CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La concurrence constatée entre les diverses instances dotées d’une compétence normative dans le champ de la biomédecine conduit naturellement à s’interroger sur le sens de ce phénomène et sur la portée des normes produites. Le positionnement respectif des organisations internationales (Unesco, Organisation mondiale pour la santé (OMS), Conseil de l’Europe, Union européenne, Conseil pour des organismes internationaux des sciences médicales (CIOMS), etc.) montre que si la bioéthique intègre l’idéologie des droits de l’homme, elle peut être également un paravent permettant de justifier le développement d’activités de caractère industriel et commercial, passé le stade de la recherche. A cet égard, le renvoi presque mécanique de nombreux protocoles de recherche à la Déclaration d’Helsinki suscite des doutes quant à son application effective, apparaissant alors comme une simple figure de rhétorique, voire pratiquement comme une commode exonération pour des expériences aux conditions pratiques de déroulement peu conformes à ses prescriptions.

2L’accumulation de normes en ce domaine peut démontrer l’inverse de l’intention affichée à savoir leur caractère inopérant, doute particulièrement persistant dans le domaine de la recherche biomédicale où subsistent de nombreux biais. Il convient d’avoir présent à l’esprit que la recherche biomédicale est majoritairement tournée vers l’élaboration de nouvelles molécules, pour la fabrication de médicaments et que se trouve donc directement impliquée une dimension industrielle, donc économique, d’autant que le coût de cette élaboration est particulièrement élevé. À ce procédé classique s’ajoutent les médicaments issus des biotechnologies. Les concentrations intervenues dans le domaine de l’industrie pharmaceutique rappellent que le processus de mondialisation est particulièrement actif en ce domaine [1]. D’ailleurs, une démarche comparable opère sur le terrain normatif, par exemple avec les travaux de l’International Conférence on Harmonisation[2], dont l’objectif est d’inclure des zones jusqu’alors laissées à l’écart de ses réflexions, afin d’établir un texte commun relatif au déroulement des essais cliniques. Il convient également de souligner que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est compétente en matière de médicament, notamment dans le domaine des brevets, ayant décidé d’aider les pays en développement à accéder plus rapidement aux génériques. Le droit des brevets est d’ailleurs une source fréquente de contentieux dans les systèmes nationaux [3].

3Si la recherche a été une activité qui suscita très tôt un encadrement normatif [4], le progrès médical et les enjeux qui lui sont liés se trouvent également à l’origine de dispositifs juridiques d’application générale ou plus spécifique. Il existe d’ailleurs un parallélisme évident entre la création de normes internationales, élaborées par des organisations intergouvernementales comme non gouvernementales et l’adoption de normes nationales, qu’elles revêtent une forme strictement juridique (lois françaises de bioéthique du 29 juillet 1994) ou qu’il s’agisse de codes ou de lignes directrices élaborés par des instances de caractère professionnel (General Medical Council, British medical Association et les Royal Colleges, dans le cas de la Grande-Bretagne [5]), sans omettre les textes de qualification incertaine, comme les référentiels. Dans le domaine plus étroit de la recherche biomédicale, nous avons pu préciser que de nombreuses interactions existent entre les différentes catégories de normes [6], ce phénomène est transposable à d’autres domaines de la pratique biomédicale, ou un même principe peut d’ailleurs apparaître dans des textes figurant aux différents niveaux de l’échelle normative.
Une telle complexité peut soulever des difficultés pratiques d’application ; dans le contentieux les requérants en appellent de plus en plus à diverses sources, y compris internationales, notamment à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ou aux pactes de l’ONU de 1966. Ce foisonnement de textes nécessite donc une réflexion préalable sur la formation de la norme en biomédecine. Les processus qui lui donnent naissance suscitent des interrogations sur l’efficacité du dispositif ainsi construit. Elle s’apprécie d’abord au regard de son application réelle, donc de son effectivité, mais aussi de ses performances au regard des objectifs visés par les auteurs, ce qui constitue proprement l’efficacité de la norme, laquelle se distingue de son efficience, déterminée en considérant les moyens mis en œuvre pour atteindre l’objectif. L’accumulation de normes rigides peut, en effet, se révéler comme le signe de leur inapplication, alors que, parallèlement, l’émergence de solutions normatives souples peut conduire à des prises en compte plus effectives.

Enchevêtrements normatifs et règles incertaines

4Traditionnellement, prévalurent des solutions jurisprudentielles reposant sur quelques principes simples, forgés par le juge sur la base d’interprétations données à des articles peu nombreux du Code civil, ainsi de l’indisponibilité ou de l’inviolabilité du corps humain [7]. À cet égard, les lois récentes, telles celles de bioéthique, peuvent apparaître largement comme des textes de codification de solutions déjà acquises, dont la promotion au rang législatif se veut être une meilleure garantie quant à leur application. Le développement récent du contentieux lié à des pratiques biomédicales relève surtout d’activités de médecine courante : interventions chirurgicales, examens radiographiques ou à l’aide de matériels plus sophistiqués, diagnostics… Il n’est pas dépourvu de signification qu’un des moyens fréquemment sollicités ait été le non-respect du consentement éclairé, dont l’affirmation est déjà ancienne. À l’inverse des activités de pointe, comme la recherche biomédicale, ne connaissent que peu de prolongement contentieux. Il s’agit donc d’un révélateur qui montre les déséquilibres existant entre la prolifération de textes législatifs, et le peu de suites qui leur sont données, si ce n’est par l’aménagement de procédures décisionnelles et spécifiques. Outre l’accumulation des normes applicables, l’affaiblissement des dispositifs juridiques tient surtout à la complexité des modes de formation de ces règles. A l’apparente superposition de normes appartenant à des catégories diversifiées s’ajoute un phénomène d’internormativité qui retentit sur le contenu même de la norme ainsi construite.

