1Le développement sans précédent des possibilités de la médecine curative au cours de la deuxième moitié du XXe siècle a favorisé l’obstination incontestablement louable des médecins et l’aspiration non moins légitime des usagers du système de soins à guérir de plus en plus de maladies et ce, à un âge qui ne cesse de progresser. Mais les frontières entre l’obstination thérapeutique justifiée et l’acharnement inutile ou déraisonnable peuvent être difficiles à cerner et l’usager, déjà malade ou potentiellement malade, peut – à juste titre – se révolter, refuser énergiquement – en situation, ou par avance – ce qu’il considère comme une prise de pouvoir inacceptable des médecins sur son corps, sur sa vie, sur lui-même. Par ailleurs, beaucoup d’individus souhaitent aujourd’hui prévoir et maîtriser les événements de leur propre vie – et pourquoi pas sa fin ? – c’est-à-dire leur propre mort. Ils réclament ainsi des médecins la réalisation d’un acte d’euthanasie, provocateur délibéré de mort, ou un suicide médicalement assisté pour échapper à ce temps – jugé dénué de sens – qui sépare le moment où l’évolution de la maladie rend la mort inéluctable à plus ou moins brève échéance et celui – imprévisible – où la mort survient dans la réalité. Et aussi, bien entendu, pour échapper aux affres physiques et morales qu’ils imaginent devoir accompagner inéluctablement la mort naturelle. L’usager se révolte donc contre un pouvoir médical excessif. Mais celui-ci n’exerce-t-il pas en retour une prise de pouvoir excessive sur les médecins en leur réclamant d’accomplir des actes contraires à leur mission traditionnelle, en les instrumentalisant en quelque sorte ? L’euthanasie et le suicide médicalement assisté restent illégaux en France comme en Grande-Bretagne alors qu’ils sont autorisés, sous certaines conditions dans de très rares pays. Ainsi aux États-Unis, l’Oregon est le seul État où l’euthanasie et le suicide médicalement assisté sont dépénalisés depuis 1997. Les Pays-Bas sont depuis avril 2001 le premier État du monde à avoir adopté une législation libéralisant l’euthanasie. En Suisse, l’euthanasie est interdite mais le suicide assisté admis et la Belgique vient de dépénaliser l’euthanasie tout récemment.
2Mais au-delà des interdits légaux et déontologiques très clairs qui restent en vigueur en France, ne peut-il y avoir des réticences justifiées chez les médecins à devenir « donneurs occasionnels de mort » et ce, même s’il s’agissait de gestes accomplis dans un cadre légal ?
3– Crainte de s’arroger – fut-ce légalement – un pouvoir exorbitant sur autrui, dont on ne peut prévoir à l’avance les évolutions et les dérives éventuelles ultérieures… Des précédents historiques terrifiants restent inscrits dans les mémoires. Ainsi en Allemagne, du fait de l’héritage nazi de l’euthanasie, une législation dans ce domaine paraît très improbable. L’ordre des médecins a défini toutefois des critères pour l’accompagnement des personnes en fin de vie.
4– Crainte des erreurs de diagnostic, toujours possibles (comme les condamnations à mort d’innocents).
5– Crainte d’une confusion identitaire dans la tête des professionnels et surtout dans celle de leurs patients (médecins garants inconditionnels de la santé et de la vie ou donneurs occasionnels de mort ?).
6– Crainte, enfin, de priver le malade et ses proches de ce temps de séparation progressif, si riche d’échanges ultimes, que permet la mort naturelle soignée et accompagnée dans de bonnes conditions et qui facilite la mise en paix des mourants et le deuil des survivants.
