CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les personnes handicapées connaissent aujourd’hui, comme le reste de la population, une augmentation spectaculaire de leur espérance de vie. Cette nouvelle longévité leur fait désormais traverser, en grand nombre, des âges que peu atteignaient auparavant ; elle contribue à renouveler totalement la question des situations de handicap en matière de dispositifs de prises en charge, de représentations collectives, de politiques sanitaires et sociales et de citoyenneté. Les conséquences de cette nouvelle longévité sont aussi de nature économique car le vieillissement de la population génère des dépenses de santé et d’accompagnement social croissantes. Si la prise de conscience de l’urgence de la problématique du vieillissement s’est diffusée peu à peu, force est de constater une grande impréparation des différents dispositifs.

Encadré 1 : Une proposition de définition

« Une personne handicapée vieilissante est une personne qui a entamé ou connu sa situation de handicap (quele qu’en soit la nature ou la cause) avant que de connaître les effets d’un vieilissement. La situation de handicap a donc précédé le vieilissement. »
Notre analyse porte ainsi sur des personnes qui étaient déjà en situation de handicap par suite de multiples causes (génétiques, traumatiques, maladies, etc.) ou par déficiences et incapacités (motrices, sensorielles, intellectuelles…) avant même d’entamer un processus de vieillissement.

2Cet article fait la synthèse d’une revue de la littérature internationale réalisée à la demande de la DREES [1]. Après avoir évoqué l’émergence historique de la question du vieillissement des personnes handicapées, seront abordés dans une première partie les problèmes méthodologiques et les données disponibles sur les espérances de vie pour quelques types de situations de handicap. Une seconde partie s’attachera à décrire les aspects sanitaires de cette nouvelle longévité (besoins émergents et recours aux ressources de santé). Enfin, une dernière partie s’attachera à décrire les conséquences psychologiques et sociales de ces gains d’espérance de vie pour les personnes et les entourages.

Une problématique émergente ?

La prise de conscience de cette nouvelle longévité en France

3Il faut attribuer à René Lenoir la première prise de conscience de la nouvelle longévité des personnes handicapées, lui qui, dès 1976, indiquait de manière prémonitoire : « Les débiles profonds mouraient presque tous à l’adolescence. Ils atteignent maintenant l’âge mûr et nous aurons dans dix ou quinze ans, de grands handicapés du troisième âge ».

4Les colloques organisés par les CREAI en Rhône-Alpes (1986), et à La Baule (1988) constituent les premiers actes de cette prise de conscience collective. Dans la même année 1988, Claudel publie une étude très documentée sur l’évolution de la mortalité des personnes handicapées mentales en Alsace et le CREAI Languedoc-Roussillon donne la parole à des personnes handicapées vieillissantes. Le début des années quatre-vingt-dix marque un point de convergence avec la parution de deux ouvrages de synthèse de Zribi et Sarfaty (1990) et de Breitenbach et Roussel (1990) Depuis lors, les travaux se sont multipliés à différentes échelles territoriales et sur de nombreuses thématiques essentiellement sociales. Parmi les plus récents, citons le Conseil national consultatif des personnes handicapées qui a consacré deux colloques à ce thème ; le rapport Cayet (1998) pour le Conseil économique et social et l’avis du Haut Conseil de la population et de la famille (2002) qui posent tous deux clairement sur la scène publique les contours de cette problématique. Enfin, l’enquête Handicaps Incapacités Dépendances (HID) a permis de mieux cerner des typologies de problématique de besoins et des volumes de population concernée (Michaudon, 2002 ; Mormiche, 1999, 2001, 2003 ; Mormiche et Sanchez, 2000).

5Nous ne disposons, en France, sur les espérances de vie et de santé que de données fragmentaires, dispersées, de valeur scientifique inégale. Les problématiques du vieillissement des personnes handicapées sont portées par quelques pionniers : Nancy Breitenbach, Philippe Gabbaï, Jacques Rio, Michel Claudel, Philippe Pitaud. Dans ce contexte, les études et enquêtes des acteurs institutionnels sont à créditer pour la plupart aux différents CREAI.

La situation européenne

6Les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, l’Irlande, la Belgique, le Luxembourg, la Suisse, la Suède et la Finlande se sont énormément mobilisés au plan humain et scientifique sur le sujet. L’Espagne, l’Italie, la Grèce ont connu des trajectoires différentes dans l’approche des personnes handicapées : institutionnalisation massive et peu technique de la Grèce, forte prégnance du modèle de la désinstitutionalisation en Italie, modèle original construit par l’Espagne après le retard des années de plomb du franquisme. L’Allemagne et l’Autriche se trouvent dans une situation singulière, puisque ces pays ont découvert de manière très décalée ce phénomène pour une tragique raison historique : la politique nazie d’extermination systématique des personnes handicapées a abouti à faire disparaître la plus grande part des cohortes de personnes handicapées nées avant guerre.
Le Conseil de l’Europe a proposé (à l’initiative du Comité pour la réadaptation et l’intégration des personnes handicapées) un cadre commun pour l’analyse qualitative et quantitative des données sur le vieillissement des personnes handicapées. Ces recommandations ont eu peu d’impact sur les travaux communautaires ultérieurs. Dans la suite des travaux du programme ECHI (European Community Health Indicator project) financé par la Communauté européenne, le groupe POMONA, a eu pour mission de proposer pour les personnes adultes porteuses d’une déficience intellectuelle, un « jeu » d’indicateurs de santé à recommander aux États membres (Walsh et al., 2003). Ce groupe a retenu comme l’un de ces indicateurs, l’espérance de vie des personnes handicapées. Le groupe POMONA est composé, pour partie, de plusieurs membres du réseau européen ENIDA (European Network on Intellectual Disability and Aging) constitué dans le champ du vieillissement des personnes handicapées mentales en Europe. ENIDA et POMONA s’intègrent dans le réseau mondial de chercheurs de IASSID (International Association for the Scientific Study of Intellectual Disabilities). Au niveau européen ou dans le monde anglo-saxon, les travaux sont grandement facilités par la présence de nombreuses équipes dévolues à la recherche (fondamentale et appliquée) dans le champ du handicap, les Disability Studies.

Hors d’Europe

7Les pays extra-européens fortement engagés sont les États-Unis, le Canada, l’Australie, Israël et, dans une moindre mesure, quelques rares pays asiatiques. Les États-Unis ont impulsé, dès les années soixante, un vaste mouvement de désinstitutionnalisation et de « normalisation » en faveur des personnes handicapées. Ce mouvement, porté par les personnes handicapées, les lobbies associatifs et les hommes politiques (dont la famille Kennedy), a fait prendre conscience très tôt de la question du vieillissement des personnes handicapées. L’État de New York, apparaît leader sur le sujet. Il a intégré dans son plan gérontologique « Project 2015. The future of aging in NY state » une thématique spécifique sur le sujet. Un effort global et collectif a abouti à une avance significative de la recherche fondamentale et appliquée dans le champ du vieillissement des personnes handicapées. Sous l’impulsion d’experts comme Matthew Janicki ou Tamar Heller, les États-Unis se trouvent ainsi à la pointe de la recherche et de la réflexion sur les protocoles et modes de prises en charge ajustés à cette population.
Enfin, l’Organisation mondiale de la santé s’est saisie de la question du vieillissement des personnes handicapées et a commandé au réseau mondial IASSID plusieurs rapports sur le vieillissement des personnes handicapées par suite de déficience intellectuelle. IASSID rassemble un millier de chercheurs et praticiens dans le champ de la déficience intellectuelle. Son congrès mondial s’est tenu en juin 2004 en France. Un groupe spécifique sur le vieillissement (SIRG-AID : Special Interet Research Group on Aging In Disability) produit régulièrement des études et recommandations de bonnes pratiques.

Encadré 2 : Méthodologie de l’étude

Recherche documentaire : littérature scientifique et littérature « grise » Les ressources documentaires et les publications d’organismes internationaux, nationaux, régionaux ou locaux ont été recueillies : OMS, ONU, Conseil de l’Europe, IASSID (Association internationale pour l’étude scientifique de la déficience intellectuelle), conseils économiques et sociaux (national et régional), DRASS, CREAI, ORS, CNRPA, différents CODERPA, conseils généraux, associations de personnes handicapées, organismes d’assurance et mutuelles, etc.
L’exploration sur site des services documentaires de grands organismes spécialisés ou généralistes francophones a été conduite auprès du service documentation du ministère, du CTNERHI, de la Fondation nationale de gérontologie, du CEDIAS-Musée du social, de la Fondation de France, du CREDES, de l’APF, de l’UNAPEI, de la MSA…
Les travaux publiés ont été repérés par une recherche classique à l’aide de moteurs de recherche spécialisés (Medline ©, Psycinfo ©, Aleph, Banque de données en santé publique, INIST…) ainsi que de moteurs de recherche sur internet (Google TM, Copernic TM).
Recherche d’experts nationaux et internationaux
Un repérage des experts internationaux sur la question a pu être conduit et validé à partir du croisement des données publiées.
Contacts et entretiens avec les personnes ressources
Cette étude a été enrichie par les entretiens menés avec les experts nationaux et internationaux essentiellement européens : chercheurs, universitaires, praticiens, cadres associatifs…

La nouvelle longévité de l’humanité

Transitions épidémiologique, démographique et des incapacités dans les pays développés

8La hausse croissante de l’espérance de vie telle qu’elle est observée dans les pays développés a accompagné la « transition démographique » décrite par Omran (1971) qui fait suite, elle-même, à la transition épidémiologique qui a modifié radicalement les principales causes de décès. Dans ce processus, les pays ont vu baisser de manière considérable leur mortalité puis secondairement leur natalité. Ceci a abouti à un remodelage complet de la « pyramide » des âges. Cette baisse de la mortalité épargne de manière sélective les individus situés aux âges extrêmes de la vie en épargnant « plus de jeunes que de vieux ». Dans ce scénario, il se produit à long terme une augmentation relative de la proportion de personnes de moins de 20 ans et de plus de 75 ans. Or les facteurs de déficiences au long cours se manifestent en grande partie aux premiers âges de la vie : anomalies génétiques, atteintes fœtales, maladies infantiles, malformations viscérales à fort potentiel létal ou invalidant. Dès lors, tout gain de survie dans les premiers âges génère des gains d’espérance de vie aux premiers âges et au-delà. Les personnes handicapées ont donc bénéficié largement de ces gains de la population générale.