Une superposition apparente des catégories normatives

5Souvent, le processus de construction de la norme n’a été envisagé que de manière linéaire. Une illustration classique de cette explication est fournie par la description de la migration de la norme de l’éthique vers le droit [8]. On pourrait évoquer antérieurement les modalités de construction des premières approches de l’éthique sur la base de la déontologie, ainsi que le montrent les dix principes énoncés dans le Code de Nuremberg. Or, la situation actuelle est beaucoup plus complexe et l’opposition entre catégories normatives moins tranchée qu’antérieurement, car elle est largement le résultat de la volonté des États de construire un ordre public régissant le corps humain, ce qu’illustre l’idée même d’un code de la santé publique. Cette orientation qui s’appuie également sur la promotion de la prévention des risques sanitaires [9], ne serait-ce qu’en raison du coût financier qu’ils génèrent, explique la relativité qui marque les différences relevées entre ces catégories de normes.
Plus que la nature même du texte concerné, importe l’affirmation et la sanction par le juge de quelques principes fondamentaux qui permettent d’éclairer la construction des différents dispositifs juridiques, alors que la tendance à la multiplicité des textes risque d’ouvrir toujours plus d’espaces à l’action du praticien au détriment des droits de la personne [10]. Or, le statut de ces principes se trouve affecté par l’évolution même que connaissent les catégories auxquelles ils se rattachent.

La juridicité accrue de la déontologie médicale

6Longtemps considérée comme relevant de la morale professionnelle, ne parvenant que marginalement à la connaissance du juge de droit commun [11], la déontologie connaît actuellement une évolution remarquable qui la place largement dans le champ du droit. Cette évolution est consacrée actuellement par la Cour de cassation. Alors qu’elle se référait de manière combinée à l’article 1382 du Code civil et aux devoirs énoncés au Code de déontologie, elle ne retient désormais que ces derniers pour fonder la responsabilité du médecin. La première chambre civile a pu affirmer, en 1997, que «…. la méconnaissance des dispositions de base de la déontologie médicale peut être invoquée par une partie à l’appui d’une action en dommages-intérêts » [12].

7Sans doute la forme réglementaire du Code de déontologie médicale (décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995) paraît-elle conduire à une telle solution. Mais il convient de rappeler qu’en dehors du texte, le Conseil d’État a pu estimer que le respect dû au corps après la mort constituait un principe général du droit, qui a d’ailleurs été repris dans le Code de 1995 [13]. Néanmoins, reste en suspens la question de l’étendue des règles déontologiques, lesquelles excèdent les seuls devoirs énoncés dans le Code de déontologie médicale. L’article L. 4121-2 impose aux ordres des différentes professions médicales de veiller « au maintien des principes de moralité, de probité et de dévouement… ainsi qu’à l’observation, par tous leurs membres, des devoirs professionnels, ainsi que des règles édictées par le Code de déontologie… ». Il résulte clairement de cette rédaction que la déontologie dépasse donc le seul cadre du code, même si certains devoirs ont pu être qualifiés de « simples usages » par la Cour de cassation [14].
En dehors de la procédure disciplinaire, le recours direct aux règles déontologiques, pour établir les solutions en droit positif, souligne l’éloignement par rapport à la médecine humaniste, jugée trop paternaliste par certains, pour une pratique davantage encadrée par le droit. La pesanteur de données financières n’est d’ailleurs pas étrangère à cette évolution, car elle est un facteur de transformation des structures de santé.

L’éthique biomédicale entre déontologie et droit

8Si l’on se réfère au domaine d’où l’éthique émergea, celui de la recherche biomédicale, il n’est pas illogique de la considérer comme fille de la déontologie. Ce lien est particulièrement évident dans la formation du Code de Nuremberg, déjà évoqué, qui figure dans le jugement de l’affaire USA v. K. Brandt du 19 août 1947. Deux experts américains, les docteurs Andrew Ivy et Leo Alexander collaborèrent avec le procureur du tribunal militaire afin de répondre aux arguments de la défense. Pour cela, le docteur Alexander remit le 17 avril 1947 un mémorandum où il exposait six points légitimant la recherche biomédicale, qui furent déterminés notamment sur la base de différents textes de déontologie préexistants [15]. Adoptée dans sa première version en 1964, la Déclaration d’Helsinki ne nous paraît pas s’éloigner de cette aspiration, d’autant qu’elle est le produit d’une ONG regroupant des associations nationales de médecins. Le tournant apparaît à la suite de la révélation de scandales liés à la recherche biomédicale aux États-Unis et à l’émergence de la bioéthique [16]. La démarche devient alors hybride, se retrouve la dimension déontologique, donc le rappel du devoir du praticien, dont sont déduits a contrario les droits des individus, mais s’y ajoute la préoccupation d’une réflexion appropriée à la confrontation à des pratiques biomédicales expérimentales dont les conséquences ne sont qu’imparfaitement connues. Prévaut alors une éthique de caractère procédural, reposant sur des instances ad hoc, les comités d’éthique, chargés d’assurer l’examen des projets d’expérience, voire dans certains cas d’élaborer des règles de fond.

9Le succès de l’approche procédurale s’explique par la perte d’homogénéité des valeurs sociales et la relativisation des croyances, du fait d’un amoindrissement de l’adhésion à celles-ci [17]. Dans ce contexte, l’éthique prend l’aspect d’un raisonnement de caractère logique, mais qui risque alors de perdre de vue la finalité pour laquelle cette approche a été établie, qui est de préserver la dignité de la personne. La pratique nord-américaine a permis de mesurer les limites de cette démarche procédurale, qui induit d’ailleurs un rapprochement avec le droit, par la détermination des actes qui sont autorisés. La sanction de comportements non conformes à ces règles, réside dans la privation des aides attribuées pour conduire les recherches. Mais, toujours dans le même contexte, la tendance se manifeste à une réduction des garanties offertes aux individus [18].

Le droit et les valeurs

10L’affirmation répétée de droits au profit de l’individu est présentée comme la réponse apportée au phénomène de la mondialisation par le rattachement au courant des droits de l’homme, dont l’universalité a été clairement affirmée par la Déclaration de 1948, avec, comme prolongement direct, les pactes internationaux relatifs aux droits du 16 décembre 1966 et, dans le système du Conseil de l’Europe, la Convention européenne sur la sauvegarde des droits de l’homme de 1950, enrichie récemment par la Convention d’Oviédo sur les droits de l’homme et la biomédecine, de 1996. À cela doivent être ajoutés de nombreux textes nationaux qui consacrent l’existence de droits ayant une portée dans le domaine biomédical, de nature constitutionnelle ou législative. Mais cette consécration peut être le fait également de la juridiction, comme ce fut le cas du Conseil constitutionnel français, avec la décision du 27 juillet 1994, s’agissant du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

11Ce mouvement vient de trouver une illustration récente avec la loi 4 mars 2002 [19], précisant l’énoncé des droits par la loi du 29 juillet 1994, figurant désormais aux articles 16 et suivants du Code civil, dans le cas de la personne malade. Il est d’ailleurs significatif que ce texte puisse figurer sous un titre II du Code de la santé publique intitulé « De la démocratie sanitaire ».

