CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les débats français autour de la réforme de l’allocation dépendance ont posé la question du choix alternatif entre une gestion décentralisée et une gestion par les organismes de sécurité sociale. Jusqu’en 1997, ces deux circuits organisationnels assuraient une prise en charge sociale des personnes âgées à travers des dispositifs qui n’ont pas été spécifiquement conçus autour de la problématique dépendance (cf. encadré).

Encadré : Dispositifs d’aide aux personnes âgées avant 1997

• Ce sont les caisses de Sécurité sociale qui financent au titre de leur action sociale, l’aide ménagère indûment appelée extra-légale. Un arrêté du 31 janvier 1974 soumet à l’obligation de financement de la prestation facultative d’aide ménagère par voie conventionnelle, l’ensemble des régimes de retraite de base. Ces prestations ont fini par représenter un volume financièrement supérieur à celui de l’aide ménagère légale en raison de l’effort maintenu des caisses et de l’enrichissement moyen des retraités, ce qui restreint le nombre de bénéficiaires éligibles à l’aide ménagère légale.
• Lorsque les personnes âgées bénéficient du minimum vieillesse, elles ont droit à l’aide ménagère légale, consistant en la prise en charge d’un quota d’heures d’auxiliaire ménagère, servie par le département (décret du 14 avril 1962).
• À côté de ces deux prestations d’aide ménagère, prend place l’alocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), instituée par l’article 39 de la loi d’orientation du 30 juin 1975 et servie par les conseils généraux. Initialement destinée aux handicapés adultes, elle est progressivement devenue la principale allocation de prise en charge sociale des personnes âgées les plus dépendantes en raison de l’absence de frontière d’âge. Au 31 décembre 1992, 68 % des allocataires comptabilisés étaient âgés de plus de 60 ans.

2Au même titre que les « nouvelles politiques sociales » organisées autour de l’insertion, l’enjeu de l’allocation dépendance souligne le caractère obsolète d’une approche par « risques sociaux ». Au-delà de la nécessaire compensation financière du risque social, l’enjeu est aussi de (re)structurer une offre d’aide. Cette réalité amena d’ailleurs le Conseil économique et social (1995) à exprimer sa préférence pour une transformation d’une « prestation légale à caractère national » en « prestation d’action et de protection sociale ». L’action sociale visée s’organise autour de la gestion par cas. Elle n’énonce pas a priori ce que sont les besoins objectifs du sujet ou d’un groupe de sujets. Seule une expertise réalisée au plus près de la situation étudiée permet de les dévoiler (Joël, Martin, 1998). Cette idée de gestion par cas sera largement mise en avant pour justifier le choix des conseils généraux face aux organismes de sécurité sociale. Les modes de traitement individualisés trouveraient un terrain favorable au sein des politiques d’assistance [1] qui mettent en œuvre une logique de protection sociale centrée sur le « besoin » de chaque individu. A contrario, la logique des risques inhérente au volet assurantiel de la Sécurité sociale, par une appréhension plus standardisée, rendrait difficile cette gestion par cas. Mais cette remarque générale ne saurait occulter le fait que l’individualisation représente, dans le secteur gérontologique, un changement tardif et contingent de la réforme de l’allocation dépendance.

3L’objet principal de cet article est justement d’examiner ce glissement d’un mode de traitement indifférencié à un dispositif de gestion par cas. Plus secondairement, l’article s’intéresse à l’impact des réformes intermédiaires sur la nature de la compétence départementale. Afin d’illustrer l’emprise des territoires sur les dispositifs, l’article s’intéressera à trois départements : l’Hérault, l’Ille-et-Vilaine et la Loire-Atlantique [2]. Les changements précités étant étroitement liés à une activité d’apprentissage, c’est-à-dire une tentative délibérée d’ajuster les buts ou les techniques d’une politique en tenant compte de l’expérience passée (Sabatier, Schlager, 2000), leur compréhension impose le respect d’une trame chronologique. Par conséquent, l’article s’intéresse au remplacement du fonctionnement routinier et gestionnaire de l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) par l’introduction d’une gestion par cas avec la prestation expérimentale dépendance (PED) [3]. Il examine ensuite l’institutionnalisation de cette dernière à travers la mise en œuvre territorialisée de la prestation spécifique dépendance (PSD) [4]. Il interroge enfin l’impact de la réforme « allocation personnalisée d’autonomie » (APA) [5], tant en termes de droit social que de modalités d’action publique, sur l’action gérontologique départementale.

? D’une gestion standard à une gestion par cas

Une appréhension standard des bénéficiaires

4En France, l’idée de « nouvelles politiques sociales » s’est simultanément appuyée sur le caractère inédit des problèmes issus de la crise des années soixante-dix et l’introduction de nouvelles modalités une action publique assise sur un principe de territorialisation. Le territoire, offrant les vertus de la proximité et de la transversalité, constitue une nouvelle catégorie cherchant à pallier les vides laissés par les catégories individuelles des droits sociaux, qui rompt avec l’exercice monopolistique et légitime de l’État à fixer souverainement des catégories ne souffrant d’aucune altération territoriale. Mais les anciens cadres d’action demeurent acceptables pour autant que les catégories apparaissent pertinentes (actifs, inactifs, handicapés, enfants…) (Borgetto, Lafore, 2002). Tel semble avoir été le cas d’un certain nombre de politiques départementales d’aide sociale, en particulier l’aide aux personnes âgées dont l’allocation compensatrice pour tierce personne constitua l’illustration la plus emblématique.Malgré la réforme décentralisatrice, le département a dans un premier temps continué à s’apparenter à une succursale de l’État, sorte de bras armé dans l’exécution rapprochée de politiques définies nationalement. L’allocation compensatrice entrait en effet dans le cadre des politiques redistributives accordant à ses destinataires des avantages en fonction de critères déterminés (Mény, Thœnig, 1989). Ceux-ci offrent une régulation standard ne souffrant en théorie [6] d’aucune dérogation territoriale. D’un côté, la personne devait justifier d’un taux administratif d’invalidité [7] de 80 %, déterminé sur la base d’un certificat établi par le médecin traitant après examen en Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP). Si un doute existait cela donnait lieu à une évaluation in situ par un médecin. De l’autre côté, la personne devait satisfaire des critères de ressources vérifiés par les contrôleurs des lois d’aide sociale. Dans la plupart des départements, les visites d’ACTP se sont raréfiées devant la charge de travail qui retardait de plus en plus les visites à domicile. Le conseil général de Loire-Atlantique a fait partie des rares départements à avoir maintenu le principe d’une visite systématique d’un contrôleur des lois d’aide sociale. Alors que les conseils généraux étaient financeurs, les COTOREP décidaient de l’octroi de l’allocation compensatrice. L’adage décentralisateur « qui paie décide » ne se vérifiait donc pas même si des arrangements locaux existaient.

