Des politiques en faveur des personnes handicapées et des droits diversifiés
1En Allemagne – comme dans de nombreux autres pays – il n’y a pas une politique unique de prise en charge du handicap appliquée uniformément à l’ensemble des personnes handicapées, mais des politiques distinctes destinées aux enfants et les jeunes d’une part, et aux personnes en âge de travailler d’autre part. Maintenant, particulièrement depuis l’introduction de l’assurance dépendance en 1995, les personnes âgées dépendantes ont aussi leur place dans la politique en faveur des personnes handicapées, même si leur prise en charge demeure relativement limitée dans le cadre de cette politique proprement dite.
2Une autre distinction se fonde sur la nature du handicap : handicap physique, mental ou psychique. Les aveugles et les malvoyants, par exemple, bénéficient depuis longtemps d’une protection.
3On distingue, enfin, les mesures de réadaptation de celles d’insertion dans l’emploi. Tandis que la réadaptation médicale, professionnelle et sociale est mise en œuvre par les différents organismes de gestion des prestations sociales et relève du droit de la sécurité sociale, l’insertion dans l’emploi proprement dite est avant tout une mission des entreprises, encore que l’intervention de l’État soit aussi prévue. Le domaine du droit applicable en l’occurrence est celui des personnes gravement handicapées (Schwerbehindertenrecht), qui fait partie du droit du travail [1]. La prise en charge des personnes handicapées est ainsi une responsabilité partagée entre l’État et les entreprises : tandis que les différentes mesures visant à la réadaptation sont considérées comme une mission publique des organismes de gestion des prestations sociales, la loi stipule que l’insertion dans l’emploi des personnes handicapées est d’abord un devoir des employeurs et prévoit un ensemble de mesures correspondantes (principalement des quotas d’emploi pour les salariés handicapés et une protection particulière contre les licenciements). Seules les personnes handicapées qui ne peuvent plus fournir un travail productif sur le marché ordinaire de l’emploi peuvent bénéficier d’un poste de travail adapté dans des ateliers protégés. Dans ce cas, la responsabilité n’incombe plus aux employeurs mais à des organismes de gestion des prestations sociales.
4Il n’y a pas de compétence exclusive en matière de prestations de réadaptation médicale, professionnelle et sociale, mais une répartition des compétences entre différents organismes de gestion (cf. annexe). Ces organismes sont, outre les organismes de gestion de la protection sociale (l’assurance maladie, l’assurance accidents du travail et l’assurance chômage ainsi que l’assurance pension en tant qu’organisme de gestion des assurances vieillesse, décès et invalidité), les services d’aide sociale et de l’aide à la jeunesse et les organismes compétents pour l’assistance aux victimes de guerre. Ces organismes peuvent être compétents pour toutes les catégories de prestations de réadaptation (comme les organismes de gestion de l’assurance accidents du travail, par exemple) ou ne proposer que des prestations de réadaptation déterminées (comme l’assurance maladie qui ne propose que de la réadaptation médicale). C’est pourquoi on ne peut pas dire qu’une catégorie déterminée d’organismes de gestion des prestations sociales soit seule compétente pour un type déterminé de réadaptation. Cette organisation peut poser des problèmes. Les organismes de gestion de l’aide sociale peuvent eux aussi être compétents pour tous les types de réadaptation en vertu du principe de subsidiarité. En revanche, demeurent prioritaires sur les autres organismes ceux qui servent des indemnisations aux victimes d’accidents du travail, aux victimes de guerre ou aux bénéficiaires d’autres types d’indemnisations.
5Sous l’angle politique, il y a également un partage des compétences, lié au fédéralisme de l’Allemagne, entre l’État fédéral et les Länder [2]. En effet, c’est à l’État fédéral que revient la compétence législative et dans le cadre de la politique en faveur des personnes handicapées, quelques compétences d’action politique. Les Länder, auxquels la Constitution de l’Allemagne confère l’exercice de compétences étatiques [3], peuvent prendre des mesures particulières en matière de politique en faveur des personnes handicapées dans le cadre fixé par la législation adoptée au niveau fédéral. C’est ainsi que de nombreux Länder se sont dotés d’une législation propre sur les allocations destinées aux aveugles. Cependant, malgré les compétences propres des Länder en la matière, la politique allemande en faveur des personnes handicapées est déterminée essentiellement par le cadre d’action fixé par la législation fédérale et par les possibilités prévues par le droit fédéral.
La structure fédérale de l’Allemagne n’a qu’une incidence limitée sur l’organisation des organismes de gestion des prestations sociales. Seule l’assurance pension (qui recouvre l’assurance vieillesse, l’assurance invalidité et l’assurance décès) se conforme à cette organisation en deux échelons (fédéral et régional), tandis que les organismes d’assurance maladie sont, dans la plupart des cas, organisés sur une base régionale. L’organisation de l’assurance accidents du travail se fait, quant à elle, avant tout par branches d’activités et autres domaines de l’emploi. Seule l’assurance chômage est conforme à la structure fédérale du pays et dispose d’une Agence fédérale pour l’emploi (Bundesagentur für Arbeit), dont l’action est relayée au niveau régional et local par des administrations correspondantes.
Le droit des personnes handicapées
Avant 2001
6Si le droit des personnes handicapées était conçu d’une façon homogène à l’échelon fédéral, sa mise en application demeurait l’affaire d’une multitude d’organismes et d’administrations. Il en résultait que la personne handicapée était confrontée à une multitude d’organismes compétents, surtout dans le domaine de la réadaptation. La complexité des compétences dans ce domaine avait très vite suscité, en son temps, une réflexion sur la nécessité de créer une agence pour la réadaptation qui agisse de manière unitaire et exclusive à l’échelon fédéral (Bogs et al., 1967). Or ces projets de création d’une Agence fédérale pour la réadaptation n’avaient toujours pas été mis en œuvre sur le plan politique. Il y a eu, cependant, une prise de conscience de la nécessité d’améliorer la coordination dans le domaine de la réadaptation et de faire obligation aux organismes qui mettent en œuvre ces mesures de réadaptation, de coopérer entre eux, en particulier pour coordonner les différentes prestations. Prenant acte de cette double nécessité, le législateur a élaboré la loi portant harmonisation des prestations relatives à la réadaptation (Gesetz zur Angleichung der Leistungen zur Rehabilitation – RehaAnglG) de 1974. Comme l’indique l’intitulé de cette loi, il s’agissait d’harmoniser les prestations de réadaptation qui avaient été jusqu’alors servies de manière hétérogène par les organismes de gestion des prestations sociales. La loi poursuivait un objectif supplémentaire : garantir la coopération des organismes de réadaptation entre eux, pour éviter de retarder indûment la mise en œuvre de mesures nécessaires et de faire supporter aux personnes handicapées les conséquences du flou dans la répartition des compétences. Pour la première fois, le principe – encore en application – de la priorité de la réadaptation sur la pension a été énoncé dans une loi. La loi en question ne recouvre cependant pas tous les organismes de réadaptation. C’est ainsi que les organismes prestataires de l’aide à la jeunesse et de l’aide sociale ne sont pas concernés par l’obligation de coopération et de coordination requise par la loi, ce que le législateur a justifié en mettant en avant principalement des difficultés systémiques : contrairement aux prestations servies par les autres organismes de gestion de prestations sociales, les prestations de réadaptation relevant des services d’aide sociale sont servies sous condition de ressources.
Par la suite, on a assisté à toute une série de tentatives pour codifier le droit de la réadaptation et améliorer la coordination des prestations entre elles. Toutes avaient pour objectif principal de faire entrer les prestations de réadaptation servies par les services d’aide sociale dans le champ d’application de la loi portant harmonisation des prestations visant à la réadaptation. Ce n’est qu’en 1998, à la suite d’un changement de gouvernement, que ces projets ont pu être approfondis pour déboucher sur le livre IX du Code social – Réadaptation et participation des personnes handicapées à la vie de la société (SGB IX) de 2001 [4]. De plus, auparavant, en 1994, l’interdiction de discriminer les personnes handicapées avait été inscrite dans la Loi fondamentale, selon laquelle « nul ne doit être désavantagé en raison de son handicap » [5].
Après 2001 : présentation des droits des personnes handicapées
Les droits issus du livre IX du Code social
7En Allemagne, le livre IX du Code social (SGB IX) qui est entré en vigueur le 1er juillet 2001, constitue le texte clé de la législation moderne en faveur des personnes handicapées. D’un point de vue législatif, il s’agissait de réunir deux ensembles de règles qui avaient jusqu’alors été séparés, à savoir le droit des personnes gravement handicapées régi par une loi (Schwerbehindertengesetz – SchwbG) qui relève du droit du travail, et les dispositions relatives à la réadaptation dispersées entre les différentes branches des prestations sociales et coordonnées jusqu’alors par la loi portant harmonisation des prestations visant à la réadaptation. Des difficultés pratiques sont survenues : il s’agissait essentiellement de savoir si le nouveau livre du Code social consacré aux personnes handicapées, à savoir le livre IX, devait se limiter à regrouper les règles existantes ou devait aussi élargir le catalogue des prestations et, d’une manière générale, améliorer la situation juridique des personnes handicapées, et dans quelle mesure il devait le faire. Jusqu’alors, l’intégration d’une législation sociale au Code social dans le cadre de la codification du droit social, s’est toujours accompagnée d’une réforme sur le fond [6]. Ici ce sont des réformes de fond centrales qui ont été introduites, en particulier dans le titre Ier du livre IX du Code social qui a pour objet la réadaptation, et qui doivent contribuer à une amélioration tout à fait substantielle des droits des personnes handicapées.
