1Partout en Europe, l’équilibre des finances sociales a rencontré des difficultés et fait l’objet de débats : la persistance, dans certains pays de l’Union européenne, d’un taux de chômage élevé dans un contexte de croissance molle et la perspective de sociétés vieillissantes ont conduit certains pays à s’interroger sur les principes fondamentaux sur lesquels reposait le financement de la protection sociale.
2L’analyse comparative des modes de financement est, à cet égard, riche d’enseignements car elle permet d’identifier les principales différences dans les structures de financement de la protection sociale et de mettre en exergue les choix nationaux opérés dans la perspective d’enjeux démographiques, économiques et sociaux pour partie similaires. Le Royaume-Uni, la France et le Danemark ont été retenus dans cette étude, leurs structures de financement de la protection sociale étant très différenciées. Ces pays correspondent, par ailleurs, chacun à l’un des « idéaux types » décrits par Esping-Andersen dans sa typologie des États providence (1990).
3Partant de la pluralité de voies empruntées par ces pays, plusieurs questions structurantes traversent l’étude :
- quels enseignements tirer de l’analyse comparée de l’évolution longue de la structure de financement de la protection sociale et des réformes engagées ?
- les changements structurels induits par ces réformes s’insèrent-ils dans le « sentier de dépendance », prolongeant et amplifiant les caractéristiques de chacun des systèmes ou marquent-ils des ruptures dans le fonctionnement de ces systèmes ?
- les défis communs à ces trois pays vont-ils, dans ce cadre, conduire à une convergence de leur structure de financement ?
Dans un premier temps, sont présentées les caractéristiques de ces modèles du point de vue du financement de la protection sociale, puis les évolutions intervenues au cours de la décennie quatre-vingt, en rappelant le contexte économique et démographique dans lequel elles ont pris place. Dans un second temps, l’analyse des réformes structurelles engagées dans le mode de financement de la protection sociale est développée dans le contexte récessif du début des années quatre-vingt-dix.
Encadré 1 : Méthodologie employée pour étudier le financement de la protection sociale
La protection sociale recouvre toute intervention (transferts en espèces, remboursement des dépenses et fourniture de biens et services) d’organismes publics ou privés (administrations, employeurs, fonds de pension autonomes, mutuelles…) destinée à alléger la charge des risques suivants, ou à les prévenir : maladie/soins de santé, invalidité, vieillesse, survie, famille/ enfants, chômage, logement et exclusion sociale non classée ailleurs.
Selon la définition retenue par Eurostat, les cotisations sociales correspondent aux dépenses engagées par les employeurs au bénéfice de leurs salariés ou par les personnes protégées elles-mêmes pour assurer le droit à prestations sociales. Les contributions publiques comprennent les recettes fiscales affectées et les recettes fiscales générales.
Les recettes fiscales affectées au financement de la protection sociale sont les recettes d’impôts et de prélèvements qui, en vertu de la loi, sont destinées exclusivement au financement de la protection sociale ; elles se distinguent des cotisations sociales obligatoires en ce sens que ces dernières sont versées afin d’assurer un droit personnel à prestations, alors que les recettes fiscales ne confèrent pas ces droits.
Les recettes fiscales générales sont des contributions publiques non affectées au financement de la protection sociale (mais elles peuvent être utilisées partiellement pour la financer).
Évolution comparée des financements de la protection sociale au Royaume-Uni, en France et au Danemark de 1980 à 1989
4La comparaison des évolutions du financement de la protection sociale doit prendre en compte à la fois le montant des dépenses, qui reflète le niveau de socialisation de cette protection, et l’évolution de la structure de ces financements.
5Le financement de l’État providence renvoie à la détermination de ses objectifs et, en particulier, au montant des dépenses de protection sociale pris en charge par la collectivité et à la répartition de la charge du financement entre les différents types de contributeurs (actifs, inactifs, employeurs…), l’ensemble de ces éléments conditionnant sa légitimité, c’est-à-dire son acceptation par les assurés et les partenaires sociaux.
Un premier clivage apparaît à cet égard entre les contributions publiques et les cotisations sociales dont le lien est direct avec la masse salariale puisque les cotisations pèsent essentiellement sur les revenus d’activité tandis que les impôts et taxes sont généralement assis sur une assiette plus large (cf. encadré 2).
Encadré 2 : Impôts et cotisations dans le financement de la protection sociale en France
Les cotisations sont, en général, assises sur les revenus d’activité et éventuellement sur une partie ou la totalité des revenus de remplacement. Les impôts peuvent avoir une assiette plus large : la CGS est prélevée sur les revenus d’activité et de remplacement, de placement et du patrimoine.
La question de l’assiette est essentielle au regard, d’une part, de la justice fiscale (comparaison du taux global de prélèvement des revenus d’activité, de la propriété et des revenus sociaux) et, d’autre part, de sa sensibilité à l’évolution de la masse salariale, elle-même dépendante du taux de chômage et du ratio actif/inactif.
Outre les différences d’assiette, de taux et de modalités de recouvrement, il y a aussi des différences de niveau des décisions : l’impôt relève du pouvoir législatif, alors que le montant des cotisations sociales relève du pouvoir réglementaire.
