Environnement, vie sociale et citoyenneté : de grands débats en quête de données empiriques
1La production d’une nouvelle Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) (OMS, 2001) a donné une réponse opérationnelle aux questions de l’environnement et de la participation sociale, qui tiennent une place importante dans la recherche et dans les débats relatifs aux politiques du handicap. De fait, ces questions ont une dimension conceptuelle et des conséquences pratiques considérables et, s’il est essentiel de disposer d’un cadre qui facilite leur représentation empirique et leur analyse, il faut reconnaître qu’elles ne sont pas encore consensuelles.
2L’environnement désigne pour la CIF, l’ensemble de facteurs physiques, sociaux et comportementaux qui caractérisent le milieu de vie d’une personne et, à première vue, exogènes à l’individu. Pourtant, certains auteurs soutiennent que le handicap n’existe qu’au contact de l’environnement, si bien que les facteurs environnementaux sont parties prenantes de la définition de la situation de personne handicapée (Minaire, 1983) : quelqu’un est handicapé dans un environnement particulier et, éventuellement, ne l’est pas dans un autre. Du point de vue de l’action, il s’agit de toute façon de prendre la mesure du rôle de l’environnement dans la production du handicap et, a contrario, de concevoir un milieu physique et humain propice à la réduction des déficiences, incapacités ou désavantages dont souffrent certaines personnes, quelles qu’en soient les manifestations et l’origine. L’enjeu, c’est la définition d’une politique orientée vers la production de santé. Comment l’environnement peut-il contribuer à modifier la situation intrinsèque des personnes ? Quels éléments d’environnement induisent-ils des actions concrètes, améliorant la vie quotidienne des personnes et favorisant leur insertion sociale ?
3La participation sociale désigne la place prise par l’individu dans la société, c’est-à-dire les rôles qu’il tient au sein des activités que cette société développe ou des institutions qu’elle a créées, ainsi que les relations qu’il a avec les autres. Cette définition, générale et assez extensive, masque à l’évidence des difficultés conceptuelles, qui sont révélées notamment par la situation concrète des personnes atteintes de déficience ou d’incapacité. En particulier, il faut se demander si la notion de participation sociale renvoie uniquement à la place effective d’une personne dans la société, ce qu’on peut appeler sa vie sociale, sans référence particulière à sa situation relative au sein de la population, ou si elle tient compte des droits accordés à la personne en raison de son état physique ou mental. Ces droits dessinent, en effet, ce qu’on peut appeler la place reconnue à la personne ou encore son statut de citoyen et ils contribuent à déterminer sa place effective. Lorsque l’on parle de participation sociale, il peut donc être opportun de distinguer ce qui découle de l’observation de la vie sociale de ce qui renvoie à la citoyenneté, sachant que c’est autour de ce dernier concept que se différencient souvent les politiques du handicap. La notion de participation sociale des personnes handicapées appelle des mesures qui seront formulées en termes de compensation et de non-discrimination. L’enjeu est évidemment considérable d’un point de vue pratique (vie sociale), mais aussi d’un point de vue politique (citoyenneté). Dès lors que ces mesures découlent de droits s’appliquant à chacun selon son état du moment ou bien réservés à certains et mettant en œuvre pour eux seuls une discrimination positive permanente, une question est de savoir si la citoyenneté appliquée au handicap doit être la même pour tous (approche universaliste du handicap) ou si les personnes handicapées sont reconnues officiellement comme une minorité au sein de la population (approche spécifique du handicap).
4On ne peut pas progresser dans l’analyse des thèmes de l’environnement et de la participation sociale (ce dernier décliné en termes de vie sociale et de citoyenneté) sans données empiriques adéquates. Il faut bien dire à cet égard que les informations disponibles sont souvent fragmentées et ne conviennent pas au traitement de thèmes aussi complexes. C’est pourquoi les enquêtes « Handicaps, incapacités, dépendance » (HID) méritent une attention particulière. Bien qu’elles aient été construites en référence à l’ancienne classification internationale et à l’approche de Wood (WHO, 1980, 1997), les enquêtes HID devraient contribuer à double titre au traitement des questions d’environnement et de participation sociale. D’abord parce qu’elles interrogent directement les personnes concernées sur certains aspects de l’environnement qui les entoure et sur leurs activités sociales, ce qui est relativement nouveau. Ensuite parce qu’elles sont susceptibles de donner une vision globale de l’impact de l’environnement sur la situation des personnes et de caractériser leur place dans la société. Toute une série de résultats obtenus à partir des enquêtes HID sur ces points sont d’ailleurs déjà disponibles.
5Vu l’importance des aspects conceptuels attachés à l’environnement ou à la participation sociale, il est utile de situer ces résultats dans le cadre des problématiques explicites ou implicites qui ont servi à les produire et de s’interroger sur la capacité des données à illustrer d’autres problématiques, qui sont encore insuffisamment traitées. Ainsi, ce texte a d’abord une vocation transversale en s’appuyant sur les résultats produits à partir de l’enquête HID ; mais il se situe aussi dans la perspective d’exploitations nouvelles des données en pointant les domaines liés à l’environnement, à la vie sociale et à la citoyenneté pour lesquels l’information apportée par HID est susceptible d’enrichir la recherche et les débats sur le handicap.
