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Introduction

1En Suède, la politique de l’emploi (labour market policy) destinée à accompagner les changements structurels de l’économie a reposé pendant des décennies sur des programmes d’activation (activation programs) : il s’agissait d’adapter les caractéristiques de la population active aux besoins des secteurs en expansion, par des politiques actives de l’emploi (active labour market measures) au moyen en général de programmes de formation professionnelle (labour market education) et de divers programmes de formation. Telle a été l’orientation dominante des politiques de l’emploi en Suède depuis les années cinquante jusqu’au début des années quatre-vingt-dix – une période marquée par un très faible taux de chômage et un taux d’activité élevé (Johannesson, 1991). Quand une grave récession économique et une brusque montée du chômage ont touché la Suède au début des années quatre-vingt-dix, les autorités n’étaient pas préparées à affronter une situation à bien des égards inédite dans un pays qui, depuis les années trente, avait fait l’expérience du plein emploi. Entre 1990 et 1993, le nombre d’emplois en Suède, a diminué de plus d’un demi-million soit environ 13 % des actifs, tandis que le taux de chômage a augmenté de 1,7 % à 8,3 % de la population active. Sur l’ensemble de la décennie, 1,8 million de personnes (sur une population totale d’environ 9 millions) ont connu des périodes de chômage de durée variable (Korpi et Stenberg, 2001).

2En conséquence, la qualité de vie individuelle aussi bien que les moyens disponibles pour les programmes sociaux ont été gravement affectés. Les conditions de vie de presque tous les groupes sociaux se sont détériorées, même si les groupes déjà fragilisés comme les jeunes adultes, les immigrés et les mères célibataires ont été touchés plus durement que les autres (Palme et al., 2002a). L’impact de la montée du chômage a également été considérable pour les finances publiques, tant en termes de diminution des recettes que d’augmentation des dépenses publiques. L’aggravation rapide du déficit public qui s’en est suivie était plus ou moins inévitable et, en trois ans, le solde budgétaire – auparavant excédentaire – est devenu déficitaire à hauteur de 13 % du PIB (Bergmark et Palme, 2003).

3La récession du début des années quatre-vingt-dix a affecté la plupart des pays d’Europe de l’Ouest. Mais la Suède a été touchée plus durement. La montée du chômage a été plus aiguë que dans les autres pays développés (à l’exception de la Finlande) et les problèmes d’emplois ont persisté plus ou moins sur l’ensemble de la décennie. En Europe de l’Ouest, nombre de gouvernements nationaux se sont engagés dans des politiques actives de l’emploi, une voie conforme aux recommandations de l’OCDE et de l’Union européenne [1]. Dans le même temps, bien des pays ont réduit le montant et la durée des prestations de chômage et d’aide sociale, durci les critères d’éligibilité et privilégié les prestations sous conditions de ressources (Hvinden et al., 2001). L’objectif explicite de telles réformes était non seulement de combattre le chômage et la dépendance vis-à-vis de l’aide sociale, mais aussi de réduire les dépenses publiques.
Dans cet article, je montrerai en quoi les politiques actives de l’emploi en Suède ont été affectées par la montée du chômage au cours des années quatrevingt-dix, mais aussi par l’évolution du contexte international. On pourrait dépeindre cette décennie comme une période de transition tant au regard des objectifs que du contenu de la politique de l’emploi en Suède. Mais il n’apparaît pas fondé de dire que l’activation s’est substituée aux mesures « passives » de politique de l’emploi. Cependant, les changements concernent essentiellement le volet « actif » avec l’émergence de nouvelles formes et une décentralisation de plus en plus grande au niveau des communes.

L’évolution des politiques traditionnelles de l’emploi : développement, diversification et saupoudrage

4Au plan international, la Suède, comme les autres pays scandinaves, a été considérée comme un archétype de l’État providence moderne (Esping-Andersen, 1985, 1996). Les caractéristiques les plus fréquemment mises en avant sont l’universalité, l’offre étendue de programmes sociaux, une politique redistributive des revenus, un fort niveau d’imposition et un financement, un contrôle et une offre de service assurés par l’État. L’objectif est de répondre aux besoins et de compenser les inégalités qui ont pour origine la vulnérabilité liée aux cycles de vie ou une situation défavorable sur le marché du travail. Le principe d’universalité implique que des biens ou des services de première nécessité soient fournis quel que soit l’âge, le revenu ou le lieu de résidence. Ces principes sont appliqués à l’ensemble du système de protection sociale (Welfare System) suédois, c’est-à-dire non seulement aux prestations monétaires mais également aux services (Anttonen et Sipilä, 1996).

