1 – Introduction
1L’histoire du marché de la rencontre ne naît pas avec Tinder ni même avec les annonces du Chasseur français [De Singly, 1984]. Elle s’étale en réalité sur presque deux siècles et raconte tout autant la reconfiguration de pratiques qui s’affranchissent du domaine familial que l’invention d’un commerce nouveau [Kalifa, 2011]. La Révolution française, qui est l’occasion d’expérimentations fugaces en la matière, ouvre la voie à la spécialisation de certains agents d’affaires sur les questions matrimoniales. Jusqu’au milieu du xixe siècle, rares sont les quelques agences matrimoniales qui parviennent à rivaliser avec la maison De Foy, l’« innovateur fondateur de la profession matrimoniale » [1], qui domine alors le marché parisien. Le phénomène gagne en visibilité durant la seconde moitié du xixe siècle : les agences n’ouvrent plus seulement dans la capitale, mais aussi dans les grandes villes de province. Sous l’effet de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, les feuilles matrimoniales se multiplient et les colonnes d’annonces ne cessent de se remplir jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale, en réponse à la crainte de dépopulation. À l’issue du conflit, le risque d’un célibat féminin de masse [Henry, 1966] conduit à un essor sans précédent du nombre de revues matrimoniales : Mariages modernes, Hymen, Mariage pour tous, Le Petit courrier, ou encore L’Avenir de la famille par le mariage religieux. L’offre se diversifie alors autant qu’elle se généralise. Si la presse spécialisée décline à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les grands quotidiens prennent le relais. Le Chasseur français en reste un exemple emblématique, cette longévité a d’ailleurs poussé sociologues et historiens à s’intéresser à ces annonces [Martin, 1980 ; De Singly, 1984].
2Cette histoire longue bouscule notre perception toute contemporaine du marché de la rencontre, liée au spectaculaire essor des sites de rencontre [Bergström, 2019]. Et pour cause, on a pu considérer que le développement de ces plateformes permettant de mieux choisir son conjoint ou partenaire était une conséquence de l’individualisation du choix du conjoint. C’est par exemple la thèse d’Eva Illouz, qui estime que l’avènement de l’amour romantique au second xxe siècle est responsable de « l’émergence des marchés matrimoniaux » dans lesquels les choix amoureux seraient libérés du « tissu moral et social du groupe » [Illouz, 2012, p. 48]. Nous défendons au contraire la thèse selon laquelle, depuis le début du xixe siècle, l’intermédiation matrimoniale marchande prend sa source dans une société où l’écosystème du choix du conjoint reste très largement dominé par les cadres sociaux, économiques et familiaux. Le développement des agences s’adosse en effet à la prédominance des mariages arrangés dans la classe bourgeoise. La progressive constitution de cette offre d’intermédiation correspond à une mise en marché d’activités qui étaient jusqu’alors du domaine des compétences familiales ou amicales [Bozon et Héran, 1987 ; Girard, 1964]. L’activité n’est ainsi plus l’apanage de l’économie domestique et entre dans l’économie marchande.
3Puisqu’il participe à l’avènement d’une société de marché, ce déplacement n’est pas sans conséquence. Dès lors que cette intermédiation est portée par des professionnels sur un marché, elle s’expose à une forte contestation. Elle est en effet perçue comme le signe d’une marchandisation croissante de la société par l’insidieux élargissement des activités marchandes à la sphère privée. Et pour cause, l’économie et l’intime sont pensés dès le xixe siècle comme deux « mondes antagonistes » qui ne sauraient se croiser sans se contaminer mutuellement. Aussi sont érigées « de solides frontières morales entre le marché et les domaines de l’intimité » [Zelizer, 2005, p. 18]. Nous rejoignons V. Zelizer pour penser que cette thèse des mondes hostiles, bien ancrée dans l’imaginaire du xixe siècle, ne tient pas à l’examen des pratiques des contemporains dans lesquelles l’économie et l’intimité sont déjà largement entremêlées. Pour la société, du xixe au milieu du xxe siècle, la contestation de ce marché est ainsi fondamentalement paradoxale. D’un côté, l’argent des transactions marchandes des agences matrimoniales est accusé de salir l’institution matrimoniale lorsque, de l’autre, l’assortiment des fortunes est le premier critère des mariages arrangés, tels qu’ils se pratiquent alors massivement dans les classes bourgeoises. L’enjeu de cet article sera donc d’étudier l’émergence du marché de la rencontre comme un cas de « marché contesté » [Steiner et Trespeuch, 2014], en cherchant à la fois à analyser les conditions de sa genèse et les ressorts de sa contestation (cf. encadré 1). Comment les acteurs de ce marché naissant résolvent-ils le paradoxe de l’intrication fondamentale entre économie et intimité ? En somme, quels sont les « dispositifs de refroidissement de la contestation » [Steiner et Trespeuch, 2014], qui permettent aux tenants du marché de rendre aux questions économiques toute leur place, sans corrompre le mariage ?
Encadré 1. Corpus et méthode
Deuxièmement, nous mobilisons des archives commerciales et judiciaires pour contrebalancer cette promotion publicitaire. À part le cas notable de saisie judiciaire des registres de l’agence De Foy en 1849, les archives des agences n’ont pas été conservées (souvent détruites par les agents eux-mêmes). Les nombreux procès en correctionnelle permettent néanmoins de retrouver dans les dossiers judiciaires certaines correspondances.
Un troisième ensemble de sources imprimées secondaires nous a permis de considérer l’œil extérieur, celui des lecteurs de journaux, de romans-feuilletons, de gazettes judiciaires pour comprendre les représentations, discours et normes qui entourent et façonnent nécessairement ce marché de la rencontre naissant. Presse générale, presse de loisir, et romans et essais sont ainsi ponctuellement mobilisés pour faire dialoguer représentations et pratiques.
Enfin, trois échantillons de petites annonces ont été constitués pour être soumis à une analyse statistique comparée sur l’ensemble de la période. Les registres de l’agence matrimoniale de De Foy qui officiait entre 1840 et 1847 consignent plus de 6 000 individus [2] dont on a conservé l’exhaustivité. L’Alliance des familles, un journal matrimonial paru entre 1876 et 1894, a été le support d’un échantillon aléatoire de 1 400 annonces. Pour l’entre-deux-guerres, L’Intermédiaire discret, un mensuel paru entre 1921 et 1939, fournit un échantillon raisonné de 4 000 annonces. Ces focus sur différentes séquences de la période étudiée permettent de mener une étude statistique sur les usagers de ce marché.
