CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Cette contribution traite des déficiences [1] telles qu’elles sont mesurées dans l’enquête « Handicaps, incapacités, dépendance » (HID). Cette enquête permet de compter les déficiences, telles qu’elles sont ressenties par les personnes interrogées. Celles-ci, au début du questionnaire, doivent répondre à la question : « Rencontrez-vous dans la vie de tous les jours des difficultés, qu’elles soient physiques, sensorielles, intellectuelles ou mentales ? (dues aux conséquences d’un accident, d’une maladie chronique, d’un problème de naissance, d’une infirmité, du vieillissement…) ». En cas de réponse positive, elles doivent préciser de quelles difficultés, infirmités ou autres problèmes de santé, il s’agit.

2Le parti pris est de présenter simplement les nombreux intérêts de l’enquête et d’en signaler (aussi simplement) ses limites. La contribution s’appuie principalement sur les travaux de Catherine Goillot et Pierre Mormiche sur l’enquête « Handicaps, incapacités, dépendance », l’un sur les personnes vivant en établissements (Goillot et Mormiche, 2001) l’autre sur les personnes vivant à leur domicile (Goillot et Mormiche, 2002), travaux de référence qui présentent de manière détaillée la méthodologie et les résultats de la première vague de l’enquête.

Les déficiences

Le taux de prévalence des déficiences

3À partir des réponses faites par les personnes enquêtées (qui sont directement saisies par l’enquêteur), l’Insee a élaboré une liste de quarante-huit déficiences. Les taux de prévalence des déficiences sont présentés dans le tableau 1. Ces taux s’appliquent à une population d’environ 57 millions de personnes dans le champ de l’enquête HID auprès des personnes vivant en domicile ordinaire et à environ 650 000 personnes dans le champ de l’enquête HID auprès des personnes vivant dans un établissement ; un des intérêts de l’enquête étant la mesure des déficiences à domicile.

Tableau 1

Prévalence des déficiences (en %)

Tableau 1
Déficiences Domicile Établissement Sans objet : trop jeune 0,00 0,12 Déficience des deux membres inférieurs 1,87 3,78 Déficience des quatre membres 0,12 0,80 Déficience des deux membres d’un même côté 0,34 4,46 Déficience d’un seul membre supérieur 2,06 2,24 Déficience d’un seul membre inférieur 2,84 5,37 Autres déficiences motrices des membres 3,36 14,22 Déficiences du tronc 7,12 3,87 Autres déficiences motrices 0,94 9,72 Déficiences motrices non précisées 1,02 12,30 Aveugle complet 0,09 1,67 Mal voyant 2,60 22,15 Autres troubles de la vision (champ visuel, couleurs…) 1,51 0,18 Déficience visuelle non précisée 1,32 1,90 Sourd 0,17 1,92 Mal entendant 6,48 17,05 Autre déficience auditive (bourdonnement, sifflements…) 0,32 0,14 Déficience auditive non précisée 1,75 18,32 Absence totale de parole 0,06 4,95 Bégaiement 0,24 0,12 Autres troubles de la voix et de la parole 0,30 0,56 Autres troubles du langage (aphasie, dysphasie…) 0,16 0,88 Déficience du langage ou de la parole non précisée 1,10 21,65 Déficience rénale ou urinaire 1,72 32,61 Déficience respiratoire 3,65 4,03 Déficience cardio-vasculaire 6,42 14,92 Déficience du tube ou des organes digestifs 2,61 28,71 Déficience endocrinienne, métabolique, hormonale ou enzymatique 2,72 5,50 Déficience du sang ou de l’immunité 0,24 0,30 Autres déficiences viscérales 1,87 1,33 Déficience viscérale ou métabolique non précisée 0,05 0,10 Retard mental (moyen, grave, profond ou sévère) 0,26 3,63 Retard léger, déficience intellectuelle légère, troubles acquisitions et apprentissages 0,30 1,29 Perte des acquis intellectuels, troubles de la mémoire, désorientation temporo-spatiale 2,19 25,92
Tableau 1
Troubles du comportement, de la personnalité et des capacités relationnelles 0,15 8,49 Troubles de l’humeur, dépression… 1,90 5,43 Pertes intermittentes de la conscience 0,22 2,02 Autres troubles intellectuels (retard mental non précisé…) 0,09 10,19 Autres troubles psychiques (y.c. maladie mentale non classée…) 5,44 11,59 Déficience intellectuelle ou du psychisme non précisée 6,42 4,58 Douleurs 2,76 1,33 Fatigue 0,84 2,05 Vertiges, troubles de l’équilibre 0,65 3,12 Déficiences esthétiques 0,83 0,96 Polyhandicap 0,01 0,18 Autres déficiences 1,27 7,03 Déficiences non précisées 2,00 21,34 Lecture : 1,87 % des personnes vivant à domicile ont une déficience des deux membres inférieurs ; c’est le cas de 3,78 % des personnes vivant en établissement. Source : Insee, enquête « Handicaps, incapacités, dépendance », 1998 et 1999.

Prévalence des déficiences (en %)

4Dans cette classification en quarante-huit postes, les taux de prévalence obtenus à domicile peuvent aller jusqu’à 7 % (déficiences du tronc). Les déficiences qui apparaissent le plus souvent sont ensuite les déficiences cardio-vasculaires (6,4 %), le fait de déclarer être malentendant (6,5 %), les déficiences intellectuelles ou du psychisme non précisées (6,4 %).

5Neuf postes de déficiences motrices sont considérés, dont les taux de prévalence à domicile varient entre 0,12 % (déficience des quatre membres) et 7 % (déficience du tronc). Pour les personnes résidant en établissement, les taux s’établissent entre 0,8 % (déficiences des quatre membres) et 12,3 % (déficiences motrices non précisées) et 14,2 % (autres déficiences motrices des membres).