L’article indique d’abord les questions des enquêtes HID qui sont pertinentes pour traiter d’environnement et de participation sociale et cherche à quelle définition de ces notions, elles conduisent. Il recense ensuite les résultats des travaux qui ont, directement ou non, traité d’environnement et de participation, en privilégiant la mise en évidence de la problématique qu’ils ont suivie. Il discute enfin les résultats retenus, en vue d’exploitations nouvelles des enquêtes HID, sur la thématique indiquée. Quelques pistes sont proposées au cours de cette discussion.
La définition de l’environnement et de la participation sociale à partir des questionnaires des enquêtes HID
L’environnement et ses aspects
6À partir des enquêtes HID, on peut accéder à des informations sur les divers aspects de l’environnement. Il suffit pour cela d’utiliser les données d’ordre général (sur l’institution ou le ménage) et les réponses à un ensemble de questions issues des modules C (environnement sociofamilial), D (aides techniques et aménagement du bâtiment de logement), L (conditions de logement), R (revenu).
7On voit alors que, pour définir l’environnement des personnes handicapées, il est a priori commode de distinguer sa dimension physique de sa dimension humaine. Pour chacune de ces dimensions, l’environnement apparaît comme une collection d’éléments en relation plus ou moins directe avec la personne. Les uns relèvent de ce qu’on peut appeler le contexte environnemental de la personne ; d’autres d’un environnement plus individualisé, car leur présence correspond à l’exercice de fonctions directement liées aux déficiences ou aux incapacités dont la personne est atteinte ; d’autres enfin sont intermédiaires entre ces deux catégories.
8Ainsi, si l’on considère l’environnement physique, le lieu de vie (établissement ou domicile) constitue pour la personne un contexte environnemental, déterminé par ses dimensions physiques, son agencement et sa situation dans l’espace géographique qui régit notamment sa distance aux équipements collectifs. Par ailleurs, toute une série d’aides techniques dont l’usage est privatif, constituent l’environnement individualisé de la personne. Quant aux divers aménagements du lieu de vie, qui sont réalisés en partie en fonction de l’état de la personne, ils font partie de cet environnement individualisé, mais résultent aussi d’une adaptation du contexte.
9Pour l’environnement humain, on doit tenir compte de ce que chaque personne évolue dans un contexte déterminé par son milieu familial et social, caractérisé par un capital économique et un capital relationnel qui peuvent être mobilisés à son profit. Par ailleurs les aides humaines effectives permanentes constituent un environnement plus individualisé. L’aide informelle fournie à l’occasion par le réseau familial représente ici la catégorie intermédiaire d’environnement humain.
Le tableau 1 résume le contenu de l’environnement qui a été décrit grâce aux enquêtes.
Environnement décrit à partir de l’enquête HID

Environnement décrit à partir de l’enquête HID
10On notera aussi que quelques questions induisent un jugement de la personne sur son environnement (aide souhaitable, attente d’un autre logement) et peuvent servir à apprécier l’apport de l’environnement décrit par l’enquête.
La participation sociale : carrière sociale, activités, statut et droits
11La définition de la participation sociale est moins immédiate dans la mesure où la notion elle-même est particulièrement extensive. Il s’agit sans doute de décrire les relations qu’a la personne avec la société, ce qui fait prendre en considération ses relations avec autrui dans les termes où elles sont codifiées par la société, ainsi que ses relations avec les institutions. Cet ensemble peut être cerné à travers une connaissance de la carrière sociale de la personne, depuis la naissance jusqu’au décès – ce qui fait s’intéresser notamment à la scolarité, à l’accès au marché du travail, au statut matrimonial – et de toute une série d’activités qui la mettent en rapport avec l’espace ou les autres (déplacements, loisirs, etc.). Cette approche suffit déjà à mettre en évidence une série de désavantages subis par les personnes handicapées, dès lors qu’on compare la nature et l’intensité de leurs relations sociales à celles de la population générale. Mais la participation sociale ne peut être complètement appréciée qu’en tenant compte de la place donnée à la personne handicapée par la société, c’est-à-dire de ses droits et de son statut juridique ou administratif. D’une part, ceux-ci constituent une définition en soi du handicap. D’autre part, ils sont censés modifier sa situation par rapport aux autres et aux institutions. Par exemple la reconnaissance d’une incapacité va modifier considérablement l’accès au marché du travail de la personne concernée.
12Les enquêtes HID permettent de cerner ces divers aspects, repris dans le tableau 2. Outre la connaissance du lieu de vie, qui est un des facteurs de la participation sociale, on trouve dans les modules A (causes et origines des incapacités), B (incapacités), C (environnement sociofamilial), L (conditions de logement), T (déplacements), S (scolarité, diplômes), E (emploi), R (revenu) et G (désavantages) une série de questions permettant a priori de caractériser son niveau de participation sociale et son degré d’intégration.