Encadré 3 : Évolution démographique : trois théories classiques

  • La théorie de la « compression de la morbidité » (Fries, 1980 ; Fries et al., 1989) postule que l’amélioration du niveau de vie et de la prévention retardera l’entrée en incapacité. La courbe de survie sans incapacité se rapproche de la courbe de survie. La vision de Fries est qualifiée d’optimiste par Grémy et Cambois (2000).
  • La théorie de « la pandémie des troubles mentaux, des maladies chroniques et des incapacités » : Gruenberg (1977) et Kramer (1980) postulent que la chute de la mortalité est due à une baisse de la létalité des maladies chroniques et non à la diminution de leur incidence. Les progrès de la médecine vont plus vite que ceux de la prévention primaire. Ils allongent la vie plus qu’ils n’améliorent la qualité de cette vie. La courbe de survie est déplacée vers la droite sans changement de la courbe de survie sans incapacité. Le nombre de personnes vivantes en incapacité s’accroît.
  • La théorie d’« équilibre dynamique » (Manton, 1982 ; Manton et al., 1996) suppose que l’espérance de vie s’accroît, les prévalences des maladies chroniques restent élevées en raison du vieillissement, mais la sévérité des incapacités est moindre. Les courbes se déplacent de concert.

9Il est maintenant prouvé que l’accroissement de l’espérance de vie s’accompagne de manière parallèle d’une croissance de l’espérance de vie en bonne santé (Mormiche, 1997). La crainte de l’expansion de la morbidité ou de la pandémie des incapacités semble s’éloigner. En France, les années de vie gagnées sont des années de vie en bonne santé. Ce qui fait dire à Mormiche (2002) que nous allons vers « des vieux… plus jeunes aujourd’hui qu’hier, et moins que demain. »

Espérances de vie et courbes de survie chez les personnes handicapées : problèmes méthodologiques

10Si l’on excepte les approches tangentielles redevables à l’étude HID, peu de publications ont pu être recueillies dans la communauté scientifique française. Il faut se référer aux travaux très élaborés conduits auprès de blessés médullaires par le groupe Tetrafigap (Ravaud et al., 2002 ; Lhéritier, 2002) pour trouver des éléments méthodologiques sur les calculs d’espérance de vie. L’approche clinique de Gabbaï à la Fondation John Bost et enfin les travaux conduits par Claudel (1988) en Alsace illustrent des contributions d’acteurs de terrain avec des outils inspirés de l’épidémiologie ou de la démographie.

Encadré 4 : Deux types d’études de longévité de personnes handicapées

Les calculs de risques basés sur les « personnes-années » (person-years)
Cette méthodologie permet d’analyser la durée d’exposition d’un groupe donné par rapport aux risques du handicap considéré. C’est l’une des méthodes les plus fréquemment rencontrées dans la littérature (Strauss et al., 2000). Elle permet de contourner en partie les questions statistiques d’effectifs dans les populations à observer de personnes handicapées.
Tables de mortalité et espérance de vie de personnes handicapées
Maaskant et al. (1995) fournissent une bonne illustration de la faisabilité des calculs d’espérance de vie et de tables de mortalité comparatives entre population générale et population de personnes handicapées. L’effectif étudié concerne l’ensemble des personnes institutionnalisées présentant une déficience intellectuelle aux Pays-Bas. Les calculs sont effectués en isolant les personnes trisomiques 21 pour repérer les écarts d’espérance de vie entre les deux sous-groupes. Leurs principaux résultats décrivent l’augmentation de la probabilité de décès prématuré des personnes déficientes intellectuelles (avec ou sans trisomie 21) par rapport à la population générale. L’écart d’espérance de vie à la naissance est de trente ans (46,2 ans contre 76 ans) avec des différences particulièrement nettes dans les jeunes âges (0-4 ans) et dans les âges plus avancés (50 à 75 ans). Les écarts d’espérance de vie se réduisent avec l’avancée en âge.
Les calculs d’espérance de vie chez les personnes handicapées posent des problèmes statistiques inhérents aux petits nombres : les effectifs étudiés de « population à risque » sont généralement faibles. Les échelles d’étude sont nécessairement vastes (nationales ou plurirégionales) pour répondre à des critères de validité statistique. Mais les études de ces très grandes cohortes ne sont rendues possibles que par l’existence de bases de données exhaustives issues de registres de handicaps comparables en terme de représentativité aux registres des décès. Les Pays-Bas, le Danemark, la Finlande, l’État de Californie par exemple possèdent de tels registres de recours aux soins, de consommations de ressources par diagnostics, analogues au PMSI [2]. en France. Ces registres peuvent être « chaînés » aux autres grâce à un identifiant unique. Une telle possibilité rend réalisable des études inenvisageables en France à une telle échelle. C’est dans les pays de culture anglo-saxonne (Royaume-Uni, Australie, États-Unis, Canada anglophone) ou européens du Nord (Pays-Bas, Danemark, pays scandinaves) qu’ont été publiés la plupart des travaux concernant les calculs de mortalité et d’espérance de vie des personnes handicapées. Notre recherche a permis de recenser des travaux bien documentés sur les calculs d’espérances de vie, sur la production de tables de mortalité ou de probabilités de décès, ainsi que sur les morbidités associées au vieillissement pour la plupart des types de déficiences.

Longévité et espérances de vie des personnes handicapées : les données disponibles

Encadré 5 : Quelques définitions utiles

Longévité : au sens commun, longévité est synonyme de durée de vie. Plus techniquement, on utilise ce mot pour désigner la durée maximale de vie propre à une espèce ; on précise alors parfois « longévité limite » ou encore « durée limite de la vie ». Cette durée théorique est inconnue. On ne connaît réellement que l’âge maxima l au décès (Vallin et Meslé 2001).
Durée de vie médiane : l’âge auquel la moitié d’une cohorte initiale est décédée (ou en vie).
Espérance de vie à la naissance : nombre moyen d’années que pourrait vivre une génération qui subirait tout au long de sa vie les risques de décès par âge d’une table de mortalité. Cette table de mortalité peut correspondre soit aux conditions sanitaires du moment (exemple : table d’une année civile construite avec les risques de décès observés au cours de l’année), soit aux conditions de vie d’une génération réelle (table de génération, construite sur la base des risques encourus à chaque âge par une génération d’individus suivie de sa naissance à sa disparition complète) (ibid).
Espérance de vie à un âge x quelconque : nombre moyen d’années restant à vivre pour un ensemble d’individus ayant déjà atteint l’âge x. Comme précédemment il peut s’agir d’une mesure du moment ou d’une mesure de génération. Bien entendu, la durée moyenne totale de vie de cet ensemble d’individus est égale à l’âge x déjà atteint augmenté de l’espérance de vie à l’âge x (ibid).
Probabilité de décès ou quotient de décès (démographie) : « S’obtient en reportant le nombre de décès observés au cours d’une période donnée à l’effectif de la population en vie au début de la période. Il s’agit d’une proportion. » (Jougla, 1997).
Taux de décès : « Rapport de l’effectif de décès observés durant l’année à la population à risque durant la même période, mesuré en personnes-années. Un taux de décès s’apparente à une vitesse (nombre de décès observés par unité de temps) » (Jougla, 1997).
Indice comparatif de mortalité (Standardized Mortality Ratio : SMR) : « Rapport multiplié par 102 d’un nombre observé de décès à un nombre attendu. Le nombre de décès attendu est obtenu sur la base de la structure de mortalité d’une population de référence (mortalité type) » (Jougla, 1997).

Les déficiences intellectuelles : le rôle décisif du niveau intellectuel

Des gains considérables et continus

11Dans tous les pays développés, les personnes handicapées connaissent depuis plusieurs décennies un gain sensible de leurs espérances de vie. Les courbes de survie des personnes handicapées dessinent en effet des profils de mortalité tendant à se rapprocher progressivement des courbes d’espérance de vie de la population générale. Les courbes de survie ont tendance à se « rectangulariser », avec certes un écart, un décalage, mais la tendance reste nette. Comme en population générale, les filles ont, globalement, une meilleure espérance de vie que les garçons à l’exception notable des personnes porteuses d’une trisomie 21.

12L’étude longitudinale, initiée par Patja et al. (2000) auprès de 2 366 déficients intellectuels finlandais, constitue une des plus importantes études de cohorte en population générale jamais réalisée. Les résultats indiquent que leur espérance de vie est proche de celle de la population générale avec des données surprenantes chez les adolescents déficients intellectuels légers et moyens qui présentent une meilleure espérance de vie entre 11 et 20 ans que les autres jeunes finlandais du même âge. Cet écart s’expliquerait par une moindre exposition aux risques de mortalité par suicides, addictions, alcoolisme, accidents domestiques, accidents de loisirs et de la route.

Le quotient intellectuel : un facteur prédictif de la longévité

13Le QI constitue un facteur prédictif d’espérance de vie comme l’indique, parmi beaucoup d’autres, l’étude longitudinale écossaise, Scottish Mental Survey (Whalley et Deary, 2001). Cette étude a observé de manière rétrospective la mortalité sur 76 ans d’une cohorte en population générale des 87 498 enfants écossais nés en 1921. Dans ce travail, la totalité des enfants a été soumise en juin 1932 à des tests de niveau intellectuel. Cette enquête portant sur les tests d’intelligence en population générale permet de disposer de la trace prédictive sur la mortalité du faible niveau d’efficience intellectuelle (testé à l’âge de 11 ans) à une très vaste échelle. Les mortalités des plus hauts et des plus bas niveaux intellectuels sont comparées a posteriori avec un recul de 76 ans (1921-1997). Les principaux résultats montrent cette influence du QI sur la survie (influence pondérée chez les hommes écossais par les effets de la Seconde Guerre mondiale qui a décimé les hommes à haut QI).

Une mortalité différentielle

14En Australie, Bittles et al. (2002) ont calculé l’espérance de vie de 8 724 déficients intellectuels. La base de données du service centralisé pour les personnes handicapées permet de produire depuis 1953 une série continue de recueils standardisés portant sur le diagnostic clinique, les anomalies génétiques, le niveau de déficience mentale, l’origine ethnique. La probabilité de survie pour les hommes déficients intellectuels est de 66,7 ans et de 71,5 ans pour les femmes. Cette espérance de vie est très significativement corrélée au niveau intellectuel, elle est respectivement de 74, de 67,6 et de 58,6 années pour les niveaux de déficience intellectuelle légère, modérée et sévère.

Le facteur génétique : la situation singulière des personnes trisomiques 21

15À l’intérieur des déficiences intellectuelles, des sous-groupes de population présentent des risques différenciés. C’est le cas notamment des anomalies génétiques, telles la trisomie 21, dont l’incidence est élevée et la prévalence forte. Ces personnes présentent une situation contrastée avec des gains élevés d’espérance de vie et des longévités qui restent moindres par rapport aux autres causes de déficiences intellectuelles. L’explication est multifactorielle : pathologies cardiaques, tendance à développer des problématiques psychiatriques surajoutées en particulier apparition de démences précoces mais aussi style de vie, obésité, inactivité, ostéoporose, désordres thyroïdiens et endocriniens, troubles sensoriels (Bittles et al., 2002).

Des gains de longévité considérables au cours du dernier siècle

16En 1929, l’espérance de vie d’une personne trisomique à la naissance n’était que de neuf ans, elle passe en 1990 à 55 ans, aujourd’hui on peut estimer que 70 % des personnes trisomiques 21 vivront au-delà de 50 ans (Carter et Jancar, 1983). Glasson et al. (2002), dans leur synthèse de l’évolution au fil des décennies de la longévité des personnes trisomiques 21, ont démontré l’amélioration continue de leur survie tant dans la première année de vie que plus tardivement. Le bond est proprement considérable puisque passant en cinquante ans de 69 % de survivants la première année de vie à 94 % et surtout doublant quasiment à l’âge de 10 ans, passant de 46 à 85 % de survivants.