6En ce qui concerne les déficiences visuelles, l’enquête permet de dire que sur 1 000 personnes vivant en domicile ordinaire, une est « complètement » aveugle, 26 sont malvoyantes, 15 ont d’autres troubles de la vision (champ visuel, couleurs…) et 13 ont une déficience visuelle non précisée. Sur 1 000 personnes résidant en établissement, 17 sont « complètement » aveugles, 221 sont malvoyantes, 2 souffrent d’autres troubles de la vision et 19 d’une déficience visuelle non précisée. Au total environ 60 000 personnes sont « complètement » aveugles alors que plus de 3,3 millions ont un problème de vision.

7Les déficiences auditives concernent environ 8,5 % des personnes en domicile ordinaire (pour 6,5 %, ces personnes sont classées dans la catégorie « malentendant ») et 37% des personnes en établissement (17% de « malentendant », 18 % de « non précisée »).

8Les déficiences du langage et de la parole concernent moins de 2 % de la population à domicile et 28 % de la population en établissement (dont 22 % de « non précisée »).

9Les déficiences viscérales ou métaboliques ont un taux de prévalence d’environ 15 % à domicile. Elles concernent près d’une personne sur deux en établissement.

10Les déficiences intellectuelles ou mentales ont un taux de prévalence d’environ 15 % à domicile. Elles concernent près de 60 % des personnes en établissement.
Un certain nombre de déficiences non classées sont considérées dans cette nomenclature (douleurs, fatigue, vertiges, etc.). Elles concernent 6 % des personnes à domicile et 30 % en établissement. Parmi ces déficiences non classées, 2 % sont des déficiences non précisées à domicile, 21 % en établissement.
Les taux de prévalence à domicile sont, en règle générale, bien inférieurs à ceux existant en établissement, les prises en charge les plus lourdes nécessitant souvent l’entrée en établissement. Ce n’est cependant pas toujours le cas. Ainsi, en ce qui concerne le retard mental, l’enquête indique que le retard mental léger concerne environ 180 000 personnes et le retard mental moyen, grave, profond ou sévère 170 000. Elle indique aussi que la répartition entre les deux formes de déficiences est très différente suivant le lieu de vie : en établissement, sur quatre personnes ayant un retard mental, une a un retard qualifié de léger ; à domicile, elles sont plus de deux.

Intérêts et limites du mode de mesure des déficiences dans l’enquête HID

11Signalons dès à présent tout l’intérêt et toutes les limites du mode de mesure des déficiences par l’enquête HID. Les déficiences sont obtenues à partir des déclarations des personnes (ou parfois de leur entourage). En ce sens, les résultats de l’enquête HID s’apparentent à ceux de l’enquête « Santé ». Cela résulte, au moins partiellement, de l’impossibilité, à un coût raisonnable, d’associer à chaque enquêteur de l’Insee un médecin pour déterminer plus précisément la déficience. On obtient ainsi une vision très intéressante des déficiences « ressenties » par les personnes, qui peut cependant être difficile à interpréter. En effet, les déficiences exprimées « en clair » par les personnes ne sont pas toutes du même niveau de détail ou de qualité. Les déficiences exprimées dépendent de l’idée que les personnes se font de leur santé et des outils qu’elles ont pour la décrire. Et le langage médical, qui mêle déficience et maladie est, sans doute, trop compliqué pour être utilisé à bon escient par chacune des personnes interrogées.

Le type de déficience

12De plus, suivant le type de déficience, la qualité des informations obtenues sera fort variable. Elle va parfois permettre de cerner assez précisément la gravité de la déficience. Au contraire, parfois elle ne permettra pas d’identifier clairement la déficience.

13Ainsi, dans le cas des déficiences visuelles ou auditives, les réponses fournies par les personnes vont, le plus souvent, permettre de cerner la gravité du handicap. Ce n’est généralement pas le cas pour les autres déficiences. Au contraire, en ce qui concerne les fonctions supérieures, il est probable qu’une partie des réponses ne peut permettre de distinguer les déficiences intellectuelles des déficiences psychiques.

14Pour remédier, au moins partiellement, à ces difficultés, le protocole d’enquête a prévu que les réponses fournies par les personnes (ou parfois leur entourage) sur leurs incapacités soient utilisées pour compléter la mesure des déficiences (cette démarche est proche de celle utilisée lors de l’enquête « Santé »). Ainsi, dans le cas où la déclaration d’une incapacité [2] ne pouvait être expliquée par l’une au moins des déficiences initialement déclarées, les enquêteurs enregistraient comme déficience les nouvelles causes d’incapacité déclarées, ce qui a abouti à augmenter le nombre de déficiences estimé par l’enquête.

15De plus, une fois l’enquête terminée, une étape supplémentaire a été réalisée : une équipe de médecins du Centre de recherche, d’étude et de documentation en économie de la santé (CREDES) a procédé à un recodage au vu des incapacités.

16Il y a un écart non négligeable entre le nombre de déficiences signalées initialement par les personnes et le nombre auquel l’ensemble du processus aboutit. Ainsi, en établissement, par exemple, pour 16 500 personnes enquêtées, il y a eu 27 500 déficiences spontanées auxquelles se sont ajoutées 6 000 autres après relance par les enquêteurs au vu des réponses sur les incapacités (soit au total 33 500 déficiences). Le recodage par le CREDES ajoute 15 500 déficiences (et en enlève 2 000). On obtient ainsi 47 000 déficiences en établissement. Il est à noter toutefois que le recodage n’a quasiment pas augmenté le nombre de personnes déficientes mais a essentiellement accru le nombre moyen de déficiences des personnes ayant une déficience.