On note que certaines variables du tableau 2 étaient déjà dans le tableau 1. Par exemple, le statut matrimonial était un indicateur de l’environnement humain dans le tableau 1, c’est un élément décrivant la carrière sociale dans le tableau 2. Cette redondance annonce, s’il en était besoin, que les deux notions ne sont pas indépendantes. Il serait difficile de parler de participation sociale sans évoquer l’environnement humain et un aspect de l’impact de l’environnement est de contribuer à une meilleure participation sociale des personnes.
La participation sociale dans HID

La participation sociale dans HID
Quelques résultats relatifs à l’environnement, à la participation sociale et à leurs relations, à partir des travaux publiés
13On ne cherchera pas ici à collationner tous les résultats relatifs aux variables qui ont été classées ci-dessus comme indicateurs de l’environnement et de la participation sociale des personnes handicapées. Ces données ont été présentées de façon systématique dans d’autres articles de ce numéro. On s’attachera uniquement à relever quelques éléments susceptibles d’éclairer les débats relatifs aux thèmes abordés ici et à leurs liaisons. Pour des raisons de place, on ne se livrera pas à une évaluation de la robustesse de certains résultats ou à la validité de certaines hypothèses.
Les travaux sur l’environnement
14Un certain nombre de travaux nous renseignent déjà sur l’environnement des personnes handicapées, en domicile ordinaire et en institution, mais ils ont été effectués en fonction d’objectifs variés.
L’environnement dans la description des conditions de vie : des contextes plus ou moins adaptés
15Un ensemble de travaux a eu pour but premier de décrire les conditions de vie des personnes handicapées, en tenant compte notamment de la nature du lieu de vie (type d’établissement par exemple) et de l’âge des personnes. Les éléments d’environnement physique apparaissent dans cette description et, s’ils contribuent d’abord à montrer la spécificité des lieux de vie, ils suggèrent aussi l’inadaptation de certains contextes.
16On observe, par exemple, sans trop de surprise que les conditions d’hébergement des enfants en internat favorisent la vie en commun (chambres collectives) (Monteil, 2001), alors que c’est la possibilité de donner à chacun un espace personnel qui va guider l’agencement des établissements pour adultes et personnes âgées. On peut aussi comprendre que l’utilisation d’aides techniques soit particulièrement répandue au sein des établissements. Il reste que l’existence d’un environnement spécifique ne préjuge pas des conditions de vie effectives des personnes et n’entraîne pas la suppression de toutes les difficultés liées à leur état. Pour les personnes vivant à domicile, on observe qu’une fraction assez importante d’enquêtes déclarent des difficultés d’accès chez eux, indiquant par là que la conception architecturale et l’adaptation de leur logement sont imparfaites (Sanchez, 2002 et Triomphe, 2002). L’hypothèse d’un déficit de compensation des déficiences ou des incapacités par l’aménagement de l’environnement physique du domicile, appelle une analyse plus fine, d’autant plus que l’environnement ne se révèle pas toujours négatif. Dans une étude du Centre Régional pour l’Enfance et l’Adolescence Inadaptées d’Île-de-France (CREAI) (Peintre, 2001) la construction d’une typologie des personnes selon leur état et selon l’environnement où ils évoluent, fait poser plus directement le problème du bénéfice d’un environnement aménagé et d’appareils adaptés au handicap sur l’autonomie de certaines personnes dans la vie courante. On identifie, en effet, une classe d’individus qui atteignent un certain degré d’autonomie grâce à un environnement adapté.
L’environnement humain et le choix du lieu de vie
17Un autre ensemble de travaux aborde implicitement la question de l’environnement physique à travers la problématique du choix du lieu de vie pour les enfants handicapés ou les personnes âgées (institution ou domicile) (Monteil, 2001 ; Bontout et al., 2002 ; Renaut, 2001). Mais ces travaux mettent en avant le rôle de l’environnement humain (réseau de parenté, famille) dans le maintien à domicile, ce qui réduit l’intérêt d’une interrogation sur une possible compensation par l’environnement physique, y compris par des aides techniques. L’interprétation sous-jacente est probablement qu’il existe un seuil de sévérité du handicap au-delà duquel la compensation par l’environnement physique est négligeable et où seul l’environnement humain peut avoir une certaine efficacité. Lorsque cet environnement est lui-même insuffisant à domicile, l’entrée en institution s’impose.
18Ce type d’argument fait comprendre que l’environnement humain ait particulièrement retenu l’attention des chercheurs et ait suscité un ensemble assez important de travaux, aussi bien à domicile qu’en institution. La question des aides et des « aidants », qui est évidemment en relation avec le problème de la dépendance, concerne a priori les personnes âgées, mais elle se pose aussi pour les adultes handicapés (Dutheil, 2001 et 2002). Les travaux réalisés à partir des enquêtes HID ont cherché à décrire le contenu de l’aide, dont la moitié vient de l’entourage immédiat à domicile, mais il est apparu que le volume de l’aide n’était pas quantifiable. L’appréciation du « burden » a également fait l’objet d’exploitations, ce qui représente un apport intéressant de ces enquêtes. Indépendamment de l’impact pour la personne de la mobilisation de l’environnement humain (les fonctions qui sont possibles), on s’intéresse ainsi à évaluer le coût des ressources correspondantes et il est alors pertinent de faire apparaître ce qui ne s’exprime pas directement en monnaie.