17En Amérique du Nord, une étude du Center for Disease Control and Prevention de Yang et al. (2002) a analysé les décès aux États-Unis et au Canada entre 1983 et 1997 de 17 897 personnes trisomiques. Ces décès ont été comparés aux décès observés dans la population générale de référence à la même période. Des calculs « d’indice comparatif de mortalité » (Standardised Mortality Odds Ratio/SMOR) ont été établis. Les résultats montrent que l’âge médian au décès a progressé en moyenne dans cette étude de 1,7 année tous les ans passant de 25 ans en 1985 à 49 ans en 1997. Au cours de la même période, l’âge médian au décès passait en population générale de 73 à 76 ans. Le risque de mortalité prématurée diminue avec le temps pour rejoindre celui de la population générale à 40 ans. Yang et al. interprètent cette hausse de l’espérance de vie et de l’âge moyen du décès par un meilleur accès aux soins, à la chirurgie des malformations cardiaques, à la désinstitutionnalisation et à l’arrêt des placements précoces. Les statuts sociaux des parents, leur éducation, l’intégration sociale sont également avancés comme des déterminants de santé majeurs.

Des causes spécifiques de surmortalité : le poids massif des malformations cardiaques

18Au Canada, Baird et Sadovnick (1988) ont calculé les gains d’espérance de vie réalisés par les personnes trisomiques 21 selon qu’elles présentent ou non des malformations cardiaques. Dans leur effectif d’étude, 25 % des 703 hommes et 33,2 % des 638 femmes sont porteurs d’anomalies congénitales cardiaques. À 30 ans, des différences notables existent entre les deux sous groupes puisque 79 % du total de la cohorte sans anomalie cardiaque a survécu alors que moins de 50 % des porteurs d’anomalies cardiaques ont survécu. Aux Pays-Bas, Maaskant et al. (1995) ont calculé les espérances de vie aux différents âges en comparaison de la population de référence selon la présence ou l’absence de trisomie 21. Hormis les cinq premières années qui correspondent à la surmortalité massive des grands états d’arriération avec troubles associés majeurs, les trisomiques 21 présentent une espérance de vie moindre. Les facteurs en cause dans cette espérance de vie minorée chez les trisomiques 21 sont liés dans les premiers âges, là encore, aux malformations cardiaques et aux âges avancés à l’importance des problématiques de type Alzheimer. Dans l’étude nord-américaine déjà citée (Yang et al., 2002) le risque de surmortalité est élevé pour les malformations cardiaques congénitales (avec un SMOR de 29,1) Celui de mortalité par démence est aussi très élevé : 21,2 (la probabilité est la plus forte dans la tranche d’âge 40-49 ans). Pour la leucémie, ce risque est également multiplié par trois avant l’âge de 10 ans. Eyman et White (1991), grâce aux données extraites d’un effectif de 12 543 personnes trisomiques vivant en Californie, dressent une table de mortalité et d’espérance de vie par âges. Ils établissent une typologie par incapacités de vie quotidienne et niveaux de déficience intellectuelle afin de rechercher d’éventuels facteurs prédictifs de mortalité. Les variables explicatives du décès prématuré diffèrent selon les groupes d’âges. Le facteur causal de surmortalité le plus important reste, pour ces auteurs, le manque de mobilité et les problèmes d’alimentation autonome, avant même les anomalies cardiaques congénitales. Ces incapacités sont à la source de problèmes respiratoires aigus, causes fréquentes de décès prématurés. Il s’agit là de personnes trisomiques 21 lourdement multihandicapées. Le groupe indemne de ces deux types de troubles ou incapacités a, dans cette série statistique californienne, une espérance de vie de 50 ans. Ainsi un faisceau d’éléments dessine le rôle particulièrement délétère des malformations cardiaques. On conçoit mieux dès lors que les avancées de la chirurgie infantile cardiaque aient pu faire un bond significatif aux espérances de vie des personnes trisomiques 21.

Une anomalie de genre : des garçons trisomiques 21 qui ont une meilleure espérance de vie

19Analysant la mortalité de personnes trisomiques en Australie, Glasson et al. (2003) ont signalé une anomalie liée au genre dans la survie comparative des personnes trisomiques. L’âge médian au décès des hommes trisomiques est de 61,1 ans pour les hommes contre 57,8 ans pour les femmes. L’écart serait dû à une plus grande fragilité dans les premiers âges de la vie et après 40 ans en raison d’une plus forte prévalence de malformations cardiaques chez les filles (38 % des garçons et 49 % des filles nés entre 1980 et 1996 présenteraient à des degrés divers une anomalie cardiaque). Un facteur tardif pourrait être les troubles hormonaux et la ménopause précoce qui affectent habituellement les femmes trisomiques 21 et qui constituent des facteurs de risque connus de surmortalité en population générale (par troubles cardio-vasculaires, accidents vasculaires cérébraux et cancers hormono-dépendants).

Diversité et unité des déficiences motrices

20Les atteintes et déficiences motrices s’installent ou se révèlent fréquemment autour de la naissance (telle l’infirmité motrice d’origine cérébrale, IMC ou Cerebral Palsy des Anglo-Saxons), d’autres sont d’installation plus tardive (atteintes traumatiques du système nerveux, traumatismes crâniens, tétraplégie, paraplégie, etc.). Les facteurs qui influent le plus sur l’espérance de vie des personnes présentant une déficience motrice sont encore une fois l’existence et l’importance d’un déficit cognitif associé (Blair et al., 2001) mais également la nature, l’étendue et le niveau neurologique de la lésion, le degré d’autonomies et les situations de dépendances de vie quotidienne et les fonctions de survie (alimentation, mobilité, possibilité de transferts autonome d’une position à l’autre).

21Les personnes porteuses d’une IMC présentent des destins très contrastés : celles n’ayant pas de graves problèmes d’alimentation et de mobilisation ont une espérance de vie tout à fait proche de la population générale alors que les personnes les plus dépendantes sont très pénalisées dans leur espérance de vie (Strauss et Shavelle, 1998).

22Les atteintes cérébrales accompagnées de déficiences motrices et intellectuelles très sévères ainsi que d’autres déficiences ou troubles (épilepsie, déficiences viscérales, déficiences sensorielles…) sont regroupées, en France, sous l’appellation de polyhandicap (Severe Disability ou Profound Multiple Disabilities des Anglo-Saxons). Elles font partie des personnes handicapées les plus vulnérables. Leur espérance de vie est grandement affectée du fait de la sommation de déficiences présentées. Deux faits majeurs méritent d’être soulignés : ces personnes sont celles qui ont sans doute l’espérance de vie la plus altérée à l’instar des personnes présentant des graves lésions traumatiques médullaires mais elles font partie de celles qui ont fortement profité des évolutions sociétales. Chaque décennie voit progresser leur espérance de vie. Il existe des effets nets de cohorte qui traduisent les gains majeurs obtenus au fil des années grâce à une meilleure prise en charge au quotidien et à des soins vigilants. Ceci plaide en faveur de la technicisation des équipes et souligne les gains obtenus avec la mise en place de politiques spécifiques à destination de ces personnes particulièrement vulnérables.
L’accidentologie est un problème majeur pour les sociétés. Accidents du travail, de la circulation ou lors d’activités de loisirs produisent chaque année de nombreux blessés médullaires ou cérébro-lésés. Ces accidents touchent plus particulièrement des populations jeunes. Les progrès en réanimation, s’ils contribuent à diminuer la mortalité initiale, laissent un nombre important de blessés dont certains porteurs de séquelles fortement invalidantes : états végétatifs, tétraplégies, paraplégies, séquelles graves de traumatismes crâniens… Les blessés médullaires ont bénéficié grandement des progrès de la « chaîne de soins » depuis l’accident initial jusqu’à la phase de stabilisation des troubles, grâce à la protocolisation des prises en charge. Ces dernières ont contribué à améliorer sensiblement non seulement la durée mais aussi la qualité de vie. La survie dépend fortement du niveau de la lésion médullaire, de sa complétude, de l’âge de survenue, de l’existence ou non d’une trachéotomie, de l’acceptation du handicap (existence d’un état dépressif) Nous disposons en France d’une littérature sur le sujet, bien documentée (Minaire et al., 1983 ; Ravaud et al., 2000 ; Lhéritier, 2001, 2002 ; Klotz et al., 2002) confirmée par tous les travaux internationaux (voir par exemple Frankel et al., 1998). On sait que la problématique des personnes traumatisées crâniennes ne se résume pas aux seuls troubles moteurs. L’importance des troubles psychiques et comportementaux constitue un très lourd fardeau pour la personne et pour l’entourage, ceci dans un contexte de longue espérance de vie. Dans ce type d’atteintes, la période initiale est capitale avec une très forte mortalité. Celle-ci a été considérablement réduite là aussi par les progrès de la réanimation et du nursing. L’importance de l’atteinte motrice et les dépendances de vie quotidienne ont un fort impact sur la mortalité prématurée. Pour les personnes à haut niveau de fonctionnement et à bonne récupération motrice, l’espérance de vie est aujourd’hui peu éloignée de celle de la population générale, réduite seulement en moyenne de trois à cinq ans.

L’épilepsie : un risque majeur persistant

23Comme trouble isolé ou associé à divers types de déficiences ou affections (déficiences intellectuelles, polyhandicaps, IMC, traumatismes crâniens, autisme, etc.), l’épilepsie est une cause majeure de mortalité prématurée et donc de perte de gain de longévité. Elle réduit l’espérance de vie sensiblement tant pour les personnes institutionnalisées que pour celles vivant en milieu ordinaire. Il faut noter son rôle dans le déclin des personnes trisomiques 21 chez qui l’épilepsie accompagne fréquemment le processus de vieillissement, voire l’entrée dans un processus démentiel. Une méta-analyse de Shakelton et al. (2002) a comparé les mortalités décrites dans l’épilepsie durant cent ans dans la littérature. Le risque de mortalité par épilepsie est multiplié en moyenne par deux à cinq. L’épilepsie est et demeure une véritable « faucheuse de vie ».

Les personnes autistes

24Les troubles envahissants du développement font partie des tableaux occasionnant des situations de handicap parmi les plus invalidantes pour la personne et pour l’entourage. Pour être correctement appréhendés, ils mobilisent des ressources techniques et humaines importantes. Nous n’avons pu analyser qu’une seule étude publiée en Californie sur l’espérance de vie des personnes autistes. Cette étude est très pertinente puisqu’elle analyse la mortalité d’une vaste cohorte de 11 347 personnes autistes sur une période de seize ans avec la méthode des « person-years ». Les résultats font apparaître une espérance de vie à l’âge de 5 ans réduite de 6,1 années pour les hommes autistes américains (62 ans contre 68,1 ans en population générale) et de 12,3 années pour les femmes (62,5 contre 74,8 par rapport à la population féminine de référence). Cet important différentiel de survie selon le sexe n’est plus que de 3,5 pour les hommes et 4,2 années à l’âge de 60 ans. Cet écart entre les femmes et les hommes autistes pourrait s’expliquer par le poids différent d’anomalies génétiques associées (fréquemment décrites dans les tableaux d’autisme) et par la gravité des tableaux d’autisme présentés.

