CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Les termes d’immigration et d’intégration ont été longtemps associés, comme si les migrations internationales étaient envisagées du seul point de vue de l’État d’accueil, et la politique de l’intégration à destination des seuls immigrés. Le tropisme des représentations centrées sur l’immigration de travailleurs venus des pays africains depuis les Trente Glorieuses, a durablement occulté les changements profonds des mouvements migratoires de ces quinze dernières années.

2L’analyse centrée sur les sociétés de résidence a, certes, sa légitimité. Elle correspond à un moment de l’histoire des migrations internationales dominée par les théories du push and pull et par l’étude des liens privilégiés des pays européens avec leurs anciennes colonies. Par ailleurs, l’association immigration/intégration découle évidemment des politiques publiques mises en place depuis 1974 qui toutes, au-delà des alternances électorales, se sont articulées autour de la suspension de l’immigration de main d’œuvre, du regroupement familial, de la stabilisation du séjour, et d’un faisceau de politiques sociales sectorielles, plus ou moins relayées sur le terrain par les politiques des collectivités locales [1]. La nécessité de répondre à l’installation des familles, à la naissance des « secondes générations » [2], à l’ouverture du droit de la nationalité, s’est imposée en France comme dans les pays voisins. La convergence croissante des politiques des États européens a accompagné ces évolutions.

3Ce n’est pas l’objet, ici, de revenir sur le bien-fondé de telles ou telles politiques migratoires qui ont accompagné la construction européenne. Mais il est remarquable que la recherche des années 1970-1980, a elle-même produit des travaux qui étaient le reflet d’une vision « ethnocentrée » et souvent « misérabiliste » de l’immigration [3]. De même, les réflexions sur l’intégration, initiées au moment du Bicentenaire de la Révolution française en 1989 [4], et dont le premier Haut Conseil à l’intégration a rendu compte en adoptant la définition de l’intégration, distinguée de l’assimilation et de l’insertion, ne semblent pas avoir été comprises dans les années qui ont suivi, notamment sous l’influence de la sociologie des années quatre-vingt-dix puisant son inspiration dans les sources américaines de l’École de Chicago [5] : la critique du « modèle républicain », le « devoir d’insertion des immigrés – une richesse pour la France » et le « politiquement correct » du « droit à la différence » l’ont emporté sur la philosophie globale de l’intégration en tant que processus par lequel des éléments différents entrent en synergie pour créer une réalité nouvelle sur l’axe fort de la citoyenneté.
Il faudra attendre 2003 pour que le Haut Conseil à l’intégration s’engage dans une redéfinition de la philosophie de l’intégration en prenant en compte la diversité des situations et les valeurs cardinales du Contrat social. En reconstruisant le concept d’intégration, le Haut Conseil développe, aujourd’hui, les trois dimensions d’une politique concernant l’ensemble de la société :

4

  • des mesures compensatoires des inégalités fondées sur des critères objectifs (niveau de revenus, taille des familles, chômage, conditions de logement…) et non sur des critères ethniques ;
  • des incitations directes par des actions en faveur des plus discriminés ou des plus fragilisés, et en direction de secteurs ou de territoires « en déserrance » ou en voie de « relégation » ;
  • la reconnaissance des talents en favorisant l’accès aux postes à responsabilité et la valorisation des efforts déployés pour surmonter les obstacles sociaux, économiques ou culturels.
Or, ce qui s’est passé récemment avec la refondation de l’intégration, c’est-à-dire l’abandon du regard paternaliste au bénéfice d’une prise en compte de l’ensemble des phénomènes d’inégalité et la valorisation des parcours de réussite, quelles que soient les origines ou les appartenances des personnes, s’est également traduit dans l’étude des flux migratoires : simultanément, les approches des migrations internationales se sont diversifiées, renouvelant les sources et les outils de la recherche.
Désormais, la mondialisation est entrée dans l’analyse. Sous la pression des faits, les observateurs ont commencé à reconnaître que les migrations étaient prises dans le mouvement brownien de la diversité croissante des origines, de la disparité des trajectoires, de l’apparition de nouveaux flux traversant des pays d’émigration devenus pays de transit et, parfois, d’immigration, des changements considérables de rythmes des flux, du rôle croissant des réseaux de trafics et de traite des êtres humains, du brouillage des catégories juridiques lorsque des exilés venant de pays à la fois pauvres et de dictature ne répondent pas aux critères des persécutions définies par la convention de Genève… Dans le même temps, les stratégies des migrants sont apparues plus complexes que le mouvement unilatéral d’émigration du Sud vers le Nord, dont l’interprétation en terme de transfert de « la misère du monde » a aussi bien alimenté des idéologies généreuses d’hospitalité que des idéologies de rejet « contre l’invasion des nouveaux barbares ».
Le changement s’est aussi marqué dans l’analyse des facteurs clés de la mondialisation : la densité des migrations Sud-Sud et la diversité croissante des statuts des migrants. Parallèlement à des délocalisations de l’économie, des diplômés des pays en développement acceptent d’être traités comme une main-d’œuvre non qualifiée « en attendant mieux », tandis que d’autres investissent les milieux du sport, du spectacle, de l’informatique ou des nouvelles technologies, en délaissant les domaines traditionnels du bâtiment ou de la restauration. Là réside un défi majeur pour les politiques publiques, celui de la qualification, de l’identification, de la condition juridique des personnes. Par ailleurs, l’occupation professionnelle, même la plus reconnue, peut s’accompagner de comportements culturels qui entrent parfois en conflit avec les lois du pays de résidence. Ainsi, le juge français tenu d’appliquer le statut personnel étranger (contrairement à d’autres pays européens) se trouve parfois confronté à la difficulté de définir des situations soit de pluralité de statuts (pluralité de nationalités notamment), soit de changement de statuts qui font basculer de la situation régulière à la catégorie des sans-papiers [6], après l’expiration de la validité d’un visa ou l’obtention d’un contrat de travail sans le titre de séjour correspondant. Les bouleversements à l’œuvre dans un monde de circulation intense des personnes sont visibles dans les principaux lieux de passage des migrants, là par exemple, où le cadre d’une multinationale croise dans le même aéroport le futur expulsé par charter. Cette complexité du réel a surgi dans les recherches. Pour retracer une telle évolution, on abordera tour à tour :
  • les transformations de la recherche française sur les problématiques migratoires depuis les années quatre-vingt-dix ;
  • le repérage des travaux récents sur les mouvements migratoires ;
  • les apports et les limites de ces recherches.

La recherche française et les problématiques migratoires depuis les années quatre-vingt-dix

Les transformations des mouvements migratoires

5La complexité des mouvements migratoires, qui s’observe aujourd’hui, se caractérise par une série d’éléments contrastés :

