CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Depuis juillet 1995, la MiRe [1] s’est attachée à la production de connaissances sur le champ de l’éthique médicale. Il s’agissait d’essayer de clarifier ce que recouvrait le terme d’éthique pour les acteurs et les chercheurs appelés à le travailler car cette formule apparaissait, en effet, polymorphe et souvent incantatoire, renvoyant le plus souvent à une conception largement personnelle du mot. Il apparaissait qu’il y avait quelque chose de potentiellement riche à faire se rencontrer des acteurs de santé (médicaux et biomédicaux) avec des chercheurs (juristes, sociologues, philosophes, historiens), pour confronter les différentes conceptions de l’éthique dont ils se trouvent porteurs.

2Il s’agissait aussi de tenter de sortir des discours de l’expertise ou, à tout le moins, d’essayer de diversifier davantage les experts et les intervenants du domaine de l’éthique et leurs disciplines. De plus, face à l’hyper technicisation de la médecine, et face au développement de l’expérimentation, se faisait sentir la nécessité d’une réflexion qui soit partagée par ces différents acteurs et chercheurs. Se trouve-t-on engagé dans un processus où la médecine deviendrait de plus en plus négociable ? Enfin, la volonté d’un encadrement de plus en plus précis des pratiques par les réglementations nationales et internationales conduit à poser la question de la faisabilité de telle ou telle démarche : trop de droit amène-t-il à tourner la loi ? Sur ce dernier point, la collaboration avec la mission de recherche « Droit et Justice » a montré les différences de préoccupations entre les disciplines et les administrations.

3Après une période préparatoire où s’est tenu un séminaire informel réunissant praticiens et chercheurs dont les échanges et les travaux ont servi de base à l’élaboration des appels d’offres de la MiRe, un programme de recherche a pu être développé. La première phase s’est traduite par deux programmations successives du même texte, pour des nécessités de circulation de l’information auprès d’équipes peu habituées à ces thématiques nouvelles (juillet 1995 et janvier 1996). Elles ont porté sur les institutions productrices d’éthique, leur histoire, leur actualité et sur les pratiques soignantes quotidiennes. Le troisième appel d’offres, soutenu par le GIP mission de recherche « Droit et Justice », lancé en mai 1997, a reçu également l’appui de l’Établissement français des greffes (sept projets retenus). Il s’est appliqué à interroger les relations entre l’éthique médicale et la recherche biomédicale ; il a proposé aussi, mais sans succès, de lancer des investigations sur les liens entre éthique et recherche. Au total, vingt-deux recherches ont été financées, dont on trouvera la liste en annexe.

4De 1996 à 2001, un séminaire a accompagné les travaux réalisés dans le cadre des trois appels d’offres. Un des objectifs de la démarche lancée par la MiRe à cette occasion était d’identifier et de faire se rencontrer les équipes travaillant dans des domaines où les choix éthiques sont explicitement posés. Ces équipes étant variées, le séminaire a donc été interdisciplinaire. Il a regroupé des médecins, des juristes, des sociologues, des anthropologues, des psychanalystes, des philosophes et des psychologues. Des membres de l’administration y ont participé ainsi que les représentants des organismes en charge du programme.
Il nous a semblé qu’il était nécessaire, pour guider le lecteur parmi les recherches ainsi réalisées entre 1996 et 2001, de restituer d’abord les principaux débats rencontrés sur le terrain de l’éthique médicale dont il fallait tenir compte, y compris pour les dépasser lors de la construction du programme. Il s’agira ensuite de présenter succinctement les principaux apports des recherches conduites. Ils concernent l’éclairage historique, à travers les procès médicaux, considérés comme lieux de référence éthique. Du côté de l’approche juridique, c’est le balancement entre positivisme et procéduralisme qui émerge, comme une marque d’interrogation sur l’effectivité de l’encadrement normatif. Le programme de recherche a aussi permis d’éclairer la complexité, voire l’ambiguïté, de certains comités éthiques régionaux ou locaux. Un des points les plus délicats à cerner a été, sans conteste, la place de l’éthique au quotidien dans la médecine et la biomédecine. Les chercheurs apparaissent souvent mal à l’aise pour y situer précisément la place faite à l’expression personnelle du patient, sauf dans le cas des approches comparatives (France/États-Unis par exemple). Le programme de la MiRe ouvre enfin une réflexion stimulante sur éthique, bioéthique, marché et place du chercheur à l’heure de la mondialisation.

Quelques étapes de la réflexion éthique : état des courants de pensée

5Après la naissance, en 1978, de Louise Brown conçue in vitro en Angleterre puis, en 1982, d’Amandine, en France, dans les mêmes conditions, s’était développée une intense réflexion autour des relations entre science et éthique. En fait, ces réflexions s’inscrivaient dans la suite d’un mouvement qui n’avait jamais cessé depuis 1946, lors du procès à Nuremberg des médecins allemands devant un tribunal militaire américain [2]. Or, les Allemands eux-mêmes avaient, dès 1931, élaboré les premières directives gouvernementales sur l’expérimentation scientifique, comme le rappelle le rapport de l’équipe dirigée par Christian Bonah et William Shea, Les procès médicaux lieux de référence, révélateurs et régulateurs d’éthique comme d’éthos (cf. ci-après). L’acuité des questions posées à l’institution médicale par le procès des médecins à Nuremberg a été renforcée par le fait que les incriminations ont reposé aussi sur des aspects très vulnérables de la médecine dans son développement scientifique, d’une part, et, d’autre part, dans les transformations profondes de la profession médicale avec la réalisation par les États de systèmes d’assurances et de protection sociale qui ont entraîné de nouvelles relations entre les médecins, les malades, les citoyens et lesdits États. Avec ces deux aspects spécifiques de la médecine moderne, se sont dessinées de nouvelles relations [3].

6Devant l’inquiétude suscitée par les travaux de la médecine et des laboratoires, la création en 1983 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) marque une étape importante. Des experts sont convoqués pour donner leur avis sur les travaux en cours et ces avis doivent préparer les textes de lois qui encadreront les découvertes et leurs utilisations. Avec l’extension de l’épidémie de Sida, les associations de malades arracheront quelques inflexions aux protocoles prévus par les comités mais l’essentiel du pouvoir restera aux experts ; et les associations de malades resteront soit à l’extérieur des comités, comme c’est le cas pour le CCNE, soit à la marge de leurs décisions. Ce maintien du pouvoir aux mains des experts peut expliquer la réaction plutôt dénonciatrice d’un certain nombre de chercheurs face à la posture éthique, notamment celle de Dominique Memmi (CSU, Paris), qui analyse le fonctionnement du Comité national d’éthique à partir de la grille d’analyse de l’école de Pierre Bourdieu (effet de champ, habitus, qualification sociale et place de chacun), dans son rapport préparatoire au programme : Savants et maîtres à penser. Esquisse d’une sociologie de l’éthique (1994).

7Une importante littérature s’est accumulée à partir des années quatre-vingt, avec, par exemple les rapports de Guy Braibant, De l’éthique au droit[4], en 1988, ou celui du sénateur Franck Sérusclat, en 1993, qui ont accompagné de très nombreux colloques et séminaires. Citons pour mémoire, à côté des Journées nationales d’éthique, « Féminisme et maternité », organisées par le ministère des Droits des femmes en janvier 1984, « Génétique, procréation et droit » en janvier 1985, sous l’égide de Robert Badinter, « Filiation : continuité et rupture », organisé par l’Institut de l’enfance et de la famille en 1986, et « Science et droit » en juin 1991. Enfin un séminaire organisé au début des années quatre-vingt-dix par la Fondation Descartes et soutenu par la MiRe a réuni pendant plus d’un an un certain nombre d’experts psychanalystes, médecins et professeurs ou chercheurs de sciences humaines.

8Parmi les courants qui avaient pu être perçus avant le lancement du programme de la MiRe, différentes postures s’étaient dessinées.

