CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Dans la majorité des couples hétérosexuels, l’homme est plus âgé que la femme. Ce fait est étonnamment constant à travers le temps et les continents : dans la quasi-totalité des sociétés connues l’époux est en moyenne plus âgé que son épouse, seule change la magnitude du phénomène. L’écart d’âge est ainsi plus faible dans les pays riches que dans les pays en développement (Mignot, 2010). Ayant connu des variations importantes au fil du temps (Lévy et Sardon, 1982 ; Ní Bhrolcháin, 1992), il a diminué dans la plupart des pays occidentaux au cours du xxe siècle sans pour autant disparaitre (Mignot, 2010). En France en 2012 – au sein des couples hétérosexuels cohabitants – l’homme avait en moyenne 2,5 ans de plus que sa conjointe (Daguet, 2016).

2Si le fait est bien établi, ses ressorts le sont beaucoup moins. Comment se produit cette asymétrie entre les sexes ? À cette question, les enquêtes traditionnelles peinent à répondre. Interrogeant des personnes déjà en union, elles ne cernent pas le processus de rencontres en amont. Les sociologues du couple – arrivant sur les lieux après l’évènement – mènent ainsi un travail par déduction. Les préférences des acteurs, leurs comportements, leurs aspirations et les modes d’appariement des partenaires ne sont jamais observés en tant que tels mais plutôt déduits des couples déjà constitués. Il en résulte que la connaissance sur la formation des couples est largement fondée sur des modèles d’acteur, témoignant d’un certain décalage entre travail empirique et travail théorique (Kalmijn, 1998).

3De nouvelles sources de données permettent cependant d’aborder empiriquement les rencontres amoureuses et sexuelles. Les sites de rencontres sur internet sont aujourd’hui largement fréquentés, notamment en France. Ils enregistrent de nombreuses informations sur leurs usagers qui sont de plus en plus utilisées par les chercheurs en sciences sociales (Hitsch et al., 2010 ; Lin et Lundquist, 2013 ; Potârcœa et Mills, 2015 ; Schmitz, 2016). Dans cet article, on mobilise des données issues d’un site français pour étudier l’écart d’âge entre partenaires hétérosexuels. Permettant d’observer les préférences d’âge des femmes et des hommes en situation et d’étudier l’interaction entre les sexes, ces données offrent un éclairage nouveau sur un sujet désormais classique.

4Par l’exemple de l’écart d’âge, l’article se veut d’abord une illustration empirique de l’intérêt des données massives dans la recherche en sciences sociales. Alors que le débat à ce sujet est souvent abstrait et relativement désincarné, on cherche à montrer concrètement quelques-unes des opportunités offertes par ces nouvelles sources, soulignant par la même occasion les points aveugles de l’approche quantitative « conventionnelle ». Pour ce faire, on confronte des données d’enquête (l’étude « Épic ») et des données d’internet (le site Meetic). En revisitant la question de l’écart d’âge, l’article revient aussi sur « l’inconscient épistémologique » (Bourdieu, [1972] 2000) d’une sociologie du couple fondée quasi exclusivement sur l’usage d’enquêtes (Singly, 1987). Après un retour sur les travaux consacrés à l’asymétrie des âges au sein des unions, et une discussion critique de leurs approches théoriques et méthodologiques, on propose ainsi une nouvelle manière de faire la sociologie de ce fait social.

Approches théoriques et méthodologiques de l’écart d’âge

5La diffusion des techniques d’enquête par questionnaire depuis les années 1930 a été structurante pour certaines sciences sociales et leurs sous-champs (Groves, 2011). C’est notamment vrai pour la sociologie du couple. L’étude de la formation des unions et des modalités d’appariement des partenaires est – depuis toujours et quasi exclusivement – fondée sur le recours aux sondages et à l’analyse statistique. C’est le cas en France depuis l’enquête pionnière d’Alain Girard sur le choix du conjoint en 1959 (Girard, [1964] 2012). Durkheimienne dans son approche et souvent comparée au Suicide, l’enquête est devenue un « classique » en sciences sociales et un exemple pédagogique apprécié (Rault et Régnier-Loilier, 2012). Elle illustre l’effort d’objectivation de la sociologie – sachant mettre en évidence les déterminants sociaux des pratiques apparemment les plus intimes – que l’on retrouve dans toutes les enquêtes postérieures, consacrées notamment à la question de l’homogamie. Cette approche de la formation des couples, fondée sur des enquêtes par questionnaire et résolument « explicative », comporte cependant plusieurs points aveugles. La littérature sur l’écart d’âge montre à la fois la capacité d’objectivation des enquêtes et les présupposés et impensés qui accompagnent leur usage – chez les sociologues et au-delà.

Les couples comme des « préférences révélées »

6Si en France l’écart d’âge est un objet d’étude privilégié des sociologues et des démographes, il est ailleurs la province réservée d’autres disciplines, la sociobiologie et la psychologie évolutionniste en premier lieu. Une littérature anglophone abondante est ainsi consacrée aux déterminants biologiques de ce phénomène (Buss et Barnes, 1986 ; Howard et al., 1987 ; Buss, 1989 ; Kenrick et Keefe, 1992 ; Greenlees et McGrew, 1994 ; Buunk et al., 2001). Parmi les auteurs les plus connus figure David M. Buss qui, dans les années 1980 et 1990, publie une série d’articles sur les fondements évolutionnistes des comportements conjugaux humains (Buss, 1989, 1995 ; Buss et Barnes, 1986 ; Buss et Schmitt, 1993). Le principe est simple et repris dans de nombreux travaux ultérieurs : la sexualité humaine est régie par des scripts biologiques dont l’objectif est de favoriser la reproduction. Parce que les femmes et les hommes ont des stratégies reproductives différentes, leurs comportements et leurs attentes vis-à-vis du partenaire sont aussi divergents. L’écart d’âge joue un rôle central dans cette théorie du choix matrimonial : la constance de cette différence d’âge moyenne entre conjoints est en effet considérée comme la preuve même de l’existence de préférences sexuées, universelles et anhistoriques car biologiquement fondées.

7C’est cette même thèse que déploie Jean-François Mignot dans un article publié dans la Revue française de sociologie en 2010. L’auteur propose une revue de littérature internationale et une analyse fine de la formation des couples en France entre 1978 et 1998 par laquelle il teste les « bonnes raisons » qu’auraient les deux sexes à former une union caractérisée par un écart d’âge en faveur de l’homme. Inspirée de la théorie du choix rationnel, la conclusion de l’article reprend surtout l’idée centrale de la psychologie évolutionniste : « Le fait qu’il existe un écart d’âge moyen entre conjoints au profit de l’homme dans la (quasi-) totalité des sociétés humaines connues semble fondamentalement dériver du fait – apparemment lui aussi universel – que les hommes préfèrent les femmes jeunes et que les femmes préfèrent les hommes d’âge mûr, et ce en raison de l’importance qu’accorderaient les hommes à l’attractivité physique ainsi qu’à la fécondité potentielle de leurs conjointes, et en raison de l’importance qu’accorderaient les femmes au niveau ainsi qu’à la stabilité des revenus ou ressources de leurs conjoints. » (Mignot, 2010, p. 316).

8Selon ce modèle explicatif, l’écart d’âge découlerait d’un troc où les hommes échangeraient des ressources économiques – corrélées à un âge élevé – contre les ressources esthétiques et reproductives des femmes – associées à la jeunesse. Même dépouillée de ses tendances naturalisantes, cette explication rencontre un problème empirique immédiat. Car si les hommes tenaient avant toute chose à la jeunesse de leurs partenaires, et si les femmes valorisaient surtout le statut social de l’homme, on devrait observer des couples caractérisés par une forte hypergamie féminine, d’une part, et un écart d’âge très important, d’autre part. Or ce n’est pas le cas, bien au contraire. En France, on ne constate plus d’hypergamie féminine (Bouchet-Valat, 2015) et les écarts d’âge extrêmes sont rares : seulement 7 % des couples cohabitants sont caractérisés par une différence d’âge de 10 ans ou plus en faveur de l’homme et moins de 2 % d’un écart supérieur à 15 ans (Vanderschelden, 2006 ; Daguet, 2016). La thèse sociobiologiste est contredite par la réalité des faits : peut-être séduisante en théorie, elle échoue à rendre compte des pratiques effectives.

9Si ce corpus de travaux parait éloigné de la sociologie, il est pourtant illustratif d’un mode de raisonnement qu’il partage avec une grande partie de la littérature sur la formation des couples. Cela consiste à considérer les couples comme des « préférences révélées ». Cette théorie économique, à l’origine appliquée à l’étude de la consommation, revient à concevoir les choix des acteurs comme révélateurs de leurs préférences (Samuelson, 1938). Les sociologues raisonnent souvent de la manière – implicitement et parfois explicitement – lorsqu’ils supposent que les couples et leurs caractéristiques (comme l’homogamie par exemple) reflètent ce que les acteurs recherchent effectivement chez un partenaire (comme un niveau d’éducation similaire au sien). Dans le cas de l’écart d’âge, cela conduit à voir dans cette asymétrie une préférence commune aux deux sexes.

