CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Sylvaine Bulle (2020), Irréductibles. Enquête sur des milieux de vie de Bure à Notre-Dame-des-Landes, Grenoble, Université Grenoble Alpes, 352 p.

1Pour beaucoup de lecteurs, le titre les « Irréductibles » évoque sans doute d’abord les irréductibles Gaulois du village d’Astérix, « qui résistent encore et toujours à l’envahisseur ». Sylvaine Bulle, curieusement, ne tire pas ce fil, qui aurait pu l’inspirer, car les Gaulois, à l’instar des populations décrites dans l’ouvrage, résistent à de grands projets inutiles (le Domaine des Dieux), disséminent la résistance vers d’autres peuples (en Hispanie ou chez les Pictes) et malgré des disputes et désaccords constants, maintiennent une certaine unité face aux Romains. Dans cet ouvrage portant sur les occupations de Bure et surtout de Notre-Dame-des-Landes (NDDL), l’emploi du terme « irréductibilité » renvoie moins à la résistance par les luttes qu’à une double préoccupation. D’une part, cela permet souligner la difficulté de l’analyse sociologique de ces lieux ou occupations qu’elle choisit de qualifier de « milieux de vie » : en d’autres termes, à NDDL ou Bure, les « émergences » résistent aux catégories de la sociologie comme aux représentations de la sphère publique et médiatique. D’autre part, l’irréductibilité renvoie au refus de certains acteurs de ces luttes de tout « compromis » qui affaiblirait leur projet d’autonomie, et/ou de toute forme d’institutionnalisation. Cette double irréductibilité se trouve au cœur de l’ouvrage et du parti-pris de l’auteure : d’abord dans le choix d’en rendre compte par une écriture spécifique et précautionneuse (qui évite en particulier la personnalisation des occupant.e.s) au risque de parfois perdre le lecteur ; ensuite dans la proximité qu’elle entretient avec la pensée « autonome » et ses acteurs.

2Découpé en quatre parties, l’ouvrage, dans la lignée d’une sociologie pragmatiste, insiste sur la description et l’interprétation des « milieux de vie » autonomes qui naissent pendant les occupations, appuyées par des observations et une utilisation de l’abondante production de textes des occupant.e.s. Ce parti-pris conduit à peu analyser le contexte institutionnel des projets étatiques de NDDL et de Bure : les acteurs pro-aéroport ou la filière nucléaire sont pratiquement absents, tout comme les collectivités territoriales concernées par exemple.

3La première partie, à la lecture ardue, se veut une sociologie contemporaine de la notion d’autonomie. L’auteure insiste sur le fait que les mouvements autonomes cherchent à « briser la séparation entre le domaine de la parole et celui de l’action concrète » (p. 37), ce qui permet, de rendre visible la réalité sociale, « d’objectiver le pouvoir » (ibid.). Cette visée suppose plusieurs ruptures, avec l’État et le capitalisme, bien sûr mais également avec le discours démocratique/ « citoyenniste » dominant ou encore avec l’espoir que des « utopies réelles » pourraient permettre de transformer la société. Les autonomes se distinguent également de l’anticapitalisme classique, dans le sens où c’est le caractère « total » de l’économie qui est dénoncé : « la thèse forte est celle de la sécession avec le capitalisme ou de l’exode » (p. 43). S. Bulle mobilise dans cette optique les textes du Tiqqun, du Comité invisible [1], tout comme ceux de Georgio Agamben [2]. Toute transformation est vouée à l’échec tant l’emprise de l’économie sur nos vies, nos subjectivités est importante. Il s’agit alors de rendre inopérant le capitalisme, de destituer, ou, comme dirait Frédéric Lordon dans un texte critique, de « vivre sans » [3] institutions. Le moment contemporain, caractérisé par la mise en œuvre quasi-ininterrompue de l’état d’urgence ou d’exception, complète cette visée à l’autonomie par retrait ou exode en légitimant la violence ou l’émeute en réaction à la montée des logiques répressives institutionnelles. Le recours par l’État à des techniques militaires à Bure et NDDL justifie ainsi de s’attaquer, par auto-défense, à ses institutions. Pour l’analyse sociologique, il va donc s’agir de rendre compte d’un « régime d’action » dont l’objectif est de faire sécession du capitalisme. Ainsi, les occupations dont il est question dans l’ouvrage, renvoient à un « geste pragmatique » qui possède deux versants. Le premier est « anti-vertical », refusant toute autorité ou totalisation (de l’État ou de la marchandise) ; le second est horizontal et renvoie aux formes de vie, basées sur l’affinité, qui peuvent alors se déployer dans ces espaces-temps qui s’autonomisent du capitalisme. Pour résumer, si l’influence d’auteurs comme Cornelius Castoriadis ou Jacques Rancière demeure importante, elle est actualisée par ce nouveau moment, caractérisé par de nouvelles pratiques comme le cortège de tête, et les ZAD apparaissent comme des lieux de conflictualité, des régimes occupationnels où l’autonomie se déploie.

4Les trois parties suivantes s’attachent à décrire la mise en forme pratique de l’autonomie, en discutant longuement la question de l’« occupation » (partie 2), en insistant sur les normes et pratiques qui sont instituées (partie 3), puis en retraçant les tensions qui vont diviser le collectif notamment lorsque le projet d’aéroport est abandonné (partie 4). Solidement appuyés sur un matériau empirique de la sociologue, embarquée dans l’aventure, ces chapitres, à l’instar de textes de Geneviève Pruvost [4], donnent à voir le quotidien des occupants en insistant sur les multiples enjeux liés à la question de l’auto-institution : comment se fabriquent de nouvelles règles, comment se gèrent les conflits, comment se distribuent les ressources ? Les enjeux ne sont pas minces et donnent lieu à des débats, en particulier autour de certaines pratiques (comme la choure, i.e. le vol). Faut-il accepter les aides sociales (RSA), consommer les restes des supermarchés (produits périmés et jetés) ? Les ressources auto-produites doivent-elles être mises en commun et selon quelles modalités ? S’il serait vain de chercher à réduire l’autonomie à un idéal-type de pratiques et normes, Sylvaine Bulle montre avec brio combien les enjeux quotidiens sont intimement articulés à une pensée résolument politique qui se caractérise avant tout par la « non-domination ». Les occupations permettent donc l’expression et la mise en œuvre des différentes sensibilités (féministes, appellistes [5], primitivistes, etc.), qui se rejoignent, au moment de la lutte, par des pratiques communes (tendance à l’opacification, pour ne pas donner prise à la surveillance étatique, importance du care incarné par les street medics, etc.).