7Comment sortir de cet affrontement entre deux volontés, si opposées, mais tout aussi respectables ? Celle du malade qui refuse un éventuel acharnement thérapeutique imposé par le corps médical, qui refuse d’attendre de mourir dans des souffrances intolérables et inutiles et qui réclame, ajuste titre, de mourir dans le respect de son identité et de ses valeurs spirituelles et religieuses, dans le respect de son corps et de ce qu’il ressent tant physiquement que psychiquement. Mais aussi celle du médecin qui refuse de pratiquer un acte contraire à son éthique, quand bien même il serait dépénalisé. Si les médecins et les autres professionnels de santé ont entendu les revendications justifiées des usagers, malades potentiels – l’évolution de la législation sur le consentement aux soins (investigations et thérapeutiques) en est la preuve manifeste [1] – ces derniers ne doivent-ils pas considérer aussi, et tenter de comprendre, les réticences des médecins ? Car à l’inverse de l’usager, concerné avant tout par sa propre mort, les médecins envisagent obligatoirement les conséquences collectives immédiates et futures d’une modification aussi radicale de leur pratique tant pour les usagers potentiels du système de soins que pour les professionnels de santé eux-mêmes.
8L’expérience gériatrique que nous poursuivons depuis maintenant plus de vingt ans nous permet d’affirmer qu’il est possible de sortir avec succès de ce conflit apparemment insoluble dans la pratique concrète et quotidienne des soins. En développant une approche médicale nouvelle faite d’accompagnement et de soins palliatifs [2] qui complète, de façon irremplaçable les soins curatifs pour constituer une médecine plus large, véritablement au service des hommes et des femmes malades dans toute la diversité et l’évolutivité de leurs besoins. En instaurant une réflexion éthique permanente pour savoir quel type de soins proposer à chaque malade particulier tout au long de l’évolution de sa maladie.
9En 1977, nous étions régulièrement confrontés à des vieillards gravement malades dont la mort paraissait inéluctable à plus ou moins brève échéance. Comment se comporter vis-à-vis d’eux ? S’acharner coûte que coûte pour sauver « l’insauvable » en poursuivant imperturbablement des soins curatifs devenus manifestement inefficaces et inutiles et « garder notre bonne conscience de médecin qui a tout fait » ? Fuir le malade et l’abandonner purement et simplement… aux infirmières et aux aides-soignantes puisqu’aucun acte médical n’était plus utile ni efficace ? Ou encore, succomber à la tentation de hâter le décès en provoquant sa mort de façon délibérée avec l’alibi de la compassion et du « soulagement des souffrances » du malade, de la famille… mais aussi des soignants ! Comme aucune de ces solutions ne nous satisfaisait moralement (non en vertu d’interdits religieux, mais au nom d’un certain idéal professionnel) nous en avons cherché d’autres. Fort heureusement nous connaissions déjà depuis quelques années les travaux d’Elisabeth Kubler-Ross sur la psychologie des mourants aux États-Unis, ceux de Dame Cicely Saunders sur le contrôle de la douleur au Saint Christopher Hospice de Londres et l’existence du Mouvement des hospices en Angleterre et des Unités de soins palliatifs au Canada. À travers une organisation du travail des soignants, inspirée de la psychiatrie institutionnelle (mise en place de réunions d’équipe pluridisciplinaires régulières dès 1978) et un travail de parole et de réflexion psychanalytique débuté en 1979, nous avons pu progressivement introduire de nouveaux comportements de soins inspirés des méthodes d’accompagnement et de soins palliatifs préconisées par les Anglais pour les patients cancéreux.