  • la persistance des flux migratoires, y compris illégaux, obligeant de nombreux États à des opérations répétées de régularisation (Portugal, Italie, France par exemple) ;
  • la diversité de la nature et des formes des migrations (étudiants, saisonniers, travailleurs sur contrat, réfugiés, demandeurs d’asile, personnes transplantées, réseaux clandestins, etc.) ;
  • l’élargissement des origines des migrants : aux migrations venues des pays francophones, s’ajoutent les flux venus de l’Europe de l’Est, du Commonwealth britannique, d’Asie du Sud-Est, au terme de parcours parfois chaotiques ;
  • l’effet stimulant de la mondialisation sur le mouvement des hommes, des capitaux, des biens et des services ;
  • l’impact de la construction de l’Union européenne, à travers soit la libre circulation des citoyens communautaires, soit la mise en place d’une réglementation commune pour les États de « l’Espace Schengen », conduisant des ressortissants des États tiers à réorienter leur migration, moins en fonction de leurs souhaits initiaux que des opportunités du moment (cf. l’effet d’attraction des régularisations italiennes ou la polarisation des flux en transit vers la Grande-Bretagne) ;
  • la situation démographique de l’Europe occidentale caractérisée par le vieillissement de la population et le non-renouvellement des générations, ainsi que par un nombre croissant d’inactifs ;
  • l’évolution du marché du travail, notamment en Europe occidentale. Le discrédit des tâches pas ou peu qualifiées ou mal rémunérées créant des besoins de main-d’œuvre à moyen ou long terme, sensibles dans de nombreux secteurs (aide à la personne, santé, hôtellerie-restauration, etc.) avec, parallèlement, des besoins en personnels hautement qualifiés dans des domaines comme l’informatique ou la santé ;
  • la facilité accrue des moyens de circulation des personnes, avec l’abaissement du prix des transports – notamment aériens –, la diversification de l’offre et des dessertes, l’attribution de passeports dans des États qui les refusaient à leurs nationaux (la Chine, par exemple) et la simplification des démarches administratives. Mais ces dernières mesures sont toujours sujettes à remise en cause, comme aux États-Unis, qui viennent d’imposer un fichier des empreintes digitales à tout entrant sur le sol américain (non compris les ressortissants canadiens) ;
  • l’extraordinaire explosion des techniques de l’information, à travers internet, le téléphone portable, les télévisions par satellite. Cette émergence de la « planète globale » et de la « guerre des paraboles » permet de comparer les niveaux de vie, les régimes politiques et les libertés publiques, les conditions d’éducation et les politiques de santé. Elle peut, dès lors, être une forte incitation à la mise en mouvement, soit au départ soit au non-retour ;
  • la transformation, enfin, de l’image du migrant et de ses propres représentations. Dans l’imaginaire occidental, l’immigrant était le plus souvent pauvre et, après un laps de temps plus ou moins rapide, il rompait avec les traditions de sa région d’origine pour épouser celles du pays d’arrivée. Tel était le sens de l’assimilation autrefois souhaitée et favorisée. Or, il semble que le « nouveau migrant », du moins celui des années quatre-vingt-dix, n’a pas le même profil. Nombre de travaux le décrivent plus diplômé, moins exclusivement masculin – comme si le coût de cette opération spéculative qu’est l’immigration apparaissait moins risqué en y investissant les femmes comme éléments avancés d’une première reconnaissance. Ce migrant apparaît plus désireux de « gérer » son projet migratoire : il peut accomplir une « saison » [7], soit pour tester la faisabilité du changement, soit pour explorer les avantages ou les inconvénients d’une migration pendulaire. Le caractère temporaire permet de ne pas rompre les ponts et de ne pas opter d’emblée pour une situation irréversible. Dès lors, l’intégration peut exister comme un projet politique, sans que du côté du migrant cela soit perçu comme un reniement ou une trahison des origines.

L’approche des évolutions migratoires en France

6Confrontée à des changements apparemment profonds des migrations internationales, en quelques années, la réflexion des scientifiques a exploré des voies nouvelles.

7La Direction de la population et des migrations (DPM) [8] s’est souciée de cerner ces mutations. Un « bilan des travaux sur la circulation migratoire » [9], réalisé à sa demande, en 1997 par le laboratoire Migrinter (CNRS, université de Poitiers et de Bordeaux 3) s’y est attaché. Ce document stimulant, complémentaire de la bibliographie américaine établie par A. Portes [10], fournit, pour l’essentiel :

  • une recension et une analyse critique des travaux existant sur ces questions, dans le cadre français ou européen ;
  • une typologie des modes de circulation migratoire en distinguant catégories de l’échange (réseaux) et catégories du cheminement (filières).
Après avoir fait le point sur les connaissances disponibles en matière de dynamique migratoire, l’étude de Migrinter met en relief l’importance croissante des diasporas, des réseaux et filières d’immigration, et teste l’hypothèse selon laquelle le concept de circulation migratoire permet de mieux rendre compte des tendances actuelles des migrations.

8À peine un an plus tard, l’OCDE organise à Lisbonne, les 2 et 3 novembre 1998, une conférence internationale sur la mondialisation, les migrations et le développement. Elle souligne notamment deux approches contradictoires chez les économistes : pour les uns, la libéralisation du commerce opérerait une substitution entre migration et échanges commerciaux, et donc une réduction des flux migratoires à moyen terme ; pour les autres, l’intégration régionale accélérerait les flux. Elle tend aussi à montrer que les facteurs sociaux qui déterminent la décision d’émigrer sont sous-estimés par les économistes. L’existence de « chaînes migratoires » est explicitement posée par certains contributeurs comme facilitant les migrations.

9Pour autant, Georges Tapinos et Daniel Delaunay [11] soulignent que les processus migratoires observables à la fin des années quatre-vingt ne révèlent pas, depuis trente ans, une accélération comparable à celle ayant caractérisé les mouvements de biens, de services et de capitaux. Ils remarquent que l’emprise des États sur les mouvements migratoires s’est renforcée. La place du droit et des institutions, l’impact des politiques de contrôle et des politiques de sécurité, ont un rôle essentiel dans l’analyse [12] : le recensement des migrants, leur statut personnel, les durées de résidence, les changements de nationalité, sont induits par les critères du droit et les mesures institutionnelles. Le droit fournit la grille de lecture la plus précise des catégories migratoires, de leurs évolutions, mais il donne aussi à comprendre le tableau des conditions de vie, familiale et sociale, des migrants.

10Face à ces perceptions contradictoires, deux questions essentielles se posent :

  • peut-on vraiment parler d’une intensification et d’une diversification des flux migratoires à travers le monde ou d’une relative stabilité ?
  • les flux migratoires actuels annoncent-ils de nouveaux défis aux politiques nationales d’intégration ?
Ces interrogations sont nationales, elles sont aussi européennes. Les États de l’Union sont, certes, sensibles au maintien de leurs prérogatives régaliennes, mais leurs politiques sont soumises à la nécessité d’une harmonisation.
Désormais, la connaissance partagée des migrations venues des pays tiers peut permettre d’élaborer des politiques concertées mieux adaptées à la mondialisation des flux.

Le repérage des travaux récents sur les mouvements migratoires

Le lancement du programme de recherche de la Mission Recherche de la Drees

11En 1999, la Mission Recherche (MiRe) de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a lancé un appel d’offres pour une investigation scientifique portant sur les divers types de mobilités et leurs implications (cf. annexe). Au printemps, le comité scientifique du programme de recherches sélectionna six projets sur les treize reçus. Ce petit nombre de propositions mérite commentaire, car il traduit sans doute une saturation du champ de recherche et une difficulté spécifique à aborder des problématiques novatrices, mais aussi, de la part des rédacteurs de l’appel à propositions, une difficulté similaire à trouver un langage ou des questionnements recevables dans diverses disciplines, notamment en économie.

12Le séminaire de suivi qui, pendant trois ans, accompagna l’avancée des travaux illustra ces malentendus méthodologiques, mais il incita les économistes, les juristes, les sociologues et les anthropologues à mieux s’écouter pour se comprendre, et donc à enrichir mutuellement leur problématique. Le séminaire fut un lieu de parole libre, sans rivalité d’écoles de pensée, ce qui n’est pas si fréquent sur les questions migratoires. Il fut un carrefour où plusieurs chercheurs dirent leur plaisir à pouvoir s’émanciper des stéréotypes véhiculés par chaque discipline et des préjugés idéologiques qui font florès sur des thèmes aussi sensibles.

13Les travaux, qualitatifs pour cinq d’entre eux, ont rencontré des limites que l’on connaît pour ce type de recherches [13], notamment en sociologie ou en anthropologie : la fragilité des concepts, le problème de la représentativité des résultats, une faible interdisciplinarité. Toutefois, le pari du renouvellement des problématiques a été en grande partie gagné.

Encadré : Les recherches sélectionnées dans le programme de Mission Recherche de la Drees[14]

Frédérique Bourgeois et Denise Helly, « Politique d’accueil, insertion sociale et circulation migratoire : les réfugiés kosovars à Lyon et à Montréal », printemps 1999 [15], Économie et humanisme (Lyon) et université de Montréal.
Angelina Etiemble, « Les ressorts de la diaspora tamoule en France. Associations, médias et politique » [16], CERIEM, université de Rennes.
Dana Diminescu, Rainer Ohliger et Violette Rey, « La construction de l’Europe par ses marges. Stratégies et stratagème de la circulation migratoire roumaine » [17], MSH, Paris.
Marie-Antoinette Hily, Emmanuel Ma Mung, Alain Tarrius et al., « Catégories et lieux des circulations migratoires » [18], Migrinter, CNRS-Université de Poitiers.
Carine Pina-Guerassimoff, Eric Guerassimoff et Nora Wang Sedet, « La circulation des nouveaux migrants économiques chinois en France et en Europe » [19], université Paris 5.
El Mouhoub Mouhoud, Jacky Oudinet et al., « Les dynamiques migratoires dans l’Union européenne. Ajustements sur les marchés du travail et comparaison Europe-États-Unis », CEPN-Université Paris Nord, CARE-Rouen, université de Porto et CREDE, université de Galatasaray, deux volumes : I – Approche générale ; II – Le cas du Portugal [20] et de la Turquie [21].