10Aveugle aux conditions concrètes de la rencontre, cette approche ne tient pas compte des circonstances externes qui peuvent influer sur l’âge relatif des conjoints et qui ne relèvent pas forcément d’une préférence. Elle occulte aussi le fait que l’écart d’âge puisse surtout résulter du désir d’un partenaire qui a, soit des préférences plus prononcées que l’autre, soit des possibilités plus grandes de voir celles-ci satisfaites. Adoptant une approche ex post facto, les enquêtes ne peuvent pas dire ce qu’il en est. Il en résulte souvent, comme le fait remarquer l’anthropologue canadien Anthony Davis (1998), une confusion des niveaux d’analyse : sur la base d’un écart d’âge moyen entre partenaires – observé au niveau de la population – on déduit des préférences individuelles.

Un consentement de la domination masculine ?

11Au sein des sciences sociales françaises, c’est principalement la démographie qui s’est intéressée à l’écart d’âge, dont notamment la démographie historique. Soucieuse de la juste description avant de se pencher sur l’explication, cette littérature a l’intérêt de souligner la variation des comportements conjugaux, notamment vis-à-vis de l’âge. S’intéressant notamment aux conséquences des guerres (dont la surmortalité des hommes) sur la nuptialité, plusieurs travaux ont montré la « flexibilité du marché matrimonial » (Ní Bhrolcháin, 2000). Déjà dans les années 1960, Louis Henry (1966) souligne ainsi que le déséquilibre des sexes, dû à la Première Guerre mondiale, n’a pas donné lieu à un célibat important des femmes comme on aurait pu le penser, en premier lieu parce que celles-ci se sont tournées vers des hommes de leur âge ou plus jeunes (moins touchés par la guerre) pour se marier. Autrement dit, les individus s’adaptent plus qu’on ne le croit à l’« offre » de conjoints disponibles : en cas de pénurie de conjoints d’un certain âge, ils se reportent sur des partenaires plus jeunes ou plus âgés. Maire Ní Bhrolcháin arrive aux mêmes résultats et conclut que les préférences d’âge sont « beaucoup moins rigides qu’on ne le pense » (1992, 2000, p. 899). De son avis, les chercheurs en sciences sociales ont tendance à surinterpréter l’écart d’âge, qui ne constitue en rien une condition à la formation des couples.

12Si ces travaux ont le mérite de souligner l’élasticité des comportements matrimoniaux, ils ne répondent pas à la question de savoir pourquoi, en temps normal, les couples composés par un homme plus âgé que la femme constituent plutôt la règle. Cette question est en revanche le point de départ d’une série d’articles publiés par le sociologue Michel Bozon dans les années 1990 et consacrés aux processus sociaux qui conduisent à cet écart (Bozon, 1990a, 1990b, 1991). L’auteur inscrit l’analyse de la différence d’âge entre conjoints dans une analyse des rapports de genre, c’est-à-dire l’ensemble des pratiques et des représentations qui tendent à différencier et à hiérarchiser les sexes, considérant l’écart d’âge comme « un éclairage original à l’étude de la domination masculine » (Bozon, 1990b, p. 329). Aussi se tourne-t-il vers des matériaux alternatifs. L’originalité de la recherche par rapport à la littérature existante réside dans le recours aux enquêtes qui explorent les modes de jugement des partenaires.

13Cherchant non seulement à décrire les unions mais à comprendre leur mode de production, l’enquête « La formation des couples » – réalisée en 1983-1984 par Michel Bozon et François Héran – interroge notamment les individus sur leurs attitudes envers l’écart d’âge. La question permet de cerner si l’un des sexes tient plus que l’autre à cette asymétrie des âges. Formulée sous forme de scénario, elle cherche à savoir si les répondants auraient « accepté facilement l’idée de vivre avec quelqu’un qui aurait eu entre 1 an et 4 ans de plus que vous » ou « 1 an et 4 ans de moins que vous ». Le résultat est sans appel : l’écart d’âge apparait avant tout comme une revendication féminine. À tous les âges, les femmes font preuve d’un « refus de l’homme plus jeune » qui n’a pas d’équivalent chez les hommes (Bozon, 1990b, p. 346). La même conclusion peut être tirée de l’enquête récente « Étude des parcours individuels et conjugaux », conduite en 2013-2014 sous la coordination de Wilfried Rault et Arnaud Régnier-Loilier et reprenant une question similaire. Posée cette fois-ci à des personnes aussi bien en couple que hors couple (alors que l’enquête de 1983-1984 n’interrogeait que des personnes en union), la question donne des résultats forts semblables (Figure 1). Le refus d’un écart d’âge inhabituel est beaucoup plus net chez les femmes que chez les hommes. Surtout, il est particulièrement fort chez les jeunes femmes : entre 26 et 29 ans, plus de deux tiers des répondantes (68 %) refusent le scénario d’être avec un homme plus jeune. Les hommes, eux, se montrent très ouverts à cette idée à tous les âges de la vie. Seulement un homme sur cinq (20 %) rejette la perspective d’une conjointe plus âgée que lui.

14On constate cependant une évolution dans le temps : les deux sexes se montrent désormais moins « conservateurs » que par le passé. La Figure 2 confronte les réponses aux deux enquêtes présentant, pour la comparabilité des résultats, les déclarations des personnes en couple aux âges interrogés dans les deux études (26 à 44 ans). Tandis que l’enquête conduite en 1983-1984 sondait les répondants au sujet de deux seuils d’âge – entre 1 et 4 ans ou entre 5 et 9 ans d’écart – l’enquête réalisée en 2013-2014 ne proposait que le scénario de 5 ans et plus. On constate ainsi qu’il faut désormais augmenter la différence d’âge pour arriver aux mêmes seuils d’acceptation que trente ans auparavant. Cependant, les femmes sont toujours moins nombreuses que les hommes à dire qu’elles accepteraient facilement un écart d’âge inhabituel. À ce titre, les jeunes femmes se distinguent de nouveau par une réticence particulièrement nette envers une différence d’âge en leur faveur. L’évolution dans le temps est, pour ce groupe, moindre que pour les autres.

15Les résultats sont forts tant les implications sont importantes en termes de rapports de genre. Car dès lors que l’âge est un marqueur de statut social – visible dans l’autorité dont disposent les ainés sur les cadets, les parents sur les enfants et les seniors sur leurs collègues juniors – il n’est pas anodin que l’homme soit généralement plus âgé que la femme au sein des couples. La supériorité en âge exprime bien une supériorité sociale : la différence sexuée n’est pas neutre mais traduit une hiérarchie. Dire alors que ce sont les femmes qui désirent cet écart, c’est arriver à la conclusion d’une « domination consentie » par les femmes, comme le titraient les articles de M. Bozon (1990a, 1990b).

16Ces conclusions supposent toutefois que les enquêtes captent bien les attitudes des femmes et des hommes envers cette asymétrie au sein des unions. Dans le cas de l’indicateur étudié ici, proposant un scénario hypothétique, il est difficile de savoir comment les enquêtés comprennent la question et la manière dont ils y répondent. Plus généralement se pose la question de la capacité des enquêtes à bien cerner les aspirations des femmes et des hommes en amont de la formation des couples. L’apparition de nouvelles sources met en exergue ces limites des dispositifs habituels.

Figure 1. – Taux d’acceptation d’un·e partenaire plus jeune (pour les femmes) ou plus âgée (pour les hommes) de 5 ans ou plus (%)

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Figure 1. – Taux d’acceptation d’un·e partenaire plus jeune (pour les femmes) ou plus âgée (pour les hommes) de 5 ans ou plus (%)

Source : Enquête « Épic », Ined-Insee, 2013-2014.

Figure 2. – Taux d’acceptation d’un écart d’âge inhabituel en faveur de la femme en 1983 (de 1-4 ans ou de 5-9 ans) et en 2013 (de 5 ans ou plus) (%)

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Figure 2. – Taux d’acceptation d’un écart d’âge inhabituel en faveur de la femme en 1983 (de 1-4 ans ou de 5-9 ans) et en 2013 (de 5 ans ou plus) (%)

Source : Enquête « Formation des couples », Ined, 1983-1984 ; enquête « Épic », Ined-Insee, 2013-2014.