6Cette césure peut encore être affinée : les contributions publiques peuvent être essentiellement financées par des impôts directs ou indirects, qu’ils soient affectés ou pas ; les cotisations sociales peuvent être majoritairement versées par les salariés ou les employeurs.
7Derrière la problématique du financement, plusieurs questions doivent être simultanément examinées : quelles dépenses sont socialisées (part du financement public/privé) ? Qui paie ? Quels financements sont obligatoires/ facultatifs ? Quelle est la sensibilité du financement à l’évolution de la masse salariale ? Quelle est la sensibilité de l’assiette aux aléas de la conjoncture économique ?
8L’analyse empirique montre la diversité des combinaisons au-delà de la différenciation entre contributions publiques et cotisations (Bonoli, 1997) : le contribuable (impôts sur le revenu), le consommateur (TVA), l’employeur et/ou l’employé (cotisations), l’actionnaire, etc.
Enfin, la grille d’analyse de l’évolution longue de la structure du financement mobilise les enseignements tirés des travaux des institutionnalistes en particulier la clé de lecture que constitue le « sentier de dépendance » (Pierson, 1996). Cette notion appréhende l’inertie institutionnelle liée à la logique des systèmes eux-mêmes. C’est l’approfondissement de l’État providence et son ancrage dans l’économie et dans la société qui aboutissent à une institutionnalisation progressive, à générer une résistance aux réformes tendant à le remettre en cause et à des évolutions qui s’inscrivent dans la logique propre à ces systèmes.
En 1980, des structures de financement proches des modèles identifiés par Gosta Esping-Andersen
9Trois types de modèles de financement parmi les plus contrastés de l’Union européenne au sens de la typologie dressée, en 1990, par Gosta Esping-Andersen, sont ici mis en regard : le Royaume-Uni pour le régime « libéral », la France pour le régime « conservateur-corporatiste » et le Danemark pour le régime « social-démocrate ».
10Le modèle d’inspiration bismarckien, dit « conservateur-corporatiste » dans la typologie précédente, est incarné par le système français dans le cadre de cette étude et se caractérise par des droits sociaux constitués en fonction de l’emploi, du statut social. Son mode de financement est fondé sur le mécanisme des assurances sociales avec des recettes assises essentiellement sur les revenus d’activité, par le biais de cotisations sociales payées par les employeurs et les salariés.
11Le système de protection sociale danois, dont le financement apparaît d’inspiration encore plus beveridgienne que celui des autres pays nordiques (Kautto, 1999), se caractérise par un système universel d’assurance sociale associé à une politique d’émancipation tant du marché que de la famille traditionnelle. Il vise à garantir des droits sur la base du critère de résidence par une redistribution égalitaire des ressources (universalité par la redistribution). Dès lors, le montant des dépenses sociales est élevé et financé essentiellement par des contributions publiques.
12Le régime libéral, illustré dans cette étude par le Royaume-Uni, repose sur le principe d’une assistance fondée sur l’évaluation des besoins et de transferts universels modestes, l’État visant à favoriser le développement du marché de l’emploi garantissant le minimum ou subventionnant les projets privés. Dans ce régime, l’objectif premier est de lutter contre la pauvreté et le chômage (sélectivité par le ciblage). En terme de financement, le régime libéral se distingue par un montant global des dépenses sociales moins élevé : les prestations y sont relativement faibles et accordées sous condition de ressources. Ce système est financé principalement par des contributions publiques.
La conformité au modèle
13Le niveau de dépenses de protection sociale collective apparaît bien, conformément à la typologie développée par Esping-Andersen, plus élevé pour le Danemark, régime social-démocrate, dont les dépenses sont supérieures au Royaume-Uni, régime libéral, et à la France, régime corporatiste. La part des dépenses de protection sociale dans le PIB est de 20,5 % pour le Royaume-Uni, 25,4 % pour la France et 28,7 % pour le Danemark pour l’année 1980.
14Le montant des dépenses sociales a augmenté pour les trois pays de 1980 à 1990 passant à 23,1 % du PIB pour le Royaume-Uni, 27,7 % pour la France et 30,3 % pour le Danemark. Cette évolution ne modifie pas la hiérarchie entre les trois États. Pour autant, la croissance des dépenses a montré une relative convergence avec +2,7 points au Royaume-Uni, +2,3 points en France et enfin +1,6 point au Danemark.
15Quant à la structure du financement de la protection sociale (cf. tableau 1), elle est assurée au Royaume-Uni pour 48 % des recettes par des cotisations et à hauteur de 43 % par des contributions publiques. La France assure principalement son financement par des cotisations à hauteur de 80 % et 17 % par l’impôt ; à l’inverse, le système danois repose principalement sur les contributions publiques (83 % des recettes) et marginalement sur les cotisations (12 %).
Répartition des recettes affectées au financement de la protection sociale 1980-1990

Répartition des recettes affectées au financement de la protection sociale 1980-1990
16Si la France et le Danemark illustrent relativement bien au cours des années 1980-1990 les structures de financement respectivement des régimes corporatiste-conservateur et socio-démocrate, le Royaume-Uni apparaît dans une situation plus « hybride » puisque le financement de sa protection sociale est réparti de façon quasi équilibrée entre les contributions publiques et les cotisations : ce constat s’explique par la part des cotisations obligatoires auprès d’organismes privés en complément du minimum assuré par l’État.