5Nous présenterons ici une des thèses importantes de l’auteure, qui renvoie à l’augmentation de divisions internes suite à l’abandon du projet d’aéroport, qui est aussi paradoxalement une reprise en main par l’État. En effet, certains agriculteurs historiques peuvent alors « récupérer » leurs terres, tandis que les occupants doivent passer sous les fourches caudines des procédures étatiques pour obtenir le droit de rester et de mener leurs activités. Cette régularisation par des conventions d’occupation met en exergue des tensions déjà existantes, que Sylvaine Bulle spatialise dans une opposition Est/Ouest sur la ZAD. À l’Est se trouvent plutôt ceux qu’elle appelle les primitivistes, adeptes d’une déconnexion complète, où la sensibilité anarchiste et anti-autoritaire serait la plus affirmée. Leur habitat se compose de cabanes et leurs conditions de vie apparaissent comme plus rudes, marquées par le dénuement. Les sensibilités vegan y sont plus affirmées ; le rapport à la nature est présenté comme intégral (refus du passage des tracteurs par exemple) et on peut y lire l’influence des théories anarchistes de James Scott ou Pierre Clastres. À l’Ouest, les habitations sont en « dur », plus confortables et la pratique agricole est plus développée. Les occupants, considérés comme « embourgeoisés » par les résidents de l’Est, correspondent notamment à la frange appelliste de l’occupation, qui raisonne davantage en termes de stratégie, de logistique et de procédures (en particulier les réunions collectives pour décider de l’avenir). Au fond, à l’Ouest, la remise en culture des terres, l’accueil d’anarchotouristes dans le cadre de fêtes et d’événements ou encore la conception de l’occupation comme base arrière irriguant aussi vers d’autres lieux et luttes, pose moins question.

6Les tensions sont allées crescendo entre les groupes notamment lors de la remise en état de la « route des chicanes » entre février et avril 2018, qui correspond à un démantèlement des barricades et des cabanes attenantes. Ce processus, qui a donné des gages à l’État en permettant d’ouvrir un processus de régularisation a, selon S. Bulle, révélé « une faille béante » entre les anti-autoritaires et les autres, riverains et occupants acceptant ce processus. Les arguments opposaient une vision dite « réaliste » (selon laquelle il ne fallait pas prendre le risque de tout perdre pour le symbole de « quelques cabanes ») contre une approche demeurant anti-institutionnelle. Ce moment critique, dont on retrouve trace dans de nombreux médias, signe la fin de la zone est, dont les occupants vont quitter la ZAD. C’est le Comité pour le maintien des occupations (CMDO) qui prend alors la main et il dispose des plus fortes ressources (agricoles, politiques, organisationnelles). S. Bulle cite ainsi un texte d’un occupant de janvier 2018 : « Qui doit partir de la ZAD ? Ceux auxquels il manque une dent ? Ceux qui boivent des sous-marques ? Ceux qui prennent des drogues pas chères ? Ça fait du monde si on compte bien ». On l’aura compris, ce processus fait l’objet d’interprétations tranchées : normalisation qui signe le glas de l’autonomie d’un côté ; compromis permettant de trouver une sortie pragmatique, adhérant en apparence aux normes institutionnelles pour permettre de faire vivre la diversité des expérimentations, de l’autre.

7S. Bulle théorise cette opposition entre d’un côté une pensée du commun (« définition démocratique des règles de gestion » « objectifs de préservation écologique et de l’agriculture », primauté de « l’action collective », p. 298) et une pensée de la « commune » (importance de l’auto-institution, « nécessité de penser des rapports sociaux totalement désencastrés du capitalisme, de l’État », p. 299). Pour les tenants de la deuxième option, dans la phase de « régularisation », NDDL apparaît alors comme un contre-exemple, puisque l’équilibre des différentes composantes du mouvement a été rompu.

8L’ouvrage présente ainsi le grand mérite de déconstruire le label ZAD et de plonger dans des débats sur l’autonomie qui ont fait rage au sein des mouvances autonomes (par exemple sur le site Lundimatin). Sa thèse, qui insiste sur l’autodétermination des acteurs et leurs conflits, se différencie nettement des ouvrages qui voient dans NDDL le lieu d’invention de nouvelles ontologies, en mettant l’accent sur un rapport renouvelé avec la nature en ces terres de bocage [6]. Ces pensées écologistes remettent en cause la division nature/culture en soulignant les interdépendances et en insistant sur les alliances et les expérimentations qui en découlent. S. Bulle réactive ainsi la tradition politique « classique » en mettant en avant les controverses entre les groupes humains en présence. C’est nous semble-t-il une limite importante : il n’est pas suffisant, comme le fait le Comité invisible, de critiquer un nouveau régime d’écologisation du monde comme imposition de nouvelles pratiques et dominations. Car l’écologie ne saurait se réduire à ces politiques publiques, tant elle nous confronte à une réalité implacable : l’humanité ne peut plus faire comme si elle ne partageait pas un destin commun avec le reste du vivant. C’est d’ailleurs également une pensée présente chez les « primitivistes » qui insistent sur cette relation au monde qui suppose donc un élargissement de la politique. Curieusement, S. Bulle ne relève pas cet argument – pourtant fondamental, notamment dans la critique de la motorisation des pratiques agricoles sur la ZAD.

9Demeure également un questionnement central, bien posé par ailleurs par F. Lordon (op. cit.), concernant la possibilité qu’un tel modèle réunisse davantage de personnes qu’une poignée d’esthètes ou d’ascètes. La conclusion de S. Bulle est en effet que le projet autonome se brise, au moins en partie, sur la reprise en main institutionnelle par l’État après l’abandon du projet d’aéroport. C’est d’ailleurs le sens de son titre, Irréductibles, qui rend compte de sa proximité intellectuelle avec les « anti-autoritaires ». C’est également le propos qu’elle défend lorsqu’elle souligne l’incompatibilité de la pensée autonome avec tous les mouvements – comme l’économie solidaire ou l’agriculture biologique – qui se révèlent compatibles avec le capitalisme actuel. Le grand mérite d’Erik Ohlin Wright [7] résidait dans sa tentative d’articuler les différentes stratégies anticapitalistes, aux degrés de radicalité divers. Or, à lire S. Bulle (et certains extraits du Comité invisibles), on ne conçoit guère de porte de sortie. D’une certaine manière, elle retient des pensées qui l’inspirent la « non scalabilité » (ou « non reproductibilité »), d’Anna Tsing [8] et l’impossible institutionnalisation (puisque pour le Comité invisible, il s’agit d’abord de destituer) : difficile alors de penser les alternatives à grande échelle.

10Paul Cary

11Université de Lille, Ceries

12paul.cary@univ-lille.fr

Pierre Dardot et Christian Laval (2020), Dominer. Enquête sur la souveraineté de l’État en Occident, Paris, La Découverte. Coll. « Sciences humaines », 736 p.

13Alors que le retour à la souveraineté est un mantra qui traverse le champ politique, Pierre Dardot et Christian Laval remettent frontalement en cause l’idée selon laquelle ce principe politique permettrait de sortir du néolibéralisme. Ils y voient à l’inverse une impasse face aux nécessités de notre époque, à savoir éviter la catastrophe climatique, les catastrophes alimentaires, l’hégémonie de la finance, et la montée des inégalités. De manière complémentaire, l’ouvrage critique aussi la thèse, notamment portée par Michael Hardt et Toni Negri [9], suivant laquelle les sociétés feraient face à une disparition de la souveraineté de l’État. Selon Dardot et Laval, loin de représenter une solution, la souveraineté fait partie du problème.

14Dans le prolongement de leurs deux précédents ouvrages, La Nouvelle raison du monde paru en 2009 et Commun en 2014, Dominer vient en effet esquisser les fondements d’un au-delà de la souveraineté étatique, dont les prémisses se développent dans ce que les auteurs nomment le « régime d’irresponsabilité » (p. 9), compris comme l’organisation politique qui situe le Souverain dans une situation où il « n’est pas soumis à des obligations à l’égard de ses subordonnés, pas plus qu’il n’est lui-même soumis aux lois qu’il fait » (p. 79).