12Nés aux confins du droit et de l’éthique, ces différents principes se caractérisent par leur généralité et peuvent même se révéler d’une portée ambiguë par l’usage qu’en fait le juge, par exemple du principe de la dignité de la personne humaine. Pourtant, il faut revenir aux fortes paroles de René Capitant, au sein de la Commission de la première constituante de 1946, quand, par opposition aux régimes totalitaires, il réclamait la rédaction d’une déclaration des droits : « C’est avec le souci de l’éternel qu’il faut proclamer le caractère irrévocable de la liberté et de la dignité humaine »[20]. Mais il distinguait ces principes fondamentaux du droit positif, pour en faire les valeurs devant orienter la règle de droit. Or, le mouvement bioéthique conduit à inclure directement ces valeurs au cœur même de la norme juridique. Mais, quel que soit le principe concerné, il ne peut jamais recevoir une portée absolue, ce qui peut alors engendrer des difficultés, d’autant que se trouvent en cause des données scientifiques de caractère parfois incertain. L’exemple le plus remarquable concerne l’embryon, pour lequel aucune définition juridique n’est donnée, faut-il rappeler que le corps lui-même, introduit dans le Code civil, n’a pas fait non plus l’objet d’une définition quelconque, alors que des droits y sont attachés, comme le « respect » dû à son égard, prévu à l’article 16-1 du Code civil ou l’interdiction d’y attacher un droit patrimonial, de même que le rôle protecteur conféré au juge par l’article 16-2.

13Il faut préciser à cet égard que la chambre criminelle n’a pas retenu l’homicide involontaire à la charge d’un médecin pour atteinte portée au fœtus [21]. Une jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme risque de rendre plus difficile l’équilibre réalisé par le Conseil d’État à propos du droit à la vie, auquel la juridiction de Strasbourg a conféré la dignité de « valeur suprême » [22].

14Les débats en droit interne trouvent leur prolongement en droit international, communautaire et européen, à l’occasion de l’adoption de textes récents : Déclaration universelle sur le génome humain (1997), Convention d’Oviédo (1996), directives européennes (1998-44 du 6 juillet 1998 sur la protection des inventions biotechnologiques), Charte de l’Union européenne, bien que cette dernière ne soit pas intégrée encore à un traité. Or, les commentaires de M. Braibant éclairent de manière décisive la signification de cette démarche dans le domaine biomédical, car revient toujours le moment fondateur de la dénonciation des crimes nazis et des déviations totalitaires pour justifier l’affirmation de valeurs communes [23]. Il apparaît donc que la norme n’a pas seulement une portée juridique, mais que se retrouve en permanence une dimension morale, suggérant alors une logique de formation plus complexe qui renvoie à l’idée d’internormativité.

Le phénomène des interactions normatives

15Plus que le dispositif juridique spécialisé régissant des procédures biomédicales particulières, importent ici les textes établissant un ensemble de principes de portée générale, même universelle. Une dichotomie a été nettement posée par Mme Lenoir entre l’énoncé de principes, se rattachant à la logique des droits de l’homme et les dispositions techniques sujettes à révision, comme y invitait l’article 21 de la loi 94-654 du 24 juillet 1994 [24]. Or, l’internormativité est au cœur du problème que pose l’application des principes et la difficulté naît de l’affirmation d’un même principe par des textes occupant les divers degrés de la hiérarchie normative, car les contextes ne sont pas identiques, qui conduit nécessairement le juge à devoir réaliser une conciliation et à faire prévaloir une formulation sur l’autre.

16À la remise en cause de la linéarité des descriptions classiques, il faut donc ajouter la portée morale qui s’attache à la norme juridique conçue comme revêtant une portée symbolique.

De la « porosité » des catégories normatives aux interactions normatives : les relations complexes entre éthique et droit

17Nous avons déjà rappelé que le schéma du raisonnement traditionnel dans lequel la norme est présentée comme se formant dans un domaine, celui de l’éthique, pour migrer ensuite vers le champ juridique, se révèle insuffisant, car dès le stade préliminaire la norme juridique se trouve généralement prise en considération.

18Si l’on reprend les travaux des docteurs Ivy et Alexander, en 1947, il apparaît rapidement que l’ensemble normatif considéré par eux, afin de déterminer les principes auxquels doit répondre l’expérimentation légitime, était de nature hybride, car il comprenait à la fois des règles déontologiques, donc de véritables règles de morale professionnelle, mais aussi des solutions juridiques déjà acquises soit au travers de textes nationaux ayant cette nature, soit au travers de solutions dégagées par le juge. D’un point de vue substantiel, l’éthique à naître était donc un composé de normes déontologiques et juridiques. Ce caractère composite est d’autant plus visible dans les textes internationaux qu’ils prennent appui sur un ensemble de principes formulés dans quelques textes fondateurs, comme la résolution par laquelle l’Assemblée générale de l’ONU adopta la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, dont la juridicité découle de son inclusion ultérieure dans la coutume internationale. Or, non seulement les pactes sur les droits de 1966 s’y rattachent, mais aussi la Déclaration universelle sur le génome humain de l’Unesco de 1997, ainsi que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme de 1950 ou encore la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine de 1996. Il serait donc exagéré de décrire les textes internationaux intervenus dans le domaine de la biomédecine uniquement comme le résultat du passage de la norme du champ éthique au domaine du droit, en suggérant même que l’élaboration directe de textes juridiques (conventions ou déclarations) serait due à l’urgence et à l’impossibilité de passer par la phase intermédiaire de l’éthique, pour laquelle on voit mal la forme que devrait revêtir l’énoncé des règles, sauf à considérer alors qu’il s’agirait de déclarations ou de lignes directrices élaborées par des ONG, comme l’association médicale mondiale (AMM) ou le CIOMS, mais qui existent déjà, ainsi de la célèbre Déclaration d’Helsinki [25].
L’explication s’avère encore plus inadaptée dans le cas des normes juridiques internes. Celles-ci doivent leur existence à des influences complexes : celles du droit international, du droit comparé, de la jurisprudence préexistante, des divers énoncés éthiques, des règles déontologiques, sans que l’on puisse toujours déterminer avec précision une causalité dominante. Autant la norme internationale doit tenir compte des différences liées aux cultures nationales, donc de la pluralité des systèmes de valeurs, ainsi qu’il est apparu récemment pour l’élaboration de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, autant la norme nationale s’efforce d’acclimater au système juridique interne la norme internationale ou communautaire. C’est d’ailleurs l’œuvre ordinaire du juge que de procéder à une interprétation qui rende compatible les normes en présence. S’agissant de la réflexion éthique, différents forums contribuent à la confrontation des valeurs et des règles juridiques afin de proposer une solution tenant compte des différences constatées. Les comités d’éthique nationaux ou internationaux, jouent habituellement ce rôle, mais également des instances d’inspiration plus techniques, moins connues pour cette raison, comme le Forum européen pour les bonnes pratiques cliniques (EFGCP). Face à cette situation, il nous est alors apparu que l’idée d’interactions normatives est beaucoup plus proche de cette réalité complexe [26], même si elle suscite une image désordonnée, proche de la réalité physique du champ de forces. En même temps, elle permet aussi de mesurer davantage la part de l’éthique au cœur même du droit.