L’ensemble du dispositif
8Parmi les lois applicables aux personnes handicapées, il y a aussi lieu de citer la loi fédérale sur l’égalité des personnes handicapées (Behindertengleichstellungsgesetz – BGG) [7] et les lois correspondantes au niveau régional dans la plupart des Länder (ces lois sont encore en discussion dans les autres). Ces lois servent à abolir les barrières, c’est-à-dire les facteurs dans l’environnement des personnes handicapées qui constituent pour ces dernières des obstacles à l’accessibilité dans des situations concrètes. L’interdiction de discrimination à l’égard des personnes présentant un handicap, inscrite dans la Loi fondamentale, se trouve ainsi complétée par des dispositions législatives visant à la promotion de ces personnes (Zacher, 2001b). Un projet de loi, très controversé dans le débat public, sur l’égalité au regard du droit civil, qui prévoit l’interdiction de la discrimination dans les contrats types relevant du droit civil contribuerait aussi de manière substantielle à compléter la protection des personnes handicapées [8].
9Le droit des personnes handicapées en Allemagne est ainsi fixé dans l’arsenal juridique suivant :
- l’interdiction de traiter de manière discriminatoire une personne en raison d’un handicap est inscrite tant dans la Loi fondamentale de l’Allemagne que dans les constitutions de certains Länder [9] ;
- le droit à l’accessibilité dans des situations concrètes est inscrit dans la loi fédérale sur l’égalité des personnes handicapées et les lois régionales correspondantes. Par ailleurs, une loi relative à l’interdiction de la discrimination au regard du droit civil est en projet ;
- le droit à la réadaptation et à la participation à la vie de la société des personnes handicapées relève du livre IX du Code social, dont le titre Ier régit le droit de la réadaptation et le titre II celui des personnes gravement handicapées.
L’interdiction de la discrimination des personnes handicapées dans le droit constitutionnel
Les personnes protégées : la notion de handicap dans la Loi fondamentale
10L’article 3, paragraphe 3, phrase 2 de la Loi fondamentale fait état des personnes handicapées, sans toutefois donner de définition du handicap. Le Tribunal constitutionnel fédéral, l’instance juridictionnelle suprême pour l’interprétation de la Constitution en Allemagne, n’a pas encore eu à ce jour à se prononcer sur le contenu de ce terme. La question se pose de savoir si le droit constitutionnel peut avoir pour objet une autre notion de handicap que le droit législatif simple de l’Allemagne. Est ainsi particulièrement litigieuse la question de savoir s’il faut interpréter la notion de handicap au sens étroit du droit des handicapés graves, en vertu duquel le degré d’incapacité requis doit être au minimum de 50 %. Comme le recours au droit écrit simple pour interpréter des termes relevant du droit constitutionnel pose problème d’un point de vue juridique, il est indiqué d’appliquer une définition du handicap plutôt générale, correspondant à l’esprit du texte, à savoir que le handicap est un état, dans lequel une personne voit sa participation entravée pour des raisons sociales et de santé.
La loi sur l’égalité des personnes handicapées : l’élimination des barrières
11L’interdiction de la discrimination inscrite dans la Loi fondamentale a été traduite dans la loi fédérale sur l’égalité des personnes handicapées (BGG) (Straßmair, 2002 ; Theben, 2001 ; Jürgens, 1993). Cette loi fait obligation à l’administration fédérale, aux collectivités, aux établissements et fondations publics ainsi qu’à l’administration des Länder, dans la mesure où elle applique le droit fédéral, de ne pas désavantager les personnes handicapées. Ces administrations doivent, en outre, promouvoir activement les objectifs de la loi et prévoir des mesures en conséquence (article 7 BGG). Elles doivent notamment éliminer et empêcher les mesures discriminatoires à l’égard des personnes handicapées et assurer la participation égale en droits de ces personnes à la vie de la société (article 1, alinéa 1 BGG).
12Un certain nombre de Länder ont aussi promulgué des lois sur l’égalité des personnes handicapées. Les interdictions générales de discrimination concernent l’administration du Land, y compris les communes et les groupements de communes et sont formulées dans les mêmes termes que dans la loi fédérale correspondante.
Projet de loi contre les discriminations : la protection contre la discrimination dans la vie civile et dans l’emploi
13Dans le cadre de la transposition de diverses directives européennes interdisant la discrimination, le gouvernement a présenté un projet de loi relative à la lutte contre celle-ci.
14Dans ce projet, il ne s’agit pas seulement d’interdire la discrimination envers les personnes handicapées mais aussi de s’attaquer aux préjudices subis en raison de la race ou de l’origine ethnique, du sexe, de la religion ou des convictions, de l’âge ou de l’orientation sexuelle.
15Cela se traduit en droit civil, pour les contrats courants, par la nullité des dispositions conclues sans tenir compte – ou insuffisamment – de la personne et de ses droits. Cela s’applique aussi aux contrats d’assurance privée [10].
La discrimination dans l’emploi est elle aussi interdite [11]. Il est cependant autorisé de faire des différences dans les contrats de travail quand la présence ou l’absence d’une caractéristique est une condition déterminante pour l’exercice de l’activité en question ou dans tous les cas dans lesquels la prise en compte de l’âge ou d’un handicap est justifiée par des motifs concrets.
Le droit de la réadaptation et de la participation à la vie de la société des personnes handicapées, dans le livre IX du Code Social
Les personnes auxquelles s’applique la loi : la notion de handicap dans le livre IX du Code social
16Sont réputées « handicapées » les personnes dont les fonctions corporelles, les capacités mentales ou la santé psychique divergent pour une durée prévisible de plus de six mois, de l’état type des personnes du même âge et dont la participation à la vie de la société se trouve par conséquent entravée (article 2, paragraphe 1 SGB IX). Cette définition fondamentale, inspirée de propositions de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ne repose pas sur des déficiences réelles ou supposées ; ce qui est au premier plan c’est l’objectif de participation dans les différents domaines de la vie quotidienne. Il faut entendre par divergence par rapport à « l’état type » la perte ou l’altération de structures physiques, mentales ou psychiques normalement présentes à l’âge considéré. Si cette déficience entraîne une altération de la participation, altération qui se manifeste dans un ou plusieurs domaines de la vie quotidienne, il s’agit d’un handicap. L’exigence d’une durée prévisible de six mois de l’altération exclut certes des troubles passagers, mais pas des interventions à un stade aussi précoce que nécessaire dans certains cas, plus particulièrement quand le handicap survient, ou menace de survenir, chez des enfants.
17Dans le titre II du livre IX du Code social, qui concerne l’insertion dans l’emploi, le terme de « handicap grave » joue un rôle majeur. On parle de handicap grave à partir d’un degré de handicap de 50 %. Doivent être assimilées aux personnes gravement handicapées, les personnes présentant un taux d’incapacité inférieur à 50 %, mais d’au moins 30 %, si leur handicap ne leur permet pas d’obtenir ou de conserver un emploi approprié sans faire jouer les dispositions sur l’égalité de traitement.
Les matières auxquelles s’applique le livre IX du Code social
18Le titre Ier du livre IX du Code social peut être considéré comme la partie du droit de la réadaptation qui s’applique à tous. En revanche, les parties spécifiques demeurent du ressort des différentes branches de prestations sociales (cf. tableau et annexe). Le droit général de la réadaptation recouvre désormais aussi les organismes prestataires de l’aide à la jeunesse et de l’aide sociale, ce qui constitue une nouveauté. L’enseignement demeure exclu du champ d’application de ce droit dans la mesure où il comporte déjà des éléments de réadaptation [12]. Sont également exclues les prestations de l’assurance dépendance (SGB XI), bien que les prestations de cette branche de l’assurance sociale s’adressent généralement aux personnes handicapées. À noter cependant que les organismes de gestion de l’assurance dépendance ne sont pas des organismes de réadaptation autonomes. Le cas échéant, les personnes dépendantes nécessitant une réadaptation médicale recevront ces prestations par l’assurance maladie.
Tableau récapitulatif*

Tableau récapitulatif*
Objectifs et principes du livre IX du Code social
19La loi a pour principal objectif de garantir la coordination des prestations et la coopération entre les organismes prestataires par le biais d’instruments efficaces. Ces instruments sont d’une part, avant tout, l’obligation pour les organismes de réadaptation de créer des services communs chargés de missions étendues de conseil et de soutien allant jusqu’à la préparation dans le détail d’une décision rapide des différents organismes de réadaptation, et d’autre part, d’une manière générale, l’obligation faite par la loi aux organismes de réadaptation d’agir de manière concertée [13].
20En tête du livre IX du Code social figure une disposition qui exprime l’objectif au cœur de toute l’action du législateur en faveur des personnes présentant un handicap : « Les personnes handicapées ou menacées par le handicap perçoivent des prestations […] qui garantissent leur autonomie et leur participation égale en droit à la vie de la société, pour éviter les discriminations ou les combattre » (article 1, alinéa 1 SGB IX).