L’affectation ou non des recettes fiscales
17La situation de chacun des trois pays apparaît inspirée des régimes d’États providence décrits par Esping-Andersen, mais avec des différences sensibles entre États :
18• La France fait appel à des cotisations à hauteur de 80 % du financement de la protection sociale en 1980 mais aussi à des recettes fiscales. Une partie des recettes fiscales est affectée au financement de risques identifiés comme l’assurance maladie (cf. encadré 2). En 1991 (date à partir de laquelle les données Eurostat sont disponibles sur cette question), les recettes fiscales dans leur ensemble participent à hauteur de 18 % au financement de la protection sociale, les recettes fiscales affectées constituant 22 % des contributions publiques. En 1999, les recettes fiscales représentent 30 % du financement de la protection sociale, la part des recettes fiscales affectées dans l’ensemble des recettes fiscales s’élevant à 55 %.
19• Le Danemark, a contrario, finance les dépenses de protection sociale sur la base de recettes fiscales pour un peu plus de 80 %, ces recettes n’étant en outre pas affectées. Dès lors, le financement des dépenses sociales est majoritairement assuré par le budget général des administrations publiques dont les recettes proviennent de l’impôt. Le financement des dépenses sociales résulte ainsi, avant tout, d’un arbitrage budgétaire ce qui implique, pour étudier la structure du financement des dépenses de protection sociale, d’analyser le système fiscal dans son ensemble.
20• Le Royaume-Uni correspond à une situation intermédiaire puisque les dépenses sociales sont financées pour partie par des cotisations (48 % en 1980) et pour partie par des recettes fiscales générales (43 % en 1980) qui ne sont donc pas affectées. La moitié du financement de la protection sociale est donc, comme pour le Danemark, assurée par le budget général des administrations publiques alimenté par la fiscalité dans son ensemble.
La décentralisation des financements
21Enfin, l’analyse des contributions des administrations publiques révèle des différences entre États dans la part prise par les administrations locales dans le financement de la protection sociale.
22Cette part demeure faible pour la France, bien que croissante depuis la décentralisation intervenue dans les années quatre-vingt, et les collectivités locales assurent ainsi, en 1991, environ 5 % du financement total de la protection sociale et 16 % des contributions des administrations publiques, proportion qui décroît jusqu’à 12 % en 2000 (la création de la couverture maladie universelle en 2000 a, par exemple, constitué de facto un transfert de dépenses des départements vers l’assurance maladie).
23En revanche, le Danemark a une organisation fortement décentralisée autour des régions et des communes. Le mouvement de décentralisation, engagé à partir de 1970, a accru progressivement les compétences sociales conférées aux régions (les hôpitaux en 1970, le service régional de santé et la formation après 16 ans en 1973, les personnes handicapées en 1980, etc.). Ainsi, en 1991, d’après les données Eurostat, les administrations locales participent à hauteur de 44 % des contributions des administrations publiques (56 % en 2000) au financement de la protection sociale. Néanmoins, les dépenses sont en totalité ou partiellement subventionnées par le gouvernement central (NOSOSCO, 2000).
Enfin, au Royaume-Uni, la part du financement assuré au plan local est quasi inexistante, l’État finançant un peu plus de 90 % des contributions des administrations publiques au financement de la protection sociale.
Au cours des années quatre-vingt, des ajustements liés aux difficultés économiques sans remise en cause des systèmes de financement
Stabilité des structures de financement
24De 1980 à 1990, les trois États font montre d’une stabilité de la répartition du financement de la protection sociale entre impôt et taxes d’une part, cotisations sociales d’autre part. Chaque État a cependant procédé à des ajustements au cours de cette décennie afin de faire face à la croissance des dépenses liées au contexte économique (montée du chômage après le premier choc pétrolier), à la croissance de la demande de soins par exemple ou à l’évolution démographique (cf. annexe 1).
25Dans ce contexte, les évolutions intervenues dans le financement de la protection sociale apparaissent plutôt comme des ajustements sans remise en cause structurelle du mode de financement suivant le « path dependancy », et dans le contexte d’une relative stabilité du modèle propre à chaque pays :
26• Le Danemark a engagé une première réforme fiscale en 1987 afin d’élargir l’assiette de plusieurs impôts (impôt sur le revenu, impôts locaux) pour accroître le rendement des contributions publiques avec une stabilisation concomitante des dépenses sociales dans le PIB grâce à la diminution progressive de la part des dépenses sociales consacrées à la santé (Leif Lybecker Eskesen, 2002).
27• La France a augmenté le rendement des cotisations sociales par un élargissement de leur assiette aux revenus de remplacement (pensions, allocations chômage), un déplafonnement et des relèvements successifs des taux des différentes cotisations sociales (Barbier, Théret, 2000).
• Le Royaume-Uni a également stabilisé la part des dépenses sociales dans le PIB à partir de 1979 ; entre 1979 et 1983, les montants des principales allocations d’assistance sont réduits, la partie proportionnelle aux cotisations de l’assurance maladie, chômage et accident est supprimée, la partie forfaitaire de l’assurance chômage est réduite, etc. La part des recettes issues des cotisations sociales a fluctué au rythme de la masse salariale, donc du chômage, de façon « mécanique » mais globalement les parts respectives des cotisations et de l’impôt ont peu varié (Crowley, 2000).