Les sites de rencontres comme sites d’observation

17Les services de rencontres intéressent depuis longtemps les spécialistes de la formation des couples, perçus comme un moyen alternatif pour objectiver ce que l’on appelle le « marché matrimonial ». Les petites annonces ont été beaucoup utilisées dans cet objectif, aussi bien par des sociologues et des démographes (Massari, 1983 ; Singly, 1984 ; Ní Bhrolcháin, 2000) que par des sociobiologistes (Wiederman, 1993 ; Greenlees et McGrew, 1994). La diffusion des sites de rencontres n’a fait qu’augmenter cet intérêt pour les rencontres médiatisées. Les données issues de ces plateformes sont aujourd’hui mobilisées dans plusieurs travaux consacrés notamment à l’homogamie sociale (Skopek et al., 2011 ; Schmitz, 2012 ; Bergström, 2016b) et ethno-raciale (Feliciano et al., 2009 ; Lin et Lundquist, 2013 ; Potârcœa et Mills, 2015). Pour les sociologues du couple, ces services en ligne présentent un avantage majeur – non seulement par rapport aux enquêtes mais aussi vis-à-vis des annonces au format papier préalablement utilisées – en ce qu’ils enregistrent les interactions des usagers. Il en découle deux opportunités d’analyse inédites.

18D’abord, les sites permettent d’étudier les rencontres en train de se faire et non plus ex post facto comme c’est le cas des enquêtes tirant le portrait des unions déjà constituées. La méthode du questionnaire transforme en effet le sociologue en photographe des couples, produisant des images statiques et régulièrement renouvelées, sans se prononcer sur leur histoire, faute de moyens. Les sites de rencontres fournissent un point d’observation différent car situé au moment de la rencontre. Ce faisant, ils offrent une opportunité méthodologique inédite : alors que les enquêtes ne captent que la sélection amoureuse et sexuelle, les sites enregistrent aussi les pratiques de rejet et d’élimination constitutives des pratiques de séduction mais dont les dispositifs d’enquête classiques sont sans trace. Là où l’« objectivation des couples [...] laisse entière la question de leur production sociale » (Singly, 1987, p. 182), les sites donnent la possibilité d’étudier le modus operandi de l’appariement des partenaires.

19Ensuite, les sites de rencontres captent des pratiques là où les enquêtes enregistrent des déclarations de pratiques. Le questionnaire suppose une réflexivité importante de la part des enquêtés et pose la question de la mise en cohérence des discours. Dans le cas du couple, on peut s’interroger tout à la fois sur la capacité, la volonté et les manières – socialement et sexuellement différenciées – de raconter « son histoire amoureuse ». Ces questions méthodologiques sont pourtant rarement posées. Si le contexte et les conditions de production des discours constituent un objet de discussion constant parmi les sociologues « qualitativistes » – particulièrement sensibles aux enjeux de « l’illusion biographique » (Bourdieu, 1986) – ce débat est plus rare parmi les « quantitativistes ». C’est d’autant plus le cas que, comme le souligne Alain Desrosières, les usagers des questionnaires en sont rarement les producteurs et que se perd alors le souci de la manière dont se fabriquent les chiffres : « Une fois la quantification effectuée, les hésitations, les négociations et les traductions impliquées par le passage d’un monde de mots à un monde de nombres disparaissent, par un effet de cliquet. On ne revient éventuellement en arrière qu’en cas de contestations, c’est-à-dire de situations vécues comme anormales. Après leur transformation en variables, les nombres ne sont en principe plus débattus. Il est précisément attendu d’eux d’être “incontestables”. » (2013, p. 64).

20Dans les travaux fondés sur l’exploitation de questionnaires, les réserves méthodologiques portent davantage sur les « non-réponses » que sur la nature des réponses effectivement enregistrées, cachées derrières des variables prêtes à l’emploi. L’apparition de nouvelles sources de données amène à se demander quelles sont les questions que l’on peut poser et quelle est la nature des réponses collectées. S’il en est ainsi, c’est que les données massives offrent aux quantitativistes des possibilités nouvelles d’observation quantifiée. À ce titre elles ne sont pas seulement une source alternative mais proposent des perspectives d’analyse nouvelles qui se soldent aussi, comme nous le verrons, par des résultats différents.

Quand Meetic rencontre la statistique publique

21Pour étudier la production de l’écart d’âge, cet article mobilise des données issues du site de rencontre français Meetic.fr. Lancé en 2002, ce site s’est rapidement révélé comme l’un des services de rencontres les plus importants en France, en termes de nombres d’utilisateurs et de visibilité, au point de devenir un éponyme pour le phénomène qu’il représente. Dans le cadre d’un partenariat avec la société éditrice du site, Meetic France, on a pu obtenir des données de deux types mobilisées dans cet article.

22D’une part, l’analyse porte sur des profils d’utilisateurs anonymisés. Ces profils comportent de très nombreuses informations que l’usager est invité à renseigner au sujet de lui-même et de ses préférences. Les informations sont collectées à l’aide de questions, pour la plupart à choix multiples, qui sont toutes facultatives à quelques exceptions : le sexe, la date de naissance et le lieu d’habitation de l’utilisateur, ainsi que le sexe et l’âge souhaités pour le partenaire constituent des informations obligatoires en vue de l’inscription. Les analyses présentées ici portent notamment sur les préférences d’âge indiquées par les utilisateurs. Ces données – exhaustives donc – sont renseignées sous forme de tranche : l’usager indique un âge minimum et un âge maximum, qui vont de 18 à 99 ans. Dans le cadre de ces bornes, il choisit librement l’intervalle qu’il peut d’ailleurs réduire à 0 (en mettant 45 ans à 45 ans par exemple). D’autres informations du profil, dont tout particulièrement le sexe et l’âge de l’utilisateur, sont utilisées pour caractériser ces préférences.

23D’autre part, on s’intéresse aux comportements de contacts. Une seconde base de données qui contient des métadonnées relatives à l’ensemble des emails échangés sur le site est utilisée. L’analyse ne concerne en aucun cas le contenu des messages – auquel on n’a pas accès – mais simplement le contexte : les identifiants de l’expéditeur et du destinataire, la date et l’horaire de l’envoi. Couplées avec les profils d’utilisateurs, ces données permettent de savoir « qui contacte qui » et on les mobilise dans cet objectif.

24L’étude porte sur un échantillon d’utilisateurs, tous inscrits sur Meetic en 2014, âgés de 18 à 70 ans. Tous avaient été « actifs » dans l’année, c’est-à-dire qu’ils avaient envoyé au moins un email à une autre personne inscrite sur le site. Si l’inscription et la création de profil sont gratuites sur Meetic, il faut en revanche « s’abonner » pour pouvoir échanger avec les autres membres : c’est vrai aussi bien pour les femmes que pour les hommes  [1]. Les utilisateurs retenus sont donc tous des membres payants. Au total, les analyses portent sur 401 208 profils, dont 51 % d’utilisateurs et 49 % d’utilisatrices, et plus de 25 millions d’emails envoyés au cours de l’année 2014.

25On mobilise aussi l’enquête « Étude des parcours individuels et conjugaux » (Ined-Insee, 2013-2014). Cette étude s’inscrit dans la continuité des enquêtes précédemment conduites à l’Ined sur la formation des couples, avec cette différence qu’elle interroge aussi bien des personnes en couple qu’hors couple, et qu’elle retrace toute l’histoire affective des répondants. 7 809 personnes âgées de 26 à 65 ans ont répondu à cette enquête biographique qui portait sur les relations de couple et les « relations amoureuses importantes » (Rault et Régnier-Loilier, 2015).

26Aux données « classiques » produites par questionnaire, l’étude confronte donc un matériau nouveau dont les promesses ne doivent pas masquer les faiblesses. Le big data comporte des limites importantes auxquelles n’échappent pas les données mobilisées ici. Le manque de représentativité est l’une d’entre elles : non seulement les utilisateurs de Meetic ne constituent pas un échantillon représentatif de la population générale, mais on peut se demander dans quelle mesure les pratiques en ligne diffèrent des rencontres « ordinaires ». En France en 2013, 12 % des femmes et 16 % des hommes âgés de 26 à 65 ans déclaraient s’être déjà inscrits sur un site de rencontres. Le taux d’usage était plus important chez les personnes qui n’étaient pas en couple au moment de l’enquête : 25 % des femmes et 28 % des hommes  [2]. Cette forte diffusion de l’usage limite les pires biais de sélection. Contrairement aux petites annonces, dont l’usage ne fut jamais que marginal (Bozon et Héran, 1988), les rencontres en ligne constituent désormais une pratique ordinaire de l’expérience célibataire et ce dans tous les milieux sociaux (Bergström, 2016a).