21Pour servir cet objectif, le droit à la participation à la vie de la société est régi par trois principes fondamentaux qui concernent la pratique en matière de prestations :
- priorité à la prévention (article 3 SGB IX) ;
- priorité des prestations visant à la participation à la vie dans la société sur les pensions (article 8 SGB IX) ;
- droit des bénéficiaires de prestations à exprimer des souhaits en la matière et à choisir entre plusieurs possibilités (article 9 SGB IX) (Welti, 2002b).
Nouveaux fondements de l’ouverture du droit à prestations
22Afin que le droit à la participation à la vie de la société n’existe pas uniquement sur le papier, mais puisse remplir sa mission de promotion de cette participation, le législateur a repris et développé dans le livre IX du Code social deux idées de base, qui existaient déjà auparavant dans le droit de la réadaptation, mais en les approfondissant considérablement. Il s’agit premièrement de la fourniture et de la garantie de prestations par des procédures optimisées, et deuxièmement du renforcement de la coopération et de la coordination des organismes de réadaptation et des organismes prestataires entre eux. D’une manière générale, le livre IX du Code social contribue à renforcer la position de sujet du bénéficiaire de prestations. Cela signifie concrètement un renforcement du rôle d’usager et de client [17]. Le livre IX est, au sein du Code social, celui qui a été le plus loin dans le traitement du bénéficiaire du dispositif en tant que client ou usager. Par ce biais, le livre IX du Code social apporte une contribution importante aux programmes d’intégration des personnes handicapées.
Simplifications concernant le dépôt de demandes et la clarification des compétences
23La plupart des personnes menacées par le handicap entrent d’abord en contact avec le système de la médecine d’urgence. Un grand nombre d’entre elles sont atteintes de maladies chroniques ou qui menacent de le devenir. Aussi le livre IX du Code social apporte-t-il des pistes de réflexion pour améliorer l’interface entre traitement médical et réadaptation (Heine, 2004). L’article 8, paragraphe 1 prévoit : « Si des prestations sociales sont sollicitées auprès d’un organisme de réadaptation ou servies par ce dernier en raison d’un handicap ou de la menace d’un handicap, cet organisme examine, indépendamment de la décision sur l’octroi de ces prestations, si l’on peut vraisemblablement attendre des prestations visant à la participation un résultat positif. »
24Afin de garantir ces prestations de conseil et d’information, les parents, tuteurs, infirmiers et responsables qui décèlent un handicap chez les personnes dont ils ont la charge, sont obligés de présenter ces personnes aux services de consultation pertinents ou à un médecin (article 60 SGB IX). Les médecins ont eux aussi l’obligation de conseiller les personnes présentant un handicap (article 61 SGB IX).
25Un des objectifs principaux du livre IX du Code social était la réduction des délais entre le dépôt d’une demande et le moment où la prestation est fournie. Avant l’entrée en vigueur de ce texte, les personnes handicapées devaient souvent attendre très longtemps la fourniture de la prestation, en raison des litiges entre organismes sur leur compétence ainsi que des délais très longs pour l’établissement de rapports d’expertise médicale. Ces rapports n’étaient souvent guère utilisés et leur multiplication pour une même demande n’était pas exceptionnelle. Cela entraînait souvent des délais de six mois et plus avant la prise d’une décision sur la prestation en question. C’est pourquoi une des grandes priorités du livre IX du Code social est la garantie que la prestation soit fournie le plus vite possible. L’article 14 a introduit une nouvelle procédure pour la détermination des compétences des organismes dans le but de raccourcir la procédure de demande et d’accélérer la fourniture de la prestation. Par principe, c’est le premier organisme de réadaptation contacté qui doit fournir les prestations. Dans un délai de deux semaines à compter de la réception de la demande, il doit déterminer s’il est compétent pour servir la prestation en question. S’il ne l’est pas, il doit transmettre sans délai la demande à l’organisme qu’il considère comme étant compétent dans ce cas. S’il ne transmet pas la demande et que la détermination du besoin de réadaptation ne requière pas d’expertise, l’organisme de réadaptation doit prendre une décision dans un délai de trois semaines à compter de la réception de la demande. Si une expertise est nécessaire, la décision est prise dans un délai de deux semaines à compter de la remise du rapport d’expertise. Pour la réalisation de cette expertise, l’organisme de réadaptation doit mandater sans délai des experts qualifiés. En règle générale, il indique au demandeur trois experts dans les services médico-sociaux à proximité du domicile de ce dernier, tout en prenant en compte le souhait du bénéficiaire des prestations. L’organisme de réadaptation doit veiller à ne mandater que des experts chez lesquels il n’y a aucun obstacle à l’accessibilité ou à la communication. L’expert établit un rapport d’expertise médico-sociale et, le cas échéant, psychologique, dans un délai de deux semaines.
Il ressort du dernier rapport du gouvernement fédéral sur la situation des personnes handicapées et sur l’évolution de leur participation à la vie de la société [18] que les dispositions réglementaires en matière de clarification des compétences ont fait leurs preuves. Les organismes de réadaptation ont, eux aussi, des expériences majoritairement positives des nouvelles règles de compétences. Si tous les objectifs ambitieux du livre IX du Code social n’ont pas encore pu être tenus partout, les délais de fourniture des prestations ont déjà été considérablement raccourcis. C’est ainsi que l’organisme de réadaptation le plus important, le régime d’assurance pension obligatoire (Bundesversicherungsanstalt für Angestellte) a réduit le délai moyen entre la demande de prestations de réadaptation médicale et la décision de 14,5 jours en 2002 à 10,9 jours en 2003. Au cours du premier semestre de 2004, l’Agence fédérale pour l’emploi a statué sur la compétence en l’espace de 8,7 jours en moyenne. D’autres organismes ont aussi raccourci les délais de traitement des demandes.
Services d’information et de conseil
26Pour conseiller et apporter un soutien aux personnes handicapées ou menacées par le handicap, à leurs personnes de confiance et à leurs représentants légaux, il est prévu de créer des services d’information et de conseil communs (article 22 SGB IX). Le catalogue des missions de ces services va au-delà de l’information et des conseils fournis jusqu’alors par les organismes de réadaptation pris individuellement et sert avant tout à faciliter l’accès des personnes handicapées au système compartimenté de l’assurance sociale et à accélérer la procédure de réadaptation.
27Est aussi prévue une coopération de ces services d’information et de conseils communs avec les services d’intégration, les caisses d’assurance dépendance, les associations de personnes handicapées, les œuvres de bienfaisance privées, les groupes d’entraide et les instances représentatives des intérêts des femmes handicapées. Parents, tuteurs, infirmiers et aides-soignants, médecins, sages-femmes, membres des autres professions médicales, enseignants, travailleurs sociaux, animateurs de groupes de jeunes et éducateurs ainsi qu’instances représentatives des salariés gravement handicapés et celles représentatives des employeurs peuvent être tenus au cas par cas de faire appel aux services d’information et de conseils communs.
28Il est fait obligation aux organismes de réadaptation de garantir, dans le cadre des structures existantes, la présence de services communs dans toutes les collectivités territoriales du Land (article 23 SGB IX). Ces services doivent être équipés de façon à pouvoir remplir leurs missions quantitativement et qualitativement, à ce qu’aucune barrière n’empêche l’accès ou la communication, et à éviter l’attente d’une manière générale. Ils doivent, à cet effet, engager du personnel hautement qualifié disposant de connaissances spécialisées étendues en particulier dans le droit de la réadaptation et sa pratique. En juin 2004, les organismes de réadaptation avaient créé plus de 570 services communs à l’échelon local.
29Des exigences élevées ont présidé à la création de ces services communs locaux. En effet, le législateur attendait d’eux qu’ils puissent s’acquitter de missions étendues dans les domaines de l’accès aux prestations, de la détermination des besoins et dans le sens d’une gestion au cas par cas (Heinz, 2003 ; Matzeder, 2003). Le citoyen doit être placé dans la position de quelqu’un qui aurait consulté tous les organismes de réadaptation. Ces services se sont vu attribuer à ce titre des missions étendues d’information, d’aide, de conseil, de préparation des décisions et de coordination. Ces services n’ont aucun pouvoir de décision. L’offre et le fonctionnement des services communs ne donnent pas encore satisfaction partout. Selon une enquête menée par l’Institut de la recherche sociale et de la politique sociale (Institut für Sozialforschung und Gesellschaftspolitik) à la demande du ministère fédéral de la Santé et de la Sécurité sociale, les services communs sont encore trop peu connus, ce qui explique que les personnes handicapées fassent très peu appel à leurs services. Les associations de personnes handicapées, quant à elles, reprochent la qualité médiocre des activités de conseil. Cela tiendrait principalement au manque de qualification du personnel de ces services. La qualité des activités de conseil serait aussi largement influencée d’un point de vue technique par le fait que le personnel est encore trop marqué par l’organisme de réadaptation sous la responsabilité duquel se trouve le service. Le gouvernement fédéral [19] estime que globalement tous les intervenants doivent encore fournir des efforts considérables.
Les problèmes d’interface ne peuvent être résolus par les services d’information et de conseil que si ces derniers fournissent en leur sein, conformément aux dispositions législatives, des conseils et un soutien au cas par cas, et procèdent en commun à une analyse des besoins, une définition des objectifs et l’élaboration d’un programme d’aide et que si l’ensemble de la procédure est géré par le service en question.