2 – L’émergence des marchés de l’intermédiation matrimoniale : de l’économie domestique à l’économie marchande
2.1 – Des marieuses de famille aux agences des grands boulevards
4La mise en place d’un marché de l’intermédiation s’inscrit dans un processus large de marchandisation. On entend par ce terme le processus d’extension des activités marchandes (avec un espace où se fixent les prix) à des activités non marchandes. Dans le cadre de cette étude, la marchandisation évoque le passage de l’économie domestique à l’économie marchande qui caractérise le remplacement des marieuses informelles par des agences matrimoniales instituées. Dans le dernier tiers du xixe siècle, l’essor des agences matrimoniales est contemporain de la création d’un nouveau genre d’entreprises, des services qui touchent de près ou de loin à l’intimité : secrets familiaux, mariage, sexualité, décès, etc. Pour ne donner que quelques exemples : des agences de renseignement privé se mettent au service des familles ou des maris jaloux [Kalifa, 2000] et, dans le même temps, des agences de divorces se proposent de faciliter les démarches administratives. C’est également à cette époque que les pompes funèbres naissantes font entrer les défunts dans un dispositif marchand [Trompette, 2008]. Ces marchés de l’intime s’exposent à la quatrième page des journaux aux côtés des publicités de mariage. Les journaux les plus grivois tels que La Vie parisienne [3], ou Le Frou-Frou [4] laissent paraître des annonces liées à l’amour libre ou vénal : garnis loués à la journée, matériel contraceptif, accessoires érotiques, remèdes contre les maladies vénériennes, ou encore sages-femmes avorteuses. L’offre d’intermédiation se distingue comme pôle spécifique de ce marché : la rubrique « Mariages » de l’Annuaire du commerce Didot-Bottin s’étoffe d’année en année (cf. figure 1), et les petites annonces des journaux les plus légers font la réclame de nombre d’entremetteuses qui ne s’encombrent pas de s’inscrire au registre du commerce.
Évolution de l’offre du marché de la rencontre entre 1830 et 1960 : agences et journaux matrimoniaux

Évolution de l’offre du marché de la rencontre entre 1830 et 1960 : agences et journaux matrimoniaux
5À partir des années 1870, certaines agences font paraître une feuille d’annonces pour donner de la visibilité à leur clientèle. La pratique se diffuse au point de faire naître un genre de presse nouveau qui, petit à petit, prend ses distances avec les agences. Le dépôt légal de la Bibliothèque nationale de France enregistre la multiplication de ces titres. Le nombre de journaux est multiplié par quatre entre les décennies 1870 et 1930. Rappelons que, dans le tournant libéral du Second Empire, la loi du 11 mai 1868 a facilité la création de nouveaux titres en remplaçant l’autorisation préalable par une simple déclaration. La Troisième République consacre en 1881 cette liberté de la presse et favorise le développement des feuilles matrimoniales. Mais c’est la Grande Guerre qui leur donne un élan sans précédent : le discours nataliste et la crainte d’un célibat féminin de masse sont autant d’arguments qui encouragent, après le conflit, le recours aux annonces [Gaillard, 2018]. Si on n’enregistre plus qu’une nouvelle création de journal entre 1940 et 1950, les agences se maintiennent au nombre de 13 en moyenne sur cette décennie. Cette inversion du rapport de concurrence entre agences et annonces doit être comprise comme un changement de support des annonces qui, en se démocratisant, investissent plus facilement les rubriques d’annonces classées de la presse générale et rendent les titres spécialisés obsolètes.
6La genèse de ce marché est loin d’être le corollaire d’un désencastrement du choix du conjoint. Au sens où l’entend Eva Illouz, ce désencastrement est le fruit d’une « transformation des critères de sélection d’un partenaire – qui sont devenus à la fois physiques/sexuels et émotionnels/psychologiques – et d’une transformation du processus même de sélection d’un partenaire – devenu à la fois plus subjectif et plus individualisé » [Illouz, 2012, p. 85]. La mise en place d’un marché de l’intermédiation au début du xixe est, au contraire, consubstantielle à la prédominance du mariage arrangé dans les classes bourgeoises et aristocrates [Burguière et al., 1988] : l’écrasante majorité des unions se faisant par intermédiaire, l’activité des agents matrimoniaux n’est pas une invention ex nihilo. Dans ce qu’on appelle le « mariage par présentations », il est d’usage que l’entourage familial ou amical se fasse le relais du jeune homme qui cherche à être introduit auprès d’une jeune fille. Les ecclésiastiques jouent par exemple un rôle clé en la matière [Muller, 2019]. « Marieur » ou « marieuse », est donc une qualité avant d’être une profession [Perrot, 2015, p. 220]. De Foy est par exemple connu pour avoir été « intermédiaire matrimonial officieux d’abord, rémunéré sur la dot, ensuite » [5]. L’art de faire des mariages est loin d’être une compétence exclusive et spécifiquement reconnue aux agents, ce qui constitue un obstacle majeur à leur professionnalisation [Champy, 2009]. Alors que la distinction entre professionnels et amateurs reste floue tout au long du xixe siècle, les agences s’empressent de dénoncer la fausse bienveillance des « amis qui font les mariages » [6] : tout en se présentant comme des adjuvants désintéressés, ces intermédiaires informels comptent sur une récompense, dont les familles n’apprennent parfois la nature que plus tard. Mme Reine d’Est met ainsi en garde les lecteurs de sa feuille matrimoniale, L’Hymen, trait d’union universel :
« Le désintéressement ? Cette belle qualité n’est plus de notre siècle, hélas ! à cause de ses nombreuses exigences. Tel ami fera consister son intérêt dans la certitude d’un avantage quelconque, d’une commande importante. Celui-là mettra son bonheur dans la perspective du cadeau d’usage ; celle-ci dans l’espoir d’aller danser à la noce [7]. »
8Pour légitimer l’existence même de leur profession, les agents matrimoniaux ont tout intérêt à rappeler que les intermédiaires, nécessaires aux négociations des mariages bourgeois, sont toujours rétribués d’une manière ou d’une autre. En insistant sur les échanges non marchands que représentent ces contreparties [Testart, 2001], ils espèrent rendre plus acceptable le transfert de ce service de l’économie domestique à l’économie marchande. Ce déplacement est revendiqué au nom d’une plus grande transparence quant à la rémunération des intermédiaires.
2.2 – L’agence matrimoniale, fille du mariage bourgeois ?
9Dès lors, pourquoi choisir de payer un intermédiaire professionnel ? Force est de constater qu’il existe une clientèle prête à mettre la main à la bourse pour un tel service. La première raison est l’absence des intermédiaires traditionnels. Aussi les agences s’adressent-elles aux « isolés », « sans famille » et « sans relation », et s’y substituent explicitement. La croissance urbaine est souvent blâmée pour avoir dissous le tissu social. En 1827, Brunet fait de son agence le remède à ce malaise urbain : « Dans une ville aussi commerçante, aussi laborieuse et aussi industrieuse que Paris […] les familles semblent s’isoler plus que jamais de la société et à peine trouve-t-on quelques bals bourgeois qui viennent charmer les loisirs des citoyens [8]. » Cet argument est un leitmotiv des justifications invoquées par les agences jusqu’au début du xxe siècle. On sait pourtant que la croissance urbaine et l’exode rural concernent d’abord les classes populaires [Rosental, 1994], et non directement la clientèle bourgeoise que visent les agences. Cet argument publicitaire a donc pour rôle de construire la légitimité du marché, alors même qu’il n’a pas de réelle résonance dans les pratiques de la profession.
10Se substituer aux relations familiales n’est pas la seule raison d’être des agences. Leur développement révèle avant tout la prédominance du critère économique dans le choix du conjoint. Le mariage bourgeois est pensé d’abord comme un établissement, qui assure une position dans le monde [Daumard, 1990]. Ce n’est qu’une fois les fortunes et les situations familiales assorties que l’affection ou l’amour peuvent se développer au sein du couple [Dauphin et Poublan, 2011]. Si les motivations pour s’adresser à une agence sont rarement avouées, elles peuvent en revanche se lire dans les attentes matrimoniales des clients lorsqu’une annonce est rédigée : famille et capital économique y ont la première place.