17Signalons ici que même dans le cas relativement simple (pour le statisticien) des déficiences visuelles, la mesure du nombre d’aveugles par les déficiences reste sujette à discussion. Un chiffre un peu plus faible est obtenu en partant des questions sur les incapacités. En effet, l’enquête pose aux personnes ayant déclaré des difficultés dans la vision de près ou de loin la question suivante :
« Êtes-vous :

18

  1. malvoyant ;
  2. partiellement aveugle (quelques possibilités de vision par exemple la distinction des silhouettes) ;
  3. totalement aveugle (ou avec la seule distinction de la lumière). »
À partir de cette question, on obtient qu’un peu moins de 50 000 personnes sont « totalement » aveugles (alors qu’à partir des déficiences on obtenait qu’environ 60 000 personnes étaient « complètement » aveugles).

Les personnes enquêtées

19Signalons de plus que, de même que pour les autres questions, des difficultés peuvent survenir du fait que les personnes enquêtées ne répondent pas toujours elles-mêmes au questionnaire. Elles sont parfois remplacées, en particulier dans les institutions, par une personne de l’entourage ou du personnel de l’établissement. C’est le cas en particulier pour les enfants ainsi que les personnes les plus dépendantes ou ayant des troubles psychiques les plus importants.

20Cela introduit des écarts entre les différentes réponses puisque ce sont des points de vue différents qui sont retenus suivant les personnes enquêtées. Certes, la déficience n’est pas une question d’opinion, mais on imagine sans peine les limites des résultats obtenus ! Il n’est cependant pas possible de les estimer précisément à partir de l’enquête HID. Il faudrait pour cela disposer d’un sous-échantillon pour lequel on aurait les réponses fournies par la personne et par celle qui répond à sa place (entourage ou professionnel). Cependant, on sait que les écarts peuvent être non négligeables. Dans l’enquête sur les Établissements d’hébergement pour personnes âgées (EHPA) réalisée par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) en 2000, deux questions ont été posées en termes voisins aux résidents et à l’établissement. Même si ces questions ne portent pas sur les déficiences (mais sur l’autonomie vis-à-vis de la toilette, d’une part, de l’habillage, d’autre part), elles permettent d’illustrer les différences de point de vue entre répondants (Caillot, 2002). Il en ressort en particulier que l’appréciation de l’autonomie est beaucoup plus nuancée chez les résidents que chez les gestionnaires, ces derniers ayant une représentation, sans doute assez stéréotypée, qui évolue brutalement en fonction du Groupe iso-ressources (GIR) [3] des personnes âgées.

21Les remarques qui précèdent n’enlèvent rien à l’intérêt de l’enquête. En particulier, un apport fondamental de l’enquête HID (qui n’est pas propre à la quantification ou à l’analyse des déficiences) est de mesurer les caractéristiques (démographiques, sociales, économiques) des personnes. Certaines analyses simples permettent déjà de souligner des phénomènes intéressants. Ainsi, par exemple, les personnes ayant des déficiences visuelles sont bien souvent des personnes âgées. Parmi les personnes vivant en domicile ordinaire, avant 20 ans, une sur 10 000 est « complètement » aveugle ; ce taux augmente avec l’âge ; il est de 13 pour 10 000 pour les personnes ayant de 60 à 79 ans et 150 pour 10 000 au-delà.
Évidemment, on peut réaliser un très grand nombre de traitements à partir des données disponibles, les seules limites étant la curiosité des chercheurs et la taille de l’échantillon enquêté (on y reviendra plus loin). On peut ainsi réaliser des études où sont pris en compte l’âge, le sexe, la configuration familiale, la catégorie sociale, les revenus, etc., des personnes. Ce qui différencie de beaucoup l’enquête HID des autres sources d’information existant sur le handicap (Colin et Ralle, 2001).

L’échantillon

22Il y a cependant une limite importante dans l’appréhension des déficiences par l’enquête HID, qui n’est pas propre à la question des déficiences mais qui est liée à la taille de l’échantillon. Cette limite résulte presque mécaniquement des contraintes budgétaires qui conduisent à ce que la taille de l’échantillon soit « trop faible » par rapport aux besoins d’analyse.

23Comme pour toute enquête statistique, les résultats obtenus donnent une estimation des vraies données. Ainsi, chacun des chiffres est à entourer d’un « intervalle de confiance ». Cette limite, liée au fait que HID est une enquête par sondage (et non un recensement) est bien connue des responsables de l’enquête qui fournissent des intervalles de confiance, pour quelques données, dans INSEE-Résultats (Goillot et Mormiche, 2001, 2002).

24En pratique cette limite n’a pas une grande importance pour la plupart des résultats sur les déficiences, mais a une importance fondamentale quand les taux de prévalence sont faibles. Aussi, il est important de préciser les ordres de grandeur pour les estimations du nombre de personnes concernées par des déficiences à prévalence faible. Le calcul du vrai « intervalle de confiance » dépend du plan de sondage spécifique de l’enquête et de la variable que l’on cherche à mesurer. Un premier ordre de grandeur peut cependant être obtenu à partir de formules purement théoriques.

25Ainsi, dans un sondage aléatoire simple, imaginons le cas où 20 000 personnes sont interrogées parmi une population de 60 millions et où le taux de prévalence d’une déficience particulière estimé par l’enquête est de 1 pour 10 000. Le nombre de personnes ayant cette déficience est alors estimé à 6 000. Cependant le vrai nombre de personnes ayant cette déficience peut s’élever jusqu’à 14 000. À ce faible niveau de prévalence, la marge d’erreur est plus forte que le nombre de personnes indiqué par l’enquête !

26L’écart entre ces deux chiffres est beaucoup plus important que ce qui peut être l’enjeu des politiques publiques. Imaginons qu’il existe 10 000 places pour les personnes ayant cette déficience. C’est bien plus que 6 000 (le nombre de personnes ayant cette déficience selon l’enquête) mais bien moins que 14 000 (tout à fait possible selon l’enquête)…
La précision d’HID est, en général, plus élevée (car la méthode de sondage est plus complexe que le tirage aléatoire simple). Cependant, il ne faut se faire aucune illusion sur la précision des chiffres obtenus pour les déficiences à prévalence relativement faible, ni sur celle des chiffres obtenus pour des prévalences relativement plus importantes, mais que l’on cherche à mesurer sur des groupes restreints (par exemple les personnes ayant de 20 à 25 ans…). À titre d’information, on signale ici que dans l’exemple précédent, si le taux de prévalence observé était de 1 pour 1 000, le nombre de personnes ayant la déficience considérée se situerait très probablement dans une plage comprise entre 30 000 et 90 000 donc avec une amplitude d’un ordre de grandeur à peu près équivalent à celui du nombre observé (60 000).