Les autres recherches dans la même période

14Durant la même période, d’autres travaux ou d’autres publications, ont été réalisés en France, qui témoignent de l’avancée des connaissances sur le thème des circulations migratoires Il convient ainsi de signaler :

  • des études pour le Fasild et laDPM: Stéphane de Tapia, « Des steppes de Haute Asie à l’Ile-de-France : Kazakhs, Kamouks et Tibétains : immigration méconnue et diasporas en devenir », Migrinter, septembre 2000 [22]. Chloé Cattelain et al., « Les modalités d’entrée des ressortissants chinois en France », Association Pierre Ducerf, juillet 2000 [23] ;
  • le colloque tenu à Aix-en-Provence à l’initiative du Laboratoire méditerranéen de sociologie (LAMES/CNRS-Université de Provence) du 29 au 31 mai 2002 sur « L’économie de bazar dans les métropoles euroméditerranéennes » [24], dans lequel étaient largement évoqués « les dispositifs commerciaux formés par l’articulation de réseaux nomades transfrontaliers et de places marchandes sédentaires, par lesquelles circulent et se commercialisent des produits licites et illicites de part et d’autre de la Méditerranée ». Les contributions illustraient des travaux menés à l’Institut de recherche sur le développement (IRD) sous la direction de Sylvie Bordeloup, au LAMES avec Michel Péraldi, à l’IREMAM avec Ali Bensaad, entre autres ;
  • le dossier constitué par Eric Guerassimoff sur les « Migrations et mobilités au Sud » [25] ;
  • un autre champ d’investigation croisant les problématiques de la mobilité : celui de l’information des migrants et de l’utilisation des nouvelles technologies de l’information (NTIC). On citera ici le séminaire du Groupe d’étude sur l’usage des technologies de l’information et de la communication dans les migrations, tenu à la Maison des sciences de l’homme de Paris le 3 décembre 2003, et le dossier « Migrants. coms » [26] ouvert par Dana Diminescu sur « les migrations à l’âge des nouvelles technologies ».
Il n’est pas indifférent de noter que, dans ces mêmes années, les traditions d’études ethniques font aussi largement écho aux nouvelles problématiques de la mobilité, par exemple à travers l’incidence des réseaux migratoires sur les pays de départ et sur la société d’accueil, en insistant sur les stratégies des migrants [27].

15L’actualité des revues spécialisées et des numéros spéciaux est aussi révélatrice de la volonté d’interroger les problématiques de l’intégration à partir des nouvelles mobilités :

  • en 2001, la Revue européenne des migrations internationales est la première à rouvrir « Les débats contemporains » [28] sur les migrations internationales, qu’il s’agisse des relations de l’État nation au monde transnational (D. Schnapper), du renouvellement de la société active étrangère en France (J.-F. Léger), de « l’ethnicisation des banlieues françaises » (J. Costa-Lascoux), des problèmes de santé ou des revendications politiques des migrants (R. Koopmann et P. Statham) ;
  • Hommes et migrations[29] propose, à la fin 2001, un dossier sur les « nouvelles mobilités », s’ouvrant sur un éditorial de Philippe Dewitte intitulé « Homomobilis ». Son chapeau est explicite quant à la diversité des mobilités : « en ce début de siècle, on ne s’expatrie plus seulement pour trouver un travail ou pour fuir une persécution » ;
  • en 2002, la revue Projet réalise un numéro consacré à « Migrations et frontières » [30]. Il est sous-titré « Circuler, séjourner, repartir » ;
  • en 2003, c’est la Chronique internationale de l’IRES qui livre un numéro spécial : « Mouvement et politiques migratoires. Les enjeux sociaux » [31] ;
  • en janvier 2004, la Revue européenne des migrations internationales apporte aussi sa pierre dans la recherche sur les circulations migratoires, avec un numéro consacré aux « Initiatives de l’étranger et nouveaux cosmopolitismes » [32].

Apports et limites de ces recherches

16Comment synthétiser les apports et les limites de ces nouvelles manières de décrire, de comprendre et questionner les mobilités internationales ? Certains auteurs paraissent d’abord nous en dissuader. Ainsi, pour Catherine Wihtol de Wenden, « il y a autant de types de migrations que de migrants eux-mêmes »[33]. Certes, mais l’analyse des grandes tendances est un exercice nécessaire pour sortir du pointillisme, qui a longtemps fait obstacle à la connaissance des évolutions. Et pour montrer que cela est possible, de façon complémentaire aux articles ici publiés, nous insisterons sur des contributions, présentées au séminaire de la MiRe, mettant elles aussi en lumière :

  • les difficultés du comptage des circulations ;
  • la diversité des mobilités ;
  • les problèmes posés à l’intégration par la diversité migratoire.

Les difficultés du comptage des circulations

17Tenter de quantifier la mobilité internationale et, a fortiori vouloir en saisir l’accroissement ou le recul est un obstacle que bien des chercheurs contournent en déclarant l’opération impossible, ou en retenant divers indices de circulation comme simples indicateurs : les travaux qualitatifs trouvent ici leurs limites, quelle que soit l’ingéniosité des pratiques de terrain.

18L’impact démographique ou économique des migrations est quantitativement mal connu, du fait de l’absence d’une base statistique complète et cohérente. Globalement, on arrive à compter les arrivées, mais on compte mal ou pas du tout, les départs. Cette absence d’informations conduit à négliger la variable migratoire dans les travaux de simulation démographico-économiques, alors que les évolutions à moyen ou long terme de la population et de sa structure (par âge notamment) peuvent être affectées très significativement par les apports de l’immigration, avec des conséquences importantes sur les perspectives macroéconomiques (on pense ici notamment au financement des retraites).

19Dans le présent numéro, Catherine Borrel analyse le système statistique français, ses logiques et ses limites ; Franck Bailly, ElMouhoub Mouhoud et Joël Oudinet précisent, quant à eux, les difficultés de comptage des mobilités dans l’espace européen, tant en raison des disparités dans la collecte des données que des insuffisances de ces dernières et leur défaut de comparabilité.

20De fait, les écueils ou les risques [34] du comptage sont nombreux. On peut d’ailleurs se demander si toute mobilité est circulation migratoire ? Daniel Coleman [35] remarque que « La dimension extraordinaire des voyages internationaux, souvent égaux en nombre à la population totale nationale chaque année, rend plus difficile d’évaluer la petite fraction du mouvement, environ un voyageur sur cent, qui pourrait être considérée comme relevant de l’immigration internationale ». De même, il est clair que l’appareil statistique ne peut fournir des données sur les migrations illégales, à l’exception des estimations construites à partir des opérations de régularisation. Les travaux de Claude-Valentin Marie ont, sur ce point été déterminants : il convient de se rapporter aux rapports annuels de la DILTI.

21La nécessité de ne pas se contenter des statistiques institutionnelles apparaît dans de nombreuses études sur les nouvelles mobilités. Ainsi, la recherche de Dana Diminescu [36] sur les circulations roumaines, ou le volet consacré aux circulations turques par Stéphane de Tapia dans le travail collectif de Migrinter [37] illustrent des pistes quant à l’exploitation des données recueillies auprès de compagnies aériennes ou de sociétés de transports routiers.
Mais il ne peut s’agir que d’indices, difficilement isolables d’autres circulations (travailleurs frontaliers par exemple), non d’un relevé systématique à partir de la domiciliation. On notera également que les travaux de recherche cités ont laissé de côté les circulations de valeurs et de capitaux qui accompagnent les migrations, qui les rendent possibles ou qui les légitiment. Les « remises » effectuées par les migrants établis au Nord vers le Sud constituent un moteur de développement potentiel pour ces régions : la connaissance plus précise de tels mouvements serait fort précieuse, au-delà de quelques travaux pionniers conduits à propos de l’émigration indienne ou sud-américaine [38].

La diversité des types et des rythmes de mobilité

22Le programme de recherche de laMiRe amis en évidence quatre types nouveaux de mobilités induites directement par des changements politiques : les migrations des Tamouls du Sri Lanka, celles des Kosovars, celles des Roumains et les migrations chinoises.