11L’étude lexicométrique d’un corpus de petites annonces du journal L’Alliance des familles entre 1876 et 1894 confirme cette hypertrophie du critère économique (cf. figure 2). La représentation de la fréquence des lemmes dans ce corpus montre la prédominance du vocabulaire relatif à la possession et des sommes chiffrées (« dot », « fortune », « situation », « espérances », etc.) qui représentent ensemble 13 % du total des lemmes. Quelle est donc cette clientèle qui vante ses richesses et sa réputation, tout en avouant avoir besoin des annonces pour se marier ? À en croire les milieux professionnels indiqués par les annonceurs, c’est bien une clientèle bourgeoise qui a recours aux annonces de l’Alliance des familles : les commerçants en représentent plus de 20 %. Médecins, notaires, et autres « situations libérales » sont également nombreux, à hauteur de presque 15 % des annonceurs (cf. figure 3). C’est l’urbain qui domine, les annonces matrimoniales n’ont pas encore, à la fin du xixe siècle, leurs entrées chez les ruraux. Les classes populaires sont fort peu représentées.
Étude textométrique du lexique des annonces de L’Alliance des familles (1876-1894), fait sur TXM

Étude textométrique du lexique des annonces de L’Alliance des familles (1876-1894), fait sur TXM
Champ : Ensemble de l’échantillon aléatoire constitué entre 1876-1894N(annonces)= 1 440, N(lemmes [9])= 15 121
Composition sociale des annonces de L’Alliance des familles (1876-1894 [10])

Composition sociale des annonces de L’Alliance des familles (1876-1894 [10])
Champ : Ensemble de l’échantillon aléatoire constitué entre 1876-1894 N(total)=1 440 N(renseignés)=96312Malgré la grande hétérogénéité de cette classe bourgeoise, on peut comprendre que payer un service d’intermédiation matrimoniale soit pour les clients un moyen sûr de ne rencontrer que des partis ayant pu régler des frais d’agence équivalents. Le marché de la rencontre fait figure d’entre-soi censitaire, auquel les bourgeois ne peuvent qu’être sensibles à l’heure du suffrage universel masculin. Au-delà de l’homogamie, beaucoup d’annonces de L’Alliance des familles expriment un désir d’hypergamie. On peut ainsi interpréter le prix à payer comme celui de l’accès aux classes supérieures. Cette petite bourgeoisie nouvellement enrichie pourrait, en effet, manquer de relations pour consolider sa position dans son nouveau groupe social. Conserver son patrimoine et consolider les alliances dans son milieu sont d’ailleurs des préoccupations auxquelles les publicités des agents matrimoniaux répondent explicitement. Mme Robin se dit « à même de négocier avantageusement les mariages dans toutes les conditions […] par les immenses relations qu’elle s’est établie depuis très longtemps » [11], quand d’autres vantent leur spécialité dans les « mariages riches » [12], ou leurs « présentations sélectes » [13].
3 – Contestation et régulation du marché des mariages : quand l’argent salit
13À part celle des agents eux-mêmes, peu de voix s’élèvent pour défendre le courtage matrimonial. Cette expression, utilisée par les juristes pour désigner le contrat qui lie l’intermédiaire matrimonial à son client, place l’activité des agents matrimoniaux dans le domaine marchand, au même titre que celle d’autres courtiers. Sans le rendre illégal, la jurisprudence entérine néanmoins l’immoralité de son principe dans le premier xixe siècle, à plusieurs reprises les tribunaux déclarent les conventions passées avec le client comme « illicites et immorales », puisque « contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public » [14]. Forte de ce fondement juridique, la contestation morale est ensuite largement diffusée dans l’opinion par un discours médiatique quasi unanime. L’intrication entre économie et intimité est le principal ressort de la contestation du marché de la rencontre, au nom de la morale. Les mariages, ou du moins leurs négociations, sont une marchandise contestée [Steiner et Trespeuch, 2014] : leur commercialisation menace en effet la sanctuarisation du monde familial et intime, puisque les questions économiques sont accusées de le salir. Le xixe siècle est précisément le moment où cette idée se renforce. Les agences matrimoniales posent donc à nouveaux frais la question du déplacement des frontières entre le marchandisable et le non-marchandisable [Bergström, 2019, p. 13].
3.1 – Le « marché matrimonial », histoire d’une métaphore moralisante
14L’expression « marché matrimonial », passée dans le sens commun, est mobilisée dans la littérature scientifique pour son usage conceptuel [Desrosières, 1978 ; Weiss, 1994 ; McDonald, 1995]. Il nous semble pourtant qu’avant d’être intégrée à l’appareillage conceptuel bourdieusien comme marché des biens symboliques et mécanisme de reproduction du capital économique [Bourdieu 1989], l’expression est née au xixe siècle comme une métaphore visant à critiquer les enjeux économiques des unions. On parle d’abord de « marché matrimonial européen » [15] pour railler la façon dont les princesses sont jetées en pâture à la famille royale la plus offrante afin de conclure un marché politique. L’expression est rapidement mobilisée au xixe siècle pour dénoncer l’élargissement du domaine des relations marchandes dans la sphère familiale que fait craindre la naissance des agences matrimoniales.
15L’idée d’un marché des mariages assimile hommes et femmes à des marchandises, qui se voient attribuer un prix résultant de la rencontre entre offre et demande. Les agences et annonces seraient le cadre dans lequel ce marché autonome pourrait se déployer selon ses propres règles, en dépossédant, du même coup, les familles de la gestion du champ matrimonial. Aussi les marieurs d’agence sont-ils représentés comme des personnages inquiétants qui ont, par leurs réseaux transclasses, connaissance de tous les secrets de famille de Paris. Un journaliste du milieu du xixe siècle, Adolphe Legendre, fait par exemple le récit de sa rencontre avec un agent se vantant d’être le « metteur en scène [d’une] comédie conjugale, dans laquelle les femmes jouent un rôle sans le savoir », enchaînant les mariages « sans que la demoiselle ou la dame se doute qu’elle est un pantin dont [il] fait mouvoir les fils du fond de [son] cabinet » [16]. Les essais à charge contre les agences, dans le dernier tiers du siècle, vont jusqu’à dénoncer un phénomène d’ampleur, par lequel bien des mariages de Paris se font par ces stratagèmes sans que la mariée ni sa famille n’en sachent jamais rien. Ils qualifient volontiers ces agences « d’industrie » [17], ou encore d’« usine matrimoniale » [18] pour réveiller les angoisses d’une société en pleine industrialisation. Le marché matrimonial serait en somme l’expression d’une concurrence généralisée des individus mariables à l’échelle d’une société moderne incarnée par l’anonymat urbain.
16L’usage métaphorique premier de l’expression de « marché matrimonial » vise la contestation morale de ces agences, car elle entretient la confusion entre les logiques d’appariement des couples et les logiques marchandes de ces nouvelles entreprises. Puisqu’il existe un « marché matrimonial » avec des agences vivant de la demande de la clientèle, les unions elles-mêmes ne risquent-elles pas d’être dictées par les règles de la concurrence marchande ? Du marché matrimonial à la marchandisation des personnes, il n’y a qu’un pas.
