CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 En 1978, le critique de cinéma américain James Monaco remarquait, dans une annexe bibliographique de sa compilation intitulée Celebrity (1978), que « pas grand-chose d’intéressant n’a été écrit sur le phénomène de la célébrité » ; il citait moins d’une dizaine de références sur le sujet : deux Français (Edgar Morin et Roland Barthes) et, pour ce qui est de la culture anglophone, deux ouvrages généraux (Thomas Carlyle sur les héros et C. Wright Mills sur l’élite du pouvoir), quatre spécialistes américains du cinéma, dont lui-même, ainsi que le pamphlet contre « l’image » publié à New York par l’historien Daniel Boorstin (1961) une quinzaine d’années auparavant.

2 Une génération plus tard, en 2006, une volumineuse anthologie sur la « celebrity culture », compilée par le spécialiste des médias canadien P. David Marshall (2006) comprendra dans sa bibliographie environ vingt-cinq ouvrages universitaires en langue anglaise consacrés à la célébrité en tant que telle, qu’il s’agisse du phénomène même de la renommée, des personnalités ou de leurs admirateurs (les fans) ; à quoi s’ajoutent ceux, nombreux, prenant pour objet les acteurs, la culture populaire, la télévision, etc., ainsi qu’un grand nombre d’articles. Voilà qui illustre la vitalité d’un courant clairement identifié comme tel dans le monde anglophone – que ce soit aux États-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne ou en Australie –, et qui s’est spectaculairement développé à partir de la fin des années 1970 sous le terme de « celebrity culture ».

Un décalage transatlantique

3 Ce qu’illustrent également ces données bibliographiques, c’est, en comparaison, la pauvreté de la présence française dans ce domaine. Il n’existe en effet aujourd’hui aucune anthologie semblable en français, et l’expression même de « culture de la célébrité » n’est pas répertoriée comme catégorie de la recherche, contrairement au monde académique anglophone. Il semble que, pendant une quarantaine d’années, l’essai pionnier d’Edgar Morin sur les stars ([1957] 1972) n’ait guère connu de succession.

4 Tout au plus a-t-on pu observer depuis une dizaine d’années la parution de quelques études sur le phénomène des fans et sur la culture populaire – nous y reviendrons –, ainsi qu’une tentative pour donner ses titres de noblesse sociologique à la notion émergente de « médiacultures » (Maigret et Macé, 2005). Dans l’ouvrage qu’ils lui ont consacré, les sociologues Éric Maigret et Éric Macé proposent une bibliographie fournie, dans laquelle toutefois ne figurent pas les auteurs phares de la « celebrity culture » tels que Boorstin, Marshall, deCordova, Gabler, Gamson, Giles, Rojek ou Turner – nous y reviendrons aussi. Ces noms apparaîtront toutefois dans l’anthologie que ces mêmes auteurs consacreront trois ans plus tard aux « cultural studies » (Glevarec, Macé et Maigret, 2008), mais il n’y sera toujours pas question de « culture de la célébrité », alors même que l’on peut répertorier à partir des années 1970 pas moins de vingt-deux ouvrages en langue anglaise (sans compter les articles) portant dans leur titre ou leur sous-titre les mots « celebrity », « fame » ou « stardom ». Inversement, il est assez peu question de « culture populaire » dans les « cultural studies », « media studies », « films studies » et autres « fan studies » dont relèvent ces travaux sur le plan des disciplines. D’une langue à l’autre, les découpages académiques ne sont décidément pas les mêmes ni, partant, les problématiques.

5 S’agissant d’un phénomène massif dans le monde occidental moderne, ce décalage entre les deux cultures universitaires, anglophone et francophone, est particulièrement frappant, et mérite que l’on s’y arrête  [1]. Nous allons donc décrire successivement l’éventail des études sur la célébrité en anglais et en français, en rapportant ces deux corpus à leurs contextes académiques respectifs.

La « celebrity culture » dans le monde anglophone

6 En publiant en 2006 sa volumineuse anthologie consacrée à la « celebrity culture », David Marshall conféra consistance et visibilité à un courant d’études déjà considérablement développé, et qui possède aussi à présent ses analystes (Meyrowitz, 2002 ; Turner, 2004 ; Harmon, 2005). Nous nous limiterons ici aux ouvrages, à l’exclusion (sauf quelques exceptions notables) des très nombreux articles.

7 Comment classer cette production considérable ? On peut tout d’abord l’envisager de façon chronologique, en distinguant, premièrement, les rares publications, très dispersées, allant de la Seconde Guerre mondiale à la fin des années 1960 (Löwenthal, [1943] 1961 ; Powdermaker, 1950 ; Horton et Wohl, 1956 ; Boorstin, 1961 ; Klapp, 1962) ; deuxièmement, le démarrage du courant, entre la fin des années 1970 et la fin des années 1980 (Monaco, 1978 ; Goode, 1978 ; Dyer, [1979] 1998 ; Caughey, 1984 ; Schickel, 1985 ; Braudy, 1986 ; Rein, Kotler et Stoller, [1987] 2006) ; troisièmement, sa montée en puissance, avec une quinzaine d’auteurs dans les années 1990 (deCordova, [1990] 2001 ; Gledhill, 1991 ; Fowles, 1992 ; Jenkins, 1992 ; Lewis, 1992 ; Cathcart et Drucker, 1994 ; Gamson, 1994 ; Gabler, 1995 ; Marshall, 1997 ; Collins, 1998 ; Frow, 1998 ; Evans et Wilson, 1999 ; Kear et Steinberg, 1999) ; et, enfin, sa consolidation actuelle, avec près d’une vingtaine d’ouvrages publiés dans les seules années 2000 (Giles, 2000 ; Cowen, 2000 ; Dahlgren et Sparks, 2000 ; Andrews et Jackson, 2001 ; Barbas, 2001 ; Rojek, 2001 ; Maltby, Houran, Lange et al., 2002 ; Ponce de Leon, 2002 ; Couldry, 2003 ; Turner, 2004 ; Cashmore, 2006 ; Holmes et Redmond, 2006 ; Marshall, 2006 ; Castles, [2000] 2007 ; Halpern, 2007 ; Rowlands, 2008 ; Brim, 2009 ; Loughlan, McDonald et Van Krieken, 2010). Voilà qui suffit à mettre en évidence la nette accélération des études sur la célébrité dans le monde anglophone depuis le milieu des années 1980. Elles proviennent donc d’auteurs nés, au minimum, après la Seconde Guerre mondiale et, pour nombre d’entre eux, avec ou après l’apparition de la culture télévisuelle.

8 Un autre classement, non plus par la chronologie mais par la nationalité, met en évidence la prééminence des Américains (Barbas, Boorstin, Braudy, Brim, Caughey, Collins, Cowen, deCordova, Ferris, Gabler, Gamson, Goode, Halpern, Jenkins, Monaco, Ponce de Leon, Powdermaker, Rein, Rowlands, Schickel), puis des Britanniques (Cashmore, Couldry, Dahlgren et Sparks, Dyer, Evans et Wilson, Giles, Gledhill, Holmes et Redmond, Kear et Steinberg, Maltby, Rojek), ainsi que la présence des Australiens (Castles, Frow, Turner, Loughlan), et enfin des Canadiens (Klapp, Marshall), après les travaux pionniers sur les médias de Marshall McLuhan ([1964] 1977). Le genre éditorial peut également avoir sa pertinence, selon que l’on a affaire à des essais à la limite du pamphlet (tels Boorstin, Dyer, Rowlands), à des anthologies (Monaco, Gledhill, Lewis, Andrews et Jackson, Dahlgren et Sparks, Marshall), ou encore – beaucoup plus souvent – à des enquêtes ou des réflexions empiriquement étayées, ne serait-ce que par le recours à l’historiographie.