Les travaux sur la participation sociale
19Les résultats obtenus à partir des enquêtes HID sur le thème de la participation sociale sont encore assez disparates. La description de la vie sociale est plus souvent abordée que l’analyse des aspects de la citoyenneté.
La carrière sociale
20Pour ce qui relève de la carrière sociale des personnes handicapées, on dispose de plusieurs travaux à vocation descriptive qui montrent l’écart existant entre cette population et la population générale. Par exemple, l’exploitation du module relatif à l’emploi (Amar, 2001 et 2002) montre bien les difficultés d’insertion et de maintien sur le marché du travail. Plus généralement, la description statistique des activités des personnes handicapées montre en quoi leur vie sociale est très différente de celle de la population générale, donnant ainsi un tableau des désavantages qu’elles connaissent. Ces désavantages appellent des mesures correctrices qui seront d’autant plus efficaces qu’elles seront ajustées aux situations de handicap. C’est ce qui a amené certains chercheurs à construire une typologie des désavantages (Jourdain, Brzustowski, 2002) et à proposer que des politiques différentes soient appliquées aux catégories de personnes correspondantes. Ces politiques viseraient à promouvoir, en fonction de leur état, des actions non centrées sur l’aide humaine, mais privilégiant des aménagements de l’espace et des compensations financières.
Environnement humain et relations sociales
21Une autre manière de susciter des politiques adaptées aux désavantages est d’étudier comment l’environnement peut influencer la participation sociale. Plusieurs travaux ont abordé la question. Ils ont montré sans trop de surprise comment l’environnement humain des personnes handicapées conditionnait leur vie sociale et, à travers l’étude de leurs relations familiales et sociales (Aliaga, Neiss, 1999 ; Monteil, 2001 ; Michel, 2001), le rôle des proches est apparu prépondérant.
Environnement physique et participation sociale
22Mais l’environnement physique est susceptible aussi de favoriser ou de restreindre la participation sociale, comme on le voit lorsque celle-ci est étudiée selon le lieu de vie. La situation des enfants en internat est intéressante à cet égard (Monteil, 2001). Les travaux sur les pratiques sportives des personnes handicapées (Marcellini et al., 2002) apportent aussi des éléments instructifs. Certes les faits les plus saillants sont, d’une part, que ces pratiques sont plus fortes à domicile, concernent plus les hommes et qu’elles augmentent avec le milieu social, d’autre part, que les taux de pratique chutent avec le nombre de déficiences et avec l’âge. Mais on note quand même, en institution par rapport au domicile : un moindre poids des déficiences et une réduction de l’écart entre les genres, suggérant que l’environnement institutionnel a un impact non négligeable.
23Cet impact n’est pas nécessairement positif. Ainsi des chercheurs de l’Inserm (Giami, de Colomby, 2001) se sont intéressés à ce qu’ils appellent « les relations socio-sexuelles » en institution, reprenant ainsi la dénomination de Kinsey [1], mais pour désigner seulement un groupe de trois variables (le statut matrimonial, le fait de vivre ou d’avoir vécu en couple, d’avoir actuellement un partenaire sexuel, la fréquence des contacts) qui sont censées délimiter « l’ensemble des possibles en matière de sexualité ». Ils ont fait l’hypothèse que la déficience et la vie en institution étaient des obstacles à la possibilité d’avoir une relation socio-sexuelle et ont cherché à la vérifier en comparant la situation des personnes handicapées à celle de la population générale, telle que la présentait l’enquête sur les comportements sexuels des Français réalisée en 1992 (Spira et al., 1993). Ils montrent sans surprise la rareté des « relations » en institution, mais, de façon plus inédite, leurs résultats indiquent que les relations sont le fait des femmes plutôt que des hommes, ce qui est l’inverse de ce que l’on observe dans la population générale, que le rôle des déficiences est réduit par rapport à celui des incapacités et de la dépendance.
Citoyenneté : quelques éléments sur les statuts et les droits
24La reconnaissance de droits aux personnes handicapées est une démarche qui devrait permettre d’accroître leur participation sociale. Une telle assertion n’est pourtant pas simple à illustrer à partir de données d’enquête et ce genre de questions n’a pas été très étudié pour l’instant. En particulier, les travaux sur l’accès à l’emploi seraient très importants sur ce point et devraient être poursuivis en ce sens (Amar, 2002). Pour autant, la relation entre droits et handicap a fait l’objet d’investigations, dans deux directions. D’une part, l’écart entre handicap déclaré et reconnaissance sociale a été analysé (Ravaud et al., 2001 ; Ville, 2002). D’autre part, les situations limites de restriction des droits ordinaires de la personne ou de compensation de la « non-participation sociale » ont retenu l’attention. On recense ainsi quelques travaux portant sur les personnes placées sous un régime de protection juridique (Livinec et al., 2001 ; Pesce, Ravaud, 2001) qui ont surtout cherché à décrire la population à domicile et en institution. Par ailleurs, la question de la dépendance a évidemment fait l’objet de plusieurs études, notamment sous l’angle taxinomique, par exemple en liaison avec la grille AGGIR (Colin, 2002).