Diminution de la part des cotisations financée par les employeurs
28L’évolution majeure au cours de la période consiste toutefois en une baisse de la part des cotisations employeurs au sein des cotisations sociales. En 1980, elles sont majoritairement financées par les employeurs, à 70 % au Royaume-Uni et en France et à 81 % au Danemark. Entre 1980 et 1990, le financement par les employeurs a diminué dans les trois États et ce dans de fortes proportions au Royaume-Uni et au Danemark puisque la part des employeurs est passée au Royaume-Uni de 70 % à 51 % de l’ensemble des cotisations, de 81 % à 60 % au Danemark et de 70 % à 64 % en France.
29Cette diminution s’explique par la volonté de baisser le coût du travail, y compris dans un État comme le Danemark, où les cotisations constituent une charge nettement moindre pour les entreprises qu’au Royaume-Uni et surtout en France. En revanche, la diminution est beaucoup plus faible en France (6 points contre 19 points au Royaume-Uni et 21 points au Dane-mark), alors que, paradoxalement, la protection sociale y est majoritairement financée par les cotisations sociales assises sur les revenus d’activité.
Après 1990, des réformes structurelles renforcent la convergence des modes de financement
Des changements d’ampleur dans le mode de financement de la protection sociale
30Au début des années quatre-vingt-dix, chacun des trois pays considérés est confronté à une crise économique majeure qui a fortement fragilisé le financement de la protection sociale (cf. graphique 2 – annexe 1). Ce contexte se caractérise en particulier par une envolée des taux de chômage qui atteignent 10 % en 1993 au Royaume-Uni et 9,60 % au Danemark. En France, le taux de chômage dépasse 10 % à partir de 1992 pour culminer à 11,90 % en 1996 et se maintient à ce niveau jusqu’en 1999 (cf. graphique 3 – annexe 1).
Mise en place d’une politique de maîtrise des dépenses
31Les trois pays s’engagent alors dans une politique de maîtrise des dépenses de protection sociale : au Royaume-Uni, ces dépenses s’établissent à 23 % du PIB en 1990, atteignent 29 % en 1993 pour revenir à 26,9 % en 1999 ; en France, de 27,9 % en 1990, elles culminent à 31 % en 1996 pour revenir à 30,2 % en 1999 ; enfin, au Danemark, de 28,7 % en 1990, elles progressent jusqu’à 32,8 % en 1994 pour retomber à 29,8 % en 1999. Ces évolutions révèlent à la fois des tendances structurelles et l’impact du cycle économique.
32Le Danemark a modifié la part des dépenses affectées aux différents risques en privilégiant la réduction des dépenses consacrées à la santé, pour compenser, en particulier, la hausse des dépenses des prestations chômage induite par la situation du marché de l’emploi : les dépenses de chômage passent de 15,4 % de l’ensemble des prestations sociales en 1990 à 17,9 % en 1993 puis à 11,2 % en 1999.
33Le Royaume-Uni et la France ont, quant à eux, plutôt tenté de maîtriser la croissance des dépenses grâce à des mécanismes tels que le changement des règles d’indexation des pensions ou encore des restrictions des droits aux allocations chômage.
34En France, les dépenses les plus dynamiques sont demeurées celles relevant des risques « santé » et « vieillesse » : les dépenses de santé passent d’un peu moins de 7 % du PIB à 9 % puis se stabilisent à partir de 1993 ; les dépenses « vieillesse » augmentent continûment mais de façon plus limitée à partir de 1990 ; la part des dépenses d’indemnisation du chômage a, quant à elle, diminué de 3 points entre 1981 et 2002 (Bechtel, Caussat, Horusitzky, Loisy, 2003).
Diversification des modes de financement
35En ce qui concerne les recettes, à travers la part respective des impôts et taxes d’une part et des cotisations sociales d’autre part, on peut observer une relative convergence vers une diversification des modes de financement à l’instar du « modèle » britannique qui reste stable entre 1990 et 2001 : en France, la contribution des recettes fiscales au financement de la protection sociale passe de 17 % à 30 % entre 1990 et 2001 ; au Danemark, la part des cotisations sociales dans le financement de la protection sociale passe de 13 % à 30 % entre 1990 et 2001 (cf. tableau 2).
Évolution des contributions publiques finançant la protection sociale

Évolution des contributions publiques finançant la protection sociale
Répartition des recettes affectées au financement de la protection sociale 1980-2001

Répartition des recettes affectées au financement de la protection sociale 1980-2001
36Il est possible de distinguer au sein des contributions publiques à partir de 1991 les recettes fiscales affectées aux dépenses de protection sociale des recettes fiscales générales (cf. encadré 2). On constate de fortes évolutions, en France, du fait de la mise en place de la CSG et de ses augmentations successives : les recettes fiscales affectées constituent 22 % des contributions publiques en 1991 puis augmentent continûment passant à 32 % en 1994, plus de 50 % en 1998 et enfin 61 % en 2000. En revanche, les données font apparaître une stabilité pour le Royaume-Uni et le Danemark dont 100 % des contributions publiques sont constituées de recettes fiscales générales entre 1991 et 2000.
37Ainsi cette évolution du financement de la protection sociale prend place dans un contexte où l’ensemble des recettes des administrations publiques doivent également être analysées (cf. tableau 3).
