1Le dossier de ce numéro de la Revue française des Affaires sociales, préparé avec la collaboration de Pascal Noblet, est consacré aux squatters et plus largement à l’auto-organisation et à la mobilisation des sans-logis dans des mouvements de lutte pour le logement. Il aborde également la dynamique des mouvements en faveur des sans-abri dont Julien Damon présente quelques jalons historiques dans les deux dernières décennies.
2Ce dossier trouve son origine d’une part dans les travaux que la direction générale de l’Action sociale et un groupe de travail issu du « Comité national de l’accueil des personnes en difficulté » ont menés sur les squats et dont rend compte l’article de Pascal Noblet, et d’autre part dans le développement – récent, comme le remarque Florence Bouillon dans sa contribution – d’enquêtes et de travaux universitaires sur les squatters.
3Le squat est un phénomène essentiellement urbain qui concerne certaines villes moyennes mais surtout les grandes villes dans lesquelles les squatters se comptent par centaines. Ce dossier a pour objectif d’apporter une contribution à la réflexion en cours sur le phénomène hétérogène des squats – dont la réalité ne peut plus être niée comme le rappelle avec vigueur Marc Uhry – au nom de la Fédération des associations pour la promotion et l’insertion par le logement (FAPIL), mais qui soulève des questions complexes dans le domaine du droit de propriété et de l’ordre public, en matière de politiques du logement et d’action sociale. Des articles regroupés dans ce dossier, il ressort en effet que la fourniture de logements sociaux et très sociaux ne constitue qu’une partie – nécessaire – de la réponse au mouvement des squats qui fait émerger des aspirations à d’autres formes d’habitat et de « vivre ensemble » parfois en décalage ou en opposition avec l’action publique en direction des sans-abri, ce qui invite à l’invention de nouvelles formes d’action.
4Les articles de Muriel Villeneuve et de Florence Bouillon qui ont enquêté respectivement, à Bordeaux et à Marseille, montrent que les raisons qui conduisent à recourir au squat sont multiples et que les squatters sont loin de former un groupe homogène.
5Squatter s’inscrit dans un parcours individuel – qui ne correspond pas à la représentation que l’on a traditionnellement de l’exclu ou du sans-logis – au cours duquel comme Florence Bouillon le souligne, la personne acquiert ou met en œuvre « de l’expérience, des ressources et des compétences ».
6Squatter est cependant une forme de mobilisation collective des SDF qui pourtant « tels qu’ils sont souvent dépeints, ne devraient pas se mobiliser » non plus, remarque Julien Damon qui considère plus généralement, que le mouvement social contre l’exclusion « auquel des SDF ont assurément pu s’associer pour de bonnes raisons qui dépassent largement la seule attente matérielle d’un logement, aura marqué, voire même scandé, les interrogations et innovations de la fin du XXe siècle autour de l’exclusion. »