La gravité des déficiences

27Jusqu’à présent, c’est par abus de langage que l’on a parlé de « personnes ». En fait dans le tableau 1 « l’unité statistique » est la « déficience ». Or, les déficiences ne sont pas exclusives l’une de l’autre. De plus, leur mention ne comporte pas en elle-même d’indication directe sur leur gravité. Pour analyser le handicap, il est bien plus pertinent de créer des « groupes exclusifs de déficiences », caractérisés par le fait que chaque personne est dans un groupe et un seul. On a ainsi une première mesure de la gravité des déficiences pour les personnes, par leur cumul. En utilisant les informations obtenues sur les incapacités, on peut en outre cerner plus précisément la gravité de la situation des personnes.

Les groupes exclusifs de déficiences

28Un apport de l’enquête HID est de permettre de créer des groupes de déficiences exclusives (et d’analyser les caractéristiques des personnes en faisant partie). Deux classifications ont été réalisées. L’une par une équipe du Centre technique national d’études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations (CTNERHI-Roussel et Sanchez, 2001), l’autre par le groupe de projet HID (Goillot et Mormiche, 2001).

29Roussel et Sanchez (2001) discutent les caractéristiques que devrait avoir une bonne classification. Elle devrait être très fine pour permettre de regrouper des personnes aux caractéristiques de déficiences proches mais elle devrait être assez large pour permettre de constituer des groupes relativement importants (afin de réaliser les traitements statistiques adéquats).

30Enfin les groupes constitués doivent être homogènes en fonction de l’impact des déficiences sur certaines variables (par exemple les difficultés dans la vie quotidienne).

31La classification du CTNERHI a été présentée au colloque organisé par la DREES à Dourdan en 2001 [4]. Neuf groupes sont constitués (plus un dixième groupe de personnes sans déficiences) eux-mêmes répartis en vingt et un sous-groupes. Les groupes initiaux sont six groupes de « monodéficiences » (motrices, visuelles, auditives, du langage, viscérales et finalement intellectuelles et psychiques), deux groupes de « pluridéficiences » (d’une part, associations de déficiences physiques sans déficience intellectuelle et psychique, d’autre part, associations de déficiences physiques et psychiques) et un groupe de déficiences non précisées. Le principal résultat obtenu est qu’en établissement, les pluridéficiences sont majoritaires (deux cas sur trois) et sont très présentes même en dehors du champ « personnes âgées » (40 % chez les moins de 60 ans). Pour les personnes vivant à leur domicile, l’étude indique que les pluridéficiences seraient moins nombreuses [5]. Le découpage en vingt et un groupes s’effectue en tenant compte des conséquences des déficiences en matière d’incapacité dans la vie quotidienne. Selon les auteurs, des travaux antérieurs réalisés par le CTNERHI permettraient de les identifier.
Dans la classification du groupe de projet HID, neuf groupes sont constitués (dont un constitué des personnes n’ayant aucune déficience) [6] :

32

  • présence de déficiences exclusivement intellectuelles ou mentales ou associées aux déficiences du langage (groupe 1) ;
  • présence de déficiences exclusivement motrices ou associées aux déficiences du langage (groupe 2) ;
  • présence de déficiences visuelles, auditives, du langage, métaboliques et viscérales exclusives ou associées (groupe 3) ;
  • présence de déficiences motrices et intellectuelles et mentales exclusives ou associées (groupe 4) ;
  • présence de déficiences visuelles, auditives, du langage, métaboliques et viscérales associées aux déficiences intellectuelles et mentales (groupe 5) ;
  • présence de déficiences visuelles, auditives, du langage, métaboliques et viscérales associées aux déficiences motrices (groupe 6) ;
  • présence de déficiences visuelles, auditives, du langage, métaboliques et viscérales non associées aux déficiences motrices (groupe 7) ;
  • déficiences qui n’ont pas été précisées (groupe 8) ;
  • absence de toute déficience (groupe 9).
Trois des groupes sont constitués de personnes ayant une monodéficience (intellectuelle ou mentale, motrice, une autre physique) ; quatre de personnes ayant des pluridéficiences.
Un premier résultat est qu’en domicile ordinaire, environ trois personnes sur cinq n’ont aucune déficience ; elles ne sont que 2 % dans ce cas en établissement [7].
La répartition des personnes par groupe exclusif de déficiences, telle qu’elle résulte des données non recodées (donc proches des déficiences ressenties) est présentée dans le tableau 2.

Tableau 2

Proportion de personnes suivant le groupe exclusif de déficience. Données non recodées (en %)

Tableau 2
Groupe Domicile Établissement Déficiences à caractéristique mentale ou intellectuelle exclusive ou associée dont présence de déficiences exclusivement intellectuelles ou mentales ou associées aux déficiences du langage (01) 2,9 24,1 dont présence de déficiences motrices et intellectuelles et mentales exclusives ou associées (04) 2,0 26,8 dont présence de déficiences visuelles, auditives, du langage, métaboliques et viscérales associées aux déficiences intellectuelles et mentales (05) 1,5 7,7 Déficiences motrices ou physiques exclusives ou associées dont présence de déficiences exclusivement motrices ou associées aux déficiences du langage (02) 6,3 13,6 dont présence de déficiences visuelles, auditives, du langage, métaboliques et viscérales exclusives ou associées (03) 9,1 4,5 dont présence de déficiences visuelles, auditives, du langage, métaboliques et viscérales associées aux déficiences motrices (06) 4,5 17,2 Lecture : avant recodage 2,9 % des personnes vivant à domicile font partie du groupe 01 ; c’est le cas de 24,1 % des personnes vivant en établissement. Source : Insee, enquête « Handicaps, incapacités, dépendance », 1998 et 1999.