Structure des recettes publiques dans les trois États selon l’assiette des taxes en pourcentage du PIB en 1980, 1990 et 2000

Structure des recettes publiques dans les trois États selon l’assiette des taxes en pourcentage du PIB en 1980, 1990 et 2000
38L’analyse de l’évolution de l’ensemble de la structure fiscale pour le Danemark montre une stabilité à un niveau élevé de la part des recettes issues de l’impôt sur les revenus des ménages et la montée en charge relative des cotisations qui passent de 1,4 % à 2,2 % du PIB de 1990 à 2000 mais de 12 % du financement de la protection sociale danoise à près de 30 % en 2001. Au Royaume-Uni, dont 50 % des dépenses de protection sociale sont prises en charge par les recettes générales du budget de l’État, on constate une grande stabilité en part du PIB des recettes issues de l’impôt sur le revenu des ménages, de l’impôt sur les sociétés et des cotisations sociales qui augmentent chacune dans des proportions comparables.
Des réformes structurelles dans deux des trois pays
39On assiste ainsi durant la décennie quatre-vingt-dix à des changements structurels dans le mode de financement de la protection sociale dans les trois pays considérés (cf. annexe 2), comme dans d’autres pays européens, dans un contexte de diminution de la part des salaires dans la valeur ajoutée, de montée du chômage et de difficultés à réduire les dépenses sociales. Ces changements se traduisent notamment par une substitution de l’impôt aux cotisations sociales (France), ou dans la fiscalité générale par une montée en charge de la fiscalité écologique (Danemark) (Timbeau, 2003).
40• Au Danemark, les réformes structurelles concernent l’instauration de taxes écologiques et surtout, en 1993, d’une cotisation sociale de 5 % essentiellement financée par les salariés, alors que baisse l’impôt sur les sociétés. Le rendement de cette nouvelle cotisation est affecté au financement des prestations de chômage et aux autres dépenses liées à la politique de l’emploi (Kvist, Ploug, 1995).
41• En France, la création de la contribution sociale généralisée (CSG) en 1991 et l’augmentation progressive de son taux, la création de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) puis la prise en charge par l’État des exonérations de cotisations des employeurs à partir de 1994 ou encore la mise en place de dispositifs financés par l’État (revenu minimum d’insertion en 1988) ont abouti à une fiscalisation progressive du financement de la protection sociale. Si la part des cotisations sociales a fortement baissé avec la création de la CSG, celle-ci reste principalement assise sur les revenus d’activité même si elle concerne également les revenus financiers et ceux du patrimoine. La création de la CSG a eu à la fois pour objectif d’instaurer un prélèvement plus équitable que les cotisations qui ne pèsent que sur les salaires, d’y assujettir un nombre de ménages plus important que ceux concernés par l’impôt sur le revenu et d’éviter une charge supplémentaire sur les entreprises. La CSG, une fois adoptée, ne financera que la branche « famille » jusqu’en 1994. Les gouvernements successifs n’hésiteront pas toutefois, à relever son taux continuant dans la voie de la fiscalisation progressive du financement de la protection sociale et notamment de l’assurance maladie.
42• La mutation majeure au Royaume-Uni concerne non pas la répartition du financement entre les cotisations sociales et les impôts, dont la part dans les prélèvements obligatoires reste stable mais plutôt le choix d’augmenter fortement la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en diminuant l’impôt sur les sociétés et les cotisations employeurs qui renchérissent le coût du travail (Adam, Kaplan, 2002). Ainsi, la TVA qui constituait 11,8 % des prélèvements obligatoires en 1979 passe à 18,2 % des prélèvements obligatoires en 2000 [1]. L’assiette de financement de la protection sociale y est donc plus diversifiée et large qu’en France pour des dépenses d’un montant global inférieur.
Alors que le mode de financement britannique, plus « hybride », demeure relativement stable, la France a donc fiscalisé progressivement le financement de ces dépenses sociales s’écartant en cela de plus en plus du modèle corporatiste-conservateur. Le Danemark s’éloigne également du modèle « social-démocrate » de référence par l’introduction en 1993 d’une nouvelle cotisation.
Entre « sentier de dépendance » et convergence ?
43Il importe à ce stade de rappeler que les systèmes de protection sociale mis en œuvre par les États ne correspondent pas de façon « pure » aux modèles issus de la classification dégagée par Esping-Andersen.
44Les premières difficultés économiques auxquelles les États ont été confrontés dans les années quatre-vingt, bien qu’à des degrés différents, ont conduit à des ajustements du financement. On constate dès lors l’importance du « sentier de dépendance » en réaction face aux premiers chocs. Lorsque les difficultés croissent ou que la crise économique devient aiguë au début des années quatre-vingt-dix, la force exercée par la dynamique du « sentier de dépendance » demeure mais semble s’amoindrir.
Toutefois, le « sentier de dépendance » semble plus prégnant sur les questions d’accès aux droits et de gestion des dispositifs qui ont été peu modifiés dans leur essence sans doute du fait de leur portée symbolique, de l’héritage et des résistances sociales et politiques au changement, etc. que sur les questions strictement limitées à la structure du financement. Il serait à cet égard plus aisé de modifier les recettes que les dépenses auxquelles les partenaires sociaux comme les bénéficiaires semblent plus attachés, a fortiori dans un système bismarckien comme en France où la notion de contrepartie est fortement associée aux cotisations (Palier, 2002). C’est d’autant plus vrai que les contraintes économiques et budgétaires sont fortes (Gilles, Lelièvre, 2003), qu’elles soient imposées dans un cadre européen ou national.