Les malades mentaux : une surmortalité plutôt que des gains de longévité

25Le concept de handicap psychique est aujourd’hui mieux reconnu avec la prise de conscience du caractère très handicapant de certains troubles mentaux chroniques qui génèrent au long cours des situations de désavantage social massif. Le statut des malades mentaux face à la mortalité évitable reste toujours très inégalitaire par rapport au reste de la population. Ceci tient à des facteurs de risques spécifiques (tabagisme, mauvaise hygiène de vie, effets de la prise chronique de médicaments, comorbidité cardiaque des troubles mentaux, etc.) ainsi qu’à un moindre accès aux ressources de santé (sous-estimation des problèmes de santé physique et des comorbidités).

26Nous avons recueilli nombre d’études épidémiologiques portant sur des risques comparatifs malades mentaux/population générale ou malades mentaux/déficiences intellectuelles. Si on examine les risques de surmortalité, en excluant le suicide ou la mortalité violente (accidents, homicides, etc.), il demeure toujours une surmortalité massive. L’ensemble de ces facteurs aboutit à un risque relatif de mourir de manière prématurée (hors risque suicidaire) multiplié par deux à trois en moyenne selon les cohortes ou les pays étudiés. La désinstitutionnalisation entamée dans de nombreux pays n’a pas entraîné des gains sur la mortalité des malades mentaux. Loin s’en faut. Il existe au contraire une littérature documentée en France et à l’étranger sur les risques accrus encourus par les malades mentaux dans un mode de vie moins protégé (violences urbaines, négligence corporelle et sanitaire, retard ou non-accès aux soins et à la prévention).

Dynamique du vieillissement chez les personnes handicapées

Un vieillissement précoce pour tous ?

27Le vieillissement précoce serait ce décalage entre l’âge où apparaîtraient des manifestations de vieillissement et l’âge attendu normalement pour ces manifestations. Il est difficile de fixer avec précisions de telles bornes tant les variations individuelles sont importantes. Ce vieillissement prématuré s’observe cependant dans certaines pathologies génétiques (trisomie 21), dans certains syndromes d’arriération mentale profonde, dans les affections surajoutées (sensorielles, organiques) ou encore dans les phénomènes d’usure articulaire précoce spécifiques aux handicaps moteurs. Rappelons le cas extrême, gravissime et exceptionnel (cent cas identifiés dans le monde) du nanisme sénile, syndrome d’Hutchinson-Gilford ou Progeria. Cette affection marque en quelque sorte les bornes absolues d’un vieillissement précoce, puisque ces sujets sont vieux avant d’avoir été jeunes ! Les enfants atteints ont un aspect de vieillard et le décès survient entre 10 et 20 ans. Pour autant, toutes les personnes handicapées ne sont pas concernées par un tel vieillissement prématuré.

Un vieillissement différentiel pour chacun

28La littérature décrit une « mortalité différentielle » (Moss, 2000), qui est la tendance des personnes les plus vulnérables à mourir à un âge précoce. À ces espérances de vie différentes font écho également des espérances de vie en santé (bonne ou mauvaise) différentes. De fait, les vieillissements sont divers et dépendent de causes multifactorielles faisant intervenir des facteurs innés mais aussi extrinsèques : événements de la vie, modes existentiels, incapacités de départ constitutives du handicap, états de santé et morbidités associées ou rencontrées dans la trajectoire de vie… À la multitude d’origines et de caractéristiques du handicap fait donc face la multitude d’individualités, de destins dans la manière de vieillir. À l’évidence, il existe un vieillissement différentiel tant au niveau des aptitudes, des incapacités et déficiences qu’entre les individus. Chez les personnes handicapées mentales, en particulier, les modes de vie peuvent contribuer à un vieillissement spécifique et constituer des déterminants majeurs de leur longévité : effets à long terme de la prise de neuroleptiques, chutes consécutives aux crises épileptiques, mauvaises conditions de travail en CAT, alimentation mal équilibrée, sédentarité, obésité, isolement social et affectif, ruptures de cadre affectif et émotionnel. Autant d’éléments qui alimentent des trajectoires toujours singulières dans leur apparente similitude.

Dynamique du déclin : de l’incapacité qui s’ajoute aux incapacités initiales

29Face aux processus du vieillissement, la prévention des surincapacités est capitale. Il existe un effet cumulatif des troubles dégénératifs liés à l’âge avec les incapacités préexistantes. Les maladies chroniques invalidantes survenant lors du processus de vieillissement normal, viennent « ajouter de l’incapacité à l’incapacité ». Ce sont au premier rang, les maladies cardiovasculaires (55,2 % des plus de 80 ans sont concernés), les atteintes sensorielles (42,7 % des personnes de plus de 80 ans), les atteintes musculo-squelettiques (32,9 %). Les atteintes sensorielles (audition, vision) touchent plus massivement les personnes qui présentent des déficiences sévères ou profondes. Il existe là un « effet multiplicateur de l’addition » des déficiences et incapacités.

30La situation de handicap expose les personnes concernées à une moins bonne surveillance de leur santé et de leur hygiène de vie. Le déclin des capacités et des habiletés n’apparaît pas en général brutalement, mais plutôt progressivement voire insidieusement. La plupart des processus de vieillissement ne se distinguent pas, fondamentalement, du vieillissement habituel de la population générale. C’est le cas des pertes sensorielles. En revanche, les conséquences sont toutes autres pour des personnes handicapées qui voient s’ajouter de nouvelles déficiences ou incapacités à d’autres déficiences ou incapacités préexistantes. Il existe là un effet d’accélération avec un risque accru de pertes de contact social, un danger de bascule vers une situation de surincapacités rapidement irréversible. Ceci doit rendre d’autant plus vigilant aux questions de suivi de santé à ces âges critiques.

Un vieillissement parallèle à celui de la population générale

31Le processus « normal » du vieillissement en population générale s’accompagne d’une moindre capacité adaptative qui contribue à vulnérabiliser les personnes. On sait les effets délétères des changements de cadre de vie sur les personnes âgées. Les personnes handicapées partagent cette communauté de destin avec leurs pairs non handicapés. Les courbes comparées d’espérance de vie (personnes handicapées/population générale) décrivent des trajectoires qui tendent à se rejoindre. En effet, passés les caps dangereux des premières années de vie en situation de handicap, plus le temps s’écoule, plus les personnes handicapées ayant survécu ont des chances de vivre longtemps. L’état moyen général des survivants d’une cohorte de naissance va s’améliorant, ou du moins se stabilisant. Comme en population générale, le gain de longévité des personnes handicapées se réaliserait avec une meilleure santé chez les survivants de la cohorte. L’une des implications de ces observations est que les personnes handicapées qui vieillissent vont tendre non seulement à se rapprocher, en termes de « régime de mortalité », de l’allure du régime de mortalité de la population générale mais aussi à vivre longtemps si aucun élément intercurrent ne vient compromettre cet équilibre instable. Ainsi, la majorité des personnes handicapées avance en âge de façon quasi superposable à celle de la population générale. Elles sont assujetties dès lors aux mêmes ralentissements et dysfonctionnements progressifs. Elles sont confrontées alors elles aussi aux problèmes de santé et de vieillissement physique et cognitif.

La santé des personnes handicapées

Prévalences et incidences fortes des problèmes de santé

De nouveaux enjeux sanitaires mal connus

32Dans un article princeps de 1986, Janicki et Jacobson ont étudié une vaste cohorte de 10 532 personnes handicapées résidant dans l’État de New York, nées entre 1890 et 1939, vivant pour la plupart dans des institutions résidentielles. Les auteurs cherchent à décrire et comprendre s’il existe des profils de maladies chroniques, de déclin des capacités sensorielles et des différentes habiletés de vie quotidienne. Les résultats montrent une prévalence croissante avec l’âge des affections physiques, en particulier des maladies cardio-vasculaires qui concernent une personne sur deux à 80 ans et plus. De la même manière, les pertes sensorielles sont très marquées comme les affections musculaires et squelettiques, qui croissent de manière inexorable avec l’âge suivant un gradient régulier.

33Van Schrojenstein Lantman-De Valk et al. (1997) étudient la prévalence et l’incidence des problèmes de santé dans une cohorte de personnes déficientes intellectuelles accueillies en institution. Les taux de prévalence de problèmes de santé sont de 2,5 fois plus élevés chez les personnes handicapées qu’en population générale. Ces problèmes sont d’autant plus fréquents et importants que la déficience intellectuelle est sévère. Il existe une très forte incidence des troubles chroniques chez les personnes trisomiques 21 qui constituent un groupe à risque particulier. Les taux importants de démences (72,7 %) trouvés au-delà de 60 ans chez les trisomiques alertent sur l’urgence de mettre en place des modes de dépistages adéquats. Les troubles digestifs survenant chez les personnes IMC et/ou épileptiques sont un facteur de mortalité prématurée, ont un impact sur leur bien-être et restent difficiles à diagnostiquer. Les troubles cardio-vasculaires affectent, dans des proportions identiques à celles de la population générale, les personnes déficientes intellectuelles. Ces troubles constituent une des causes fréquentes de décès. La prévalence de l’épilepsie connaît une décroissance avec l’âge pour l’ensemble de la population handicapée mais dessine au contraire une remontée forte avec l’avancée en âge des personnes trisomiques21. Enfin, les troubles mentaux avec la démence et les troubles dépressifs (troubles de l’humeur) et les autres troubles psychiatriques sont des occurrences fréquentes.
Ces deux études permettent de mieux saisir les enjeux importants de santé publique que posent les personnes handicapées vieillissantes. Il nous paraît utile de décliner quelques thématiques qui doivent trouver des réponses adaptées à ces enjeux sanitaires pour les personnes en situation de handicap.

La santé bucco-dentaire souvent oubliée

34L’OMS a fait de la santé bucco-dentaire un enjeu majeur de santé (World Oral Health Report 2003). Dans cet objectif ambitieux, les personnes en situation de handicap font l’objet d’une vigilance particulière (WHO, 2003) La réflexion globale en santé ne peut ignorer cette dimension capitale et souvent méconnue. Les populations marginalisées et les personnes handicapées sont les dernières à bénéficier d’une approche bucco-dentaire pertinente. Une mauvaise hygiène, des soins inappropriés, des restitutions fonctionnelles par des prothèses négligées retentissent directement sur la santé présente et future de la personne et sur sa qualité de vie (Hennequin et Allison, 2000 ; Faulks et Hennequin, 2000). Une approche spécifique de la douleur en général ou chez certaines populations cibles (personnes trisomiques 21 ou autistes…) doit faire l’objet de stratégies différenciées (Hennequin, Allison et Veyrune, 2000). Force est de constater qu’il existe pour les personnes handicapées une négligence, voire une inégalité de traitement, face aux problèmes bucco-dentaires. Quelques initiatives existent en France (Clermont-Ferrand, Montpellier, région Rhône-Alpes) pour tenter d’offrir des soins appropriés aux personnes handicapées mais tout reste à construire.