5Un autre trait saillant de l’État providence (Welfare State) suédois est l’étendue de l’intervention de l’État dans le secteur marchand, destiné à répartir les richesses et maintenir le plein emploi. Quand les changements structurels sur le marché de l’emploi se sont avérés inévitables, les mesures dites « actives » ont servi à faciliter les adaptations individuelles d’un secteur d’activité vers un autre. Les politiques d’activation ont été, des années durant, un axe central du système suédois. Le concept de préférence donnée à l’emploi (« workline » ou encore « work option ») a été introduit pour souligner l’option qui consistait à former et réinsérer les personnes sans emploi plutôt qu’à les aider financièrement par des prestations (cette dernière option correspondant au concept de « benefit line ») (Björklund et al., 1998). Une autre caractéristique des options suédoises en la matière concerne les niveaux d’éligibilité et d’indemnisation qui sont étroitement liés à la participation au marché du travail ce qui signifie que les groupes qui occupent une position marginale sur le marché du travail, bénéficient aussi à un degré moindre du système de protection sociale [2]. Autrement dit, ceux qui ne sont pas en mesure de satisfaire à des conditions de régularité et de permanence de l’activité professionnelle sont renvoyés vers des dispositifs moins généreux et principalement sous conditions de ressources, telle l’aide sociale. Cet écart par rapport aux principes universalistes de l’État providence suédois n’est ni un accident ni le reflet d’une situation transitoire. Au contraire, ces attitudes duales (« dual welfare » patterns) (Marklund et Svallfors, 1987) sont le résultat délibéré d’un certain nombre de préceptes moraux qui sous-tendent le système social suédois.

6La politique macroéconomique sur laquelle est fondé l’État providence suédois est souvent présentée comme conforme au modèle de Rehn-Meidner. Ce modèle propose une approche intégrée et cohérente au regard de trois objectifs : une faible inflation via des politiques monétaires et fiscales restrictives, une politique des salaires « solidariste » visant à améliorer la condition des travailleurs les moins bien rémunérés[3] et une politique active de l’emploi (Milner et Wadensjö, 2001). En dépit d’un faible taux de chômage depuis l’après-guerre, les politiques actives de l’emploi sont restées un volet important des politiques nationales en la matière.

7Lorsque le chômage a touché massivement la Suède au début des années quatre-vingt-dix, on comptait quatre programmes d’activation : le programme de formation professionnelle (vocational training), le programme d’emplois temporaires (temporary employment), le programme d’aide à l’embauche (recrutement support) et les mesures en faveur des jeunes. Seul un de ces programmes a survécu à la décennie [4]. Les trois autres ont disparu progressivement et ont été remplacés, de telle sorte qu’à la fin des années quatre-vingt-dix, l’éventail des options avait été considérablement étendu. Le tableau 1 propose une vue d’ensemble de ces innovations ainsi que le nombre de participants à chacun de ces programmes.

8La diversité des programmes s’est accrue tout au long de la période, même si la plupart des derniers programmes introduits ont été relativement modestes. En nombre de participants, le programme de formation professionnelle est resté le plus important même s’il a perdu de son importance relative. Ce programme de formation professionnelle s’adressait aux personnes qui avaient besoin d’accroître leurs compétences, de rester compétitives sur le marché du travail ou de se reconvertir. Les participants avaient droit à une allocation dont le niveau varie en fonction de la composition familiale et de leur contribution – ou non – à un fonds d’assurance chômage. Il était économiquement plus intéressant de participer à ce programme de formation professionnelle qu’à des formations plus traditionnelles.

9Le programme d’emplois temporaires offrait aux chômeurs un emploi d’une durée de six à douze mois dans des secteurs d’activité financés par l’État. Les bénéficiaires de ce programme devaient être âgés de plus de 25 ans et les salaires étaient conformes à ceux négociés dans le cadre des conventions collectives du secteur privé.
Quant au programme d’aide à l’embauche, il consistait à subventionner des emplois dans les secteurs marchands et non marchands. Le montant des subventions aux employeurs variait de 50 à 70 % du salaire et elles étaient versées pendant une durée de six à douze mois en fonction du niveau de qualification des personnes recrutées.
Ces deux programmes ont été remplacés par des aides individuelles à l’emploi en 1998.

Tableau 1

Nombre de participants aux programmes d’activation, en milliers, entre 1990 et 1999a

Tableau 1
Année Vocational Training Temporary Employment Measures for the Disabled Recruitment Support Youth Measures Training Substitutes Work Skill Development Computer Centres Workplace Introduction 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 38.6 58.6 86.3 53.2 59.5 54.6 45.6 36.9 41.9 45.0 8.1 10.8 15.8 14.0 16.7 14.5 8.3 7.1 1.1 - 87.7 86.0 84.8 84.0 87.2 92.0 85.9 85.2 89.6 89.5 2.3 4.8 13.5 9.2 25.5 21.0 12.3 3.7 -- 4.8 13.2 34.6 67.7 56.9 20.4 ---- --8.3 9.8 12.7 11.2 9.8 3.5 0.3 - ---35.1 44.5 41.3 52.3 52.5 38.9 8.0 -----5.9 11.9 14.0 11.5 7.3 -----21.5 32.4 34.3 19.4 2.3 Start-Your-Own Municipal Youth Programmes Temporary Public Employment (OTA) Individual Employment Support Support Work in Public Service Project Work with Un-employment Benefits IT under-takings Development Fund Guarantee Workplace training 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 ----10.2 10.1 10.3 12.3 12.5 10.8 -----1.7 12.6 14.2 12.2 7.3 -------5.4 7.8 7.8 --------10.6 9.7 --------4.1 2.9 -------- 0.3 0.6 -------- 0.7 3.0 -------- 2.8 5.6 ---------22.5 a Les mesures pour les handicapés comprennent notamment des ateliers protégés, des avantages salariaux, etc. Les mesures pour les jeunes comprennent des emplois à même de faciliter leur entrée dans le monde du travail. À partir du 1er juillet 1995, le programme d’introduction au monde du travail a remplacé les programmes destinés aux diplômés de l’université, aux immigrants et aux jeunes. Source : Regnér (2000) et le service des statistiques de l’Office du marché du travail (AMS).