15La souveraineté n’est pas unifiée et renvoie à un ensemble de pratiques et de théories qui se rejoignent cependant dans le fait qu’elle est une « forme spécifique de domination, celle de l’État moderne » (p. 17). Sous le vocable de la souveraineté, de multiples acceptions s’affrontent. Par exemple, la souveraineté des premiers socialismes, comme celle de Saint-Simon, diffère de la souveraineté royale sur le plan de la finalité : la première cherche à organiser la société à partir de sa base réelle et de son industrie ; la seconde cherche quant à elle à faire du roi un « empereur dans son royaume » (p. 272). Bien que l’acception de la souveraineté change au cours des périodes, en lien avec des pratiques de pouvoir variées, la souveraineté est en définitive un rapport de domination. Vouloir plus de souveraineté, c’est vouloir plus de domination.

16Dans un second temps, les auteurs mettent en évidence le caractère historique de la souveraineté. Pour en rendre compte, le deuxième chapitre de l’ouvrage nous plonge dans le modèle juridico-politique de l’Église qui a influencé la souveraineté étatique. Loin d’en représenter une antithèse, la souveraineté papale, dans son ambition de s’affirmer comme pouvoir supérieur à celui des rois et des empereurs, constitue l’origine de la souveraineté d’État. La réforme grégorienne en 1075 représente à cet égard une « révolution totale » (p. 85), car elle déclare, d’une part, le pouvoir du Pape comme supérieur aux autres pouvoirs temporels ; et d’autre part, elle annonce l’indépendance du clergé vis-à-vis des autres pouvoirs. Le pape s’arroge ainsi le droit « de déposer empereurs et rois en cas de manquement à leurs devoirs envers l’Église et leurs peuples » (p. 84). Mais progressivement, rois et empereurs vont chercher à accroître leur pouvoir dans une rivalité mimétique avec le pouvoir pontifical.

17L’un des apports de l’historicisation de la souveraineté étatique est de mettre à jour le processus qui a abouti à la formation d’une fiction juridique, à savoir concevoir l’État comme un sujet. Le rôle des légistes est en ce sens fondamental dans la construction de la souveraineté dont ils viennent légitimer la production et la reproduction de l’ordre social sous-jacent. Tout en restant en phase avec son origine papale, Dardot et Laval considèrent que la souveraineté d’État est en elle-même une essence religieuse. L’ordre juridico-politique et symbolique créé par les légistes et les différents textes juridiques et philosophiques constitueraient ainsi le fondement de la souveraineté d’État et son corollaire : l’obéissance des sujets ou des citoyens.

18L’érudition des auteurs concernant la somme des textes juridiques et philosophiques ne peut que frapper le lecteur ou la lectrice. Leur méthode généalogique, propre à la démarche foucaldienne, se caractérise par une historicisation radicale et par l’abandon d’une vision transcendantale des objets d’étude. Aussi, l’histoire est conçue comme contingente et est étrangère à toute forme de « continuisme » ou de « finalisme ».

19L’un des apports importants de cet ouvrage est le dialogue continu et critique avec le cadre théorique de Foucault à propos de l’État et de la souveraineté qui selon les auteurs « pose un problème fondamental d’historicité » et son « parti pris d’évitement méthodologique » (p. 698) de l’État qui l’empêche de pouvoir expliquer la centralisation des micro-pouvoirs. À l’encontre de la vision de Foucault, les auteurs conçoivent le pouvoir de l’État comme la matrice des autres formes de pouvoir : « il convient […] de voir dans la souveraineté de l’État un indispensable principe intégrateur de toutes les formes de pouvoir, une dimension métaphysique du pouvoir qui a son efficace propre, et sans laquelle la microphysique du pouvoir ne pourrait jamais jouer son rôle dans le système de domination » (p. 717-718).

20L’autre intérêt de ce livre – mais qui est aussi son point faible – est de proposer une lecture de la souveraineté et du pouvoir de l’État à partir d’une importante somme de textes juridiques et philosophiques et de doctrines mais qui ne rend compte que partiellement de la singularité de cette forme de pouvoir. Alors que l’enjeu de l’ouvrage est de montrer que l’État repose sur une fiction de droit et une dimension sacrée, toute l’argumentation est truffée d’éléments de preuves qui marginalisent la centralité du droit dans le processus de souveraineté.

21Dans le premier chapitre, en discutant du cadre théorique de Max Weber, les auteurs posent la question de l’origine de la puissance d’État et de sa légitimité. Selon eux, l’argument décisif réside dans le fait que le souverain peut juger, mais ne peut être jugé, en raison de la « dimension spirituelle » (p. 71) de la souveraineté. Ils poursuivent leur argumentation en réalisant une critique des travaux qui considèrent le droit et l’idéologie comme le vernis des rapports sociaux cruciaux : ceux de l’économie, ceux qui se situent dans l’infrastructure. En effet, selon les auteurs, « l’essentiel est de comprendre que ce "mysticisme étatique" ne relève nullement de la superstructure ou d’une légitimation surajoutée propre à l’idéologie, mais qu’il fait dès l’origine corps avec la construction de l’État moderne : n’en déplaise à tous ceux qui font profession de "matérialisme économique", l’État moderne est mystique dans ses fondations » (p. 72) (souligné par les auteurs).

22Cette citation met en lumière les raisons qui ont poussé les auteurs à chercher à saisir l’État moderne sous l’angle du droit ou plus généralement de l’idéologie – l’idéologie n’est pas entendue ici comme quelque chose de trompeur, mais plutôt comme un système d’idées relativement cohérent. En revanche, il ne faudrait pas non plus appréhender l’idéologie sans voir les conditions matérielles dans lesquelles elle s’est formée. Et c’est peut-être ici que nous restons le plus sur notre faim, car l’ouvrage n’indique que peu le contexte socio-historique dans lequel les écrits des légistes sont apparus, et ne revient pas sur le fonctionnement concret de l’État. On peut retrouver dans le livre des passages qui soulignent le rôle central des finances et des guerres dans le développement de la souveraineté étatique. Mais ces passages incisifs ne restent qu’à l’état embryonnaire et les auteurs ne poursuivent pas le raisonnement logique qui devrait en découler : les moyens, c’est-à-dire la fiscalité et la finance, occupent une place primordiale pour comprendre la formation de la souveraineté d’État. Même lorsque les auteurs évoquent l’économie politique des mercantilistes ou des physiocrates, ils ne le font qu’au travers des théories et non de l’économie politique concrète et historique des sociétés.

23On ne peut que regretter que les auteurs n’aient pas relié l’idéologie aux conditions matérielles dans leur rapport contradictoire, cela n’aurait pu qu’apporter encore plus de profondeur à l’analyse. Il ne s’agirait pas non plus de faire un « matérialisme économique », mais bien un matérialisme historique qui incorporerait l’idéologie et les conditions matérielles dans une société donnée.

