]
Les dérives du décret de 1953 ne manqueront pas. Soulignées par Eugène Claudius-Petit dans les années qui suivent devant l’Assemblée nationale, elles amèneront à l’adoption de textes plus restrictifs.
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[66]
La crise des années quatre-vingt, en amenant les entreprises à des cessions immobilières massives dans un contexte de chômage croissant, viendra d’ailleurs souligner cruellement les conséquences du maintien de ce parc immobilier mis à disposition par les employeurs.