9On trouvait ainsi des philosophes et une partie des juristes pour qui le mot « éthique » appliqué à la médecine et à la recherche scientifique recouvrait une attitude distanciée et critique, et renvoyait à une référence philosophique, proche de celle d’Hannah Arendt lorsque celle-ci s’intéresse à la banalité du mal. Cette attitude pourrait être décelée chez des philosophes des sciences. Parmi ceux-ci, Anne Fagot-Largeault. Elle rappelle, dans sa conférence inaugurale au Collège de France, qu’elle avait d’abord considéré que le sujet était « futile », lorsque Paul Ricœur, vers la fin des années soixante-dix, lui demanda un article sur « sciences et éthique ». En travaillant le sujet, elle réalisa qu’il n’était point futile : « Il m’était arrivé de penser que des sujets comme la logique du raisonnement diagnostique ou, comme la définition de la santé et de la normalité, devraient être enseignés aux étudiants en médecine, mais la philosophie des sciences sous l’angle théorique n ‘intéressait alors à peu près personne. Tandis que pour la philosophie des sciences sous l’angle éthique, il y eut une demande, venant d’abord des professionnels, médecins et chercheurs, puis une demande sociale […]. Pouvoir contribuer à une réflexion collective pour laquelle il y avait une demande de philosophie fut une expérience gratifiante. »
Certains juristes proches des écoles procédurales ou des sociologues du droit considéraient, quant à eux, que le mot éthique n’avait pas sa place, qu’il s’agissait là d’un « créneau » permettant de développer des recherches et ne voulaient entendre parler que des droits des malades. La mise à l’écart fréquente des associations de malades ou le peu de prise en compte de celles-ci ne pouvaient que renforcer leur position. Par ailleurs, les commissions ad hoc réunies dans le cadre de la prévention des risques liés à l’environnement ont ouvert la voie à une réflexion sur des formes de démocratie technique ou forums hybrides[5] qui pouvaient apparaître comme la suite normale des travaux engagés, dans le cadre des comités d’éthique, sur la prise de décision.
Entre ces deux tendances, où l’on pourrait classer d’un côté les dénonciateurs de l’éthique et de l’autre ceux qui la revendiquent – avec plusieurs nuances et plusieurs degrés d’implication – se sont lovés des itinéraires plus pragmatiques, par exemple d’économistes de la santé, de sociologues et de médecins qui se préoccupaient assez peu de réinterroger leur approche et qui étaient cependant bien implantés dans le milieu des différents comités et chaires d’éthique présents en milieu universitaire et hospitalier.

L’histoire mobilisée : les procès médicaux, lieux de référence éthique

10L’appel d’offres lancé par la MiRe à propos de l’éthique et de la recherche biomédicale, en mai 1997, a suscité une recherche utile et éclairante, dirigée par Christian Bonah et William Shea (CIRIST. LESUS). Les procès médicaux : lieux de références, révélateurs et régulateurs d’éthique comme d’éthos. Étude historique comparée de deux grands procès médicaux en France et en Allemagne. 1929-1999 (2000).

11Les chercheurs ont produit un travail d’histoire sociale comparative. Sans doute mérite-t-il une lecture attentive, même pour un public éclairé, peu familiarisé à la distinction entre « éthique » et « éthos ». Sans doute aussi est-il d’inégale valeur, puisque formé de seize contributions françaises, allemandes et britanniques qui, parfois, s’articulent difficilement ou se répondent trop peu. Il n’en reste pas moins, à nos yeux, un des apports les plus significatifs pour l’avancement des connaissances sur le programme « Éthique et recherche biomédicale ». À travers les procès rapportés, « l’éthique apparaît comme une analyse, une formulation et une codification – disons plutôt une injonction juridique – intervenant a posteriori. Dès lors, l’éthique peut-elle jouer un rôle préventif ? ».

12En effet, c’est bien de trois procès dont il s’agit : ceux de Lubeck (1930-1931) bien oubliés à tort, autour des accidents liés à la vaccination par le BCG ; ceux de Nuremberg (1946-1947) d’où naîtra un des premiers encadrements de la recherche médicale ; enfin, ceux concernant « le sang contaminé » en France (1984-1999). Cet aller et retour entre l’Allemagne et la France, en passant par les États-Unis (Nuremberg oblige) permet de suivre comment, en quels lieux et dans quelles circonstances précises, des questions qualifiées « d’éthiques » ont été identifiées, posées « individuellement et collectivement et comment elles ont été traitées », en dépassant, dans ces trois cas emblématiques, la régulation interne propre à la profession.

13L’étude historique, qu’il ne peut être question de détailler ici, souligne plusieurs paradoxes :

  • les soixante-douze accidents mortels survenus en Allemagne liés à la vaccination par le BCG, mis au point en France, interviennent dans le cadre de « la grande science » qui commence à effacer les frontières. Or, là où l’Allemagne organise des procès pénaux avec large débat public et débouchant sur un véritable encadrement normatif de l’expérimentation humaine, la France, pourtant aussi touchée par des décès identiques, ignore absolument (par réflexe nationaliste ?) ce débat qui voit l’éthique s’affirmer par réflexion sur la pratique. Autre point sensible, le débat sur l’opportunité de vacciner ne dépasse jamais, en France, le cercle étroit des médecins et des scientifiques, alors qu’apparaît, en Allemagne, la première revue d’éthique médicale, qui, à partir de 1933, ne restera cependant pas insensible à l’idéologie nationale socialiste ;
  • à propos des procès de Nuremberg, Paul Wendling, en charge de cette partie, illustre les difficultés rencontrées par le procureur américain Andrew Conway Ivy, l’un des rédacteurs du Code de Nuremberg, pour déterminer précisément la formulation d’une régulation et « départager des expériences licites de l’armée américaine, des crimes commis par les médecins allemands assis au banc des accusés » ;
  • le contexte qui accompagne la fin de la guerre est ambigu : les Alliés se préoccupent aussi de ce qui pouvait être militairement et stratégiquement utile parmi les recherches médicales allemandes du temps de guerre, au moment même où est forgé (décembre 1945) le concept de crime médical de guerre. C’est aussi dans ses circonstances qu’il est acquis que « des médecins des Etats-Unis ont largement expérimenté sur les pensionnaires des institutions pénitentiaires et des asiles d’aliénés ». Paul Weindling illustre remarquablement la complexité des débats autour des raisons pour expérimenter sur l’homme et du consentement éclairé, sur la base du Code déontologique mis au point par l’Association des médecins américains, puis du Code de Nuremberg issu du procès. L’acquis central ? Sans nul doute, la possibilité, pour le sujet, de dire non à l’expérimentation.
La conclusion des auteurs est presque pessimiste : à Lubeck, à Nuremberg et à Paris, la médecine en tant qu’activité scientifique n’était pas centralement un sujet à débattre.

14Pour autant, ce recours à l’histoire, étayant les travaux de Claire Ambroselli (Inserm) dans sa contribution à la préparation de l’appel d’offres de la MiRe (1994) est éclairant : la possibilité pour le sujet de refuser l’expérimentation, évacuée dans la Déclaration d’Helsinki en 1964, n’apparaît en France qu’en 1988, illustrative « d’une modification profonde des circonstances et d’une déperdition du pouvoir médical », que l’affaire du « sang contaminé » ne fait que souligner.

Éthique et droit : droit positiviste et droit procédural

15Marcela Iacub (CNRS-Université de Nantes) compte au nombre des juristes qui ont participé aux travaux préparatoires du programme de la MiRe. Son rapport De l’éthique à la responsabilité juridique des médecins : bioéthique et écologie, l’élaboration d’un nouveau statut du corps humain (1994), comme ses travaux suivants adoptent un esprit qu’elle qualifie elle-même de résolument positiviste. Dans ce rapport, l’auteur fait l’hypothèse que les nouvelles conceptualisations des juristes autour de l’homme, la nature et le corps humain ont été fortement influencées par la pensée écologiste. Le rapport du Conseil d’État de 1988 déduit de l’article 1128 du Code civil un « ordre public du corps humain » qui opère une unité transversale entre le corps des individus, en construisant une réalité juridique distincte. Les corps de toutes les personnes physiques auraient entre eux un lien, indépendant de leur rapport avec chacune de celles-ci. Par ailleurs, il n’est plus question de corps mais de ses éléments et produits où le principe de leur unité était accordé par leur origine humaine. On s’achemine ainsi vers la construction d’un autre sujet de droit constitué par l’ensemble de la matière vivante d’origine humaine.