9 C’est toutefois la discipline qui offre l’entrée la plus parlante dans cette production, caractérisée par une grande variété de spécialisations universitaires. L’essor des travaux sur la célébrité à partir de la fin des années 1970 provient avant tout des spécialistes de cinéma. Le premier d’entre eux fut le critique américain James Monaco, qui rassembla en 1978 un ensemble de textes sur la célébrité, au sein de laquelle il différencie trois catégories : les « héros », qui ont accompli un exploit, les « stars », se distinguant avant tout par leur personnalité publique, et les « quasars », dont la célébrité n’advient que par accident. L’année suivante, l’historien du cinéma anglais Richard Dyer publie un livre sobrement intitulé Stars où, à partir d’une historiographie du Hollywood de l’entre-deux guerres, il défend avec conviction une conception marxiste de la star comme dépositaire et instrument de promotion de l’idéologie dominante des sociétés industrielles occidentales – il y reviendra dans un second livre, en 1986, à partir de trois études de cas. En 1985, Richard Schickel – auteur en 1973 d’une biographie de l’acteur Douglas Fairbanks – propose une analyse des célébrités comme des « étrangers intimes » (« intimate strangers »), relevant d’un monde ambigu issu du brouillage des frontières entre vie publique et vie privée. Un autre historien du cinéma américain, Neal Gabler – auteur d’une monumentale histoire des grands producteurs juifs d’Hollywood –, publie dans la décennie suivante deux livres importants : l’un, en 1995, consacré à Walter Winchell, célèbre éditorialiste qui introduisit dans la presse la culture du ragot à propos des célébrités, inaugurant la dépendance du pouvoir envers les médias ; l’autre, en 1998, consacré à la culture du divertissement (« entertainment »), dont il montre qu’elle est constitutive de l’identité américaine, construite donc sur la culture populaire et non sur la culture savante, notamment depuis l’apparition du cinéma. Enfin, plus récemment, la britannique Su Holmes et le néo-zélandais Sean Redmond ont réuni, en 2006, un ensemble de contributions sur divers sujets relatifs à la célébrité sous ses formes les plus contemporaines – télé-réalité, stars de la télévision, hommes politiques, communautés de fans sur Internet, etc.

10 Outre les spécialistes de cinéma, ce sont les « media studies » – correspondant en partie à ce que l’on nomme en France « sciences et techniques de l’information et de la communication » – qui fournissent le plus grand nombre de travaux sur la célébrité dans le monde anglophone. Les pionniers, en 1987, furent trois professeurs de communication ou de marketing, Irving Rein, Philip Kotler et Martin Stoller, qui proposèrent une description précise des méthodes par lesquelles on peut se gérer soi-même comme une « marque personnelle et professionnelle » et atteindre ainsi une « haute visibilité », selon le titre donné à leur ouvrage, devenu un classique du marketing. Mais c’est dans les années 1990 que les spécialistes des médias multiplieront les travaux sur la célébrité. En 1991, l’anglaise Christine Gledhill dirige un ouvrage collectif sur le vedettariat (« stardom ») comme « industrie du désir », à travers différents éclairages empruntés à une vingtaine d’auteurs : origines du « star system », utilisation des vedettes dans la publicité et dans la mode, identifications féminines, personnalités télévisuelles, stars homosexuelles, statut des femmes noires à Hollywood, ainsi qu’un certain nombre de monographies (sur Rudolf Valentino, Shirley Temple, Joan Crawford, Grace Kelly, Marilyn Monroe, James Stewart, Jane Fonda, Michael Jackson, etc.). L’année suivante, l’américain Henry Jenkins tente, dans Textual poachers, de déjouer le stigmate attaché aux fans de productions télévisuelles, et la vision pathologique qu’en donnent les lettrés ; proposant une autre image de la culture « fan », il souligne leurs capacités d’action et le pouvoir qu’ils exercent, notamment par la formation de communautés d’admirateurs. C’est une approche analogue qu’adopte, toujours en 1992, l’anglaise Lisa Lewis : forte de son ancienne activité de productrice à la télévision, elle rassemble une série de contributions tendant à valoriser le statut de fan dans sa dimension active de gestion de l’identité. La même année encore, l’américain Jib Fowles, constatant l’impact des célébrités sur les vies des gens ordinaires, qui ont pris la place des voisins dans les villages d’antan, propose une description détaillée du monde des stars américaines à partir de l’analyse biographique d’une centaine de « performeurs » (deux tiers d’acteurs, des musiciens et des athlètes). En 1994, deux Américains, Robert Cathcart et Susan Drucker, dirigent un ouvrage collectif consacré aux conceptions du héros dans le monde médiatique et au traitement des vedettes dans la presse – personnalités sportives, journalistiques, grands entrepreneurs, chanteurs de pop ou de rock, etc. Et c’est également à partir de l’étude des médias qu’en 1997 le canadien P. David Marshall se concentre sur les rapports entre célébrité et pouvoir dans la culture contemporaine, dès les premiers magazines pour fans de cinéma dans les années 1920 ; il insiste notamment sur le passage de la définition classique (« fame »), attachée autrefois aux rois, aux héros et aux prophètes, à une acception moderne (« celebrity »), entachée de vulgarité car émanant directement des masses, dont elle représente en quelque sorte le triomphe. Ce sera lui également qui produira, en 2006, la volumineuse anthologie, déjà mentionnée, sur la celebrity culture. Entretemps, les britanniques Peter Dahlgren et Colin Sparks avaient dirigé en 2000 un ouvrage collectif sur le lien entre le journalisme et la culture populaire ; et en 2003 un autre Britannique, Nick Couldry, avait proposé, à partir d’une discussion de la littérature existant sur le sujet, une approche critique des « rituels médiatiques » (inspirée notamment par l’événement mondial que constituèrent les obsèques de la princesse Diana) et de l’imaginaire de sens commun qui fait des médias, désormais, le centre du monde social.

11 Dans le contexte anglophone, il est difficile de dissocier les professeurs de littérature des spécialistes des cultural studies ; les uns et les autres fournissent une part importante des travaux sur la célébrité. Ainsi, en 1986, l’américain Leo Braudy produit une monumentale histoire de « la frénésie de la renommée » sous toutes ses formes, de l’Antiquité à nos jours, mettant en évidence sa progressive démocratisation ainsi que son rôle spécifique au XXe siècle, où, intensifiée par les moyens techniques de reproduction de l’image, elle se concentre sur les performances scéniques. En 1990, Richard deCordova, spécialiste américain de littérature et de communication, reconstitue finement l’émergence et le développement du star system aux États-Unis, qui a produit les « personnalités de l’image » (picture personalities). En 1998, la journaliste Gail Collins retrace l’histoire du ragot sur les célébrités (gossip) dans la culture politique américaine. Citons enfin, bien qu’il n’ait pas publié de livre sur le sujet, l’australien John Frow, auteur en 1998 d’un article important (« Is Elvis a God ? ») qui s’interroge sur la pertinence de la comparaison religieuse à propos du statut d’Elvis Presley aux yeux de ses fans. Un autre Australien, Graeme Turner, tente en 2004 de « comprendre la célébrité » (Understanding celebrity), à travers un tour d’horizon assez complet des analyses auxquelles elle a pu donner lieu, ainsi que des différentes formes que prend le phénomène, à la fois en matière de production – en tant que bien de consommation produit par une industrie et des institutions spécifiques, au premier rang desquelles la presse à sensation – et en matière de consommation – dans sa fonction culturelle de construction de communautés et d’identités collectives. En 2006, l’anglais Ellis Cashmore propose une synthèse de la « culture de la célébrité » sous tous ses aspects (société de consommation, marketing, extension au sport, rôle de la beauté et de la race, télévision, etc.), soulignant qu’il s’agit d’un phénomène aussi connu que mal compris. L’année suivante sera publiée la réflexion originale de l’australien John Castles (issue de sa thèse en 2000) sur les « grandes stars » et le rôle constitutif de la reproduction ou de la réplication de l’image dans le culte idolâtre dont font l’objet les acteurs et, surtout, les héros des concerts de rock.