27De même, les couples qui débutent en ligne ne diffèrent pas significativement de ceux formés ailleurs. Ils ne sont ni plus ni moins homogames que d’autres couples, à l’exception des unions formées sur les lieux de travail ou d’études qui – pour des raisons évidentes – rassemblent plus souvent deux partenaires proches en termes éducatifs et professionnels (Bergström, 2016b). En ce qui concerne l’écart d’âge entre les conjoints – objet de cet article – il est en moyenne plus faible au sein des couples formés via un site de rencontres (1,9 an) que la moyenne générale (2,3 ans), mais se situe à l’entre-deux des écarts caractérisant d’autres unions : plus faible que pour les couples qui se sont connus au travail (3 ans) ou dans un cadre familial (4,3 ans), il est plus important que dans les unions formées sur le lieu d’étude (1,3 an) ou dans une discothèque (1,4 an) par exemple [3]. Ces faibles différences entre unions formées online et offline sont une condition, non suffisante mais nécessaire, pour que les sites de rencontres soient un terrain d’enquête pertinent.

28Outre l’enjeu de la représentativité se pose aussi la question de la véracité. Sur les sites de rencontres on ne dit pas toujours la vérité. On arrondit. C’est le cas sur Meetic où les utilisateurs sont curieusement plus grands et plus sveltes que la population dans son ensemble. Ils renseignent aussi leur date de naissance avec une inclination pour les nombres « cinquièmes » tels que 1975, 1980, 1985, etc. Comme le montrent plusieurs recherches – et contre une idée reçue – ces prises de distance avec la vérité sont certes courantes sur internet mais peu importantes (Toma et al., 2008 ; Schmitz et al., 2011 ; Zillmann et al. 2011). Par exemple, s’agissant des déclarations de taille et de poids sur Meetic, les écarts à la moyenne nationale sont assez faibles : environ 2 cm en plus pour les deux sexes, de même que 2 kg en moins pour les hommes et 5 kg en moins pour les femmes. Les chiffres « ronds » ont donc un effet centrifuge sur les nombres proches sans trop distordre la moyenne, ce qui veut dire que les ajustements se situent souvent dans les bornes de +/– 4. Il y a de bonnes raisons de penser qu’il en va de même pour la date de naissance. Cette tendance à arrondir l’âge oblige cependant à interpréter les résultats avec prudence. Plutôt que de s’intéresser à un âge donné, il s’agit ici d’établir les tendances d’ensemble quant à la direction et à la variation des préférences d’âge telles que manifestées sur internet.

29En aucun cas ces nouvelles données issues des sites ne peuvent se substituer aux données d’enquête, inégalées en termes de qualité et de richesse. Cette nouvelle source peut en revanche éclairer les zones d’ombre laissées par les dispositifs traditionnels. Parce qu’ils proposent de regarder la rencontre là où les enquêtes proposent une entrée par le couple, les sites permettent d’adopter un point de vu alternatif sur un même objet. Dans les pages qui suivent, on propose une telle analyse croisée sur la question de l’écart d’âge, confrontant les données de l’enquête « Épic » avec celles du site Meetic.

Encadré 1. – De la rencontre au couple, entre sexe et amour

Les données mobilisées dans cet article éclairent deux moments très différents du processus de rencontre. Tandis que l’enquête « Épic » comporte des informations sur les unions constituées, le site Meetic renseigne sur les premiers contacts. La suite de ces contacts, ce que la relation devient, on ne le sait pas. Les données du site nous disent seulement qui s’intéresse à qui et quelles sont les sollicitations acceptées ou au contraire ignorées. Ce sont pourtant des indicateurs précieux des prémices de toute rencontre : le moment où le champ des possibles reste ouvert et où le couple n’est qu’un horizon parmi d’autres. Ce sont précisément ces débuts balbutiants et incertains qui – bien que décisifs – échappent aux enquêtes qui ne prennent le relais que lorsque l’union est relativement institutionnalisée.
Les deux sources ne mesurent donc pas la même chose. C’est d’autant plus le cas que les rencontres en ligne ne débouchent pas toujours sur une relation et que, lorsque c’est le cas, elles mènent aussi bien à des relations sexuelles brèves qu’à la formation de couples (Bergström, 2015). Cette étude ne distingue pas les rencontres selon cette finalité. D’abord parce que les intentions des utilisateurs sont rarement formulées ainsi  [4] et que les attentes et les expériences ne se recoupent pas toujours : on peut chercher à faire une rencontre amoureuse tout en vivant surtout des histoires courtes et vice versa. Ensuite, les comportements des acteurs ne diffèrent pas forcément selon la nature des relations envisagées. Une hypothèse courante voudrait que les attentes vis-à-vis d’un conjoint soient radicalement différentes de celles vis-à-vis d’un partenaire occasionnel, tant le couple serait porteur d’enjeux sociaux alors que la sexualité en serait dépourvue. C’est oublier que les rencontres – quelles qu’elles soient – mobilisent des jugements de goût quant à ce qui est beau, moche, raffiné, vulgaire, attractif ou repoussant, c’est-à-dire des schèmes de perception socialement et sexuellement situés. Cela explique que les rencontres sexuelles – contrairement à une idée répandue – sont aussi traversées par des logiques homogames (Laumann et al., 1992, p. 243-257) et qu’elles connaissent un écart d’âge semblable à celui des couples  [5]. On note aussi que sur Meetic comme sur d’autres sites étrangers étudiés (Skopek et al., 2011), les comportements de contact diffèrent peu (en termes d’âge des partenaires sollicités) selon la nature de la relation recherchée. Pour toutes ces raisons, les analyses à suivre portent sur l’ensemble des interactions en ligne – illustratives du champ des possibles qui caractérisent les rencontres amoureuses et sexuelles.

Modes de production de l’écart d’âge

30Le site de rencontres étudié ici constitue un observatoire de l’hétérosexualité. Il donne à voir les termes de la rencontre hétérosexuelle, avec ses codes, ses parades et ses points de tension qu’il met souvent en exergue. À ce titre, il révèle le caractère fondamentalement genré des interactions. C’est en tenant compte de ces rapports de genre, et de la manière dont ils structurent le processus de rencontre du début à la fin, que l’observation des sites renouvelle la connaissance de l’écart d’âge. Elle montre successivement tout d’abord les manières différentes (voire incomparables) dont les femmes et les hommes font part de leurs attentes vis-à-vis des partenaires, mais aussi leurs attitudes contrastées vis-à-vis de l’écart d’âge traditionnel et, enfin, l’arbitrage dont résulte les couples et qui ne reflète pas au même titre les désirs masculins et féminins.

Les préférences d’âge « en situation »

31L’une des premières questions posées lors de l’inscription sur un site de rencontres est l’âge souhaité des partenaires potentiels. Invités à répondre en indiquant une fourchette, les utilisateurs de Meetic s’appliquent. La question ne parait donc pas absurde alors que la réponse par défaut l’est visiblement : le site propose une tranche très large, de 25 à 45 ans, que les utilisateurs rejettent largement. Seuls 6 % des femmes et 10 % des hommes ont gardé la modalité initiale. Une vaste majorité des usagers a donc jugé bon d’individualiser la fourchette pour, de fait, la rapprocher de leur propre âge. Le caractère apparemment aberrant de la proposition de Meetic montre qu’en termes d’âge tout ne passe pas.

32Par ailleurs, les préférences déclarées sont relativement généreuses (Figure 3). Elles dépassent en tout cas largement l’écart d’âge effectif des couples. Qu’ils aient ou non un « âge idéal », les candidats à la rencontre affichent des seuils d’admissibilité plus larges. Les hommes indiquent un intervalle moyen de 13,8 ans (entre l’âge minimum et l’âge maximum) et les femmes un intervalle moyen de 10,9 ans. Tandis que les jeunes font preuve des préférences les plus restrictives, l’éventail s’ouvre vers la trentaine – avec des pics de 14,2 ans pour les femmes à 34 ans, et de 15,7 ans pour les hommes à 37 ans – avant de se restreindre ensuite de nouveau. Cette évolution est particulièrement nette pour les femmes. Chez les hommes, le champ des possibles reste bien plus large. Loin d’être une échelle linéaire, l’âge compte donc plus ou moins pour les deux sexes et selon les moments de la vie. Les différences sont amplifiées aux pôles des âges, comme chez les jeunes où l’on est rapidement « trop jeune » ou « trop vieux », mais aussi chez les personnes âgées où le spectre de la vieillesse amène hommes et femmes à s’intéresser surtout aux personnes proches en âge ou plus jeunes.

33La Figure 3 révèle ainsi un fait rarement souligné dans la littérature sur l’écart d’âge : les préférences des femmes et des hommes se ressemblent. Avec l’avancée en âge, le désir d’un partenaire plus jeune se fait en effet plus fort. Cette tendance est plus nette pour les hommes, mais elle caractérise aussi les femmes. Le rapport à l’âge du partenaire oppose donc moins les deux sexes que l’on ne le dit souvent. Cette relative affinité des préférences veut dire que les attitudes des femmes et des hommes vis-à-vis de l’écart d’âge traditionnel sont, elles, divergentes. Les observations de Meetic donnent à voir une inversion des attitudes avec l’âge. Chez les jeunes, ce sont effectivement les femmes qui réclament le plus nettement une différence d’âge en faveur de l’homme. À partir de 35 ans, elles s’ouvrent cependant progressivement à l’idée d’un partenaire cadet, en même temps que l’éventail se resserre autour de leur âge propre. Après avoir manifesté un désir fort pour un écart d’âge traditionnel – ce qui traduit en fait une attitude de jeunesse – les femmes se montrent surtout intéressées par des hommes proches en âge.