16La disposition de soi devient ainsi la disposition d’un autre avec qui on est censé établir des relations de réciprocité. Marcela Iacub repère dans l’économie de ces arguments la même matrice que celle qui apparaît dans le courant de la deep ecology mais transposée aux relations que les individus entretiennent avec eux-mêmes. Dès lors, la reconnaissance des droits de la nature devait aboutir nécessairement à l’institution d’un nouveau rapport juridique entre l’homme, son corps et l’environnement. Cette hypothèse de la nature comme sujet de droit a trouvé des adeptes en dehors de la doctrine juridique, notamment chez Michel Serres qui reprend des thèmes avancés dans les années soixante-dix par James Lovelock dans son hypothèse Gaia résumée dans la formule « la Terre est un être vivant ». Cette proposition est consacrée comme une identité grâce à l’apport des juristes : la nature, sujet de droit, trouve des fondements biologiques aussi réels que la personne physique. A partir de ces prémisses, l’attribution au corps du statut de sujet de droit ne pose plus de difficulté théorique. Inspiré par Hans Jonas, Jean-François Mattéi dans son rapport de 1994 [6] se demande si le corps est une personne, une chose ou une catégorie sui generis. Le corps est à la personne comme la nature aux hommes. Cette maison naturelle peut bien être une chose, mais une chose sacrée. La catégorie de chose appliquée au corps acquiert ainsi une nouvelle dignité, et mérite une forme de protection particulière.

17Dans son travail pour le programme de la MiRe, Marcela Iacub cherche à « se donner les moyens de dire la vérité sur ce que fait effectivement le droit, et sur les raisons pour lesquelles nous avons besoin de masquer, [d’une manière tout à fait singulière], ce que fait singulièrement le droit, pour qu’il puisse mieux le faire ». Cette position, directement inspirée d’Hans Kelsen et de Yan Thomas, aborde les problèmes fondamentaux du droit à partir de l’analyse d’un cas limite, ce qui permet de mettre en évidence les ambiguïtés et les malentendus qui ont accompagné la construction progressive du droit. Elle puise dans le droit sa propre logique et cherche à l’isoler des autres disciplines (psychologie, sociologie, éthique et théorie politique) ; c’est donc une attitude totalement différente de celles des juristes qui analysent le droit comme un jeu d’acteurs qui se réfèrent à différentes grammaires et obéissent à différentes logiques.

18Plus composite est le point de vue adopté par Jean-Pierre Duprat (IRDPB-CERAF – Bordeaux IV) dans sa recherche, Les interactions normatives dans la recherche biomédicale (2000), dont il développe certains aspects dans son article de ce numéro [7]. Il propose, une genèse de la bioéthique vue par les juristes, se centrant particulièrement sur son développement à partir du Code de Nuremberg de 1947. Il souligne que « la tradition juridique propre à chaque ensemble étatique implique des cheminements différents. Aussi, aux États-Unis, la bioéthique est directement issue de l’approche juridique nationale valorisant la protection des droits du sujet dans l’esprit de la Déclaration d’Indépendance de 1776. Au contraire, la démarche juridique française est davantage dépendante de l’approche universaliste exprimée par l’éthique ». De même, l’auteur récuse un processus de cheminement linéaire de la « migration normative », qui conduirait, à l’opposé du titre du rapport du Conseil d’État de 1998, De l’éthique au droit. Main tendue vers la recherche d’Anne-Sophie Ginon, Pascal Lokiec, sous la direction d’Isabelle Vacarie, (IRERP – Paris X-Nanterre) intitulée Recherches biologiques et médicales et procéduralisation du droit (2000), Jean-Pierre Duprat note que « l’importance de l’approche éthique tient d’ailleurs au développement d’un droit procédural, multipliant les instances de caractère consultatif, propice à l’application de sa logique ». D’où ce « droit mou » souligné par la doctrine, « contractant des notions au contenu flou », porté par l’éthique procédurale. Ce qu’Anne-Sophie Ginon exprime en énonçant que « la norme et l’action juste, rationnelle, ne sont pas données d’avance, mais sont au contraire déterminées dans le contexte », posture juridique qui se réclame explicitement de la réflexion sociologique de Luc Boltanski et Laurent Thévenot [8].
À travers des études de cas, Jean-Pierre Duprat souligne que « la porosité normative implique des échanges multiples, souvent réciproques entre domaines concernés, qu’il s’agisse de catégories de normes, particulièrement de l’éthique et du droit, mais aussi des branches à l’intérieur de ce dernier». Face à ces ressources multiples, les instances investies d’une compétence normative peuvent développer des stratégies défensives ou de conquête, afin de préserver leur domaine d’intervention ou d’étendre leur influence. À ce titre, il note que l’évolution récente a conduit à donner un contenu juridique élargi aux normes déontologiques, dépassant largement l’autorégulation d’une profession pour impliquer les droits de la personne, bien au-delà du cadre formel des codes de déontologie.
Quant aux rapports complexes entre les différents systèmes normatifs, Jean-Pierre Duprat pointe le rôle moteur du droit international dans l’édification de règles, notamment pour la protection des sujets d’expériences.

Les comités d’éthique régionaux et locaux : le domaine de la diversité ou de l’ambiguïté

19À côté du Comité international de bioéthique de l’Unesco, du Comité directeur pour la bioéthique du Conseil de l’Europe, et des comités nationaux, tel le Comité national consultatif d’éthique français (1983 ; voir à son propos les travaux précités de Dominique Memmi), de nombreux comités locaux d’éthiques sont apparus spontanément, disparates et fragiles.

20L’appel d’offres de la MiRe a suscité trois recherches à propos de ces comités locaux.

21Avec Les comités régionaux d’éthique clinique en France : réalités et perspectives (1999), Brigitte Feuillet-Le Mintier (CRJO Rennes I) propose une vue synthétique des dix-sept comités régionaux alors existants, adossés aux 31 centres hospitaliers régionaux français. L’apparition des comités consultatifs de protection des personnes se prêtant à la recherche biomédicale (CCPPRB) avec la loi du 20 décembre 1988 a été une rude concurrence pour les comités régionaux, sans statut légal. Pluridisciplinaires, sur-représentant le monde médical « leur compétence est limitée aux demandes émanant des professionnels de santé, les patients et leur famille étant rarement autorisés à saisir les comités ». Parfois les CCPPRB se retournent aussi vers eux pour solliciter un avis. Les comités peuvent diffuser une « prise de conscience éthique », par des conférences ou des enseignements. L’auteur appuie leur reconnaissance légale, au nom de leur pluridisciplinarité et de la « prise en compte de la dimension collective de la décision médicale ». Sans doute s’agit-il « d’espaces éthiques de terrain » mais l’exclusion de fait des patients dans la saisine et, a fortiori, la délibération, mérite bien un questionnement, y compris comparatif, que l’on ne trouve ici qu’esquissé.