24Si l’on se contentait d’analyser le pouvoir royal à l’aune du droit ou des doctrines, on ne pourrait comprendre son extension dans le royaume français. En effet, de Thomas d’Aquin à Jean Bodin – deux auteurs auxquels Dardot et Laval font souvent référence – la doctrine de l’impôt royal se résumait par l’adage « le roi doit vivre du sien », c’est-à-dire que dans le royaume français, le roi ne devait taxer que dans son domaine et non dans les diverses seigneuries composant le royaume. Or, dès le XIIIe siècle, il existe un décalage entre la doctrine et les pratiques fiscales. Au XIVe siècle, cette rupture est consommée avec la création d’impôts indirects royaux, dont la gabelle, qui s’appliquent bien au-delà du domaine royal. La question de la fiscalité de l’État occupe au fil des siècles une place de plus en plus importante, comme en témoigne l’arbre de Figon (1549) que les auteurs citent pourtant à la page 279. L’arbre de Figon est une représentation remarquable par le fait qu’il s’agit du premier organigramme du fonctionnement concret de l’État illustré à partir de ses organisations et non à partir des trois ordres (clergé, noblesse et tiers état) et montre ainsi que pour comprendre les pratiques étatiques, il faut aller au-delà des doctrines, en l’occurrence la théorie de la société d’ordres.

25En ne regardant que le droit et l’idéologie, on ne saisit pas en définitive le fonctionnement réel de l’État et la façon dont il a réussi à imposer sa domination à travers la souveraineté. Plus généralement, le droit et la fiscalité, une fois mis en relation, permettent de mieux rendre compte certains évènements historiques mentionnés par les auteurs, tels que la création d’impôt ou l’organisation des États généraux.

Souveraineté et État

26Si l’on part de la définition donnée par Dardot et Laval de l’État comme le produit d’une « fiction de droit […] caractérisé par la domination impersonnelle d’une personne publique » (p. 29, souligné par les auteurs), et si on associe cette définition au fait que l’étymologie du terme « public » provient de la fiscalité [10], alors on ne peut dissocier souveraineté et fiscalité. Historiquement, en France, c’est sous Philippe II Auguste à la fin du XIIe siècle que la notion de public réapparaît après la féodalité, lorsque le roi réalise une distinction entre son trésor particulier (la cassette du roi) et le Trésor du pouvoir royal.

27Alors que l’ouvrage donne d’importants éléments de compréhension sur les diverses formes de souveraineté de l’Antiquité jusqu’à nos jours, il pèche cependant à proposer une théorie qui expliquerait les mécanismes engendrant le passage d’une forme de souveraineté à l’autre. Une lecture possible de cette difficulté théorique est la non-prise en compte du conflit entre les divers groupes sociaux qui font partie des formations sociales.

28L’absence de la centralité du conflit dans l’analyse soulève des questions qui restent en suspens. Si la souveraineté est la forme singulière du rapport de domination de l’État moderne, est-ce que cette domination est répartie entre les diverses organisations qui composent l’État ? Si oui, est-elle répartie de façon inégale ? Par exemple, le conflit entre les officiers et les intendants a participé à la constitution de l’État administratif et à sa souveraineté. Mais si le concept de souveraineté n’intègre pas le conflit interne à l’État, puisque rien n’est supérieur au Souverain compris comme sujet, quel est le périmètre de la souveraineté ? Se résume-t-il au pouvoir central ? Est-ce que les agents de l’État (fonctionnaires et officiers) sont dès lors exclus de cette souveraineté qui ne serait au mieux qu’une souveraineté galvaudée comme le laisseraient entendre les auteurs. Mais dans ce cas, une partie de l’État ne ferait pas partie de la souveraineté, ce qui entrerait en contradiction avec l’idée que la souveraineté est la forme singulière de la domination de l’État.

29Aussi, la définition de la souveraineté donnée par les auteurs peut être vue comme problématique par certains aspects. L’absolutisme comme organisation politique correspond à une forme de souveraineté selon les auteurs. Or, il se caractérise par l’existence des lois fondamentales du royaume de France qui correspondent à une sorte de Constitution avant l’heure. Lors de son sacre, le roi s’engageait en effet à se soumettre et à maintenir les lois fondamentales. Le Parlement de Paris s’assurait alors du respect de l’engagement du roi. Il semble donc exister une contradiction théorique entre la définition de la souveraineté et l’absolutisme.

30Au cours de l’ouvrage, les auteurs ont également tendance à mettre en avant l’opposition entre l’État et le peuple. Mais celle-ci existe-t-elle réellement ? À trop parler de peuple, n’assiste-t-on pas à une utilisation d’une catégorie relativement floue qui ne permet pas de rendre compte de la dynamique institutionnelle et du conflit qui traverse les formations sociales ? De plus, le peuple n’existe que par sa présence dans un territoire national et que par la médiation d’institutions, dont l’État. Il serait alors malvenu d’opposer les deux, car ils seraient en réalité les deux faces d’une même pièce. Pis, n’aurait-on pas tendance à réifier la catégorie de peuple et d’État en évoquant cette supposée opposition ?

31Il me semblerait intéressant de poursuivre le travail sur la souveraineté et sur son rapport avec l’État qui serait cette fois compris comme une institution qui cristalliserait le conflit et les alliances entre fractions de classe. Le cadre juridique et les finances publiques participeraient alors à la reproduction de la forme de l’État pendant un temps donné jusqu’au moment de sa crise où sa forme serait dès lors remise en cause, ouvrant une période où les alliances de classes pourraient être modifiées en fonction de la gravité de la crise. Dans cette perspective, les classes sociales ne seraient pas vues comme monolithiques avec une opposition binaire entre le prolétariat et le capital. La configuration des alliances dépendrait à la fois des conditions matérielles et de l’idéologie, en particulier du droit. Cette perspective de recherche reviendrait finalement à adopter une démarche propre au matérialisme historique qui permettrait de saisir les dynamiques institutionnelles dans lesquelles des stratégies révolutionnaires pourraient être pensées, dans l’optique d’instaurer une organisation politique macro-sociale reposant sur l’autogouvernement.

32Nicolas Pinsard

33Université Sorbonne Paris Nord, CEPN

34nicolas.pinsard@univ-paris13.fr

Alessandro Stanziani (2020), Les métamorphoses du travail contraint. Une histoire globale XVIIIe-XIXe siècles, Paris, Presses de Sciences-po, 325 p.

35L’histoire du travail sur longue période est généralement envisagée de manière assez linéaire comme celle d’une libération progressive, scandée par plusieurs paliers marquants, comme l’abolition de l’esclavage ou la reconnaissance de droits sociaux. La réalité est en fait, comme souvent, bien plus complexe, et des conditions très diverses ont coexisté à une même époque, et même en différents lieux. Telle est la thèse que développe Alessandro Stanziani dans cette fresque magistrale, qu’il inscrit sous le patronage symbolique de Teodor Jósef Konrad Korzeniowski, alias Joseph Conrad. S’inscrivant à sa manière dans les pas de l’auteur de Lord Jim et Au cœur des ténèbres qui a bercé son enfance, le chercheur nous emmène notamment en effet à la rencontre des serfs russes, des équipages cosmopolites ou des esclaves africains des XVIIIe et XIXe siècles afin de bousculer nos certitudes concernant la distinction entre travail « libre » et travail « contraint » en montrant que « chaque époque et chaque contexte proposent de multiples définitions de la liberté et de la contrainte dans le travail, toutes porteuses d’intérêts et trouvant toutes des résonances dans les pratiques » (p. 11). Ce faisant, l’auteur vient notamment tordre le bras à l’idée dominante, partagée par les économistes libéraux et les marxistes, suivant laquelle le capitalisme serait incompatible avec le travail forcé, impliquant notamment que l’esclavage aurait été aboli avant tout en raison de son inefficacité productive. Cette erreur s’explique donc selon l’auteur par une difficulté persistante pour les penseurs occidentaux de l’époque à départager les formes de travail libres d’une part et forcées de l’autre et à se départir d’un certain eurocentrisme. Seule une approche d’histoire globale, telle que celle qu’Alessandro Stanziani poursuit ici, peut en effet permettre de contextualiser ces catégories et constater qu’elles sont étroitement enchevêtrées en pratique. L’auteur aborde ainsi chapitre après chapitre plusieurs études de cas comparées en mettant notamment en parallèle les débats contemporains et la variété des situations empiriques reconstituées à partir de multiples archives et de travaux d’autres chercheurs.