Proportion de personnes suivant le groupe exclusif de déficience. Données non recodées (en %)

33Les groupes 1, 4 et 5 qui correspondent aux déficiences mentales ou intellectuelles, exclusives ou associées représentent 6,4 % des personnes vivant en domicile ordinaire et 58 % de celles vivant en établissement. Pour plus de la moitié de ces personnes, à domicile comme en établissement, ces déficiences sont associées à des déficiences autres que celles du langage.

34Les groupes 2, 3 et 6 qui correspondent aux déficiences motrices et physiques (sans déficiences mentales ou intellectuelles), exclusives ou associées représentent 20 % des personnes vivant en domicile ordinaire et 35 % de celles vivant en établissement.
Le recodage ne modifie pratiquement pas la proportion de personnes n’ayant aucune déficience. Il a comme principale conséquence d’augmenter fortement la proportion de personnes ayant des déficiences mentales ou intellectuelles, exclusives ou associées, principalement quand elles vivent à domicile. Elles représentent 6,4 % des personnes vivant à domicile avant recodage et 15,8 % après (tableau 3).

Tableau 3

Proportion de personnes suivant le groupe exclusif de déficience. Données recodées (en %)

Tableau 3
Groupe Domicile Établissement Déficiences à caractéristique mentale ou intellectuelle exclusive ou associée dont présence de déficiences exclusivement intellectuelles ou mentales ou associées aux déficiences du langage (01) 6,9 17,9 dont présence de déficiences motrices et intellectuelles et mentales exclusives ou associées (04) 5,2 25,1 dont présence de déficiences visuelles, auditives, du langage, métaboliques et viscérales associées aux déficiences intellectuelles et mentales (05) 3,7 18,7 Déficiences motrices ou physiques exclusives ou associées dont présence de déficiences exclusivement motrices ou associées aux déficiences du langage (02) 5,7 6,1 dont présence de déficiences visuelles, auditives, du langage, métaboliques et viscérales exclusives ou associées (03) 9,1 5,6 dont présence de déficiences visuelles, auditives, du langage, métaboliques et viscérales associées aux déficiences motrices (06) 5,4 18,3 Lecture : après recodage, 6,9 % des personnes vivant à domicile font partie du groupe 01 ; c’est le cas de 17,9 % des personnes vivant en établissement. Source : Insee, enquête « Handicaps, incapacités, dépendance », 1998 et 1999.

Proportion de personnes suivant le groupe exclusif de déficience. Données recodées (en %)

Appréhender la gravité des déficiences en prenant en compte les incapacités

35L’enquête HID permet de mesurer vingt-huit incapacités regroupées en sept groupes. Les résultats sur l’ensemble de la population sont présentés dans le tableau 4.

Tableau 4

Incapacités

Tableau 4
Incapacités fait habituellement sa toilette avec beaucoup de difficultés ou avec une aide s’habille et se déshabille avec beaucoup de difficultés ou avec une aide coupe sa nourriture ou se sert à boire avec beaucoup de difficultés ou avec une aide une fois que la nourriture est prête, mange et boit avec beaucoup de difficultés ou avec une aide 3 % 2 % 2 % 1 % Groupe « toilette, habillage, alimentation » 3 % va aux toilettes avec beaucoup de difficultés ou avec une aide a des difficultés à contrôler ses selles ou ses urines 1 % 2 % Groupe « hygiène de l’élimination » 2 % est confiné au lit, à la chambre ou à l’intérieur du logement se couche, se lève et s’assied avec beaucoup de difficultés ou avec une aide se déplace dans toutes les pièces de l’étage avec beaucoup de difficultés ou avec une aide monte ou descend un étage avec beaucoup de difficultés ou avec une aide (ou est en fauteuil) utilise l’ascenseur avec beaucoup de difficultés ou avec une aide sort de son domicile avec beaucoup de difficultés ou avec une aide porte un objet de 5 kg sur une distance de 10 mètres avec beaucoup de difficultés, ou ne peut pas le faire 2 % 2 % 1 % 8 % 1 % 4 % 7 % Groupe « mobilité, déplacements » 11 % prépare ses repas avec beaucoup de difficultés ou avec une aide (et aurait beaucoup de difficultés à le faire en cas de besoin) 1 fait les tâches ménagères courantes avec beaucoup de difficultés ou avec une aide (et aurait beaucoup de difficultés à le faire en cas de besoin) 1 commande et prend un taxi, ou emprunte le réseau de transports en commun avec beaucoup de difficultés ou avec une aide (et aurait beaucoup de difficultés à le faire en cas de besoin) 1 prend les médicaments prescrits par son médecin avec beaucoup de difficultés ou avec une aide (et aurait beaucoup de difficultés à le faire en cas de besoin) 1 2 % 4 % 3 % 1 % Groupe « tâches ménagères et gestion » 1 6 % ne peut pas se servir seul du téléphone communique avec son entourage avec beaucoup de difficultés ou avec une aide, ne communique pas ne se souvient pas toujours à quel moment de la journée on est a des difficultés à trouver seul son chemin, n’y parvient pas 1 % 1 % 3 % 2% Groupe « communication à distance, cohérence, orientation » 5 %
Tableau 4
a beaucoup de difficultés à voir de près, même avec ses lunettes, ou n’y parvient pas a beaucoup de difficultés à reconnaître le visage d’une personne à 4 mètres, même avec ses lunettes, ou n’y parvient pas a beaucoup de difficultés à entendre ce qui se dit dans une conversation, même avec son appareil, ou n’y parvient pas a beaucoup de difficultés à parler, ou n’y parvient pas 2 % 1 % 8 % 2 % Groupe « vue, ouïe, parole » 11 % se coupe les ongles des orteils avec beaucoup de difficultés ou avec une aide se sert de ses mains et de ses doigts avec beaucoup de difficultés ou avec une aide se penche et ramasse un objet sur le plancher avec beaucoup de difficultés ou avec une aide 7 % 2 % 5 % Groupe « souplesse, manipulation » 9 % 1 Uniquement pour les personnes à domicile. Source : HID « Institutions » 1998 et HID « Domicile » 1999.