Figure 3. – Préférences d’âge déclarées dans le profil par sexe et âge : intervalles entre âge minimum moyen et âge maximum moyen, rapportés à l’âge d’ego

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Figure 3. – Préférences d’âge déclarées dans le profil par sexe et âge : intervalles entre âge minimum moyen et âge maximum moyen, rapportés à l’âge d’ego

Source : Base d’utilisateurs de Meetic.fr, Meetic Group, 2014.

34Les préférences déclarées par les hommes sont surtout marquées par un intérêt de plus en plus manifeste pour des partenaires plus jeunes. Parce qu’il faut être majeur pour s’inscrire sur un site de rencontres, les hommes de 18 ans ne peuvent pas indiquer de préférence pour une femme plus jeune. Dès que cette possibilité leur est ouverte (dès 19 ans donc), ils descendent progressivement dans les âges, augmentant à chaque fois la distance entre l’âge minimum et leur âge propre, comme le montre la Figure 3  [6]. Alors qu’entre 18 et 28 ans, les utilisateurs de Meetic ont pris dix ans, l’âge minimum moyen sollicité n’augmente que de 3,7 ans (passant de 18,7 à 22,4 ans). À l’autre extrémité du spectre, si une majorité d’hommes se disent en général ouverts à l’idée d’une partenaire légèrement plus âgée qu’eux, ils rejettent ce scénario avec plus de force après 60 ans. À partir de cet âge, une minorité d’utilisateurs (48 %) indiquent une fourchette d’âge incluant des femmes ainées.

35Ces pratiques déclaratives tranchent avec les résultats issus d’enquêtes. La Figure 4 le montre bien, présentant les positions des hommes et des femmes vis-à-vis de l’écart d’âge telles qu’exprimées lors de l’enquête « Épic », d’une part, et sur Meetic, d’autre part. Plus précisément, elle compare la part de répondants ayant déclaré facilement accepter l’idée d’un écart d’âge inhabituel en faveur de la femme (de 5 ans ou plus) avec la part d’utilisateurs du site ayant indiqué des préférences ouvertes à un tel écart. Le décalage est apparent. Les utilisateurs de Meetic se montrent moins ouverts à un écart d’âge inhabituel que ne le font les répondants à l’enquête – c’est vrai pour les deux sexes. Or ce décalage est bien plus important pour les hommes. Tandis que, dans la situation d’enquête, les hommes se disaient – contrairement aux femmes – relativement indifférents à l’âge de leur partenaire, cette indifférence disparait sur internet. Une majorité d’utilisateurs sont certes ouverts aux femmes ainées jusqu’à 40 ans mais, après cet âge, c’est beaucoup moins le cas. Les déclarations des femmes sont, elles, plus cohérentes. Le taux d’acceptation d’un écart d’âge inhabituel est relativement similaire dans les deux situations : le coefficient de corrélation est de 0,73 contre seulement 0,24 pour les hommes.

36Pourquoi ce décalage chez les hommes, que l’on n’observe pas au même titre chez les femmes ? Une explication possible réside dans l’inégale réflexivité des deux sexes quant à leurs préférences amoureuses et sexuelles et leurs dispositions à en parler. Alors que les femmes sont incitées et habituées depuis leur plus jeune âge à parler des relations intimes (Monnot, 2009 ; Ambjörnsson, 2004), c’est moins le cas des hommes, qui manifestent plus souvent une réticence à évoquer leur vie affective, notamment dans le cadre d’une enquête (Blin, 1997 ; Duret, 1999). N’est-ce pas d’abord ce rapport contrasté aux discours sur l’intime que captent les enquêtes ? Cela voudrait dire que les réponses des femmes, plus tranchées, ne reflètent pas tant une attitude plus intransigeante vis-à-vis de l’âge du partenaire, mais avant tout des préférences plus conscientes. À l’inverse, l’indifférence manifestée par les hommes concernerait moins l’âge des partenaires que la question en tant que telle, à laquelle ils peinent peut-être à répondre (ou qu’ils ne parviennent pas à prendre au sérieux). En tout cas, Meetic indique que les hommes, plus que les femmes, « ne font pas toujours ce qu’ils disent qu’ils font » et interroge à ce titre la manière de produire des données sur la vie affective. Au vu des socialisations différenciées des sexes aussi bien aux mots qu’aux choses de l’intime, la comparabilité des réponses des femmes et des hommes aux enquêtes sur la sexualité et le couple pose question.

Les chemins sexués vers l’écart d’âge

37Si les préférences d’âge déclarées en situation de rencontre interrogent les déclarations abstraites recueillies en questionnaire, ce sont les données d’interaction qui constituent la véritable originalité de l’étude, permettant de savoir qui échange avec qui. Les analyses à suivre portent sur les comportements de contact vis-à-vis de l’âge, sans jamais supposer que cette variable constitue en tant que telle un critère de jugement des partenaires potentiels. Pour s’intéresser aux interactions par ce prisme, nul besoin de présumer que l’âge constitue en soi une « préférence ». C’est précisément parce qu’il est étroitement associé à d’autres caractéristiques sociales – dont il ne sert souvent que d’indice – que l’âge structure les rencontres amoureuses et sexuelles. Observer ces dernières, c’est alors suivre les chemins divers qui mènent vers l’écart d’âge des conjoints.

Figure 4. – Taux d’acceptation d’un écart d’âge inhabituel en faveur de la femme (de 5 ans ou plus) sur Meetic et lors de l’enquête « Épic » (%)

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Figure 4. – Taux d’acceptation d’un écart d’âge inhabituel en faveur de la femme (de 5 ans ou plus) sur Meetic et lors de l’enquête « Épic » (%)

Source : Base d’utilisateurs de Meetic.fr, Meetic Group, 2014 ; enquête « Épic », Ined-Insee, 2013-2014.

38Un premier constat de cette analyse concerne la différence entre les préférences affichées et les pratiques. Par contraste avec les tranches d’âges indiquées dans les profils – relativement généreuses – les contacts initiés sur Meetic se situent dans un spectre plus étroit. Cela veut dire que la différence d’âge entre les sexes diminue et se rapproche d’ailleurs de l’écart observé dans les couples. Sur le site, les échanges engagés entre utilisateurs et utilisatrices sont caractérisés par un écart d’âge moyen de 2,4 ans en faveur de l’homme. En France, les relations cohabitantes présentaient en 2007 un écart d’âge moyen de 2,5 ans (Daguet, 2016).

39De même, tout comme l’écart entre conjoints varie selon l’âge à la mise en couple, l’écart entre les interlocuteurs du site varie avec l’âge de l’expéditeur. Cette variation est d’ailleurs bien plus forte sur internet que celle observée dans les couples. Le Tableau 1 présente les comportements de contact sur Meetic selon le sexe et l’âge, indiquant l’écart d’âge moyen entre interlocuteurs selon que le mail est envoyé par un utilisateur ou une utilisatrice. Les tendances confirment celles observées pour les préférences déclarées. Aux âges jeunes, les hommes contactent aussi bien des personnes plus âgées que plus jeunes. Lorsque l’on monte dans les âges, ils manifestent cependant un intérêt de plus en plus marqué pour les femmes plus jeunes : l’écart d’âge avec leurs interlocutrices passe de 2,2 ans en moyenne en faveur de la femme chez les 18-24 ans à 7 ans en moyenne en faveur de l’homme chez les 60-70 ans. Chez les utilisatrices, c’est tout l’inverse. Les femmes jeunes contactent largement des hommes plus âgés et c’est le cas jusqu’à la quarantaine (la moyenne est au-dessus de 5 ans en faveur de l’homme chez les 18-39 ans) alors qu’après cet âge les femmes sollicitent aussi des utilisateurs plus jeunes (la moyenne est de presque 4 ans en faveur de la femme chez les 60-70 ans).

Tableau 1. – Écart d’âge moyen avec l’interlocuteur selon le sexe et l’âge de l’expéditeur

Femmes Hommes
18-24 ans 6,6 2,2
25-34 ans 5,2 – 0,2
35-39 ans 5,0 – 2,7
40-49 ans 0,7 – 3,8
50-59 ans – 1,2 – 5,2
60-70 ans – 3,9 – 7,0
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Tableau 1. – Écart d’âge moyen avec l’interlocuteur selon le sexe et l’âge de l’expéditeur

Lecture : L’écart d’âge entre l’expéditeur et la destinatrice est en moyenne 2,2 ans en faveur de la femme pour les emails envoyés par des utilisateurs masculins de 18-24 ans.
Champ : L’ensemble des premiers contacts et des premières réponses (envoyées en retour) sur Meetic en 2014.
Source : Base d’utilisateurs de Meetic.fr, Meetic Group, 2014.