Les migrations des Tamouls

23Depuis 1980, 200 000 Tamouls auraient fui la guerre civile ravageant leur pays ; ils ont gagné l’Europe ou le Canada comme réfugiés, demandeurs d’asile ou clandestins, depuis régularisés ; plus de 60 000 sont installés en Ile-de-France. Représentant toutes les catégories sociales, ils sont particulièrement nombreux dans le 10e arrondissement de Paris, quartier qu’ils nomment « Little Jaffna ». Ces migrations tamoules possèdent deux caractéristiques majeures décrites par Angélina Etiemble dans l’article issu de sa recherche « Les Tamouls du Sri Lanka dans la région parisienne. L’emprise du politique » :

  • elles prennent la forme d’une diaspora ;
  • leur enfermement identitaire est induit à la fois par l’installation dans un pays non anglophone et, surtout, par la pression des Tigres tamouls entretenant dans l’exil les valeurs du pays d’origine (valeurs décrites comme menacées par le gouvernement du Sri Lanka autant que par l’Occident).
Globalement, pour la majorité des Tamouls vivant en France : « la vie dans le pays d’accueil est toujours rapportée à celle qu’elle était avant l’exil ou à ce qu’elle sera après la guerre ». Toutefois, vingt ans après les premières installations, c’est le sort de la seconde génération tamoule en France qui commence à se jouer.

Les migrations des Kosovars

24Autre exemple de la prégnance du politique, celui des Kosovars arrivés à Lyon après leur évacuation au printemps 1999. Le travail, conduit par Denise Helly, à Montréal, et Frédérique Bourgeois à Lyon [39], a permis un dialogue réel et fructueux entre les associations chargées de l’accueil et les personnels administratifs effectivement responsables de l’acheminement entre le Kosovo et la France. La recherche s’est attachée à remettre en lumière les modalités d’une politique d’accueil d’urgence en France, comparée à celle du Canada répondant plus spontanément à ce type de conjoncture (50 % de son flux annuel provient de l’accueil des réfugiés ou du regroupement familial). Sur les 105 000 Kosovars évacués vers la Macédoine ou sortis par leurs propres moyens, 8 300 ont été accueillis comme réfugiés par la France et 7 300 par le Canada. En France, les Kosovars ont obtenu le droit au séjour, au travail – mais sans pérennité assurée –, et aux prestations familiales ainsi que la possibilité de demander l’asile conventionnel à l’OFPRA.

25Le bilan de cette recherche, achevée en 2000, est un constat de non-mobilité vers le pays d’origine, pour la majorité des Kosovars, tant en France qu’au Canada. La situation de profonde insécurité qui subsiste au Kosovo en a été le principal déterminant, car les distances relatives ne semblent pas peser. Pour ceux qui ont tenté un retour assisté exploratoire, les résultats ne sont guère concluants au vu de la situation économique et politique. Par ailleurs « Les liens familiaux ne donnent pas lieu au projet de séjourner de manière alternée dans l’un des deux pays, mais plutôt à l’idée d’aller quelquefois revoir les parents restés au Kosovo ». On doit noter que le fait d’avoir des enfants incite les Kosovars de France ou du Canada à préférer une intégration au pays d’accueil en raison des meilleures performances du système éducatif. Bref, le Kosovo n’est pas oublié, mais le retour même temporaire ne peut dépendre que de jours meilleurs… et lointains.

Les migrations des Roumains

26Un autre type de mobilité, induit par la politique, est celle des Roumains [40]. Jusqu’en 1989, toute forme de déplacement international est, sinon prohibée, du moins fortement contrôlée comme dans l’ensemble des régimes communistes. Mais, à partir de cette date, commence un grand bouleversement : « les ressortissants des pays de l’Est, et parmi eux les Roumains, anticipent l’élargissement de l’Union européenne… Indépendamment des négociations en cours, ces migrants, par leur installation dans la mobilité, se sont appropriés, avant la lettre, l’espace européen comme un continuum ignorant les frontières ». Dana Diminescu et Violette Rey qui ont étudié les circulations roumaines vers la France, l’Allemagne, l’Italie, Israël, observent plusieurs périodes historiques dans ces mobilités. De 1990 à 1993, elles repèrent « des migrations de tâtonnement temporaire, pour la plupart transfrontalières »,mais aussi du commerce « à la valise » avec la Turquie, la Yougoslavie et la Pologne. De 1994 à 2000, ce sont des migrations de travail qui s’installent vers l’Europe occidentale, puis vers le sud du bassin méditerranéen.

27Depuis 2000, des accords sont intervenus entre la Roumanie et plusieurs États pour tenter d’organiser le travail saisonnier sur la base des quotas. La suppression des visas depuis janvier 2002 a, en quelque sorte, hâté la prise en considération par l’État roumain de la question migratoire, à travers la lutte contre les réseaux clandestins mais aussi l’impact pour son propre développement des fonds envoyés de l’étranger par les Roumains de l’extérieur (estimés à 3 % du PIB).

28Ayant montré la diversité des activités, des expériences, des résidences, du rythme des circulations des migrants roumains, les chercheurs soulignent : « En dernière analyse, la plus grande originalité de ces nouvelles mobilités réside dans l’extrême rapidité du glissement d’un régime de migration à un autre ».

29Une des variables de la mobilité soulignée dans la recherche, concerne les spécificités des différents champs migratoires [41] :

  • avec l’Allemagne, les circulations sont marquées par le poids des Aussiedler, ces populations d’origine allemande, bénéficiaires de la double nationalité, qui « ont transmis à leurs concitoyens toute une idéologie sur comment et où il faut migrer ». Les consulats allemands ont été, dans les années quatre-vingt-dix, de grands distributeurs de visas pour des Roumains repérés ensuite en France, en Italie ou en Espagne ;
  • avec la France, le migrant circulant est une figure « tout à fait à part, qui combine la marginalité, la circulation et une coprésence très active entre les deux pays ». La vente des journaux dans la rue, les trafics et collectes, aident à vivre. À côté des Roms, on trouve des paysans déracinés, installés eux aussi dans la migration pendulaire : il s’agit bien, pour tous, de « faire une saison » ;
  • avec l’Italie, les flux sont beaucoup plus importants, attirés par la proximité relative et les opérations de régularisation. Nombre de ces migrants avaient déjà accumulé une expérience de mobilité à l’intérieur de la Roumanie. La majorité de ces circulations est le fait de femmes, attirées par le marché informel de l’emploi féminin, essentiellement domestique ;
  • avec Israël, les courants migratoires dépendent pour partie des fluctuations des permis de travail accordés aux Palestiniens. Ces migrants roumains non juifs, théoriquement introduits par treize sociétés autorisées par la Roumanie, à plus de 90 % masculins, trouvent des débouchés dans le BTP et n’entretiennent guère de relations avec la société d’accueil : les projets d’installation définitive n’ont pas de place ici ; cette « mondialisation par le bas » est difficilement vécue par les Roumains concernés.

Les migrations des Chinois

30Les migrations des Chinois ne sont pas, elles non plus, sans lien avec la politique. Telles qu’elles sont abordées par Carine Pina Guérassimoff [42] ou Chloé Cattelain [43], elles correspondent au même diagnostic : l’intensification de l’arrivé des mineurs du Zhejiang et l’émergence de migrants originaires du nord du pays. Le premier de ces courants est traditionnel : il remonte à la fin du XIXe siècle, mais aussi aux besoins de main-d’œuvre français liés à la Première Guerre mondiale. Le nouvel apport visible à partir de 1997 est ; quant à lui, le fruit des réformes et de « l’ouverture » de la République populaire de Chine à la fin de 1978.

31Depuis mars 2000, les Chinois peuvent obtenir un passeport en prouvant l’offre d’emploi ou l’identité de l’invitant à l’étranger. Mais le moteur de la migration est d’abord la dégradation de l’emploi agricole ou industriel dans la région. Depuis 1994, les suppressions d’emplois ont été encouragées par l’État, et des restructurations s’opèrent au moment où la Chine entre, en janvier 2002, dans l’Organisation mondiale du commerce. Munis de papiers, les Chinois peuvent rassembler les fonds pour financer cette migration, grâce à un début d’enrichissement local, mais aussi au prix d’un fort endettement, qui pèsera durablement sur leur mobilité. De 1990 à 1999, la présence chinoise en France regroupe des demandeurs d’asile, puis des régularisés, des étudiants et des bénéficiaires du regroupement familial. Actuellement, les arrivants sont plutôt jeunes, qualifiés, et avec un taux majoritaire de femmes.