Incapacités

363 % des personnes ont une incapacité du groupe « toilette, habillage, alimentation » ; 2 % du groupe « hygiène de l’élimination », 11 % du groupe « mobilité, déplacements », 6 % du groupe « tâches ménagères et gestion », 5 % du groupe « communication à distance, cohérence, orientation », 11 % du groupe « vue, ouïe, parole », 9 % du groupe « souplesse, manipulation ».
En croisant le nombre d’incapacités avec les groupes exclusifs de déficiences, on peut obtenir un indicateur des conséquences du handicap dans la vie quotidienne, en fonction des déficiences. On a ainsi une nouvelle mesure de la gravité du handicap, différente de celle obtenue à partir des seules déficiences (et qui n’est disponible que pour certaines d’entre elles, cf. supra). Le tableau 5 présente les résultats pour les personnes vivant à leur domicile.

Tableau 5

Nombre d’incapacités en fonction des groupes exclusifs de déficiences – Domicile

Tableau 5
Nombre d’incapacités 0 1 2 3-4 5-6 7 et + Moyenne Groupe de déficiences Monodéficiences Intellectuelle et mentale (IME) 82 % 11 % 3 % 2% 2% 1 % 0,4 Motrice 67 % 15 % 6 % 7 % 3 % 3 % 0,9 Autre physique 62 % 27 % 7 % 2 % 2 % 1 % 0,6 Pluridéficiences, dont IME IME et motrice 24 % 12 % 11 % 17 % 12 % 24 % 4,5 IME et autre(s) physique(s) 38 % 28 % 10 % 8 % 4 % 11 % 2,2 Pluridéficiences physiques dont motrice 23 % 21 % 13 % 13 % 12 % 18 % 3,4 sans motrice 19 % 44 % 13 % 13 % 3 % 8 % 2,0 Pas de déficience 100 % 0,0 Remarque : données recodées. Lecture : 82 % des personnes faisant partie du groupe de monodéficience « Intellectuelle et mentale » n’ont aucune incapacité ; 11 % ont une incapacité, etc. Le nombre moyen d’incapacité dans ce groupe est de 0,4. Source : Insee, enquête « Handicaps, incapacités, dépendance », 1998 et 1999.

Nombre d’incapacités en fonction des groupes exclusifs de déficiences – Domicile

37Pour les personnes vivant en domicile ordinaire, une grande majorité d’entre elles appartenant à des groupes de monodéficiences n’ont aucune incapacité (82 % pour les déficiences intellectuelles et mentales, 67 % pour les déficiences motrices, 62 % pour les autres déficiences physiques). Leur nombre moyen d’incapacité est faible (inférieur à un). La proportion de personnes ayant une seule déficience est respectivement de 11 %, 15 %, 27 % dans chacun des trois groupes. Le nombre de personnes ayant sept incapacités ou plus est respectivement de 1 %, 3 % et 1 %. Ainsi, alors même que les données utilisées ici sont recodées, il semble qu’une part importante des déficiences observées dans l’enquête n’aient pas des conséquences extrêmement graves pour une grande part des personnes concernées, en terme d’incapacités dans la vie quotidienne, quand ce sont des monodéficiences déclarées par des personnes vivant à domicile.

38Il n’en est pas de même pour une large majorité des personnes ayant des pluridéficiences. Selon les groupes, la proportion de personnes n’ayant aucune incapacité varie entre 19 % et 38 %, celle des personnes ayant le nombre moyen d’incapacités entre 2 % et 4,5 % et la proportion de personnes ayant au moins sept incapacités entre 8 % et 24 %.
Ce n’est pas le cas non plus pour les personnes vivant en établissement (tableau 6).

Tableau 6

Nombre d’incapacités en fonction des groupes exclusifs de déficiences – Établissement

Tableau 6
Nombre d’incapacités 0 1 2 3-4 5-6 7 et + Moyenne Groupe de déficience Monodéficiences Intellectuelle et mentale (IME) 27 % 18 % 12 % 15 % 12 % 16 % 3,1 Motrice 7 % 12 % 10 % 19 % 18 % 34 % 5,3 Autre physique 11 % 17 % 13 % 16 % 17 % 26 % 4,7 Pluridéficiences, dont IME IME et motrice 1 % 2 % 3 % 6 % 7 % 82 % 12,3 IME et autre(s) physique(s) 2 % 4 % 5 % 10 % 9 % 70 % 10,5 Pluridéficiences physiques dont motrice 1 % 1 % 4 % 10 % 13 % 71 % 9,9 sans motrice 1 % 4 % 7 % 12 % 13 % 62 % 8,9 Pas de déficiences 84 % 5 % 1 % 0 % 10 % 1 % 0,7 Remarque : données recodées. Lecture : voir tableau 5. Source : Insee, enquête « Handicaps, incapacités, dépendance », 1998 et 1999.

Nombre d’incapacités en fonction des groupes exclusifs de déficiences – Établissement

39En établissement, la proportion de personnes n’ayant aucune incapacité est très faible, dès lors qu’elles ont une déficience. Le nombre moyen d’incapacités varie de 3,1 pour les personnes faisant partie du groupe de monodéficiences « intellectuelles et mentales » à 12,3 pour les personnes faisant partie du groupe de pluridéficiences « intellectuelles et mentales et motrices ». Dans ce dernier groupe, plus de quatre personnes sur cinq ont au moins sept incapacités.

