Un des apports du renouveau néo-institutionnaliste de la sociologie économique est d’avoir mis en évidence le rôle structurant des relations entre l’État et les entreprises dans l’évolution du capitalisme. Deux contributions se distinguent à cet égard : celle de Neil Fligstein et celle de Frank Dobbin. Ces deux auteurs ont montré de manière complémentaire que les marchés sont des structures sociales, caractérisées par des conventions, des rôles et des conflits [Fligstein, 2001], et dont la stabilité et la transformation dépendent d’institutions politiques [Dobbin, 1994]. Cependant, bien que les approches développées par les deux auteurs soient solidaires lorsqu’il s’agit de déconstruire la vision des marchés autorégulateurs promue par l’économie libérale, elles diffèrent quant à la manière de caractériser les relations entre entreprises et État. Selon Fligstein, les entreprises dominantes s’appuient sur l’État pour produire des règles qui leur permettent de reproduire leur domination en contrôlant la concurrence via l’établissement de conceptions de contrôle. Puisque celle-ci est la condition d’existence de marchés, le changement institutionnel ne se produit que lorsque la structure d’un marché est déstabilisée par des crises ou par l’entrée de nouveaux concurrents ; la forme prise par le changement institutionnel résulte alors des rapports de force et des luttes au sein et entre les entreprises, et aboutit soit au rétablissement de la conception de contrôle en place, soit à l’émergence d’une nouvelle conception de contrôle [Fligstein, 1996 ; Fligstein et McAdam, 2012]…