5La collectivité départementale était d’autant moins habilitée à discuter de l’allocation compensatrice qu’elle était une prestation en espèces libre d’usage. En raison du caractère flou de la notion d’effectivité, aucune rémunération de tierce personne n’était imposée. Ne donnant lieu à aucune négociation individualisée de son contenu et de ses formes, le dispositif se résumait à une vérification classique du besoin, adossé à l’aide sociale. Il prolongeait l’abstraction de l’assujetti à laquelle s’appliquait un mode de traitement déterminé par une logique indifférenciée (Duran, 1999, p. 50). Nous avons ainsi affaire à une sorte de compensation financière et automatique du handicap. Les problèmes paraissaient essentiellement liés à l’attribution de prestations sans déboucher sur une action sociale. Les caractéristiques du travail social redoublaient cet écran. Parfois, l’ensemble « personnes âgées » était explicitement exclu des missions de polyvalence exercées par le conseil général, à l’image de l’Hérault. Le plus souvent, les assistantes sociales se tenaient à l’écart de cette population en raison de la lourdeur de certains dispositifs tels que le RMI, et de l’absence de demande explicite des personnes âgées. Il est dès lors possible de considérer, avec Catherine Gucher (2000) le décalage entre les attendus du travail de polyvalence et les résultats au niveau des personnes âgées. Celles-ci ont longtemps représenté un public peu visible, voire invisible.

6Mais l’attention des élus locaux fut d’abord retenue par le coût exponentiel de l’allocation compensatrice, lié à l’afflux croissant de personnes âgées. Son attractivité tenait simultanément à l’absence d’obligation alimentaire, la quasi-absence de recours sur succession et la liberté d’utilisation. Bien que le législateur de 1975 n’ait pas souhaité établir de frontière d’âge discriminante, cet afflux croissant dérogeait pour les élus départementaux à l’esprit de la loi de 1975 destinée aux seuls handicapés adultes. Comme souvent, les règles n’ont pas anticipé tous les cas de figure et se révèlent incomplètes à l’usage (Lascoumes, 1990, p. 48). L’irritation des élus locaux fut d’autant plus grande que le caractère de prestation en espèces de l’allocation permettait de nombreux détournements. Ainsi, l’ACTP servait de complément de ressources et/ou de compensation de ressources dans la moitié des cas (Dherbey et al., 1996). La croissance généralisée des budgets sociaux, à partir de la fin des années quatre-vingt, rendit le coût exponentiel de l’allocation compensatrice de plus en plus intenable. Certains conseils généraux ont recherché un modus vivendi, en particulier en établissement où le versement de l’ACTP leur apparaissait encore plus infondé. Mais les jurisprudences locales, dérogatoires à la loi et plus ou moins radicales [8], ont au mieux permis de freiner la croissance des dépenses.
En raison des mises à l’agenda successives concernant la création d’une allocation dépendance, cette situation était vouée à disparaître. C’est finalement en 1994, après une période de non-décision exemplaire de quinze ans (1979-1994), qu’une césure intervînt.

L’introduction de nouveaux rapports sociaux d’usage

7En 1994, le gouvernement Balladur initia une expérimentation législative baptisée « prestation expérimentale dépendance » (PED), suite à l’abandon du projet de création d’un nouveau risque de sécurité sociale, communément appelé 5e risque (Frinault, 2003). L’expérimentation prit acte de l’héritage politique, théorie selon laquelle le cadre de toute nouvelle réforme doit intégrer le répertoire institutionnel passé (Davies Rose, 1994). Elle n’offrait ainsi aucun arbitrage définitif entre les conseils généraux et les organismes de sécurité sociale. Dans les douze départements expérimentateurs, dont l’Ille-et-Vilaine, les deux circuits organisationnels furent tenus de cogérer la prestation unique, la PED, se substituant aux anciens dispositifs. La prestation expérimentale dépendance est composée de deux prestations juridiquement distinctes, éventuellement cumulables : l’allocation pour tierce personne, versée par le conseil général et une prestation supplémentaire dépendance versée par la caisse de retraite.

8Mais l’expérimentation législative eut aussi pour effet de promouvoir de nouvelles formes d’intervention gérontologique, réagissant directement à la mise en œuvre de l’ACTP, et plus secondairement à l’action sociale de l’assurance vieillesse. Elle constituait en premier lieu une prestation affectée. Ici, la rétroaction du dispositif ACTP a permis de trancher un débat relativement ouvert, y compris au sein des différentes théories de l’équité pour lesquelles le choix entre prestations en nature ou en espèces n’est ni déterminé ni déterminant (Genier, 1996). Elle a favorisé l’un de ses courants, dits de l’égalité des réalisations fondamentales, privilégiant les prestations affectées afin de prévenir des « détournements » vers des réalisations d’ordre privé. L’effectivité étant difficile à contrôler avec des prestations en espèces, la préférence est alors accordée aux prestations en nature ou en espèces affectées. Cette solution était susceptible de satisfaire trois attentes départementales : moraliser l’utilisation de l’argent public, accroître son efficacité, et créer si possible des emplois de proximité.

9Ce passage d’une « stratégie de revenu » à une « stratégie de services » (Morel, 1996) induit de nouvelles procédures. À l’instar des politiques d’insertion, les populations dépendantes ne devaient plus être saisies à travers des procédures automatiques ou des actions de compensation, dans une perspective de gestion classique, mais sur la base de nouveaux modes de gestion individualisée (Rosanvallon, 1995). Ceci s’appliqua aussi bien aux conseils généraux, qu’au régime général qui y voyait l’opportunité de redresser les travers du régime dit « d’offre libre ». En effet, les associations prestataires qu’il conventionne déterminent assez librement les besoins du client, la façon d’y répondre et le type et la quantité des prestations qu’il délivrera (Dupasquier, 2001, p. 81). La PED représenta donc l’occasion de recadrer les réponses en fonction des besoins et non de l’offre. Ce passage du « prêt à porter » au « sur mesure » (Hassenteufel, Martin, 1998) prit les traits de la gestion au « cas par cas », forme dérivée du case management anglo-saxon. La gestion par cas tend à la fois à bien comprendre les besoins de l’individu, à les rapporter aux politiques et priorités fixées par les autorités responsables et à s’entendre avec les usagers sur les objectifs de l’intervention. Elle suppose l’analyse, notamment par des visites à domicile, de la situation et des besoins de l’usager, des aspirations de ce dernier et de sa famille, et des problèmes qui se posent (Davies, 1994).
En PED, ces prescriptions trouvèrent un écho avec la constitution d’équipes médico-sociales (EMS) chargées d’effectuer systématiquement une évaluation médico-sociale à domicile auprès de chaque demandeur. Cette nécessité de l’approche pluridisciplinaire résulte de la pluralité des aspects à prendre en considération. L’un des objectifs de la PED était de valider la grille AGGIR [9], nouveau langage évaluatif commun susceptible de contrer l’éclatement des grilles d’évaluation en France (Gardent, 1993). En théorie, ce sont les médecins qui évaluent les aptitudes fonctionnelles et physiques propres à chaque personne sur la base d’AGGIR. Quant aux travailleurs sociaux, ils s’attachent à la prise en compte parallèle du bien-être affectif et du comportement social de l’usager, de son environnement et ses ressources, du soutien que lui apportent ses proches, du degré de stress ou autres facteurs susceptibles d’influencer les rapports sociaux. L’évaluation individuelle et le plan d’aide individualisé témoignaient du fait que le temps des prestations délivrées de manière uniforme en fonction de critères standardisés était révolu (Argoud, 1998, p. 10). Une fois de plus, on assista à la consécration de l’individualité allant de pair avec la reconnaissance de la singularité des situations (Commaille, 2000). Dans ces politiques sociales, qui rencontrent les exigences d’un traitement à la personne, le vocabulaire du contrat tend à se substituer à celui de la règle (Thévenot, 1992, p. 249). La contractualisation se rapporte au remplacement de dispositifs prestataires par une action continue, déterminée et conduite avec les bénéficiaires eux-mêmes. La logique du « droit à » s’efface au profit d’un « droit processus » (Lafore, 1990). La contractualisation se réfère également au thème crucial de la responsabilité individuelle. Ainsi, l’aide publique intervient contre l’engagement à certaines conduites, ou contre l’acceptation d’un suivi social ou budgétaire (Pesce, 1994), conformément à l’impératif de moralisation développé dans le modèle de la « Troisième voie » (Giddens, 2000, p. 52). À ce titre, la PED souligna la part d’engagement mutuel requise par un droit producteur d’une socialisation de l’individu (Donzelot, 1999).