36Il commence ainsi par la question du servage en Russie, qui a alors focalisé une large attention et suscité des controverses assez vives, bien au-delà des frontières de l’Empire tsariste. C’est là entre autres que Jeremy Bentham, assisté par son frère Samuel, développe son fameux dispositif du Panoptique, non d’abord pour écarter les déviants et marginaux comme l’analysait plus tard Michel Foucault, mais pour contrôler le travail, dans la visée paradoxale de le libérer. Car à l’époque, rappelle l’auteur, le débat central tourne autour de la manière d’accroître la productivité du travail, en accroissant la surveillance ou en augmentant la motivation des travailleurs. En pratique, la condition des serfs au XIXe siècle est elle-même complexe et variée, confrontée qu’elle est à plusieurs contradictions, notamment la concurrence entre propriétaires, petits et grands, et l’État d’une part, et la nécessaire mobilité qu’implique l’expansion coloniale russe à l’époque. De même, les procédures d’affranchissement sont fréquentes bien avant l’abolition officielle du servage, et peuvent résulter soit d’une mesure étatique – suite notamment à la conscription militaire des intéressés – soit d’une décision des propriétaires, soit encore d’une décision de justice à la suite d’un procès. Mais dans le même temps, la montée des exportations agricoles conjuguée à une proto-industrialisation locale conduit nombre de propriétaires à accroître la pression sur les paysans-serfs, y compris par la violence, ce qui amène l’auteur à conclure, à l’encontre de Smith, Marx et consorts, que « le développement des marchés ne s’appuie pas forcément sur une liberté accrue dans le travail, mais peut très bien mener à une hausse de la coercition et de la violence » (p. 47).

37Alessandro Stanziani nous embarque ensuite dans les prémices de la globalisation, parmi les marins des navires français et anglais. Il s’arrête ainsi sur les multiples statuts qui coexistent entre et sur les mêmes navires, et sur la marginalisation persistante des marins étrangers, ainsi que sur les modes de recrutement de ces derniers, où règne un brouillage non moins tenace entre liberté d’engagement et contrainte de fait, ainsi que l’illustre la pratique répandue du crimping outre-Manche, qui consiste à pousser les marins à dépenser tous leurs avoirs, et même plus, en boisson et en jeu pour qu’ils soient ensuite forcés de s’engager auprès de leur créancier, voire d’être transférés par ce dernier à d’autres armateurs. Ainsi, tout en se différenciant en plusieurs aspects, les « marchés » du travail des marins français et britanniques reposent tous deux sur un subtil dosage de contraintes et de libertés, qui se traduit notamment par la mise en place des premiers dispositifs de protection sociale, au prix d’une différenciation accrue entre nationaux et étrangers, qui en restent eux exclus.

38Dans le troisième chapitre, l’auteur monte en généralité pour montrer comment, dans ces deux pays, le cas des marins est loin d’être une exception, d’autres catégories, comme les ouvriers-paysans et les domestiques font eux aussi l’objet de formes poussées de dépendance en dépit des évolutions législatives de part et d’autre. Il rappelle ainsi en passant que la thèse tenace opposant un libre marché du travail au Royaume-Uni à la subsistance d’un fort esprit corporatiste en France ne tient pas, en montrant a contrario la longévité des Masters and Servants Acts, une série de dispositions réglementaires garantissant la sujétion des salariés et l’infériorité de leurs droits outre-Manche, et le rôle des sanctions pénales dans l’Hexagone, à commencer par le livret ouvrier instauré en 1803, pour encadrer la mobilité et les modalités d’emploi. Le tout aboutissant notamment une augmentation continue de la durée du travail au XVIIIe et au début du XIXe siècle dans chacun des deux pays.

39S’intéressant ensuite aux mouvements abolitionnistes de part et d’autre de la Manche, Alessandro Stanziani infirme cette fois la thèse révolutionnaire d’un moment charnière en 1848 qui aurait marqué l’avènement du capitalisme bourgeois au détriment des aristocrates fonciers de l’Ancien régime. À la suite d’Arno Mayer, il pointe au contraire une évolution lente et ambivalente du monde du travail et de ses institutions où perdurent le pouvoir des propriétaires terriens sur des ouvriers-paysans alternant entre travail des champs et labeur dans de petites industries en métropole, ainsi que des formes d’esclavage déguisées dans les colonies, où les travailleurs autochtones ne bénéficient pas des droits acquis par leurs homologues métropolitains. Un point qu’il illustre en se penchant sur la manière dont l’abolition de l’esclavage s’est concrètement traduite dans l’archipel des Mascareignes durant les décennies 1830 à 1860. S’y donne en effet à voir une articulation particulière entre des formes pré-coloniales d’esclavage et de dépendance avec le système de l’engagisme et de l’immigration indentured – qui désigne des types de contrats par lesquels un migrant s’engage à travailler gratuitement pendant plusieurs années pour rembourser les frais de son voyage et peut être vendu par son maître – introduit par les colons, qui voit ainsi perdurer de fortes inégalités statutaires, de même que les violences des planteurs, même si la double-concurrence, entre planteurs et entre les puissances coloniales conduisent les uns et les autres à accorder des conditions de travail et des protections plus favorables aux travailleurs – une évolution qui se généralise durant les décennies suivantes sur fond de première globalisation, avec d’importants mouvements migratoires vers les Amériques et l’Australie et l’abolition du servage en Russie et de l’esclavage aux États-Unis.

40Ces deux processus font justement l’objet du sixième chapitre, où l’auteur montre la nécessité d’étudier ensemble les dynamiques nationales trop souvent abordées séparément, mais aussi leurs dimensions idéologico-politiques et économiques, tant les connexions sont étroites. En témoigne par exemple les implications sur le marché international du coton de l’abolition étatsunienne qui favorise l’émergence de nouveaux pays producteurs et la définition de nouveaux standards de travail et permettent à l’auteur de conclure, en reliant ces dynamiques aux autres transformations sociales, à commencer par la construction progressive de l’État social bien analysée par Robert Castel [11], que « la fin des formes locales de coercition est à la fois la cause et la conséquence des nouveaux impératifs économiques » (p. 268). Mais il s’empresse d’ajouter que ce mouvement de reconnaissance des droits sociaux laisse néanmoins de côté à l’échelle locale de nombreuses catégories de travailleurs - les femmes et les « indépendants » en premier lieu -, et surtout au niveau global les travailleurs coloniaux.