Discussion et perspectives sur la thématique de l’environnement, la vie sociale et la citoyenneté
Pour apprécier l’impact de l’environnement
25Les enquêtes HID ont accordé beaucoup de place à la description des incapacités dont les personnes sont atteintes et à celle de leur environnement. Elles fournissent ainsi un ensemble d’informations qu’il n’est pas toujours aisé de trouver simultanément et constituent, à ce titre, un progrès considérable. Or, les premiers travaux qui ont été réalisés à partir d’HID ont donné, à quelques exceptions près, peu d’attention aux questions d’environnement et l’environnement humain a plutôt été privilégié par rapport à l’environnement physique.
26En rapprochant les caractéristiques du handicap des personnes de facteurs qui sont susceptibles d’accroître ou de réduire leur importance, on a probablement la possibilité, sinon d’apprécier de façon rigoureuse l’impact de l’environnement sur la situation des personnes, mais au moins de formuler des hypothèses plus précises dans ce domaine. Il n’est évidemment pas simple, à partir de données synchroniques, d’imputer à des variables d’environnement une influence sur les incapacités ou les désavantages dont souffrent les personnes. On sait de toute façon (et certains des résultats présentés le suggèrent) qu’il existe plusieurs modalités d’action de l’environnement, notamment parce que les éléments qui le composent sont disparates, comme on l’a vu dans la première partie.
27Un élément d’environnement standard peut produire une difficulté (l’inaccessibilité d’un bâtiment par exemple) qui disparaît en cas d’aménagement. Des déficiences (ou des incapacités) individuelles seront plus ou moins causes d’incapacités (ou de désavantages) selon qu’une aide technique ou humaine adaptée sera ou non mise à la disposition de la personne. Dans la logique de la classification de Wood l’appréciation de l’impact de l’environnement passe en quelque sorte par un recensement d’éléments négatifs – qui définissent autant de besoins d’aménagement ou d’aide – et d’éléments positifs, ceux qui ont permis de réduire des incapacités (ou des désavantages), en présence de déficiences (ou d’incapacités).
Possibilités et limites de l’exploitation des données de HID sur l’environnement
28Pour effectuer ces recensements, il serait donc intéressant d’identifier dans les échantillons HID des personnes souffrant des mêmes déficiences (ou incapacités) et d’analyser l’environnement dans lequel elles s’insèrent, pour chercher à apprécier comment certaines incapacités (ou désavantages) ont pu être corrigées et d’autres non.
29Quelle est, a priori, la faisabilité de cette démarche ? D’abord il n’est pas sûr qu’il soit toujours possible de raisonner à déficience égale, vu la qualité des informations recueillies sur les déficiences. On peut utiliser les regroupements classiques des déficiences, mais on sait qu’on met alors ensemble des personnes atteintes de handicaps plus ou moins sévères. En revanche, le nombre de données disponibles sur les incapacités devrait permettre de se situer plus confortablement à ce niveau. Ensuite, on peut dire que l’approche de l’environnement découlant de la classification de Wood convient bien au questionnaire HID, dans la mesure où celui-ci a donné une grande place aux éléments individualisés de l’environnement (les aides techniques et humaines par exemple). Toutefois le relevé des associations entre incapacités et aides demandera quelques précautions d’interprétation. En dépit de l’attention particulière qui a présidé à la formulation des questions, il peut y avoir une sous-déclaration des incapacités lorsqu’elles font l’objet d’une compensation. L’association d’une incapacité et d’une aide peut être effective, mais donner lieu à des résultats différents. Enfin, il existe des possibilités de substitution entre aides techniques et aides humaines qui font qu’il y a plusieurs manières d’obtenir la compensation d’une incapacité.
30De toute façon, pour tenir compte de la combinaison des éléments d’environnement, il paraît intéressant d’envisager aussi une approche plus synthétique qui consisterait à examiner si des personnes souffrant de limitations fonctionnelles identiques et évoluant dans des environnements différents sont plus ou moins restreintes dans leurs activités. La question posée est ici celle de la possibilité de construire une typologie des environnements à partir des questionnaires HID. À cet égard, on peut noter que les questionnaires produisent de l’information à travers l’interrogation de la personne et que cette investigation débouche une description sommaire du lieu de vie. Or, on peut penser que l’ensemble des lieux de vie, domiciles individuels ou institutions, est hétérogène et, dans une perspective taxinomique, il vaudrait sans doute la peine de caractériser le lieu de vie de façon objective et aussi détaillée que possible.