? La mise en œuvre de la prestation spécifique de dépendance ou l’institutionnalisation d’une gestion par cas

Entre droit social restrictif et logique de dispositif

10En 1996, le renoncement du Premier ministre à présenter rapidement son projet de prestation autonomie, promesse électorale du candidat Chirac, précipita l’initiative sénatoriale débouchant sur le vote de la loi « prestation spécifique dépendance ». Fruit d’une alliance politique entre l’Association des présidents de conseils généraux (APCG) et le Sénat, la PSD fut une « ACTP bis spéciale personnes âgées ». D’un côté, elle pérennisa la compétence départementale et renforça son autonomie dès lors qu’elle excluait simultanément les COTOREP et le principe d’une cogestion : seule la PSD pouvait intervenir auprès des personnes les plus dépendantes (GIR, 1 à 3 [10]). De l’autre côté, elle scinda le handicap en deux pour appliquer aux seules personnes âgées de nouvelles règles : rétablissement du recours sur succession, nouveaux calculs des ressources, prestation affectée… À côté de cette dimension première du droit fondamental, la plus controversée, le législateur pérennisa la gestion par cas et la grille AGGIR, en dépit des nombreuses critiques formulées à son endroit [11]. Mais l’évaluation médico-sociale ne répondait à aucune définition réglementaire précise. Elle s’avéra une notion suffisamment fourre-tout pour que son architecture fût tributaire des choix locaux. Notamment des conventions partenariales liant les conseils généraux et les organismes sociaux. Si la cogestion a été écartée, le législateur imposa en effet la signature de conventions partenariales dont le caractère obligatoire contraste avec la liberté laissée aux acteurs locaux de négocier son contenu. En tout état de cause, le législateur se refusa à imposer des inventions dogmatiques liant d’entrée les acteurs chargés de la mise en œuvre mais au contraire, promut l’innovation. Étant donné que cette dernière est une activité en relation forte avec l’incertitude, elle ne peut parfaitement être programmée par l’activité normative (Alter, 2002). Ceci explique la forte variabilité territoriale qui caractérisa les dispositifs.

La prestation spécifique dépendance au prisme des territoires

11En Ille-et-Vilaine, département expérimentateur, la transition PED-PSD a temporairement généré une situation d’incertitude dans la mesure où les caisses devaient « faire le deuil » de l’expérimentation. Finalement, la convention PSD a reconduit une collaboration très étroite entre le conseil général et les deux principaux régimes de sécurité sociale (CRAM pour le régime général, MSA pour le régime agricole) [12]. Bénéficiant d’un important concours humain, sans contrepartie financière pour le régime général [13], le conseil général a pu plus aisément mobiliser cinq médecins sur le dispositif. Au final, l’Ille-et-Vilaine est l’un des très rares départements à répondre pleinement au caractère médico-social de l’équipe. Les médecins et les travailleurs sociaux effectuaient leur visite séparément. Alors que les premiers allaient girer les personnes pour établir leur droit à la PSD, les seconds s’attachaient à évaluer l’environnement de la personne âgée.

12Dans l’Hérault, le conseil général ne bénéficia que d’une modeste participation des organismes de sécurité sociale : un mi-temps par le régime des mines [14], et un seul temps plein pour le régime général. Cet équivalent temps plein servit surtout à « ne pas se fermer de portes pour l’avenir dans un “département phare” de la région regardé par les autres départements » [15]. Concernant la MSA, institution leader en matière d’action gérontologique, sa proposition de participer contre rémunération essuya un refus. Pourvoyant presque seul les équipes médico-sociales, le conseil général décida d’envoyer alternativement une infirmière ou un travailleur social effectuer une visite unique. L’avis médical était en théorie mobilisé au siège mais des problèmes de positionnement institutionnel le reléguèrent largement dans les faits. La dimension médico-sociale était censée résulter des échanges interprofessionnels observables lors de réunions hebdomadaires d’attribution de l’APA.

13Quant à la Loire-Atlantique, elle fit partie des départements pour lesquels la PSD représentait d’abord une rationalisation de l’ACTP plutôt que l’opportunité d’impulser un partenariat. La convention se réduisit au schéma minimal de gestion des flux d’information, à l’exception notable de la PSD dite d’« urgence » [16]. Le conseil général voulait d’abord « maîtriser le dispositif de A à Z », quitte à faire évoluer ses positions par la suite. Assumant seul son fonctionnement, le conseil général se contenta de recycler ses contrôleurs des lois d’aide sociale anciennement affectés à l’ACTP, et épaulés par de nouveaux. Ainsi, le caractère médico-social de l’évaluation apparaissait ténu. Il reposait sur le caractère départementalisé de l’équipe médico-sociale, ne faisant intervenir le diagnostic médical qu’au siège. Ce qui contrastait avec l’évaluation réalisée en établissement, milieu médicalisé où seul le médecin du conseil général était habilité à évaluer les aptitudes fonctionnelles à l’aide d’AGGIR.

Un apprentissage commun

14Au-delà de choix organisationnels territoriaux distincts, la mise en œuvre de la PSD a induit une adhésion commune au principe de la gestion par cas. Y compris pour le régime général qui souhaitait faire de l’individualisation un axe prioritaire pour ses interventions sur les GIR 4, 5 et 6. Mais des doutes furent émis sur la possibilité d’individualiser l’approche tout en maintenant AGGIR, outil conçu en vue de l’évaluation de la charge de soins en institution. Il privilégie une vision médicale au détriment d’une vision médico-sociale replaçant la personne dans son contexte (Gilles, Groc, 1995). Cela favoriserait l’émergence d’un savoir en extériorité, évitant toute intrusion de la subjectivité dans la définition des populations et des besoins (Argoud, 1998 ; Ennuyer, 2002). Ces réticences, légitimes, tendent à confondre l’évaluation stricto sensu, au sens de girage, et la définition du plan d’aide. Certes, le girage était problématique dès lors que son résultat conditionnait l’accès (GIR 1 à 3) ou non (GIR 4 à 6) à la PSD. Si l’expérimentation avait retenu une continuité de la prise en charge, la césure introduite par la PSD perturba cette logique dès lors qu’elle ouvrait des droits différenciés. La frontière apparut d’autant plus problématique que les algorithmes d’AGGIR produisent des résultats très aléatoires. Ainsi, dans 82 % des combinaisons n’ouvrant pas droit à la prestation, le changement d’une modalité sur une variable peut provoquer l’attribution de la prestation [17].