22Un autre type de comité d’éthique, apparu spontanément, mais calé sur une interprétation problématique de la loi est étudié dans L’analyse sociologique et juridique du fonctionnement du « comité de vigilance » d’un département de gynécologie obstétrique de CHU (1998) qui a été conduite par Hélène Grandjean, Monique Membrado, Claire Neirinck, Anne-Marie Rajon et Virginie Serrate-Fonvielle (CJF/CIEU/CHU La Grave/Toulouse). La loi du 17 janvier 1975 sur l’interruption volontaire de grossesse dispose que celle-ci peut être pratiquée à toute époque dès lors que le fœtus est atteint d’une affection incurable d’une particulière gravité au moment du diagnostic, ou si la santé de la mère est gravement menacée par la poursuite de la grossesse. Deux médecins peuvent alors prendre la responsabilité de l’IMG. Or, au CHU de Toulouse, un collectif dit « Comité de vigilance » s’est formé, observé par l’équipe de sociologues et la juriste dans son fonctionnement pendant un an (8 réunions mensuelles et 12 réunions ponctuelles pour des décisions urgentes) et c’est ce comité qui prend la décision. Composé de 28 membres, il fonde son intervention sur « l’impossibilité ou la difficulté de la prise de décision individuelle dans certains cas et l’éprouvante épreuve du geste dans d’autres ». Le comité comprend des obstétriciens, pédiatres, sages-femmes, anesthésistes, psychiatre et psychothérapeute. « La présence des sages-femmes et des anesthésistes a dû se négocier, en particulier autour de la responsabilité de l’acte médical qu’ils sont amenés à effectuer ». Cette interprétation de la loi que représente par elle-même l’existence du comité et qui n’est pourtant jamais qualifiée ici par les chercheurs – y compris la juriste – pose donc un problème : l’objectivité s’acquiert-elle mieux à plusieurs ? Les décideurs se protègent-ils mieux ainsi de la subjectivité de leurs valeurs ? Pour cela, il a fallu observer « comment s’effectuait le passage d’une argumentation complexe et souvent non consensuelle à une décision unique » acquise au demeurant par vote public à main levée. Il y a dilution de la décision dans le groupe, autrement dit de la responsabilité individuelle. Ce n’est personne qui prend la décision, c’est tout un groupe. L’équipe trouve une justification à la démarche du comité de vigilance : « quand on sait que les médecins ont à statuer sur des situations qui, la plupart du temps, ne relèvent pas de compétences seulement médicales, on peut avancer l’hypothèse de l’excès de responsabilité qui leur est dévolu ». L’interruption médicalisée de grossesse suscite chez ces acteurs des formes de rationalité relativement constantes. Il y a donc polarisation du débat, le plus souvent, entre ceux qui perçoivent l’IMG comme un « non-soin » et ceux qui privilégient la gravité du handicap et la souffrance qu’elle peut engendrer. Souvent, obstétriciens et anesthésistes sont d’un côté, pédiatres et sages-femmes de l’autre. « C’est ainsi que s’instaurent progressivement au cours des différents processus décisionnels, des manières de fonctionner où se dégageaient des normes propres au groupe qui relèvent, pourrait-on dire, d’une éthique biomédicale ». L’équipe précise : « les médecins ne sont pas demandeurs du pouvoir normatif que la loi leur a délégué et ils ne l’exercent qu’avec réticence ».

23Le principal regret que l’on peut éprouver est sans doute la trop faible articulation du travail des sociologues et de la juriste : on ne sait rien sur l’impact de l’évolution de la composition du comité, sur son fonctionnement concret et sur le type de «jurisprudence » qu’il a pu bâtir. Force est aussi de constater que, sur la pente de la recherche-action, la prise de distance avec l’objet semble perdue de vue, pour déboucher sur un plaidoyer qui écarte précisément la nuance propre au travail scientifique.

24Avec Jean-Christophe Mino et Caroline Weil (ENSP, Groupe IMAGE) l’interrogation « institutionnelle » à propos des comités devient comparative [9] : Les comités hospitaliers d’éthique clinique sont-ils des lieux de production de nouvelles normes de pratique ? (1999). Ici, l’étude implique une comparaison entre les États-Unis, le Québec et la France (Assistance publique-Hôpitaux de Paris – AP-HP) et sert de cadre à une réflexion très stimulante sur les modalités de structuration du champ institutionnel hospitalier de l’éthique clinique, débouchant sur des situations fort contrastées. Le cas américain, pionnier en l’espèce, révèle l’intervention d’un comité ou d’une personne, « l’éthicien », le plus souvent un philosophe formé (?) à cette « fonction », à la demande des professionnels de santé, des patients ou de leur famille, lorsque se manifeste un conflit de valeurs au cours d’une prise en charge. Les comités ont aussi une fonction spécifique : « l’édiction de politiques et de lignes directrices pour l’institution à propos des questions éthiques, ainsi que l’information et la formation des professionnels de santé, en interaction avec les centres universitaires ». Il en résulte un mouvement bioéthique, où philosophes et théologiens jouent un rôle de premier plan, sans oublier certains juristes et professionnels de santé. Au Québec, ces comités existent mais paraissent moins reconnus et moins dotés en moyens. Le milieu francophone semble dubitatif sur le rôle des éthiciens dans les hôpitaux. Les juristes aussi sont plus en retrait dans les comités. Globalement, la France, selon les auteurs, se distingue par une relative discrétion des comités hospitaliers, essentiellement perçus comme des lieux de discussion et de débat interne. Pas de moyens, pas de fonction institutionnelle, pas de reconnaissance dans les organigrammes. Les filières universitaires sont rares, la formation des professionnels de santé presque expérimentale.
Pour les auteurs, deux facteurs principaux peuvent éclairer l’apparition d’un champ institutionnel hospitalier propre à l’éthique clinique. Ces facteurs sont, d’une part, l’autonomie du patient et l’autodétermination qu’il a sur son corps et, d’autre part, la remise en question, au nom de cette autonomie, des normes de pratiques des médecins.
Bref, il y a là une réflexion dynamique et stimulante marquée par une limite – de taille – : ici encore, « l’éthique » est considérée comme une donnée, une sorte d’outil de management, et donc jamais questionnée, que l’on soit sur l’une ou l’autre rive de l’Atlantique.

Médecine, biomédecine et éthique au quotidien : réintroduire l’usager

25L’appel d’offres de recherche lancé par la MiRe en juillet 1995 proposait aux équipes un questionnement sur les pratiques soignantes quotidiennes au contact de l’éthique. À côté de deux recherches qui n’ont pu aboutir (l’investigation scientifique reste toujours une entreprise à risque), plusieurs travaux méritent d’être succinctement rapportés.

26C’est d’abord le cas pour Éthique clinique et médecine fœtale (1996), réalisé par Bruno Cadore avec Pierre Boitte (Centre d’éthique médicale de la faculté catholique de Lille). Ici, à la différence du raisonnement de beaucoup d’équipes juridiques, l’éthique n’est pas donnée au départ. Au contraire, l’objectif est de montrer comment les prises de décision clinique dans un contexte culturel et médical marqué par les progrès scientifiques et techniques de la médecine révèlent la nécessité d’interroger les orientations qui, au fil des décisions singulières, sont données à la fonction soignante.

27L’équipe souligne d’entrée que la médecine contemporaine « s’interroge sur le fait que ce développement [de la médecine] lui-même conduit parfois, paradoxalement à accroître la souffrance qu’il visait à atténuer ». Or, la médecine fœtale est souvent marquée par l’urgence des choix à faire. Pour les auteurs, ces choix se réfèrent à des conceptions implicites du bien de l’humain. « Il est frappant de constater que les souhaits d’accompagnement éthique à la décision clinique sont souvent formulés en terme de demande, tout à la fois d’une aide et d’une formation ». De la sorte, la participation à l’analyse éthique de la prise de décision à laquelle les soignants sont confrontés est, par elle-même, un lieu de formation privilégié à l’éthique.

28L’observation a été conduite au service de médecine fœtale du CHRU de Lille avec une perspective : « élaborer une méthode d’éthique clinique se situant au croisement entre le souci concret de la qualité éthique de la décision clinique et l’identification des principaux enjeux philosophiques des mutations de la fonction médicale induites par les progrès des connaissances et des pratiques ». Cela suppose, pour l’équipe de Bruno Cadore, une « réflexion en tension entre une approche pragmatique de l’éthique et une interrogation philosophique de l’action ». Sur cette base, se dégagent quelques questions à partir desquelles la réflexion en éthique biomédicale devrait se poursuivre. L’équipe médicale observée se réunit toutes les six semaines pour discuter a posteriori des cas difficiles rencontrés. D’autres réunions, elles hebdomadaires, analysent chaque situation nouvelle accueillie dans le service. Ce sont celles-ci qui ont été suivies, dans ce groupe « qui prend la responsabilité clinique des explorations diagnostiques et des décisions thérapeutiques ». Ainsi a pu se construire une grille d’analyse en cinq étapes : – éthique narrative, où sont présentés, par un acteur, les éléments déterminants de la situation, les réactions personnelles et les questions auxquelles on a voulu répondre ;

29

  • structure de la responsabilité engagée ;
  • scénarios possibles pour le problème, avec les conséquences, bénéfiques ou non, en découlant, ainsi que les raisons éthiques les soutenant dans l’immédiat ou à terme ;
  • argumentation autour des scénarios (aspects médicaux, scientifiques, déontologiques, juridiques, articulation entre les niveaux singuliers, particuliers et universels de l’exigence éthique) et préférence entre les divers scénarios. Cette étape peut faire s’affirmer des priorités jusque-là implicites entre le fœtus, les parents, l’incertitude du savoir, etc. ;
  • la dernière étape est la prospective, proche de l’évaluation de l’action, en termes médicaux, mais aussi d’autonomie, de justice et de solidarité.
Avec la modestie qui sied à des philosophes, l’équipe appelle à l’élargissement des travaux sur la validité de l’outil ainsi construit et aussi à des réflexions sur « le statut dans un savoir scientifique de la lucidité quant aux incertitudes des connaissances ».