Nombre de participants aux programmes d’activation, en milliers, entre 1990 et 1999a

10Le premier des programmes introduits ultérieurement au cours des années quatre-vingt-dix était un programme de subvention de la formation (training subsidies) en 1992 : des personnes sans emploi remplaçaient provisoirement des salariés en formation de longue durée. Les employeurs bénéficiaient de déductions fiscales pour financer tant la formation de la personne déjà en place que son remplacement. Il a été mis fin au programme en 1998. En 1993, un programme de développement des compétences (work skill development) a été lancé, qui donnait aux chômeurs indemnisés la possibilité de développer pendant une durée limitée à six mois des projets sans lien avec les activités habituelles dans une entreprise. Les projets concernaient principalement des travaux de réparation et de maintenance, l’entretien des espaces verts et des forêts ainsi que des activités éducatives dans diverses institutions (écoles, associations, etc.) (Arbetsmarknadsstyrelsen, 1999).

11Parmi les autres programmes mis en place, le programme d’adaptation au monde du travail (workplace introduction) – lancé en 1995 – a été l’un des plus importants. Par son contenu, il était assez semblable au programme de développement des compétences, mais il en différait car les entreprises devaient payer aux autorités une certaine somme chaque mois pour accueillir un participant.

12D’autres programmes ont eu un caractère de formation beaucoup plus affirmé, par exemple des centres informatiques ont proposé une initiation à l’informatique et à la programmation sur la base d’un mi-temps, ou encore des entreprises spécialisées dans les nouvelles technologies ont proposé des formations de mise à niveau pour les employés du secteur.

13Le programme d’aide aux créateurs d’entreprises (start your own program) a été lancé en 1994. Le programme d’emplois publics temporaires (OTA) a démarré en 1997 pour donner aux chômeurs de longue durée, âgés de plus de 55 ans, la possibilité de travailler dans le secteur public tout en bénéficiant des allocations chômage.

14Le fait que la durée de participation à la plupart de ces programmes soit comptée comme une période régulière de travail dans le calcul de l’assurance chômage (cf. note de bas de page supra) est un point saillant de la politique de l’emploi en Suède. C’est par exemple le cas pour le programme de formation permanente, le programme de travail temporaire, le programme de développement individuel et le programme de développement des compétences. Au terme de la période d’indemnisation (normalement après quatorze mois), il est cependant possible de prétendre à un nouveau programme de formation. En théorie, ceci peut engendrer des situations d’indemnisation sans fin via la participation ininterrompue à des programmes de formation (Clasen et al., 2001). Les municipalités suédoises ont eu ainsi fortement intérêt à inciter les personnes sans emploi à participer à de tels programmes plutôt qu’à demander l’aide sociale qu’elles financent. Dans le contexte où les municipalités ont eu de plus en plus de responsabilités dans la mise en œuvre des mesures d’activation (voir infra), cela a créé des situations dans lesquelles certaines municipalités ont été accusées de détourner le système.
Les sommes consacrées à ces différents programmes d’activation (exception faite de ceux destinés aux personnes handicapées), sont passées d’un peu moins de 9 milliards à plus de 20 milliards de couronnes suédoises [5] entre 1990 et 1999, soit une augmentation de 88 % en prix constants. En raison de la croissance encore plus élevée du nombre de participants, les dépenses par bénéficiaires ont diminué. Ainsi, le gouvernement suédois a réussi à traiter une demande accrue par une politique de saupoudrage budgétaire (cf. Bergmark, 1997). D’un point de vue social, les questions de qualité des programmes sont bien entendues cruciales pour les bénéficiaires, aussi bien en ce qui concerne leur efficacité à long terme qu’en ce qui concerne les prestations versées pendant le programme. Or, la diminution des ressources au milieu de la décennie peut être considérée comme problématique. D’un côté, la multiplication des dispositifs d’activation de l’emploi a permis aux agences pour l’emploi de trouver des solutions au cas par cas. D’un autre côté, l’augmentation du nombre des personnes intéressées a mis ces agences sous pression. La proportion de la population active qui a participé à des programmes d’activation est passée de 1,2 % au début de la décennie à 5,3 % en 1996. En 1999, le taux était de 3,1 %(Palme et al., 2002b). En dépit de l’importance des populations impliquées dans ces programmes, il n’y a eu que très peu d’évaluations systématiques de leurs effets. Cependant, des études macroéconomiques ont montré que les programmes qui subventionnent l’emploi de quelque manière que ce soit semblent avoir des effets de substitution dans le sens où ils réduisent le nombre des emplois disponibles dans le secteur marchand (Calmfors et Skedinger, 1995 ; Dahlberg et Forslund, 1999). Sur le plan microéconomique, et plus précisément sur la manière dont les programmes sont ou non susceptibles de renforcer la propension des participants à trouver du travail, les résultats disponibles sont disparates et témoignent dans l’ensemble d’effets faibles ou nuls, (voire d’effets négatifs dans certains cas) (Regnér, 2000 ; Ackum Agell et Lundin, 2001) [6].
Dans l’absolu, il est clair que cette décennie représente une période d’intensification de l’activation. En termes relatifs, cependant, rien n’est moins sûr. La dramatique dégradation du marché du travail en Suède n’a pas seulement affecté l’ampleur des programmes d’activation mais a aussi accentué l’importance des allocations chômage. La figure 1 montre l’évolution du nombre des personnes sans emploi concernées ou non par des mesures « actives » ou « passives » entre 1990 et 1999. Deux courbes séparées présentent les mesures actives : l’une intégrant les mesures destinées aux handicapés, l’autre les excluant ; la raison en est l’absence de consensus sur les deux points suivants : les mesures destinées aux personnes handicapées peuvent-elles être mises sur le même plan que les autres ? Et leur prise en compte – du fait de leur nombre et de sa stabilité au cours du temps – modifie-t-elle le diagnostic ?