15Mais si le girage semblait livrer une vision d’essencemédicale et fortement réductrice du besoin, en revanche, la prise en compte individualisée de l’environnement intervenait dès lors que les critères d’accès étaient satisfaits. La démarche de girage, fondée exclusivement sur les variables discriminantes, s’effaçait devant une définition individualisée du besoin, organisée autour de variables illustratives et environnementales. L’élaboration des plans d’aide s’inscrivit en faux contre le risque d’une objectivation « aveugle » grâce à son émancipation vis-à-vis de l’outil AGGIR. En effet, le plan d’aide n’était pas un résultat mécanique et proportionnel au classement en GIR 1, 2 ou 3. Alors que d’autres expériences nationales en Europe corrélaient degré d’incapacité et niveau du plan d’aide attribué (Le Bihan, 2002), l’approche française se révéla plutôt soucieuse d’intégrer l’environnement des personnes dans l’appréciation du besoin. S’il s’était agi de la stricte utilisation de la grille AGGIR, l’introduction d’un travailleur social n’eut d’ailleurs pas été nécessaire (Gucher, 2000, p. 41). Promouvoir une démarche médico-sociale revient d’abord à ajouter du social au médical. Afin de « sociologiser » l’approche, la grille AGGIR fut enrichie par les acteurs locaux soulignant les limites inhérentes à un outil conçu en établissement et mal adapté au domicile. Les travailleurs sociaux détaillèrent certaines variables (toilette, habillage…) et ajoutèrent une ou plusieurs colonnes d’observations complémentaires (dont l’intervention ou non d’aides professionnelles, habitat…), ce qui permît de replacer AGGIR dans un outil plus complexe. La limite la plus dommageable tenait finalement la difficulté d’observer la dépendance des personnes âgées au cours d’une visite ponctuelle (Olm, Simon, 1997). De sorte que l’équipe médico-sociale était prisonnière des informations délivrées par les personnes âgées et leur entourage. Le point commun à l’ensemble des départements résida en effet dans l’exclusion des professionnels. Ils étaient soupçonnés, soit, s’agissant des associations d’aide à domicile, d’amplifier les besoins eu égard à l’intérêt vital qu’ils ont à la socialisation des besoins privés (Brovelli, 1989, p. 28) et de « biaiser » le libre choix de la personne âgée entre différentes formules d’emploi (prestataire, mandataire, gré à gré), soit, s’agissant des médecins traitants, de « clientélisme » cela d’autant plus que leur demande d’être rémunérés ne fut pas satisfaite.
Que l’évaluation soit pluridisciplinaire ou non, qu’elle ressorte du contrôleur, du travailleur social, et/ou du médecin, tous les discours convergeaient pour reconnaître la légitimité de l’évaluation médico-sociale. Mais au-delà de l’attribution de droits, elle se révéla aussi décisive pour la connaissance des personnes âgées en levant une sorte de voile qui s’étendait sur elles. Alors que pour l’ACTP c’était surtout une vision simplifiée des besoins qui l’emportait, réduite à l’accession à des droits sociaux, la mise en œuvre de la PSD favorisa l’émergence d’une problématique d’action sociale notamment grâce à la constitution des équipes médico-sociales qui ont dévoilé les besoins et leur complexité.

Une logique d’offre déterminante

16Les limites les plus immédiates relevèrent moins de la démarche évaluative que du plan d’aide proprement dit. En effet le doute est permis, à propos de la contractualisation, lorsque la logique d’animation reste très largement prédéterminée par l’offre là où il conviendrait de donner la priorité à la demande telle que celle-ci émane des besoins sociaux exprimés (Greffe, 1992). Même si le montant moyen attribué en PSD à domicile s’élevait à 3 200 francs, contre 2 600 pour l’ancienne ACTP servie aux personnes âgées de plus de 60 ans [18], plusieurs limites sont apparues. D’abord, le refus du législateur de fixer un barème national sous la pression de l’APCG, et au nom de l’impératif de gestion par cas, a permis aux inégalités territoriales de traitement de prospérer. La liberté laissée aux équipes médico-sociales de valoriser les plans d’aide selon les besoins individuels fut, dans les faits, conditionnée par les jurisprudences politiques départementales. C’est en établissement que les contrastes territoriaux, en termes de solvabilisation, apparurent les plus marqués. Ensuite, un maximum de 10 % du total des plans d’aide pouvait être affecté à des dépenses autres que la rémunération d’une aide à domicile. Dès lors, les constructions individualisées des plans étaient en partie contrecarrées par leur forme assez stéréotypée. Les besoins sociaux repérés par les équipes médico-sociales devaient trouver des réponses en dehors du cadre de la PSD (hébergement temporaire, aménagements techniques, amélioration de l’habitat…). La PSD sembla moins constituer une prestation globale de maintien à domicile qu’une prestation d’aide à domicile.

17Enfin, le législateur a instauré une mise en concurrence des services prestataires avec les formules d’emploi direct (mandataire et gré à gré). Censée favoriser l’émulation du secteur, cette concurrence a opportunément permis de compenser la « modestie » des plans d’aide en recourant si besoin aux formules les moins onéreuses. Cette pratique fut plus ou moins marquée selon les politiques tarifaires des conseils généraux : pluralité (fixation d’un, deux ou trois tarifs pour calculer les plans d’aide) et niveau des tarifs adoptés. En Ille-et-Vilaine, le conseil général avait d’abord opté pour un tarif unique de 63 francs, au nom d’un principe de neutralité et de simplicité, avant d’adopter une tarification différenciée intégrant un tarif dit prestataire, c’est-à-dire un taux de remboursement spécifique et plus élevé lorsque le choix de la personne âgée se porte sur une association prestataire. Des considérations valables sur l’ensemble du territoire national se retrouvent : problème de la responsabilité juridique posée par les formules mandataires et de gré à gré ; nouvelle exonération à 100 % des charges patronales pour les associations prestataires et CCAS resserrant les coûts entre formules. Ces arguments ont également convaincu le conseil général de Loire-Atlantique de passer d’un seul à trois tarifs. Dans l’Hérault, le conseil général a opté pour une tarification binaire correspondant au gré à gré et au mandataire. Dès lors, le recours au prestataire est pénalisé puisqu’il induit un surcoût horaire à la seule charge de la personne âgée. Mais le recours à l’emploi direct était aussi largement imputable aux caractéristiques de l’offre et de la demande, et en dehors de toute régulation institutionnelle [19].

La mise en œuvre du plan d’aide : entre accompagnement social et coordination gérontologique

18La gestion par cas suppose une continuité des responsabilités plus grande qu’avec un modèle ponctuel d’intervention dans lequel l’évaluation et la prestation de services s’arrêtent lors de la sortie, jusqu’à ce que l’usager reprenne contact avec l’organisme. Il s’agit d’exercer un suivi beaucoup plus rapproché que ne l’était celui de l’allocation compensatrice, quasi inexistant et se résumant le plus souvent à renouveler un accord de prise en charge au bout de cinq ans. Le suivi exercé consiste ici en une réévaluation annuelle et à s’assurer de la bonne exécution du plan d’aide. À un second niveau, le suivi est permanent et pourrait être qualifié d’accompagnement social, au même titre que celui pratiqué auprès des populations « exclues ». Si tous les interlocuteurs soulignèrent les réajustements ponctuels sur les cas limite, la pratique générale différa.