32Le nombre des demandeurs d’asile chinois a explosé : 17 % des demandes totales présentées en France en 1999. Les migrants du Zhejiang arrivent via des circulations souvent complexes, largement organisées par des passeurs, via l’Europe de l’Est, l’Asie du Sud-Est, l’Afrique. Ceux du Nord profitent plutôt de visas d’affaires « Schengen », obtenus par des sociétés intermédiaires efficaces. Cette migration a un coût élevé pour le migrant et pour sa famille. Les flux clandestins seraient, selon certains, l’équivalent des flux officiellement recensés. Mais il faut, ici, se garder des fantasmes, si répandus sur le sujet [44]. Depuis 2000, des flux de mineurs chinois porteurs de visas touristiques se sont également manifestés.

33La France n’est pas une destination « élue ». Elle est simplement celle qui est acceptée, à défaut des États-Unis, de l’Australie ou du Canada. Elle est aussi la possibilité, à terme, de se réorienter vers d’autres pays d’Europe, ou du moins d’y rejoindre des membres de famille. La réinstallation en Chine semble écartée, pour des raisons où le poids de la dette, le départ illégal (puni par la loi), ou la crainte de « perdre la face » jouent comme de véritables empêchements au retour.
À côté de ces mobilités très dépendantes des évolutions politiques, la recherche française récente n’a guère traité :

  • le maintien des migrations économiques ou leurs éventuelles transformations ;
  • l’approche des mouvements propres aux cadres et aux diplômés, qui dépassent la question du brain drain organisé par les pays d’accueil ;
  • les trafics et autres flux illégaux de migrants ;
  • les étudiants, qui peuvent s’inscrire de façon très différente dans le développement d’une coopération Nord/Sud.

Des recherches sur les mobilités à développer

34Les recherches présentées ont permis de souligner la nécessité d’approfondir certains points laissés dans l’obscurité. Ceux-ci peuvent être ainsi résumés :

  • l’impact de l’information migratoire sur les facteurs « déclencheurs de mobilité », que cette information provienne des migrants installés à l’étranger ou qu’elle soit délivrée ou orientée par les régions de départ ;
  • les nouveaux savoir-faire des migrants. Ces quinze dernières années des formes entrepreneuriales nouvelles sont apparues, très différentes de celles décrites usuellement comme représentatives de l ‘« économie ethnique ». On voit, en effet, se développer des réseaux d’entreprises capables d’organiser des circulations de marchandises et des « filières » marchandes à l’échelle internationale, entre les pays originaires et les pays de migration, dans un sens ou l’autre selon la nature du produit, et avec, parfois, des biens de haute technologie. Ces « chaînes entrepreneuriales » peuvent aussi combiner les activités séculaires du négoce et du colportage avec une économie internationale [45]. Il se produit une mutation importante en termes de compétences et de valorisation des ressources. Ces secteurs d’activités sont encore trop peu explorés, en dehors du bassin méditerranéen et de l’univers anglo-saxon, même si certaines thèses commencent à les étudier en France, notamment en proposant un autre regard sur les entreprises créées par des Maghrébins ;
  • une meilleure connaissance des migrations Sud/Sud. La réflexion sur les formes et rythmes de mobilités vers « le monde occidental », ne doit pas occulter un fait majeur : les migrations nettes vers certains pays développés ont certes représenté 2,4 millions de personnes annuellement, entre 1990 et 2000, mais les migrations Sud/Sud sont largement plus importantes. Ce n’est pas un hasard si Agadez, ville du Sahara nigérien, voit passer plus de 65 000 migrants (pas seulement africains) annuellement [46] et si le Sénégal, le Maroc ou la Libye, sans parler de la Turquie, ne sont plus uniquement des terres de transit, mais deviennent à leur tour des pays de destination des migrants. Ces mobilités du Sud sont encore très mal connues.

Des questions nouvelles posées à l’intégration

La coprésence

35Dans la plupart des travaux menés depuis 1990, émerge un concept fort, celui de la « coprésence » [47] qui semble remettre en question le projet même d’intégration. Il caractérise des types de mobilités pendulaires, où le lien n’a pas été coupé avec le pays de départ et où, à un rythme plus ou moins régulier, le migrant renoue avec ses appartenances identitaires. Mais cette coprésence trouve aussi deux autres ressorts :

  • l’incertitude sur l’avenir et donc sur la conduite du projet migratoire. Elle peut dépendre de la situation au pays de départ (Kosovo, Sri Lanka) ou de la conjoncture propre au pays d’accueil (obtention ou renouvellement du titre de séjour, rejet d’une demande d’acquisition de la nationalité). Différant le cheminement vers l’intégration, elle conduit à ne pas rompre les ponts, et à continuer à se sentir « de là-bas », faute d’être vraiment d’ici ;
  • les développements technologiques, qui permettent d’être, à la fois, ici et là-bas, de connaître les nouvelles de sa famille, d’être partie prenante aux décisions essentielles, d’informer ces « autres » lointains sur la possibilité ou les difficultés de la migration. Mais les « autres » peuvent eux aussi participer au mouvement migratoire, car il existe une interpolarité des relations des migrants économiques, à travers le monde, définie par Emmanuel Ma Mung [48], comme « des liens migratoires, informatifs ou affectifs, qu’entretiennent entre eux les membres des différents pôles de l’espace migratoire d’un groupe particulier ».

Le communautarisme

36À côté de la coprésence, le processus d’intégration peut être différé ou freiné par le maintien du communautarisme, d’abord voulu et parfois, ensuite, subi. À l’arrivée dans le pays d’accueil, le recours aux solidarités communautaires présente un avantage réel pour l’obtention d’un emploi ou d’un logement (cf. les recherches précitées d’Angelina Etiemble et Carine Pina-Guerassimoff). Mais il est aussi un frein à la prise d’autonomie et à l’émancipation individuelle, notamment pour les femmes, plus fréquemment soumises aux traditions familiales et à un statut personnel inférieur. Le travail consacré aux Tamouls montre que le communautarisme peut dispenser de l’apprentissage du français ou, à tout le moins, le différer et lui donner un ordre de priorité très secondaire, laissant le migrant tributaire de son groupe. Ce communautarisme joue aussi dans les rapports entre les travailleurs sociaux et les nouveaux venus : on préfère profiter du relais d’un leader « ethnique », sorte de médiateur interculturel malgré lui. Ce processus, fort éloigné du modèle de l’intégration républicaine, a d’abord été observé pour les migrants d’Afrique subsaharienne dans les années quatre-vingt. Il est étudié, aujourd’hui, chez des migrants, comme les Chinois ou les originaires du sous-continent indien, dont les difficultés linguistiques sont importantes.

Intégration versus circulation

37Les travaux sur les migrants post 1990 donnent parfois l’impression, notamment dans les approches sociologiques ou anthropologiques, que la question même de l’intégration est jugée archaïque ou non pertinente. L’expression de « personnes installées dans la mobilité » soit par leur volonté, soit du fait des contraintes des réglementations, illustre cette approche. Ainsi, nombre de recherches sur les circulations autour de la Méditerranée [49] dépeignent le migrant comme porteur d’initiatives, constructeur de réseaux, remodelant les territoires qu’il investit. « Sa distance aux normes locales lui confère une position particulière dans les sociétés qu’il traverse. Il est à la fois contrôlé et incontrôlable »[50]. Il déjoue les réglementations imposées par les politiques des États. « Alors même que les formes de gouvernement transnationales ne parviennent pas à s’instituer, prenant un considérable retard par rapport aux liens économiques mondialisés, les migrants contemporains, volens nolens, c’est-à-dire acteurs ou agis, contournent déjà les normes, les frontières, les intérêts même, parfois des nations-régions »[51]. On reste ici au niveau du constat des pratiques fréquentes de contournement de la règle dans les mobilités. Mais, curieusement, la recherche semble « absoudre » le recours à ce contournement au nom de son efficacité opérationnelle. La notion même d’intégration en tant que Contrat social, entrée dans un système démocratique, disparaît de l’analyse.
La contradiction entre les déconvenues de l’intégration et la richesse en potentialités circulatoires est alors soulignée : « une forme migratoire nouvelle s’affirme, et produit déjà de profonds déplacements de sens dans l’ensemble des populations en migration : sentiments d’abandon, frustrations doublent parmi les jeunes proches des parcours traditionnels de l’intégration, qui d’une part constatent de plus en plus nombreux l’échec des politiques nationales d’assimilation et d’autre part se trouvent à distance de la nouvelle forme migratoire ; à l’inverse, prise de conscience par les acteurs des transformations contemporaines de l’élargissement de la scène supportant les scenarii de leurs devenirs, des mondes d’où ils viennent à ceux qui les prolongent planétairement par les connexions de réseaux : ainsi est proposée une transnationalité qui déjà, excède les désirs de “modernisation citoyenne” des responsables politiques de la Communauté européenne »[52].

