Depuis les années 1990, la thèse du « tournant néolibéral » explique l’évolution des politiques économiques et sociales à partir des années 1980. Bruno Jobert et Bruno Théret [1994] voient dans le tournant de 1983 la preuve d’une conversion de la gauche socialiste aux idées libérales. Le pouvoir politique abandonne, selon eux, le keynésianisme pour se rallier à l’économie de marché. Le contexte idéologique du moment favorise cette conversion. L’ascension du néo-libéralisme en France se nourrit des expériences étrangères, mais également d’une évolution des outils intellectuels des élites politico-administratives. Une politique de désinflation compétitive se développe, notamment pour réduire l’écart d’inflation avec les principaux partenaires de la France, mais également pour améliorer la compétitivité des entreprises et leur permettre de gagner des parts de marchés.
Deux facteurs ont selon eux facilité cette évolution. Il y a d’abord un processus de monopolisation de l’expertise publique par une élite politico-administrative qui voit dans le néo-libéralisme un outil puissant pour éliminer ses concurrents. Ce mouvement se traduit par la promotion des économistes issus du ministère des Finances et la marginalisation de certains lieux d’expertise comme le Commissariat général du Plan. Il y a ensuite, selon Bruno Jobert et Bruno Théret [1994], une profonde évolution du climat intellectuel qui incite les élites administratives à se ranger au paradigme néoclassique. L’exemple d’Edmond Malinvaud est selon eux exemplaire de l’évolution paradigmatique des années 1980. Ce dernier exemple a été contesté par de récents travaux d’histoire économique…