31Pour les domiciles, il serait probablement possible d’avoir une description plus fine des logements des personnes enquêtées, mais la rentabilité de l’effort correspondant devrait être appréciée avant d’intégrer dans la base de données des indicateurs supplémentaires, à obtenir à partir d’autres sources Insee. A priori, l’enjeu est de pouvoir rapporter à des variables d’environnement physique une production ou une réduction de handicap, ce qui permettrait par exemple, d’affiner ou d’exprimer autrement les inégalités qui ont été mises en évidence en analysant les données selon le milieu social (Mormiche, 2002b). On peut, en effet, faire l’hypothèse que le logement est plus ou moins bien adapté aux personnes handicapées selon leur milieu social et, si elle est vérifiée, on aura un argument susceptible d’orienter plus concrètement une politique de réduction de l’inégalité sociale.
Pour les établissements, la question de la compensation par l’environnement serait à traiter en complétant les données utilisables dans la base, par des descripteurs de l’environnement physique (par exemple les équipements sanitaires d’usage non privatif pour les établissements pour enfants) et de l’environnement humain (les effectifs de personnels). Actuellement, dans la base HID, le contexte environnemental des établissements ne se différencie que par leur spécialisation (le type d’établissement), leur taille et leur degré d’éloignement des services collectifs. À nouveau – et sachant que les données existent au ministère de la Santé – se pose la question de l’intérêt de l’effort de collecte à réaliser pour mieux décrire le contexte environnemental des personnes vivant en institution. Ici l’enjeu peut s’exprimer de plusieurs façons. Il s’agit, bien sûr, de mieux cerner les facteurs sur lesquels faire porter une politique d’amélioration des établissements. Mais, c’est aussi l’occasion d’élargir aux établissements médico-sociaux le débat sur la performance, qui a été ouvert pour les hôpitaux de court séjour. Enfin, la question de l’impact de l’environnement sur le handicap en institution est importante pour apprécier plus objectivement les conditions faites aux personnes vivant en établissement.
L’environnement et le lieu de vie
32Les politiques menées en faveur des personnes âgées et handicapées ont privilégié depuis plusieurs décennies le maintien à domicile et fait considérer du même coup l’entrée en institution comme une décision de dernier recours. Ainsi deux types de facteurs sont essentiels pour l’entrée en établissement : l’état physique et mental de la personne, la capacité d’aide familiale au domicile. Le mode d’action de ces facteurs est complexe, car on sait (et notamment par HID) que l’entrée en institution n’est pas déclenchée pour toutes les catégories au même niveau de sévérité du handicap. Il reste qu’il existe une différence entre les populations des deux lieux de vie, les institutions contenant une population dont l’état de santé est plus mauvais et aussi une population plus isolée socialement. Les travaux produits à partir des enquêtes HID n’infirment pas ces résultats et confortent d’une certaine façon la représentation du domicile comme lieu de vie plus favorable à la personne handicapée. Mais cette représentation ne devrait pas être alimentée par une comparaison de la situation des personnes qui soit biaisée. Sur quelques points et pour certains groupes d’âge, les travaux réalisés à partir de HID ont apporté des éléments factuels qui vont plutôt à l’encontre de l’image négative des institutions. On l’a vu, par exemple, pour l’accès aux spectacles et aux activités sportives des enfants handicapés en internat ou pour les taux de scolarisation. Par ailleurs, le fait que les aides techniques soient plus disponibles dans les établissements qu’à domicile suggère que l’environnement physique des établissements est, dans certaines conditions, plus favorable à la compensation des incapacités. Il reste que d’autres éléments de l’environnement des institutions sont sans doute plutôt producteurs de handicap, notamment dans le domaine des relations sociales. Mais, sur ce point aussi, la comparaison avec le domicile doit être rigoureuse, pour tenir compte de la différence entre les populations et bien représenter les caractéristiques de l’environnement dans chacune des catégories de lieux de vie.
L’environnement humain privilégié de façon excessive ?
33L’environnement humain des personnes handicapées a donné lieu pour l’instant aux travaux les plus nombreux. L’importance de l’entourage des personnes handicapées est évidemment incontestable. Il apparaît que l’impossibilité d’aide à domicile est une condition fondamentale pour l’entrée en institution. C’est bien encore l’absence de réseau familial qui est associée à l’isolement social au sein même des établissements. La famille (conjoint, enfants et petits-enfants) apparaît sans surprise dans ce tableau comme l’élément principal de l’environnement humain.
34Mais on peut se demander si l’accent mis sur le poids pris par le facteur humain dans le traitement des problèmes de handicap, n’est pas l’indice d’une conception de l’ensemble de ces problèmes qui privilégie la dépendance des personnes à l’égard d’autrui. Pour les personnes très âgées et pour la fraction des enfants ou adultes souffrant de déficiences sévères, cette approche s’impose sans difficulté. Pour les personnes souffrant d’incapacités plus légères, il est sans doute nécessaire d’accorder plus d’attention aux facteurs physiques d’environnement et à la possibilité de relations sociales fondées sur l’exercice de l’autonomie.