30L’équipe du centre d’éthique médicale de l’université catholique de Lille de Bruno Cadore, Armelle de Bouvet et Claude Deschamps ont approfondi son travail en 2001 avec Recherche des critères éthiques de validité du passage de la recherche biomédicale à la clinique, dans l’horizon des liens entre recherche en génétique et médecine prédictive, dans le cadre de l’appel d’offres de mai 1997 centré sur « éthique et recherche biomédicale ». L’article de C. Deschamps et A. de Bouvet, dans ce numéro, présente leurs résultats [10].

31À côté du travail très largement philosophique du centre d’éthique médicale de Lille, d’autres travaux ont été conduits par Anne Paillet, sociologue (ENS et EHESS) sous la direction de Claudine Herzlich : Éthique et pratique quotidienne à l’hôpital. Approche sociologique des décisions d’arrêt, d’abstention ou de poursuite thérapeutique (1997). L’auteur s’est livré à l’observation ethnographique durant dix semaines d’un service de réanimation pédiatrique pour déboucher sur la construction pratique des décisions, en lien avec les interactions, les représentations et les discours. « La démarche a consisté à repérer comment émerge au quotidien une »catégorie« indigène de hiérarchisation et de qualification des décisions : la catégorie des décisions les plus difficiles à prendre », et le faisceau des « marqueurs » qui les accompagnent : difficulté, douleur, poids. Entre « en faire trop » et « baisser les bras trop vite », les classifications se font parfois vite. Dans le premier camp, les médecins vus par les infirmières, les médecins seniors vus par les internes, le chef de service vu par les assistants. Cette cartographie, bien sûr indicative, recouvre des effets de position professionnelle, d’âge, de génération, d’ancienneté. Mais, il est clair que « tous les membres du service n’ont pas le même rapport à chacune des composantes de la difficulté », en fonction notamment du contexte concret de leur travail.

32Quant à la prise de décision, à côté d’un discours de service assez unanime, on voit vite poindre des désaccords : les infirmières pensent que le débat est insuffisant sur les cas difficiles. Émerge aussi une revendication de reconnaissance des identités professionnelles ou une contestation feutrée de l’exclusivité médicale sur la décision. L’auteur souligne que le recours à la notion d’éthique est bien rare dans ces débats, surtout sur un versant positif : « à l’inverse même, les références indigènes à l’éthique renvoient plutôt à un univers en négatif de l’indiscernable et de l’insaisissable (sur lequel mieux vaut ne pas ouvrir les discussions puisqu’elles ne pourraient qu’être sans fin et sans conclusion opératoire). Pour autant, l’usage indigène, ponctuel, de la notion d’»éthique« n’est pas sans effet sur les pratiques. Le plus patent est, lorsque ce sont les médecins seniors qui utilisent le terme, un effet de fragilisation de leur position. Car en ouvrant »la brèche de l’éthique«, ne mettent-ils pas alors eux-mêmes au cœur de leur discours une tension patente entre d’une part une compétence à trancher qui doit être strictement médicale et d’autre part une difficulté qui »dépasse« le médical ? N’ouvrent-ils pas ainsi la porte, au sein de leur service, à la mise en cause du ressort strictement médical de ces décisions ? »

33Il faut d’ailleurs noter que, à la suite de cette recherche, Anne Paillet a réalisé pour la MiRe un autre rapport : Les pédiatres réanimateurs français sur la brèche de l’éthique. Une analyse de leurs publications depuis trente ans (1999). Elle y reprend la genèse de ce qu’elle estime la position de fragilité éthique des pédiatres réanimateurs, analysant discours, rhétorique et sémantique pour cerner le « processus d’élaboration collective de repères éthiques, à travers les décisions difficiles ». Après une période (fin des années soixante) où le développement de la réanimation est au cœur de la littérature scientifique pédiatrique, succède une autre, jusqu’au début des années quatre-vingt où émerge un questionnement sur la valeur de la réanimation : conduit-elle à une augmentation du handicap ? Mais c’est en 1986, avec un numéro spécial des Archives françaises de pédiatrie que « se marque la formalisation en termes éthiques des questionnements soulevés par la réanimation pédiatrique ».

34Ce rapport d’Anne Paillet, très riche, montre comment les pédiatres réanimateurs ont cherché à « internaliser » la contrainte que risque d’être, pour eux, une régulation éthique externe. Différentes postures sont repérées, jusqu’à l’usage du registre de l’euthanasie. Un point délicat est la mise à l’écart des parents « de la décision, voire des discussions ou même des informations, ce qui entre en dissonance avec la norme du consentement : » l’entreprise de médicalisation de l’éthique atteint ici comme un point de butée« ». Ce faisant, Anne Paillet pointe ce qui apparaît a posteriori une lacune importante du programme de la MiRe : la voix des patients ou de leurs proches dans le processus de décision. La législation récente y a pour partie répondu, mais le débat paraît loin d’être clos.

35Même si l’on s’éloigne un peu des pratiques au quotidien, la figure de « l’usager » est au cœur de L’enquête sur les pratiques et les conceptions de l’information et du recueil du consentement dans l’expérimentation sur l’être humain (2000) initiée par Anne Fagot-Largeault et conduite par Philippe Amiel (Novexis). En effet, la loi dite «Huriet» de 1988 sur l’expérimentation humaine a créé les CCPPRB pour se prononcer sur les projets de recherche et a imposé « la signature, par les personnes pressenties pour la recherche, d’un document qui témoigne de leur accord et de l’information préalable reçue ». Or, « en deux ans d’application effective, la loi Huriet a encadré plusieurs millions d’actes de recherche ». Pourtant, la jurisprudence sur le projet reste absolument vide : la loi de 1998 n’a jamais été mobilisée pour régler un contentieux devant les tribunaux. La recherche conduite vise, à travers une étude empirique, systématique et qualitative, à établir une réponse documentée à la triple question :

  • quels sont les dispositifs pratiques mis en place par les acteurs pour l’information préalable et le recueil du consentement ?
  • comment ces dispositifs sont-ils formés, sur quelles bases objectives et subjectives ?
  • comment sont-ils mis en œuvre et vécus par les acteurs ?
L’équipe d’Anne Fagot-Largeault dont Philippe Amiel présente dans ce numéro la recherche [11], s’est employée concrètement à distinguer situation de soin et situation de recherche, puis à isoler trois groupes d’acteurs : les promoteurs (laboratoires, hôpitaux, instituts) qui prennent l’initiative de la recherche, les investigateurs qui dirigent et surveillent l’expérience (médecins) et les personnes sujettes. Elle développe son approche dans le présent numéro. Proposant un regard décapant sur la loi, elle a su cerner avec méthode et précision les conditions réelles de sa mise en œuvre, et le cadre international (notamment économique) de référence auquel elle est confrontée.

Recherche biomédicale, éthique et marche à l’heure de la mondialisation

36L’accélération de la recherche sur le terrain de la génétique humaine, sa capacité en particulier à proposer des tests interprétables comme « prédictifs de santé » ont amené des équipes à s’interroger sur l’usage commercial de ces tests, mais aussi sur les conséquences que la rencontre avec l’économie marchande est susceptible d’entraîner pour le métier du chercheur, à l’heure de la mondialisation. Entre science et marché, l’éthique est naturellement interpellée.

37Le premier de ces travaux est la recherche dirigée par Marie-Angèle Hermitte avec Christine Noiville (centre de recherche en droit privé de l’université de Paris I) Les tests génétiques et l’assurance (2000).