12 Viennent ensuite des disciplines plus canoniques, mais moins prolixes sur la question de la célébrité. Chronologiquement, les sociologues ont été les premiers à s’intéresser au sujet : Leo Löwenthal, sociologue d’origine allemande, associé à l’École de Francfort, publia dès 1943 un livre sur la culture populaire où il analysait notamment les articles biographiques des magazines grand public ; il mit ainsi en évidence la nette augmentation des biographies de personnalités du spectacle entre 1901 et 1941, au détriment des personnalités issues de la vie politique, entrepreneuriale et professionnelle ; et, au sein même du monde artistique, la baisse considérable des arts « sérieux » au profit du divertissement. Vingt ans plus tard, en 1962, le sociologue canadien Orrin Klapp consacre un ouvrage aux différentes catégories de héros, et déplore la « détérioration » des héros que constitue le « culte des célébrités », signe d’un « manque de discrimination » allant de pair avec la démocratisation. L’année suivante, la traduction en anglais d’un ouvrage du sociologue italien Francesco Alberoni (1963) – qu’il faut mentionner ici bien qu’il ne soit pas issu d’un pays anglophone – popularise dans le monde intellectuel l’idée d’une « élite sans pouvoir » : celle des stars, objets d’une admiration qui tend selon lui à se substituer à l’envie dirigée vers les traditionnelles élites politiques et économiques. En 1978, le sociologue américain William J. Goode tente, avec The celebration of heroes, une synthèse ambitieuse, où il propose de prendre au sérieux, dans une perspective non marxiste, les différentes formes du « prestige comme système de contrôle », dans leurs dimensions à la fois sociale, psychologique, éthique et économique. Il faut attendre ensuite les années 1990 pour voir des sociologues s’intéresser concrètement au sujet. En 1992, le britannique Michael Billig consacre une enquête aux conversations des gens ordinaires sur la famille royale. Et, en 1994, l’américain Joshua Gamson analyse finement les différentes facettes, les origines et les incidences du culte de la célébrité aux États-Unis, insistant notamment sur le rôle fondamental de la technologie photographique ; il est l’un des rares à s’appuyer sur des enquêtes de terrain qu’il a lui-même réalisées : une observation participante des spectateurs massés devant le bâtiment où sont décernés les Golden globe awards à Hollywood, ainsi que l’organisation de groupes de parole sur le rapport aux célébrités. Enfin, en 2001, l’anglais Chris Rojek, dans un livre sobrement intitulé Celebrity, synthétise un certain nombre de travaux publiés sur le sujet, insistant sur la modernité du phénomène ; il propose notamment de distinguer entre « célébrité », « notoriété » et « renom », et souligne le caractère éphémère des « celetoïds » et des « celeactors » fabriqués par les médias populaires.

13 La psychologie n’est pas non plus absente du corpus des études sur la célébrité. Dès 1956, deux psychiatres américains, Donald Horton et Richard Wohl, avaient publié dans une revue professionnelle un article qui fera date, grâce à l’expression « interaction para-sociale » proposée pour qualifier le type de relations que les médias procurent à leurs publics, donnant l’illusion d’une interaction en face à face avec des artistes. Il faudra ensuite attendre deux générations pour qu’un psychologue s’attelle à son tour au sujet. Les anglais Andrew Evans et Glenn Gilson tentent en 1999 une « psychologie des stars » à partir d’une compilation de diverses sources publiées. Et un autre Anglais, David Giles – ex-journaliste spécialisé dans la culture populaire –, publie en 2000 une « psychologie de la gloire et de la célébrité » intitulée Illusions of immortality, où il tente notamment d’explorer les effets de la célébrité sur les stars elles-mêmes – avec une amusante introduction imaginant les affres de Kate Moss à court de lait devant aller acheter une bouteille chez l’épicier du coin… En 2002, un article cosigné par Lynn McCutcheon et d’autres psychologues anglais, dans une revue spécialisée, met au point une « celebrity worship scale », afin de mesurer des degrés de pathologie dans l’adoration des célébrités. La même année, un autre article, cosigné par John Maltby et une équipe de psychologues anglais, utilise cette même échelle pour mettre en évidence le lien entre « adoration des célébrités » et « orientation religieuse », mais sans parvenir à des résultats concluants. Maltby et Giles uniront leurs efforts en 2006 pour s’interroger sur le lien – ambigu – entre l’attachement des adolescents aux célébrités et la conquête d’une autonomie émotionnelle par rapport aux parents. Enfin, tout récemment, le psychologue américain Orville G. Brim a consacré un ouvrage aux fondements psychiques du désir de devenir célèbre, soulignant qu’il s’agit là d’un point aveugle de la psychologie.

14 Les historiens ne sont que trois à avoir fait de la célébrité l’objet d’une réflexion spécifique. Daniel Boorstin fit figure de pionnier avec son célèbre The image de 1961, mélange d’analyse de la nouvelle culture américaine et de pamphlet contre cette fausse valeur qu’est, à ses yeux, la célébrité ; plusieurs fois réédité, le livre deviendra un best-seller international, inaugurant la critique savante de la célébrité médiatique. Forme de modernisation à l’américaine des thèses de l’École de Francfort sur la massification de la culture, il dénonce le règne de « l’image », pourvoyeuse de « pseudo-événements » et génératrice d’une célébrité sans autre objet qu’elle-même, de sorte qu’une personnalité n’est désormais rien d’autre qu’« une personne qui est connue pour sa notoriété » (« a person who is known for his well-knowness »), selon une formule qui deviendra un lieu commun à force d’être citée. Quarante ans plus tard, l’Américaine Samantha Barbas retrace, en 2001, l’histoire du statut de fan et du « culte de la célébrité » aux États-Unis à partir des débuts du cinéma, à travers les fan clubs et les critiques qu’occasionnent parfois leurs débordements. L’année suivante enfin, un autre historien américain, Charles Ponce de Leon, s’intéresse à l’histoire du journalisme en Amérique depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, mettant en évidence son inflexion vers des sujets touchant à l’intime et à la vie privée, notamment celle des vedettes.

15 Notre corpus anglophone comprend également trois ethnologues ou anthropologues. Hortense Powdermaker, en 1950, appliqua les méthodes de l’observation ethnographique au monde hollywoodien. En 1984, l’anthropologue américaniste John Caughey, se penchant sur les « mondes sociaux imaginaires », s’intéressa notamment aux « personnages médiatiques », qui peuvent être aussi bien des célébrités contemporaines que des figures historiques ou des personnages fictionnels. Vingt ans plus tard, Kerry O. Ferris mènera en 2004 une intéressante enquête de terrain à partir d’un recueil de 75 récits de gens ordinaires ayant croisé des célébrités à Los Angeles ; l’article décrit les manifestations émotionnelles associées à cette expérience, et met en évidence, dans une perspective goffmanienne (Goffman, [1974] 1991), les règles implicites de comportement chez les protagonistes de cette forme particulière d’interaction.

16 Du côté de l’économie, il faut citer bien sûr le célèbre article de Sherwin Rosen sur « l’économie des superstars » en 1981, qui faisait suite aux considérations sur l’économie du prestige abordées par Goode dans son livre sur la célébration des héros. Quinze ans plus tard, un ouvrage apportera une contribution supplémentaire : quoique non spécifiquement consacré à la célébrité mais, plus généralement, aux très hauts revenus, The winner-take-all society de Philip J. Cook et Robert H. Frank (1996) proposera une explication de phénomènes économiques atypiques par la valeur ajoutée de la célébrité. Mais seul, semble-t-il, le livre de l’américain Tyler Cowen, What price fame ? (2000), prend pour objet l’économie de la célébrité en tant que telle, mettant en évidence l’importance de cette question dans la société actuelle, et l’existence d’une économie spécifique, non connectée au mérite ; assimilant la notoriété à une marque, il en donne une interprétation fonctionnaliste, faisant de la quête de célébrité la marque d’une société qui réussit, même si elle peut être préjudiciable aux individus qui s’y livrent et qui, parfois, succombent à une forme d’intoxication à la célébrité (« fame addicts »).

17 Enfin, la philosophie brille par son mutisme sur cette question, à l’exception de l’américain Mark Rowlands qui, dans Fame (2008), se livre à une attaque en règle contre les formes contemporaines de la célébrité, qu’il assimile à un virus, nommé « vfame » ; disjonction de la célébrité et du respect, volatilité, dégénérescence culturelle : toutes les tares de ce « nouvel opium des masses », version égalitariste de la vraie célébrité, se trouvent incarnées à ses yeux en la personne de Paris Hilton.

18 Ce bilan confirme le diagnostic posé par Kristine Harmon : qu’il s’agisse de reconstituer l’histoire de la gloire et les changements dans la nature de la célébrité, de mettre au jour ses mécanismes, d’étudier le phénomène des fans ou d’exposer des études de cas, la question de la célébrité n’occupe qu’une place mineure dans les disciplines les plus traditionnellement implantées que sont la philosophie et les sciences sociales, de sorte qu’elle souffre d’un certain déficit de théorisation. Malgré la multiplication des travaux dans la dernière génération, elle demeure surtout le fait des études littéraires, cinématographiques et médiatiques, apparaissant ainsi comme « l’une des formes de connaissance sociale les plus dévaluées » (2005, p. 98). Et que dire alors lorsque s’ajoute à cela, comme c’est le cas en France, la rareté des travaux ?