3.2 – Le genre du marché : offre et clientèle masculine pour une marchandise féminine ?
17Si la contestation morale du marché de la rencontre se focalise sur la corruption de l’intime par l’argent, c’est aussi parce qu’elle s’emploie à opposer une population féminine – associée au privé et à la famille – à une population masculine – associée au public et aux affaires. C’est en somme une argumentation classique des marchés contestés : les opposants au marché distinguent une population fragile, cible du marché, qu’il faudrait protéger d’une population dangereuse, les marchands sans autre principe que l’appât du gain [Steiner et Trespeuch, 2014, p. 21]. Cette dichotomie pour le marché de la rencontre est aussi une dichotomie genrée : la population cible est féminine, là où la population dangereuse est masculine. Tâchons dès lors de comprendre d’où vient la représentation d’une marchandise féminine aux mains des hommes – autant marchands et clients (cf. figure 4).
Proportion des agents matrimoniaux par sexe dans les inscriptions à l’Almanach du commerce Didot-Bottin entre 1838 et 1940

Proportion des agents matrimoniaux par sexe dans les inscriptions à l’Almanach du commerce Didot-Bottin entre 1838 et 1940
18Qui sont donc les tenants de ce nouveau marché matrimonial qui risque de déposséder les familles et intermédiaires traditionnels de leurs prérogatives ? La profession est d’abord pensée au masculin au début du xixe siècle. Villiaume et De Foy, pères tutélaires de la profession, construisent leur professionnalisme en opposition à l’amateurisme des marieuses qui officient de façon informelle dans les familles. Dans les registres de De Foy (1840-1847), la négociation matrimoniale est pensée par et pour des hommes. Les rabatteurs de l’agent matrimonial sont principalement masculins : docteurs, notaires, petits commerçants, etc. Lorsque l’on sait à qui s’adresser pour être introduit dans la famille, on privilégie le père, le tuteur, le frère, l’oncle, voire le propriétaire. Les agents peuvent avoir des collaboratrices, mais qui sont aussi leurs subordonnées : De Foy fait par exemple de sa seconde compagne sa secrétaire, et emploie les services de Mme Delacourt, une fabricante de corsets, comme rabatteuse. Les entremetteuses peinent en fait à se professionnaliser et à entrer pleinement dans l’économie marchande. À rebours des représentations qui font de la marieuse un véritable type littéraire, la profession n’est pas d’abord féminine, dans sa forme marchande du moins.
19Au caractère masculin des intermédiaires répond celui de la clientèle, qui met davantage de temps encore à se féminiser. La place de chaque sexe dans la transaction matrimoniale correspond au rôle attendu dans la famille. Dans ces conditions, rien de surprenant à ce que les hommes constituent la majorité de la clientèle du marché de la rencontre. L’agence matrimoniale est conçue, et comprise, comme un service à disposition des futurs maris. La comparaison du sex-ratio de la clientèle sur nos trois corpus entre 1840 et 1940 atteste de cette structuration genrée du marché autant que de son évolution (cf. figure 5). L’Alliance des familles à la fin du xixe et L’Intermédiaire discret pendant l’entre-deux-guerres comptent plus de 50 % d’hommes. Les proportions semblent inverses au milieu du xixe : les registres de De Foy sont bien plus achalandés en profils féminins que masculins (65 % de femmes pour 35 % d’hommes). Loin de contredire notre hypothèse, ce constat la renforce : les femmes inscrites le sont souvent à leur insu (cf. figure 6). Pour 40 % d’entre elles, l’entrée du registre précise l’intermédiaire qu’il faudra rétribuer en cas de mariage : il s’agit du rabatteur qui a vendu à De Foy des informations diverses sur la jeune fille en question. Si ce système existe aussi pour les hommes, il n’en concerne que 6 %, les très bons partis qui n’ont nul besoin de passer par une agence pour se marier. Cette inégalité de genre dans le rapport de séduction repose sur l’image que le xixe siècle se construit des jeunes filles. La période prénuptiale est vécue très différemment par les hommes et les femmes. Si les premiers jouissent d’une relative liberté – qui doit toutefois être rachetée par un bon mariage – les secondes sont élevées comme de véritables oies blanches, de quasi-vestales [Houbre, 1990]. Aussi prend-on tous les soins du monde à les garder ignorantes de leur destinée matrimoniale. Les familles attendent seulement d’elles leur consentement au mari proposé [Verjus, 2017]. Pour le journal L’Alliance des familles entre 1876 et 1894 le fonctionnement est différent : comme tout passe par presse, puis la poste, rien n’empêche, a priori, les femmes de prendre l’initiative de passer une petite annonce sous couvert d’anonymat. Néanmoins, l’initiative masculine dans le rapport de séduction reste bien ancrée dans les mœurs, et presque 30 % des jeunes filles sont encore proposées en mariage sinon à leur insu, au moins par un tiers à la fin du xixe siècle. Si les hommes restent majoritaires dans la clientèle de l’entre-deux-guerres, les femmes prennent en revanche quasi systématiquement l’initiative de leur annonce (pour ce que la formulation peut nous le laisser supposer du moins). Face au célibat de masse qu’on leur promet alors, la presse matrimoniale les encourage ouvertement à prendre cette initiative, alors qu’en parallèle le libre choix du conjoint devient la norme pour les deux sexes [Melchior-Bonnet et Salles, 2001, p. 182]. La structure du marché de la rencontre place néanmoins les hommes en position de sujet et les femmes en position d’objet de l’échange. Dans la presse matrimoniale, alors même que le fonctionnement des annonces met hommes et femmes dans une position d’égalité théorique, ce rapport d’hommes convoitant des femmes convoitées est très clairement intériorisé par les candidat·e·s : les annonces apparaissent alors comme des espaces de « ritualisation de la féminité et de la masculinité » [De Singly, 1984]. Dans leur présentation, hommes et femmes se conforment aux attentes supposées de l’autre sexe, ce qui les conduit à endosser, dès que possible, des stéréotypes de genre [Gaillard, 2018].
Sex-ratio de la clientèle sur trois corpus, du xixe siècle à l’entre-deux-guerres

Sex-ratio de la clientèle sur trois corpus, du xixe siècle à l’entre-deux-guerres
Part de clientèle inscrite à son insu dans les agences, sur trois corpus, du xixe siècle à l’entre-deux-guerres

Part de clientèle inscrite à son insu dans les agences, sur trois corpus, du xixe siècle à l’entre-deux-guerres
20Cette structure des relations homme/femme dans le choix du conjoint est constitutive de ce que Paola Tabet appelle « l’échange économico-sexuel », dans lequel les femmes ne sont pas considérées comme des partenaires, mais des objets de l’échange matrimonial. Ce sont effectivement des hommes qui s’entendent lorsque les intermédiaires négocient avec la clientèle masculine la mise en scène d’une rencontre d’apparence fortuite avec la propriétaire de la dot convoitée. La dot, ou le prix de l’épouse, fait bien l’objet d’une transaction économique gérée par d’autres que la femme concernée [Tabet, 2004, p. 23]. La population masculine aux commandes de ce marché est facilement accusée de mettre en péril la population féminine qu’elle rabaisse à une marchandise. Ce dispositif masculin qui monétise l’accès aux femmes évoque aisément la prostitution, une comparaison au cœur de la contestation morale.