Des troubles sensoriels sous-évalués ou méconnus

35Les déficiences sensorielles sont très fréquentes dans les tableaux initiaux de handicap. Elles surviennent aussi ultérieurement, lors du processus de vieillissement normal. Or une vision et une audition de qualité sont le gage d’une bonne intégration sociale et environnementale. Elles facilitent une bonne adaptation, le maintien et l’établissement des liens sociaux, le repérage temporo-spatial et des déplacements moins risqués : toutes capacités mises en difficulté dans les situations de handicap. De plus l’accessibilité et les aides techniques pour les troubles sensoriels sont encore perfectibles dans les lieux publics, les institutions spécialisées et les maisons de retraite.

Les troubles auditifs

36Les personnes sourdes ou malentendantes vieillissantes sont rendues plus vulnérables par la déficience auditive. La prévalence des surdités ou des troubles de l’audition est très élevée chez les personnes déficientes intellectuelles, d’autant plus chez celles présentant un retard mental sévère ou profond. Les trisomiques 21 ont également des taux de prévalence de surdité très élevés (23 % contre 11 % chez les déficients intellectuels par d’autres causes), avec un accroissement massif à partir de 50 ans (Evenhuis et al., 2001 ; Van Schrojenstein Lantman De Valk et al., 1997). Les personnes IMC constituent aussi un groupe à risque massif selon ces mêmes auteurs. Pour Beange (2002), la fréquence des troubles auditifs conduit à recommander des contrôles de dépistage tous les cinq ans au moins pour l’ensemble des personnes handicapées de plus de 45 ans, avec un dépistage plus rapproché, tous les trois ans, pour les personnes trisomiques 21.

Les troubles visuels

37La prévalence des troubles visuels très sévères (cécité) ou sévères est élevée chez les personnes handicapées. Beange (2002) avance une prévalence vingt fois plus élevée de la cécité que celle observée en population générale dans la région de Sydney en Australie. Les données de prévalence issues des travaux de Van Schrojenstein Lantman et al. (1994) donnent un taux de cécité compris entre 5 et 30 % des personnes en institution ; cette prévalence s’accroissant régulièrement avec l’âge. Les personnes trisomiques 21, polyhandicapées ou IMC présentent, à des degrés divers et pour des raisons différentes, des atteintes sensorielles précoces (Janicki et Jacobson, 1986 ; Van Schrojenstein Lantman De Valk et al., 2000 ; Evenhuis et al., 2001). Des recommandations similaires de bonnes pratiques de dépistage sont proposées pour les troubles visuels.

Le cancer chez les personnes handicapées : un nouveau défi dû au vieillissement

38Les gains d’espérance de vie des personnes handicapées font apparaître, de facto, de nouveaux risques de maladies dégénératives, le cancer faisant partie des occurrences les plus fréquentes avec les maladies cardio-vasculaires. Le cancer constitue désormais une importante cause de mortalité aux âges avancés, avec des variations de prévalence selon le handicap. Les prévalences estimées par âge et par sexe sont similaires à celles observées en population générale chez les déficients intellectuels. Mais des problèmes de dépistage, de diagnostic et de traitement se posent avec une acuité d’autant plus grande que ces démarches de santé sont rendues délicates par une difficulté d’expression et de communication et par une mauvaise adhésion au traitement.

39Les personnes trisomiques 21 présentent une inégalité de risques face aux cancers. Les leucémies constituent actuellement 60,6 % des causes de décès tous âges confondus et 97 % des décès chez les enfants. Le cancer du sein (premier risque de cancer chez la femme en population générale) apparaît réduit à l’analyse épidémiologique. L’explication avancée est l’exposition très réduite aux hormones sexuelles féminines dès la vie fœtale et pendant toute la durée de vie ainsi que la surexpression de gènes protecteurs du cancer situés sur le chromosome 21 (Satgé et al., 2001). Mais les femmes trisomiques présentent un risque plus élevé de cancérisation à l’exposition répétée aux radiations ionisantes. Aussi échographies ou IRM seraient préférables aux mammographies classiques dans les campagnes de dépistage (Satgé et Sasco, 2002). Chez l’homme trisomique, les cancers testiculaires ont une incidence considérable avec un risque cinquante fois plus élevé. Une des causes connues de ces cancers est l’existence d’une cryptorchidie (défaut de migration du testicule, particulièrement répandu chez les trisomiques). Celle-ci présente un risque élevé de transformation cancéreuse. L’autre cause renverrait à la surexpression des gènes cancérogènes, liée à des facteurs hormonaux. Les données recueillies sur les cancers testiculaires invitent donc une surveillance régulière.
On le voit, seules des stratégies ajustées, qui tiennent compte de la spécificité des risques, permettront à l’avenir d’intégrer ces nouveaux enjeux dans les politiques publiques de prévention de dépistage et de traitement des cancers. Aussi, le cancer nous semble constituer un défi majeur, compte tenu de l’état d’impréparation des équipes pour l’aborder sereinement.

Vieillissement et troubles mentaux évolutifs ou surajoutés

40Les troubles mentaux sont la plupart du temps largement sous-diagnostiqués chez les personnes handicapées vieillissantes. L’expression de ces troubles mentaux subit, avec le vieillissement, des modifications : certains troubles s’érodent, prennent des masques dépressifs ou démentiels, les symptômes initiaux s’appauvrissent, rendant difficile parfois le diagnostic même pour des équipes expérimentées. Les maladies mentales chez les personnes handicapées âgées sont fréquentes. Moss (2000) signale que 11 %de l’effectif étudié présente des troubles psychiatriques autres que la démence. L’anxiété généralisée est ainsi estimée par Cooper (1997) chez les personnes handicapées à 9 %chez les plus de 65 ans. À ce chiffre s’ajoutent 15 %des personnes présentant des troubles du comportement assimilables à des équivalents anxieux. Des manifestations et plaintes hypochondriaques peuvent masquer une authentique dépression (Gabbaï, 1998). La prévalence de la schizophrénie serait trois fois plus élevée chez les personnes déficientes intellectuelles qu’en population générale (Doody et al., 1998). Enfin, troubles anxieux et dépressifs sont plus élevés chez les trisomiques 21 (Collacot et al., 1998). Celles-ci par ailleurs présentent un risque très élevé de développer une démence de type Alzheimer. La prévalence estimée par les différents auteurs varie de manière sensible, mais tous font état d’un taux de prévalence exceptionnellement élevé, qui croît avec l’âge : 6 %à 30-39 ans, 24 %à 50-59 ans et 77 % après 60 ans pour Visser (1997).

La santé des femmes handicapées vieillissantes

41Heller et al. (2002) ont montré que les femmes handicapées mentales sont moins bien suivies pour leur santé que les femmes valides. Jones et Kerr (1997) indiquent qu’au Royaume-Uni, les femmes déficientes intellectuelles sont plus souvent « oubliées » pour effectuer des dépistages précoces, alors même que les pouvoirs publics sont convaincus du bien-fondé des campagnes de dépistages. Rares sont les recherches effectuées dans le domaine de la ménopause chez ces femmes vieillissantes mais on sait que les femmes trisomiques 21 et les femmes épileptiques atteignent la ménopause trois à cinq ans avant les autres femmes. Par ailleurs, les femmes déficientes intellectuelles ne reçoivent pas d’informations et/ou pas souvent de soins et examens relatifs à la détection des cancers gynécologiques. Ces derniers devraient être effectués dès 45 ans, de la même façon qu’ils sont réalisés chez les autres femmes. Les femmes déficientes intellectuelles et IMC ont un risque d’ostéoporose et de fractures plus élevé, car elles cumulent les risques : une ménopause précoce, prise de certains médicaments (anticonvulsifs, traitement thyroïdien) et moindre activité sportive. Enfin, l’obésité est un problème commun très répandu chez les femmes handicapées et plus particulièrement les femmes trisomiques 21. L’évocation de ces quelques exemples permet de prendre la mesure de cet autre défi sanitaire.

Besoins, recours et accès aux ressources de santé

Des besoins de santé des personnes institutionnalisées sous-estimés

42Kerr et al. (2003) ont analysé les besoins de santé des personnes handicapées et la pertinence des soins qu’elles reçoivent dans les institutions spécialisées au Pays de Galles. Leur étude porte sur un effectif de 589 personnes handicapées qui ont été systématiquement examinées afin de repérer leurs problèmes de santé. Les constats « objectifs » ont été mis en relation avec ceux « subjectifs » des travailleurs sociaux au contact quotidien de ces personnes. Les problèmes sensoriels sont marqués avec des écarts considérables entre la perception les travailleurs sociaux et les tests objectifs. Les aidants professionnels ont considéré qu’il existait une vision réduite dans 47 %des cas, une cécité dans 4 % des cas et que 49 % des personnes n’avaient aucun besoin dans ce domaine. Les examens ont certes révélé qu’il y avait 4 %d’aveugles, mais que seules 0,8 % des personnes pouvaient être considérées comme ayant une vision normale. Une cataracte était présente dans 28 %, un glaucome dans 4 %et 67 %avaient un problème de vision nécessitant une correction optique. De plus, seulement 21 % des lunettes étaient appropriées. Des résultats similaires et tout aussi préoccupants ont été retrouvés pour l’audition et dans d’autres domaines de santé. Cette étude, exemplaire dans ses retombées pratiques, a débouché sur des constats et recommandations pour la prise en compte des problèmes de santé de personnes handicapées adultes institutionnalisées que nous reprenons dans l’encadré 6.

Encadré 6 : Constats et recommandations

Constats :
  • importance des troubles sensoriels pour la qualité de vie de la personne handicapée ;
  • sous-évaluation des aspects médicaux (audition, vision, besoins nutritionnels, troubles mentaux…)
Recommandations :
  • des démarches diagnostiques appropriées pour proposer soins et prises en charge ajustés ;
  • des bilans médicaux réguliers ;
  • des formations initiales et continues, ad hoc, des aidants professionnels aux besoins de santé et un accès facilité à un avis médical ;
  • information scientifique précise mais vulgarisée disponible pour les aidants ;
  • insuffisance du seul soin par un médecin généraliste. Multidisciplinarité de l’équipe médicale de spécialistes ;
  • réalisation de bilans de santé complets au moins tous les cinq ans auprès des personnes handicapées ;
  • construction d’une base de données cliniques et sociales colligeant la trajectoire, les données médicales et sociales, les intervenants auprès de la personne handicapée afin d’éviter des pertes d’informations.
Source : Kerr et al., 2003.