Approches françaises du culte de la célébrité

19 La situation française au regard de cette problématique est paradoxale : en effet, c’est un sociologue français, Edgar Morin, qui a produit, au plan mondial, la première réflexion consistante spécifiquement dédiée à la question des stars (paru en 1957, le livre sera traduit en anglais dès 1960) ; mais, à de rares exceptions près, il faudra ensuite attendre une quarantaine d’années pour voir paraître des études sur la célébrité, et en nombre encore bien limité – à peine une douzaine d’ouvrages, toutes disciplines confondues.

20 Le célèbre livre de Morin a eu le mérite d’être l’un des premiers à pointer l’intérêt sociologique ou anthropologique d’un phénomène qui, à l’époque où il fut écrit, n’avait guère encore que deux générations. Après une analyse souvent fine et, à bien des égards, encore aujourd’hui convaincante de cet emblème de la célébrité que sont les vedettes de cinéma, l’auteur se livre à une diatribe – où l’on reconnaît les thèmes familiers à l’École de Francfort – contre le star system, « institution spécifique du grand capitalisme », synonyme de « massification », de « multiplication des images » comme dévoiement capitalistique de la véritable culture, de « marchandisation » élevée au rang de « puissance mythique », bref de « fabrication » inauthentique, construite de toutes pièces à des fins mercantiles, au plus loin de toute authenticité ([1957] 1972, pp. 98-101). Morin était manifestement ambivalent envers un phénomène qu’il prenait au sérieux, par l’analyse, tout en le discréditant, par la réduction à une émanation du capitalisme. Faute de véritable enquête empirique sur le sujet (démarche qui aurait constitué la véritable prise au sérieux), il en reste à une interprétation métaphorique qui tente de se démarquer de la stigmatisation postmarxiste en faisant « l’apologie d’un mythique populaire » (Maigret, 2000, p. 221). Son point de vue évoluera toutefois, entre son premier ouvrage consacré au cinéma, un an avant la publication des Stars (Morin, 1956) et celui par lequel, en 1962, il étendra sa réflexion à cet Esprit du temps qu’est la « culture de masse ». Il y affirme notamment que les « Olympiens » (terme popularisé par un article de Violette Morin en 1963) « sont les condensateurs énergétiques de la culture de masse » : « surhumains dans le rôle qu’ils incarnent, humains dans l’existence privée qu’ils vivent », ils « accomplissent les phantasmes que ne peuvent réaliser les mortels, mais appellent les mortels à réaliser l’imaginaire » (Morin, 1962, pp. 145-146).

21 La même année que Les stars paraissait un autre ouvrage célèbre, dû non plus à un sociologue mais à un sémiologue : Roland Barthes, dans ses Mythologies (1957), consacrait deux courts chapitres au « Visage de Garbo » et à « L’acteur d’Harcourt ». Il y exerçait sa discrète ironie à l’encontre de valeurs typiques de la culture populaire, rebaptisée pour l’occasion « bourgeoise » – seule façon de rendre audible, dans le monde intellectuel, la critique du peuple.

22 Dix ans plus tard, un jeune philosophe français, Guy Debord, publie un livre qui deviendra lui aussi une référence majeure dans la France de l’après-Mai 68 : La société du spectacle (1967). Il y rafraîchit non plus, comme venait de le faire Boorstin aux États-Unis, la critique de la massification de la culture propre à l’École de Francfort, mais la critique de l’aliénation propre à la tradition marxiste. L’essentiel de son argumentation se décline dans les premières pages du livre : elle vise non plus l’incarnation caricaturale de la célébrité que constitue la star, telle que l’avait analysée Morin, mais sa forme ordinaire qu’est la condition de l’homme moderne, aliéné par un « spectacle » qui n’est que représentation, séparation et médiation, donc inauthenticité. Notons que si l’essai d’Edgar Morin sur les stars arrivait à l’acmé de la culture du cinéma comme divertissement mondialement populaire, celui de Guy Debord sortit quelques années après que la télévision eut commencé de détrôner le cinéma dans les pratiques de loisir, permettant à celui-ci de prétendre, de plus en plus, au statut d’« art » à destination d’un public relativement cultivé, tandis que la télévision devenait le loisir par excellence des catégories sociales les plus basses dans la hiérarchie (Heinich, 2002).

23 Sous une forme plus universitaire et dénuée de visée critique, l’historien Jean-Claude Schmitt publiera en 1983 un ouvrage collectif sur Les saints et les stars, dont les auteurs s’attacheront à comparer le culte moderne des vedettes avec l’hagiographie chrétienne. Dans le même esprit, quinze ans plus tard, un ouvrage collectif dirigé par trois ethnologues (Centlivres, Fabre et Zonabend, 1998) fera travailler la comparaison non plus avec les saints, mais avec les héros, notamment dans un article de Jean-Pierre Albert sur les stars (1998). L’économie aussi s’emparera du sujet grâce à la synthèse proposée par Françoise Benhamou (2002) à partir des quelques travaux d’économistes américains. Le droit enfin s’y intéressera, avec la thèse pionnière de David Lefranc (2004), une somme considérable qui traite du statut juridique de la renommée sous tous ses aspects (notamment le droit au nom, le droit à l’image et le droit au secret de la vie privée), à partir d’une définition convaincante du concept même de renommée en droit privé. Enfin, tout récemment, les sciences politiques s’y sont mises également, grâce aux travaux de Jamil Dakhlia sur la « peopolisation » du politique (2008).

24 Mais ce sont les sociologues qui, en France, sont les plus nombreux à s’atteler au sujet, même si leurs contributions, tardives, demeurent encore rares. Elles se concentrent sur deux thématiques : le statut des célébrités et les fans. Concernant la première, elle a été inaugurée en 1990 avec une enquête originale de sociologie des professions menée par Sabine Chalvon-Demersay et Dominique Pasquier sur les animateurs de télévision. Dix ans plus tard, Emmanuel Ethis (2001) dirigera un ouvrage collectif sur le festival de Cannes, où interviendront sociologues et ethnologues, notamment avec une observation par Élisabeth Claverie (2001) des spectateurs de la « montée des marches ». Un peu plus tard, Gabriel Segré s’intéressera à la fabrication des stars de la télé-réalité à partir de l’observation des coulisses d’une émission (2006), ainsi qu’au statut axiologique de ce type d’émissions à partir d’une analyse de discours (2008). Tout récemment enfin, Alain Chenu (2008) s’est attaché à quantifier la proportion des différentes catégories de personnalités ayant fait la une de Paris-Match depuis 1949.

25 La seconde thématique – les fans – apparaît elle aussi tardivement dans la sociologie française. Dominique Pasquier, dans la continuité de son travail sur les animateurs, publie en 1999 une étude sur les adolescents fans d’une série télévisée, Hélène et les garçons, et de son interprète principale, à partir du courrier des spectateurs de l’émission. En 2000, Christian Le Bart et Jean-Charles Ambroise enquêtent sur les fans des Beatles, tandis qu’Éric Maigret (2000) revient dans un article sur les limites de l’analogie religieuse. Deux ans plus tard paraît, sous la direction de Philippe Le Guern (2002), une anthologie en français sur la question des « œuvres cultes », où figurent les travaux de Pasquier et Le Bart consacrés aux fans de vedettes. Peu après, Gabriel Segré livrera un remarquable travail sur le « culte Presley », issu d’une enquête de terrain dans un fan club et d’une observation participante à Graceland (2003, 2007). Citons enfin, bien qu’il s’agisse d’un article, la réflexion sociologique d’Emmanuel Ethis sur l’identification aux stars de cinéma (2008).