41Le dernier chapitre est ainsi justement consacré à ces dernières et souligne le lien étroit entre l’édification de l’État social en métropole et l’exercice de violences extrêmes dans les colonies sur les travailleurs et leurs proches pour assurer leur sujétion au labeur, ce que l’auteur illustre de manière glaçante à partir du cas de l’Afrique équatoriale française (AEF). Les deux processus sont bien la monnaie d’une même pièce car la montée des droits des travailleurs en métropole conjuguée à la seconde révolution industrielle y favorise la concentration et la mécanisation de l’économie et pousse de petits producteurs à tenter l’aventure dans les colonies où ils se retrouvent en concurrence avec les grandes compagnies, se concurrençant pour l’accès à la main-d’œuvre dans un cadre réglementaire flou mêlant d’anciennes formes de louage de service et de domesticité et une poignée de droits sociaux très limités mais fréquemment bafoués, sans que l’on puisse pour autant parler d’esclavage ou de féodalisme.

42Ce vaste panorama bat ainsi en brèche les schémas trop mécanistes des liens entre coercition du travail et profit en montrant que leur association est bien moins assurée et surtout très fortement médiée par toute une série d’institutions légales et socio-culturelles. Le travail est en effet l’ingrédient primordial de cette première période de croissance économique globale et les employeurs de toutes sortes se concurrencent pour attirer la main-d’œuvre, quitte à soutirer celle des autres tout en se plaignant si ces derniers font de même, « d’où ce mélange à première vue surprenant d’obstacle et de mobilité, d’accent mis sur le travail libre et la contrainte, à coups de lois et de fouet » (p. 309). L’ouvrage d’Alessandro Stanziani, qui revient sur sa propre trajectoire socio-géographique de fils de prolétaires napolitains dans une très jolie postface, offre ainsi non seulement un excellent plaidoyer en actes pour l’histoire globale et sa contribution éminente à la compréhension de phénomènes socio-économiques de grande portée permettant de nuancer, voire infirmer, certaines grandes théorisations bien établies, mais il apporte également des éclairages précieux pour aborder les débats contemporains autour de l’autonomie du et au travail, mais aussi au-delà, pollués qu’ils sont fréquemment par certains a priori[12].

43Igor Martinache

44Université de Paris-Nanterre, Institut des sciences sociales du politique

45igor.martinache@mailo.com

Isabelle Chambost, Olivier Cléach, Simon Le Roulley, Frédéric Moatty, Guillaume Tiffon (dir), L'autogestion à l'épreuve du travail. Quelle émancipation ?, coll. « Capitalismes, éthique, institutions », Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve-d’Ascq, 2020, 322 p.

46Au début des années 2000, l'autogestion semblait un vestige du passé, digne d'études historiques et académiques célébrant avec nostalgie « la dernière utopie ». Vingt ans après, on peut certainement parler de renaissance. De nombreuses initiatives économiques solidaires ont émergé qui se réclament plus ou moins explicitement de la notion d’autogestion, avec ses trois dimensions constitutives : « l’appropriation collective des moyens de production ; la prise de décision par l’ensemble des membres ; une organisation concrète du travail qui ne distingue pas dirigeants/dirigés ou concepteurs/exécutants » (Bureau, p. 255). Plus étonnant encore, un courant dynamique de l'organisation capitaliste du travail, que je qualifierai ici de management alternatif, se réclame aujourd’hui du « self-management ».

47Il est vrai qu'aucun projet sérieux de transition écologique et sociale ne peut voir le jour sans une profonde transformation de l'organisation et des finalités du travail. Prenant acte de ce nouvel engouement, l’ouvrage collectif L'autogestion à l'épreuve du travail propose une riche palette de contributions, historiques, théoriques et/ou décrivant des expériences concrètes, afin de savoir comment interpréter ce « retour de l'autogestion » : comme « émancipation ou instrumentalisation ? » (Cléach, p. 17).

48La dimention historique des contributions n'est pas le moindre apport de l'ouvrage. Brice Nocenti propose ainsi une vue synthétique précieuse et informée des débats dans la gauche française des années 1970 autour de l'autogestion, en distinguant trois dimensions de celle-ci (opérationnelle, managériale et politique) et trois courants en lice (moderniste, social-dirigiste et conseilliste). On peut constater aujourd’hui que les courants moderniste (CFDT « recentrée ») et social-dirigiste (PCF) ont abandonné la référence à l'autogestion, tandis que les actuelles expériences autogestionnaires se situent plutôt dans la lignée conseilliste ou libertaire, la plus cohérente dans son insistance sur l'égalité réelle et la distribution du pouvoir.

49A contrario Guillaume Gourgues, dans sa réinterprétation de l'affaire Lip, semble fort sceptique quant à cette continuité. Selon lui, l'apport de la lutte des ouvrières et ouvriers de Lip n'est pas d'avoir expérimenté des formes d'autogestion du travail dépassant le salariat et alimentant un nouvel imaginaire social, mais au contraire d'avoir « reconquis leur rapport salarial » : « le redémarrage de l’usine et la réembauche de tout le personnel constituent la portée réellement subversive du combat de Lip. En parvenant à faire redémarrer leur usine, à lui redonner un patron, à annuler les licenciements, les ouvriers de Lip retirent aux employeurs la capacité à déterminer unilatéralement les termes du rapport salarial » (Gourgues, p. 80-81). Dans le contexte actuel, « la "re-découverte" de l’autogestion, via le maintien et/ou la création de l’activité des entreprises dans des formats alternatifs d’organisation, pourrait être considérée comme un aveu d’échec » (p. 81).

50Diagnostic pessimiste, sans doute à l'excès, que nombre des contributions de l'ouvrage viennent nuancer ou contredire. Certes, le cas de l'imprimerie HélioCorbeil reprise en Scop à l'initiative de la CGT, décrit par Maxime Quijoux, ne semble pas se caractériser par des formes audacieuses d'autodétermination dans le travail, mais plutôt par une « ouvriérisation » du pouvoir dans l'entreprise, la nouvelle direction (issue de l'équipe syndicale CGT) étant sensible aux attentes salariales des travailleurs. Mais n'est-ce déjà pas une avancée par rapport à un rapport salarial purement capitaliste ? Certes également, l'exemple de « l'entreprise libérée » décrite par Camille Boullier, Thierry Rousseau et Clément Ruffier, rejoint nombre d'autres études de cas où un patron humaniste redonne une certaine autonomie opérationnelle aux salarié.es sans se départir de son pouvoir de direction et d'appropriation. Mais le projet du « management libérateur » n'a jamais été l'émancipation du salariat ; et les études montrent le plus souvent que les salariés ne souhaitent pas revenir à un management autoritaire.

51Ces cas rappellent utilement que tout ce qui brille n'est pas d'or, mais l'ouvrage propose aussi des expériences plus innovantes. Marie-Christine Bureau et Lara Alouan, dans deux contributions distinctes mais assez convergentes, étudient des expériences de maker spaces (ou « tiers-lieux »), ces « lieux dédiés à la réalisation de projets individuels ou collectifs, hors des murs de l'usine » (p. 147). Aucune naïveté chez les auteures : elles mettent en évidence les contradictions auxquelles sont soumises ces expériences, par exemple « entre la philosophie libertaire qui a présidé à la création du lieu et l’exigence de sécurité dans un espace où fonctionnent des machines industrielles dangereuses » (Bureau, p. 256), ou bien entre le principe de la do-ocratie (celui qui fait décide) et la culture du consensus : « comment éviter les réunions sans fin, nécessaires à l’élaboration d’un consensus, comment limiter les pouvoirs de blocage ? ». Elles observent les « décalages entre des discours affichés (do-ocratie) et les réalités observées (structures sélectives, hiérarchies implicites, méritocratie, rapports de pouvoir latents entre hommes et femmes) » (Alouan, p. 264).