40Au croisement des préférences déclarées et des attirances manifestées, un constat s’impose : l’écart d’âge est le produit de processus sociaux différents. Alors que la force statistique de ce fait social a conduit à y voir une préférence commune des deux sexes, les observations empiriques des préférences d’âge indiquent qu’il n’en est rien. L’asymétrie sexuée des couples hétérosexuels répond à des logiques différentes.

41En début de parcours affectif et sexuel, ce sont effectivement les femmes qui se font garantes d’un écart d’âge traditionnel, comme l’avait montré déjà M. Bozon (1990a ; 1990b). Mobilisant, en plus des enquêtes, des entretiens menés dans les années 1980, l’auteur donnait à voir la forte valorisation féminine de la maturité du conjoint. Au moment des premières unions, les femmes délaissent les « relations de camaraderie » pour s’intéresser plutôt aux hommes installés socialement qui font preuve d’une certaine autonomie économique et résidentielle (Bozon, 1990b, p. 355, 1990a, p. 583). Aussi la maturité renvoie-t-elle moins à l’âge chronologique du partenaire qu’à son âge social : sont considérés « matures » les hommes qui – contrairement aux pairs – rassurent par leur situation stable et procurent ainsi un sentiment de sécurité, y compris affective.

42Trente ans plus tard, cette valorisation de la maturité masculine persiste chez les jeunes femmes. Alors que les dernières décennies sont caractérisées par une remarquable ascension sociale des femmes – du fait de l’augmentation de leur niveau de diplôme, leur participation au marché de travail, leur accès aux métiers qualifiés et aux postes à responsabilités –, rien de tout cela ne semble avoir sensiblement altéré leur vision du couple. Les jeunes femmes continuent de rechercher un partenaire plus âgé, comme si leur statut relatif au sein du couple n’avait pas changé par ailleurs. Pourtant, la conjugalité hétérosexuelle a été structurellement modifiée par l’élévation du statut social des femmes, désormais plus diplômées que leurs conjoints (Bouchet-Valat, 2015) et contribuant davantage aux revenus du couple, diminuant par là l’inégalité salariale entre partenaires (Bouchet-Valat, 2017). Il semble, comme le soutient Sonia Dayan-Herzbrun (1982), que l’acquisition de cette indépendance économique n’a pas pour autant fait disparaitre la « dépendance affective » que les femmes entretiennent envers les hommes. Par cette notion, la sociologue désigne « la non-symétrie des sentiments amoureux chez les hommes et chez les femmes » qui conduit les femmes, bien plus que les hommes, à chercher dans l’amour la reconnaissance de leur valeur et de leur identité (1982, p. 120). Plus que la réciprocité, elles cherchent dans le conjoint une source de soutien et de sécurité et se tournent pour ce faire vers des hommes plus âgés. Ce qui était vrai hier le reste aujourd’hui. Comme les observations de Meetic l’indiquent, l’écart d’âge qui caractérise les premières unions est soutenu principalement par les femmes, et cela en raison de l’association étroite qu’elles semblent maintenir entre la figure du conjoint et celle de l’ainé.

43Or, les observations du site font aussi voir autre chose : la participation active des hommes à l’asymétrie des couples aux âges plus élevés. Contrairement aux travaux précédents, concluant que « la supériorité masculine par l’âge est très généralement désirée par la femme » (Bozon, 1990a, p. 599), les pratiques en ligne révèlent que, dès la sortie de la jeunesse, ce sont en fait les hommes qui soutiennent principalement la différence d’âge en leur faveur. Au rebours des déclarations enregistrées dans les enquêtes – et en décalage même avec les préférences qu’ils affichent dans leurs profils – les hommes âgés de 40 ans et plus contactent très largement des femmes plus jeunes et font ainsi preuve d’une démarche active et volontariste en faveur d’un écart d’âge traditionnel. Si c’est le désir de maturité chez les jeunes femmes qui participe à la différence d’âge en début de parcours, comment expliquer cet intérêt croissant des hommes pour des femmes plus jeunes ?

44Un élément de réponse réside dans les âges sociaux qui ne sont pas les mêmes pour les femmes et les hommes (Bozon, 1990a, 1990b). Aussi bien l’âge attribué (par les autres) que l’âge subjectif – se sentir (trop) jeune ou (trop) vieux – diffèrent en effet entre les sexes. D’abord, les hommes « restent jeunes » plus longtemps que ne le font les femmes : ils se mettent en couple et fondent une famille à des âges plus élevés et l’écart d’âge résulte aussi de cette différence de parcours entre les sexes (Bozon, 1990b). Mais les hommes, contrairement aux femmes, redeviennent aussi « jeunes » après une rupture. C’est ce que montre une enquête qualitative menée auprès d’utilisateurs de sites de rencontres en France (Bergström, 2015). Ayant majoritairement la garde des enfants après une séparation  [7], les femmes envisagent d’abord la remise en couple sous l’angle d’une recomposition familiale. Elles font preuve d’une attitude réaliste et pragmatique du couple qui tranche non seulement aves les aspirations des femmes plus jeunes, mais aussi avec celles des hommes de leur âge, bien plus idéalistes. Ces derniers, parce qu’ils ont rarement la responsabilité principale des enfants après la séparation, ont plus de marge de manœuvre pour refaire leur vie. Objectivement et subjectivement plus « libres », les hommes séparés sont aussi plus enclins à faire table rase de la première union et envisagent plus facilement une nouvelle relation. Prêts pour un nouveau départ, ils se tournent alors vers des femmes qui, « jeunes également », sont susceptibles de partager leurs aspirations.

45Ces tendances sont visibles sur Meetic. Passés 40 ans, une majorité d’utilisateurs se déclarent séparés ou divorcés avec enfant·s, c’est le cas à la fois des hommes (60 %) et des femmes (68 %). Cette expérience conjugale et parentale marque toutefois davantage les préférences et les pratiques des utilisatrices. Lorsqu’invitées à renseigner dans leur profil si elles souhaitent avoir des enfants, les femmes séparées et déjà parents sont nombreuses à répondre par la négative. Entre 30-39 ans, 80 % des utilisatrices rejettent cette idée contre 55 % des utilisateurs dans la même situation. De la même manière, les attitudes féminines envers l’âge du partenaire changent davantage selon les expériences passées. À âge constant, le fait d’être parent et se dire « séparée » ou « divorcée » (plutôt que de se dire sans enfant et « jamais mariée ») conduit les femmes à recentrer les préférences d’âge déclarées autour de leur âge propre et à échanger avec des hommes plus proches en âge. L’évolution des préférences féminines, observée avec l’âge, tient donc principalement à la recomposition des attitudes suite à une rupture. Ce n’est pas le cas des hommes dont les expériences parentales et conjugales marquent peu leurs préférences et leurs pratiques. Qu’ils soient séparés ou non, parents ou pas, les hommes se sentent jeunes et sollicitent des femmes qu’ils identifient comme l’étant également.

Le choix du conjoint en est rarement un

46L’apparente constance de la différence d’âge au sein des couples hétérosexuels est donc trompeuse. Ce sont des processus sociaux différents qui mènent à un même résultat final. Ce constat en amène un autre. L’écart d’âge, et plus généralement la formation des couples, est le fruit d’un arbitrage. Alors que l’on se représente souvent le couple comme la rencontre entre deux désirs réciproques – c’est le cas des romanciers mais aussi des sociologues –, les aspirations des femmes et des hommes divergent souvent, et les unions ressemblent plus à un compris qu’à ce que les Anglais appellent un perfect match – un accord parfait.