26 C’est peu, comparé à la proliférante et protéiforme production académique en langue anglaise. Philippe Le Guern le soulignera justement dans son « bilan critique » publié dans un numéro spécial de la revue Réseaux consacré aux « Passionnés, fans et amateurs » : « Handicapée par toute une série d’obstacles objectifs – rareté des enseignements universitaires sur la culture populaire et ses publics, et par conséquent sur les fans ; intérêt encore trop rare ou limité pour les travaux anglo-saxons sur le sujet, ou pour des champs de recherche susceptibles de renouveler les cadres d’analyse, tels les camp ou les queer studies ; segmentation très forte des objets, un spécialiste de musiques populaires étant le plus souvent ignorant des travaux sur la télévision et réciproquement –, l’étude des cultures fans peine à se développer en France : portée par quelques individus, elle n’a jamais réussi à trouver de véritable cohérence. Le contraste avec la situation en Angleterre et aux États-Unis est saisissant quand on voit des départements entiers se pencher sur les publics des bandes dessinées, sur les fans de Star Wars ou encore sur les fans de musiques populaires et la question du genre. » (2009, p. 49).

27 C’est à cette invisibilité en France de la « culture de la célébrité » qu’ont récemment tenté de remédier des sociologues de la jeune génération, en attirant l’attention sur ce qu’ils nomment les « médiacultures » : « média à la fois comme industries culturelles et comme médiation, cultures comme rapport anthropologique au monde à travers des objets à l’esthétique relationnelle spécifique, le tout au pluriel pour souligner, au-delà de l’unité d’un même type de médiation, la diversité proliférante des objets et de leurs usages » (Macé, 2006, p. 135). Mais il faut pour cela déconstruire les catégories universitaires traditionnelles, en « décloisonnant l’étude sur les médias (traditionnellement réservée aux spécialistes de la communication) de celle sur les cultures (apanage des spécialistes de l’art, du cinéma, de la culture) et de celle sur les politiques de représentations (réservée aux penseurs du politique) » (Maigret et Macé, 2005, p. 10). Il faut aussi cesser de s’appuyer sur « la métaphore religieuse du culte comme pratique stéréotypée, opium d’un peuple décérébré vendu par des industries culturelles » (Maigret, 2000, p. 102), et cesser d’accepter sans discussion la qualification de « populaire », qui n’est le plus souvent qu’une projection fantasmatique du monde lettré – d’où la nécessité de « faire un détour réflexif en affirmant l’impossibilité de faire la sociologie des fans sans faire la sociologie de ceux qui les construisent comme tels, en particulier les savants » (ibid., p. 218).

Au-delà des différences

28 Ces différences massives entre les deux traditions académiques, anglophone et francophone, pourraient s’expliquer, certes, par les spécificités de la culture américaine, principale pourvoyeuse de travaux sur la célébrité : l’importance de cette valeur, outre-Atlantique, ne suffirait-elle pas à rendre compte de la quantité d’études universitaires qui lui sont consacrées depuis environ une génération ? C’est ce que suggère Jake Halpern dans sa réflexion sur les « drogués de célébrité » (« fame junkies ») aux États-Unis : de plus en plus solitaires, les Américains trouveraient une compensation de leur isolement dans l’attachement aux célébrités, seuls ou en groupe – il existe d’ailleurs là-bas une « National association of fan clubs » (2007, p. 182). Neal Gabler, pour sa part, propose une explication moins psychologique et plus convaincante, ancrée dans la spécificité de la culture américaine depuis le XIXe siècle : la culture populaire y serait devenue l’incarnation même de la démocratie, faisant du divertissement (« entertainment ») l’expression par excellence de la vie américaine (notamment depuis l’apparition du cinéma, loisir populaire s’il en est), et de l’Amérique une « République du divertissement » (1998, p. 31).

29 En comparaison, la vieille Europe et, en particulier, la France demeurent des bastions de la « haute culture », dont sont exclues les principales catégories de vedettes hors du commun ou, comme on dit parfois, « monstres sacrés » que sont les acteurs de cinéma et les chanteurs de rock ou de pop music. Si l’on ajoute que la culture de la célébrité est, pour une grande part, une culture sinon sans œuvres, du moins où la passion pour la personne de l’acteur ou du chanteur compte au moins autant que la passion pour les films ou les musiques qu’ils interprètent, on comprend d’autant mieux son invisibilité dans l’intelligentsia.

30 Reste que, dans le monde universitaire proprement dit, la question de la célébrité demeure reléguée, du côté anglo-américain comme du côté français, aux disciplines considérées comme mineures ou – ce qui revient en partie au même – récentes, telles que les études cinématographiques, les sciences de la communication ou les cultural studies : c’est dire que le sujet, même s’il est très présent dans la production universitaire actuelle, est peu académique. C’est ce que remarquait notamment Joshua Gamson, auteur d’un des meilleurs ouvrages sur la question : « Peut-être en raison de cette large accessibilité […], les universitaires et intellectuels tendent à traiter les travaux sur la culture populaire avec un certain manque de respect. » (1994, p. 197). On devine, dans ce mépris plus ou moins assumé, la double influence du marxisme, à travers les notions d’« idéologie » et d’« aliénation » (influence qui se fera sentir longtemps encore, par exemple avec un article de Barry King en 1987), et de la théorie critique de l’École de Francfort et de son principal représentant aux États-Unis, Herbert Marcuse (Marshall, 1997, pp. 9-10).

31 La doxa universitaire américaine n’est donc nullement exempte de la forte hiérarchisation opposant haute culture et culture populaire – opposition qui fait d’ailleurs l’objet, depuis une vingtaine d’années, d’un nombre considérable de publications (Levine, [1988] 2010). Mais ce phénomène y a été contrebalancé par l’émergence, à partir de la fin des années 1970, des cultural studies, importées de l’école de Birmingham et de ses travaux pionniers sur le rapport des classes populaires à la « culture », entendue au sens anthropologique élargi des façons d’être et des références partagées, et non plus seulement au sens, traditionnel, des œuvres d’art majeur (Glevarec, Macé et Maigret, 2008).

32 Si donc le monde universitaire français partage avec son homologue américain une attitude critique à l’égard des productions de la culture de masse, ce n’est pas tant en vertu du « dénigrement de la vision » propre à la pensée française, qu’analyse Martin Jay (1993), qu’en raison de la prégnance d’une conception hautement sélective de la « culture », assimilée aux arts majeurs (version élitaire), et de l’influence des critiques formulées à partir de l’École de Francfort contre l’aliénation des masses (version progressiste). Éric Maigret résume bien les principaux thèmes chers à Adorno et à ses successeurs : « Fantasme de l’atomisation sociale à travers la figure de l’individu isolé, dément. Fantasme de la manipulation à travers la figure de la foule hystérique, emmenée par un leader charismatique. Fantasme de la domination capitaliste sans partage à travers la figure du fan collectionneur, insatisfait par l’accumulation, obsédé par le vide de la valeur d’échange. Le consommateur de médias populaires apparaît en effet à Adorno comme l’autre de la Culture, de la Culture majuscule. » (2000, p. 220).

33 Il y a là un point commun fondamental entre les deux traditions universitaires, sur lequel il convient d’insister pour finir : dans la plupart des études que nous avons mentionnées, exceptionnelles sont celles qui n’adoptent pas un point de vue normatif sur leur sujet, que ce soit pour le critiquer – c’est la version critique de l’aliénation ou de la domination des masses – ou pour l’encenser – c’est la version critique du mépris légitimiste pour la culture populaire.

Point commun : la normativité

34 Le philosophe Thierry Lenain remarquait dans un article éclairant que la perspective adoptée par Morin cédait à une forme de constructivisme critique, dès lors qu’il prétendait qu’« il suffit d’injecter une personnalité construite de toutes pièces dans une pin-up (c’est-à-dire un tendron apprêté dans un studio de photographie) pour en faire une star » (2005, p. 324). Ce constructivisme critique avant la lettre s’accompagne chez Morin d’une forme d’élitisme, dans la mesure où la comparaison religieuse réduit l’adoration des stars « à l’idolâtrie et au fétichisme identificatoires », ce qui, souligne Lenain, « ne laisse finalement aucun crédit anthropologique au culte des stars, renvoyé en bloc au registre de l’aliénation » (ibid.).