En résumé, on peut faire le constat suivant (Welti, 2004) : les services d’information et de conseil atteignent des objectifs au cas par cas, mais restent nettement en deçà des exigences du législateur. Des institutions de renom, comme l’Agence fédérale pour l’emploi et les services d’aide sociale ne s’engagent guère. Certaines caisses d’assurance maladie sont bien éloignées de l’objectif à atteindre. Les services d’information et de conseil ne pratiquent pas la gestion au cas par cas et ne prennent que rarement l’initiative d’établir des contacts avec des médecins, des employeurs, des écoles, des associations et des groupes d’entraide, bien que cela relève de leur mission légale. Les intervenants doivent se mettre d’accord maintenant sur les missions que ces services doivent vraiment assumer à l’avenir et avec un cadre juridique et matériel correspondant. Le législateur pourrait probablement accélérer ce processus en conférant aux services d’information et de conseil des pouvoirs de décision et en réglementant l’organisation d’un véritable organisme commun. Les associations de personnes handicapées doivent se demander si elles ne pourraient pas solliciter et promouvoir davantage qu’à l’heure actuelle, la mise sur pied de services opérationnels.
Organisation des prestations visant à la réadaptation et à la participation
30L’article 7 du livre IX du Code social régit les prestations visant à la participation à la vie sociale, sous réserve de dispositions contraires. Autrement dit, les lois spécifiques règlent la question de la compétence et des conditions d’accès aux prestations. Le renvoi aux textes régissant spécifiquement la réadaptation ne rend pas pour autant inopérantes les dispositions générales du livre IX du Code social. Au contraire, ce dernier constitue la loi qui régit le contenu des prestations et fixe les principes et le cadre pour toutes les catégories de prestations visant à la réadaptation. Les lois spécifiques comportant de telles prestations (SGB II, III, V, VI, VII, VIII et XII) sont des lois régissant les conditions d’octroi de celles-ci, lois qui peuvent, quant à elles, comporter des dispositions relatives au contenu des prestations. Les dispositions relatives au contenu des prestations inscrites dans ces lois sont cependant toujours à interpréter à la lumière du principe de participation inscrit dans le livre IX du Code social.
Des prestations individualisées
31Parmi les principes énoncés dans le livre IX du Code social, il y a lieu de souligner plus particulièrement celui du caractère individualisé des prestations (Welti, 2003 ; Neumann, 2003 ; Schütte, 2003). Les organismes de réadaptation et autres organismes prestataires sont tenus de procéder dans chaque cas à un examen objectif des besoins individuels et de répondre aux souhaits subjectifs, s’ils sont légitimes (article 33, phrase 1 SGB I ; article 9, paragraphe 1, phrase 1 SGB IX). Un souhait est légitime dès lors qu’aucune disposition légale ne s’y oppose. Le livre IX du Code social considère la réadaptation et la participation comme une coproduction entre les personnes handicapées, les organismes de réadaptation et les autres organismes prestataires. L’individualisation des prestations signifie plus particulièrement la reconnaissance de besoins particuliers liés à l’âge, au sexe, à la situation familiale ainsi qu’à la religion et aux convictions des bénéficiaires de prestations, c’est-à-dire aussi sur le fondement des droits garantis par la Loi fondamentale. Le droit d’exprimer des souhaits et de choisir n’est soumis à aucune réserve générale quant au financement, mais à une réserve quant aux besoins. Seules les demandes de prestations qui ne sont pas efficaces, peuvent ne pas être considérées légitimes.
Le principe de la prestation individualisée trouve une traduction concrète dans l’instauration d’une allocation personnalisée [20] (das persönliche Budget) (article 17 SGB IX) (Neumann, 2004 ; Kaas, Fichert, 2003) qui doit atténuer, plus particulièrement pour les personnes présentant un handicap grave et durable, les restrictions faites à leur autonomie qui résultent du principe du tiers payant et du système cloisonné d’assurance sociale. Désormais, les lois régissant le droit à prestations lui confèrent expressément un rôle majeur. Cette allocation personnalisée est accordée indépendamment des organismes prestataires et peut aussi inclure des prestations servies par les caisses d’assurance dépendance et les offices d’intégration. Peuvent être intégrées à cette allocation, des prestations en rapport avec des besoins quotidiens et récurrents, comme par exemple des appareils, les soins à domicile ou le sport de réadaptation. Un organisme prestataire coordonne, au nom des autres organismes concernés, l’évaluation des besoins, le calcul de l’allocation personnalisée et la conclusion avec la personne handicapée d’un accord sur les objectifs à atteindre. Dans un premier temps, le système est mis en place à titre expérimental jusqu’en 2007. Ensuite, le service de prestations par le biais d’une allocation personnalisée doit est généralisé. Cela constitue un nouveau défi pour des services d’information et de conseil communs et des structures d’organismes de réadaptation véritablement opérationnels.
Caractère unitaire et objectif de participation visé par les prestations
32Le cadre unitaire dans lequel s’inscrivent les prestations ne sert pas uniquement à garantir l’égalité de traitement de personnes pour lesquelles des organismes prestataires différents sont compétents. Il vise aussi, et surtout, à éviter que ce système cloisonné ne comporte des inconvénients pour les personnes concernées. Dans chaque cas particulier, les prestataires doivent servir dans le cadre des dispositions légales applicables des prestations si complètes et étendues et d’une qualité si constante que les prestations d’un autre organisme en deviennent dans la mesure du possible superflues (article 4, paragraphe 2 SGB IX).
Continuité des prestations
33Toutes les prestations visant à la participation de la personne handicapée à la vie sociale doivent être servies sans interruption, ni délai. Des dispositions légales correspondantes sont prévues pour les cas dans lesquels des prestations relevant de catégories de prestations différentes ou de plusieurs organismes de réadaptation sont nécessaires (articles 10-12 SGB IX) ; ce qui est alors primordial, c’est la détermination du besoin eu égard à sa fonction ainsi que la mise en œuvre rapide, efficace, économique et durable en vertu de principes unitaires. Dans la Recommandation commune sur le caractère unitaire et la continuité [21], les organismes de réadaptation sont convenus à ce sujet qu’un plan de participation écrit doit servir cette obligation. Des mesures concrètes plus détaillées seront arrêtées dans une autre Recommandation commune, qui est encore en discussion.
Prise en charge de l’infrastructure
34Les organismes de réadaptation doivent, de manière concertée et avec la participation du gouvernement fédéral et des gouvernements des Länder, faire en sorte de mettre à disposition en quantité et en qualité suffisantes, les services et institutions de réadaptation nécessaires tant en termes d’implantation régionale que de qualifications (article 19 SGB IX). Cette mission assignée par la loi doit permettre, à l’avenir, d’étoffer l’offre de prestations ambulatoires, en hospitalisation partielle ou en entreprise, de répondre à un besoin croissant lié à des raisons démographiques et d’imposer des exigences de qualité.
35La prise en charge de l’infrastructure par les organismes de réadaptation repose entre autres sur l’assurance qualité commune (article 20 SGB IX) (Welti, 2002b). Il y a à ce sujet une Recommandation commune des organismes de réadaptation [22] qui doit encore trouver sa traduction et sa concrétisation dans le droit commun des contrats.
Les prestations
36Les prestations visant à la réadaptation médicale comprennent aussi la réinsertion progressive dans la vie active, la promotion de l’autonomie, le dépistage et les aides précoces ainsi que la fourniture d’appareils (articles 26-32 SGB IX).
37Outre les prestations visant à la participation à la vie active (anciennement « réadaptation professionnelle ») servies aux personnes handicapées, il y a lieu de mentionner les prestations s’adressant aux employeurs, notamment les aides financières à l’insertion et les prestations dans des ateliers pour personnes handicapées (articles 33-43 SGB IX). Les mesures visant à la réadaptation médicale et à la participation à la vie active sont complétées par des prestations financières assurant l’entretien. De plus, les frais de déplacement et les frais d’aide ménagère et de garde d’enfants sont pris en charge.
38Les mesures destinées à la participation à la vie de la communauté (anciennement « réadaptation sociale ») comprennent, en particulier, des prestations de pédagogie thérapeutique pour les enfants qui ne sont pas encore scolarisés, des aides pour l’acquisition de connaissances et aptitudes pratiques qui sont nécessaires et appropriées à la vie de la communauté dans la mesure de leurs capacités, des aides pour promouvoir la communication avec l’entourage, des aides pour l’achat, la modernisation, l’équipement et l’entretien d’un logement qui réponde aux besoins spécifiques des personnes handicapées, des aides à la vie autonome dans des logements où une certaine prise en charge est offerte, des aides visant à la participation à la vie sociale et culturelle (articles 44-54 SGB IX).
Droit d’agir en justice
39Pour renforcer les possibilités de recours, le législateur a introduit dans le livre IX du Code social le droit d’agir en justice des associations de personnes handicapées, qui n’est cependant pas conçu comme un droit d’agir en justice d’association (découlant du droit associatif propre), mais comme un mandat d’agir en justice pour le compte d’une personne handicapée (découlant du droit des personnes handicapées) (article 63 SGB IX). Un véritable droit d’agir en justice des associations est en revanche prévu en cas d’atteintes aux dispositions de la loi sur l’égalité des personnes handicapées (article 13 BGG) [23].