Figure 1

Nombre de chômeurs indemnisés ou non et participant à des programmes d’activation ou non (mesures en faveur des personnes handicapées respectivement incluses et non incluses) (index 1990 = 100)

Figure 1

Nombre de chômeurs indemnisés ou non et participant à des programmes d’activation ou non (mesures en faveur des personnes handicapées respectivement incluses et non incluses) (index 1990 = 100)

15On peut observer qu’en termes relatifs, le nombre de personnes sans emploi bénéficiant d’allocations chômage s’est accru de manière importante au cours de cette période, jusqu’à avoir été multiplié par cinq en 1996-1997. Le nombre des chômeurs ne bénéficiant d’aucune sorte d’indemnisation a aussi augmenté de manière significative, mais pas aussi massivement, ce qui signifie que la part des personnes sans emploi ne bénéficiant d’aucune prestation s’est réduite au cours des années quatre-vingt-dix. Les deux courbes concernant les bénéficiaires de programmes d’activation témoignent d’une hausse de ceux-ci, mais l’évolution de celle incluant les mesures destinées aux personnes handicapées est bien moins dramatique que l’évolution de celle les excluant. Cependant, quelles que soient les mesures considérées s’agissant des mesures « actives », l’augmentation relative des mesures dites « passives » est plus importante. Ceci signifie qu’il n’est pas totalement fondé de résumer la période des années quatre-vingt-dix en Suède comme une période principalement marquée par une augmentation des mesures d’activation. Le fait que les mesures dites passives augmentent plus rapidement encore a été démontré en termes de dépenses publiques (Regnér, 2000 ; Hvinden et al., 2001) [7].

L’évolution du Workfare : conditionnalité et décentralisation

16Parallèlement au développement des politiques traditionnelles d’activation, deux autres tendances ont marqué la Suède des années quatre-vingt-dix : les allocations sous conditions de ressources sont de plus en plus soumises à une contrepartie de participation à des programmes d’activation, d’une part, et la responsabilité des autorités locales dans la mise en œuvre de tels programmes s’est accrue, d’autre part. Certes, aucune de ces tendances n’était réellement nouvelle, mais c’est seulement à partir des années quatre-vingt-dix qu’elles ont gagné quelque importance et acquis une assise institutionnelle.

17À l’instar de bien d’autres États providence modernes, la Suède a développé des politiques qui lient le bénéfice de prestations d’aide sociale à un travail ou à la participation à des programmes d’activation (Lødemel et Trickey, 2001). Traditionnellement, la Suède comme les autres pays scandinaves a soumis le bénéfice de l’aide sociale ou des allocations chômage à des conditions (« work-tests »). Normalement, cela impliquait : d’être inscrit comme chômeur dans une agence pour l’emploi, de faire la preuve de sa disponibilité pour travailler par des démarches effectives de recherche d’emploi et par le caractère des emplois auxquels on postule, et d’être prêt à être mobile géographiquement. Faire la preuve de ce qu’on est « à la disposition du marché de l’emploi » a longtemps été, en un sens, le critère central d’éligibilité aux prestations d’aide sociale ou de chômage. Le refus d’accepter les emplois offerts, et jugés convenables par les agences pour l’emploi, ou une faible activité de recherche d’emploi, pouvaient à l’inverse conduire à suspendre les prestations ou réduire leur montant. Dans les comparaisons internationales, l’application du principe de conditionnalité a été décrite comme particulièrement stricte en Suède, à la fois pour l’aide sociale et l’assurance chômage (Eardly et al., 1996 ; Clasen et al., 2001).

