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Lorsque, le 18 septembre 2017, Geert Van Maanen, l’ancien ministre néerlandais (de la Santé, puis de l’Économie), ouvre à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) la réunion sur la « soutenabilité fiscale des systèmes de santé », qui réunit représentants des ministères de la Santé et des Finances, il se veut spirituel : « C’est facile d’être directeur du budget » commence-t-il, goguenard, « les seuls mots que vous avez à dire c’est ‘‘Non”, ‘‘Non”, et ‘‘Jamais” ! » Des sourires gênés lui répondent… puis il reprend, plus sérieux : « Je crois que c’est vrai… mais pas pour la santé ! Qu’est-ce qui fait que la santé est si spéciale ? Que son budget est si difficile à contrôler ? Il est très important que nous ayons le même langage pour avoir un secteur de la santé contrôlable. » Or, le « langage commun » déroulé à la réunion est strictement comptable : « implications fiscales de la vieillesse », « mesure de la productivité du secteur de la santé », « implications budgétaires des nouvelles technologies de santé », les items du programme de travail réfèrent certes à la santé, mais toujours envisagée sous le prisme des dépenses occasionnées par ce secteur d’action publique et qu’il faudrait contrôler. Et la suite de la réunion est consacrée à déterminer les mécanismes incitatifs qui permettraient, dans chaque pays, de faire diminuer un indicateur objet de toutes les attentions : le ratio des dépenses publiques de santé dans le PIB (Produit intérieur brut).
Le « langage commun » défendu par le facétieux délégué néerlandais a également été identifié par plusieurs chercheurs…

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Cet article jette un nouveau regard sur la « mise en marché » de la santé en analysant chronologiquement les indicateurs qui l’ont justifiée dans les pays industrialisés. Il montre que les indicateurs de l’OCDE – les plus utilisés aujourd’hui – ne retiennent progressivement des systèmes de santé que leurs dimensions budgétaires, obérant ce faisant leurs spécificités : incertitude sur la qualité, rôle particulier des médecins, remboursement par un tiers, rôle des assurances, etc. Proposant une vision désocialisée de la santé, ces indicateurs contribuent à fixer l’attention sur la « soutenabilité » comptable des systèmes pour les budgets publics. La mise en marché pilotée à distance par l’État apparaît ainsi comme la seule politique raisonnable pour atteindre l’objectif principal : la maîtrise des dépenses publiques de santé.

  • OCDE
  • santé
  • marché
  • sociologie de la quantification
  • dépenses de santé
Constantin Brissaud
Université de Strasbourg, laboratoires SAGE et Sciences-Po Paris, CSO
cbrissaud@gmail.com
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Mis en ligne sur Cairn.info le 15/06/2021
https://doi.org/10.3917/rfse.026.0027
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