3.3 – Des agents matrimoniaux proxénètes ? Quelle régulation du marché ?
21L’émergence d’un marché de la rencontre est souvent perçue comme le corollaire d’un avilissement de l’institution matrimoniale, à la suite de la Révolution, puisque « rendu à la vie civile, officiellement débarrassé de l’estampille divine » [Gougelman et Verjus, 2017, p. 17] le mariage est entamé dans sa sacralité et perd de sa transcendance lorsqu’il devient un contrat civil. Les tenants de la morale chrétienne voient dans les mariages d’agences un symptôme de cette sécularisation du mariage. Elle ouvrirait la porte à toutes les corruptions dans le mariage, jusqu’à la prostitution. Cette accusation est au centre de la contestation morale de ce marché au xixe siècle, si bien que certains parlent d’un « proxénétisme pour le bon motif » [19]. Cette réprobation tient, nous l’avons vu, au fonctionnement masculin des agences : en vendant au futur mari l’accès à une femme, l’intermédiaire fait figure de proxénète qui abuse de la fragilité des femmes. Outre-Manche, le Graham’s illustrated magazine s’émeut en 1857, dans un article intitulé « How Girls are bought and sold in Marriage in France » [20], de voir les jeunes Françaises réduites au rang de marchandises inconscientes entre les mains d’hommes avides. Ce type d’accusation a recours à la notion d’une population fragile qu’il conviendrait de protéger [Steiner et Trespeuch, 2014]. Même argumentaire chez Frédéric Canel dans son ouvrage sur la légalité des courtiers matrimoniaux au milieu du xixe siècle, il estime que « les manœuvres [des agences] sont d’autant plus coupables qu’elles sont exercées le plus souvent contre un sexe et un âge inexpérimentés » [21]. Leur incapacité juridique et leur posture passive dans les négociations matrimoniales en font les proies faciles. Convoitées et contactées par le biais des agences, les femmes seraient, ainsi symboliquement achetées.
22Ce rapprochement n’est pas que de l’ordre du symbole : le continuum que Paola Tabet observe entre le mariage et la prostitution [Tabet, 2004] se retrouve dans la porosité qui existe au xixe siècle entre les agences matrimoniales et les maisons de rendez-vous. Les secondes utilisent volontiers les premières comme paravent pour racoler dans la presse sans tomber sous le coup de la loi. La Vie parisienne, Flirt ou Gil Blas relaient leurs publicités. Nombreuses sont les agences dites « mondaines », ou de « présentations », qui reprennent les codes des agences de mariages, tout en évoquant l’amour vénal (cf. figure 7). La brigade des mœurs épingle régulièrement de prétendues directrices d’agences matrimoniales, qui, comme Mme Callis en 1928, sont arrêtées « pour prostitution et détournement de mineurs » [22].
La Vie parisienne, 30 avril 1938

La Vie parisienne, 30 avril 1938
23Moralement contesté, le marché de la rencontre n’est pourtant pas illégal. Mais le courtage matrimonial est une énigme pour la jurisprudence [Weitzman, 2011]. Jamais les agences n’ont été interdites, néanmoins le contrat passé entre le client et l’agent est éminemment problématique, car il se situe dans un angle mort du Code civil. Les tribunaux qui sont amenés à statuer sur sa validité au début du xixe siècle rendent des jugements contradictoires. Un arrêt de la Cour de cassation vient les harmoniser en 1855 : le mariage étant « un acte irrévocable, sa conclusion devait être entourée de la plus grande liberté possible » [23]. Or les agents matrimoniaux font peser une menace sur le libre consentement, dans la mesure où ils sont rémunérés sur la dot en cas de conclusion du mariage, ils peuvent avoir intérêt à influencer la décision de l’un des deux époux – de l’épouse le plus souvent, et à son insu. Aussi les entremetteurs sont-ils assimilés à des proxénètes : « On ne vend pas le consentement d’autrui, pas plus pour un contrat ordinaire que pour un mariage ; ce n’est pas un produit échangeable, un objet de contrat [24]. » Cet attachement au consentement, lié à l’irrévocabilité de l’union, est en fait teinté de christianisme : le Concile de Trente a rappelé l’importance de ce consentement, cause efficiente du mariage, et fondement de sa sacralité. La jurisprudence s’assouplit à la toute fin du xixe siècle, considérant que le rétablissement du divorce depuis 1884 ne fait plus du mariage un acte irrévocable et que l’agent matrimonial peut être rémunéré non pas pour le consentement du futur époux, mais pour ses démarches, indépendamment de la réussite du mariage.
24Le marché de la rencontre reste donc jusqu’au début du xxe siècle difficilement régulé : il est toléré par les autorités administratives, sous la surveillance de la préfecture de police, et régulièrement sanctionné par la justice. Cette surveillance participe néanmoins aux « dispositifs qui refroidissent la contestation morale de manière à permettre la mise en œuvre des échanges sur une base régulière et prévisible » [Steiner et Trespeush, 2014, p. 18]. En effet, en le surveillant, les autorités cadrent – et donc légitiment – son existence.
4 – Ménager les intérêts économiques et les apparences morales
4.1 – Dissimuler la nature marchande : un mécanisme de « refroidissement de la contestation »
25Condamnés au nom de la morale, soupçonnés de faire un profit facile, les agents matrimoniaux peinent à assumer publiquement le caractère économique de leur activité – paradoxalement nocif pour la rentabilité. Les stratégies qu’elles développent relèvent de la dénégation de l’économie, visant à faire oublier le caractère économique pour en donner une valeur symbolique [Bourdieu, 1977].
26Les agences et les journaux matrimoniaux sont pris en étau entre deux nécessités contradictoires : ils doivent à la fois se faire connaître par la publicité et cacher leur nature commerciale. Pour sortir de cette délicate posture, ils ont recours au vocabulaire de la philanthropie. Les « maisons de confiance » [25] insistent sur la vocation nécessaire à ce qu’elles présentent comme un « sacerdoce », ou une « mission providentielle » : relever la société moderne de sa déchéance morale par le mariage. Mme de Saint-Just donne à son établissement la devise « France, Religion, Famille » et inscrit dans son prospectus la profession de foi suivante : « Je crois remplir une véritable mission, un devoir imposé par les circonstances présentes, aujourd’hui que notre société, ébranlée dans sa base, a besoin de se reconstituer et de trouver des cœurs dévoués et courageux pour aider au mouvement de régénération sociale qui s’accomplit [26]. » Cette rhétorique est tout particulièrement réinvestie dans la presse matrimoniale de la fin du xixe siècle à l’entre-deux-guerres, lorsqu’elle résonne avec les discours natalistes qui luttent contre le spectre de la dépopulation française. Les titres des journaux évoquent eux aussi le domaine de la philanthropie, voire de la charité : L’Écho du foyer se revendique par exemple « institution philanthropique d’annonces matrimoniales » [27]. Avec un arsenal d’arguments moraux, patriotiques et religieux, le marché de la rencontre cherche à « incorporer la critique » pour refroidir la contestation [Steiner et Trespeuch, 2015, p. 15] : ces agences et journaux s’accordent avec leurs opposants sur les maux de la société, mais s’en présentent comme le remède plutôt que le symptôme.