18Au début des années quatre-vingt-dix, les autorités suédoises (via l’Office national de la santé et de la protection sociale) ont précisé que le fait d’« être disponible sur le marché du travail » pour bénéficier de l’aide sociale comportait l’obligation :

  • de rechercher un travail à plein temps ;
  • de participer aux programmes gouvernementaux d’activation ;
  • et d’accepter le travail proposé, quel qu’il soit.
Déjà, à ce moment, nombre de collectivités locales avaient commencé à développer des dispositifs visant à dynamiser les activités de recherche d’emploi ou à exiger des allocataires de l’aide sociale de participer à des programmes de formation professionnelle en contrepartie des prestations (Johansson, 2000 ; Palme et al., 2002b) [8]. L’Office national de la santé et de la protection sociale a réagi négativement et a déclaré dans son plan d’action national pour l’année 1992 que personne ne pouvait être privé de l’aide sociale au motif qu’il avait refusé un emploi – ou refusé de participer à un programme de retour à l’emploi (employment training) – à partir du moment où la rémunération dudit emploi n’était agréée par aucune convention collective et ne donnait pas droit à l’assurance chômage (Office national de la santé et de la protection sociale, 1992). Dans le même temps, cependant, les collectivités locales se sont orientées dans une autre direction et, au milieu des années quatre-vingt-dix, la Cour administrative suprême a rendu une décision qui contraignait les allocataires de l’aide sociale à participer non seulement aux programmes nationaux d’activation mais aussi aux dispositifs municipaux.

19Comme les obstacles légaux ont été levés et que les coûts de l’aide sociale ont significativement augmenté, un nombre accru de municipalités ont lancé des programmes locaux d’activation pour les bénéficiaires de l’aide sociale et ont renforcé les exigences de recherche effective d’emploi. Cet effort explicite des municipalités pour contenir les coûts de l’aide sociale traduit une tendance générale vers moins de générosité et des conditions d’accès plus strictes. Une étude publiée en 1996 par l’Office national pour la santé et la protection sociale a montré que seize des vingt-deux municipalités étudiées entre 1993 et 1995 ont imposé une définition plus stricte de ce que signifie « être disponible sur le marché du travail ». Ces exigences accrues sont caractéristiques d’un nouveau référentiel d’action en la matière – sur la base du modèle dit d’Uppsala (du nom de la municipalité où il fut initialement développé) – qui repose sur l’ambition explicite de remplacer les aides financières passives (passive financial handouts) par des mesures destinées à rendre les bénéficiaires « plus responsables », notamment en exigeant d’eux qu’ils établissent des plans individuels de carrière en collaboration avec les personnels des services spécialisés, et qu’ils se portent candidats chaque mois à un nombre donné d’emplois (Bergmark, 2000).

20Le lien entre éligibilité à l’aide sociale et participation à des programmes d’activation a une longue tradition aux États-Unis où il est communément désigné par l’expression « workfare » ou « welfare to work » (Bane et Ellwood, 1994). Le lancement de tels programmes est caractéristique de l’évolution de la politique de l’emploi dans de nombreux pays d’Europe de l’Ouest au cours des années quatre-vingt-dix, et les évolutions en Suède ont été, à bien des égards, le résultat des influences internationales. Ici, incontestablement, le Danemark a servi de modèle de référence aux décideurs suédois. Le Danemark a, en effet, de longue date mis en place des politiques de l’emploi caractérisées par de strictes conditions d’éligibilité (Lødemel, 1998). Au cours des années quatre-vingt-dix, cela est devenu encore plus manifeste et, en 1994, la législation danoise a été révisée de manière à accroître les moyens de pression pour contraindre les demandeurs (en particulier les jeunes) de prestations d’aide sociale à participer à des programmes d’activation (Abrahamson, 1998). La diminution du nombre de chômeurs et d’allocataires de l’aide sociale au Danemark dans les années suivantes, a eu incontestablement un fort impact sur les décideurs suédois (Office national de la santé et de la protection sociale, 1997) et, en 1998, la loi suédoise sur les services sociaux (Social Services Act) a été modifiée de manière à donner la possibilité aux municipalités de rendre obligatoire pour les bénéficiaires de l’aide sociale (ainsi que pour les autres jeunes chômeurs de longue durée) âgés de 20 à 24 ans leur participation à des programmes d’activation. Les programmes considérés devaient être proposés dans les 90 jours suivant le début de la période de chômage et devaient être « qualifiants », conformément aux besoins et aux intérêts des individus concernés. Ces programmes devaient également viser à rendre les bénéficiaires « plus autonomes dans leur démarche de recherche d’emploi et leur carrière en général ». Ces programmes ne donnaient pas lieu à des prestations supplémentaires. Si les bénéficiaires refusaient d’y participer, leurs prestations pouvaient être supprimées ou réduites. Les jeunes adultes bénéficiaires de l’aide sociale étaient donc soumis à des obligations supplémentaires et, donc, traités différemment des autres bénéficiaires [9].
Depuis que la responsabilité exécutive et financière de l’aide sociale en Suède relève des municipalités et non plus de l’État, et depuis que les conditions d’éligibilité à l’aide sociale sont plus strictes et liées à la participation aux programmes d’activation municipaux, l’on assiste, de fait, à une forme de décentralisation de la politique active de l’emploi. Certes, l’idée de coupler les programmes de Workfare avec un accroissement de la responsabilité locale n’est pas propre à la Suède : c’est au contraire une tendance générale dans les pays de l’Union européenne et de l’OCDE (Finn, 2000). Au milieu des années quatre-vingt-dix, le gouvernement suédois a eu pour ambition explicite d’accroître le rôle des municipalités et de faire un meilleur usage du savoir-faire local (Johansson, 2000). En 1995, la responsabilité politique de la prise en charge des chômeurs de moins de 20 ans a été entièrement transférée de l’État vers les municipalités, et les mesures d’activation ont été intégrées dans le programme de développement municipal. Une autre étape dans la décentralisation a consisté à faire entrer les municipalités dans les conseils d’administration des agences locales pour l’emploi, qui étaient traditionnellement tripartites (représentants de l’État, des organisations d’employeurs et des syndicats). En 1996, les représentants des municipalités sont devenus majoritaires dans ces conseils. Ensuite, les municipalités ont consacré une part de plus en plus importante de leurs moyens à la politique de l’emploi. À la fin de la décennie, les municipalités se sont vu également confier des responsabilités plus larges dans la mise en œuvre des nouveaux programmes d’activation (voir figure 1), notamment les programmes d’initiation ou de perfectionnement dans les nouvelles technologies.