Fonction symbolique de la norme juridique et portée morale du droit

19Au moins deux auteurs ont souligné dans la période récente combien le développement du biodroit débouchait sur la formation d’une « morale d’État ». Ce fut le cas d’abord du doyen Carbonnier [27], suivi plus récemment par le président de l’Académie de médecine, le professeur Sureau, qui a porté un jugement similaire : « … une loi peut dire le permis ou l’interdit, mais pas le bien ou le mal… Pour ma part, je suis contre la morale d’État, celle-ci doit rester individuelle » [28]. Toutefois, ce point de vue risque de se révéler trop idéaliste quand se manifestent les poussées répétées des enjeux économiques auxquels la recherche se trouve soumise. Par contre, l’éthique risque de connaître alors le même sort que le droit, celui d’une instrumentalisation lorsque prévaut une logique de politiques publiques, comme l’illustre le débat actuel sur l’utilisation des cellules souches embryonnaires humaines à des fins expérimentales.

20La bioéthique, comme le biodroit, se trouvent pris dans une contradiction qui en fragilise l’existence. Malgré la portée incertaine de principes répétés tout au long des textes les plus divers, l’affirmation symbolique dont ils ressortissent, détermine une obligation qui oriente l’interprétation à laquelle le juge est nécessairement tenu, même si dans les domaines les plus controversés, son intervention s’avère souvent réduite en pratique. Cette promotion de droits, dont nombre qualifiés souvent de fondamentaux, dans le domaine de l’activité biomédicale représente l’affirmation de la volonté de préserver l’humain et de prévenir le risque de réification et d’instrumentalisation du corps, donc finalement de la personne. C’est par cela que la norme juridique revêt un contenu symbolique important, dont atteste l’énoncé des principes par la première des lois de bioéthique du 29 juillet 1994, selon l’opinion même du président de l’Assemblée nationale de l’époque. L’inclusion, dans le Code de la santé publique, de nouveaux principes liés à la démocratie sanitaire, à la suite de la loi du 4 mars 2002, destinés à protéger la personne malade, devrait réduire les potentialités dérogatoires attachées à une règle juridique ayant une finalité technique [29]. Dans ce contexte, le principe essentiel est apparu être celui de la dignité de la personne humaine, comme l’aperçurent les constituants de l’après-guerre, même si la Cour européenne des droits de l’homme semble devoir conférer cette place au droit à la vie. Le législateur doit être en éveil afin d’assurer sa primauté à ce principe fondamental face aux contraintes économiques rencontrées par la biomédecine, spécialement dans le domaine de la recherche, soumise à la concurrence internationale. À cet égard, le travail législatif doit commencer par décrypter la demande présentée par les scientifiques, afin de trier parmi les objectifs ceux qui sont compatibles avec les principes proclamés de manière universelle, pour mieux en souligner le caractère essentiel.
L’universalisme de l’énoncé traduit donc un impératif moral, même dans un contexte sécularisé, parce que se trouve en cause la protection du corps, donc de la personne elle-même. Le dispositif juridique rencontre des difficultés pour élaborer les conditions pratiques de mise en œuvre, ce qui conduit à une déclinaison successive, à partir du principe de dignité de la personne humaine, de principes d’application, comme le souligna la décision du Conseil constitutionnel de 1994, puis de règles techniques notamment de caractère procédural.

Diversité des normes et efficacité inversée

21La biomédecine donne lieu à des pratiques normatives souvent contradictoires, comme si le domaine du vivant perturbait le mode opératoire des instruments juridiques. Ainsi, la règle de droit rigide n’apparaît pas nécessairement comme la mieux adaptée pour produire des effets concrets, alors que des instruments plus souples peuvent au contraire se révéler comme suscitant plus facilement l’adhésion, et donc d’entraîner des effets réels. Il existe un véritable paradoxe dès lors que l’on s’attache à l’application concrète des règles. De la même manière que l’énoncé de principes suscite le doute, dès que l’on considère leur mise en œuvre, les prescriptions juridiques les plus rigides s’avèrent trop souvent dépourvues d’effets réels. À l’inverse, ce que l’on peut considérer comme un droit « mou », caractérisé par une proximité marquée avec la norme éthique, par le mode d’élaboration, peut susciter un effet obligatoire inattendu.

Les fausses certitudes de la règle sanctionnée

22Bien que la distinction entre droit « dur » et droit « mou » soit surtout retenue à propos des normes internationales [30], sur la base de l’existence ou de l’absence d’une sanction organisée, en l’espèce la mise en jeu de la responsabilité de l’État, la légistique a retenu également dans une perspective critique la référence à un droit « mou » ou un droit à l’état « gazeux », pour reprendre les expressions utilisées par le Conseil d’État [31], après le doyen Carbonnier. Or, la référence à un droit « dur », donc à l’impérativité sanctionnée, se trouve mise à mal dans plusieurs cas. Le plus remarquable concerne les défaillances de la loi pénale, mais le phénomène se retrouve aussi dans des dispositifs juridiques assortis de sanctions, qui font souvent l’objet de contournements de la part des praticiens.