45Il importe, en premier lieu, de replacer les enjeux du financement de la protection sociale dans leur contexte démographique, économique et social.
46Les tendances démographiques à l’œuvre depuis vingt ans dans ces pays sont assez semblables sur bien des points. Une baisse similaire du taux de mortalité est observable dans les trois pays. Le taux conjoncturel de fécondité au Royaume-Uni diminue continûment passant de 1,90 en 1980 à 1,64 en 2002. En France, cette baisse également constatée ne perdure pas audelà de 1994, date à partir de laquelle il remonte à 1,89 (contre 1,95 en 1980). Le profil du taux du Danemark a poursuivi, quant à lui, une autre dynamique : chute brutale jusqu’en 1984 où il atteint 1,38 ; pour remonter 1,72.
47L’espérance de vie s’est accrue d’environ 1,65 an de 1980 à 2000 d’après les données d’Eurostat au Danemark et d’environ 4,5 ans en France et au Royaume-Uni sur la même période. Seul le Danemark a la particularité d’avoir enregistré un léger recul de l’espérance de vie des femmes depuis les années quatre-vingt. L’élévation de la durée moyenne de la vie des hommes reste très proche de la moyenne communautaire (75 ans en moyenne en 2000) dans ces trois pays, tandis qu’elle s’en écarte sensiblement selon la nationalité des femmes (76,6 ans au Danemark en 2000, 80 ans au Royaume-Uni et 82,8 ans en France).
48Ainsi, en constante augmentation dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, les personnes âgées de plus de 65 ans représentaient environ 15 % de l’ensemble des résidents au Danemark, soit un point de moins environ qu’en France et au Royaume-Uni, et plus généralement que la moyenne communautaire (15,9 %).
49Quant à la classe d’âge des plus de 80 ans, qui s’est considérablement accrue dans les trois pays comme ailleurs en Europe, elle représente aujourd’hui environ 3,7 % de l’ensemble des résidents dans les trois pays en 2000, même proportion que celle observée en moyenne au sein de toute l’Union européenne.
50Ce contexte démographique est de nature à peser sur les dépenses de protection sociale et sur le besoin de financement de ce secteur, qui va s’accroître sous l’effet conjugué de l’arrivée très prochaine des générations nombreuses nées au lendemain de la guerre et de la poursuite de l’élévation probable – même si ce point est toujours débattu – de l’espérance de vie.
51Du point de vue économique, les évolutions des trois pays ont été plus contrastées sur le front du marché du travail. Pourtant, la masse salariale, un des « fondamentaux » majeurs de l’assiette du financement de la protection sociale (particulièrement pour les pays très bismarckiens comme la France), a suivi la même dynamique en France, comme Outre-Manche et au Danemark.
52De 1980 à 2003, la croissance dans ces pays ne s’est guère élevée au total au-delà de 2 %, en moyenne annuelle (respectivement 2,3 % au Royaume-Uni, 2 % en France et 1,7 % au Danemark). Son profil heurté sur vingt-cinq ans retrace la succession de reprises après deux récessions (ou fort ralentissement, le cas échéant), l’une et l’autre à chaque fois au début des décennies 1980 et 1990 (cf. graphique 2). Il s’agit donc d’une période économiquement moins « sereine » que celle des Trente Glorieuses.
La croissance a toutefois surtout ralenti en France après 1990 (1,9 % en moyenne de 1990 à 2000 ; 1,8 % de 1990 à 2003) alors qu’elle s’est au contraire accélérée au Danemark (2,2 % en moyenne de 1990 à 2000 et de 1,9 % de 1990 à 2003).
Évolution du PIB en volume depuis 1980

Évolution du PIB en volume depuis 1980
53Un peu plus en phase au cours des années quatre-vingt-dix, les évolutions nationales du PIB en volume ont été en effet plus contrastées sur la décennie 1980 : la France a évité la récession après le deuxième choc pétrolier de 1979, contrairement à ses deux voisins européens, mais a renoué avec une reprise dynamique plus tardive, en 1986, qu’au Royaume-Uni et au Danemark qui ont retrouvé la croissance dès 1982. Celle-ci ne s’est toutefois pas maintenue au-delà de 1986 au Danemark, contrairement aux deux autres États membres. Depuis lors, le PIB en volume a progressé au taux de croissance annuel moyen de 0,5 % au Danemark de 1986 à 1989 (« l’optimum » du cycle en Europe) alors qu’au même moment il s’établissait autour de 4 % Outre-Manche et en France.
54Le Royaume-Uni annoncera, plus tôt qu’ailleurs, dès 1991, la récession sévère qui s’observera partout en Europe deux ans après cette date. Seul le Danemark échappera de peu à cette situation, mais au final la croissance danoise n’aura guère excédé 0,6 % de 1986 à 1992.