Le droit des personnes gravement handicapées
40Le droit des personnes gravement handicapées (Schwerbehindertenrecht) en vertu du titre II du livre IX du Code social complète, avec ses dispositions particulières visant à la participation des personnes gravement handicapées, les prestations visant à la participation à la vie active ainsi que les mesures relevant de la politique du marché de l’emploi qui découlent du droit visant à la promotion du travail selon le livre III du Code social. Ce droit doit contribuer à procurer à ces personnes, et aux personnes handicapées qui leur sont assimilées, un poste de travail ou une place de formation appropriés qui soient adaptés à leurs besoins et à les y maintenir ; il doit aussi contribuer à compenser les désavantages inhérents à leur handicap ou à les rembourser des dépenses supplémentaires qui en découlent. Il prévoit à cet effet un ensemble très vaste de mesures, notamment :
- des prestations visant à promouvoir la participation dans la vie active des personnes gravement handicapées, y compris leur suivi dans le monde du travail ;
- de donner aux services spécialisés d’intégration un rôle de conseil et de soutien de ces personnes et le statut d’interlocuteurs pour les employeurs ;
- le système d’obligation de fournir un emploi et de taxe de compensation ;
- des instances représentatives des intérêts particuliers des personnes handicapées dans les entreprises et les administrations ;
- une protection particulière contre les licenciements ;
- des projets d’intégration comme l’insertion dans le marché ordinaire de l’emploi et des ateliers pour les personnes handicapées.
Obligation de fournir un emploi – Taxe de compensation
41Un outil majeur du droit des personnes handicapées est constitué par le système d’obligation de fournir un emploi et de taxe de compensation.
42Depuis 1974, la loi sur les personnes handicapées gravement avait contraint toute entreprise employant seize personnes et plus à pourvoir au moins six pour cent de ces postes avec des personnes gravement handicapées. Manquer à cette obligation, ou ne la remplir que partiellement, se traduisait pour l’entreprise par une taxe de compensation d’un montant de 200 DM par mois pour chaque poste de travail protégé non pourvu, indépendamment du degré de non-respect de l’obligation de fournir un emploi.
43La loi a revu ce système. La baisse de l’emploi des personnes gravement handicapées enregistrée depuis les années quatre-vingt était due essentiellement au fait que, outre la motivation insuffisante des employeurs, la taxe de compensation avait perdu de sa fonction incitative. Malgré l’augmentation à deux reprises, certes très modérée (de 50 DM), de la taxe de compensation en 1986 et 1990, il s’était avéré que, sans changement des quotas d’emplois, la taxe de compensation n’avait pas une influence positive sur la situation de l’emploi des personnes gravement handicapées. Au contraire, le taux de satisfaction de l’obligation d’emploi de 5,9 % en 1982 était tombé à seulement 3,7 % en 1999. C’est pourquoi, depuis le 1er janvier 2001, la loi prévoit une progressivité de la taxe. La taxe de compensation, par poste de travail protégé non pourvu, s’élève désormais à 105 euros pour un taux d’emplois protégés supérieur à 3 % et inférieur aux 5 % prévus par la loi, 180 euros pour un taux d’emplois protégés supérieur à 2 % et inférieur à 3 % et 260 euros pour un taux d’emplois protégés inférieur à 2 %.
Ce nouveau système ne pénalise pas plus fortement les employeurs qui font des efforts pour employer des personnes gravement handicapées. En revanche, la taxe de compensation à acquitter pour les employeurs qui sont loin de remplir leur obligation a été relevée de manière sensible. Pendant le même temps, le taux d’emplois protégés a été ramené au 1er janvier 2001 de 6 à 5 %, et le seuil pour l’obligation de fournir un emploi a été porté de seize à vingt postes de travail. Ces mesures ont amélioré les conditions générales pour les employeurs et renforcé les mesures d’incitation en faveur de l’emploi des personnes gravement handicapées. Un allègement supplémentaire a été prévu pour les petites entreprises employant moins de soixante personnes. En revanche, pour les institutions fédérales qui employaient déjà au 31 octobre 1999 plus de 6 % de personnes gravement handicapées, le taux d’emplois protégés a été maintenu à 6 % [26].
Protection contre les licenciements
44Le licenciement d’une personne gravement handicapée requiert l’accord préalable de l’Office d’intégration. Il ressort du rapport annuel 2003-2004 du groupe de travail des offices d’intégration et des offices d’aides aux victimes de guerre et aux personnes handicapées (Arbeitsgemeinschaft der Integrationsämter und Hauptfürsorgestellen) que, sur un total d’environ 31 400 demandes d’autorisation de licenciements réguliers pour des motifs résultant des besoins de l’entreprise, tels que la dissolution de l’entreprise, la réduction substantielle de l’activité de l’entreprise ou la suppression du poste, 83 %des cas ont été réglés par la résiliation du contrat de travail. Dans plus de la moitié de ces procédures, il a été mis fin au contrat de travail avec l’accord de la personne gravement handicapée, c’est-à-dire de manière explicite par un accord écrit, par un contrat de résiliation ou du fait du versement d’une pension. Cela montre que la protection particulière des personnes handicapées contre les licenciements ne met en aucun cas l’employeur dans l’impossibilité de licencier. Elle ne fait ainsi pas obstacle à l’embauche des personnes handicapées. Au contraire, une mission importante des offices d’intégration consiste justement à procéder à un examen externe du contrat de travail et à trouver des moyens de prolonger, dans le cadre d’un suivi, la relation de travail à laquelle il serait mis fin sans cette protection particulière contre les licenciements. Une procédure de cette nature permet souvent de trouver des solutions que les personnes concernées n’avaient pas envisagées auparavant. Néanmoins, pour mieux faire accepter ces dispositions par les employeurs, la loi pour la promotion de la formation et de l’emploi des personnes gravement handicapées (Gesetz zur Förderung der Ausbildung und Beschäftigung schwerbehinderter Menschen) [27] a introduit deux innovations :
- la protection particulière contre les licenciements ne s’applique pas si la qualité de personne gravement handicapée n’est pas attestée au moment du licenciement. Elle ne s’applique pas non plus dans les cas où une décision constatant la qualité de « handicapé grave » est certes pendante mais où l’administration compétente ne peut pas statuer faute de coopération du demandeur. La protection particulière contre les licenciements est ainsi exclue dans les cas où la demande de constat d’un handicap grave est une manœuvre dilatoire pour retarder un licenciement ;
- la procédure d’autorisation de licenciement est accélérée. Si, dans les cas de licenciements prévus en raison de la cessation totale d’activité ou de l’insolvabilité de l’entreprise, les offices d’intégration ne prennent pas de décision dans un délai d’un mois, leur autorisation est réputée accordée [28].
Prévention – Gestion de l’intégration à l’entreprise
45La loi visant à combattre le chômage des personnes gravement handicapées a mis les employeurs dans l’obligation, lorsque surgissent des difficultés liées à des personnes, des comportements ou à l’entreprise qui sont manifestes et susceptibles de remettre en question la relation de travail, de discuter de ces difficultés et de toutes les solutions envisageables tant au sein de l’entreprise qu’en dehors de l’entreprise avec les représentants du personnel ainsi qu’avec les instances représentatives des intérêts des personnes gravement handicapées. Dans ce cadre, les organismes de réadaptation et les offices d’intégration doivent aussi être associés et avoir la possibilité de proposer à l’employeur leur aide sous la forme de conseil, d’aides techniques et de prestations financières. Ce dispositif réglementaire a été complété par une gestion de l’intégration à l’entreprise prévue par la loi visant à combattre le chômage de ces personnes handicapées (2004) (article 84, paragraphe 2 SGB IX). L’objectif en est de préserver la capacité de travail, voire de l’améliorer. En effet, il convient d’éviter dans la mesure du possible des difficultés liées à l’emploi ou, en tout cas, de les éliminer à un stade précoce, afin de maintenir la personne concernée dans son emploi. Cela constitue une contribution importante à l’allongement de la période de travail, et ce pas uniquement pour les personnes handicapées gravement, mais encore pour l’ensemble des salariés [29].
La convention d’intégration
46La loi visant à combattre le chômage des personnes gravement handicapées fait obligation aux employeurs de conclure des conventions d’intégration avec les instances représentatives de ces personnes et avec les représentants du personnel (article 83 SGB IX). Ces conventions doivent comporter des mesures et objectifs concrets en vue de l’intégration des personnes gravement handicapées dans les entreprises et les administrations.
47La loi pour la promotion de la formation et de l’emploi des personnes gravement handicapées a développé ce dispositif de conventions d’intégration. Outre des dispositions relatives à la gestion du personnel, à l’aménagement du poste de travail, à l’organisation du travail et à l’aménagement des horaires de travail, la convention peut aussi comporter des dispositions spécifiques relatives à la prise en compte appropriée des personnes handicapées au moment de pourvoir des postes vacants, ou qui vont le devenir, et des créations de postes, à un quota d’emplois à atteindre, notamment une proportion raisonnable de femmes gravement handicapées, à la formation des jeunes handicapés ainsi qu’à la prévention et la promotion de la santé au sein de l’entreprise. Le gouvernement fédéral étant soucieux d’améliorer l’égalité des chances des femmes handicapées sur le marché ordinaire de l’emploi, a demandé aux employeurs d’insérer dans les conventions d’intégration des dispositions particulières en leur faveur.