52Ces observations rappellent les remarques de la féministe Jo Freeman (1972, citée par Stéphane Jaumier, p. 219), sur la « tyrannie de l’absence de structure » qui caractérise souvent les organisations qui confondent égalité avec absence de formalisation des responsabilités : « les effets d’une hiérarchie implicite sont plus pervers encore que ceux d’une hiérarchie formelle, car ils sont autrement plus difficiles à identifier, contrôler et contrer » (Jaumier, p. 229). Mais comme le disait Castoriadis, « une collectivité autogérée n'est pas une collectivité sans discipline, et le cas échéant, des sanctions contre ceux qui la violent délibérément » (cité par Cartellier, p. 196). La contribution de Jean Cartellier passe justement en revue les principales de ces règles du jeu (les droits de propriété, les modes de décision, la distribution des excédents, l'organisation du travail. Précisément, les expériences décrites de maker spaces, loin de dédaigner les questions organisationnelles, se caractérisent par une attention permanente à la question du pouvoir, et la mise en place de modes d'organisation (sociocratie, société coopérative d'intérêt collectif, (SCIC) …), destinés à distribuer effectivement le pouvoir pour permettre une réelle transformation du travail dans un sens plus égalitaire.

53Ces procédures permettent même dans certains cas de remettre en cause le biais sexiste qui entache très souvent les « maker spaces » – où domine « la pensée technicienne, la rationalité de l’ingénieur, longtemps identifiées à la figure masculine ». C'est ce que montre le cas de Muse, « hackerspace engagé, féministe et mixte, qui fait en sorte d’inclure et accueillir les femmes de manière à ce qu’elles se sentent légitimes, bienvenues et attendues » (Alouan p. 272) : l'inclusivité y est considérée « comme une règle sociale fondamentale », avec notamment « des ateliers où la non-mixité (permet) d’assurer un « espace safe », c’est-à-dire sécurisant, facilitant les échanges » (Alouan p. 273).

54Dans une sagace contribution inspirée de l'ethnologue Pierre Clastres, Stéphane Jaumier, part de l'observation du fonctionnement d'une coopérative dotée d'une hiérarchie technique assez classique, pour montrer comment certaines attitudes des travailleurs – le refus de la division entre les chefs et les autres, la demande incessante de reddition de comptes, la critique et l'humour potache – leur permettent de remettre sans cesse les « chefs » à leur place, au service du collectif (Jaumier, p. 230). L'esprit anti-autoritaire du collectif s'incarne dans des rites et pratiques qui recréent sans cesse de l'égalité.

55En définitive, à la première question posée par Olivier Cléach sur la division du travail autogéré – « le travail prescrit par les salariés eux-mêmes peut-il se confondre avec le travail réel ? » (p. 28), la réponse me semble clairement devoir être négative : l'auto-prescription du travail n'élimine aucunement l'écart entre travail prescrit et travail réel, au fondement de tout travail humain. Même quand les règles de travail résultent d'une délibération démocratique, elles ne sauraient prévoir l'imprévisible et éliminer la nécessaire créativité. On peut en revanche répondre positivement à la seconde interrogation de Cléach : « l’autogestion peut-elle être un système organisationnel alternatif permettant de faire fonctionner des collectifs de travail capables de répondre aux principales incertitudes organisationnelles actuelles »(p. 27) ; certaines des expériences relatées en témoignent. L'instrumentalisation, réelle, de l'autogestion par le management alternatif n'est pas incompatible avec son appropriation émancipatrice par le mouvement social.

56Peut-être l'ouvrage aurait-il pu examiner plus en détail les modèles d'organisation autogestionnaire du travail proposés par le management alternatif. Il me semble qu'ils apportent une pièce importante et réellement nouvelle à la réflexion sur une organisation alternative du travail. Simon Roulley, rendant finement compte d'une expérience de construction d'un « espace autogéré » de création artistique et politique, intitule son récit « l'autogestion c'est du boulot » (p. 163). Or précisément, à condition bien sûr qu'ils soient débarrassés des rapports de propriété capitalistes et portés par un projet politique émancipateur, les modèles d' « autogouvernement du travail » ou d'« holacratie » proposent des outils de partage du pouvoir de décision et d'organisation susceptibles d'éviter que le pouvoir ne finisse, comme le redoute Jean-Pierre Durand, par se « cristalliser dans les mains de quelques individus seulement » (p. 15). L'autogestion c'est du boulot : il y faut à la fois un projet sans cesse réaffirmé d'égalité et des outils qui facilitent cette réaffirmation. L'autogestion à l'épreuve du travail a l'immense mérite de montrer l'actualité de ce projet.

57Thomas Coutrot

58Dares, Ministère du Travail

59thomascoutrot@gmail.com

Franck Cochoy (2020), Si l’économie m’était contée. Huit histoires de marchés, Aix-en-Provence, Éditions Ref.²C, 235 p.

60Il est rare que les sociologues publient de « beaux livres ». C’est néanmoins ce qu’a fait Franck Cochoy avec Si l’économie m’était contée. Huit histoires de marchés aux éditions Ref.²C en 2020. Il faut dire qu’aussi bien les dispositifs marchands que les contes populaires au cœur de l’ouvrage ont été amplement illustrés au fil du temps. Publicités, photographies liées à des articles de presse économique ou professionnelle d’un côté, peintures, gravures, illustrations d’albums de l’autre sont ainsi reproduits dans cet ouvrage qui ne propose rien de moins qu’une sociologie économique… des contes de fées. Le chat botté, Les trois petits cochons, Barbe bleue et d’autres contes sont mobilisés pour expliquer ou illustrer les enjeux propres aux acteurs économiques ou les objets typiques de la sociologie économique. Parmi d’autres, les dynamiques d’innovation, le savoir-faire relationnel propre aux relations commerciales ou le découpage des quantités et des qualités sont présentés au moyen de rapprochements avec des contes populaires.

61Cette médiation de l’économie par les contes de fées a au moins une vertu : elle permet de revisiter d’un œil neuf des histoires bien connues du lecteur et qui lui rappellent son enfance. Et elle aurait de ce fait le pouvoir de rendre intéressants les enjeux du monde économique réputés difficiles, austères, voire peu intéressants pour certains. Les huit chapitres qui composent l’ouvrage sont le plus souvent des versions remaniées d’articles, de chapitres d’ouvrages ou de communications déjà publiés par F. Cochoy. Quel est l’intérêt dès lors de leur nouvelle publication ? Il est double. D’une part, aussi bien les contes et les dispositifs marchands ont donné lieu à une importante production visuelle au cours du temps qui renvoie à des formes de cultures populaires vraiment agréables à retrouver. D’autre part, elle est l’occasion de proposer une introduction dense qui permet à l’auteur de préciser son projet.