47« Les rencontres en ligne le montrent parfaitement. La figure 5 confronte les préférences d’âge manifestées par les deux sexes aux différents âges. Plus précisément, elle présente les comportements de contacts des hommes (indiqués en bleu sur l’axe y) et ceux des femmes (indiqués en rouge sur l’axe x). Les couleurs sont d’autant plus marquées que les sollicitations sont nombreuses : les surfaces en bleu foncé indiquent l’âge des femmes très contactées par les hommes ; les zones en rouge foncé correspondent aux âges des hommes très sollicités par les femmes. En superposant les comportements de contact des deux sexes, le graphique permet aussi de voir leur point de rencontre : les nuances de violet indiquent où les préférences féminines et masculines coïncident. Enfin, la diagonale en noir trace l’intersection des âges des utilisateurs et utilisatrices et indique un écart d’âge nul. La partie droite du carré correspond donc à un écart d’âge en faveur de la femme tandis que la partie gauche indique un écart en faveur de l’homme. »

48Le graphique illustre les constats précédents et tout d’abord une certaine élasticité des préférences d’âge qui, certes, se centrent autour de la diagonale (indiquant une préférence pour un partenaire proche en âge) mais ne s’y limitent pas. On perçoit également très bien l’inversement des attitudes des hommes et des femmes envers l’écart d’âge entre 35 et 40 ans : jusque-là les hommes sollicitent relativement souvent des utilisatrices plus âgées qui ne se montrent pas tant intéressées par eux. Après 40 ans, les femmes se tournent en revanche plus facilement vers des hommes cadets qui, eux, s’intéressent alors à d’autres femmes, plus jeunes. Caractérisées par des orientations différentes, les préférences des deux sexes convergent finalement vers un léger écart d’âge en faveur de l’homme : l’intersection des comportements de contact masculins et féminins se situe juste au-dessus de la diagonale pour les femmes (indiquant un écart positif) et juste en dessous de celle-ci pour les hommes (indiquant un écart négatif). La figure montre que les désirs des femmes et des hommes s’orientent dans des sens différents et trouvent des points de rencontre plus qu’ils ne coïncident. L’écart d’âge apparait comme le fruit de deux aspirations accommodées.

Figure 5. – Comportements de contacts selon le sexe et l’âge

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Figure 5. – Comportements de contacts selon le sexe et l’âge

Lecture : Sur Meetic, les utilisatrices âgées de 20 ans sollicitent principalement des hommes de 20 à 39 ans : 93 % des emails qu’elles envoient leur sont destinés. Les utilisateurs du même âge contactent, eux, des femmes de 18 à 29 ans, qui reçoivent 92 % de leurs emails.
Champ : L’ensemble des premiers contacts et des premières réponses (envoyées en retour) sur Meetic en 2014.
Source : Base d’utilisateurs de Meetic.fr, Meetic Group, 2014.

49Ces observations remettent en cause la notion de « choix » du conjoint, chère aux sociologues du couple. Les rencontres amoureuses et sexuelles sont des processus complexes, faits de rejets et de déceptions, et les unions qui en sortent ne reflètent pas seulement des choix mais aussi des désirs non réalisés. Parce qu’elles n’interviennent qu’après la formation du couple, les enquêtes sont aveugles à ces compromis et concessions qui la précèdent, et facilitent ainsi la lecture hâtive des unions comme des « préférences révélées ». L’observation des rencontres donne une autre version de l’histoire. Elle montre que les rencontres se font à mi-chemin des aspirations affichées par les deux sexes. Les contacts qui se concrétisent sont en effet ceux où les deux sexes se rapprochent du désir de l’autre. L’écart d’âge apparait donc comme un écart négocié. Comment se déroule très concrètement cette négociation ?

50Répondre à cette question nécessite de s’intéresser aux conventions de la séduction. Les rencontres amoureuses et sexuelles sont très codifiées et, dans le cadre des rencontres hétérosexuelles, suivent un scénario genré où les deux sexes sont invités à occuper des rôles différents. L’un des principes organisateurs de ce scénario est celui de l’initiative masculine : dans un contexte de séduction, on attend des hommes qu’ils fassent le premier pas et soient à la manœuvre des interactions. Ce principe structure les rencontres en ligne. Contrairement à ce que l’on entend parfois dans la presse, internet n’a pas révolutionné les termes de la rencontre hétérosexuelle. Comme le montre la Figure 6, les interactions sont profondément sexuées : 90 % des premiers contacts sont initiés par des utilisateurs tandis que 77 % des réponses proviennent des utilisatrices. Autrement dit, lui écrit et elle répond... parfois. Derrière cette tendance s’en cache en effet une autre : les hommes contactent beaucoup de femmes pour peu de retours. En moyenne, moins d’un mail sur cinq reçoit une réponse, soit 16 % des contacts masculins et 44 % des contacts féminins.

Figure 6. – Sex-ratio des expéditeurs des premiers contacts et des premières réponses

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Figure 6. – Sex-ratio des expéditeurs des premiers contacts et des premières réponses

Lecture : 90 % des premiers contacts initiés sur Meetic en 2014 (entre des utilisateurs de sexe différent) étaient initiés par des hommes (soit plus de 19 millions d’emails), tandis que 77 % des réponses étaient envoyées par des femmes (soit plus de 3 millions d’emails).
Champ : L’ensemble des premiers contacts et des premières réponses (envoyées en retour) sur Meetic en 2014.
Source : Base d’utilisateurs de Meetic.fr, Meetic Group, 2014.

51Cette différence de comportements entre les deux sexes ne tient pas à un inégal intérêt pour la rencontre, comme on le dit parfois. Elle reflète plutôt une vision différentialiste de la sexualité des hommes, associée à un désir ardant, et la sexualité des femmes, vue comme plus effacée. Cette représentation courante (Bajos et al., 2008) fonctionne aussi comme une norme. Comme le montre Isabelle Clair dans ses travaux sur les jeunes, les filles ne sont pas censées « vouloir pareillement » que les garçons (2007, 2012, p. 73). On attend d’elles qu’elles fassent preuve de réserve dans leurs interactions avec les hommes, faute de quoi elles mettent en jeu non seulement leur réputation sexuelle mais parfois même leur intégrité physique (Bergström, 2012). Aussi les femmes attendent-elles souvent que les hommes fassent le premier pas. C’est d’ailleurs le cas hors ligne comme en ligne. Si, dans les contextes de sociabilité ordinaire, la première rencontre peut être fortuite, la suivante est souvent à l’initiative des hommes. C’est ce que montre l’enquête « Épic », où il a été demandé aux personnes en couple qui, des deux partenaires, a cherché à revoir l’autre après le tout premier contact. Femmes comme hommes sont d’accord pour dire que c’est le plus souvent l’homme qui a pris l’initiative (c’est la réponse de 42 % des hommes et 49 % des femmes), et plus rarement la conjointe (22 % contre 17 %) ou les deux partenaires ensemble (23 %). L’initiative masculine est loin d’être une spécificité d’internet.

52L’écart d’âge résulte donc d’une interaction où les deux sexes occupent des positions très différentes. Cela prend la forme d’une négociation où les hommes font des propositions amendées par les femmes. Par leurs réponses, et surtout par leurs non-réponses, les utilisatrices modèrent les aspirations des hommes pour les faire correspondre davantage aux leurs. Chez les jeunes, cela consiste à ignorer les contacts des pairs : les jeunes hommes ont le taux de réponse le plus faible sur Meetic, seuls 12 % des emails envoyés par les 18-24 ans reçoivent une réponse, contre 30 % des emails envoyés par les 50-59 ans par exemple. Aux âges plus élevés, les femmes changent en partie de tactique. Elles répondent de préférence aux hommes de leur âge mais prennent parfois aussi l’initiative elles-mêmes. C’est particulièrement le cas des femmes seniors qui, ignorées par les hommes de leur âge (qui s’intéressent aux femmes plus jeunes) passent souvent outre la norme de la réserve féminine pour solliciter elles-mêmes les partenaires qui leur plaisent. Alors que seuls 17 % des contacts impliquant des utilisatrices de 18-24 ans ont été initiés par la femme, c’est le cas de 58 % des échanges qui concernent des utilisatrices de 60-70 ans.

53Cette norme de l’initiative masculine ôte aux femmes un pouvoir d’action important. En laissant les hommes agir en premier, elles se privent en effet du contrôle sur la nature des échanges initiés. In fine cela semble bien les désavantager. C’est ce que l’on constate lorsque l’on confronte les préférences d’âge déclarées par les utilisateurs dans leur profil avec l’écart d’âge effectif des contacts établis sur Meetic (Figure 7). La différence d’âge entre les interlocuteurs se trouve certes à cheval entre les revendications des femmes et celles des hommes, indiquant un compromis. Elle est cependant bien plus proche des préférences masculines. Cela veut dire que les échanges qui débutent en ligne reflètent davantage les critères d’âge affichés par les utilisateurs que ceux indiqués par les utilisatrices. Alors que la division des rôles dans la séduction hétérosexuelle est souvent présentée comme favorisant les femmes – l’adage consacré ne dit rien d’autre lorsqu’il proclame que « l’homme propose, la femme dispose » – cela n’est en réalité pas le cas. Parce que les hommes envoient beaucoup d’emails et parce qu’ils agissent en premier, ils pèsent plus sur les négociations sexuées autour de l’écart d’âge. Position parfois laborieuse et peu flatteuse, le rôle de l’initiateur n’est pas moins récompensé.