Les conventions d’intégration conclues sont très variées dans les faits. Il y a ainsi, d’une part, des conventions fixant des objectifs concrets, en rapport avec la situation au sein de l’entreprise ou de l’administration concernée, et des règles pour l’exécution des mesures prévues. On rencontre, d’autre part, des conventions qui se limitent de toute façon à stipuler par écrit les droits prévus par la loi. D’après des statistiques de la Confédération syndicale allemande (Deutscher Gewerkschaftsbund), on arrête souvent, au sein des grands groupes et entreprises, des dispositions réglementaires très détaillées qui vont plus loin – voire beaucoup plus loin – que les exigences minimales fixées par la loi. C’est par exemple, le cas de mesures arrêtées en vue de la formation des salariés en interne ainsi que dans les domaines de la prévention et des procédures de licenciement. Selon une enquête de l’organisation patronale, de nombreuses entreprises ont déclaré que la mise au point en commun et la signature de conventions d’intégration constituent le fondement d’une coopération constructive et régulière entre les différents acteurs au sein de l’entreprise. Dans la fonction publique également – pour laquelle on dispose de données émanant du gouvernement fédéral et des Länder – la signature de conventions d’intégration se généralise.
Services techniques d’intégration
48La loi visant à combattre le chômage des personnes handicapées a permis, en 2000, de prendre des dispositions réglementaires pour mettre en place et développer sur l’ensemble du territoire, un réseau de services techniques d’intégration. Ces dispositions visent à améliorer les chances de participation à la vie active des personnes qui ont besoin d’une assistance particulière pour obtenir et conserver un emploi (articles 109-115 SGB IX). Les expériences dans le cadre de projets pilotes avaient montré que, même en recourant à toutes les aides existantes, une partie des personnes gravement handicapées sans emploi, qui sont pour la plupart des personnes âgées, des chômeurs de longue durée, des personnes peu qualifiées ou particulièrement touchées par la nature ou la sévérité de leur handicap, ne peuvent être placées sur le marché ordinaire de l’emploi que si elles ont à leur disposition des services techniques particuliers de suivi dans le travail et la vie professionnelle au moment de leur intégration dans le monde du travail.
49Les services techniques d’intégration ont pour mission de conseiller les personnes gravement handicapées, de leur apporter un soutien et de leur procurer des postes de travail adéquats ainsi que d’informer et conseiller les employeurs et de leur apporter un soutien. En dehors des personnes handicapées sans emploi ou menacées de perdre leur emploi, les services techniques d’intégration doivent aussi intervenir au moment du passage d’un atelier pour personnes handicapées ou d’une école spécialisée pour enfants déficients ou inadaptés à une relation de travail sur le marché ordinaire de l’emploi, dans ce dernier cas pour éviter aussi le placement dans un atelier.
L’Agence fédérale pour l’emploi s’est vu confier par la loi la mission de mettre en place un réseau de services techniques d’intégration sur l’ensemble du territoire et à proximité des personnes concernées – en s’appuyant sur les services pour l’intégration des personnes gravement handicapées déjà en place. À cet effet, elle devrait en principe faire uniquement appel à des services techniques d’intégration qui proposent des services psychosociaux et de suivi dans le monde du travail, qui agissent indépendamment des organismes de gestion de l’assurance sociale et qui soient aussi mandatés par les offices d’intégration pour assurer le suivi dans le monde du travail. Les employeurs devraient, quant à eux, s’adresser dans la mesure du possible à un interlocuteur unique dans les questions relatives à la participation. Ces dispositions ont été complétées dans le cadre du livre IX du Code social. La possibilité, pour les organismes de réadaptation et les offices d’intégration, de recourir également à ces services a été expressément inscrite dans la loi, ce qui permet de faire appel de manière non bureaucratique à ces services pour le placement et le suivi des personnes présentant un handicap psychique, qui ne veulent pas être reconnues officiellement comme étant gravement handicapées [30].
Projets d’intégration
50La même loi a institué des programmes d’intégration, pour ainsi dire une « troisième voie », en vue de l’intégration dans le monde du travail essentiellement des personnes gravement handicapées particulièrement limitées dans leurs capacités (articles 132-135 SGB IX). Ces projets peuvent revêtir différentes formes : soit dans des entreprises indépendantes, soit au sein d’entreprises et départements employant ces personnes gravement handicapées dont l’insertion dans le marché ordinaire de l’emploi se heurte à des difficultés particulières en raison de la nature ou de la gravité de leur handicap ou pour d’autres raisons, et ce malgré le recours à toutes les possibilités de promotion et l’intervention de services techniques d’intégration et pour lesquelles un atelier pour personnes handicapées n’est pas l’institution adéquate pour participer à la vie active et s’insérer dans la vie professionnelle.
Les projets d’intégration proposent à ces personnes un emploi, un suivi dans le monde du travail et, si nécessaire, également des mesures de formation continue ou la possibilité de participer à des mesures comparables externes à l’entreprise. Les projets d’intégration doivent aussi apporter leur soutien aux salariés handicapés qui changent de poste au sein d’une entreprise ou d’une administration sur le marché ordinaire de l’emploi. Les projets d’intégration peuvent bénéficier de prestations financées par la taxe de compensation pour leur création, leur développement, leur modernisation et leur équipement, y compris des conseils en matière de gestion d’entreprise, ainsi que des prestations pour faire face à des dépenses particulières. Ils peuvent de plus, bénéficier d’aides et prestations individuelles servies par l’Agence fédérale pour l’emploi, les services d’intégration et les organismes de réadaptation. Il s’agit en particulier d’aides financières à l’insertion accordées par l’Agence fédérale pour l’emploi en vertu du livre III du Code social, de prestations versées par les organismes de réadaptation aux employeurs en vertu du titre Ier du livre IX du Code social ainsi que des prestations de suivi servies par les offices d’intégration. Les prestations supplémentaires que les offices d’intégration financent sur les recettes de la taxe de compensation servent principalement à rembourser les dépenses de suivi ou à compenser les performances moindres des personnes handicapées dans leur travail. Les prestations ainsi financées qui sont servies pour des projets déterminés sont destinées à compenser le préjudice économique résultant de l’emploi de ces personnes. Il s’agit là d’une indemnisation compensatrice et non pas d’une aide financière ou d’une subvention donnant un avantage concurrentiel [31].
Les ateliers pour personnes handicapées
51L’objectif prioritaire est la participation des personnes gravement handicapées à la vie active sur le marché ordinaire de l’emploi. Quand la nature ou la sévérité de ce handicap fait que, malgré toutes les aides et tous les instruments de promotion disponibles, cette participation n’est pas possible, ne l’a jamais été ou ne le sera plus, les ateliers pour personnes handicapées sont l’instrument pour la qualification professionnelle et l’emploi (articles 136-144 SGB IX). C’est dans ces institutions que ce groupe de personnes présentant des déficiences exerce son droit à participer à la vie active et à s’insérer dans le monde du travail.
52Ces ateliers ont pour mission de proposer aux personnes contraintes de se tourner vers ces institutions en raison de leur handicap une formation professionnelle appropriée et un emploi pour une rémunération correspondant au travail qu’elles fournissent. Les ateliers doivent en outre permettre aux personnes handicapées de maintenir, développer, améliorer ou recouvrer leur efficacité et leur capacité à exercer un emploi, tout en poursuivant leur épanouissement personnel.
Il y a au total 671 ateliers agréés, dans lesquels environ 227 000 personnes handicapées suivent une formation professionnelle ou occupent un emploi (chiffres de 2002). Les 496 ateliers situés dans les anciens Länder occupent environ 184 000 handicapés et les 175 ateliers situés dans les nouveaux Länder en occupent environ 43 000. L’admission dans un atelier est assortie d’une condition : les personnes handicapées doivent, au plus tard après avoir participé à des mesures relevant de la formation professionnelle, être en mesure de fournir au moins un minimum de travail économiquement rentable. Pour les personnes handicapées pour lesquelles une insertion dans le monde du travail et une participation à la vie active ne sont pas envisageables, des mesures d’insertion sociale et de participation à la vie de la communauté ont été prévues. Elles doivent être dispensées dans des établissements rattachés aux ateliers qui sont généralement appelés centres de promotion de jour. Cette proximité spatiale facilite le passage à l’atelier. L’accueil d’une personne handicapée dans un atelier suppose le versement de prestations par les organismes de réadaptation. Le livre IX du Code social assimile les services de l’aide sociale aux organismes de réadaptation. Les prestations de réadaptation médicale et de participation à la vie active sont aussi désormais servies sans condition de ressources. Les dispositions faisant supporter les coûts par les personnes handicapées elles-mêmes ont ainsi été abrogées au 1er juillet 2001. Il en est de même pour les personnes accueillies dans des centres de promotion de jour [32].