Le rôle de la puissance publique

38« L’homo mobilis », ainsi débarrassé de l’impératif d’intégration, serait-il pour autant à l’abri de tout danger et introduit dans la modernité ? Alain Tarrius [53] soulève le problème : « Nous devons dire notre incertitude sur l’avenir de ces sociétés de migrants en réseaux transnationaux. Force est de constater combien l’amalgame entre la venue à expression de cette présence civilisationnelle nouvelle des étrangers, et les réseaux mafieux, dont elle se différencie et se protège en tous lieux, en toutes occasions, est entretenu par les médias, les partis politiques xénophobes, et les divers organes de régulation policière des États-nations ». Cette remarque souligne une réalité rarement abordée dans les recherches : les trafics, voire les pratiques mafieuses ou terroristes – comme on vient de les voir – et les nouvelles formes d’économie de traite, qui accompagnent la circulation des hommes et des marchandises. Sans sombrer dans « la psychose sécuritaire », il est difficile d’exclure du débat les conditions de l’intervention de la puissance publique pour garantir les droits fondamentaux des personnes. Faut-il récuser toute régulation étatique et interdire aux gouvernements de se préoccuper des mouvements sur leur sol, de la cohésion sociale et du rapport à la loi, au motif qu’on ne saurait s’opposer à la globalisation ?

Pour une connaissance actualisée des populations d’origine étrangère en France

39Ce qui constitue la lacune la plus importante pour tenter de donner pertinence aux actions en faveur de l’intégration, tient à l’absence de portrait fidèle et actualisé des populations d’origine étrangère présentes sur le sol français et de leurs trajectoires.
En 1992, l’enquête « Mobilité géographique et insertion sociale » (MGIS) conduite à l’INED par Michèle Tribalat [54] avec l’appui de l’Insee, interrogeait 8 900 immigrés originaires de sept pays ou groupes de pays, 2 500 adultes et un échantillon témoin représentatif de la population générale résidant en France. Outre une question sur la date d’arrivée en France (posée également dans le recensement de 1999), l’enquête cernait diverses modalités de l’intégration. Une telle enquête biographique, remaniée en fonction de la diversité récente des pays d’origine des migrations et des formes de mobilités intra ou extra-européennes, repensée, aussi, dans les critères de l’intégration et les conditions de passation des entretiens, est apparue indispensable, associée à une réflexion sur les collectes similaires de telles données en Europe. L’INED l’a mise à son programme pour 2006.

Le rôle du droit

40Faute sans doute de la prise en compte du droit et des institutions dans l’observation des processus migratoires et des questions de l’intégration, l’articulation des circulations transfrontières avec l’État de droit, la cohésion sociale, le respect des libertés, ne semble guère questionnée sur le terrain. Une réflexion émerge, cependant, à propos des procédures d’acquisition de la nationalité [55], largement utilisées en France à la différence d’autres États européens. Faut-il y percevoir une simple instrumentalisation de la nationalité (cf. Dana Diminescu et Angelina Etiemble) oscillant entre une soif d’Europe et la recherche d’une protection ou le couronnement d’une intégration réussie et l’adhésion aux valeurs républicaines ? Il est étonnant que les études sur la nationalité et celles sur le statut des femmes, soient rarement citées dans les recherches récentes, alors qu’elles furent des plus controversées dans les années 1980 et 1990 et qu’elles forment un axe central du rapport duHaut Conseil à l’intégration et de la Commission sur l’application du principe de laïcité dans la République (commission Stasi) [56].

La réalité de l’intégration

41Le rappel lancinant de l’objectif de l’intégration ne doit cependant pas gommer un constat : sa concrétisation silencieuse dans la majorité des cas. En effet trois pays (France, Grande-Bretagne, Allemagne) ont réalisé, en 1999-2000, une enquête EEFNATIS auprès de 2 200 enfants de migrants sur le vécu de l’intégration [57]. Cette enquête montre qu’il y a entre les originaires de l’étranger et les autochtones, dans les trois États, une similarité des goûts, des loisirs et des pratiques culturelles. Cette évolution convergente semble induire que l’espace européen serait formellement en voie d’unification, du fait même de la quasi-disparition des frontières étatiques. Toutefois, le statut et les droits des migrants extracommunautaires diffèrent encore sensiblement d’un État de l’Union à l’autre. Certains posent alors la question de la norme choisie pour une harmonisation des législations : « Cette pseudo-communautarisation aboutit plutôt à entériner les politiques nationales unilatérales et l’alignement sur les dispositifs les plus restrictifs. Les États membres, conduits par les effets de la construction européenne à renforcer les droits des étrangers communautaires, ont manifesté une tendance commune à l’érosion du droit d’asile et à la restriction sélective de l’immigration de travail »[58]. Quel contenu donne-t-on à l’appel au « plus d’Europe » en matière d’intégration ou, plus globalement, de politiques migratoires, ce que le secrétaire général de l’ONU lui-même semblait récemment souhaiter ?

Conclusion

42Au moment de conclure, quatre vœux émergent à partir des recherches sur les circulations migratoires et sur les questions qu’elles posent à l’intégration :

  • la nécessité d’une articulation des connaissances au niveau européen. Les Français, par tradition nationale ou par frilosité [59], sont trop souvent absents des réseaux, des revues de référence, ou tout simplement des rencontres internationales et des appels d’offres européens. Or, pour mener à bien les travaux comparatifs et pour parvenir à une réelle capitalisation des connaissances, on ne peut faire l’économie d’une discussion préalable sur les concepts et sur la construction de l’objet de recherche. Sur les formes, la nature, les rythmes des migrations, sur l’impact des politiques, beaucoup reste à faire ;
  • un nouvel effort à consacrer aux facteurs qui déclenchent ou orientent la migration, en fonction des catégories socioprofessionnelles et socioculturelles – car les rapports aux catégories sociales sont curieusement absents de la plupart des travaux actuels –. De même, les conséquences de la concurrence entre les différents marchés du travail restent peu étudiées. Un dialogue économistes/sociologues est indispensable au vu de l’hétérogénéité des facteurs de mobilité. De même, les implications des migrations gagneraient à être clarifiées, en distinguant l’impact à court, moyen et long terme, sans céder aux sirènes du sensationnalisme (cf. le rapport de l’Organisation des Nations unies de mars 2000) sur les « migrations de remplacement » [60] ;
  • l’urgence de la prise en compte de la diversité des composantes et des effets des mouvements migratoires, y compris les effets Sud/Sud et Nord/Sud des migrations [61], qui accentuent la mondialisation des circulations. Il est temps, par exemple, de s’interroger sur la concomitance de la « fuite des cerveaux » et du recours à des personnes qualifiées étrangères, sur les réactions contradictoires des opinions publiques désorientées par la mutation des processus migratoires. Les enjeux sont importants pour les États pris au piège, d’une part, de la montée des réactions extrémistes et des votes protestataires et, d’autre part, de la volonté d’affirmer une plus grande ouverture de la société civile à la diversité des échanges, des savoir-faire et des marchés ;
  • la reconstruction d’un outil statistique fiable, adapté à l’évolution des circulations migratoires et aux modalités d’installation des migrants. Les difficultés sont multiples : dépasser les disparités des sources internes, selon les administrations concernées et les lectures institutionnelles qu’elles en font ; établir des référents comparatifs entre des modes de recensement, de repérage, de traitement, qui diffèrent d’un État à l’autre ; penser des critères nouveaux en adéquation avec des réalités migratoires encore peu étudiées et en correspondance avec les projets des organisations internationales cherchant à élaborer des politiques migratoires harmonisées ; préciser les outils statistiques de l’intégration, tel qu’un Observatoire statistique de l’intégration permettrait de les définir, à la fois dans la continuité des philosophies politiques de chaque État, mais également, pour une réflexion commune aux États de l’Union construits sur le socle de valeurs communes.
De telles perspectives pour améliorer la connaissance requièrent non seulement, la redéfinition ou la précision de certaines sources existantes, mais également l’invention de nouveaux outils et de nouveaux critères. En ce sens, la statistique peut bénéficier de recherches qualitatives et d’études exploratoires, dont l’utilité est précisément de faire apparaître de nouvelles catégories. Or, cela signifie une collaboration étroite entre administrations et chercheurs pour une réflexion critique qui favorise la mise à distance des données. Le droit et la sociologie du droit ont à apporter leur éclairage pour poser les limites des outils au regard de la fiabilité des données enregistrées et pour la nécessaire protection des libertés fondamentales des personnes. Repenser les instruments d’analyse, c’est avant tout repenser un défi majeur pour les sociétés démocratiques.