L’inapplicabilité de la règle pénale

23Le droit pénal de la biomédecine suscite de nombreuses critiques. Outre la dimension formelle liée à la codification, faisant ressortir des rédactions différentes apparaissant dans le Code de la santé publique et dans le Code pénal, pour une même sanction, il faut souvent relever la mise en œuvre chaotique des techniques du droit pénal qui en affaiblissent considérablement la portée [32]. À propos de l’assistance médicale à la procréation, le professeur Prothais a pu remarquer plusieurs défauts présents dans les lois de bioéthique, qui révèlent nettement les faiblesses de la pénalisation en la matière. Cet auteur a pu mettre en cause, d’abord récrimination par renvoi, qui est source de complexité et d’imprécision. En effet, le renvoi peut même jouer en cascade, d’un code à l’autre, d’un texte législatif à un autre, d’un texte législatif à un texte réglementaire. M. Prothais a même remarqué la présence de renvois inutiles. L’aspect formel déjà invoqué, concernant les divergences rédactionnelles entre plusieurs codes, ouvre au juge la possibilité d’interprétations subjectives, alors que la loi pénale est d’application stricte. De plus quand les conditions fautives sont mentionnées dans le Code de la santé publique, c’est priver la loi pénale d’un élément essentiel permettant son déclenchement.

24De manière plus globale, l’intrusion de considération scientifique dans le champ du droit contribue à en réduire l’efficacité, car les concepts utilisés ne sont pas explicités : corps, embryon… Il en résulte des solutions jurisprudentielles pouvant être divergentes, par exemple dans le cas de l’homicide involontaire appliqué ou non à un fœtus. Bien que certains, à la fois législateur et médecin, aient pu sommer les juristes de se mettre au service de la loi et de la prendre telle qu’elle a été votée, force est de reconnaître combien le mélange sans prudence des genres, comme les compromis de circonstance intervenus dans les assemblées, conduisent à des illogismes, voire à des contradictions. Une fois encore surgit la fonction sociologique du droit : « On a finalement l’impression que la pénalisation ne sert qu’à rassurer l’opinion publique ignorante » [33]. Ce constat n’est guère éloigné de celui que formulait M. Byk lorsqu’il écrivait : « La frontière entre le licite et l’illicite est devenue floue : les comportements… sont rarement contraires à la norme. Ils le sont dans un certain contexte » [34].

25Le quantum de la peine mentionné dans les codes étudiés mérite également de retenir l’attention, par son montant excessif, même s’il s’agit d’un maximum qui est fixé au juge. Le cumul d’une peine d’emprisonnement et d’une amende apparaît difficilement applicable. Ce type de disposition revêt surtout une signification hautement symbolique, afin de signifier l’importance de l’interdiction édictée ou de la protection assurée. Dans le domaine de l’expérimentation, les pratiques illicites demeurent, malgré les progrès apportés par la législation de 1988, sans qu’elles donnent véritablement lieu à sanctions, largement du fait de la loi du silence en usage dans les milieux concernés.

Les assouplissements et les distorsions apportés aux conditions légales par la pratique

26Au cours des auditions de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, pour l’évaluation des lois de bioéthique de 1994, le professeur Czyba a pu attirer l’attention, toujours dans le domaine de l’Assistance médicale à la procréation (AMP), sur les irrégularités commises par les praticiens, particulièrement s’agissant des procédures préalables à sa mise en œuvre. Le résumé de son intervention donne la mesure des déviations, bien que les exemples retenus soient loin d’être exhaustifs : « L’encadrement trop strict de la recherche conduit à des pratiques sauvages : ainsi en va-t-il pour les milieux de fécondation et de culture que les laboratoires font tester contre rémunération » [35]. Il faut également observer que le recours à la fécondation par le procédé de l’ICSI [36] n’a pas été abordé par le législateur, alors qu’il est utilisé sans expérimentation préalable, il représente une pratique majoritaire actuellement. Malgré le silence gardé par les spécialistes, il est reconnu même que des expériences sur embryon humain ont eu lieu, alors que l’interdiction est assortie de sanctions graves (article L. 2141-8 CSP).

27Les procédures peuvent donner lieu à des détournements, ainsi les modalités de fonctionnement de la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal ont été critiquées, alors même que cette institution joue un rôle central dans l’attribution d’autorisations pour assurer les activités d’AMP. Ces difficultés proviennent largement de l’étroitesse du milieu scientifique concerné, qui ne permet pas une séparation suffisamment nette des experts d’avec les praticiens concernés.

28De manière plus atténuée, peut être citée la pratique de nombreux comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB) acceptant une déqualification de l’essai, afin d’éviter que les expérimentations répondant à des conditions renforcées dans le cas de l’essai sans bénéfice individuel direct ne soient conduites à l’étranger, les laboratoires faisant leur marché dans les différents pays et retenant ceux qui sont le moins exigeant s’agissant de la protection des personnes. Il est d’ailleurs significatif que cette finalité de la loi de 1988 ait été critiquée par des spécialistes, car introduisant un déséquilibre dans les conditions de réalisation de l’essai [37]. Dès lors comment s’étonner que la pratique nous montre des recherches entreprises en dehors du cadre légal, par exemple en utilisant des dispositions de la loi de 1994 à la place de celle de 1988, en mettant – en l’espèce – en avant la réalisation d’un diagnostic au lieu de qualifier véritablement la recherche qui est en cours.
Ainsi un cadre légal rigoureux peut avoir les effets inverses à ceux recherchés, d’autant que les incertitudes en amont sont persistantes. Paradoxalement des normes souples peuvent s’avérer comme susceptibles de donner lieu à une application plus efficace.

L’apport de la norme souple

29C’est donc en droit international que le phénomène du droit « mou » a retenu l’attention, la notion de soft law étant actuellement moins utilisée. Pour caractériser ce type de norme, le professeur Eisemann emploie l’expression de « droit du clair-obscur » [38]. Dans le domaine de la biomédecine, il est fortement ancré dans l’éthique. Mais il peut se retrouver dans le droit interne, spécialement dans les textes ou décisions adoptés par les différents comités d’éthique.