Conclusion : nécessité de la mise en application de la loi et de la prise en compte de la situation des personnes handicapées
53Plus de trois ans après son entrée en vigueur, le livre IX du Code social n’est pas encore appliqué dans sa totalité. Cette loi se heurte encore dans certains cas à l’incompréhension des organismes et prestataires de réadaptation. Une discussion en profondeur d’ordre politique, juridique et scientifique n’en est qu’à ses balbutiements. Bien que devenue loi en vertu du livre IX du Code social, l’idéologie moderne de la participation des personnes handicapées n’est pas encore devenue le cadre normatif et institutionnel pour les personnes handicapées ou les malades chroniques, ni pour les organismes de réadaptation (von Seggern, 2004 ; Igl, 2004). Cela tient surtout au fait que l’Allemagne doit à l’heure actuelle gérer une multitude de changements intervenant dans la législation sociale. Trois organismes de réadaptation majeurs sont chargés de réformes fondamentales dans le domaine de la promotion de l’emploi, de l’aide sociale et de l’assurance maladie, réformes sur lesquelles se concentrent tous les intervenants. Les innovations introduites par le livre IX du Code social dans le domaine de la réadaptation ne sont mises en œuvre que de manière accessoire parce que les ressources personnelles et intellectuelles des intervenants sont déjà pratiquement épuisées. Il faut ajouter à cela que la réadaptation est intégrée dans différents sous-systèmes sociaux dotés de logiques propres : la santé publique, le monde du travail, l’enseignement et la formation, ainsi que l’assurance vieillesse et dépendance. La réadaptation et la participation ne relèvent pas uniquement d’une politique spécifique de réadaptation et de prise en charge du handicap mais doivent aussi s’imposer dans le cadre de politiques générales de la santé, de l’emploi, de l’éducation et de l’assurance vieillesse (Welti, 2004). La chance de cette configuration est que la tension entre le droit de participation et les lois applicables dans les différents domaines se révèle productive : au bout du compte, la situation des personnes handicapées et des malades chroniques est prise en compte dans tous les domaines (« disability mainstreaming »). Ce processus permet aussi d’améliorer les institutions et le cadre de vie des personnes non handicapées. Le livre IX du Code social fournit de nombreux éléments à cet effet (Welti, 2004).
Avec le livre IX du Code social a été créée une base juridique satisfaisante pour une réadaptation moderne en Allemagne. Le droit allemand et le système de participation et de réadaptation des personnes handicapées et des malades chroniques sont très évolués et évolutifs. C’est indispensable pour une politique sanitaire durable, qui mise sur la qualité de vie sur le long terme plutôt qu’exclusivement sur les soins aigus. C’est une nécessité pour une politique de l’emploi efficace qui veuille vraiment promouvoir la participation à la vie professionnelle de personnes atteintes d’une déficience. Cela doit être davantage vu dans le contexte d’une politique éducative qui mette en valeur les potentiels de formation de tous. Cela a une importance croissante à mesure que l’évolution démographique conduit à un vieillissement de la population active et qu’un nombre toujours plus important de personnes âgées sont menacées par la dépendance (Klie, 2004). Cela est également nécessaire pour permettre aux personnes handicapées d’être autonomes et d’être traitées comme les autres, plutôt que de les faire prendre en charge par des établissements spécialisés à l’écart de la société (Pitschas, 2003 ; Fuchs, 2002). Avec le livre IX du Code social, le législateur a posé les fondements d’une politique de prise en charge du handicap et de réadaptation efficace. Il s’agit maintenant, au bout de presque trois ans, de mettre en pratique les possibilités ménagées par le livre IX du Code social ainsi que de saisir et de développer les chances que la loi offre aux personnes handicapées.
Les prestations et leurs organismes gestionnaires prévus par le Code social (SGB I)
Les différentes prestations visant à la réadaptation et à la participation à la vie sociale et professionnelle des personnes handicapées (article 29)
• Les prestations
- Des prestations en vue de la réadaptation médicale, en particulier :
- la prise en charge précoce des enfants handicapés ou susceptibles de le devenir ;
- les soins médicaux et dentaires, les médicaments, etc., y compris l’orthophonie et l’ergothérapie ;
- es prothèses, l’appareillage, etc. ;
- la réadaptation à l’effort et la thérapie occupationnelle.
- Des prestations en vue de la participation à la vie active, en particulier :
- des aides visant au maintien dans un poste de travail ou à l’obtention d’un emploi ;
- la préparation à un métier, l’adaptation professionnelle, la formation professionnelle et la formation continue ;
- d’autres aides destinées à favoriser la participation à la vie active.
- Des prestations en vue de la participation à la vie au sein de la communauté, en particulier des aides :
- pour le développement d’aptitudes intellectuelles et physiques avant la scolarisation ;
- pour une formation scolaire appropriée ;
- pour une prise en charge relevant de la pédagogie thérapeutique ;
- destinées à l’acquisition de connaissances et aptitudes pratiques ;
- visant à l’exercice d’une activité appropriée, dans la mesure où des prestations en vue de la participation à la vie active ne sont pas envisageables ;
- destinées à promouvoir la communication avec l’entourage ;
- visant à l’organisation des loisirs et à d’autres aspects de la participation à la vie au sein de la communauté.
- Des prestations assurant l’entretien ainsi que des prestations complémentaires, en particulier :
- les indemnités journalières de l’assurance maladie et de l’indemnisation sociale, les rentes d’accidents du travail ou l’allocation de transition (en cas de réadaptation), la subvention formation ou l’aide à l’entretien ;
- la prise en charge des cotisations aux caisses d’assurances légales maladie, accidents, pension et dépendance ainsi qu’à l’Agence fédérale pour l’emploi ;
- les frais de déplacement ;
- l’aide ménagère ou l’aide en entreprise et les frais de garde d’enfants ;
- le sport de réadaptation et l’entraînement des capacités fonctionnelles.
- Des prestations particulières et d’autres aides en vue de la participation des personnes gravement handicapées à la vie au sein de la communauté, notamment à la vie active.
• Les organismes gestionnaires
55Les prestations mentionnées ci-dessus sont gérées par les différents organismes de sécurité sociale et les offices d’intégration. Il n’y a pas de répartition exclusive des prestations entre les organismes gestionnaires.
Les prestations visant à la promotion du travail (article 19)
• Les prestations
56Le droit visant à la promotion du travail prévoit le recours :
- à l’orientation professionnelle et au conseil en vue de l’insertion dans le marché du travail.
- au placement dans une formation ou dans un emploi.
- à des prestations destinées à : soutenir l’orientation et le placement ; améliorer les perspectives d’insertion ; promouvoir l’accès à un emploi et à une activité indépendante ; promouvoir la formation professionnelle et la formation continue ; promouvoir la participation des handicapés à la vie active ; promouvoir la participation à des mesures de transfert et d’aide à l’emploi.
- à d’autres prestations d’organismes privés.
- à des allocations de chômage en cas d’intempérie en hiver.
- à des prestations de remplacement de salaire : l’allocation chômage, y compris l’allocation partielle, l’allocation de formation professionnelle, l’allocation de transition, l’allocation de chômage partiel, la garantie du salaire en cas de défaillance de l’entreprise et les allocations de fin de droits.
• Les organismes gestionnaires
57Les agences pour l’emploi locales et les services de l’Agence fédérale pour l’emploi.
Les prestations de l’assurance maladie légale (article 21)
• Les prestations
58Le droit de l’assurance maladie légale prévoit :
- des prestations de promotion la santé, de prévention et de dépistage précoce de maladies.
- en cas de maladie, au traitement médical (soins médicaux et dentaires, médicaments, aides techniques, soins à domicile et aide ménagère, soins hospitaliers) : aux prestations médicales et complémentaires en vue de la réadaptation ; à des indemnités journalières ; à des aides dans l’entreprise (agriculteurs).
- en cas de grossesse et de maternité, à des soins (soins médicaux, assistance d’une sage-femme, accouchement en milieu hospitalier, soins à domicile) de l’aide ménagère et des indemnités journalières.
- à l’aide au planning familial et à des prestations en cas de stérilisation rendue nécessaire par une maladie et en cas d’avortement légal.
• Les organismes gestionnaires
59Les caisses d’assurance maladie (locales, d’entreprise ou d’associations professionnelles, de régimes spéciaux) et les caisses complémentaires d’assurance maladie.
Les prestations de l’assurance accidents légale (article 22)
• Les prestations
60Le droit de l’assurance accidents prévoit :
- des mesures de prévention des accidents du travail, des maladies professionnelles et des risques pour la santé liés au travail et aux premiers secours ainsi qu’à des mesures de dépistage précoce des maladies professionnelles et des risques pour la santé liés au travail.
- des traitements curatifs, à des prestations visant à la participation à la vie active et à d’autres prestations destinées au maintien, à l’amélioration et à la restauration de la capacité à exercer un emploi ainsi qu’à des mesures de soulagement de séquelles, y compris à des aides économiques.
- des pensions en cas de réduction de la capacité de gain, des rentes (Rentenabfindung).
- des pensions aux survivants, et des aides financières.
- l’aide ménagère.
• Les organismes gestionnaires
61Les caisses de prévoyance accidents spécifiques à des professions, les confédérations d’assurance accidents des communes, les caisses d’assurance accidents des Länder et des communes, les caisses d’assurances accidents communes à l’échelon local et régional ainsi que la caisse d’assurance accidents fédérale.
Les prestations de l’assurance pension légale (article 23)
• Les prestations
62Le droit de l’assurance pension légale prévoit le recours :
- au traitement thérapeutique, à des prestations en vue de la participation à la vie active et à d’autres prestations destinées au maintien, à l’amélioration et à la restauration de la capacité de gain, y compris à des aides économiques.