Annexe

Le programme de recherche de la Dress « Circulations migratoires »

43À l’initiative de la MiRe/Drees se sont associés comme conseillers scientifiques ou cofinanceurs, la Direction de la population et des migrations, le Fasild, l’OCDE et des chercheurs ou universitaires investis dans les questions migratoires. Fin 1999, un appel à propositions de recherche était largement diffusé dans la communauté scientifique (250 destinataires en France et à l’étranger) avec des relais comme Métropolis ou le Conseil québécois de la recherche en sciences sociales.

44Le texte [62] insistait sur quatre objectifs prioritaires :

  • faire appel à des compétences renouvelées ou jusqu’ici encore peu présentes sur le champ migratoire : économistes, démographes, géographes viendraient utilement compléter les regards des sociologues, anthropologues, juristes, historiens, politologuesn etc., plus traditionnellement mobilisés ;
  • prendre du recul par rapport aux nombreuses monographies ethniques disponibles pour s’intéresser au contraire aux processus d’interactions ;
  • les thèmes à privilégier paraissent ceux susceptibles de cerner les mutations des processus identitaires chez les migrants et l’impact en retour de ces flux sur la société et l’économie des pays d’accueil ou de transit ;
  • susciter en priorité les comparaisons France/Union européenne/Amérique du Nord, sur la nature, les modalités, l’impact de ces circulations humaines.
• Le premier thème proposé à l’investigation scientifique tendait à vérifier l’intensification et/ou la complexification des circulations migratoires.

45• Un deuxième thème retenait la perception des circulations dans les sociétés d’accueil ou de transit.

46• Un troisième thème suggérait de s’intéresser aux divers facteurs et modalités des circulations transfrontières.

47• Un quatrième thème visait les « élites » politiques et économiques ou les régulateurs dans les réseaux migratoires.

48• Le cinquième thème proposait une approche économique des migrations.

Présidé par Jacqueline Costa-Lascoux (CNRS-CEVIPOF), le comité scientifique du programme « Circulations migratoires » de la MiRe/Drees réunissait :
Yves Charbit (CERPAA, Paris 5) ; Albano Cordeiro (Urmis, Paris 7) ; Gérard Cornilleau (sous-direction synthèses, Drees) ; Jean-Pierre Garson (OCDE) ; André Lebon (DPM) ; Jean-Paul Le Divenah (Fasild) ; Emmanuel Ma Mung (Migrinter) ; Claude-Valentin Marie (Délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal) ; Patrick Mony (Gisti) ; Vincent Viet (MiRe/Drees) ; ainsi que Suzel Anstett (DPM) ; Catherine Borrel (INSEE) ; Patrick du Cheyron (MiRe/Drees) et Laurence Mayeur (Fasild).