35 Globalement toutefois, l’approche de Morin peut être considérée, ainsi qu’y invite Éric Macé, comme la première tentative visant à « dépasser les apories de la théorie critique pour introduire la dimension dialectique des industries culturelles et la dimension anthropologique de la culture de masse » (2006, p. 17), « montrant en quoi elle constituait dorénavant une ressource culturelle de première importance dans la formation des imaginaires individuels et collectifs » en « proposant à flot continu un nouvel idéal du moi à travers le mythe du bonheur individuel » (ibid., pp. 52-53) : « tout comme il existe une culture nationale produite par l’école, une culture religieuse produite par l’Église, une culture humaniste produite par l’art et la philosophie, il existe une culture de masse produite par les industries culturelles, qui “se surajoute” aux premières : si elle n’est pas la “seule culture du XXe siècle”, elle est “le courant véritablement massif et nouveau du XXe siècle” » (ibid., pp. 54-55).

36 Or, c’est peu dire que Morin n’a guère été suivi dans cette inflexion de sa pensée en faveur d’une amorce de prise en considération de la culture de masse non comme modèle à saluer, mais comme phénomène anthropologique à étudier – prise en considération qui aurait permis de conférer à la question de la célébrité, si omniprésente dans le monde moderne, un statut d’objet intéressant pour les sciences sociales. Relisons notamment cette appréciation peu amène visant – implicitement – L’esprit du temps peu après sa parution, sous la plume de deux jeunes collègues de Morin promis à un brillant avenir : « Il est peut-être temps de bannir de l’univers scientifique où certains tentent de l’introduire une vulgate pathétique qui s’est constituée – surtout en France – à leur sujet [les produits de l’industrie culturelle] et qui balance entre l’indémontrable et le même-pas-faux. » (Bourdieu et Passeron, 1963, p. 998).

37 Par-delà le règlement de comptes avec une conception désormais datée de la sociologie, il faut voir dans ce jugement impitoyable les prémisses d’une posture qui sera fortement reprochée à Pierre Bourdieu une génération plus tard, une fois digéré le choc que représenta, dans la sociologie de la culture française, la parution de La distinction en 1979 : la posture dite « légitimiste », symétrique et inverse du « misérabilisme » dans le sort sociologique fait à la culture populaire (Grignon et Passeron, 1989). Comme l’explique clairement Éric Macé : « Le problème est que la sociologie de la culture a entériné ce grand partage légitimiste construit par les élites. Ce qui l’a conduit à ne s’intéresser (très marginalement) aux produits et aux pratiques culturelles non élitistes que du point de vue de leur illégitimité, considérant toutes autres approches comme tout aussi illégitimes dans le champ sociologique que ces objets le sont du point de vue de l’élitisme culturel. Cette doxa légitimiste a constitué en France l’obstacle majeur à une véritable production de connaissance sociologique sur la culture en général et sur la culture de masse en particulier. » (2007, pp. 133-134).

38 Et en effet, le moins que l’on puisse dire est que la question des fans, au croisement de la culture populaire et du culte des célébrités, n’a guère occupé Bourdieu, si ce n’est, comme le fait remarquer Le Guern, pour assimiler le « fandomisme » aux « pratiques de groupes sociaux spécifiques », en l’occurrence la petite bourgeoisie et les classes populaires, et en faire une illustration parmi d’autres de « deux des caractéristiques les plus révélatrices des dominés : le sentiment d’aliénation ou de dépossession, d’une part. Et d’autre part, un rapport à la culture marqué par le sens de l’accumulation », faisant du fan « cet archétype du public dominé à qui s’imposent le sens des hiérarchies et – en certaines occasions – le sentiment de sa propre indignité culturelle » (2009, pp. 31-32). Cette réduction de la culture de masse à la seule problématique de la domination rejoint la théorie de l’aliénation culturelle issue de l’École de Francfort ; elle marquera profondément la sociologie française de la culture à l’époque contemporaine (Heinich, 2011), contribuant probablement à expliquer la faible pénétration des cultural studies en France (même si Bourdieu fut l’introducteur de Hoggart, dès 1970, dans sa collection « Le sens commun ») et, conséquemment, le faible développement des études sur la célébrité, ainsi que la quasi-ignorance dont pâtissent encore les travaux anglophones issus de ce courant.

39 Ceux-ci cependant souffrent eux aussi d’une forme d’aveuglement liée à la posture critique, mais sur un mode inversé. L’on connaît en effet l’inflexion qu’ont prise les cultural studies à partir des années 1980, lorsque, en traversant l’Atlantique, elles se sont mariées au « postmodernisme » puisé dans la philosophie française (Cusset, 2003) : l’intérêt anthropologique pour les formes de culture non canoniques s’est mué en un exercice systématique de « déconstruction » critique du « discours », ou plus exactement de ses formes académiques, au profit d’une valorisation politique de tout ce qui participerait à l’expression de « communautés » opprimées, des femmes aux homosexuels en passant par les minorités raciales. Voilà qui contribue à expliquer une nouvelle forme d’intérêt, à partir des années 1990, pour la célébrité, en tant qu’elle serait « intertextuellement construite » par des fans qui, dès lors, peuvent apparaître non plus comme des « idiots culturels », victimes juvéniles, irresponsables et passives d’une industrie culturelle aliénante, mais comme les acteurs de leur propre culture, capables de discriminer entre ce qui serait « authentique » et ce qui ne relèverait que de la récupération commerciale (Grossberg [1992] 2006, p. 582). Ce fut le cas notamment avec les contributions de Christine Gledhill en 1991, de Henry Jenkins en 1992 et, la même année, de Lisa Lewis, laquelle explique que la collection d’articles qu’elle a réunis « a été conçue pour offrir aux fans la reconnaissance et le respect qu’ils méritent en tant que producteurs culturels qui répondent de façon créative au milieu social » (1992, p. 6).

40 Le problème est que la normativité laudative qui stérilise les cultural studies plombe l’investigation aussi sûrement que ce contre quoi elle se bat, à savoir la normativité critique qui domine traditionnellement le monde intellectuel : à vouloir démontrer la créativité des amateurs de célébrité et la diversité de leurs investissements en fonction de leurs supposées appartenances communautaires, on n’obtient guère que des litanies de lieux communs sur le « discours social » et le « texte », assorties de considérations de principe – éventuellement adossées à quelques analyses de discours – sur les intérêts spécifiques des femmes, des homosexuels ou des Noirs pour telle ou telle célébrité.

41 C’est dire qu’il n’y a qu’un pas entre la revendication d’une place pour la célébrité dans le monde universitaire en tant qu’objet d’étude légitime, et la revendication d’une place pour l’amour des célébrités dans le monde social en tant que pratique légitime – si même la différence entre ces deux registres discursifs est perçue par les auteurs de ce type de publications. De sorte qu’une prise au sérieux de cette question par une sociologie qui serait à la fois empiriquement étayée et théoriquement ambitieuse, allant au-delà des études de cas sans s’envoler dans les généralités sur « le social » ou « la postmodernité », doit se battre sur un double front : non seulement « l’opposition persistante entre la bonne rationalité et le mauvais “cultisme” » qui, comme le note Le Guern, « continue à structurer l’univers académique et, par conséquent, à exclure les fans comme sujet d’étude sérieux » (2009, p. 24) ; mais aussi le plaidoyer plus moderne (ou postmoderne) en faveur des cultures populaires, malheureuses victimes d’une injuste discrimination alors qu’elles porteraient en elles des trésors de créativité ignorée.

42 C’est dire que, pour avancer vers une réelle élucidation du statut de la célébrité dans le monde contemporain, il faudrait aussi cesser de s’appuyer sur ce que sont devenues les cultural studies dans le monde universitaire anglophone où elles ont pris naissance. Car à importer sans distance les publications qui, aujourd’hui, tiennent le haut du pavé en matière de culture de la célébrité et, plus généralement, de culture populaire, on introduirait aussi ce qui, précisément, fait obstacle à une claire intelligibilité du phénomène : à savoir une normativité rampante, même renversée de la critique à l’éloge, qui demeure le point commun aux traditions universitaires anglophone et francophone en matière de culture de la célébrité.

43 Ce n’est donc pas parce que les chercheurs anglophones ont pris une grande longueur d’avance sur les Français dans les études sur la célébrité qu’il n’y aurait plus qu’à les traduire pour combler notre retard : en effet, une part considérable de ces travaux sont fortement marqués par leur contexte académique, donc souvent très datés, rarement appuyés sur des enquêtes spécifiques, peu ambitieux intellectuellement et, d’une étude de cas à l’autre, assez répétitifs. Aussi y a-t-il encore beaucoup à faire pour arracher cette question importante – parce qu’elle touche à des enjeux non seulement « culturels », mais aussi politiques, religieux, économiques, juridiques, psychologiques, moraux – à la double et contradictoire invisibilité que lui fait subir l’approche normative, qu’elle soit critique ou anti-critique.