35Ces notations font penser par exemple, que le choix d’un lieu de vie pour une personne handicapée fait intervenir, à niveau d’incapacité donnée, tous les aspects de l’environnement. L’environnement humain, qui sous la forme d’aides, peut être mobilisé auprès de la famille et qui joue encore pour déterminer les aspects de la participation sociale, au sein d’un lieu de vie donné apparaît comme tenant une place essentielle. Mais si l’environnement physique n’apparaît pas, c’est peut-être qu’il produit des effets qui sont annulés par ceux de l’environnement humain. Tenir compte de ces effets pourrait être instructif, car les conditions de choix pourraient être élargies, par exemple, en faisant envisager une évolution de l’environnement physique à domicile, de l’environnement social en institution.
La participation sociale : une thématique témoignant de l’évolution de la problématique du handicap
36Les questions relatives à la participation sociale sont délicates, en particulier parce qu’il n’existe pas de référence incontestable pour définir le contenu de la participation et parce que les individus, handicapés ou non, n’aspirent pas tous aux mêmes formes de participation. Dans les travaux comparatifs réalisés au niveau international, ce sont les éléments qui relèvent de la carrière sociale qui sont utilisés pour mesurer la participation sociale (Eurostat, 2001). Les trois dimensions qui sont étudiées de façon privilégiée sont relatives au statut matrimonial, à la scolarité et à l’emploi. Les variables disponibles dans HID permettent d’étudier ces dimensions et les travaux descriptifs réalisés montrent, sans ambiguïté ni surprise, l’écart entre la population des personnes handicapées et la population générale.
37Mais la référence à la population générale est-elle pertinente et suffisante pour apprécier la participation sociale, alors qu’on multiplie les éléments factuels montrant la spécificité de la population handicapée, en termes d’état physique et mental ? Elle aboutit en tout cas à conforter la position de minorité défavorisée de la population handicapée, ce qui incite peut-être à développer une politique de discrimination positive, en accordant des droits particuliers aux personnes reconnues handicapées. Cette conception est à la fois justifiée et contestable. Elle officialise la spécificité d’un groupe, en tendant probablement à renforcer son isolement.
38Le débat entre partisans d’une approche spécifique des personnes handicapées et défenseurs d’une problématique universaliste du handicap a des retombées politiques différentes. Il a évolué récemment (Bickenbach et al., 1999) et a eu des implications méthodologiques, avec la production de la nouvelle classification de l’OMS. La revendication pour les droits d’une minorité handicapée est apparue longtemps comme la démarche politique la plus légitime, mais elle s’est révélée insuffisante dans le contexte de vieillissement de la population. C’est une approche beaucoup plus globale qui tend à s’imposer avec la conception universaliste. On prend acte de l’impossibilité de tracer une frontière nette entre personnes handicapées et non handicapées. Chaque individu est, au long du cycle de vie, plus ou moins handicapé. On doit alors viser à aménager l’environnement et à définir des compensations individuelles, selon les déficiences et les limitations fonctionnelles de chacun, pour limiter en toutes circonstances ses restrictions d’activité et favoriser sa participation sociale.
39Les résultats obtenus à partir d’HID donnent des arguments aux partisans de l’universalisme. L’illustration des difficultés de délimitation de la population handicapée, la mise en évidence de logiques distinctes de reconnaissance du handicap dans lesquelles on retrouve le jeu traditionnel des rôles sociaux (Ravaud, 2002 ; Ville, 2002) vont dans leur sens. En revanche, l’identification, en institution et à domicile, de catégories de personnes âgées très dépendantes, d’adultes et d’enfants polyhandicapés fait penser qu’on ne peut, sans doute, pas éviter non plus une approche très spécifique de la compensation et de la prise en charge pour cette population.
Par rapport au débat entre approches discriminantes et universalistes, un des apports de l’enquête est d’inciter à l’analyse de catégories intermédiaires qui, caractérisées par des déficiences compensées ou des limitations fonctionnelles partielles, peuvent être soit rapprochées des catégories de personnes plus lourdement handicapées, soit considérées comme proches de catégories ne déclarant pas d’incapacités. C’est pour ces catégories que les aspects de la carrière sociale et l’impact de l’environnement devraient être particulièrement étudiés, notamment celui de l’environnement physique comme on l’a dit plus haut. Par exemple, les raisons pour lesquelles les personnes à faible incapacité ne cherchent pas à accéder ou accèdent à un emploi, les conditions dans lesquelles elles envisagent de se déplacer et se déplacent effectivement mériteraient des investigations plus poussées (Hauet, Ravaud, 2001).
La participation sociale : quelle citoyenneté ?
40La question de la citoyenneté pourrait être abordée de façon assez complète grâce aux données des enquêtes HID et éclairer ainsi le débat entre approches universaliste et spécifique du handicap. On suggérera qu’il existe deux niveaux d’appréciation de la citoyenneté.
41L’un privilégie l’approche par les droits et les statuts. Si les enquêtes HID ont prévu de recueillir plusieurs éléments sur ces points, il n’est pas certain que la nature des données soit suffisamment précise pour alimenter un questionnement de type juridique. Par exemple, la définition de la protection juridique des personnes est insuffisamment détaillée, même si l’information recueillie permet de poser des questions relatives à la disparité des établissements quant à la proportion de personnes sous protection juridique ou au rôle de l’environnement familial pour les personnes restées à domicile. Par ailleurs, les résultats obtenus sur la reconnaissance des personnes comme handicapées font s’interroger sur la prégnance des rôles sociaux (le rôle de travailleur, le rôle masculin) dans l’obtention du statut. Ils suggèrent que la citoyenneté des personnes handicapées se présente comme une forme amplifiée qui révèle d’autres discriminations plus générales.