19Dans l’Hérault et la Loire-Atlantique, l’accompagnement social fut relégué au second plan. Les équipes médico-sociales étaient spécialisées dans l’intervention auprès des publics âgés, mais couvraient des territoires trop vastes pour constituer des référents sociaux de proximité. Ce déficit ne fut jamais compensé en Loire-Atlantique en raison de l’absence de politique de coordination gérontologique, même si le département abritait de très nombreuses initiatives de terrain. En revanche, le conseil général de l’Hérault souhaita profiter de la mise en œuvre de la PSD pour généraliser l’expérience de Lunel. Onze associations, couvrant les onze bassins gérontologiques esquissés par le deuxième schéma gérontologique de 1997, devaient voir le jour. Plutôt que de s’appuyer sur l’existant, il s’agissait d’apporter des ressources supplémentaires avec la retenue de trois profils de poste par association : secrétariat, social et santé. Ils relèvent d’un système de cofinancement institutionnel censé garantir l’« engagement collectif » (conseil général, DDASS, ARH, CRAM, MSA). Sur le papier, ces associations devaient permettre l’accompagnement des personnes âgées et la coordination des professionnels. Extrêmement formalisé, copilotée institutionnellement, ce chantier éprouva de nombreuses difficultés pour réellement démarrer, en particulier à cause des luttes politiques intestines entre communes.

20En Ille-et-Vilaine, la convention PSD avait attribué aux équipes médico-sociales le soin d’assurer l’accompagnement social des bénéficiaires. Les désaccords entre le conseil général et les organismes sociaux portaient sur le contrôle d’effectivité que les travailleurs sociaux des caisses assimilaient à une fonction de contrôle qu’ils refusaient d’assumer. Dans les faits, les travailleurs sociaux continuèrent d’exercer une polyvalence de secteur, limitant leurs possibilités d’accompagnement des publics âgés. Les équipes médico-sociales étant officiellement responsables de l’accompagnement social, le conseil général développa une politique de coordination gérontologique avant tout conçue comme une démarche itérative de projet sur les territoires, plutôt qu’une gestion des cas individuels. Cette démarche s’appuyait sur la création des comités d’observation de la dépendance et de médiation (CODEM) au sein desquels les acteurs doivent œuvrer dans des logiques collectives de réflexion, de diagnostic et de proposition. L’absence de fourniture d’un service particulier explique celle de dépenses de fonctionnement. Mais l’ambition intellectuelle et politique apparut bien grande comparée à la faiblesse des moyens opérationnels.
Ces acquis de la mise en œuvre de la PSD n’ont pu occulter son échec massif en termes de solvabilisation (nombre réduit de bénéficiaires, inégalités territoriales de traitement). La PSD illustre l’idée selon laquelle l’autonomie des territoires infranationaux peut s’accompagner d’une diminution de la dimension redistributive des systèmes de protection sociale (Hassenteufel, 1998). Elle fut finalement remplacée par la réforme aujourd’hui en cours de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), loi promulguée en juillet 2001.

? L’allocation personnalisée d’autonomie : entre difficultés conjoncturelles et ajustements structurels

L’APA : « un nouveau droit fondé sur le principe d’égalité » [20]

21L’APA s’est apparenté à un processus transactionnel entre le législateur, les partisans du 5e risque de sécurité sociale et les conseils généraux. Il a abouti à une prestation sui generis entremêlant une prestation à vocation universalisante et une gestion décentralisée à l’échelon départemental. Contre les partisans d’une gestion par la sécurité sociale, l’APA confirma le principe d’une gestion décentralisée en raison de solutions alternatives jugées trop coûteuses. Ici, la gestion de proximité participe de la montée d’un local welfare state, correspondant aussi à une manière pour le centre de se décharger de ses responsabilités financières (Merrien, 1997, p. 115). En outre, la gestion départementale représente un point d’appui et un compromis difficilement renégociable, sauf à ouvrir une crise sur l’avenir de l’échelon départemental. Pour les défenseurs d’une gestion type « Sécurité sociale », le choix départemental est frappé d’illégitimité car réservé au périmètre de l’aide sociale dans lequel les personnes âgées dépendantes ne peuvent entrer. Dès lors, le gouvernement s’est immédiatement employé à dissocier la gestion départementale de son cadre historique que constitue l’aide sociale. Le problème de départ ne fut pas tant de vanter une gestion de proximité, que de la concilier avec les objectifs de solidarité nationale. Envisagée comme principe de philosophie politique se définissant par rapport à d’autres principes (égalité, équité, justice…), la solidarité est une notion agissante, subjective et conditionnée. Son sens dépend étroitement d’autres principes l’inspirant et la déterminant (Borgetto, 2001). Ici, les principes sont universalité, égalité et équité. L’universalité est permise par la quasi-suppression du critère de ressources comme condition d’accès au dispositif. L’équité (ou égalité dans la règle) est assurée par la participation financière de la personne âgée dont le taux est fonction des ressources. Enfin, l’égalité devant la règle, redressant les inégalités constatées en PSD, repose initialement sur des planchers et plafonds nationaux de dépenses. Les rédacteurs des décrets se chargeront par la suite de faire opportunément disparaître cette garantie, donnant satisfaction au lobby départemental. Ce souci de combiner les principes d’égalité et d’universalité à celui d’équité, au regard des situations concrètes des personnes (Astier, 2002), fait de l’APA la transformation majeure de l’aide sociale départementale, traditionnellement réservée aux publics les plus « déshérités ».

22La codification juridique étant à l’origine censée prévenir l’arbitraire local, les conseils généraux furent présentés comme les autorités les plus à même de satisfaire une gestion de proximité souple, individualisée et efficace. La communication politique autour de l’APA reprend le schéma classique dans lequel la territorialisation du social est justifiée au nom de l’efficacité et de l’optimisation de l’action publique (Béhar, 1997). Dans le cas de la dépendance, la gestion décentralisée est opposée à une logique de guichet qu’incarnerait la Sécurité sociale [21]. Pour ElisabethGuigou, alors ministre de l’Emploi et de la Solidarité, cette perspective conduisait le gouvernement à préférer la notion de risque social à celle de 5e risque de sécurité sociale. Elle combine les garanties attachées au risque et l’efficacité d’une mise en œuvre induite par la gestion de proximité [22].
En tout état de cause, il convient de s’interroger sur les suites données à cette dynamique d’individualisation dès lors que le public cible s’élève à 796 000 bénéficiaires (annoncé par Elisabeth Guigou en se fondant sur les résultats livrés en 1999 par l’enquête HID). Cela correspond alors à la réunion des quatre premiers GIR contre un maximum connu de 143 000 bénéficiaires en PSD au 30 septembre 2001 [23]. D’autant plus que la montée en charge de l’APA, contrairement à la PSD, va rapidement atteindre les prévisions, voire les dépasser. Au 30 septembre 2004 on recensait 837 000 bénéficiaires [24]. Il convient ici de faire la part des choses entre les éléments conjoncturels et des éléments plus structurels.