10Nous les avons bien entendu adaptées à la spécificité des malades gériatriques qui étaient les nôtres, et assez rapidement ensuite, étendues à des pathologies de fin de vie non cancéreuses fréquentes en gériatrie : pathologies démentielles et neurologiques avancées, insuffisances cardiaques, rénales, respiratoires terminales, polypathologies évoluées. Dès 1980 nous n’étions plus démunis face aux malades en fin de vie : nous savions les soulager de leurs douleurs et de leurs autres symptômes d’inconfort en maniant sans peur, notamment, les opiacés. Nous savions les alimenter et les hydrater de façon adaptée et sans violence inutile, nous savions favoriser leur confort physique, au sens large du terme. Mais nous savions aussi leur apporter, présence, écoute, réconfort, respect de leur identité et de leurs croyances, tout en facilitant psychologiquement et matériellement la présence de leur famille auprès d’eux (écoute et soutien apportés aux familles, liberté totale des horaires de visite avec possibilité de dormir sur place). Grâce à ce travail collectif où chacun – aides-soignantes, infirmières, travailleurs sociaux, kinésithérapeutes, psychologues, médecins, – apportait sa compétence technique spécifique mais aussi ses potentialités relationnelles, verbales et non verbales, nous avions humanisé les conditions de la mort pour nos malades, leurs familles et pour tous les soignants qui travaillaient dans l’institution. La mort n’était plus «cette bête sauvage en liberté » dont parle Philippe Aries, elle était, en quelque sorte, « apprivoisée » avec ces différents temps d’accompagnement, de séparation et de deuil. Il y avait là une dimension de ritualisation que nous avons perçue dès 1982 et que l’anthropologue Louis-Vincent Thomas a confirmée en 1985. Ainsi nous pouvions contenir l’angoisse d’une collectivité de vivants confrontés de façon inéluctable et itérative à la mort de certains de leurs patients. Dès 1984 nous avons commencé à témoigner publiquement de cette expérience concrète à travers des congrès, des articles de revues ou de journaux. Et, en 1986 – l’année même de la circulaire ministérielle Laroque sur l’organisation des soins aux patients en phase terminale et juste un an avant l’ouverture de la première unité de soins palliatifs à l’Hôpital international de l’université de Paris, sous la direction de Maurice Abiven, en 1987 – nous avons rapporté notre cheminement d’équipe dans le livre Mourir accompagné.
11Tous les problèmes étaient-ils résolus pour autant ? Loin s’en faut ! Nous savions quel type de soins et quel accompagnement apporter aux malades en fin de vie. Mais quand et comment décider qu’un malade ne relevait plus de soins curatifs mais de cette prise en charge palliative et de cet accompagnement relationnel que nous avions appris à travers les expériences cliniques, toujours singulières que nous vivions régulièrement ?
12Certes le passage des soins curatifs aux soins palliatifs n’était jamais brutal, mais progressif comme nous l’avait enseigné le schéma pragmatique très précieux de Cicely Saunders et Mary Baines. Mais il restait des interrogations, des doutes et des décisions parfois difficiles à prendre car nous ne voulions pas non plus priver certains malades âgés du bénéfice que pourraient leur apporter des soins curatifs bien conduits.
13Nous débattions régulièrement de ces questions en réunions d’équipe pluridisciplinaires.
14Chacun, quelle que soit sa qualification et son grade hiérarchique pouvait alors apporter son point de vue et fournir parfois un élément déterminant dans l’orientation des soins. Peu à peu, nous avons tenté de conceptualiser les différents éléments que nous prenions en compte dans nos discussions. En 1991, alors que nous rédigions Soigner le grand âge, nous avons élaboré une grille de questionnement éthique qui synthétise notre approche et aide nos décisions.
15Ces dix questions sont autant de manières d’éclairer la problématique globale de chaque malade, pris dans son contexte clinique, psychologique et socio-familial unique afin de réaliser la prise en charge personnalisée la plus adaptée possible :
16– Quelle est la maladie principale de ce patient ?
17Il peut s’agir d’un cancer, d’une maladie d’Alzheimer, d’une insuffisance cardiaque ou encore d’une polypathologie…
18– Quel est son degré d’évolution ?
19Par exemple, pour la maladie d’Alzheimer, sommes-nous encore au début de la maladie ? Le malade garde-t-il encore une qualité de vie et une possibilité d’échanges relationnels ou est-il, au contraire, totalement dépendant de son entourage pour tous les actes de la vie quotidienne, incapable de parler et de reconnaître ses proches ?
20Pour une insuffisance cardiaque, peut-on encore améliorer la qualité de vie grâce aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion notamment ou, a-t-on déjà épuisé toutes les ressources de ces thérapeutiques ?
21– Quelle est la nature de l’épisode actuel surajouté ?
22S’agit-il d’une infection relativement banale, d’une déshydration… ou, au contraire d’une insuffisance rénale aiguë ou d’une embolie pulmonaire massive ?
23– Est-il facilement curable ou non ?
24Dans cette notion de « facilité », il faut considérer ce que le traitement va impliquer pour le patient comme souffrance et comme stress supplémentaires. Un traitement d’épreuve de 48-72 heures peut être proposé dans les cas difficiles avant de faire une réévaluation.