38La recherche se donne pour objet d’explorer comment les tests génétiques entendus comme prédictifs de santé pourraient être pris en compte par les systèmes assurantiels pour déterminer des exclusions de risques ou des surprimes et, éventuellement déboucher sur des discriminations injustifiées. Elle considère les cadres législatifs et réglementaires français et britannique, avant d’analyser plus largement, de lege ferenda et du point de vue de la théorie du droit, ce qui est susceptible d’évoluer à moyen au long terme dans les contrats d’assurance confrontés aux tests.

39Présentement, les lois bioéthiques de 1994 comme la Convention européenne des droits de l’homme (article 12) s’opposent à ce qu’une personne soit tenue, par un assureur ou un employeur par exemple, à la réalisation d’un test génétique établissant une corrélation entre la présence d’une forme précise de gène et le risque de développer, à court ou long terme, une maladie. Or, plus de 70 tests étaient déjà disponibles sur le marché en 1999. Une dizaine, intéressant particulièrement les assureurs, révélaient avec certitude des maladies monogéniques, mais non leur gravité. Un test pourrait aussi déceler l’aggravation d’un risque pour des maladies polygéniques.

40Marie-Angèle Hermitte pointe la situation spécifique faite aujourd’hui aux tests génétiques, face aux autres techniques – elles, licites – de sélection médicale des risques par les assureurs. Selon elle, le test laisse subsister l’aléa consubstantiel au contrat d’assurance, et renvoie au risque aggravé. Si l’assureur ne peut prescrire un test avant la souscription du contrat, ni détourner à son profit le résultat d’un test, un assuré, s’estimant un « bon risque », peut-il s’appuyer sur un test négatif pour faire minorer sa prime ? Peut-il, dans le cadre d’une « histoire familiale » évoquée dans le questionnaire de santé préalable au contrat, arguer d’un test négatif pour échapper à la catégorisation parmi les risques aggravés ? L’assuré peut-il taire dans le questionnaire initial préalable au contrat un test déjà réalisé et positif ? La jurisprudence semble ici négative, par application du principe de bonne foi. Telles sont quelques-unes des questions juridiquement pertinentes aux yeux de l’auteur et encore non éclaircies.

41Dans sa réflexion prospective, elle s’attache à souligner l’impact des tests sur deux points clés de l’assurance : l’asymétrie d’information et l’aléa moral (comportement de l’assuré suite à la positivité d’un test le concernant).

42La seconde partie du travail est une présentation très succincte de l’état du droit européen. La Convention européenne sur la bioéthique, fort ambiguë, proscrit toute discrimination fondée sur le patrimoine génétique de la personne (article 11) ; reste le cas spécifique de l’article 12, qui exclue l’utilisation du test prédictif par l’assureur même avec l’assentiment de la personne pour une raison autre que médicale ou de recherche. Mais il ne dit rien des tests éventuellement réalisés antérieurement par la personne.
Admettre ici un droit au mensonge créerait une exception spécifique pour la génétique dans le cadre de l’assurance.

43Dans la situation anglaise ensuite étudiée par Christine Noiville, l’auteur apprécie particulièrement quatre traits du dispositif assurantiel britannique :

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  • sa fluidité, car non « figé par la loi » ;
  • l’absence de distinction a priori entre tests médicaux classiques et tests génétiques ;
  • l’instauration d’un débat démocratique, via un jury de citoyens créé en novembre 1997 (seize personnes choisies aléatoirement, s’informant et délibérant pendant quatre jours) sur l’initiative de l’Association des assureurs britanniques, débouchant un mois plus tard sur un code de bonnes pratiques ;
  • l’existence de recommandations de la Commission consultative sur la génétique humaine.
Elle développe particulièrement l’intérêt du jury citoyen, qui ne gomme pas les conflits, et explique sa formation, sans vraiment la questionner, notamment quant à l’existence préalable d’un schéma d’utilisation des tests établi par les assureurs britanniques dès février 1997. De même, l’hostilité de ces assureurs devant une possible intervention de la loi, ou devant le terme même de tests génétiques n’est pas discutée, comme on aurait pu s’y attendre.

45Sur le fond, le Code des assureurs britanniques n’impose pas de subir des tests génétiques, mais de communiquer les résultats de ceux déjà pratiqués. Il ne peut pas fonder de baisse de prime sur le fondement d’un « bon » profil génétique. Parmi soixante-dix tests de maladies monogéniques, le Code n’en valide que huit. Il crée une possibilité d’appel devant un organe indépendant, formé toutefois sur l’initiative des assureurs, dont les décisions font jurisprudence pour les sociétés d’assurance. Il écarte les tests pour les maladies multifactorielles, et ne les autorise que pour les affections monogéniques.

46La Human Genetics advisory commission (HEAC), plus prudente, a recommandé un moratoire de deux ans aux assureurs vie et mis à leur charge, après ce délai, la preuve de l’efficacité des tests qu’ils retiendraient. Or, le gouvernement britannique a écarté en novembre 1998 ce moratoire et validé le Code des assureurs, appliqué par plus de 95 % de la profession.

47L’auteur nuance finalement son propos initial sur les mérites du jury citoyen, en notant qu’un consensus précédent, à propos des aliments génétiquement modifiés, a volé en éclat, peu après. Elle aborde franchement le risque de discrimination à propos de l’exemple des pratiques assurantielles envers la maladie de Huntington. Depuis avril 1999, les pouvoirs publics ont imposé un comité, le Genetics and Insurance Committee, ouvert à la représentation des malades, validant le recours aux tests.

48Dans sa conclusion, Marie-Angèle Hermitte classe les types de législations susceptibles d’intervenir en deux familles : celles qui réservent des tests génétiques à la relation patient-médecin ; celles qui conçoivent la génétique comme une simple technique et qui ne postulent pas de législation d’exception. L’auteur lie ces deux approches aux attitudes à l’égard des modes de sélection des risques en matière de santé. L’opinion française dominante paraît s’opposer aux discriminations non fondées par le comportement même de la personne. Reprenant le principe d’égalité, pourtant de valeur constitutionnelle, la chercheuse relève qu’il est marqué par un très fort relativisme et entre directement en conflit avec les règles qui régissent l’assurance : l’égalité ne vaut qu’au sein de catégories homogènes. Le gène est-il donc constitutif d’une catégorie au regard du concept d’état de santé ? Quel gène est-il pertinent au regard du type de contrat souscrit ?

49Au moment de conclure cet état du droit positif, des problèmes qu’il soulève et des inflexions qu’il pourrait connaître à terme, on peut, peut-être, noter qu’aujourd’hui, au plan économique les corrélations établies entre des prédispositions génétiques et la probabilité de développer la maladie sont trop faibles pour rentabiliser le dépistage auprès de larges populations face au bénéfice escompté de l’exclusion des personnes à risque aggravé.

50Pour autant, l’évolution ici semble rapide, et la question de l’encadrement normatif des tests pertinente.

51La recherche est bien sûr stimulante, mais laisse une impression de rapidité et d’inachèvement. Alors que l’éthique appelle la discussion, c’est celle-ci qui semble faire défaut, notamment à propos du jury citoyen ou de l’intervention des malades organisés (cf. les problèmes d’AXA avec les parents d’enfants trisomiques menacés de surprime). Mais il est vrai que les travaux plus récents de l’auteur l’ont amené sur le terrain décisif et plus large des rapports entre la recherche et l’État de droit.
La dernière recherche notable du programme « Éthique et recherche biomédicale » a été réalisée par Jean-Paul Gaudillière et Maurice Cassier (centre de recherche médecine, sciences, santé et société, Inserm-CNRS) : Production, valorisation et usage des savoirs : la génétique du cancer du sein (2000).
«L’évolution rapide du domaine »génétique du cancer du sein «s’est révélée un terrain de rencontre privilégié entre science biologique clinique et marché ». L’évolution du système de recherche biomédicale associée au développement des programmes « génome humain » et, plus généralement, des procédures de clonage, séquençage et modification de l’ADN humain « va de pair avec un changement des modèles d’appropriation et de valorisation des connaissances ».
Depuis 1996, les auteurs observent, avec « la routinisation de la pratique du dépistage des prédispositions au cancer du sein, la formation d’un marché du test génétique. De grandes firmes comme Lily, Bayer et une » start up « de génomique comme Myriad Genetics y sont présentes. À partir de ces recherches, Maurice Cassier examine dans ce numéro [12] la question de la brevetabilité des gènes humains. Au cœur de l’investigation : intérêt général, profit, globalisation, position spécifique du chercheur. Nul doute que la recherche pointe clairement les débats éthiques d’aujourd’hui comme une invitation à un approfondissement.