Droit conventionnel et droit déclaratoire

30Une comparaison entre la Convention d’Oviédo et la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme s’avère révélatrice. Il s’agit de deux instruments qui se distinguent formellement. La seconde se vit attribuer cette forme pour accélérer le processus d’adoption, ainsi que l’expliqua Mme Lenoir [39]. Or les différences sur le plan juridique sont atténuées par les considérations pratiques. D’abord, la Convention d’Oviédo se heurte à des difficultés de mise en œuvre, alors même que la Déclaration est dotée d’un mécanisme spécifique de suivi.

31De fortes réticences sont apparues en Allemagne à l’égard de la Convention, la loi fondamentale apparaissant plus protectrice de certains droits concernés par la biomédecine, du fait de leur applicabilité directe (article 1-3), ce qui explique le retard mis à ratifier ce texte. En France c’est surtout l’élaboration des protocoles additionnels notamment en matière de recherche, qui a suscité des réserves et entraîné la désignation d’un observateur dans le groupe de travail dominé par des représentants de pays nordiques. Il est mis souvent l’accent sur le caractère interétatique du Comité directeur de bioéthique du Conseil de l’Europe (CDBI), dont les membres sont désignés par les États, procédure qui éloignerait d’une caractéristique essentielle des comités d’éthique, le Comité international de bioéthique de l’Unesco (CIB) à la différence, étant composé de membres choisis à raison de leurs qualités propres. Ces différences sont largement formelles, surtout depuis les modifications introduites dans les statuts du CIB en 1998, avec la création d’un Comité intergouvernemental qui travaille parallèlement [40].
Dans l’un et l’autre cas, il s’agit de promouvoir des droits qui s’inscrivent dans la logique des droits de l’homme. Sans doute l’impérativité de la Convention dépend de la ratification de chacun des États signataires, mais cette formalité acquise il serait faux de considérer, par opposition, la Déclaration comme dépourvue d’effet. Cet instrument prévoit à l’article 24 un mécanisme original de suivi, destiné à inciter les Etats à mettre en œuvre les principes énoncés et à identifier les pratiques contraires [41]. Sur le fond, les deux textes ajoutent à la dimension individuelle une visée collective que comporte, dans un cas, la référence au patrimoine de l’humanité et, dans l’autre, l’utilisation de l’expression « être humain » [42].

La place des comités d’éthique

32Doivent être distingués les comités chargés d’élaborer un texte particulier, sur un problème déterminé, sous la forme d’avis ou de recommandations, comme dans le cas du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) français, de ceux qui émettent localement des avis sur les protocoles expérimentaux dont ils sont saisis.

33S’agissant du premier cas, s’est imposée l’idée que le CCNE est une instance plutôt pré-législative qu’un véritable comité d’éthique. Si l’objet même de l’étude, l’avant-projet de révision des lois de bioéthique, conditionnait fortement le contenu juridique de l’avis rendu [43], une tendance générale se constate néanmoins, dans de nombreux avis ou recommandations, caractérisée par le fait que l’analyse du cadre juridique tient toujours une place importante, même si coexistent des considérations de nature philosophique ou éthique, ainsi des avis rendus en matière de consentement. Dans sa finalité, le CCNE apparaît surtout comme un conseiller, voire un auxiliaire, des pouvoirs publics.

34Pour les comités locaux, de nombreux débats se sont ouverts pour connaître le degré d’impérativité des avis rendus. Dans le cas des Institutional review boards (IRB), aux États-Unis, la réglementation fédérale précise elle-même les pouvoirs qui leur sont attribués, pour ne pas soulever de difficultés d’application [44], sauf à constater les divergences de solutions consacrées par les instances impliquées. Par contre, en Europe, les solutions sont beaucoup plus floues, notamment au regard du statut des avis négatifs, qui constituent également des normes. Ainsi, dans un avis n° 13 du 9 juillet 2001, relatif aux expérimentations sur l’homme, le Comité consultatif de bioéthique belge a rejeté le caractère contraignant de l’avis négatif rendu par un comité local d’éthique. Mais les rédacteurs ont bien noté, au-delà de l’impérativité sous contrainte, l’effet produit par un avis négatif : « Si l’avis est négatif, il y a toutefois fort peu de chances que le chercheur trouve une structure hospitalière et scientifique susceptible de soutenir son projet de recherche » [45].

35Dans le cas de la France, l’article L. 1123-8 donne une portée suspensive à l’avis négatif émis par un CCPPRB, la décision finale relevant de la compétence du ministre ou de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Les insuffisances du système actuel concernent surtout la diversité des doctrines et des pratiques suivies par les comités, en l’absence d’une instance supérieure de régulation.
Les divers organismes considérés, de nature internationale ou nationale, jouent à la fois un rôle initiateur et régulateur, afin d’éviter les contournements que pourraient entreprendre les praticiens, dans le but de rechercher des conditions assouplies, cette voie paraît préférable à un cadre excessivement rigide, incitant à des pratiques sauvages ou à des fraudes en sollicitant des dispositifs normatifs parallèles détournés de leur objet.