- à des pensions en raison de l’âge ou d’une réduction de la capacité de gain.
- à des allocations décès et à des allocations veuvage.
- à des subventions pour les dépenses engagées pour l’assurance maladie.
- à des prestations destinées à l’éducation d’enfants.
• Les organismes gestionnaires
63Selon la profession, les caisses d’assurance pension régionales (ouvriers), l’Office fédéral d’assurance des employés (Bundesversicherungsanstalt der Angestellten), les caisses des régimes spéciaux et les caisses d’assurance vieillesse agricoles.
Les prestations de l’indemnisation sociale en cas d’atteinte à la santé (article 24)
• Les prestations
64Le droit de l’indemnisation sociale prévoit en cas d’atteinte à la santé le recours :
- à des traitements curatifs et médicaux ainsi qu’à d’autres prestations destinées au maintien, à l’amélioration et à la restauration des capacités, y compris des aides économiques ;
- à des aides particulières au cas par cas, y compris des prestations en vue de la participation à la vie active ;
- à des pensions pour réduction de la capacité de gain ;
- à des pensions aux survivants et allocations obsèques ;
- à une indemnité financière, en particulier pour l’acquisition d’une pièce d’habitation.
• Les organismes gestionnaires
65Les offices de soins à l’échelon fédéral et régional et les services de prise en charge orthopédiques ; pour les aides particulières au cas par cas les arrondissements et les villes autonomes ainsi que les offices régionaux d’aide aux victimes de guerre et aux personnes handicapées. Sont associés à l’exécution de traitements curatifs et médicaux les organismes de gestion de l’assurance maladie légale.
Les prestations de l’aide à l’enfance et à la jeunesse (article 27)
• Les prestations
66Le droit de l’aide à l’enfance et à la jeunesse prévoit :
- des offres du travail pour les jeunes, du travail social auprès des jeunes et la protection éducative des mineurs ;
- la promotion de l’éducation au sein de la famille ;
- la promotion de la prise en charge des enfants dans les crèches et chez les nourrices ;
- l’aide à l’éducation, à l’insertion des enfants et des adolescents souffrant d’un handicap psychique ainsi que l’aide aux jeunes majeurs.
• Les organismes gestionnaires
67Les arrondissements et les villes autonomes, et selon ce que prévoit le droit du Land, également les communes relevant d’un arrondissement, en collaboration avec les organismes privés d’aide à la jeunesse.
Les prestations de l’aide sociale (article 28)
• Les prestations
68Le droit de l’aide sociale prévoit :
- une aide garantissant les moyens d’existence ;
- une aide dans des situations particulières de la vie, notamment : l’aide à la constitution ou à la garantie des moyens d’existence, l’aide sanitaire préventive, l’aide médicale, l’aide en cas d’avortement légal, l’aide au planning familial et l’aide aux femmes enceintes, etc. ; l’aide à l’insertion pour les personnes handicapées, en particulier la participation à la vie au sein de la communauté ; l’aide aux aveugles, l’aide aux soins et l’aide au maintien à domicile ; l’aide pour surmonter des difficultés sociales particulières et d’autres situations particulières de la vie ; l’aide aux personnes âgées ;
- au suivi de personnes handicapées ou de leurs tuteurs ;
- à l’aide à l’acquisition et à l’entretien d’un logement.
• Les organismes gestionnaires
69Les arrondissements et les villes autonomes, les offices de gestion de l’aide sociale et, pour des missions particulières, les services d’hygiène. Ces derniers collaborent avec les offices de gestion des œuvres de bienfaisance privées.
Notes
-
[*]
Professeur de droit public et de droit de la sécurité sociale, directeur de l’Institut de droit social et de politique sociale en Europe, université de Kiel, Allemagne.
-
[1]
Alors qu’en France, le droit de la sécurité sociale et le droit du travail sont regroupés sous l’étiquette de droit social, le droit de la sécurité sociale en Allemagne relève du droit public et est distinct du droit du travail.
-
[2]
Cf. Lechevalier (2003) sur le fédéralisme en Allemagne.
-
[3]
La perception par l’opinion publique et les médias de ces compétences ne correspond généralement pas à cette attribution de compétences au regard du droit constitutionnel.
-
[4]
Loi du 19 juin 2001, BGBl. I, p. 1046, entrée en vigueur le 1er juillet 2001.
-
[5]
Article 3, paragraphe 3, phrase 2 de la Loi fondamentale.
-
[6]
La « codification assortie d’une réforme sur le fond limitée », formule que l’on doit au professeur Hans F. Zacher, premier président de la commission de rédaction d’un Code social, créée en 1969, a aussi eu des incidences sur le livre IX du Code social (Zacher, 2001a, p. 552).
-
[7]
Loi sur l’égalité des personnes handicapées du 27 avril 2002, BGBl. I, p. 1467.
-
[8]
Deutscher Bundestag, imprimé 15/4538, Gesetz zum Schutz vor Diskriminierung (Antidiskriminierungsgesetz – ADG) (loi relative à la protection contre la discrimination).
-
[9]
Le Brandebourg, le Mecklembourg-Poméranie-Antérieure, la Saxe et la Saxe-Anhalt (1992), la Thuringe (1993), le Bade-Wurtemberg et Berlin (1995), Brême et la Basse-Saxe (1997), la Bavière (1998), la Sarre (1999) et la Rhénanie-Palatinat (2000). C’est ainsi que douze Länder sur seize ont inscrit dans leurs constitutions des règles juridiques ayant pour objet l’égalité des personnes handicapées.
-
[10]
Article 20 du projet de loi pour une loi relative à la lutte contre la discrimination.
-
[11]
Article 7 du projet de loi pour une loi relative à la lutte contre la discrimination.
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[12]
Le droit de l’assurance accidents prévoit cependant des prestations visant à la réadaptation scolaire (article 35, paragraphe 2 SGB VII).
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[13]
Deutscher Bundestag, imprimé 14/5074, p. 95.
-
[14]
Article 7 de la loi portant harmonisation des prestations visant à la réadaptation (Rehabilitations-Angleichungsgesetz – RehaAnglG) du 15 aôut 1974, BGBl. I, p. 1881 ; article 9, paragraphe 1, alinéa 2 SGB VI ; article 26, paragraphe 3 SGB VII.
-
[15]
Article 33 SGB I – Aménagement de droits et d’obligations : « Si la nature et l’étendue de droits et obligations ne sont pas définies dans le détail, il convient de prendre en compte dans leur aménagement la situation personnelle de l’ayant droit ou de l’obligé, ses besoins et ses capacités ainsi que la situation sur place, sous réserve de règles de droit contraires. Il doit être accédé aux souhaits de l’ayant droit ou de l’obligé, dans la mesure où ils sont raisonnables. »
Article 9 SGB I – Droit d’exprimer un souhait et de choisir des bénéficiaires de prestations : « Quand il est statué sur les prestations et le service de prestations visant à la participation, il est accédé aux souhaits légitimes des bénéficiaires de prestations. Il est également tenu compte de la situation personnelle du bénéficiaire, à savoir son âge, son sexe, sa situation de famille ainsi que de sa religion ou de ses convictions ; pour le reste, l’article 33 du livre premier s’applique. Il est tenu compte des besoins particuliers des mères et des pères handicapés dans l’exercice de leur devoir parental ainsi que des besoins particuliers des enfants handicapés. » -
[16]
Concernant les effets particuliers de l’article 9 du livre IX du Code social, voir aussi Igl, Dünnes (2002).
-
[17]
Concernant la critique de la notion de clientèle dans le contexte des prestations sociales, voir Welti, Sulek (2002).
-
[18]
Rapport du gouvernement fédéral (2004), p. 14.
-
[19]
Rapport du gouvernement fédéral (2004), p. III.
-
[20]
Sur l’allocation personnalisée en Europe, voir également dans ce numéro l’article de Lina Waterplas et Erik Samoy.
-
[21]
Recommandation commune relative au service interrompu, rapide et unitaire des prestations de réadaptation conformément à l’article 12, paragraphe 1, n° 1 à 3, à appliquer en relation avec l’article 13, paragraphes 1 et 2, n° 5 du livre IX du Code social du 22 mars 2004, entré en vigueur le 1er avril 2004.
-
[22]
Recommandation commune relative à l’assurance qualité conformément à l’article 20, paragraphe 1 du livre IX du Code social du 27 mars 2003, entré en vigueur le 1er juillet 2003.
-
[23]
Voir ci-dessus : « La loi sur l’égalité des personnes handicapées : l’élimination des barrières. »
-
[24]
Loi du 29 septembre 2000, BGBl. I, p. 1394.
-
[25]
Rapport du gouvernement fédéral (2004), p. 131-132.
-
[26]
Rapport du gouvernement fédéral (2004), p. 151-152.
-
[27]
Loi du 23 avril 2004, BGBl. I, p. 606.
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[28]
Rapport du gouvernement fédéral (2004), p. 161-162.
-
[29]
Rapport du gouvernement fédéral (2004), p. 149.
-
[30]
Rapport du gouvernement fédéral (2004), p. 143-144.
-
[31]
Rapport du gouvernement fédéral (2004), p. 147-148.
-
[32]
Rapport du gouvernement fédéral (2004), p. 163-164.