Lorsqu’une enquête historique porte sur un objet cognitif (théorie, discipline, concept…), elle a tendance à choisir un camp : soit, elle retrace les innovations intellectuelles qui ont mené à la technique actuelle ; soit, elle dévoile les forces extra-scientifiques qui, en fait, ont guidé l’évolution de l’objet étudié. La première apparaîtra évolutionniste et trop peu réflexive aux yeux de la deuxième qui, elle, sera jugée réductionniste, voire conspirationniste. C’est ce clivage entre histoire interne et histoire externe – « cette distinction stérilisante » [Desrosières, 2010, p. 439] – que la sociologie de la quantification invite à dépasser, en considérant à la fois les influences externes (religieuses, politiques, économiques…) et les singularités techniques des objets cognitifs qui opposent toujours une résistance en traduisant ces influences (plutôt qu’en les reflétant [Latour, 2005]). À partir de cette troisième approche, les enjeux politiques et cognitifs de la constitution d’indicateurs économiques, comme l’indice des prix à la consommation [Jany-Catrice, 2019] et les indicateurs de richesse [Thiry, 2012 ; Gadrey et Jany-Catrice, 2012] ont pu être mis au jour. Cet article propose d’adopter une démarche analogue pour étudier les indices boursiers. Plusieurs histoires du Dow Jones ont déjà été publiées : celle de Stillman [1986] adopte un point de vue internaliste, tandis que celle de Goede [2005] se focalise sur les luttes politiques et effets de légitimation de l’indice aux dépens des techniques méthodologiques à peine mentionnées…