Un champ de recherche structure ?

52Comme nous l’avons déjà mentionné dans l’introduction, un des objectifs de la démarche lancée par la MiRe était d’identifier et de contribuer à la mise en réseau des équipes qui travaillent dans des domaines où les choix éthiques sont explicitement posés. Au cours du séminaire qui a accompagné le programme, la participation des équipes a été parfois inégale mais l’ensemble des chercheurs semblent y avoir trouvé des possibilités d’échanges qui se sont concrétisés par exemple par l’organisation de manifestations extérieures à la MiRe (celles organisées par le CRJO notamment qui a invité un grand nombre de participants au programme de la MiRe dans d’importants colloques qui se sont tenus à la faculté de droit de Rennes).

53L’autre objectif, sans doute moins explicite au départ, qui consistait à aider l’éthique médicale à sortir du champ de l’expertise a connu un destin probablement plus incertain. Nous dirons que les domaines de recherche se sont ouverts à des interactions entre des disciplines plus nombreuses, notamment à la réflexion économique.

54Par ailleurs, l’absence de contrainte à caractère académique ou fortement institutionnel a permis que la parole soit particulièrement libre et a autorisé des discussions au cours desquelles les participants au séminaire pouvaient s’engager sans arrière-pensée.

55Au-delà de ces remarques, il reste que la confrontation a eu pour effet de renforcer les différents courants précédemment mentionnés, en particulier chez les juristes. Les diverses façons d’interpréter le travail des comités ont permis aussi de mettre en débat des postures qui se sont dégagées à travers un échange qui ne se serait peut-être pas produit si le programme de la MiRe et le séminaire qui l’a accompagné n’avaient pas provoqué ces confrontations.

56On peut considérer qu’aujourd’hui, peut-être parce que parallèlement au programme sur l’éthique débute un autre programme sur le risque, la sociologie dans ses diverses formes (sociologie morale, sociologie du droit, sociologie économique, sociologie des sciences, sociologie des organisations) et la science politique semblent avoir pris une large place dans le champ de l’éthique et gagné sur un domaine jusqu’alors partagé principalement par les philosophes et les historiens ou par les théoriciens du droit. L’éthique, qui ressemble à la recherche d’un tiers, d’une connaissance qui éclaire l’action, apparaît alors comme un domaine assez flou où chacun cherche à conquérir sa place et où on ne sait plus très bien de quoi relève ce qui est en jeu. A cet égard, il n’est pas indifférent de noter que les organisateurs du programme sur l’éthique médicale se sont demandés en fin de programme si une prochaine étape ne porterait pas sur la prise de décision dans les sciences médicales et en médecine.

57Il faut alors, comme le dit Patrick Guyomard [13], s’efforcer de garder une éthique de l’approche éthique et ne pas être naïf face à l’investissement du champ par les différentes écoles de pensée pour qui l’éthique est un domaine de pouvoir comme un autre : là, comme ailleurs, on retrouve les mêmes clivages. Le domaine de l’éthique, parce que flou et assez mal défini, à la frontière de la médecine, de la recherche en biologie, du droit, de la science politique, de la philosophie, de l’histoire et de l’économie permet toutes les OPA scientifico-politiques. Le fait que des écoles des pensées recouvrent des disciplines différentes ne doit pas masquer qu’on peut se trouver en face d’une fausse confrontation. La véritable confrontation réside aujourd’hui entre des courants de pensée pour lesquels les domaines des sciences de la nature et des sciences humaines et sociales sont nettement séparés et ceux pour lesquels les frontières sont moins nettes. L’hégémonie grandissante de la sociologie et de la science politique pose aux autres sciences humaines et sociales de sérieuses questions qui ont traversé le programme sur l’éthique médicale, notamment dans le domaine du droit.

58Ce domaine du droit n’est pas exempt de l’infiltration progressive de la sociologie dont l’entrée a été favorisée par la confrontation des droits nationaux, européens et internationaux : l’école procédurale est actuellement en train de se développer à la faveur des travaux d’harmonisation des politiques européennes ou à la faveur des recours portés devant la Cour de justice européenne. L’approche procédurale n’est pas éloignée d’un constructionnisme développé en économie par les conventionnalistes, en sociologie par les théories de la justification et en sciences politiques et sociologie des sciences par ceux qui ont théorisé les forums hybrides. Cette école de pensée ne peut se confondre avec ceux qui réfléchissent à la manière dont le droit interagit avec les questions qui lui sont soumises à partir des cas limites confrontés à la règle de droit ; le droit puise alors dans la fiction juridique elle-même les éléments de réponses aux questions qui lui sont posées. Cette position est tenue par ceux que l’on nomme à tort les artificialistes, car la fiction a prise sur la réalité et l’informe (Yann Thomas [14]). Elle se différencie du point de vue positiviste, qui déploie la grammaire du droit et qui est celui de Marcela Iacub [15] lorsqu’elle défend un « principe de béance ontologique de la personne ». Un autre courant, représenté par ceux qui se réclament de Pierre Legendre, se réfère à un ordre symbolique et institutionnaliste [16] qui a une fonction de structuration psychique.
Autrement dit, et nous nous sommes limités à l’exemple de la diversité des postures juridiques, une éthique de l’approche éthique devra s’efforcer de faire se confronter l’ensemble de ces points de vue et ne pas considérer qu’une seule école de pensée traversant différentes disciplines, sera en mesure de rendre compte de la diversité des références conviées à exercer le rôle de tiers dans les choix éthiques (dans le cas du droit : norme sociale relevant de la morale pratique, fiction juridique, logique de la règle poussée jusqu’au bout, ordre symbolique).
Le rassemblement de chercheurs appartenant à des disciplines différentes ne suffit pas à assurer la diversité. Us peuvent être sur des positions par ailleurs très proches et se réclamer de modèles voisins alors que la variété de leurs disciplines peut faire illusion sur la largeur du spectre des points de vue sollicités. Dans ce cas de figure, il faut de la part d’un comité scientifique être vigilant et veiller à la diversité des références et des apports de chacun.

Annexe

Liste des recherches conduites dans le cadre du programme « Éthique médicale et biomédicale » de la MiRe/DREES avec le GIP Mission de recherche « Droit et Justice » et l’Établissement français des greffes