Un recours aux ressources de santé difficile

43L’accès aux dispositifs de prévention, de dépistage et de soins fait montre dans l’ensemble des pays de manques persistants. Nous l’avons vu, nombre de problèmes de santé restent encore sous-estimés, mal connus, voire totalement négligés des dispositifs sanitaires et sociaux. Il existe des fortes disparités dans les études de prévalence et d’incidence des problèmes de santé physique et mentale entre population handicapée et population générale, entre population handicapée institutionnalisée et celle vivant à domicile et, enfin, entre pays. L’accès aux ressources sanitaires est moindre pour les personnes vivant à domicile compte tenu des difficultés de repérage de cette population et de ses besoins.

44Les difficultés ne sont pas toutes d’ordre organisationnel. Elles tiennent pour partie de la singularité de la situation de handicap et des difficultés de communication qu’elle introduit souvent dans la rencontre. Pour contourner ces écueils, des aides techniques ont été développées afin de faciliter le travail des équipes et l’expression des personnes (communication en langage simplifié, interprètes en langue des signes ou à l’aide de pictogrammes, échelles de douleur ou de mal-être, etc.).

Un enjeu sociétal et éthique majeur

45Les questions de santé mentale et physique des personnes handicapées représentent un enjeu capital. Avec une espérance de vie beaucoup plus longue, les personnes handicapées viennent interpeller les dispositifs sanitaires et sociaux dans une double dimension quantitative et qualitative. Dans le processus d’intégration et d’inclusion des personnes handicapées, l’accès aux ressources de santé va devenir l’un des enjeux majeurs des politiques sanitaires et sociales des États. Or, si cette question prend une telle acuité, c’est bien en raison de cette nouvelle longévité des personnes handicapées. De membres « invisibles » et marginaux de la communauté nationale, les personnes handicapées vieillissantes apparaissent sur la scène sociale comme un groupe de plus en plus « visible », faisant partie intégrante de la société, partageant et traversant les différents âges et étapes de la vie. De nouveaux problèmes surgissent, qui touchent à l’accès aux ressources de prévention, de dépistage, de traitement et de suivi de problématiques médicales rencontrées habituellement en population générale lors du processus de vieillissement. Ainsi, en est-il par exemple des questions des cancers survenant à l’âge adulte, des maladies cardio-vasculaires ou de la ménopause. Moyens, pratiques professionnelles et protocoles doivent accompagner ce considérable changement démographique.

46L’OMS recommande de faciliter l’accès aux ressources en santé de la collectivité nationale pour les personnes handicapées en proposant de mettre en place, lorsque nécessaire, des « portes d’accès » facilitant le recours aux soins ; de sensibiliser les professionnels et les institutions de soins et les institutions sociales et médico-sociales sur ces questions émergentes ; de mettre en œuvre et construire des référentiels ; de former des équipes sur le territoire national et, enfin, d’associer les personnes handicapées elles-mêmes ou leurs représentants à cette politique.
Les États développés, qui ont pu favoriser ces gains considérables d’espérance de vie en bonne santé, ne peuvent « baisser la garde ». Ils doivent continuer d’assurer à tous les âges de la vie le même niveau, au moins, de couverture sociale (accès aux droits, politiques volontaristes) et sanitaire (sensibilisation et formation des équipes, facilitation de l’accès aux soins, protocoles de bonnes pratiques, etc.). Faute de quoi, ils s’exposeraient à un effondrement dramatique des gains de longévité obtenus.

L’impact du vieillissement sur le travail et la vie à domicile

Les travailleurs handicapés âgés

47Il existe en France une littérature abondante sur le vieillissement des travailleurs handicapés. C’est en effet sous cet angle qu’a été perçu pour la première fois le phénomène de cette nouvelle longévité des personnes handicapées. Vieillissement précoce, retraite, maintien du lien social sont autant de questions capitales. Pourtant ces questions rejoignent les problématiques de la population générale.

Usure professionnelle ou vieillissement précoce ? Le rôle des conditions de travail

48Les travailleurs handicapés en CAT sont souvent perçus comme présentant majoritairement un vieillissement précoce. Cette représentation, ancrée dans les mentalités, contribue à assimiler hâtivement certains comportements comme les stigmates d’un vieillissement précoce inéluctable. Qu’en est-il objectivement ? Gabbaï a montré que le vieillissement précoce ne présente pas cet aspect obligatoire. Au plan scientifique, il est cependant attesté dans certains tableaux : la trisomie 21, certains syndromes d’arriération mentale et les handicaps moteurs lourds. Certes, les travailleurs handicapés vieillissent, mais comme tout un chacun. Leur avancée en âge s’effectue de façon superposable à celle de la population générale. Le vieillissement est généralement indissociable de l’usure professionnelle et du sentiment de lourdeur ou de contraintes professionnelles, qui varient selon le degré d’intérêt pour l’activité professionnelle elle-même. Travailleurs, handicapés ou pas, les conditions de travail en termes de pénibilité, de répétitivité et d’ambiance générale peuvent conduire à une certaine forme de désadaptation.

49Une étude auprès de travailleurs recensés comme présentant des signes de désadaptation au travail a conforté l’hypothèse selon laquelle les mauvaises conditions de travail sont un cofacteur du vieillissement des salariés (Lestrat, 2001). L’étude longitudinale de Moallem (2001) réalisée entre 1977 et 1997 a révélé le peu d’efforts entrepris sur l’adaptation des postes pour les handicapés mentaux en France. L’auteur indique que 37 % des postes de travail en centre d’aide par le travail seraient inadaptés par manque d’aménagements nécessaires ; 36 % des anomalies seraient dues à des équipements obsolètes et dans 19 % des cas, l’environnement serait source de danger. Le travail réalisé par le CREAI de la région Centre (1987-1988) auprès de travailleurs handicapés en centre d’aide par le travail, maison d’accueil spécialisé et foyers occupationnels sur la perte des capacités liées à l’avancement en âge, conclut à l’impossibilité « de mettre en évidence des éléments constants et univoques impliquant une perte de capacités particulière liée à l’âge chez les personnes handicapées. »
À la lecture de ces études, nous ne pouvons pas affirmer qu’il existe une perte capacitaire chez tous les travailleurs handicapés vieillissants. De ce fait, il faut prendre en compte les spécificités individuelles, le désinvestissement au travail, la fatigue, le manque de motivation, qui sont multifactoriels. Tous ne relèvent pas forcément de l’âge de la personne mais bien souvent de l’activité professionnelle proposée (types de poste occupé, tâches répétitives) d’où la nécessité de repenser les notions d’ergonomie et de réaménagement, bénéfiques pour pallier cette usure prématurée.

Quel âge pour la retraite des travailleurs handicapés ?

Une barrière d’âge administrative non pertinente

50L’âge limite des 60 ans constitue une véritable charnière juridico-administrative (Colvez et Villebrun, 2003), un véritable couperet. Ce couperet est souvent décalé avec la réalité des besoins des travailleurs handicapés. Cette barrière systématique n’est pas pertinente – voire absurde – en ce sens qu’elle peut déclencher des phénomènes de désadaptation brutale ou de crise existentielle. Elle crée une population de « déplacés » (Breitenbach, 1999), car les travailleurs handicapés doivent quitter leur lieu de vie institutionnel du fait de leur avancée en âge ou de leur moins bonne rentabilité économique en CAT ou en ateliers protégés. Qu’adviendrait-il, si tous les travailleurs non handicapés devaient « obligatoirement » déménager, au motif de leur départ à la retraite ? Une adaptation du fonctionnement et des modalités de prise en charge serait plus pertinente.

Mettre en place des dispositifs en passerelle

51La réorientation des travailleurs handicapés vieillissants pose de multiples questions hors du champ professionnel : mise à la retraite avec son corollaire la transition vers l’inactivité professionnelle et interrogation sur l’hébergement ultérieur. Le problème majeur réside dans le futur lieu de vie. Certaines personnes sont renvoyées dans des familles elles-mêmes vieillissantes. Nombre d’entre elles rejoignent le dispositif gérontologique. Dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes se pose alors la question du différentiel d’âges entre les populations accueillies : la moyenne d’âge des personnes âgées dans ces structures est de 83 ans, celle des personnes handicapées est de 65 ans. La transition du dispositif du travail protégé et de l’hébergement médico-social vers le domicile ou le dispositif gérontologique mérite à l’évidence d’être accompagné (Balavoine, 1996).

Des ruptures à anticiper

52Pour les travailleurs handicapés âgés, la retraite se solde par une double perte : celle du départ vers un nouveau lieu de vie mais surtout celle de leur travail, avec tout ce qu’il recouvre en termes de reconnaissance et d’assise identitaire. La « valeur travail » est importante chez le travailleur handicapé : source de reconnaissance sociale, de ressources financières, constitutive d’habitudes de vie et de repères socio-spatiaux. La mise à la retraite peut être vécue comme une forme d’exclusion, comme une perte de reconnaissance sociale pouvant aboutir à une véritable crise identitaire. La rupture de l’ancrage professionnel se redouble alors au plan relationnel et affectif, car la plupart de ces personnes travaillent au sein de la même structure depuis de nombreuses années. Elles y ont construit leur ancrage affectivo-relationnel. La coupure de tels liens peut avoir des répercussions très négatives sur le bien-être et l’existence. Pour pallier ces difficultés, il importe de mettre en place des solutions graduées en lien avec les désirs de la personne (possibilités de travail temporaire, continuité ou arrêt de la prise en charge à la carte) et de soutenir ces personnes handicapées vieillissantes dans ces pertes successives : leurs capacités, leur emploi, leur lieu de vie habituel, leurs proches.

Les travailleurs handicapés ont la parole

53Deux études, à dix ans d’intervalle, ont engagé une réflexion novatrice en France sur la représentation du vieillissement, la mise en retraite, le mode de vie, le devenir des travailleurs handicapés vieillissants en recueillant leur parole. Ces deux études sont à mettre en débat avec les perceptions – différentes – des professionnels.

54L’étude réalisée par le CREAI Languedoc-Roussillon (1988) a révélé que les travailleurs handicapés constatent et évoquent sans difficultés les signes de leur propre vieillissement : baisse des performances, perte des motivations, chute du désir de travailler mais aussi modifications de leur corps. Le travail est pour eux le signe d’une réussite sociale et la source d’une valorisation personnelle. Le thème de la retraite est abordé avec inquiétude voire peur. La mise à la retraite est ressentie comme l’abandon d’un travail socialement reconnu. Un autre aspect important concerne les inquiétudes exprimées sur l’avenir : préoccupations vis-à-vis du vieillir et du mourir.