Un choc difficile à absorber

23Alors que les organismes de sécurité sociale se sont interrogés sur leur repositionnement gérontologique, comme sur le degré et la nature des partenariats conventionnels à nouer avec les conseils généraux, ces derniers ont dû absorber le choc de l’APA. Le très court laps de temps entre la parution tardive des décrets (fin novembre 2001) et la mise en œuvre (1er janvier 2002) a souvent mis les conseils généraux en difficulté pour bâtir et stabiliser le dispositif APA. Ce problème est apparu d’autant plus problématique que la montée en charge de l’APA, contrairement à la PSD, a été extrêmement rapide. Le défi auquel ont été confrontés les conseils généraux, a été de ne pas se laisser déborder. Pour ce faire, ils ont pu compter sur la compréhension des caisses de sécurité sociale. Redoutant la surcharge de travail générée par la mise en œuvre de l’APA, conseils généraux et caisses se sont mis d’accord sur le principe de continuité d’une prise en charge par ces dernières de leurs ressortissants GIR 4, relevant désormais de la compétence départementale. Cette avance de frais, permettant de gérer le basculement des GIR 4 des organismes de sécurité sociale vers les conseils généraux, fut un acquis observable sur l’ensemble des départements.

24Concernant l’évaluation des demandes, les conseils généraux ont apporté des modifications plus ou moins conséquentes. En Ille-et-Vilaine, le conseil général a souhaité avant tout consolider le support organisationnel existant par une politique de recrutement. La modification la plus notable est de ne plus intercaler la décision de la commission d’attribution des plans d’aide entre les deux visites. Désormais, l’évaluateur doit obtenir l’accord de la personne âgée avant la Commission et lui faire signer le plan d’aide définitif. Cette procédure, jugée incohérente par les évaluateurs puisque c’est l’instance de décision qui valide le plan d’aide, encourage les familles à renégocier le plan d’aide lors de la seconde visite et avant la Commission. En Loire-Atlantique, le conseil général a passé convention avec les médecins généralistes pour qu’ils déterminent le GIR des demandeurs. Seuls ceux classés dans les quatre premiers GIR sont ensuite évalués par un membre de l’équipe médico-sociale afin d’établir de manière contractuelle le plan d’aide. Dans l’Hérault, les personnels des équipes médico-sociales ont été renforcés avec le recrutement, difficile, de conseillères en économie sociale et familiale. Mais l’intervention demeure alternativement fondée sur la visite d’une infirmière ou d’un travailleur social qui propose davantage un devis qu’une programmation détaillée des aides comme en PSD, permettant une plus grande latitude d’organisation aux opérateurs de service.

25En réalité, l’APA a surtout eu pour effet commun d’augmenter le ratio journalier des évaluations médico-sociales afin de prévenir le décalage croissant entre le nombre de demandes enregistrées et le nombre de demandes effectivement traitées, ce qui peut se résumer par une formule d’un évaluateur de Loire-Atlantique : « Avant on faisait les plans d’aide à la petite cuillère.Maintenant on les fait à la louche ». Pendant toute la montée en charge du dispositif, l’évaluation était plus sommaire et tendait généralement à accorder une aide supérieure. Ce qui pose le problème d’une révision ultérieure de plan d’aide avec un risque de réduction. Dans tous les cas, cette augmentation des cadences n’a pas suffi pas à absorber le flux. Ne pouvant évaluer toutes les demandes à temps, c’est-à-dire dans un délai légal de deux mois, les conseils généraux ont pu recourir au versement de l’indemnité forfaitaire imaginé par le législateur. Elle permet de verser une somme d’argent (APA à 50 % du plafond d’aide des GIR 1) en attendant l’évaluation médico-sociale proprement dite.

26Le paiement forfaitaire a été mis en place dans l’Hérault à partir de juin 2002 devant l’afflux de dossiers (jusqu’à 3 000 par mois). Le conseil général de Loire-Atlantique y a également recouru pour une centaine de dossiers avant de stopper la procédure, devant les nombreux retours des personnes âgées sur l’utilisation possible. Le département a préféré alléger la procédure d’instruction pour accélérer le traitement, sans répondre immédiatement. Cette indemnité cause autant de problèmes qu’elle n’en résout. Loin de l’objectif de médiation individualisée, nous avons affaire à un versement automatique ni toujours justifié (niveau de dépendance insuffisant), ni utilisé à bon escient (prestation non utilisée soit dans le but de thésauriser, soit par crainte d’un remboursement rétroactif des sommes). Quant aux élus, la crainte existe d’un retour des pratiques ACTP. Cette procédure a soulevé le problème, politiquement très sensible, d’un recouvrement des sommes indûment versées ou mal utilisées. D’autant plus que les arbitrages nationaux, exprimés sous forme de recommandation, ne sont arrivés que fin 2002. En Ille-et-Vilaine, le conseil général a rejeté d’emblée la procédure d’indemnité forfaitaire en lui préférant la procédure d’admission d’urgence, dont le montant est aussi égal à 50 % du montant maximum du plan d’aide d’un GIR 1. Appliquée de manière plus réduite et sélective, dans les cas où l’absence d’une aide immédiate peut remettre en cause le maintien à domicile de la personne âgée [25], l’APA d’urgence est attribuée pour deux mois et renouvelable. Lorsque l’évaluation de la personne âgée est faite, si ses besoins sont inférieurs au montant de l’APA d’urgence, il n’est pas demandé à la personne âgée, bien que ce soit légalement possible, de rembourser les sommes avancées dans le cadre de la procédure.
Si la qualité des évaluations a pâti de cette explosion des demandes, l’effectivité de l’aide et l’accompagnement social ont constitué des objets encore plus fortement relégués. Passée l’absorption du choc, les dispositifs ont pu retrouver une logique d’individualisation des traitements ayant subi quelques modifications d’ordre plus structurel.

Évaluation et plan d’aide : une évolution contradictoire

27L’APA a permis de résoudre le problème, observé dans le dispositif de la PSD, de frontière entre le GIR 3 et le GIR 4 qui était synonyme du basculement d’un dispositif à l’autre. L’ODAS avait très tôt souligné la nécessité d’intégrer le GIR 4, qui représentait une population très nombreuse et extrêmement hétérogène en termes d’état de dépendance et de besoin d’aide. L’exclusion de la PSD était souvent source d’incompréhension chez les demandeurs (ODAS, 1998). En revanche, l’APA crée un problème supplémentaire en plafonnant les montants financiers des plans d’aide pour chaque GIR. Ils se révèlent en effet souvent trop modestes pour couvrir les besoins du GIR 3, et a fortiori du GIR 4, hétérogène et pléthorique. Le girage en APA devient désormais pointu dès lors que les montants financiers sont plus étroitement liés au classement en GIR. Une relation est de nouveau tissée entre état de dépendance et plan d’aide, même s’il n’y a pas de calcul mécanique. En réintroduisant une sorte de primat de l’outil d’essence médicale dans la réponse individuelle au besoin, l’APA contrarie l’apprentissage unanimement salué par les équipes médico-sociales lors de la mise en œuvre de la PSD.