Discussion

21Pendant des décennies, la politique de l’emploi a été un des fondements de l’État providence suédois. Les objectifs macroéconomiques étaient de promouvoir la croissance économique en même temps qu’un chômage et une inflation faibles, tandis que les objectifs sociaux étaient d’offrir une protection financière aux chômeurs et d’accroître leurs possibilités de trouver un emploi. Ces objectifs généraux sont pour l’essentiel les mêmes aujourd’hui, mais la crise de l’emploi au cours des années quatre-vingt-dix et l’influence internationale ont changé à bien des égards le contenu ainsi que les structures légales et institutionnelles de cette politique.

22Le fait de savoir si ces évolutions représentent un changement de paradigme ou si elles doivent simplement être perçues comme des adaptations majeures à de nouveaux défis est une question ouverte. Le débat sur ce sujet a été très intense et radicalisé en Suède aussi bien qu’au niveau international. De manière schématique, l’on pourrait dire que la plupart des décideurs politiques défendent des politiques actives de l’emploi et de Workfare en particulier, les présentant comme des moyens de rendre plus autonomes et plus dignes les personnes en situation de pauvreté et de chômage. À l’inverse, les chercheurs sont en général plus hésitants ou négatifs, peut-être moins d’ailleurs à l’égard des politiques traditionnelles d’activation qu’à l’égard des dispositifs du Workfare.

23Par-delà l’argumentation la plus explicite qui vise à présenter les programmes d’activation comme un contrepoids nécessaire aux aides financières passives, il y aurait, selon certains critiques, plusieurs autres raisons qui justifieraient la mise en place de tels programmes. L’existence d’objectifs cachés est en fait un thème dominant de la plupart des critiques. Ainsi, l’opposition reproche au gouvernement social-démocrate que les programmes d’activation constituent un moyen de masquer les véritables chiffres du chômage. À cet égard, l’indicateur dont il est le plus question dans le débat public est celui du taux de chômage effectif (open unemployement) qui ne prend pas en compte les chômeurs bénéficiaires de programme d’activation. En outre, un des objectifs affichés du gouvernement suédois est, depuis la forte dégradation du marché du travail au début des années quatre-vingt-dix, de réduire ce taux de chômage effectif à 4 %. Cet objectif a été atteint en 2001 ; mais en prenant en compte les chômeurs bénéficiaires d’un programme d’activation, le taux de chômage aurait été d’environ 6 à 7 % de la population active.

24Le thème prédominant dans le débat académique concerne les programmes de Workfare. Par contraste avec le discours politique officiel qui présente ces programmes comme participant d’une approche (professionnellement) qualifiante, un autre discours les présente avant tout comme des mesures coercitives, violant les droits civiques de base (Lødemel et Trickey, 2001 ; Van Oorschot, 2002). Il considère que les vraies motivations au fondement des programmes d’activation ne sont pas pleinement assumées, à savoir une inquiétude sous-jacente quant à la moralité des gens et la volonté de mettre en place des dispositifs qui empêchent les personnes indolentes ou faussement dans le besoin de recevoir des prestations. Le concept d’aléa moral (moral hazard) est central de ce point de vue. Il traduit le phénomène selon lequel un individu, en anticipant le bénéfice d’un revenu lié à une situation de précarité, agit de telle sorte que cette situation survienne ou se prolonge (Elster, 1992). Pour cette raison, les bénéficiaires de l’aide sociale par exemple, devraient être en mesure de satisfaire à un certain nombre de critères afin de ne pas être suspects de vivre intentionnellement de telles prestations (Midré, 1990). Ils devraient être de bonne moralité, avoir des ressources personnelles limitées et avoir une faible aptitude à répondre aux besoins du marché du travail. « Bonne moralité » signifie ici la ferme volonté de ne pas se contenter des aides publiques et de ne pas vivre aux crochets de la société. « Ressources limitées » fait référence aux capacités individuelles pour atteindre et conserver une position sociale qui rendent inutile tout soutien de la part des pouvoirs publics : c’est traditionnellement le cas du handicap, du grand âge ou de la maladie, tandis que l’instabilité professionnelle ou les problèmes de personnalité ne sont pas reconnus. Enfin, les critères liés aux besoins du marché du travail définissent les conditions externes de limitation ou d’inadéquation des ressources personnelles.