55La seconde est l’étude Solidel du réseau des CAT et ateliers protégés de la Mutualité sociale agricole, menée par Soigneux et Darty (1999) auprès de travailleurs handicapés vieillissants. Dans leur majorité, ils souhaitent une continuité de cadre de vie et le non-déplacement : 65 % d’entre eux aspirent à rester dans leur logement actuel redoutant les ruptures et les changements. S’ils doivent intégrer une maison de retraite, ils aimeraient pouvoir la choisir et souhaiteraient qu’elle se situe de préférence non loin de leur lieu de résidence actuel. Leurs préoccupations portent sur la qualité des réponses à leurs besoins.
L’expression des souhaits de la personne ne fait pas encore l’objet en France de recommandations de bonnes pratiques alors que cette participation de la personne aux décisions la concernant est inscrite dans de nombreux textes de lois et dans les manifestes tels la déclaration de Madrid (Forum européen des personnes handicapées avec le soutien de l’ONU et du Parlement européen). Les évolutions législatives radicales introduites en France (lois du 2 janvier 2002 et du 11 février 2005) devraient faciliter la participation des personnes à la définition de leur choix de vie.

Les personnes handicapées âgées à domicile et les aidants

56Les recherches relatives à l’aide parentale aux descendants handicapés ont été initiées aux États-Unis au début des années quatre-vingt. Le pourcentage d’adultes handicapés pris en charge par leurs ascendants est substantiel. Il est le reflet des modèles politiques et conceptuels sur les personnes handicapées mais aussi d’histoires familiales singulières construites autour de la personne handicapée. La prise de conscience de cette importance numérique fait émerger de nouveaux besoins. En France, cette question a été abordée environ une décennie plus tard.

57Deux types de situations sont concernés : d’une part, les personnes vivant à leur domicile en milieu ordinaire mais bénéficiant parallèlement d’une prise en charge spécialisée aussi minime soit-elle, et donc aisément identifiées ; d’autre part, des familles, le plus souvent réduites à la mère, prenant totalement en charge leur descendant adulte, restant en marge des services institutionnels (pour des raisons complexes). Le constat principal repose sur le fait que ce sont les mères qui sont les aidants uniques (Bontout, Colin et Kerjosse, 2002 ; CREAI Alsace, 2002 ; Dutheil, 2002). La relation s’est construite sur la notion de protection de leur descendant particulièrement fragile et vulnérable. Or les personnes handicapées vieillissantes en marge de tout service sont difficilement repérables et quantifiables.

De l’invisibilité sociale de certains handicapés vieillissants

58Les études recensées en France font état d’un nombre, certainement très en deçà de la réalité estimée, d’adultes handicapés vieillissants « invisibles » ou réduits à l’invisibilité, ignorés du dispositif social et médico-social, vivant au domicile de parents âgés. Ils sont difficiles à évaluer numériquement. Aux États-Unis, il y aurait environ 60 %d’adultes handicapés de tous âges vivant au domicile parental dont un nombre conséquent serait inconnu des services (Fujiura, 1998). Afin de dénombrer les familles vieillissantes qui assument seules la charge d’un descendant handicapé, mais aussi de cerner les raisons qui les ont conduites à cette posture, la Fondation de France (1997) a commandité une importante enquête auprès des CREAI Île-de-France et Rhône-Alpes et de l’ORS de Bretagne. Ces organismes ont recherché dans leur région respective, les parents vieillissants âgés de plus de 55 ans, dont le descendant handicapé ne fréquentait aucune structure d’accueil ou service même à temps partiel. Ce travail multicentrique a donné lieu à une étude de profil sociologique et exploré les attentes de ces parents.

Pourquoi ces familles sont-elles restées en marge ?

59L’analyse du discours des familles a permis de comprendre pourquoi elles ne sont pas entrées dans le réseau de services existant. Les motifs sont multiples : manque d’établissements offrant une éducation spécialisée au moment de la découverte du handicap de leur enfant ; refus parental ou tout simplement interruption de la prise en charge par insatisfaction ou par peur de voir leur enfant entrer dans des institutions vécues comme « asilaires » où les conditions de vie paraissaient déplorables ; arrêts plus ou moins intempestifs de prise en charge par les établissements et services avec retour en famille sans solution de remplacement ; ignorance des différentes formes de soutien disponibles. Enfin, parfois les valeurs de dévouement, de cohésion familiale sont les principales raisons qui ont conduit ces familles à rester en marge du dispositif. Il s’agit alors d’un choix totalement assumé.

Un désert social

60Les études ont révélé le sentiment d’enfermement carcéral doublé parfois de conditions sociales défavorisées. Cette prise en charge familiale fait payer un fort tribut tant au niveau de la lourdeur de la tâche, que de l’appauvrissement des relations sociales qui en découle. Ce cloisonnement social (parfois associé à des problèmes pécuniaires) conduit au sentiment d’une pesante solitude, d’une marginalisation. Les épreuves communes ont certes participé au resserrement des liens familiaux mais ont conduit à l’autarcie. Le rôle d’aidant a, dans 17 % des cas, des répercussions négatives sur leurs relations amicales (Dutheil, 2002). Cette solitude au sein du giron familial est à prendre en considération, puisque de fait, les entretiens ont montré la nécessité de mettre en confiance les familles ou plutôt de les réapprivoiser. On peut penser que cet univers relationnel restreint, cet « enfermement conjoint » (Breitenbach, 2002) a pu participer à ce manque de confiance et à une certaine méfiance des familles vis-à-vis d’interventions inadaptées (impression d’intrusion, résistance à l’égard de travailleurs sociaux trop interventionnistes, expériences antérieures négatives, mise en place de projets discordants). Aussi serait-il souhaitable de penser la renégociation des relations entre les parents et les professionnels.

Le vieillissement parallèle

61Le vieillissement des personnes handicapées est indissociable de celui de leurs parents : ils vieillissent ensemble. Cette double longévité finit par aboutir à un accompagnement difficile, voire impossible, à l’âge où les forces s’amenuisent. Les aidants, marqués par le sceau de leur propre vieillesse et les difficultés d’ordre physique et/ou psychologique afférentes, présentent des pathologies du vieillissement, des pertes d’autonomie et une entrée dans la dépendance qui égalent ou dépassent celles de leur descendant. Il s’ensuit alors une dépendance partagée, une « surdépendance » chez ces parents, pour qui la charge qui leur incombe devient de plus en pesante. Cette situation de handicaps cumulés, que le veuvage ou l’éloignement géographique et affectif des autres descendants vient aussi fragiliser, conduit à s’interroger sur l’évolution des aidants naturels.

Vers la visibilité dans des situations d’urgence sociale

62Les conséquences de cette nouvelle longévité impliquent aussi que nombre de personnes handicapées survivront à leurs parents, lesquels font partie de la première génération qui devra assumer le fait de ne pas forcément survivre à ses descendants. Or, bien que la demande de placement augmente avec l’âge des parents, les études montrent que ce qui détermine majoritairement le placement est le décès des parents, leurs hospitalisations ou l’apparition de maladies invalidantes. Dès lors, seule la crise parvient à les rendre visibles. Cette situation d’urgence conduit à un placement rapide, alors même que cette séparation n’a jamais été pensée. Elle est d’autant plus traumatisante que la personne handicapée n’a aucune expérience du réseau d’accompagnement institutionnel et n’a pas été préparée au deuil et à la séparation. Qui plus est, le manque de places disponibles, le refus prudent des structures d’accueillir des adultes n’ayant aucune expérience de la vie en collectivité ou le manque de formation de ces équipes sont autant de freins puissants. C’est en effet à un travail de deuil qu’est confrontée la personne handicapée, et quand bien même le personnel éducatif serait-il préparé, la gestion de cette cassure subite reste toujours délicate à négocier.

La confrontation à la mort et au deuil pour les personnes handicapées

63L’expérience du deuil est toujours douloureuse, elle l’est d’autant plus chez les personnes handicapées vieillissantes sans vie sociale, maintenues à domicile. Elles seront orphelines de tous leurs liens affectifs au décès du parent. Dusart (1997) est l’auteur d’une étude novatrice et unique en France sur l’expérience subjective du « travail de deuil » chez les personnes handicapées mentales vieillissantes ainsi que sur les attitudes de l’entourage. Les principaux résultats montrent que les personnes avec déficience intellectuelle ont acquis les notions d’irréversibilité et de la réalité matérielle de la mort. L’avancée en âge est un facteur facilitant dans la compréhension et dans l’apprentissage de la mort (74 % des personnes âgées de 50 ans et 91 % chez les plus de 60 ans). Les réactions émotives sont fortes face à l’annonce du décès : pleurs, anxiété, angoisse et confusion prédominent. Les femmes et les déficients légers expriment fortement leur chagrin et réagissent plus que les déficients profonds. Mais, dans les pratiques constatées, une personne déficiente sur trois est tenue à l’écart des rites funéraires bien qu’elle exprime son désir d’y participer. La mise en mots du deuil n’est pas faite par l’entourage et ce silence se révèle anxiogène. Le personnel éducatif apparaît peu formé et peu soutenu dans la préparation des personnes handicapées au deuil et à la perte du proche. Le deuil n’est pas anticipé dans l’accompagnement au long cours, il n’est abordé que dans l’urgence.

Les aidants : entre fardeau, burn-out et résilience

64Des chercheurs en gérontologie, Zarit et al. (1980), ont essayé de quantifier l’impact de l’aide informelle sur les aidants âgés. Ce terme de fardeau (burden des Anglo-Saxons) désigne le fardeau porté par les aidants, au plan des conséquences physiques, psychologiques, émotionnelles, sociales et financières. Le rôle d’aidant peut avoir des répercussions sur le bien-être et conduire à l’usure. L’exposition au risque d’usure pour les aidants naturels dure plus longtemps qu’une carrière professionnelle (en moyenne cinquante ou soixante ans).

65Le tableau est plus contrasté qu’il n’y paraît car les aidants familiaux peuvent se montrer dans cet accompagnement au long cours de leur parent ou descendant, des capacités de résilience indiscutables. Seltzer et Krauss (1989) dans leur étude auprès de 227 mères aidantes ayant à leur charge leur descendant adulte handicapé ont montré que les mères qui ressentent le plus leur tâche comme un fardeau sont celles qui ont le moins de réseaux d’informations. Ils relèvent aussi qu’en dépit de la durée de leur rôle d’aidantes, la plupart des mères sont résilientes, optimistes et capables de poursuivre encore leur rôle. Le climat familial serait selon cette étude le prédicteur du bien-être des mères aidantes.

66Les résultats de l’enquête HID (Dutheil, 2001, 2002) montrent que 45 % des aidants déclarent que ce rôle a des conséquences négatives sur leur bien-être physique et moral. Joël (2003) indique que 40 % des aidants informels ne partent pas en vacances, 11 % ont dû réaménager leurs activités professionnelles, 75 % ressentent une fatigue morale et du stress et 50 % une fatigue physique. Sigal (1999) parle du burn-out des aidants naturels pour évoquer la lassitude et cet insurmontable dépassement qui s’installent. Stress, usure, épuisement, fatigabilité viennent alors faire partie du quotidien de ces familles, qui pour autant ne se plaignent pas et acceptent bon gré mal gré leur situation.

