Racontée par les hauts fonctionnaires qui ont pu promouvoir ce nouveau cadre de pensée, la « nouvelle gestion publique » prétend s’inspirer du privé [Migeon, 2010]. Les grandes entreprises auraient développé des modalités d’organisation et d’allocation des ressources qui, mues par la contrainte de marché et la recherche de marge pour les propriétaires, permettraient d’éliminer les gaspillages et ainsi d’optimiser les dépenses. Il y a là un présupposé « évolutionniste » selon lequel le marché sélectionnerait fatalement les organisations les plus rationnelles, c’est-à-dire les plus profitables. L’efficience des marchés, permettant une affectation optimale des ressources, déboucherait sur des « bonnes pratiques » qui pourraient alors être incorporées avec succès dans n’importe quelle organisation en général et dans celles relevant du public en particulier.
Dans ce cadre de pensée, les administrations publiques actuelles sont jugées coûteuses (du fait des prestations sociales qu’elles dispensent ainsi que des salaires qu’elles versent) et peu efficaces puisqu’elles désinciteraient au travail, à la création d’initiatives privées voire à l’innovation [Merrien, 1999]. L’enjeu serait alors de subordonner les investissements réalisés à un critère d’efficacité ou d’efficience. On retrouve là une conception soupçonneuse de la pertinence de l’investissement public [Denord, 2002], conception qui dès les années 1960 a contribué à soumettre les dépenses publiques à des calculs micro-économiques de type coût/avantage telles que la rationalisation des choix budgétaires ou les programmes finalisés du plan [Bezes, 2005a ; de Lescure, 2005 ; Lion, 1973 ; Mazoyer, 2013]…