AuteursTitreDiscipline
PY Bruno
Université française du Pacifique, Nouméa
Le consentement et la démarche de soins : la question de la mort et l’éthique médicalePhilosophie et sociologie
AMBROSELLI Claire
Inserm
Contribution à la rédaction de l’appel d’offres « Éthique médicale » (5 volumes)Droit et sociologie
IACUB Marcella
CNRS/Université de Nantes
De l’éthique à la responsabilité juridique des médecins : bioéthique et écologie, l’élaboration d’un nouveau statut pour le corps humainDroit
MEMMI Dominique
CSU Paris
Savants et maîtres à penser : esquisse d’une sociologie de l’éthiqueSociologie du droit
CADORE Bruno
FUP-CEM Lille
Éthique clinique et médecine fœtalePhilosophie, médecine, sociologie
PAILLET Anne, dir. : HERZLICH Claudine
CNRS/Inserm/EHESS
Éthique et pratiques quotidiennes à l’hôpital : approche sociologique des décisions d’arrêt, d’abstention ou de poursuite thérapeutiqueSociologie
GRANDJEAN Hélène, MEMBRADO Monique, NEIRINCK Claude, RAJON Anne-Marie, SERRATE FONVEEILLE Virginie
CJF/CIEU/CHU La Grave Toulouse
Éthique et décision médicale : analyse sociologique et juridique du fonctionnement du «comité de vigilance» d’un département de gynécologie obstétrique de CHUSociologie et droit
HERPIN Nicolas, PATERSON Florence
OSC/FNSP/CNRS
Coopération et coproduction : quels principes de répartition pour la greffe rénale ?Sociologie
BLUMBERG-MOKRI Myriam, dir. : DELMAS-MARTY Mireille
Institut de droit comparé – Université de Paris II
Vers un droit européen de la bioéthique. Les institutions productrices de normes en matière de reproduction humaineDroit
PAILLET Anne
CERMES/EHESS/ENS
Les pédiatres réanimateurs français sur la brèche de l’éthique. Une analyse de leurs publications depuis trente ansSociologie
FEUILLET-LE MINTIER Brigitte
CRJO – Rennes I
Les comités régionaux d’éthique clinique en France : réalités et perspectivesDroit
SERA Ingrid, CHARIGNON Raphaëlle, dir. : DHOMMEAUX Jean
CRJO – Rennes I
Le comité international de bioéthique de l’Unesco et le Comité directeur pour la bioéthique du Conseil de l’Europe : instances productrices d’éthique ?Droit
LE BRIS Sonia, LUTHER Lorin, MOQUET-AUGER Marie-Louise, PEDROT Philippe, dir. : FEUILLET-LE MINTIER Brigitte
CRJO – Rennes I
De l’éthique au droit en passant par la régulation professionnelleDroit
VACARIE Isabelle (dir.), GINON Anne-Sophie, LOKIEC Pascal
IRERP Paris X-Nanterre
Recherche biomédicale et procédura-lisation du droitDroit
DUPRAT Jean-Pierre
IRDPB-CERAF-Université Montesquieu – Bordeaux IV
Les interactions normatives dans la recherche biomédicaleDroit
GABOLDE Martine
Inserm U 158 – Hôpital des enfants malades – Paris
La transplantation d’organes avec donneur vivant. Étude contextuelle, enquête sur les pratiques, réflexion sur les aspects éthiquesÉpidémiologie et droit
MINO Jean-Christophe, dir. : WEIL Caroline
ENSP Groupe IMAGE
Les comités hospitaliers d’éthique clinique, lieux de production de nouvelles normes de pratiques ?Sociologie
BONAH Christian, SHEA William
IRIST Strasbourg
Les procès médicaux, lieux de référence, révélateurs et régulateurs d’éthiqueHistoire, philosophie, droit
DESCHAMPS Claude, de BOUVET Armelle, CADORE Bruno
Centre d’éthique médicale – Lille
Recherche de critères éthiques de validité du passage de la recherche biomédicale à la clinique : dans l’horizon des liens entre recherche en génétique et médecine prédictivePhilosophie, sociologie
AMIEL Philippe et al.
Novexis Paris
Enquête sur les pratiques et conceptions de l’information et du recueil du consentement dans l’expérimentation sur l’état humainSociologie
HERMITTE Marie-Angèle (dir.), NOIVILLE Christine, DIBIE Dorothée
Centre de recherche en droit privé – Université Paris I
Les tests génétiques et l’assuranceDroit
GAUDILLIERE Jean-Paul, CASSIER Maurice
CNRS/Inserm/CERMES
Production, valorisation et usage des savoirs : la génétique du cancer du seinSociologie des sciences

59Ces recherches peuvent être obtenues sur simple demande auprès de : MiRe/DREES Documentation

6011, place des Cinq Martyrs du Lycée Buffon -75696 PARIS CEDEX 14

Notes

  • [*]
    Elisabeth Zucker, chargée de mission à la délégation interministérielle à la Ville
    Patrick du Cheyron, chargé de mission à la MiRe/DREES, ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées. Ils ont été co-animateurs du programme « Éthique médicale de la MiRe » (1995-2001). 1 En 1995, Mission interministérielle recherche expérimentation, devenue Mission recherche de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques – Ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, ministère de La Santé, de La Famille et des Personnes handicapées.
  • [1]
    Nous renvoyons aux ouvrages de Claire Ambroselli qui a participé aux travaux préparatoires du programme de la MiRe : L’éthique médicale, Que sais-je ?, PUF, 1988, et Le comité d’éthique, Que sais-je ?, PUF, 1990.
  • [2]
    Claire Ambroselli, op cit., 1988.
  • [3]
    La Documentation française, 1988.
  • [4]
    Michel Callon, Pierre Lascoumes, Yannick Barthes, Agir dans un monde incertain, essai sur la démocratie technique. Seuil, 2001.
  • [5]
    James Lovelock, La terre est un être vivant. L’hypothèse Gaia, Monaco, Éditions du Rocher, 1986.
  • [6]
    Jean-François Mattéi, La vie en questions : pour une éthique biomédicale, rapport au Premier ministre, La Documentation française, 1994.
  • [7]
    « La portée des normes dans le domaine de la biomédecine ».
  • [8]
    De la Justification. Les économies de la grandeur, Gallimard, 1991.
  • [9]
    Voir également son article dans ce numéro « Lorsque l’autonomie du médecin est mise en cause par l’autonomie du patient : le champ hospitalier de l’éthique clinique aux États-Unis et en France ».
  • [10]
    « Enjeux éthiques d’une critique épistémologique dans un champ où la médecine prédictive se construit : le dépistage du prédiabète de type 1 chez l’enfant ».
  • [11]
    « Enquête sur les pratiques d’information et de recueil du consentement dans la recherche biomédicale ».
  • [12]
    » Brevets et éthique : les controverses sur la brevetabilité des gènes humains «.
  • [13]
    Cf. dans ce numéro « Enjeux et valeur de l’éthique ».
  • [14]
    Yan Thomas, Le sujet concret et sa personne. Essai d’histoire juridique rétrospective ; Olivier Cayla et Yan Thomas (dir.), Du droit de ne pas naître. À propos de l’affaire Perruche, Paris Gallimard, 2002.
  • [15]
    Marcela Iacub, Penser les droits de la naissance, PUF, 2002 et Le crime était presque sexuel et autres essais de casuistique juridique, Paris, EPEL, 2002.
  • [16]
    Pierre Legendre, Sur la question dogmatique en Occident, Paris, Fayard, 1999.
Français

Résumé

Depuis 1995, la MiRe a développé un programme de recherche, mobilisant des équipes de chercheurs en sciences sociales, sur le terrain de l’éthique médicale et biomédicale. Il s’agissait d’élargir les approches pratiquées jusqu’ici et de faire se rencontrer ces expertises nouvelles avec le vécu propre aux acteurs de santé. Trois vagues de travaux ont été lancées, sur les institutions productrices d’éthique, l’éthique dans les pratiques quotidiennes et l’éthique au contact de la recherche biomédicale. De 1996 à 2001, pendant que les recherches étaient conduites, un séminaire de discussion entre les chercheurs a permis des échanges stimulants, entre « dénonciateurs » de l’éthique et ceux qui la revendiquent Les points forts du programme sont constitués par l’approche des procès médicaux comme révélateurs et régulateurs d’éthique, par le débat entre un droit positiviste et un droit procédural, par l’éclairage de la grande diversité des comités locaux d’éthique, par l’interrogation de la place du patient face à la médecine ou à la biomédecine, par le bouleversement concomitant de la science et de l’éthique dans la mondialisation. La structuration d’un champ de recherche n’est jamais chose aisée ; elle nécessite ici, de toute évidence la convocation de toutes les disciplines et de tous les savoirs sans esprit d’hégémonie.

Elisabeth Zucker
Chargée de mission à la délégation interministérielle à la Ville après avoir été co-animatrice du programme «Éthique médicale» de la MiRe (1995-2001) avec Patrick du Cheyron. Elle est l’auteur de différents articles sur les relations entre l’expertise et la recherche dans le domaine de la famille et a publié avec Luc Henry Choquet Reconsidérer la famille, Forum, Gallimard, 2000.
Patrick du Cheyron [*]
Juriste et politologue (département de science politique de l’université de Paris I) chargé de mission à la Mission recherche de la Direction de la recherche des études, de l’évaluation et statistiques.
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    Elisabeth Zucker, chargée de mission à la délégation interministérielle à la Ville
    Patrick du Cheyron, chargé de mission à la MiRe/DREES, ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées. Ils ont été co-animateurs du programme « Éthique médicale de la MiRe » (1995-2001). 1 En 1995, Mission interministérielle recherche expérimentation, devenue Mission recherche de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques – Ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, ministère de La Santé, de La Famille et des Personnes handicapées.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/06/2010
https://doi.org/10.3917/rfas.023.0261
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