42Mais il existe un autre niveau d’appréciation de la citoyenneté qui est celui, très concret, des conditions imposées aux personnes atteintes de déficience ou d’incapacité, notamment dans les établissements. Ainsi, on peut penser que la réglementation interne des institutions constitue un cadre supplémentaire de définition des droits et obligations des personnes, qui est révélée, dans les enquêtes HID, à travers leurs pratiques sociales déclarées. En d’autres termes, certains établissements contraignent peut-être plus que de besoin (sorties, mobilité interne, relations sociales), comme l’a suggéré la recherche sur les relations socio-sexuelles, alors que d’autres ouvrent apparemment des perspectives supplémentaires de participation sociale (établissements pour enfants notamment). La citoyenneté des personnes handicapées se définirait donc aussi de façon très pragmatique, mais peut-être en reflétant une représentation plus générale de la personne (selon l’âge ou le sexe par exemple), selon laquelle les potentialités de l’individu sont appréciées dans le contexte de son lieu de vie.
En guise de conclusion : un plaidoyer pour la modélisation
43Les questions relatives à l’environnement, à la vie sociale et à la citoyenneté sont particulièrement complexes et il serait naïf de penser que les données produites grâce aux enquêtes HID suffisent à les traiter. La mise en discussion de l’impact des différentes formes d’environnement sur la situation des personnes le montre aisément. Un autre aspect de cette complexité est la liaison entre environnement et participation sociale. Plusieurs travaux montrent qu’elle s’établit à travers la famille et les proches, mais on peut penser que les attitudes individuelles, déterminées par des représentations sociales et les dispositifs de compensation mis en place, contribuent à la modeler. On est ainsi conduit à ne pas se contenter de travaux à vocation descriptive, mais si l’on veut utiliser les données dans le cadre d’une modélisation, on doit alors accepter de formuler un certain nombre d’hypothèses qui ne pourront pas être validées seulement en faisant référence aux données d’HID.
44Un des thèmes récurrents de la discussion des questions d’environnement et de participation sociale est évidemment la différenciation des situations et des mécanismes selon la sévérité du handicap. Beaucoup regretteront alors que la saisie des déficiences dans les enquêtes HID ne permette pas de traiter ce point de façon précise. Cette critique est évidemment incontestable, mais il faut rappeler que toute la construction de l’enquête a été conçue en fonction de l’intérêt qu’il y avait à centrer l’investigation sur les incapacités et à recueillir le point de vue, subjectif par définition, des personnes concernées ou de leurs proches (Mormiche, 2002a). Par ailleurs, il faut noter que tous les travaux qui ont cherché à établir des typologies à partir de données comprenant des mesures d’incapacités ont mis en évidence que le premier facteur de différenciation des personnes s’interprétait de façon évidente en termes de sévérité du handicap (Combier et al., 2001 ; Peintre, 2001, par exemple). Le problème est que toutes les typologies produites n’aboutissent pas à une échelle identique de sévérité et que, selon les études, on a une représentation différente de cette notion. Une hypothèse impossible à éviter pour la construction d’un modèle fondé sur les données de HID serait donc relative à la construction a priori d’une procédure de différenciation des handicaps en termes de sévérité.
45Plusieurs thèmes parmi ceux qui ont été suggérés ici devraient inciter à la modélisation. Ils concernent, d’une part, l’appréciation systématique de l’impact de l’environnement conçu selon toutes ses dimensions, mais en donnant une place plus importante aux éléments physiques ; d’autre part, l’approfondissement de la situation des catégories atteintes d’incapacités de sévérité faible ou moyenne, pour ce qui concerne notamment le choix du lieu de vie (domicile et établissement) et l’accès à l’emploi.
46Enfin, la modélisation paraît être d’autant plus pertinente qu’il s’agit de contribuer à un éclairage des débats politiques sur le handicap. Les questions relatives à la participation sociale, au sens de la CIF, illustrent ce point et l’on voit bien, avec l’introduction des débats sur universalisme et spécificité, qu’il est nécessaire d’articuler une série d’éléments relevant de la caractérisation des personnes et d’éléments décrivant leurs pratiques d’après leurs déclarations. Ainsi on ne peut traiter de citoyenneté sans fonder une étude empirique sur une clarification conceptuelle poussée, sans expliciter les hypothèses variées que l’on veut tester. À n’en pas douter, le travail à réaliser est considérable.
Notes
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[*]
Économiste, chercheur CNRS au Centre de recherche médecine, sciences, santé et sociétés (CERMES).
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[1]
Sur les rapports Kinsey, voir Giami A., « L’évolution de la construction du comportement sexuel dans les enquêtes quantitatives », Sciences sociales et santé, décembre 1991, vol. IX, n° 4, 23-55.