44 Qu’un phénomène soit considéré comme « vulgaire » ne devrait être ni un obstacle à son étude – parce que la vulgarité n’est que la forme disqualifiée de la popularité, indice d’une réalité massive –, ni une incitation à instrumenter son étude au profit de la réhabilitation d’une pratique qui, de toute façon, n’a nul besoin du monde universitaire pour se déployer. Il y a donc encore de la place, de part et d’autre de l’Atlantique, pour une sociologie novatrice de la célébrité – à condition du moins que les sociologues acceptent de sortir d’une conception normative de leur rôle.

Notes

  • [1]
    De tels décalages existent aussi dans d’autres domaines, tel celui de la santé mentale : pour une réflexion récente sur cette question, voir Ehrenberg (2010).
Français

Il existe dans le monde universitaire anglophone un important courant de recherches, développé dans la dernière génération, sur la « celebrity culture », qui n’a pas son équivalent en français. Après avoir dressé un bilan de ces travaux, discipline par discipline, cette note critique tente d’élucider les raisons d’un tel décalage entre sciences sociales anglophone et francophone, et d’identifier les obstacles qui, dans l’une et l’autre traditions, peuvent encore entraver le développement d’une sociologie de la célébrité capable d’éclairer, hors de toute visée normative, les multiples facettes d’un phénomène devenu, au XXe siècle, quasi universel.

Deutsch

Die Kultur der Berühmtheit in Frankreich und in den englisch sprechenden Ländern. Eine vergleichende Näherungsmethode.

In der englisch sprechenden Universitätswelt gibt es einen wichtigen Untersuchungen Strom, der sich zur « celebrity culture » im Laufe der letzten Generation entwickelt hat und nichts Vergleichbares in französisch aufweisen kann. Im Anschluß an die Bilanz dieser Arbeiten, Disziplin für Disziplin, versucht diese kritische Notiz die Gründe einer solchen Verschiebung zwischen den Sozialwissenschaften englischer und französischer Sprache zu durchleuchten und die Hindernisse aufzuzählen, die in jeder dieser Wissenschaftstradition heute noch der Entwicklung einer Soziologie der Berühmtheit im Wege stehen, mit der außerhalb jeder normativen Absicht, die zahlreichen Facetten eines im 20. Jahrhundert praktisch universal gewordenen Phänomens dargelegt werden können.

Español

La cultura de la celebridad en Francia y en los países anglófonos. Un enfoque comparativo.

En el medio universitario anglófono existe una importante corriente de investigación, desarrollada en la última generación, sobre la « celebrity culture » que no tiene su equivalente en francés. Después de haber elaborado un balance, disciplina por disciplina de esos trabajos, esta nota crítica trata de aclarar las razones de esta desigualdad entre las ciencias sociales anglófonas y francófonas como de identificar los obstáculos que : sea en una u otra tradición todavía pueden impedir el desarrollo de una sociología de la celebridad capaz de aclarar, mas allá de toda intensión normativa, las múltiples facetas de un fenómeno que en el siglo XX se ha vuelto universal.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