Notes

  • [*]
    Jaqueline Costa-Lascoux : juriste et sociologue, directrice de recherche au CNRS, Centre d’études de la vie politique française (CEVIPOF), présidente du comité scientifique du programme MiRe/Drees « Circulations migratoires ».
    Patrick du Cheyron : juriste et politiste, chargé de mission, Mission Recherche de la Drees.
  • [1]
    Voir Catherine Gorgeon et Renaud Epstein, « Les élus locaux et l’intégration des immigrés », in Migrations études, n° 86 mars-avril 1999, 12 p.
  • [2]
    L’adjectif « secondes », et non « deuxièmes », montre bien que les politiques croyaient en l’intégration réussie à partir de la génération des enfants d’immigrés. Aujourd’hui, on parle des jeunes « issus de l’immigration ».
  • [3]
    Pour faire reculer les limites de ces approches, le CNRS avait créé le GRECO 13 « Migrations internationales », première tentative de coordination des recherches, mais dont la dynamique s’est arrêtée avec la disparition de la structure. Pour une analyse des travaux qui ont succédé, cf. François Dubet, L’immigration, qu’en savons-nous ?, La Documentation française, 1989 ; et pour une étude plus récente : Patrick du Cheyron, « Immigration, recherche et décision », in Les politiques d’immigration et d’intégration au Canada et en France, Actes du séminaire de Montréal, 20-22 mai 1998, Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.
  • [4]
    Cf. Jacqueline Costa-Lascoux, De l’immigré au citoyen, La Documentation française, 1989.
  • [5]
    Les écrits de Dominique Schnapper notamment La communauté des citoyens, Gallimard, 1992, ont souligné cet engouement de certains auteurs français pour les théories anglo-saxonnes, la défense du « droit à la différence » et des « communautés et minorités ethniques », de leur influence sur les politiques publiques, dès le milieu des années quatre-vingt… avec les conséquences, prévisibles, que l’on observe aujourd’hui à travers les phénomènes d’ethnicisation : « L’ethnicisation du lien social », séminaire interministériel, CSTB, Fasild, DIV, PJJ, CEVIPOF, rapport 2003 et Jacqueline Costa-Lascoux, « L’ethnicisation des banlieues françaises », in REMI, vol. 17, 2001.
  • [6]
    Cf. E. Balibar, M. Chemillier-Gendreau, J. Costa-Lascoux, E. Terray, Sans-papiers : l’archaïsme fatal, La Découverte, 1999.
  • [7]
    Cf. Rose-Marie Lagrave et Dana Diminescu, « Faire une saison. Pour une anthropologie des migrations roumaines en France », synthèse in Migrations études, n° 91, novembre-décembre 1999,16 p.
  • [8]
    Ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité.
  • [9]
    Emmanuel Ma Mung, Kamel Dorai, Frantz Loyer et Marie-Antoinette Hily, « La circulation migratoire – Bilan des travaux », synthèse in Migrations études, n° 84, décembre 1998, 12 p.
  • [10]
    « La mondialisation par le bas ; l’émergence des communautés transnationales », in Actes de la recherche en sciences sociales, n° 129, septembre 1999, p. 15-25.
  • [11]
    Daniel Delaunay et Georges Tapinos, « Peut-on réellement parler de globalisation des flux migratoires », in Globalisation, migration et développement, OCDE, Paris, 2000.
  • [12]
    Quelques jours avant sa disparition, Georges Tapinos, lors d’une longue conversation avec Jacqueline Costa-Lascoux, à Sciences-Po, remarquait combien les sociologues des migrations avaient négligé l’importance du droit, des catégories juridiques et des mesures de contrôle sur les migrations internationales ; il y voyait l’une des grandes erreurs de la recherche des années 1980 et 1990. Comparativement à la situation de nombreux pays du Sud et aux flux potentiels, l’immigration en Europe lui semblait relativement contrôlée.
  • [13]
    Elles sont présentées dans Patrick du Cheyron, « Immigration, recherche et décision », in Les politiques d’immigration et d’intégration au Canada et en France. Actes du Séminaire de Montréal, 20-22 mai 1998, p. 133-158, Marie Mac Andrew, Coryse Cicéri et André-Clément Decouflé (eds.), Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, Montréal, 1999, 540 p.
  • [14]
    Les rapports de recherches sont disponibles sur simple demande auprès de la MiRe : philippe.bertin@sante.gouv.fr (Tél. : 01 40 56 82 34).
  • [15]
    Synthèse publiée par Migrations études, n° 100, juillet-août 2001, et les Cahiers de recherche de la MiRe, n° 12, août 2001.
  • [16]
    Synthèse publiée par les Cahiers de recherche de la MiRe, n° 13/14, janvier-juin 2002.
  • [17]
    Synthèses publiées par les Cahiers de recherche de la MiRe, n° 15, avril 2003.
  • [18]
    Synthèse publiée par les Cahiers de recherche de la MiRe, n° 16, septembre 2000.
  • [19]
    Cf. note 4.
  • [20]
    Synthèse de la monographie sur le Portugal, Maria Pereira Ramos et Helder Diogo, in Migrations études, n° 116, août-septembre 2003,16 p.
  • [21]
    Synthèse de la monographie sur la Turquie, Seyfettin Gürsel, Ahmet Insel et Haluk Levent, à paraître in Migrations études, 2004.
  • [22]
    Synthèse in Migrations études, n° 98, mars-avril 2001, 16 p.
  • [23]
    Synthèse in Migrations études, n° 108, juillet-août 2002, 16 p.
  • [24]
    Voir : La fin des norias ? Réseaux migrants dans les économies marchandes en Méditerranée, sous la direction de Péraldi, Maisonneuve et Larose, 495 p., 2002.
  • [25]
    Publié in Migrations et Société, n° 90, novembre-décembre 2002.
  • [26]
    Voir : Dominique Pasquier, « Enquête sur les nouveaux usages de la téléphonie dans les familles immigrées », Hommes et migrations, n° 1240, novembre-décembre 2002 ; et « Médias et migrations », Réseaux, n° 107, 2001.
  • [27]
    Voir : Dynamiques migratoires et rencontres ethniques, textes édités et présentés par Ida Simon Barouh, Actes des journées universitaires d’automne, Rennes, 15-17 septembre 1997, L’Harmattan, 447 p., 1998.
  • [28]
    Volume 17, n° 2, 2001.
  • [29]
    Hommes et migrations, n° 1233, septembre-octobre 2001.
  • [30]
    Projet, n° 272, hiver 2002-2003.
  • [31]
    Chronique internationale de l’IRES, n° 84, septembre 2003.
  • [32]
    Revue européenne des migrations internationales, n° 20, janvier 2004, Presses universitaires de Rennes.
  • [33]
    « Un essai de typologie des nouvelles mobilités », in « Nouvelles mobilités », Hommes et migrations, n° 1233, septembre-octobre 2001.
  • [34]
    Sur cet aspect éthique des données susceptibles d’être recueillies, voir François Héran, « Les immigrés et leurs descendants dans le système statistique français ; réflexions sur les pratiques et les principes », in Immigration, marché du travail, intégration, Commissariat général du Plan, La Documentation française, 410 p., 2002.
  • [35]
    « Les migrations internationales : un défi à long terme pour le monde industriel », in « La population du monde », Cahiers de l’Ined, n° 149, décembre 2002.
  • [36]
    Dana Diminescu, Rainer Ohliger et Violette Rey, « La construction de l’Europe par ses marges. Stratégies et stratagèmes de la circulation migratoire roumaine », 2001, synthèse in Cahiers de recherche de la MiRe, n° 15, avril 2003.
  • [37]
    Marie-Antoinette Hily et Emmanuel Ma Mung (eds), « Catégories et lieux des circulations migratoires », juillet 2002, 235 p., synthèse in Cahiers et recherche de la MiRe, n° 16, septembre 2003.
  • [38]
    Voir D. Ratha, « Worker’s remittances : an important and stable source of external development finance », in World Bank, global development finance : striving for stability in development finance, Washington, 2003.
  • [39]
    Frédérique Bourgeois et Denise Helly, « Une recherche comparative : politiques d’accueil, insertion sociale et circulation migratoire. Les réfugiés kosovars évacués à Lyon et Montréal au printemps 1999 », décembre 2000, 177 p., synthèse in Cahiers de recherche de la MiRe, n° 12, août 2001.
  • [40]
    Dana Diminescu, Rainer Ohliger et Violette Rey, « La construction de l’Europe par ses marges. Stratégies et stratagèmes de la circulation migratoire roumaine », précité.
  • [41]
    Pour une présentation d’ensemble, voir Visibles mais peu nombreux. Les circulations migratoires roumaines, sous la direction de Dana Diminescu, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2003, 339 p.
  • [42]
    « La circulation migratoire des nouveaux migrants économiques chinois en France et en Europe », février 2002, 129 p., synthèse in Cahiers de recherches de la MiRe, n° 15, avril 2003.
  • [43]
    « Les modalités d’entrée des ressortissants chinois en France », juillet 2000, rapport pour la DPM, 184 p., synthèse in Migrations études, n° 108, juillet-août 2002.
  • [44]
    Voir à ce propos François Héran, « Cinq idées reçues sur l’immigration », in Population et Sociétés, n° 397, janvier 2004.
  • [45]
    Michel Péraldi, présentation du colloque « Économie de bazar dans les métropoles euroméditerranéennes », précité
  • [46]
    Ali Bensaad, « Agadez, carrefour sahélo-maghrébin », in Revue européenne des migrations internationales, n° 19, 2003, p. 7-27.En ligne
  • [47]
    Voir supra, à titre d’illustration, les circulations migratoires roumaines.
  • [48]
    « La circulation migratoire », Bilan des travaux, synthèse in Migrations études, n° 84, décembre 1998.
  • [49]
    Voir Alain Tarrius, La mondialisation par le bas. Les nouveaux nomades de l’économie souterraine, Balland, 2002, 176 p.
  • [50]
    Marie Antoinette Hily et Emmanuel Ma Mung, « Catégories et lieux des circulations migratoires », précité, introduction, p. 5.
  • [51]
    Alain Tarrius, « Catégories et lieux des circulations migratoires », précité, conclusion, p. 183.
  • [52]
    Idem.
  • [53]
    Idem.
  • [54]
    De l’immigration à l’assimilation. Enquête sur les populations d’origine étrangère en France, La Découverte, 1996.
  • [55]
    Voir Pierre Bonte et Zoubir Chattou, Sujet et citoyen. Évolutions, enjeux et signification de l’acquisition de la nationalité française par des Marocains en France.
  • [56]
    Rapport au Président de la République. Laïcité et République, La Documentation française, 2004.
  • [57]
    Voir Pascale Krieff, « Les modèles prescrits de l’intégration nationale », in Migrations et Société, n° 87-88, mai-août 2003, p. 153-168.
  • [58]
    Voir Jacky Fayolle, « Migrations anciennes et nouvelles. Les politiques et les acteurs à l’épreuve », in Chronique internationale de l’IRES, n° 84, septembre 2003, p. 7-29.
  • [59]
    « La recherche française dans le domaine des migrations internationales », in Migrations et Société, n° 87-88, mai-août 2003, p. 185-193.
  • [60]
    Henri Leridon, « Vieillissement démographique et migrations : quand les Nations unies veulent remplir le tonneau des Danaïdes », in Population et Sociétés, n° 358, juin 2000.
  • [61]
    Bon nombre de ces questions sont d’ailleurs programmées au colloque de Budapest (septembre 2004) de l’Association internationale des démographies de langue française : « Les migrations internationales. Observation, analyse et perspectives ».
  • [62]
    Le texte de l’appel à propositions figure dans les Cahiers de recherche de la MiRe, n° 6, octobre 1999. Les six projets sélectionnés sont présentés dans le n° 8 de ces mêmes Cahiers, avril 2000.
Français

Résumé

Après une longue période où les mouvements migratoires affectant la France consistaient en un départ de populations pauvres vers la métropole pour une réinstallation dans la durée soumise à l’injonction de l’intégration, les années quatre-vingt-dix ont vu une autre phase s’ouvrir, marquée par la diversification des personnes en mouvement, la complexification de leur circulation et des modalités de celle-ci. Les techniques nouvelles et le processus de mondialisation amenèrent les chercheurs à revisiter les concepts supposés acquis, comme celui d’intégration. C’est à une telle dynamique de recherche renouvelée que l’on assiste aujourd’hui en France et dans le monde, qui conduit sans doute à des approches plus ambitieuses et mieux coordonnées.

Jacqueline Costa-Lascoux
Juriste et sociologue, directrice de recherche au CNRS, Centre d’études de la vie politique française (CEVIPOF), présidente du comité scientifique du programme MiRe/Drees « Circulations migratoires ».
Patrick du Cheyron [*]
Juriste et politiste (département de sciences politiques de l’université de Paris 1), chargé de mission à la Mission Recherche de la Direction de la recherche des études, de l’évaluation et des statistiques, ministère de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, ministère de la Santé et de la Protection sociale.
  • [*]
    Jaqueline Costa-Lascoux : juriste et sociologue, directrice de recherche au CNRS, Centre d’études de la vie politique française (CEVIPOF), présidente du comité scientifique du programme MiRe/Drees « Circulations migratoires ».
    Patrick du Cheyron : juriste et politiste, chargé de mission, Mission Recherche de la Drees.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/rfas.042.0181
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour La Documentation française © La Documentation française. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...