Notes

  • [*]
    Professeur de droit public à l’université de Bordeaux IV.
  • [1]
    J.-P. Buisson et D. Giorgi, La politique du médicament, coll. « Clefs », Montchrestien, 1997, p. 43. Les auteurs insistent également sur la dimension protectionniste des réglementations nationales.
  • [2]
    International Conference on Harmonisation of technical requirements for registration of pharmaceuticals for human use.
  • [3]
    Tribunal de grande instance de Paris, 21 février 2002, Laboratoires Wellcome c/Laboratoires Flamel, Les Échos, 11-12 janvier 2002.
  • [4]
    Une illustration remarquable est fournie par le Code de Nuremberg inclus dans le jugement même adopté par le tribunal militaire n° 1, Trials of war criminals, vol. 2, p. 181.
  • [5]
    I. Kennedy, A. Grubb, Medical law, Text with materials, Butterworths, 1994, p. 569.
  • [6]
    Notre étude, « Interactions normatives et recherches biomédicales », Revue générale de droit médical, n° 3, 2000, p. 21.
  • [7]
    Sur l’importance de l’information comme condition du consentement, l’arrêt de principe : CC 28 janvier 1942. Teyssier, D. 1942, J., p. 63. Sur la question générale de l’information : E. Dupuy, « L’information médicale », Les Études hospitalières, 2002.
  • [8]
    Voir la description très révélatrice apparaissant dans le rapport Braibant, De l’éthique au droit, La Documentation française, 1988, p. 10.
  • [9]
    E. Cadeau, Le médicament en droit public, L’Harmattan, 2000, p. 31.
  • [10]
    P. de Cruz, Comparative healthcare law, Cavendish Londres, 2001, p. 661.
  • [11]
    H. Péquignot et autres, Traité de droit médical, 1956, p. 117. Toutefois, il était observé que le Code de déontologie « pourra faire preuve des usages suivis dans la profession ». Également : J.-M. Auby, Droit médical, Litec, fasc. 40-2 (1997). Cet auteur mentionnait des « règles juridiques en état d’émergence, non encore assimilables à des règles de droit positif ».
  • [12]
    CCIV, 18 mars 1997, Audat et autres c/Fortat, JCP, 1997, n° 17, 22829, rapport Sargos. La chambre commerciale adopta une solution comparable à propos d’experts-comptables dans une affaire de concurrence déloyale.
  • [13]
    CE, 2 juillet 1993, Milhaud, conclusions Kessler, RFDA, 1993, p. 1002.
  • [14]
    Tel est le cas du devoir de confraternité issu du serment hippocratique : CC – Première chambre civile – 26 novembre 1981, D. 1982, p. 562.
  • [15]
    G.J. Annas et M.A. Gradin, The nazy doctors and the Nuremberg Code, OUP, 1992, p. 125. Alexander fut inspiré par Hippocrate et, beaucoup plus récemment, par Persival, Beaumont, Claude Bernard, ainsi que par la jurisprudence intervenue dans le cas de traitements innovants aux États-Unis et par la littérature allemande sur le sujet, de même que par les premiers textes intervenus en ce domaine en Allemagne.
  • [16]
    Voir le rappel de la chronologie in P. Pedrot, Éthique médicale et normes nationales ; in D. Folscheid, B. Feuillet-Le Mintier, J.-F. Mattei, Philosophie, éthique et droit de la médecine, PUF, 1997, p. 263.
  • [17]
    M. H. Parizeau, article « Bioéthique », Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, PUF 1997, p. 159 (direction Canto Sperber).
  • [18]
    B. Woodward, Challenges to human subject protections in US medical research, Jama, 282, n° 20, p. 1947 (24 novembre 1999).
  • [19]
    Loi 2002-303, Journal officiel, 5 mars 2002, p. 4118. Les nouveaux droits ajoutés par cette loi sont inclus dans le Code de la santé publique et sont beaucoup plus précis que ceux retenus antérieurement (art L. 1er A et C).
  • [20]
    Assemblée nationale constituante. Séances de la Commission de la constitution, comptes rendus analytiques, 1946, p. 172.
  • [21]
    Cassation-criminelle, 30 juin 1999, D. 1999, p. 710, Note Vigneau.
  • [22]
    CE, 21 décembre 1990, Confédération nationale des associations familiales catholiques, conclusions B. Stirn, Rec. p. 369. À une requête mettant en cause la légalité d’un arrêté ministériel concernant le RU 486, substance abortive, le Conseil considère que l’arrêté reprenait purement et simplement les termes de la loi de 1975 et de 1979, la contestation de celles-ci amènerait en fait à mettre en cause la loi elle-même, eu égard à la nature constitutionnelle ou internationale des principes mis en avant par le requérant Toutefois, la Cour européenne des droits de l’homme vient de considérer le droit à la vie comme « la valeur suprême dans l’échelle des droits de l’homme », chron. I.F. Flauss, AJDA, 2001, p. 1065. Concernant les discussions sur l’embryon : N. Le Douarin et C. Puigelier, L’expérimentation à partir des cellules souches embryonnaires humaines, JCP10 avril 2002, I, 127, p. 713 et s.
  • [23]
    La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, commentaires G. Braibant, Le Seuil, 2001, p. 94 et s. (commentaire de l’article 3).
  • [24]
    N. Lenoir, Le Monde, 4 mars 1997 et « Bioéthique, constitution et droit de l’homme », Diogène, n° 172, octobre-décembre 1975, p. 25.
  • [25]
    L’introduction du texte de la Déclaration d’Helsinki de l’Association médicale mondiale est tout à fait explicite quant à sa nature : elle « constitue une déclaration de principes éthiques… » (version révisée d’Edimbourg, octobre 2000). Toutefois, il a été observé qu’en 1975 l’engagement envisagé par la Déclaration avait fait franchir la frontière du juridique en ajoutant une obligation de caractère contractuel : J.-P. Demarez, « La Déclaration d’Helsinki : origine, contenu, perspectives », La Lettre du pharmacologue, vol. 14, n° 8, octobre 2000, p. 167. De plus, la référence faite à cette Déclaration par plusieurs textes internationaux ou communautaires, comme la directive 2001/20/CE du 4 avril 2001 concernant les bonnes pratiques cliniques dans la conduite d’essais de médicaments à usage humain, peut la faire considérer comme s’intégrant désormais à la coutume internationale, d’autant plus nécessairement que la Déclaration a été à l’origine de la diffusion de la bioéthique.
  • [26]
    Notre étude précitée, « Les interactions normatives dans la recherche biomédicale ». Mme Questiaux pouvait également observer : « Le travail de consolidation de la norme éthique en norme juridique classique est loin d’être linéaire et bute sur des difficultés », Conseil d’État, réflexions sur le droit et la santé, Rapport public 1998, Rec., La Documentation française, n° 49, 1999, p. 331.
  • [27]
    J. Carbonnier, Droit et passion du droit dans la V République, Flammarion, 1996, p. 107.
  • [28]
    C. Sureau, « Non à la morale d’État », Le concours médical, 13 janvier 2001, p. 59.
  • [29]
    Sur ce risque : B. Mathieu, « La nécessité de la norme juridique en matière de bioéthique », in B. Feuillet-Le Mintier (direction), Les lois « bioéthique » à l’épreuve des faits. PUF 1999, p. 31.
  • [30]
    P. M. Eisemann, « Engagements non contraignants », Répertoire international Dalloz, n° 2, 2001.
  • [31]
    Conseil d’État, Rapport public 1991, n° 43, La Documentation française, 1992, p. 32.
  • [32]
    A. Prothais, Les paradoxes de la pénalisation, JCP, 1997, 1, 4055, p. 425 et Un droit pénal pour les besoins de la bioéthique, RSC, 2000, p. 39.
  • [33]
    Idem p. 430 ; du même auteur : « Tribulations d’un pénaliste au royaume de l’éthique médicale », Revue pénitentiaire, 1996, p. 48.
  • [34]
    C. Byk, Le droit pénal des sciences de la vie. Ce point de vue se trouve cependant critiqué dans une étude à paraître : A. Longo, « Le droit pénal entre autonomie et ouverture », in J.-P. Duprat, Jeux normatifs et recherche biomédicale, Publications de la Sorbonne, juillet 2002.
  • [35]
    Rapport A. Claeys, C. Huriet, Doc. A.N., n° 2 1407 et S. 232 (18 février 1999), p. 199.
  • [36]
    ICSI : Intra Cytoplamic Sperm Injection.
  • [37]
    C. Funck-Brentano, « Difficultés d’application des lois encadrant la recherche clinique en France », La lettre du pharmacologue, vol. XII, n° 2, février 1998, p. 33.
  • [38]
    Engagements non contraignants, précité.
  • [39]
    N. Lenoir et B. Mathieu, Les normes internationales de la bioéthique, QSJ ?, 3356, PUF, 1998, p. 34.
  • [40]
    L’article 11 des statuts du CIB a créé un comité intergouvernemental qui double l’activité de celui-ci, v. Unesco-CIB, Actes de la session, décembre 1998, vol. 1, p. 107.
  • [41]
    Le procédé du suivi permet de renforcer la portée de l’instrument en se fondant sur la bonne foi, comme ceci apparaît également dans le cadre de l’OIT.
  • [42]
    Voir les précisions apportées dans le rapport explicatif, § 20 : RUDH, 1997, p. 143.
  • [43]
    Avis n° 67 du 18 janvier 2001, Cahiers du CCNE, n° 27, avril 2001.
  • [44]
    Code of Fédéral régulations, Titre 45, partie 46 (45 CFR 46).
  • [45]
    Avis n° 13, multigraphie, p. 9.
Français