40* * *
Présenter une liste de quarante-huit déficiences, cela peut sembler beaucoup pour analyser globalement la question du handicap mais reste très peu pour étudier une forme particulière de handicap. De plus, on recouvre sous une même rubrique des déficiences dont les niveaux de gravité sont très différents. Ainsi, on peut difficilement étudier la gravité du handicap. En conséquence, on obtient certains résultats qui semblent parfois étonnants. Par exemple, comme on l’a vu, selon l’enquête HID, à domicile trois personnes sur cinq ne souffrent d’aucune déficience, ce qui signifie a contrario que deux personnes sur cinq souffrent d’au moins une déficience. De plus, à domicile, une grande majorité des personnes appartenant aux groupes de monodéficiences n’ont aucune incapacité. Il est bien clair que ces personnes sont relativement éloignées de la représentation « spontanée » que l’on peut avoir de la personne handicapée. Ainsi, pour contourner, au moins partiellement, les difficultés posées par la mesure des déficiences, il faut faire appel aux questions sur les incapacités. Un enseignement important doit en être tiré : l’analyse du lien entre incapacités et déficiences doit se faire avec prudence, les premières ayant souvent contribué à la mesure des secondes.

Annexe

Les personnes handicapées vieillissantes

41Selon l’enquête HID, entre 40 000 et 50 000 personnes définies comme handicapées vieillissantes vivent avec leurs parents. La cohabitation se fait avec la mère seule dans deux cas sur trois. Ces personnes sont âgées de 48 ans en moyenne, alors que l’âge moyen des mères est de 75 ans. Dans 86 % des cas, la personne handicapée vieillissante présente une déficience intellectuelle ou mentale.

42Ces quelques chiffres montrent tout l’intérêt de l’enquête, en termes de politiques publiques. Ces personnes handicapées vieillissantes ont en effet des soutiens familiaux très âgés et vont devoir faire face à des difficultés probables avec le vieillissement puis le décès de leurs parents.

43• Comment, à partir de l’enquête peut-on caractériser cette population ? Une difficulté majeure consiste à identifier la population que l’on vise sous le terme de « handicapés vieillissants », largement utilisé, repris par la presse, mais qui manque d’une définition scientifique et précise. Il semble en particulier nécessaire de distinguer les personnes handicapées vieillissantes des personnes âgées devenues handicapées avec l’âge. D’où l’intérêt de l’enquête HID : le handicap y est mesuré de manière pluridimensionnelle, l’absence de cloisonnement par âge permet de comparer les personnes handicapées vieillissantes aux personnes handicapées « jeunes » ou aux personnes âgées sans handicap, la dimension rétrospective permet de dater l’apparition des incapacités.

44• Outre le fait qu’il faut adopter une définition du handicap, il est donc nécessaire de pouvoir dater sa survenue. Hélène Michaudon [8] s’appuyant sur les travaux de Catherine Goillot et Pierre Mormiche [9], retient un âge de survenue du handicap inférieur à 20 ans, de manière à étudier des situations dans lesquelles les individus ont abordé l’âge adulte en étant handicapés. Ceci conduit par exemple à ne pas s’intéresser aux cas de maladies ou d’accidents invalidants ayant touché des personnes déjà engagées dans la construction de leur vie professionnelle et familiale.

45• Enfin, il faut déterminer un âge à partir duquel la personne handicapée peut être considérée comme vieillissante, ce qui, pour une large part aussi, reste assez conventionnel. Le même auteur retient l’âge de 40 ans en s’appuyant sur le fait qu’une fatigabilité accrue et une perte de performances ont été observées chez des personnes handicapées travaillant en Centre d’aide pour le travail (CAT) autour de 45 à 50 ans.

46Le handicap est défini au regard à la fois d’un critère de déficience et d’un critère d’incapacité.

47Ce sont les déficiences recodées qui sont utilisées. L’information obtenue dans cette phase de recodage éloigne les réponses des déclarations spontanées des personnes, qui correspondent probablement aux déficiences les plus ressenties. De plus, et c’est un point essentiel compte tenu du sujet traité, l’équipe médicale a enrichi la description des déficiences d’une période de survenue (avant la naissance ou à la naissance, enfance ou adolescence, âge adulte, vieillesse), établie à partir de la nature de la déficience, de son origine et de l’âge de la personne. Cette variable, inexistante dans le questionnaire, est destinée à rendre exploitable une information présente dans certains libellés en clair, pour 40 % des déficiences recodées.

48En ce qui concerne les incapacités, il convient de signaler que pour la plupart d’entre elles, la date de survenue est connue, mais que cette datation repose sur une déclaration individuelle, sujette aux biais habituels de mémorisation.

49Il est à noter que certaines incapacités, dont on s’attendrait à ce qu’elles permettent une détection du handicap mental, révèlent, en fait, d’autres types de difficultés. C’est le cas de la capacité à remplir sans aide les formulaires simples, qui détecte plutôt un handicap « social » (illettrisme, mauvaise maîtrise du français…). Ceci n’a donc pas été conservé dans les critères de définition retenus.

50Dans l’échantillon enquêté, seules 44 % des personnes de plus de 40 ans ayant eu une déficience avant l’âge adulte ou une incapacité avant 20 ans sont considérées comme handicapées vieillissantes. 43 % ont une déficience survenue avant l’âge adulte sans avoir eu d’incapacité avant 20 ans ; 13 % ont une incapacité survenue avant 20 ans sans déficience avant l’âge adulte. Une forte proportion de personnes est donc dans une catégorie de « déficiences sans incapacité » ou « d’incapacité sans déficience ». Si le premier cas est tout à fait possible (par exemple les personnes diabétiques peuvent être dans cette situation), le second semble moins vraisemblable, ce qui indique bien le caractère un peu fragile de la mesure de chacune des notions prises en compte.