Figure 7. – Écart d’âge moyen en faveur de l’homme tel que demandé dans les profils et observé dans les contacts établis

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Figure 7. – Écart d’âge moyen en faveur de l’homme tel que demandé dans les profils et observé dans les contacts établis

Lecture : Les profils présentant une femme de 55 ans affichent une préférence pour un écart d’âge moyen de 0,1 an en faveur de la femme tandis que les profils présentant un homme de même âge affichent une préférence pour un écart moyen de 4,9 ans en faveur de l’homme. L’écart d’âge moyen des contacts établis par un expéditeur de 55 ans est de 2,7 ans.
Champ : Comptes d’utilisateurs actifs inscrits sur Meetic en 2014 ; l’ensemble des premiers contacts ayant reçus une réponse sur Meetic en 2014.
Source : Base d’utilisateurs de Meetic.fr, Meetic Group, 2014.

54Le choix du conjoint en est rarement un. C’est ce qu’ont déjà montré les travaux sur l’homogamie, soulignant le rôle structurant des lieux de sociabilité sur la formation des couples (Blau, 1994 ; Blossfeld et Timm, 2003). Car si « n’importe qui n’épouse pas n’importe qui », comme le rappellent M. Bozon et F. Héran, « cette vérité doit beaucoup au fait que n’importe qui ne “choisit” pas n’importe quel lieu pour rencontrer son conjoint » (1987, p. 968). Les auteurs suggèrent ainsi un changement de vocabulaire, évoquant la « découverte » du conjoint plutôt que son choix. L’analyse de l’écart d’âge invite à aller plus loin. Car, au-delà des lieux, la rencontre n’est pas qu’une affaire de préférences comme on le dit pourtant souvent. Elle repose sur une interaction entre les sexes où se confrontent des désirs souvent divergents, et où les concessions, les renonciations et les compromis sont courants. Au sujet de l’écart d’âge, les observations issues de Meetic suggèrent qu’il traduit moins une préférence réciproque des deux sexes qu’un point d’accord entre des aspirations qui contrastent par ailleurs. L’écart d’âge reflète les socialisations différenciées des femmes et des hommes à l’expérience amoureuse mais aussi la transformation de leurs attentes avec l’âge. À ce sujet, l’analyse souligne la participation active des hommes à l’asymétrie des âges au sein des couples. Alors que la littérature existante avait surtout souligné l’attachement des jeunes femmes à l’idée d’un partenaire plus âgé, les observations de Meetic indiquent que les hommes – contrairement à ce que laissent entendre les déclarations d’enquêtes – sont loin d’être indifférents à l’âge de leurs partenaires mais sont en fait les principaux tenants d’un écart d’âge traditionnel lorsque l’on monte dans l’échelle des âges. Loin d’un choix, mais plus qu’une simple découverte, le couple apparait comme un arbitrage entre des attentes sexuellement contrastées.

Notes

  • [1]
    Plusieurs types d’abonnement existent, offrant des services différents allant de 9,99 euros à 19,99 euros par mois, pendant six mois.
  • [2]
    Source : Enquête « Épic », Ined-Insee, 2013-2014. Champ : Personnes vivant en France métropolitaine, âgées de 26 à 65 ans.
  • [3]
    Source : Enquête « Épic », Ined-Insee, 2013-2014. Champ : Personnes vivant en France métropolitaine, âgées de 26 à 65 ans et en couple au moment de l’enquête.
  • [4]
    Sur les sites de rencontres hétérosexuels, il est rarement demandé aux utilisateurs le « type » de relation qu’ils recherchent et, le cas échéant, la question est formulée de façon pudique, tout comme les réponses proposées. Sur Meetic, il est ainsi demandé si l’on est « prêt(e) à [s]’engager dans une relation maintenant », ce à quoi près de la moitié des usagers répondent « c’est mon souhait » (46 % des utilisatrices et 48 % des utilisateurs) tandis qu’environ un tiers cochent l’option « laissons faire le hasard » (34 % contre 38 %) et que d’autres n’ont pas souhaité répondre (15 % contre 16 %). Ces déclarations ne présagent en rien la nature des relations nouées.
  • [5]
    C’est ce que montre notamment l’enquête « Contexte de la sexualité en France » (csf), interrogeant les répondants sur leur dernier rapport sexuel et permettant de comparer les partenaires selon qu’ils sont des conjoints cohabitants ou des partenaires « privilégiés », « principaux », « occasionnels » ou « nouveaux ». Toutes choses égales par ailleurs, l’écart d’âge diffère peu selon le « type » de partenaire. Source : Enquête « csf », Inserm-Ined, 2006.
  • [6]
    La différence d’âge connait cependant des limites. Alors que les utilisateurs peuvent élargir un maximum la fourchette affichée – et que la sociobiologie voudrait qu’ils soient intéressés par des femmes jeunes à tous les âges de la vie – seule une minorité d’hommes descend 15 ans ou plus dans les âges affichés sur leur profil (8 %). De même, comme nous le verrons, contacter des femmes bien plus jeunes reste une pratique rare.
  • [7]
    Après un divorce, la mère a la charge exclusive des enfants dans 76 % des cas et le père dans 9 % des cas (Bonnet et al., 2015).
Français

Résumé

Dans la majorité des couples hétérosexuels, l’homme est plus âgé que la femme. Ce fait est étonnamment constant à travers le temps et les continents : dans la quasi-totalité des sociétés connues, l’époux est en moyenne plus âgé que son épouse. Si le fait est bien établi, les ressorts le sont beaucoup moins. Comment se produit cette asymétrie sexuée ? À cette problématique, relative aux rapports de genre, les enquêtes peinent à répondre. Parce qu’elles interrogent des personnes déjà en union, elles captent mal le processus de rencontre. Cet article propose une approche alternative, mobilisant des données issues d’un site de rencontres sur internet. Ces services – désormais largement utilisés en France – constituent un point d’observation original sur les attentes des acteurs et les logiques d’appariement des partenaires. Aussi donnent-ils des enseignements nouveaux. Alors que les données d’enquêtes indiquent que l’écart d’âge est surtout désiré par les femmes, les analyses du site montrent qu’il est aussi recherché par les hommes, notamment lors d’une remise en couple. Plus généralement, l’étude questionne la notion de « choix » du conjoint – chère aux sociologues du couple – montrant que les rencontres amoureuses et sexuelles reposent sur un arbitrage entre les aspirations féminines et masculines qui divergent plus souvent qu’elles ne concordent. Par l’exemple de l’écart d’âge, l’article se veut une illustration empirique de quelques-unes des opportunités offertes par lesdites « données massives ».

Mots-clés

  • Écart d’âge
  • Couple
  • Hétérosexualité
  • Genre
  • Sites de rencontres
  • Données massives
  • Enquêtes
Deutsch

Was steckt hinter dem Altersunterschied bei Ehepaaren? Der Beitrag der big data zur Untersuchung des Altersunterschieds bei Lebenspartnern

Zusammenfassung

Bei den meisten heterosexuellen Lebenspartnern ist der Mann älter als die Frau. Diese Feststellung ist erstaunlich konstant und bestätigt sich über längere Zeiträume und auf allen Kontinenten: bei praktisch allen bekannten Gesellschaften ist der Ehemann im Durchschnitt älter als die Ehefrau. Allerdings sind die Beweggründe dazu weniger nachweisbar. Wie kommt es zu dieser geschlechtsspezifischen Asymmetrie? Die zu den Genderbeziehungen gemachten Untersuchungen geben zu dieser Problematik ungenügend Auskunft. Sie sind schlecht geeignet zur Erfassung des Treffprozesses, da sie bereits bestehende Partnerschaften befragen. Dieser Artikel möchte eine alternative Näherung vorschlagen, bei der die Daten einer Dating-Website benutzt werden. Diese nunmehr in Frankreich weitgehend genutzten Internetangebote sind eine originelle Beobachtungswarte zu den Erwartungen der Akteure und zur Partnerbildung. Hieraus können neue Lehren abgeleitet werden. Während die Daten aus Befragungen zeigen, dass der Altersunterschied in erster Linie von den Frauen gewünscht wird, beweisen die Analysen der Websites, dass das auch bei Männern der Fall ist, besonders nach einer Trennung. Darüber hinaus befragt die Untersuchung allgemein den Begriff der „Partnerwahl“ – besonders beliebt in der Partnerschaftssoziologie – und zeigt dass die Liebes- und Sextreffen aus einer Vereinbarung zwischen den jeweiligen weiblichen und männlichen Erwartungen hervorgehen, die meist eine Abweichung statt einer Übereinstimmung aufweisen. Am Beispiel des Altersunterschieds möchte der Artikel eine empirische Beleuchtung einiger der sich aus den sogenannten „Massendaten“ ergebenden Möglichkeiten bringen.

Schlagwörter

  • Altersunterschied
  • Partnerschaft
  • Heterosexualität
  • Gender
  • Web-dating
  • Big Data
  • Umfragen
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Marie Bergström
Marie Bergström
Institut national d’études démographiques (Ined)
133, boulevard Davout
75020 Paris
marie.bergstrom@ined.fr
Mis en ligne sur Cairn.info le 04/10/2018
https://doi.org/10.3917/rfs.593.0395
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