25On peut rester dans une optique curative pour un patient sans utiliser pour autant les méthodes les plus agressives. Cependant si l’orientation reste curative, chez un patient dont l’état nutritionnel est mauvais ce qui est un facteur de mauvais pronostic – il faut alors savoir prendre à temps des mesures efficaces pour lutter contre la dénutrition, (sonde naso-gastrique ou gastrostomie) pour ne pas compromettre le succès de la prise en charge.
26– Y a-t-il eu une répétition récente d’événements aigus rapprochés ou une multiplicité d’atteintes pathologiques diverses ?
27Il s’agit essentiellement de ces tableaux cliniques dans lesquels le cumul des pathologies conduit à de véritables impasses thérapeutiques.
28– Que dit le malade, s’il peut le faire ?
29Il faut toujours, quand c’est possible, parler longuement avec le malade. Il faut savoir ce qu’il sait de sa maladie et de la gravité de son état, ce qu’on lui a déjà dit et comment, avec quels mots. C’est souvent une source de discordance entre la réalité clinique et les attentes du malade. Il peut aussi, bien sûr, exister un mécanisme de déni. Il faut saisir ce qu’il ressent de son état, connaître ses désirs en matière de soins et surtout cerner son désir de vivre et de lutter. Il faut, bien sûr, aussi obtenir son consentement sur les examens et les traitements qu’on lui propose. Le malade, lui, a le droit d’accepter ou de refuser suivant le principe d’autonomie (d’ailleurs, ce droit est maintenant garanti par la loi du 4 mars 2002 en France). Seule exception à cette règle à notre avis, l’existence d’une confusion mentale ou d’une dépression sévère qui peuvent fausser temporairement le jugement du malade.
30– Qu’exprime-t-il à travers son comportement corporel et sa coopération aux soins ?
31Chez les personnes atteintes de maladie d’Alzheimer et d’autres syndromes démentiels en particulier, il faut savoir donner toute sa valeur au langage corporel. L’observation du comportement du malade, la manière dont il accepte ou repousse les soins constituent des indicateurs très précieux.
32– Quel est la qualité de son confort actuel ?
33Cette question traduit le souci devenu constant de soulager la douleur et de lutter contre l’inconfort. Ainsi il faut reconnaître le moment où un examen complémentaire ou un traitement supplémentaire deviennent plus nuisibles que bénéfiques.
34– Qu’en pense sa famille ? (tenir compte de)
35Il s’agit de rencontrer régulièrement la famille, de savoir ce qu’elle sait, comment elle vit la situation, ce qu’elle désire pour son parent ? Cependant, il faut savoir garder une distance critique suffisante pour ne pas se laisser entraîner par la famille vers des conduites thérapeutiques inadaptées vis-à-vis du malade.
Il faut aussi éviter de faire porter à la famille – fut-elle médicale – le poids de décisions qui pourraient ultérieurement la culpabiliser.
36L’existence d’une « personne de confiance » désignée par le malade, préconisée dans la loi du 4 mars 2002 en France, de directives anticipées telles qu’elles sont utilisées aux États-Unis (les directives anticipées sont un document écrit renfermant les volontés de la personne pour les soins de fin de vie et rédigé quand la personne est encore capable de comprendre pleinement les choix des traitements et leurs conséquences. Il prend effet au moment où la personne devient inapte à comprendre et à exprimer ses choix), ou encore un dialogue anticipé avec le médecin traitant peuvent représenter une aide précieuse notamment auprès des malades âgés isolés ou en conflit avec leurs proches.
37– Qu’en pensent les soignants qui le côtoient le plus souvent ? (tenu-compte de)
38La concertation d’équipe représente certainement le meilleur moyen d’aboutir à la moins mauvaise décision pour le malade. Mais le médecin ne doit pas se retrancher derrière l’équipe et doit assumer totalement ses choix thérapeutiques et sa responsabilité médicale.
39Comme on le voit, il s’agit de s’interroger à la fois :
- sur le malade lui-même, ce qu’il dit, ce qu’il ressent, ce qu’il nous montre, son confort, sa coopération et son consentement aux soins ;
- sur la pathologie qui l’affecte prise dans toute sa globalité et son évolutivité ;
- et enfin, sur les perceptions de son entourage familial et soignant.