62Tout se passe comme si l’auteur cherchait dans l’introduction à désamorcer l’éventail des critiques possibles. Il en vient, entre autres, à expliquer à quelles conditions une lecture décontextualisée des contes est possible, à exposer tout de même le contexte (post-féodal et pré-libéral) de production et de stabilisation des contes choisis. Il compare les universaux présents dans ces derniers aux idéaux-types bien connus des sociologues. Ou encore, il explicite son rapport à la métaphore. Au fil des lignes et des pages, le projet, qui pouvait sembler au départ un peu farfelu, gagne en sérieux une fois placé sous les auspices de Thomas Kuhn, Max Weber, Viviana Zelizer, George Akerlof, Michel Callon, Yannick Barthes ou encore Claude Lévi-Strauss. L’introduction est par ailleurs le moment choisi par l’auteur pour inscrire résolument son propos contre les approches de Cultural Studies. Mais si tout cela rend le projet très sérieux – référencé, cadré, positionné, l’auteur revendique en même temps un travail décalé et joyeux, bien distinct des productions sociologiques habituelles aux formats qualifiés de « tristes » par l’auteur. Et en effet, on peut reconnaître à ce dernier d’avoir écrit des chapitres vivants, haletants, parfois plein de gaieté qui offrent ainsi un regard original sur l’économie, ses dispositifs marchands et ses acteurs.

63Prenons le dernier chapitre intitulé « Les trois petits cochons ou le marché des matériaux ». Il est inspiré d’une précédente recherche de F. Cochoy sur l’aluminium, et principalement publiée sous la forme d’un livre chez le même éditeur en 2015, intitulé « Une histoire du ski. Aluminium, gens de glisse et « coopétition » ». Ici, seule la partie américaine de l’histoire est présentée en utilisant… Nif-Nif, Naf-Naf et Nouf-Nouf pour guides.

64L’histoire des trois petits cochons – ou tout au moins la version popularisée par Disney – est bien connue. Elle est, dans ce chapitre, rapprochée des aléas du processus d’innovation qui a permis à Howard Head de devenir l’inventeur à succès des skis métalliques de structure stratifiée. Pourquoi un tel parallèle ? Pour deux raisons, d’une part parce qu’on peut lire ce conte comme une histoire de résistance des matériaux - paille, bois, briques, et Head teste également différents matériaux lorsqu’il cherche à remplacer le bois utilisé traditionnellement dans la fabrication de skis. D’autre part, parce que la morale du conte sied au processus d’innovation ici décrit. Elle vante en effet les vertus du détour de production (essais/erreurs), l’intérêt de la coordination des acteurs (professionnels du ski, sous traitants, etc.) et la composition avec les forces de la nature (résistance des matériaux, contact avec la montagne, etc.).

65La description du processus d’innovation fait intervenir le conte de plusieurs façons, parfois évidentes, parfois plus ardues. Ainsi, l’idée originale de l’ingénieur aéronautique Head d’emprunter des éléments classiques et éprouvés dans la construction de bombardiers - des feuilles d’aluminium pour l’extérieur, une structure en nid d’abeilles pour l’intérieur, et du contreplaqué pour les côtés - pour concevoir de skis du futur revient à assembler dès le départ les trois matériaux du conte : briques, paille et bois. Les tests réalisés visent quant à eux à neutraliser le loup. Les nombreuses itérations, prototypes, tests et casses du matériel sont possibles parce que Head est aussi borné que Naf-Naf. Son cadre technologique d’ingénieur sûr de son fait l’empêche de se saisir d’opportunités qui, comme dans un conte, apparaissent en chemin. Plus loin, F. Cochoy écrit que les petits cochons sont soit « repliés dans l’innovateur lui-même », qui essaye d’associer divers matériaux, soit étendus à ses proches collaborateurs, ouvriers ou moniteurs de ski, qui viennent l’assister dans ses projets. Enfin, Head finit par concevoir et produire en 1950 des skis. Ces derniers ne sont pas aussi légers que ceux imaginés à l’origine, ni composés des mêmes matériaux et... « tout se passe comme si la maison de briques dont Naf-Naf avait rêvé ne tenait qu’après avoir été modifiée, transformée en bâtisse de verre et de béton ».

66Par ce beau livre, l’auteur réussit sans aucun doute son pari : celui d’exprimer de façon peu conventionnelle et vivante un propos académique. L’important travail documentaire nécessaire à l’ouvrage mérite encore d’être salué tant les sources sont diverses. Enfin, l’harmonisation, la mise en cohérence des textes publiés de façon disparate entre 2004 et 2019 est intéressante. Au final, le lecteur universitaire est uniquement étonné de ne pas disposer de conclusion. Mais il faut sans doute voir là une manifestation des habitudes académiques de lecture.

67Hélène Ducourant

68Université G Eiffel, Latts

69helene.ducourant@univ-eiffel.fr

Notes

  • [1]
    Par exemple Comité invisible (2007), L’insurrection qui vient, Paris, La Fabrique ; À nos amis (2015), Paris, La Fabrique.
  • [2]
    G. Agamben (2003), Homo Sacer t. II (1) : État d’exception, Paris, Seuil.
  • [3]
    F. Lordon (2019), Vivre sans ? Institutions, police, travail, argent, Paris, La Fabrique.
  • [4]
    G. Pruvost (2017), « Critique en acte de la vie quotidienne à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (2013-2014) », Politix, n° 117, p. 35-62.
  • [5]
    Inspirés du texte Appel, sorti en 2003.
  • [6]
    Par exemple l’ouvrage collectif coordonné par J. Lindgaard (2020), Éloge des mauvaises herbes. Ce que nous devons à la ZAD, Paris, Les liens qui libèrent.
  • [7]
    E. Ohlin Wright (2017), Utopies réelles, Paris, La Découverte.
  • [8]
    A. Tsing (2015), Le champignon de la fin du monde. Sur les possibilités de vie dans les ruines du capitalisme, Paris, La Découverte.
  • [9]
    M. Hardt, A. Negri (2000), Empire, Paris, Exils.
  • [10]
    K. Béguin, J.-P. Genet (2015), « Fiscalité et genèse de l’État : remarques introductives », in K. Béguin (dir.), Ressources publiques et construction étatique en Europe. XIIIe-XVIIIe siècle, Comité pour l’Histoire économique et financière de la France.
  • [11]
    R. Castel (1995), Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard, auquel le titre du présent ouvrage fait évidemment référence.
  • [12]
    Pour une bonne présentation de certains de ces enjeux à partir du secteur de l’hôtellerie-restauration, voir S. Montchatre (2010), Êtes-vous qualifié pour servir ?, Paris, La Dispute.
Paul Cary
Université de Lille, Ceries
paul.cary@univ-lille.fr
Nicolas Pinsard
Université Sorbonne Paris Nord, CEPN
nicolas.pinsard@univ-paris13.fr
Igor Martinache
Université de Paris-Nanterre, Institut des sciences sociales du politique
igor.martinache@mailo.com
Thomas Coutrot
Dares, Ministère du Travail
thomascoutrot@gmail.com
Hélène Ducourant
Université G Eiffel, Latts
helene.ducourant@univ-eiffel.fr
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Mis en ligne sur Cairn.info le 26/11/2021
https://doi.org/10.3917/rfse.027.0241
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