Dans un contexte d’État providence, les services publics sont souvent financés par l’argent public. Le calcul du montant de financement alloué résulte d’un processus de « pricing » : l’État doit déterminer ce qui compte et de quelle façon dans la production des services publics. Dans les administrations françaises, un groupe professionnel a pour mission d’effectuer ces « pricing practices » depuis les années 1970 : employés par les anciennes Directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) ou par les conseils départementaux, ces travailleurs sont souvent appelés les « tarificateurs ». Dans cet article, nous proposons d’étudier ce groupe professionnel « invisible » dans la littérature sociologique [Gramain et Xing, 2012 ; Xing, 2015], en nous focalisant sur la rétroaction de la conception et de l’usage des indicateurs et outils standardisés d’action publique sur ce même groupe.
Les effets des indicateurs et outils inspirés du new public management (NPM) sur les groupes professionnels renvoie à une littérature déjà féconde en sciences sociales [Espeland et Sauder, 2007, 2016 ; Bezes, 2009 ; Musselin et Paradeise, 2009 ; Belorgey, 2010 ; Didier, 2011 ; Eyraud, 2013 ; Desrosières, 2014 ; Bruno et Didier, 2014 ; Supiot, 2015 ; Juven, 2016]. En replaçant les indicateurs, outils de gestion et mécanismes d’évaluation dans un contexte socio-économique plus large, ces travaux ont mis en lumière la construction et l’usage social de l’« objectivité » et la rétroaction de ces construits sur le gouvernement des conduites à l’échelle des individus comme des groupes professionnels, dans les administrations et chez les producteurs de services publics (écoles, universités, hôpitaux, etc…