25Dans cette perspective, l’introduction des programmes de Workfare met l’accent sur l’autonomie des personnes et sur la notion de réciprocité du système de protection sociale. La conditionnalité de l’aide sociale participe, d’une part, de l’affirmation de sens commun selon laquelle « ceux qui n’essayent pas vraiment de trouver un travail ne devraient pas pouvoir bénéficier des fruits de l’effort collectif » et, d’autre part, de la volonté d’identifier et de valider les aptitudes individuelles. L’idée fondamentale est que la société, en établissant des critères d’éligibilité, s’attache à ancrer l’ambition plutôt que le don au cœur de son fonctionnement (Dworkin, 1985). À l’inverse du raisonnement universaliste qui veut que la société se doive de protéger au même titre tous les individus contre les accidents de la vie, d’aucuns craignent qu’une telle manière de voir les choses puisse déresponsabiliser les individus et les inciter à choisir les aides plutôt que le travail.

26Certains ont fait remarquer que les principes au fondement de tels programmes de Workfare différaient selon les sensibilités des gouvernements en place, notamment selon que ces gouvernements se placent dans un axe progressiste (social-démocrate) ou conservateur (« laissez faire [10] » libéral) (Torfing, 1998). La première approche, dite « néo-étatiste », axée davantage sur les incitations positives à trouver du travail que sur la promotion d’une vision moraliste en la matière, se rencontrerait le plus souvent dans les pays scandinaves. La seconde, « néolibérale », est associée aux pays anglo-saxons, et repose davantage sur des sanctions ou des mesures coercitives. Cependant, en examinant de près les développements récents en Suède, il apparaît que, dans les faits, cette distinction est très ténue tant il est vrai que les éléments de moralisation, de sanction et de coercition ont joué un rôle majeur dans la multiplication des programmes de Workfare. Le stéréotype présentant la Suède comme l’archétype de l’État providence moderne ou de l’universalisme se heurte aujourd’hui à des réalités politiques beaucoup plus instables, notamment du fait du rôle croissant joué en la matière par les structures politiques locales qui se partagent entre majorités conservatrices et socialistes.

27Cette tendance au renforcement de la réciprocité – dans le sens où l’aide sociale est conditionnée aux efforts des personnes concernées – n’est pas un phénomène proprement suédois mais une tendance générale en Europe (OCDE, 1999). Insister sur les éléments de motivations marque également la priorité accordée aux caractères personnels, plutôt qu’aux compétences formelles ou à l’adéquation entre les besoins du marché du travail et les qualifications des personnes sans emploi. De ce point de vue, les années quatre-vingt-dix ont marqué la convergence du marché de l’emploi suédois avec ceux des autres pays d’Europe de l’Ouest, voire le rapprochement avec le modèle conservateur américain (Gilbert, 2002).

28En raison d’une longue tradition de politique d’activation en Suède, il n’est pas fondé de dire que l’activation s’est substituée aux mesures « passives » de politique de l’emploi. De plus, durant les années quatre-vingt-dix, le nombre de personnes recevant des prestations en espèces a davantage augmenté que celui des personnes engagées dans un programme d’activation. Une caractéristique que la Suède partage avec de nombreux autres pays européens (Hvinden et al., ibid.). Toutefois, parler d’une telle transformation (de politique passive en politique active) pourrait être en partie adapté pour les prestations sous conditions de ressources dont l’éligibilité, notamment pour les jeunes, a été modifiée en ce sens.
Bien que la ligne de partage entre les politiques actives de l’emploi traditionnelles et les nouveaux dispositifs de Workfare apparaisse parfois arbitraire au regard du contenu, voire des objectifs, de nombreux chercheurs en Suède et ailleurs considèrent que l’on est en présence de deux approches totalement différentes des politiques sociales. C’est d’autant plus vrai si on limite la comparaison aux critères d’éligibilité et aux niveaux d’indemnisation. Les politiques actives de l’emploi ont connu une période de transformation au cours des années quatre-vingt-dix, avec une diversification des programmes et une diminution des ressources allouées à chaque participant. Par ailleurs, nous avons vu que ces politiques ont changé de nature en passant du statut d’instrument visant à faire coïncider les caractéristiques de la population active avec les besoins du marché de l’emploi, à celui d’outil pour combattre le chômage de masse. Elles ont, en outre, été placées de plus en plus sous la responsabilité des collectivités locales, notamment après que les municipalités ont intégré les conseils d’administration des agences locales pour l’emploi. La tendance générale à la décentralisation signifie que le pouvoir de contrôle de l’État s’est érodé et que la responsabilité de la définition des objectifs revient de plus en plus aux 289 municipalités suédoises. Dès lors, outre la diversité résultant des nouveaux programmes introduits durant les années quatre-vingt-dix, on peut s’attendre à une hétérogénéité accrue du fait des influences locales avec une tendance à la multiplication des approches et des modalités de mise en œuvre de telles mesures.
Une critique persistante des politiques d’activation est qu’il n’y pas d’éléments qui attestent que ces programmes augmentent les chances des participants de trouver un travail [11]. Les informations sur les effets sont rares et les quelques études qui ont été menées montrent des résultats disparates. Or seule une augmentation des possibilités d’emploi peut justifier une politique d’activation à grande échelle et l’introduction de programmes de Workfare potentiellement stigmatisants, notamment pour les jeunes. Et plus prégnante sera cette politique aux niveaux tant national que local, plus centrale sera la question de son efficacité.