27Le profit doit être sinon caché, au moins justifié. Les agents matrimoniaux accumulent les euphémismes lorsqu’arrive la question de leur rétribution. Le vocabulaire choisi les éloigne du domaine marchand : on ne les paie pas, on les indemnise, ou on leur règle des « honoraires » [28], comme on le ferait pour les services d’un médecin ou d’un avocat [Karpik, 1995]. Dérivé du mot « honneur » l’honorabilité du mariage et de son intermédiaire. En 1837, De Foy explique que la somme lui est due « à titre de récompense, pour reconnaître ce service et l’indemniser de tous les frais et déboursés qu’aurait pu lui occasionner la négociation du mariage ». À le lire, il n’est jamais question de faire de bénéfices, ses publicités le dédouanent de tout soupçon de cupidité en mentionnant sa fortune indépendante de sa profession [29] (il est aussi rentier). Le système de la commission sur la dot (de 4 à 10 %) prime dans les agences les plus en vue jusqu’à la fin du xixe siècle. Il a pour avantage de donner à la clientèle masculine le sentiment de ne rien débourser : l’argent n’est pas avancé par le fiancé, mais la dot qu’il empoche est amputée de la commission. Mieux encore, certaines agences tentent de s’émanciper du domaine marchand en ne réclamant aucune rétribution, mais en laissant leurs clients leur faire un don. L’Initiative mondiale par exemple « ne demande aucun droit d’entrée. Les messieurs offrent après mariage, une récompense qu’ils fixent eux-mêmes » [30]. Lorsque la clientèle n’est pas assez fortunée pour envisager de grosses dots, on encaisse des « frais de bureaux » accordés à titre de dédommagements : pour la correspondance, pour les avances pour le voyage si la fiancée réside à l’étranger, pour le prix de la loge à l’Opéra où l’on peut l’entrevoir, mais aussi pour les divers cadeaux à offrir. Ces dépenses, qui correspondent à des usages bourgeois, sont consenties par les hommes qui aspirent à un retour sur investissement une fois le mariage conclu. Ce fonctionnement est par ailleurs propice au développement d’un délit nouveau : l’escroquerie au mariage. De fausses agences font débourser moult frais de dédommagement en promettant une fiancée qui s’avère être factice. La presse matrimoniale, qui se développe dans un second temps, prend bien des précautions pour ne pas être associée à ces escroqueries. Les journaux n’ont de cesse d’insister sur l’absence de rentabilité de leur entreprise, preuve de leur entier dévouement à une cause supérieure. Ils tiennent à se « mettre tout de suite dans l’esprit du public au-dessus des agences intermédiaires qui vivent de l’offre et de la demande » [31], et se présentent comme « l’intermédiaire absolument désintéressé entre [leurs] abonnés » [32].
28Toutes ces précautions rhétoriques ne suffisent pas à dissimuler totalement la dimension économique de l’activité. Il faut donc la justifier. Comme la critique est morale, la défense l’est aussi. Loin de désacraliser le mariage, les intermédiaires permettraient au contraire de préserver les époux des négociations économiques en les prenant en charge. C’est sur ce principe que le précurseur Villaume défend sa profession : « Tel par exemple, trouve en société une demoiselle qui lui plaît : ira-t-il, dès qu’il sera reçu chez ses parents demander combien ils lui donnent ? Non. Il commencera par lui rendre des soins, et ne la demandera qu’après quelques mois, mais il arrive qu’elle a plus ou moins de fortune qu’il ne l’avait prévu ; et, les convenances n’y étant pas, la rupture s’en suit. Ces inconvénients ne sont pas à crainte par les moyens que j’emploie… Fixé sur la famille, l’avoir et les vues des personnes qui s’adressent à moi, je ne les mets en relation qu’avec celles qui leur conviennent, et après les avoir consultés chacune séparément [33]. » Cet argument est repris par la presse matrimoniale par la suite : les négociations économiques entre les familles sont pensées comme un préalable à la rencontre des deux futurs fiancés dont l’affection peut alors être tout à fait désintéressée. En prenant sur eux la charge des négociations économiques, les tenants du marché de la rencontre estiment préserver l’intégrité morale du couple.
4.2 – Les « manœuvres de séduction » : comment dire la prétention économique ?
29Nous l’avons vu, la condamnation des agences matrimoniales est paradoxale : elle soupçonne l’argent de salir le mariage dans le même temps que le patrimoine est affirmé comme le premier des critères de choix du conjoint. Tout comme les agences, la clientèle est donc en position délicate : il lui faut à la fois sauvegarder ses intérêts économiques dans la négociation matrimoniale sans pour autant les afficher publiquement.
30Les études sur le mariage au xixe siècle [Segalen, 1981 ; Daumard, 1990] ont d’ores déjà montré combien les stratégies matrimoniales participaient de la reproduction sociale [Bourdieu, 1972]. La dot des femmes est au centre des convoitises [Laroche-Gisserot, 1988], puisqu’elle permet une gestion patrimoniale au moment du mariage. Les petites annonces sont le reflet de ces stratégies matrimoniales. Les annonces de L’Alliance des familles (1876-1894) font une place prépondérante au critère économique sans aucune pudeur pour l’argent : on se décrit par des sommes chiffrées tout autant qu’on chiffre ses attentes. On peut lire par exemple : « On désire marier demoiselle 28 ans, dot 10 000 francs, espérances 60 000 à 80 000 francs, belle position dans maison de commerce appartenant à ses parents (2 000 francs par an et la table, emploi qu’elle peut conserver étant mariée) [34]. » Ou encore : « Un veuf, 55 ans, bonne éducation, position de 6 000 francs par an, désire épouser demoiselle ou veuve, 45 à 65 ans, avec dot d’environ 60 000 francs [35]. » Les sommes s’accumulent sans détour dans les annonces : est-ce à dire que le marché de la rencontre serait un espace dans lequel l’imbrication des sphères économiques et intimes ne pose pas de problème ? Loin de là. Si l’argent s’expose sans pudeur dans les annonces, c’est parce que leurs auteurs sont protégés par l’anonymat garanti par les journaux. Il en va ainsi dans les mariages bourgeois au xixe siècle : autant l’équilibre des fortunes est considéré comme une condition indispensable à une union heureuse, autant les négociations ne peuvent se faire que dans l’ombre : « Non que l’argent soit roi, mais il inquiète, on pratique l’économie et le secret des fortunes ; la dignité, le sens de ce qui est convenable, honorable, sont portés au rang des valeurs indispensables » [Melchior Bonnet et Salle, 2001, p. 664]. L’argent lui-même ressort de l’intimité. On considère que ces informations relèvent fondamentalement du cercle familial. Les révélations qui sont faites à ce sujet lors des négociations matrimoniales risquent de nuire à la réputation de la famille, si le mariage n’aboutit pas et que les informations circulent : y a-t-il une dette ou une ruine à cacher ? La presse matrimoniale fait de ce risque un de ses principaux arguments publicitaires : anonymat et discrétion sont les conditions pour que l’honneur soit sauf. En 1921, L’Intermédiaire discret vante à son lectorat un système qui permet l’exposition franche des sujets les plus délicats sans subir aucune indiscrétion : « De cette façon une dame ou une demoiselle peut, la première, écrire à un monsieur, avec tranquillité et la certitude que si sa démarche n’aboutit pas, elle restera totalement inconnue de son correspondant [36]. » Les femmes rédigent de plus en plus leurs annonces pour elles-mêmes, elles sont ainsi protégées de l’opprobre qui pourrait tomber sur elles si l’on venait à savoir que tel ou tel épouseur potentiel les a refusées. L’anonymat et le rôle de l’épistolaire dans les négociations sont donc autant de dispositifs qui façonnent ce marché de la rencontre et permettent ce que Marie Bergström appelle une « privatisation de la rencontre ». Les plateformes de rencontre sont le support d’une pratique de rencontre distincte, « spatialement et temporellement circonscrite » [Bergström, 2019, p. 12]. La privatisation est pensée dans les deux sens du terme : « Elle désigne une dissociation entre les lieux où l’on recrute des partenaires et les cadres de la sociabilité ordinaire (études, travail, soirées et loisirs) » tout autant que l’essor d’entreprises privées qui proposent ces espaces insulaires [Bergström, 2019, p. 208]. Cette « insularité » n’est pas un principe au fondement des agences matrimoniales du début du xixe siècle, puisque l’intermédiation, que celles-ci proposent, reste alors ancrée dans d’autres contextes de sociabilité ordinaires. C’est bien avec l’avènement de la presse matrimoniale, à échelle nationale, que la rencontre se privatise au fil de l’entrée dans le xxe siècle : hommes et femmes rédigent eux-mêmes leurs annonces et le choix du conjoint s’autonomise. Forts de ce constat, peut-on souscrire à l’idée selon laquelle l’émergence de « marchés matrimoniaux autorégulés » s’accompagne d’une transformation des hiérarchies sociales et logiques de classement ? Assiste-t-on, en somme, à un affaiblissement des règles endogamiques de choix du conjoint tel que le perçoit Eva Illouz ?
31Le critère économique perd, en apparence, de sa suprématie après la Grande Guerre. Les annonces de L’Intermédiaire discret (entre 1921 et 1939) font une moindre place aux sommes chiffrées, évoquent davantage l’idée de bonheur conjugal et s’attardent un peu plus sur le physique du futur partenaire de vie [Gaillard, 2018]. L’affection et l’intimité du foyer sont des idéaux conjugaux largement partagés par les annonceurs de l’entre-deux-guerres, qui néanmoins parlent assez peu d’amour. Faut-il pour autant conclure avec Eva Illouz à « l’effondrement des règles religieuses, ethniques, raciales et sociales de l’endogamie » [Illouz, 2012, p. 155] ? Notre hypothèse est différente. Ce nouveau langage dans les annonces pour trouver son conjoint correspond à ce que François de Singly appelle des « manœuvres de séduction ». Les annonceurs du Chasseur français qu’il étudie entre 1978 et 1979 sont pris dans une nouvelle contradiction : ils cherchent par le mariage à préserver leur valeur sociale alors que « les normes du nouveau régime matrimonial requièrent un désintéressement explicite, signe de l’amour » [De Singly, 1984]. Pour séduire un individu de valeur sociale au moins équivalente sinon supérieure à la sienne, tout en signifiant un « désintéressement explicite », les annonceurs doivent utiliser d’autres indicateurs sociaux que les chiffres d’une fortune. Bien que l’entre-deux-guerres ne soit pas aussi marqué par ce régime matrimonial du désintéressement, les annonces de la période ouvrent la voie à cette pudeur plus ou moins consciente qui fait demander des femmes « élégantes » et des hommes « présentables », plutôt que d’exiger une somme précise en dot, rentes ou traitements. Pour autant, les prétentions économiques des candidats au mariage ne disparaissent pas, elles se réinventent sous d’autres mots. Les unions issues des annonces de L’Intermédiaire discret témoignent bien de la persistance des règles sociales dans le choix du conjoint. Les annonces expriment toujours des aspirations d’ascension sociale par le mariage. Tel divorcé « ingénieur [aux appointements] de 15 000 [cherche épouse ayant] situation industrielle ou commerciale à laquelle il pourrait collaborer » [37], tel autre employé souhaite « épouser personne jolie, affectueuse ayant commerce ou industrie pouvant occuper son mari » [38]. Ou encore ce jeune homme de 23 ans qui, sans préciser sa situation professionnelle, exige de son épouse qu’elle soit « très sérieuse et affectueuse, famille honorable, catholique, ayant dot 150 000 ou propriétés, vignobles, grand commerce [et précise qu’il] se déplacerait pour diriger ces exploitations » [39]. Dans le contexte d’après-guerre, les hommes qui espèrent faire jouer la concurrence du célibat féminin se permettent plus facilement ces exigences. Beaucoup souhaitent, par le mariage, passer d’employé à propriétaire d’une affaire commerciale ou industrielle.
5 – Conclusion
32Le passage des marieuses et marieurs de l’économie domestique à l’économie marchande est donc l’histoire d’une professionnalisation contrariée, dans un contexte d’essor de services marchands à destination de la sphère privée. Ce passage est rendu possible par la nature même du mariage bourgeois, qui non seulement nécessite des intermédiaires, mais fait aussi du critère économique la première règle d’appariement des couples. Loin d’une quête matrimoniale individuelle, le choix du conjoint y est pensé dans le cadre d’une politique des familles dans laquelle l’argent a la première place. Au xixe siècle, les agences proposent justement à l’entourage familial de mieux maîtriser l’enjeu économique du mariage de leurs enfants. Au tournant des deux siècles, lorsque les petites annonces sont rédigées par les intéressés eux-mêmes, la presse matrimoniale « privatise la rencontre » et « destitue l’entourage de sa fonction d’entremetteur des partenaires » [Bergström, 2019, p. 18]. Cette individualisation du choix du conjoint, qu’Eva Illouz associe à une « dérégulation des rencontres amoureuses », est loin d’engendrer un effondrement des règles de l’endogamie, comme l’estime la sociologue [Illouz, 2012, p. 155]. Nous rejoignons au contraire Marie Bergström pour penser que « l’insularité » des plateformes de rencontre, qu’il s’agisse de sites web ou de journaux qui diffusent des annonces, n’affaiblit pas les règles sociales d’appariement des couples. Si l’émergence d’un marché de la rencontre – en tant que secteur économique dissocié des relations sociales ordinaires – s’adosse bien à un processus de marchandisation, elle n’engendre pas de marché des rencontres autorégulé au sens d’Eva Illouz.
33En somme, ce marché se développe grâce à la forte intrication de l’économie et de l’intime qui, loin d’être des « sphères hostiles », sont véritablement entremêlées [Zelizer, 2005]. C’est lorsque les négociations matrimoniales entrent dans la sphère marchande et sortent de l’apanage du privé que cette intrication connaît de nouveaux espaces de visibilité. Or c’est précisément cette exhibition nouvelle qui nourrit la contestation du marché de la rencontre. La marchandisation est alors critiquée au nom de la morale : ce marché jetterait une population faible (les femmes) en pâture à une population dangereuse – les hommes célibataires, les agents matrimoniaux et les chasseurs de dot.