Évolution du taux d’activité en pourcentage de la population des 15 à 64 ans

Évolution du taux d’activité en pourcentage de la population des 15 à 64 ans
55Les niveaux des taux d’activité observés Outre-Manche et surtout au Danemark, proche de 77,5 % en moyenne en 2001, figurent parmi les plus élevés de l’Union européenne (cf. tableau 4). La part de la population active en France a, en revanche, peu varié sur l’ensemble de la période passée sous revue : elle s’est maintenue autour de 68 %. Ces tendances générales recouvrent des évolutions différenciées selon le genre et les pays : la tendance à un accroissement de la participation des femmes sur le marché du travail s’est poursuivie, à un rythme plus modeste par rapport aux évolutions antérieures, excepté au Danemark où elle a marqué le pas après 1990 mais à très haut niveau. Le déclin séculaire du taux d’activité global des hommes ne s’est pas démenti. Il reste cependant toujours plus élevé que celui des femmes même si l’écart s’est resserré.
56Le taux de chômage a continué à progresser après les deux chocs pétroliers (1973, 1979) pour atteindre en moyenne son plus haut niveau en 1994 (11 %), date à partir de laquelle il a nettement reflué (cf. graphique 3). Ce reflux s’est toutefois produit selon un calendrier différent selon les pays : au cours de la deuxième moitié des années quatre-vingt au Royaume-Uni, au début des années quatre-vingt-dix au Danemark et après 1996 en France (Commission européenne, 2002).
Évolution du taux de chômage (désaisonnalisé)

Évolution du taux de chômage (désaisonnalisé)
Danemark
57Le financement de la protection sociale est essentiellement assuré par l’impôt. Sur l’ensemble des revenus fiscaux, environ 61 % proviennent des impôts directs, principalement de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et 32 % des impôts indirects, surtout la TVA. Les cotisations sociales représentent 3 % de l’ensemble des revenus du secteur public. Enfin, les « taxes vertes » (taxes écologiques), dont le rôle s’accroît, représentent 5 % des revenus fiscaux. Le niveau de taxation moyen et marginal est plutôt élevé (Per Kongshoj Madsen, 1999). Les cotisations des employeurs et des salariés financent le régime complémentaire obligatoire de pension (ATP). L’assurance chômage est volontaire et financée par les cotisations des salariés et des travailleurs indépendants.
58Avant 1987, le système fiscal danois était caractérisé par des taux marginaux plus élevés et une assiette plus étroite. La première réforme fiscale importante, intervenue en 1987, a été suivie de plusieurs réformes additionnelles de 1994 et 1999 : baisse progressive de la taxation du salaire pour augmenter le nombre total d’heures travaillées, baisse de la taxation du capital pour accroître l’épargne privée ; en contrepartie l’assiette a été élargie : les impôts locaux ont augmenté et la taxation sur les revenus des personnes s’est accrue. Cette hausse a été plus importante pour les revenus les plus élevés favorisant une redistribution équitable des revenus (Arne Hauge Jensen, 2001).
59Les trois réformes de 1987, 1994 et 1997 se sont focalisées sur la fiscalité sur les revenus des personnes physiques. Les trois taux de l’impôt sur le revenu des bas, moyens et hauts revenus ont été respectivement réduits de 8 %, 17 % et 14 %. L’élargissement de l’assiette a été obtenu par la suppression de déductions fiscales (allocations, etc.).
60De 1987 à 2001, le taux de l’impôt sur les sociétés est passé de 50 % à 30 %. Enfin, l’augmentation des taxes « vertes » a financé les deux tiers des baisses de rendement induites par les réductions successives d’impôt sur le revenu des personnes physiques (Leif Lybecker Eskesen, 2002).
61En 1993, une cotisation sociale sur les salaires a été instituée avec un taux de 5 % pour les employés puis de 8 % en 1997 ; les employeurs contribuent à un taux de 0,3 % de la masse salariale en 1997 puis 0,6 % en 1998. Cette cotisation est affectée aux dépenses passives et actives pour lutter contre le chômage et à la santé. Il s’agit là d’une rupture dans le mode traditionnel de financement de la protection sociale danois (Mats Benner et Torben Bundgarrd Vad, 2000).
62La part des prestations sociales dans le PIB est restée stable entre 1980 et 1990 passant de 27,1 % à 27,9 % puis a progressé continûment pour atteindre 32 % en 1994 et décroître progressivement jusqu’à 28,6 % en 1999. Cette croissance s’explique, en premier lieu, par la hausse des prestations chômage qui représentaient 13 % des prestations en 1980 et ont atteint 17,9 % en 1993 pour revenir à 11,2 % en 1999. Dans une moindre mesure, les dépenses liées à la famille et aux enfants, à la vieillesse ont également augmenté. En revanche, la part des dépenses d’assurance maladie dans le PIB est passée de 7,2 % en 1980 à 5,6 % en 1999, et leur part dans l’ensemble des prestations est passée de 26,8 % en 1980 à 19,6 % en 1999.
Royaume-Uni
63En ce qui concerne les cotisations, les recettes ont augmenté dans les années quatre-vingt du fait de l’expansion de l’activité économique ayant permis de supprimer la contribution de l’État. La réduction des recettes avec la récession des années quatre-vingt-dix a entraîné le retour de ce mécanisme en 1993-1994. Le taux pour les salariés est passé de 6,5 % à 10 %, pour les employeurs de 13,5 % à 11,8 %, entre 1979 et 2002.