Les accueils de répit, une réponse nécessaire à proposer

67Certains aidants expriment le besoin de soutien dans la prise en charge quotidienne avec notamment l’émergence d’une demande significative en matière d’hébergement temporaire. Ils ont évoqué la nécessité d’ouverture de centres d’accueil de jour, leur permettant de « respirer » mais aussi de préparer la transition. Ces solutions de répit les soulageraient. Elles permettraient non seulement au descendant handicapé de tisser un lien social autre que dans la famille, mais aussi de se préparer à l’inéluctable séparation. Ce travail de séparation « précoce » pourrait avoir, semble-t-il, pour effet un deuil futur moins douloureux.

Une question récurrente pour les aidants : la gestion de « l’après eux »

68La majorité des parents âgés exprime ses inquiétudes et un sentiment de culpabilité en s’interrogeant sur l’après eux et le devenir de leur descendant handicapé. Cette projection angoissante les transcende à rester en bonne santé ; ce devoir d’assistance les porte, au prix d’importants efforts mentaux et physiques personnels. Cette interdépendance et la volonté d’avancer ensemble traduisent l’impossibilité de se séparer : la fonction d’aidant ne cessant qu’avec la mort. Aussi, ont-ils du mal à planifier des placements même temporaires, car ils ne sont pas prêts à déléguer et ont du mal à internaliser l’inévitable séparation.

69Pourtant, la gestion prévisionnelle de ce vieillissement parallèle est préconisée en préparant progressivement les personnes handicapées âgées à la séparation, à la mort et au deuil. Claudel (1988) indique qu’il faut préparer la séparation afin qu’elle n’ait lieu ni dans l’urgence, ni dans la précipitation et permettre ainsi à la personne handicapée de se préparer à une nouvelle vie dans de bonnes conditions.

Un changement de paradigme

70Il existe une amélioration généralisée de l’espérance de vie chez les personnes handicapées à l’exception des populations de personnes en situation de handicap par troubles psychiques. Les courbes de survie des personnes handicapées qui tendent à rejoindre celles de la population générale en attestent. La « rectangularisation » de la courbe d’espérance de vie constatée en population générale au fil des décennies dans les pays développés existe également pour les personnes handicapées. Cependant cette amélioration générale, concrétisée par des bonds spectaculaires d’espérance de vie, concerne au premier chef les déficiences intellectuelles légères ou modérées. Certains facteurs de surmortalité prématurée demeurent.

71Cet accroissement de l’espérance de vie est, d’abord et avant tout, une formidable victoire sur l’adversité et le malheur qui touchent les personnes handicapées et leurs familles. Cette victoire est le fruit de la hausse générale de la santé des populations, de la qualité croissante des dispositifs de dépistage, de diagnostic et de prise en charge précoce des risques de handicaps et des progrès techniques (réanimation, chirurgie…), des politiques sociales volontaristes enfin. Ces gains de longévité se font dans une meilleure santé, en général. Cependant, les gains considérables d’espérance de vie du vingtième siècle peuvent être remis en cause par une baisse de la vigilance des États en matière sanitaire et sociale. Les différents dispositifs sanitaires et sociaux, les législations, les professionnels, les équipes de recherche sont encore mal préparés en France pour accompagner cette heureuse évolution de la qualité et de la durée de vie des personnes handicapées.

72Il y a déjà, et il y aura plus encore de personnes handicapées âgées, voire très âgées ! Il va nous falloir prévoir et mettre en œuvre de nouveaux dispositifs ad hoc d’accueil, d’accompagnement et de soutien (tenant compte des attentes des personnes handicapées) et faciliter l’accès aux dispositifs de droit commun (quand cela est possible). La France, à ce jour, a fait porter l’essentiel de ses efforts de réflexion en matière de vieillissement des personnes handicapées sur l’approche sociale. Si celle-ci est la condition nécessaire, elle n’est cependant pas suffisante car l’enjeu est également sanitaire.

73Enfin, jusqu’à la prise de conscience de l’importance du phénomène, les professionnels ou les pouvoirs publics inscrivaient leurs actions, de manière inconsciente, sur une durée de vie qui intégrait une vision de mortalité précoce, prématurée. Cette nouvelle longévité introduit pour nos sociétés un important défi et un véritable changement de paradigme.

74C’est l’ensemble des représentations des acteurs et des appareils institutionnels qui est mis en débat par cette nouvelle longévité : représentations des parents sur l’enfant handicapé dans ce processus de double vieillissement parallèle, de double déclin avec toutes les difficultés de vie quotidienne que cela suppose ; représentations des professionnels confrontés à leur propre vieillissement et quelques certitudes obsolètes ; représentations des tutelles et des pouvoirs publics qui ont à s’orienter entre des images brouillées (personnes handicapées vieillissantes/personnes âgées handicapées) et à construire de nouveaux dispositifs avec les personnes handicapées. C’est bien un changement complet de paradigme sur les situations de handicap qui est désormais à l’œuvre.
Du statut d’éternel enfant, d’assisté ou d’incapable majeur, la personne handicapée, désormais visible, vient s’inscrire de plein droit sur la scène sociale où elle réclame la citoyenneté qui lui revient et le droit de vieillir au milieu de tous dans la dignité.

Notes

  • [*]
    Bernard Azéma : médecin psychiatre et géographe de la santé, conseiller technique au CREAI Languedoc-Roussillon.
    Nathalie Martinez : docteur en psychologie sociale, conseiller technique au CREAI Languedoc-Roussillon.
  • [1]
    Azéma B. et Martinez N., (2003), Les personnes handicapées vieillissantes : espérances de vie, projections démographiques et aspects qualitatifs, Rapport d’étude pour la DREES, Ministère des Affaires sociales du Travail et de la Solidarité – Ministère de la Santé de la Famille et des Personnes handicapées. CREAI Languedoc-Roussillon, Montpellier, 317 p.
  • [2]
    PMSI : programme de médicalisation du système d’information.
Français

Résumé

Les personnes en situation de handicap, quelle qu’en soit l’origine, présentent aujourd’hui un accroissement très significatif de leurs espérances de vie. Cette nouvelle longévité s’inscrit dans le contexte d’un allongement généralisé de l’espérance de vie des populations des pays développés. Elle est le fruit des politiques sanitaires et sociales volontaristes, du changement des représentations sociales du handicap. Cet article reprend les données d’espérance de vie (déclinées par type de handicap) ainsi que quelques données de morbidité et de mortalité de problématiques spécifiques (trisomie 21, femmes handicapées, cancer et santé mentale…). D’autres aspects sont également abordés telle la problématique d’un vieillissement précoce ou spécifique autour de la question des travailleurs handicapés vieillissants. De fait, hormis pour certains contextes particuliers tels la trisomie 21, les affections génétiques ou les handicaps moteurs lourds, le vieillissement des personnes handicapées apparaît superposable à celui de la population générale. Les personnes handicapées vieillissantes à leur domicile, hors aides institutionnelles, soulèvent des problèmes complexes. Cette nouvelle longévité accentue la visibilité des personnes en situation de handicap. Elle conduit à un véritable changement de paradigme dans les représentations sociales, les pratiques professionnelles et les politiques sanitaires et sociales.

  1. Une problématique émergente ?
    1. La prise de conscience de cette nouvelle longévité en France
    2. La situation européenne
    3. Hors d’Europe
  2. La nouvelle longévité de l’humanité
    1. Transitions épidémiologique, démographique et des incapacités dans les pays développés
    2. Espérances de vie et courbes de survie chez les personnes handicapées : problèmes méthodologiques
    3. Longévité et espérances de vie des personnes handicapées : les données disponibles
      1. Les déficiences intellectuelles : le rôle décisif du niveau intellectuel
        1. Des gains considérables et continus
        2. Le quotient intellectuel : un facteur prédictif de la longévité
        3. Une mortalité différentielle
      2. Le facteur génétique : la situation singulière des personnes trisomiques 21
        1. Des gains de longévité considérables au cours du dernier siècle
        2. Des causes spécifiques de surmortalité : le poids massif des malformations cardiaques
        3. Une anomalie de genre : des garçons trisomiques 21 qui ont une meilleure espérance de vie
      3. Diversité et unité des déficiences motrices
      4. L’épilepsie : un risque majeur persistant
      5. Les personnes autistes
      6. Les malades mentaux : une surmortalité plutôt que des gains de longévité
    4. Dynamique du vieillissement chez les personnes handicapées
      1. Un vieillissement précoce pour tous ?
      2. Un vieillissement différentiel pour chacun
      3. Dynamique du déclin : de l’incapacité qui s’ajoute aux incapacités initiales
      4. Un vieillissement parallèle à celui de la population générale
  3. La santé des personnes handicapées
    1. Prévalences et incidences fortes des problèmes de santé
      1. De nouveaux enjeux sanitaires mal connus
      2. La santé bucco-dentaire souvent oubliée
      3. Des troubles sensoriels sous-évalués ou méconnus
        1. Les troubles auditifs
        2. Les troubles visuels
      4. Le cancer chez les personnes handicapées : un nouveau défi dû au vieillissement
      5. Vieillissement et troubles mentaux évolutifs ou surajoutés
      6. La santé des femmes handicapées vieillissantes
    2. Besoins, recours et accès aux ressources de santé
      1. Des besoins de santé des personnes institutionnalisées sous-estimés
      2. Un recours aux ressources de santé difficile
      3. Un enjeu sociétal et éthique majeur
  4. L’impact du vieillissement sur le travail et la vie à domicile
    1. Les travailleurs handicapés âgés
      1. Usure professionnelle ou vieillissement précoce ? Le rôle des conditions de travail
      2. Quel âge pour la retraite des travailleurs handicapés ?
        1. Une barrière d’âge administrative non pertinente
        2. Mettre en place des dispositifs en passerelle
        3. Des ruptures à anticiper
      3. Les travailleurs handicapés ont la parole
    2. Les personnes handicapées âgées à domicile et les aidants
      1. De l’invisibilité sociale de certains handicapés vieillissants
        1. Pourquoi ces familles sont-elles restées en marge ?
        2. Un désert social
        3. Le vieillissement parallèle
      2. Vers la visibilité dans des situations d’urgence sociale
      3. La confrontation à la mort et au deuil pour les personnes handicapées
      4. Les aidants : entre fardeau, burn-out et résilience
        1. Les accueils de répit, une réponse nécessaire à proposer
        2. Une question récurrente pour les aidants : la gestion de « l’après eux »
  5. Un changement de paradigme

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Bernard Azéma
Médecin psychiatre et géographe de la santé, conseiller technique au CREAI Languedoc-Roussillon à Montpellier. Il est membre du groupe européen Pomona sur les indicateurs de santé des personnes handicapées.
Nathalie Martinez [*]
Docteur en psychologie sociale, elle est conseillère technique au CREAI Languedoc-Roussillon à Montpellier.
  • [*]
    Bernard Azéma : médecin psychiatre et géographe de la santé, conseiller technique au CREAI Languedoc-Roussillon.
    Nathalie Martinez : docteur en psychologie sociale, conseiller technique au CREAI Languedoc-Roussillon.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/rfas.052.0295
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