Résumé

La multiplication des normes dans le domaine de la bioéthique traduit la volonté d’opposer à l’internationalisation des activités concernées, notamment dans le domaine de la recherche, qui repose sur une logique économique, une protection effective du corps humain, fondée sur les droits de l’homme. Ce mouvement se traduit par des phénomènes normatifs complexes, qui mettent en lumière les interactions existant entre les catégories normatives. Toutefois, l’efficacité des dispositifs montre que, paradoxalement, les solutions les plus souples peuvent aboutir à des résultats supérieurs à des textes nombreux, dont la valeur relève plutôt du symbolique.

Bibliographie

  • Sources officielles

    • Comité consultatif national d’éthique (avis et recommandations), Éthique et recherche biomédicale, La Documentation française.
    • Comité international de bioéthique (Unesco), actes des différentes sessions.
    • Conseil d’État, Rapport public pour 1998, n° 49, Réflexions sur le droit de la santé, La Documentation française, 1999 ; Les lois de bioéthique : cinq ans après, La Documentation française, 1999.
    • Groupe européen d’éthique des sciences et des nouvelles technologies de la Commission, Avis (consultation sur le site Internet).
    • Office parlementaire d’évolution des choix scientifiques et technologiques, rapport A. Claeys et C. Huriet, L’application de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994.
  • Ouvrages

    • Annas G. J. et Grodin M.A., The nazi doctors and the Nuremberg Code, OUP, 1952.
    • Brody Baruch, The ethics of biomedical reseach, OUP, 1998.
    • Byck Christian et Memeteau Gérard, Le droit des comités d’éthique, Eska, 1996.
    • Dictionnaire permanent, Bioéthique et biotechnologies.
    • Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, PUF, 1997.
    • Duprat Jean-Pierre (direction), Enjeux normatifs et recherche biomedicale. Publications de la Sorbonne (à paraître en 2002).
    • Feuillet-Le Mintier Brigitte (direction), Les lois « bioéthique » à l’épreuve des faits, PUF, 1999.
    • Folscheid D., Feuillet-Le Mintier B., Mattei J.-F., Philosophie, éthique et droit de la médecine, PUF, 1997.
    • Lenoir Noëlle et Mathieu Bertrand, Les normes internationales de bioéthique, QSJ ? 3356, PUF, 1998.
    • Maurer Béatrice, Le principe du respect de la dignité humaine et la Convention européenne des droits de l’homme, La Documentation française, 1999.
  • Articles

    • Byck Christian, « La bioéthique : mythe ou mystification sociale ? », Journal International de bioéthique, 1999, vol. 10, n° 5, p. 9.
    • Conte Philippe, « Respect et protection du corps humain », Jurisclasseur civil, fascicule 80.
    • Delmas-Marty Mireille, « La modernisation du droit – Chances et risques », Dalloz 1999, Ch., p. 43.
    • Duprat Jean-Pierre, « Interactions normatives et recherche biomédicale », Revue générale du droit médical, n° 3, 2000, p. 21.
    • Lenoir Noëlle, « Bioéthique, constitutions et droits de l’homme », Diogène, n° 172, octobre-décembre 1995.
    • Mathieu Bertrand, « Du Code de Nuremberg à la bioéthique : les prolongements d’un texte fondateur », Recueil international de législation sanitaire, 1998,48 (3).
    • Prothais Alain, « Un droit pénal pour les besoins de la bioéthique », Revue de science criminelle, janvier-mars 2000.
    • Monnier Sophie, « Reconnaissance du droit au consentement en matière biomédicale en droit comparé », Revue internationale de droit comparé, avril-juin 2001.
Jean-Pierre Duprat [*]
Professeur agrégé de droit public à l’université Montesquieu-Bordeaux IV, directeur de l’UFR droit public, science politique, dirige l’Institut de recherche en droit public de Bordeaux, ainsi que le DESS droit de la santé.
  • [*]
    Professeur de droit public à l’université de Bordeaux IV.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/06/2010
https://doi.org/10.3917/rfas.023.0031
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