51Avec ces définitions, on obtient environ 635 000 personnes handicapées vieillissantes dont 267 000 sont âgées de 67 ans ou plus. Avec des critères plus larges, incluant les déficiences non datées, leur nombre aurait été plus proche de 800 000, 48 % d’entre elles étant âgées de 60 ans ou plus.

52Dans les déficiences survenues au début de la vie, il y a une nette dominance des déficiences auditives, suivies par les déficiences visuelles et les déficiences du langage. Les déficiences motrices sont moins fréquentes, surtout lorsqu’elles sont plus graves. Les déficiences intellectuelles ou mentales sont quant à elles liées au quart des handicaps d’origine. Les causes du handicap ancien sont donc diverses et les populations recouvertes par le thème « personnes handicapées vieillissantes » hétérogènes.

53L’étude d’Hélène Michaudon permet de décrire les difficultés d’insertion sociale des personnes handicapées vieillissantes. Ainsi, par exemple, 43 % des personnes handicapées vieillissantes de 50 ans et plus, encore en activité, déclarent être limitées dans le genre et la quantité de travail, du fait de leur état de santé (7 % des autres actifs de 50 ans et plus).
À partir des analyses par date d’apparition des déficiences et des incapacités, on peut effectuer des diagnostics relativement fins sur les évolutions survenues au cours de la vie pour les personnes déjà handicapées. L’avancée en âge s’accompagne d’une augmentation des déficiences et des incapacités. Par exemple, on observe que 13 % des personnes handicapées vieillissantes ont des difficultés à faire leur toilette alors que seulement 7 % d’entre elles connaissaient cette difficulté avant l’âge de 20 ans.
En ce qui concerne les personnes handicapées vieillissantes, une question sensible est celle de leur avenir. La presse s’est souvent fait l’écho du devenir de personnes handicapées depuis l’enfance, vivant avec leurs parents et vieillissants avec eux. C’est l’angoisse des parents devenant eux-mêmes des personnes âgées qui est bien souvent reflétée par le grand public, les familles et les associations.

Notes

  • [*]
    Sous-directeur à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées.
  • [1]
    Pour la définition des déficiences au sens de l’enquête HID, se reporter à l’article de Pierre Mormiche, « L’enquête HID : apports et limites » dans ce numéro, (ndlr).
  • [2]
    Pour la définition d’« incapacité » se reporter à l’article de P. Mormiche dans le même numéro, op. cit., (ndlr).
  • [3]
    Pour plus de précisions sur cet indicateur, se reporter à l’annexe de l’article de C. Colin dans le présent numéro.
  • [4]
    De ce fait, compte tenu du moment où elle a été réalisée, elle utilise les données non recodées par le CREDES pour la partie « à domicile » de l’enquête, alors que pour la partie « en établissement » ce sont les données recodées qui sont retenues.
  • [5]
    Mais les données utilisées sont non recodées et il y a un nombre important de déficiences « non précisées ».
  • [6]
    Dans les numéros 83 et 84 d’INSEE-Résultats (2001), les groupes sont présentés à partir des données non recodées.
  • [7]
    À domicile, le nombre de personnes n’ayant aucune déficience diminue avec l’âge. Elles sont trois sur quatre environ avant 40 ans, deux sur trois entre 40 et 49 ans, un peu plus d’une sur deux entre 50 et 59 ans, une sur trois entre 60 et 69 ans, une sur quatre entre 70 et 79 ans, moins d’une sur dix entre 80 et 89 ans et moins d’une sur vingt au-delà.
  • [8]
    Michaudon H., « Les personnes âgées vieillissantes une approche à partir de l’enquête HID », Études et Résultats, n° 204, décembre 2002.
  • [9]
    Goillot C., Mormiche P., « Enquête HID auprès des personnes vivant à domicile en 1999 », INSEE-Résultats, n° 83-84, août 2001.
Français

Résumé

L’article traite des déficiences telles qu’elles sont mesurées dans l’enquête HID en s’appuyant sur les documents déjà publiés ou en cours de publication, encore peu nombreux. Le parti pris est de présenter simplement les nombreux intérêts de l’enquête et d’en signaler (aussi simplement) ses limites. L’enquête HID permet de compter les déficiences. Une liste de 48 déficiences a été dressée et neuf groupes ont été constitués. Il faut signaler tout l’intérêt et toutes les limites du mode de mesure des déficiences par l’enquête HID : les déficiences sont obtenues à partir des déclarations des personnes (ou parfois de leur entourage). On obtient ainsi une vision très intéressante des déficiences « ressenties » par les personnes, qui peut cependant être difficile à interpréter.

Bibliographie

  • Caillot L., « L’appréhension de la personne âgée dans les enquêtes statistiques », Solidarité-Santé, à paraître.
  • Colin C., Ralle P., contribution au colloque « Les enquêtes HID : choix méthodologiques et mise en perspective internationale », Inserm, Ined, 2001.
  • Goillot C., Mormiche P., « Enquête “Handicaps, incapacités, dépendance” en institution en 1998 », INSEE-Résultats, collection « Démographie-Société », n° 83-84, 2001.
  • Goillot C., Mormiche P., « Enquête “Handicaps, incapacités, dépendance” auprès des personnes vivant à domicile en 1999 », INSEE-Résultats, collection « Société », n° 6, 2002.
  • Michaudon H., « Les personnes handicapées vieillissantes, une approche à partir de l’enquête HID », Études et Résultats, n° 204, décembre 2002.
  • Roussel P. et Sanchez J., « Les groupes exclusifs de personnes déficientes : mode de constitution, apports et limites », communication au séminaire de recherche HID, Dourdan, octobre 2001.
Pierre Ralle [*]
Sous-directeur, sous-direction « Observation de la solidarité » à la DREES, ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées.
  • [*]
    Sous-directeur à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/07/2010
https://doi.org/10.3917/rfas.031.0055
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