64Les taux pour l’impôt sur le revenu des personnes physiques sont passés de : 33 % à 22 % pour le taux standard, 25 % à 10 % pour le taux le plus faible et enfin de 98 % ou 83 % à 40 % pour le plus élevé. Le taux normal de la TVA est passé de 8 % à 17,5 % pour environ 56 % des produits avec un taux réduit de 5 % pour 3 % des produits, le reste est à taux zéro ou exempté. Le taux de l’impôt sur les sociétés est passé de 52 % à 30 %.
65La transformation la plus importante de 1979 à 2002 a été le doublement de la contribution de la TVA avec un maintien à un niveau à peu près identique de l’impôt sur le revenu et des cotisations (Adam, Kaplan, 2002). Le taux normal de la TVA a été plus que doublé parallèlement à l’introduction de la TVA sur les carburants.
66Avec le tournant de la rigueur, en 1976, la croissance des dépenses de protection sociale continue mais leur part dans le PIB se stabilise entre 1979 et 1997. Une première baisse des dépenses sociales en part du PIB intervient à la fin des années quatre-vingt du fait de la croissance économique avec une baisse du chômage et une indexation des pensions uniquement sur l’inflation. Le début des années quatre-vingt-dix a vu le chômage repartir à la hausse dans un contexte économique difficile avec un niveau historique de 13 % du PIB en 1993-1994.
67En terme de structure, la part dans les dépenses sociales :
- des prestations non contributives est passée de 17,2 % en 1983-1984 à 20,5 % en 1998-1999 ;
- des prestations sous conditions de ressources est passée de 26,7 % en 1983-1984 à 32,6 % en 1998-1999 ;
- des prestations contributives, de 56 % en 1983-1984 à 46,9 % en 19981999.
68La répartition des dépenses de protection sociale s’est légèrement modifiée au profit de la santé et de l’assurance chômage et au détriment du logement et de l’éducation ; le niveau des dépenses est quant à lui resté stable. Les prélèvements obligatoires sont restés stables sous les gouvernements conservateurs (1979-1997). La « générosité » de plusieurs dispositifs a été diminuée : logement social, droits des chômeurs et indexation des prestations. La demande a augmenté en particulier avec la hausse du chômage, avec l’augmentation de la part des personnes âgées dans la population (effet sur les pensions, les soins et les services à domicile) et de celle des familles monoparentales. Les dépenses ont diminué de 0,8 % du PIB de 1996 à 1998 avec la baisse du chômage (Hills, 1998).
France
69Les cotisations sociales constituent la source prédominante de financement de la protection sociale en France en 1980. Les recettes étant assises principalement sur le travail, elles sont dépendantes de la situation économique et de l’état du marché du travail : la stagnation de la masse salariale, la baisse du nombre de cotisants et la hausse des inactifs cotisant peu ou pas comme les chômeurs et les retraités contribuent à fragiliser le financement de la protection sociale. Les dépenses sont liées à d’autres phénomènes : demande de soins de la population, progrès technologiques médicaux, vieillissement et allongement de la durée de vie… De 1980 au début des années quatre-vingt-dix, la plupart des mesures financières consistent à relever les taux de cotisation :
- en 1981, le déplafonnement des cotisations maladie des employeurs, la hausse de 1 % de la cotisation assurance maladie des employés, l’instauration d’une cotisation de 1 % assurance maladie sur les indemnités chômage d’un montant supérieur au SMIC ;
- en 1982, les retraites supérieures au SMIC sont assujetties à la cotisation assurance maladie à un taux de 5,5 % ;
- en 1986, augmentation de 0,7 point de la cotisation vieillesse des assurés salariés (de 5,7 % à 6,4 %)…
70Les années quatre-vingt-dix sont celles de la fiscalisation progressive du financement de la protection sociale. La création de la CSG intervient en 1991 et verra son taux passer de 1,1 % à 2,4 % en 1993, puis à 7,5 % en 1998 pour les salaires. Son assiette est élargie à la plupart des revenus de transferts et à la quasi-totalité des revenus de placement en 1997. La création de la CRDS, en 1995, participe de la même tendance.
71D’autres mécanismes accroissent la part du financement par l’impôt et les taxes, outre les taxes sur les alcools et le tabac. Avec la montée du chômage et les réformes de l’assurance chômage (création de l’allocation unique dégressive en 1992), l’État voit ses dépenses de minima sociaux augmenter (création du RMI en 1988 et de l’ASS) et donc sa part dans le financement de la protection sociale progresser. De même, les politiques d’exonération de charges sociales pour les emplois faiblement rémunérés sont compensées systématiquement par le budget de l’État à partir de 1994.
La part des dépenses sociales dans le PIB a augmenté de 4 points de 1981 à 1998 passant de 25,2 % à 29,2 % : cette hausse est principalement due à celle des pensions passant de 10,5 % à 12,7 % du PIB et de la santé de 8,8 % à 9,7 %. La répartition de la part des dépenses consacrées aux différents risques est restée stable sur la même période avec un peu plus de 40 % pour les retraites, de 30 % pour la santé, de 10 % pour la famille et le logement et enfin de 8 % pour la lutte contre la pauvreté et l’exclusion.
Notes
-
[1]
Source : ONS, United Kingdom National Accounts, The Blue Book, édition 2001.