Notes

  • [*]
    Université du centre de la Suède (Mid Sweden), département du travail social Östersund, Suède.
  • [1]
    L’on désigne ici par mesures « passives » les prestations en espèces allouées aux personnes sans emploi (y compris les allocations chômage) tandis que l’on désigne par mesures « actives » les efforts d’accompagnement vers l’emploi et/ou de qualification des intéressés (bilans de compétences et définition de plans de carrière, formations professionnelles ou primes à l’embauche).
  • [2]
    Sont éligibles aux allocations chômage les personnes sans emploi, inscrites à l’Office national pour l’emploi et qui remplissent les conditions d’affiliation et de périodes de travail. La condition d’affiliation requiert de la part de la personne sans emploi d’avoir souscrit à un fonds d’assurance chômage pendant au moins douze mois. La condition de périodes de travail a évolué à de nombreuses reprises au cours des années quatre-vingt-dix. Depuis 1997, le bénéficiaire potentiel doit pouvoir justifier au minimum de six mois travaillés (à raison d’au moins 70 heures par mois) au cours des douze mois ayant immédiatement précédé la perte d’emploi.
  • [3]
    Une politique de revalorisation des salaires basée moins sur la prise en compte de la hausse de productivité moyenne que sur la rentabilité des compagnies considérées une à une et/ou sur les résultats des secteurs d’activité pris un à un (Erixon, 2001).
  • [4]
    Les mesures destinées aux personnes handicapées ne sont pas incluses ici.
  • [5]
    Une couronne suédoise équivaut à peu près à 0,11 euro.
  • [6]
    De nombreux auteurs reconnaissent que les problèmes méthodologiques rendent la généralisation des programmes d’étude problématique. Il apparaît par exemple que les conditions de mise en œuvre de ces programmes influent diversement sur les résultats.
  • [7]
    Hvinden et al. (ibid.) montrent aussi que, contrairement à une croyance commune et aux ambitions politiques affichées, les développements en la matière en Europe de l’Ouest au cours des années quatre-vingt-dix ne peuvent guère être décrits en termes de priorité accrue donnée aux politiques actives de l’emploi.
  • [8]
    L’aide sociale est en Suède entièrement de la responsabilité des municipalités, bien que régulée par la législation nationale. La loi sur les services sociaux, en particulier, est une loi-cadre qui stipule que les municipalités se doivent d’assister quiconque ne peut bénéficier d’autres formes d’aides à quelque niveau que ce soit.
  • [9]
    Au début des années quatre-vingt-dix, la conditionnalité a cependant été étendue à d’autres groupes d’âges.
  • [10]
    En français dans le texte.
  • [11]
    Un certain nombre de suivis isolés ont été effectués, mais sans mise en perspective des observations via l’usage systématique de groupes de contrôle. Il est dès lors pratiquement impossible de dire si les résultats enregistrés sont liés à la participation aux programmes d’activation ou à d’autres facteurs. La plupart des études de cas isolées font cependant état de résultats suivants : un tiers des participants retrouve un emploi à durée indéterminée, un tiers un emploi à durée déterminée ou à temps partiel et un tiers reste sans emploi et dépendant des allocations (Ploug et Sondergaard, 1999 ; Esping-Andersen, 2002).
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Résumé

La grave récession économique qui a touché la Suède au cours des années quatre-vingt-dix a généré un accroissement massif du chômage et motivé des « coupes sombres » dans de nombreux programmes sociaux. De fait, la crise qui a touché le marché de l’emploi a été plus sévère en Suède que dans la plupart des autres pays européens. Une situation en partie inédite dans un pays qui, depuis les années trente, a fait continûment l’expérience du plein emploi. Il en a résulté, au niveau des autorités, une sorte d’impréparation à affronter une telle situation. Traditionnellement, la politique active de l’emploi était conçue comme un instrument macroéconomique visant à faciliter les adaptations structurelles de l’économie suédoise. Avec la montée du chômage, il a fallu changer le caractère des programmes d’activation, diversifier les outils et maîtriser les coûts : il ne s’agissait plus tant d’adapter les caractéristiques de la population active aux besoins du marché du travail, que de penser des instruments à même de combattre un chômage de masse. Aussi, dans les années quatre-vingt-dix, la Suède, à l’instar de beaucoup d’autres pays européens, a dû repenser les modalités d’intervention de l’État providence au profit des couches fragilisées de la population active, allant jusqu’à conditionner le bénéfice de l’aide sociale à la participation à des programmes d’activation. Cette évolution a été fortement critiquée – en partie parce qu’elle porte atteinte aux droits des couches les plus vulnérables de la population, et en partie parce que son efficacité est sujette à caution.

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Åke Bergmark [*]
Université du centre de la Suède, Département du travail social, Östersund, Suède.
  • [*]
    Université du centre de la Suède (Mid Sweden), département du travail social Östersund, Suède.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/04/2010
https://doi.org/10.3917/rfas.034.0273
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