28Ces dernières insistent en revanche sur une meilleure prise en compte des besoins individuels induite par l’élargissement de l’offre de services. Alors que seulement 10 % du montant total des plans d’aide PSD pouvait être affecté à des dépenses autres que l’aide à domicile, cette limitation disparaît en APA. Désormais, le plan d’aide s’apparente idéalement à un dispositif de maintien et non d’aide à domicile, pouvant financer une gamme variée de services : formules d’hébergement temporaire (accueil de jour, garde de nuit) ; portage de repas ; téléalarme ; financement de matériels techniques (rehausseur de douche, barres d’appui…) ; aménagement de l’habitat. Pour favoriser le recours aux possibilités les plus onéreuses, le conseil général peut débloquer une somme maximale correspondant à l’addition de quatre mois de plan d’aide. Mais son recours entraîne mécaniquement une amputation partielle ou totale des dépenses consacrées au financement de l’aide à domicile. Ce qui dissuade fortement les personnes âgées, sauf lorsqu’elles s’engagent à les financer personnellement. À l’observation, les plans d’aide demeurent très majoritairement orientés vers l’aide à domicile, même si la diversification progressive de l’offre est susceptible de faire bouger les équilibres. L’impact le plus diffus de la loi, et l’un des plus considérables à terme, tient à la diversification des profils socio-économiques et culturels des bénéficiaires de l’aide départementale. Les conseils généraux voient l’afflux de publics souvent mieux informés et plus revendicatifs que les publics traditionnels de l’aide sociale.

La coordination gérontologique : entre volontarisme inédit et mise en œuvre territorialisée

29À côté de l’allocation stricto sensu, la loi APA a légalement reconnu le dispositif des centres locaux d’information et de coordination (CLIC) [26]. Ces centres mobilisent et structurent l’ensemble des informations, des moyens et des services existant sur un territoire donné. Ils peuvent également participer à l’évaluation et la coordination des aides autour de la personne. Les CLIC doivent permettre de matérialiser un peu plus les exigences d’un traitement à la personne : travail de guidage et d’évaluation en amont et suivi du plan d’aide et coordination des interventions professionnelles en aval. Les CLIC s’apparentent à un quasi-service public maillant l’ensemble du territoire national (l’objectif gouvernemental était, en 2001, la création d’environ un millier de CLIC sur cinq ans). Leur labellisation, condition sine qua non pour bénéficier de financements, se fait sous l’égide de comités spécifiques de pilotage où siègent de droit l’État et le conseil général. Cette parité de façade ne suffit pas à masquer l’emprise des conseils généraux sur le calendrier, les formes et les objectifs des CLIC. Paradoxalement, c’est là où les institutions locales ont le plus tôt adhéré à la coordination gérontologique et œuvré en ce sens, que la mise en œuvre des CLIC s’est révélée la plus problématique. Elle réinterroge ce qui avait déjà été construit localement, soit dans une perspective de remplacement, soit dans une perspective d’articulation. En Ille-et-Vilaine, le conseil général a ainsi traîné les pieds avec la volonté de pérenniser l’organisation existante : aux équipes médico-sociales le soin de coordonner les aides, aux CODEM la fonction de projet. L’intérêt du label CLIC réside avant tout dans l’obtention de ressources extérieures.

30Dans l’Hérault, les crispations engendrées au sein des caisses de sécurité sociale par la mise en œuvre de l’APA se sont directement répercutées sur les missions assignées aux CLIC. Alors que le conseil général souhaitait leur confier de véritables missions de coordination, les caisses ont été tentées de les réduire à un simple rôle d’information. Leur crainte était de financer une structure dont l’essentiel de l’activité ressortirait des bénéficiaires APA. Dans cette perspective, chaque institution se recentrait sur une logique de ressortissants, selon des espaces d’intervention étanches. Cette réticence des caisses a rendu moins attractif le fait d’exercer des fonctions de coordination dans le cadre des CLIC plutôt que celui des équipes médico-sociales.

31En Loire-Atlantique, les différents partenaires institutionnels (conseil général, DDASS, CRAM, MSA et de manière plus exceptionnelle l’ARH) ont promu une procédure unique de labellisation permettant l’octroi d’un financement, et élaborée à partir d’un cahier des charges commun à tous les financeurs et très proche de celui proposé par le ministère des Affaires sociales [27]. Cette convergence illustre bien l’adhésion des institutions locales à l’esquisse ministérielle. Il existe aujourd’hui douze projets labellisés CLIC contre neuf en 2002. Pour ne pas doublonner la fonction d’évaluation médico-sociale, exercée dans le dispositif APA, les CLIC devaient intervenir en amont, au niveau de l’information et de l’orientation des usagers, et en aval en termes d’accompagnement social. Une mission jusqu’ici mal assurée par le conseil général. Fin 2004, cette question demeurait à l’ordre du jour dans la mesure où aucune ligne n’a été fixée institutionnellement. L’implication des CLIC dépend dans les faits de chaque structure, dont les ressources humaines et les compétences varient d’un territoire à l’autre.

32* * *
Au-delà de son caractère lent et chaotique, la réforme de l’allocation dépendance a fini par consacrer le leadership départemental en matière de politique gérontologique, du moins sur ses versants social et médico-social. La création récente de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ne fait que conforter cette tendance en apportant de nouvelles ressources budgétaires aux conseils généraux. Parallèlement à cette évolution du champ des compétences, nous avons assisté à l’introduction d’un nouveau type de relations entre institutions financeurs et bénéficiaires. Ces derniers ne sont plus pour l’essentiel des destinataires ou bénéficiaires du service public comme l’étaient les bénéficiaires de l’ACTP. Leur statut a en réalité connu une double mutation. Les étapes successives de la réforme ont d’abord introduit l’idée d’usagers partenaires, la constitution des usagers comme sujets de droit. Cette clientélisation des usagers, au moyen des politiques d’offre différenciées, tend à dissoudre la séparation traditionnelle de l’intérêt général et des intérêts particuliers, principe de l’intervention publique dans la tradition républicaine française (Warin, 1997). Ici, les conseils généraux, épaulés par les organismes sociaux, favorisent une marchandisation du social, synonyme de maximisation des choix (Jenson, Papillon, 2000). Cela passe par la promotion de prestations de services plus diverses et plus flexibles, en accord avec la notion de « choix » posée comme valeur (diversification des services et continuité du service). Ce processus d’individualisation, mu par une recherche d’efficacité, peut être en tension avec l’idée que se font souvent les demandeurs d’avoir un droit de tirage assis sur des garanties collectives et intangibles. D’ailleurs, la mise en œuvre de l’APA a souvent généré des incompréhensions chez les demandeurs persuadés d’avoir un « droit à ». Ensuite, le développement d’une gestion par cas, entre autres recompositions, a nourri le dépassement des logiques réglementaires et redistributives. Cela se traduit par une sorte de convergence et de rattrapage à partir desquels les personnes âgées intègrent désormais une problématique d’action sociale observable depuis les années quatre-vingt sur d’autres publics (« exclus », enfance…).