Il est important de noter que ces décisions d’abstentions thérapeutiques relatives ne sont pas directement « donneuses de mort » car la capacité de survie ultérieure des patients est imprévisible. Mais elles permettent au processus de mort de se dérouler naturellement et à son propre rythme. Ainsi, s’abstenir d’utiliser des moyens disproportionnés ou futiles dans certaines situations relève tout simplement d’une bonne médecine adaptée à l’état et aux besoins du patient, pour respecter sa mort quand on ne peut plus assurer sa survie.
Il existe d’autres méthodes de questionnement éthique. Plusieurs auteurs ont proposé des instruments différents, en particulier, Elisabeth Latimer, en 1991, Jean-François Malherbe en 1992, Jean-Marie Gomas en 1994, Nicole Lery en 1995 et 1998 et Patrick Verspieren en 1998. Quoi qu’il en soit, au terme de vingt-deux ans de pratique clinique gériatrique, nous pouvons constater que :
- les demandes d’euthanasie des malades sont exceptionnelles. Quand elles surviennent, nous les écoutons pour comprendre le pourquoi de cette demande de mort qui résulte souvent d’un conflit non résolu, d’une crainte des modalités de la mort elle-même (étouffement ? hémorragie ?). D’une peur de l’abandon, ou encore d’une interrogation sur le sens de cette période de fin de vie. Nous apportons notre aide au malade en l’assurant que nous serons toujours présents à ses côtés pour le soulager, l’écouter, le soutenir jusqu’au bout mais que nous ne provoquerons pas sa mort de façon délibérée. Les malades s’apaisent alors et meurent calmement ultérieurement. Aucun malade n’a quitté le service pour recourir à un autre type de prise en charge ;
- les demandes d’euthanasie des familles, également rares, traduisent toujours, lorsqu’elles surviennent une souffrance intense qui nécessite l’écoute très attentive et le soutien sans faille des soignants. Ainsi les familles peuvent attendre la mort de leur parent en découvrant toutes les richesses inattendues de cette période de fin de vie : amélioration inespérée de l’état de conscience qui permet même avec des patients atteints de démence des échanges ultimes dans les derniers jours ou les dernières heures dont la valeur s’avère inestimable. « Attente mystérieuse » du malade pour mourir après le retour d’un être cher, une naissance, un mariage ou encore la résolution d’un conflit avec ses proches. Bref, un événement particulièrement investi sur le plan psychoaffectif par le malade ;
- quant aux demandes d’euthanasie des soignants, elles ont totalement disparu car ils ont appris, d’expérience en expérience, le sens profond de ce temps de fin de vie pour le malade, sa famille mais aussi pour eux-mêmes.
Nous sommes bien conscients cependant que cette expérience clinique, que nous partageons fort heureusement aujourd’hui avec beaucoup d’équipes gériatriques, se limite aux malades âgés. Elle prend néanmoins toute sa valeur, à l’heure où la majorité des décès concerne justement des malades âgés, voire très âgés (en 1999 en France, 81 % des décès sont survenus à 65 ans ou au-delà, 59 % à 75 ans ou au-delà et 35 % à 85 ans ou au-delà). En tout état de cause, notre expérience milite sans ambiguïté possible en faveur du développement de la pratique et de l’enseignement des soins palliatifs et de la réflexion éthique, et non d’une quelconque modification législative sur l’euthanasie.
Notes
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[*]
Chef de service de gérontologie et de soins palliatifs à l’hôpital Paul Brousse.
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[1]
La loi relative aux droits des malades adoptée le 4 mars 2002 en France a transformé les bases de la relation d’un malade avec son médecin et explicite le droit du malade de refuser un traitement – fut-il vital – et le droit de voir ce refus respecté.
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[2]
Le terme anglais d’origine « palliative care » recouvre la prise en charge de la totalité des besoins physiques, psychologiques, sociaux et spirituels d’un malade en fin de vie. En France, on utilise deux termes différents et complémentaires : « l’accompagnement » désigne plutôt la partie relationnelle des soins tandis que « les soins palliatifs » correspondent aux aspects plus techniques. Les deux sont bien évidemment indispensables et indissociables.