34Aussi comprend-on la crispation sociale et morale qui assimile volontiers le marché de la rencontre à un « marché matrimonial » qui ne serait rien d’autre qu’une forme de prostitution. La structure genrée du marché de la rencontre alimente ces représentations : pensé d’abord pour une clientèle masculine, il fait des intermédiaires de pseudo-proxénètes, et lorsque les femmes peuvent prendre l’initiative de passer une annonce, on leur reproche de se proposer au plus offrant comme pourrait le faire une prostituée. Ce n’est donc pas seulement la marchandisation de la sphère privée qui pose problème aux observateurs, mais aussi le fait que le marché de la rencontre révèle la nature de l’échange économico-sexuel : l’accès aux femmes a un prix. Le pudibond xixe siècle, qui construit la féminité idéale en opposant femmes honnêtes et prostituées, ne peut pas accepter que cette opposition soit remise en cause. La permanence de la contestation tout au long de la période – même si elle tend à diminuer durant l’entre-deux-guerres – est bien le signe que le xixe siècle a consacré la distinction des sphères publiques et privées.
35Le marché de la rencontre révèle aux yeux des contemporains combien ses sphères restent fondamentalement poreuses. Aussi, la critique de la marchandisation manque souvent sa cible et vise en réalité « l’explicitation des termes de la rencontre, dont l’effet d’objectivation peut parfois paraître brutal » (Bergström, 2019, p. 207). La contestation du marché révèle aussi le malaise de la société contemporaine à voir exposés à la quatrième page des journaux, et énoncés crûment, les principes réels, mais d’ordinaire cachés, de sélection des couples. Ce stigmate conduit les acteurs et actrices du marché – marchands et clientèle – à élaborer des stratégies diverses pour rendre acceptables aux yeux de la morale autant l’intrication économie/intime que le poids de l’économie dans les critères de choix du conjoint. Pour concilier argent et mariage, les acteurs du marché doivent donc dissimuler tantôt l’un, tantôt l’autre : les agences dissimulent leur caractère commercial pour clamer la sacralité du mariage quand les clients se cachent derrière l’anonymat pour mener leurs négociations patrimoniales.
Notes
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[1]
Annuaire général du commerce Didot-Bottin, 1853.
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[2]
Archives de Paris D.Q9-28-30. Pour ce registre, on a choisi de conserver l’exhaustivité du corpus.
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[3]
La Vie parisienne, Paris, (1863-1943).
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[4]
Le Frou-Frou, Paris, (1900-1923).
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[5]
Gazette des tribunaux, 25 janvier 1888.
-
[6]
Jules Deris et Timothée Trimm, La vérité sur les intermédiaires qui font les mariages, 1re édition, Paris, Roger, 1877, p. 20.
-
[7]
Maison R. d’Est, Hymen : trait d’union universel organe matrimonial de la Maison R d’Est, maison de mariage la plus importante et la plus estimée de France, Lyon, Mme d’Est impr. de Pitrat aîné, 1889, p. 12.
-
[8]
Brunet, Almanach matrimonial de M. Brunet, homme d’affaires ; avec un aperçu sur les avantages du mariage ainsi que les moyens délicats et secrets que l’auteur employe pour marier les personnes qui l’honorent de leur confiance, Paris, 1827, p. 34.
-
[9]
Un lemme est une unité lexicale qui comprend toutes les variations formelles d’un mot (veuf et veuve sont par exemple un même lemme). Le lemme est la forme canonique, considérée par convention comme non fléchie, d’un nom, d’un adjectif, d’un verbe, d’un pronom, choisie par convention comme entrée principale, dans un dictionnaire ou un lexique.
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[10]
Les catégories professionnelles identifiées sont le fruit d’un codage élaboré à partir des catégories endogènes, des classifications utilisées par d’autres historiennes [Daumard, 1987 ; Albert, 2014] et des proportions spécifiques au corpus. Voir le détail de la classification en annexe.
-
[11]
Annuaire-almanach du commerce, de l’industrie, de la magistrature et de l’administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers, Firmin Didot et Bottin réunis, Paris, Firmin-Didot frères, 1846.
-
[12]
« Grün (Mme Vve) Mariages riches ancienne maison, Veuve Guyot (22e année), nombreuses relations, prompt résultat, seule maison recommandée, rue Saint Lazare », ibid. 1889.
-
[13]
« L’agence des Champs Elysées Mme Régis, Présentations sélectes, 30 rue Marbeuf, Paris » La Vie parisienne, 5 février 1938.
-
[14]
G. Robert-Charrérau, Le courtage matrimonial, thèse pour le doctorat, op. cit., p. 84.
-
[15]
Gazette du Languedoc, 4 janvier 1849.
-
[16]
Adolphe Legendre, « Une agence matrimoniale », L’Argus et le Vert-Vert réunis, Lyon, 21 décembre 1856.
-
[17]
Les Annales politiques et littéraires, 13 mai 1894, p. 14.
-
[18]
Le Progrès de la Côte-d’Or, 16 janvier 1880, p. 3.
-
[19]
Edmond et Jules de Goncourt, Histoire de la société française pendant le directoire, Paris, 1864, p. 175.
-
[20]
« How girls are bought and sold in Marriage in France », Graham’s illustrated magazine, mai, n° 5, 1857.
-
[21]
Frédéric Canel, Les courtiers de mariages devant la loi, Paris, impr. de A. Lombardin, [non daté], p. 30.
-
[22]
Le Journal, 14 juillet 1928.
-
[23]
Dalloz, Recueil hebdomadaire de jurisprudence, 1908, p. 81.
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[24]
Ibid.
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[25]
On préfère parfois ce titre à celui d’agence.
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[26]
« Le monde judiciaire », La Presse, 20 juillet 1873.
-
[27]
L’Écho du foyer, journal mensuel autorisé d’annonces matrimoniales, Paris, 1920.
-
[28]
« DANI, se charge de négociations de mariages sans avances de fais d’honoraires, s’adresser de 2 à 4 heures ou écrire franco rue du Bouloi, 8 », Bottin, op. cit., 1854.
-
[29]
Gazette des tribunaux, n° 3631, 29 avril 1837.
-
[30]
« Mariages », Annuaire du commerce Didot-Bottin, janvier 1931.
-
[31]
Le Mariage. Les petites annonces algériennes. Organe de publicité algérienne, Alger, 1905.
-
[32]
L’Hyménée : journal mensuel d’annonces de mariage, Paris, 1908.
-
[33]
Guide des personnes qui désirent se placer, s’associer, se marier, vendre ou acquérir des fonds de commerce, Paris, impr. de Tiger, [c. 1812], p. 5.
-
[34]
L’Alliance des familles, avril 1888.
-
[35]
L’Alliance des familles, janvier 1880.
-
[36]
L’Intermédiaire discret, 1er septembre 1921, Bordeaux, p. 1.
-
[37]
L’Intermédiaire discret, Bordeaux, janvier 1936.
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[38]
Ibid.
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[39]
L’Intermédiaire discret, Bordeaux, janvier 1924.