Notes

  • [*]
    Docteur en science politique, chercheur associé au Laboratoire d’analyse des politiques sociales et sanitaires (LAPSS) et au Centre de recherche sur l’action politique en Europe (CRAPE – CNRS).
  • [1]
    Ce qu’on appelle communément « assistance » à l’étranger recouvre, en France, la notion d’aide sociale, ou action sociale pour certaines activités (Barbier, Théret, 2004).
  • [2]
    Ces trois départements ont été choisis parmi les sept étudiés lors d’un travail de thèse de science politique (cf. Frinault T., Action publique et transformations des modes de socialisation de la vieillesse. Les politiques de prise en charge des personnes âgées dépendantes, Rennes 1, septembre 2003). Les quatre autres départements sont l’Indre, le Maine-et-Loire, le Nord et l’Essonne. Sans pouvoir entrer dans le détail de chaque configuration territoriale, ce nombre de trois évite le fait d’être trop allusif. Quant au choix des départements eux-mêmes, ils répondent à un souci de diversité alors que des regroupements sont possibles au sein des sept départements.
  • [3]
    Article 38 de la loi 94-637 du 25 juillet 1994 portant l’organisation de la prestation expérimentale dépendance.
  • [4]
    Loi 97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l’attente du vote de la loi instituant une prestation d’autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l’institution d’une prestation spécifique dépendance.
  • [5]
    Loi 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et à l’allocation personnalisée d’autonomie.
  • [6]
    L’observation de samise en œuvre révèle en effet de nombreuses entorses départementales à la norme (non-versement en établissement, versement forfaitaire a minima, nature des ressources prises en compte…).
  • [7]
    L’invalidité, recouvrant la notion de déficience utilisée par la Classification internationale des handicaps, désigne les pertes ou dysfonctionnements des diverses parties du corps ou du cerveau.
  • [8]
    Après avoir tenté de refuser illégalement de verser l’ACTP en établissement, le conseil général de Loire-Atlantique décida diverses mesures en vue de « moraliser » l’ACTP : écarter toutes les personnes dont les capitaux, autres qu’immobiliers, dépassent les 250 000 francs ; prendre en compte les revenus bruts, et non nets, de la personne âgée lorsqu’elle ne rémunère aucun tiers ; verser l’ACTP en établissement à hauteur de ce qui faisait défaut à la personne âgée pour assumer les frais d’hébergement. Cette dernière option a également été reprise par le département limitrophe de l’Ille-et-Vilaine. Le conseil général de l’Hérault, à l’image de nombreux départements, se limitait à verser une ACTP forfaitaire égale à 40 % de majoration pour tierce personne, soit le minimum légal.
  • [9]
    Outil de mesure de l’autonomie de la personne âgée sur différentes dimensions. Pour plus d’éléments sur ce classement voir l’article de Christel Colin « Que nous apprend l’enquête HID sur les personnes âgées dépendantes aujourd’hui et demain », Revue française des Affaires sociales, no 1-2/2003.
  • [10]
    GIR : groupes iso-ressources. Il existe six groupes GIR qui permettent de classer les personnes dans des groupes en fonctions de leur niveau de dépendance. Ce mécanisme est aussi appelé « girage ».
  • [11]
    Pour une synthèse minutieuse, lire l’article de Vincent Coutton, « Évaluer la dépendance à l’aide des groupes iso-ressources : une tentative en France avec la grille AGGIR », Gérontologie et Société, 99, décembre 2001, p. 111-129.
  • [12]
    Elle rejoint le schéma de coopération le plus élevé parmi les trois proposés par le conseil d’administration de la CNAVTS : négociation de procédures communes pour l’évaluation du degré de dépendance et la préparation des décisions Pas moins de dix-sept travailleurs sociaux de la CRAM et quatorze de la MSA interviennent contre treize informateurs pour le conseil général.
  • [13]
    Contrairement à la décision arrêtée par le conseil d’administration de la CNAVTS, la participation du service social de la CRAM Bretagne se fait sans contrepartie financière et illustre la confiance et la volonté des institutions de travailler ensemble.
  • [14]
    Il s’agit de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM).
  • [15]
    Entretien avec un cadre de la CRAM du Languedoc-Roussillon.
  • [16]
    Les travailleurs sociaux de la CRAM peuvent instruire dans un délai défini avec le conseil général (instruction et transmission du plan d’aide dans un délai de dix jours après la demande). Un choix résultant du positionnement fort et ancien de la CRAM des Pays de la Loire sur les crises gérontologiques.
  • [17]
    Ces chiffres sont tirés du rapport sénatorial fait au nom de la commission des Affaires sociales et rapporté par André Lardeux, no 186, session ordinaire de 2002-2003.
  • [18]
    Source : Meynadier B., « Loi du 24 janvier 1997 tendant à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l’institution d’une prestation spécifique dépendance : bilan d’une application », Gérontologie et Société, 84, mars 1998, p. 7-27.
  • [19]
    Du côté de l’offre, les associations elles-mêmes sont réticentes à intervenir en prestataire pour les cas les plus lourds exigeant une continuité du service, surtout le week-end. Du côté de la demande, les caractéristiques du service, à savoir les modalités de sa production et son contenu, importent plus que le service lui-même (Lancaster, 1966). Dans la recherche d’une aide à domicile, l’autorité du jugement tient à la confiance accordée au tiers sollicité, à l’instar de la recherche d’un avocat (Karpik, 1989).
  • [20]
    Extrait du titre du rapport Sueur, L’aide personnalisée à l’autonomie. Un nouveau droit fondé sur le principe d’égalité, Rapport à la ministre de l’Emploi et de la Solidarité, Paris, La Documentation française.
  • [21]
    Briet R., « Compte rendu de l’audition du directeur de la sécurité sociale », in Sueur J.-P., L’aide personnalisée à l’autonomie : un nouveau droit fondé sur le principe d’égalité, rapport remis à Martine Aubry, mai 2000, p. 123.
  • [22]
    Extrait du discours d’Elisabeth Guigou, Assemblée nationale, document no 2971.
  • [23]
    Source : Études et Résultats, no 159, février 2002.
  • [24]
    Source : Études et Résultats, no 366, décembre 2004.
  • [25]
    C’est le médecin du conseil général qui apprécie le degré d’urgence de cette situation en évaluant le GIR de la personne âgée.
  • [26]
    Article L. 232-13 du Code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la loi no 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à l’allocation personnalisée d’autonomie.
  • [27]
    La seule exception notable a trait aux critères démographiques. Au lieu de retenir un plancher de 7 000 personnes âgées par CLIC, le seuil a été abaissé à 5 000, eu égard à certaines zones de faible densité.
Français

Résumé

Dès lors que les systèmes de gouvernance multiniveaux lient les questions de l’objet et du niveau de régulation, les questions de savoir quoi faire et qui devrait le faire ne peuvent être débattues séparément. En France, cette problématique de l’échelon gestionnaire a irrigué les débats autour de la création d’une allocation dépendance. L’alternative entre gestion décentralisée et gestion des organismes sociaux a finalement été tranchée au bénéfice des conseils généraux. Mais la préférence accordée au choix départemental a fini par s’émanciper du cadre de l’aide sociale. Cette innovation, en termes de droit social, a été précédée par un autre type de changement tout aussi central. Les procédures automatiques ou actions de compensation inhérentes à l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) se sont effacées au profit de nouveauxmodes de gestion individualisée. Ils reposent sur un ensemble de tâches fondamentales : information, évaluation de la personne, établissement du plan d’aide, mise en œuvre et coordination.

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Thomas Frinault [*]
Docteur en science politique, il est chercheur associé au Laboratoire d’analyse des politiques sociales et sanitaires (LAPSS) de l’École nationale de la santé publique, et au Centre de recherche sur l’action politique en Europe (CRAPE – CNRS). Ses travaux et publications portent sur la protection sociale.
  • [*]
    Docteur en science politique, chercheur associé au Laboratoire d’analyse des politiques sociales et sanitaires (LAPSS) et au Centre de recherche sur l’action politique en Europe (CRAPE – CNRS).
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/rfas.053.0033
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