  • Alberoni F., 1963. – L’elite senza potere, Milano, Vita e pensiero.
  • En ligne Albert J.-P., 1998. – « Du martyr à la star. Les métamorphoses des héros nationaux » dans P. Centlivres, D. Fabre, F. Zonabend (dirs.), La fabrique des héros, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, pp. 11-32.
  • En ligne Andrews D.L., Jackson S.J. (eds.), 2001. – Sport stars. The cultural politics of sporting celebrity, London, Routledge.
  • Barbas S., 2001. – Movie crazy. Fans, stars and the cult of celebrity, New York (NY), Palgrave.
  • Barthes R., 1957. – Mythologies, Paris, Le Seuil.
  • Benhamou F., 2002. – L’économie du star-system, Paris, Odile Jacob.
  • Billig M., 1992. – Talking of the royal family, London, Routledge.
  • Boorstin D.J., 1961. – The image. A guide to pseudo-events in America, New York (NY), Vintage Books.
  • Bourdieu P., Passeron J.-C., 1963. – « Sociologues des mythologies et mythologies de sociologues », Les temps modernes, 211, pp. 998-1021.
  • Braudy L., 1986. – The frenzy of renown. Fame and its history, New York (NY), Oxford University Press.
  • En ligne Brim O.G., 2009. – Look at me ! The fame motive from childhood to death, Ann Arbor (MI), The University of Michigan Press.
  • En ligne Cashmore E., 2006. – Celebrity culture, London, Routledge.
  • Castles J., [2000] 2007. – Big stars, Curtin, Network Books.
  • Cathcart R.S., Drucker S.J. (eds.), 1994. – American heroes in a media age, Cresskill (NJ), Hampton Press.
  • Caughey J.L., 1984. – Imaginary social worlds. A cultural approach, Lincoln (NE), University of Nebraska Press.
  • En ligne Centlivres P., Fabre D., Zonabend F. (dirs.), 1998. – La fabrique des héros, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme.
  • Chalvon-Demersay S., Pasquier D., 1990. – Drôles de stars. La télévision des animateurs, Paris, Aubier.
  • En ligne Chenu A., 2008. – « Des sentiers de la gloire aux boulevards de la célébrité. Sociologie des couvertures de Paris Match, 1949-2005 », Revue française de sociologie, 49, 1, pp. 3-52.
  • Claverie É., 2001. – « Cannes et chicanes : “Voir à Cannes ?” » dans E. Ethis (dir.), Aux marches du palais. Le festival de Cannes sous le regard des sciences sociales, Paris, La Documentation Française, pp. 53-78.
  • Collins G., 1998. – Scorpion tongues. Gossip, celebrity and American politics, New York (NY), Morrow.
  • Cook Ph. J., Frank R.H., 1996. – The winner-take-all society : why the few at the top get so much more than the rest of us, New York (NY), Penguin Books.
  • Couldry N., 2003. – Media rituals. A critical approach, London, Routledge.
  • Cowen T., 2000. – What price fame ? Cambridge (MA), Harvard University Press.
  • Cusset F., 2003. – French theory. Foucault, Derrida, Deleuze & Cie et les mutations de la vie intellectuelle aux États-Unis, Paris, La Découverte.
  • Dahlgren P., Sparks C. (eds.), 2000. – Journalism and popular culture, London, Sage.
  • Dakhlia J., 2008. – Politique people, Paris, Bréal.
  • Debord G., 1967. – La société du spectacle, Paris, Buchet-Chastel.
  • DeCordova R., [1990] 2001. – Picture personalities. The emergence of the star system in America, Urbana (IL), University of Illinois Press.
  • Dyer R., [1979] 1998. – Stars, London, British Film Institute.
  • Ehrenberg A., 2010. – La société du malaise, Paris, Odile Jacob.
  • Ethis E. (dir.), 2001. – Aux marches du palais. Le festival de Cannes sous le regard des sciences sociales, Paris, La Documentation Française.
  • En ligne — 2008. – « Des ressemblances galvanisées. Du “je suis comme elle” au “elle est comme moi”… Une sociologie de nos “identifications” aux stars du cinéma », Sociologie de l’art/Opus, 13, pp. 91-110.
  • Evans A., Wilson G.D., 1999. – Fame. The psychology of stardom, London, Vision.
  • En ligne Ferris Kerry O., 2004. – « Seeing and being seen : the moral order of celebrity sightings », Journal of contemporary ethnography, 33, 3, pp. 236-264.
  • Fowles J., 1992. – Starstruck : celebrity performers and the American public, Washington (DC), Smithsonian Institution Press.
  • En ligne Frow J., 1998. – « Is Elvis a God ? Cult, culture, questions of method », International journal of cultural studies, 1, 2, pp. 197-210.
  • Gabler N., 1995. – Winchell : gossip, power and the culture of celebrity, New York (NY), Vintage Books.
  • — 1998. – Life : the movie. How entertainment conquered reality, New York (NY), Knopf.
  • Gamson J., 1994. – Claims to fame. Celebrity in contemporary America, Berkeley (CA), University of California Press.
  • Giles D., 2000. – Illusions of immortality : a psychology of fame and celebrity, New York (NY), St Martin’s Press.
  • Giles D., Maltby J., 2006. – « Praying at the altar of the stars ? », The psychologist, 19, 2, pp. 82-85.
  • En ligne Gledhill C. (ed.), 1991. – Stardom : industry of desire, London, Routledge.
  • Glevarec H., Macé É., Maigret É. (éds.), 2008. – Cultural studies : anthologie, Paris, Armand Colin.
  • Goffman E., [1974] 1991. – Les cadres de l’expérience, Paris, Éditions de Minuit.
  • Goode W.J., 1978. – The celebration of heroes : prestige as a social control system, Berkeley (CA), University of California Press.
  • Grignon C., Passeron J.-C., 1989. – Le savant et le populaire : misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature, Paris, Gallimard-Le Seuil.
  • Grossberg L., [1992] 2006. – « Is there a fan in the house ? The affective sensibility of fandom » dans P.D. Marshall (ed.), The celebrity culture reader, London, Routledge.
  • Halpern J., 2007. – Fame junkies. The hidden truths behind America’s favorite addiction, Boston (MA), Houghton Mifflin Company.
  • Harmon K., 2005. – « Bibliography review : celebrity culture », The hedgehog review, 7, pp. 98-106
  • Heinich N., 2002. – « Aux origines de la cinéphilie : les étapes de la perception esthétique » dans J.-P. Esquenazi (éd.), Politique des auteurs et théories du cinéma, Paris, L’Harmattan, pp. 9-38.
  • — 2011. – « Une valeur controversée : les critiques savantes de la visibilité » dans N. Aubert, C. Haroche (dirs.), Les tyrannies de la visibilité. Être visible pour exister ? Toulouse, Érès, pp. 305-321.
  • Hoggart R., [1957] 1970. – La culture du pauvre. Étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre, Paris, Éditions de Minuit.
  • Holmes S., Redmond S., 2006. – Framing celebrity. New directions in celebrity culture, London, Routledge.
  • En ligne Horton D., Wohl R.R., 1956. – « Mass communication and parasocial interaction : observation on intimacy at a distance », Psychiatry, 19, 3, pp. 215-229.
  • En ligne Jay M., 1993. – Downcast eyes : the denigration of vision in twentieth-century French thought, Berkeley (CA), University of California Press.
  • Jenkins H., 1992. – Textual poachers : television fans & participatory culture, London, Routledge.
  • Kear A., Steinberg D.L. (eds.), 1999. – Mourning Diana : nation, culture, and the performance of grief, London, Routledge.
  • En ligne King B., 1987. – « The Star and the commodity : notes towards a performance theory of stardom », Cultural studies, 1, 2, pp. 145-161.
  • Klapp O.E., 1962. – Heroes, villains, and fools. The changing American character, Englewood Cliffs (NJ), Prentice-Hall.
  • En ligne Le Bart C. ; Ambroise J.-C. (collab.), 2000. – Les fans des Beatles. Sociologie d’une passion, Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
  • En ligne Le Guern Ph. (dir.), 2002. – Les cultes médiatiques. Culture fan et œuvres cultes, Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
  • En ligne — 2009. – « No matter what they do, they can never let you down… Entre esthétique et politique : sociologie des fans, un bilan critique », Réseaux, 27, 153, pp. 19-54.
  • Lefranc D., 2004. – La renommée en droit privé, Paris, Defrénois.
  • Lenain T., 2005. – « Les images-personnes et la religion de l’authenticité » dans R. Dekoninck, M. Watthee-Delmotte (éds.), L’idole dans l’imaginaire occidental, Paris, L’Harmattan, pp. 303-324.
  • Levine L.W., [1988] 2010. – Culture d’en haut, culture d’en bas. L’émergence des hiérarchies culturelles aux États-Unis, Paris, La Découverte.
  • En ligne Lewis L.A. (ed.), 1992. – The adoring audience. Fan culture and popular media, London, Routledge.
  • Loughlan P., McDonald B., Van Krieken R., 2010. – Celebrity and the law, Sydney, The Federation Press.
  • Löwenthal L., [1943] 1961. – Literature, popular culture, and society, Englewood Cliffs (NJ), Prentice-Hall.
  • Macé É., 2006. – Les imaginaires médiatiques. Une sociologie postcritique des médias, Paris, Amsterdam.
  • En ligne Maigret É., 2000. – « Religion diffuse ou dissolution du religieux : la question des “fans” des médias » dans P. Bréchon, J.-P. Willaime (éds.), Médias et religions en miroir, Paris, Presses Universitaires de France.
  • Maigret É., Macé É., 2005. – Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, Paris, Armand Colin.
  • En ligne Maltby J., Houran J., Lange R., Ashe D., McCutcheon L.E., 2002. – « Thou shalt worship no other gods – unless they are celebrities : the relationship between celebrity worship and religious orientation », Personality and individual differences, 32, 7, pp. 1157-1172.
  • Marshall P.D., 1997. – Celebrity and power. Fame in contemporary culture, Minneapolis (MN), University of Minnesota Press.
  • — et al., 2006. – The celebrity culture reader, New York (NY), Routledge.
  • En ligne McCutcheon L.E., Lange R., Houran J., 2002. – « Conceptualization and measurement of celebrity worship », The British journal of psychology, 93, 1, pp. 67-87
  • McLuhan M., [1964] 1977. – Pour comprendre les médias. Les prolongements technologiques de l’homme, Paris, Le Seuil.
  • En ligne Meyrowitz J., 2002. – « The majority cult : love and grief for media friends » dans Ph. Le Guern (dir.), Les cultes médiatiques. Culture fan et œuvres cultes, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, pp. 133-162.
  • Monaco J., 1978. – Celebrity. The media as image makers, New York (NY), Doubleday.
  • Morin E., 1956. – Le cinéma, ou l’homme imaginaire, essai d’anthropologie sociologique, Paris, Minuit.
  • — [1957] 1972. – Les stars, Paris, Le Seuil.
  • — 1962. – L’esprit du temps : essai sur la culture de masse, Paris, Grasset.
  • En ligne Morin V., 1963. – « Les Olympiens », Communications, 2, 2, pp. 105-121.
  • En ligne Pasquier D., 1999. – La culture des sentiments. L’expérience télévisuelle des adolescents, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme.
  • Ponce de Leon C.L., 2002. – Self-exposure : human-interest journalism and the emergence of celebrity in America, 1890-1940, Chapel Hill (NC), University of North Carolina Press.
  • Powdermaker H., 1950. – Hollywood : the dream factory. An anthropologist looks at the movie-makers, Boston (MA), Little-Brown.
  • Rein I.J., Kotler Ph., Stoller M.R., [1987] 2006. – High visibility : transforming your personal and professional brand, New York (NY), McGraw-Hill.
  • Rojek C., 2001. – Celebrity, London, Reaktion Books.
  • Rosen S., 1981. – « The economics of superstars », The American economic review, 71, 5, pp. 845-858.
  • Rowlands M., 2008. – Fame, Durham, Acumen Publishing.
  • Schickel R., 1985. – Intimate strangers : the culture of celebrity, Garden City (NY), Doubleday.
  • Schmitt J.-C. (éd.), 1983. – Les saints et les stars. Le texte hagiographique dans la culture populaire, Paris, Beauchesne.
  • Segré G., 2003. – Le culte Presley, Paris, Presses Universitaires de France.
  • En ligne — 2006. – « La fabrication télévisuelle de la star : Loft story sous le regard du sociologue », Réseaux, 24, 137, pp. 207-240.
  • — 2007. – Au nom du King. Elvis, les fans et l’ethnologue, Montreuil, Aux lieux d’être.
  • — 2008. – Loft Story ou la télévision de la honte. La téléréalité exposée aux rejets, Paris, L’Harmattan.
  • En ligne Turner G., 2004. – Understanding celebrity, London, Sage.
Nathalie Heinich
Centre de recherches sur les arts et le langage (Cral)-Ehess 96, boulevard Raspail – 75006 Paris
heinich@ehess.fr
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 18/06/2011
https://doi.org/10.3917/rfs.522.0353
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Éditions Ophrys © Éditions Ophrys. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...