CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Il est une idée couramment admise, aussi bien dans les milieux professionnels que dans les travaux de sciences sociales, suivant laquelle les clivages intra-professionnels sont néfastes pour les groupes ou, pour le formuler en des termes moins normatifs, constituent une source d’affaiblissement et un facteur de désunion. Une idée persistante dont la longévité dans le débat scientifique est d’autant plus surprenante qu’elle a été précocement déminée par Rue Bucher et Anselm Strauss [1992], lesquels voyaient dans les clivages – et tout particulièrement les conflits – un ressort de la dynamique des professions et de leur caractère processuel. Ce constat général et quelque peu abrupt dans sa formulation, compte tenu de l’abondante littérature scientifique sur le sujet, n’en constitue pas moins un défi scientifique pour l’analyse des groupes professionnels.

2De fait, la question de l’hétérogénéité et des clivages au sein des groupes a fait l’objet de nombreux travaux, tant du côté de la sociologie des groupes professionnels que de la sociologie des mobilisations et des groupes d’intérêt. Si ces traditions de recherche sont devenues relativement étanches au gré des spécialisations disciplinaires, elles ont, chacune à leur façon, développé des outils et des grilles d’analyse qu’il convient de passer en revue, tant pour en souligner le caractère heuristique que pour en identifier les limites. Parce que la recherche se donne souvent pour objectif de discuter les groupes tels qu’ils se donnent à voir, elle est traversée par une double tendance, constructiviste et relativiste : elle est constructiviste lorsqu’elle s’attache à déconstruire le travail de représentation des groupes et à en restituer la diversité interne, les hiérarchies et les enjeux de pouvoir, dévoilant ainsi l’écart entre représentants et représentés, et donc les formes de dépossession des seconds par les premiers ; elle est dans le même temps relativiste puisqu’elle s’attache à contester l’unité apparente de ces mêmes groupes, et à dénaturaliser les propos de leurs porte-parole en dévoilant leur travail de montée en généralité et ses logiques propres. Deux réflexes intellectuels concomitants tout à fait salutaires, mais qui, lorsqu’ils bornent l’horizon intellectuel, peinent à pousser à son terme l’analyse de l’incidence de ces clivages sur les groupes professionnels, leur autonomie ainsi que leurs relations avec leur environnement.

La sociologie des groupes professionnels : fortune et infortune du concept de segment

3L’unité des groupes professionnels a de longue date été contestée par Rue Bucher et Anselm Strauss. En se fondant sur plusieurs enquêtes conduites dans le milieu psychiatrique, les deux auteurs montrent que les membres de la profession médicale diffèrent en ce qui concerne leurs missions, leurs activités de travail, les méthodes qu’ils utilisent ou encore leurs rapports aux patients, autant de « différentiations » ou « clivages » qui peuvent aboutir à la formation de « segments » professionnels. Dans le même temps, ils mettent en garde le lecteur quant au risque de considérer chaque ligne de clivage comme des segments, lesquels impliquent au contraire le partage d’identités se cultivant dans des « cercles de confraternité » [Bucher et Strauss, 1992, p. 332]. Pour repérer ces derniers, ils suggèrent de comprendre comment les dimensions de l’identité professionnelle s’organisent. Une « identité organisée » semble faire référence sous leur plume à une combinaison de dimensions, fréquente au sein d’un groupe professionnel, mais ils donnent peu de clés pour analyser la naissance et le développement desdites identités – la coalescence des segments –, un phénomène pourtant déterminant à explorer dans une perspective de sociologie processuelle des groupes professionnels [1]. Suivant ce raisonnement, les professions sont considérées comme des amalgames de segments en mouvement. En leur sein, les professionnels qui partagent les mêmes préoccupations sont amenés à se réunir pour faire valoir leurs intérêts, parfois contre ou au détriment d’autres membres du groupe, les rapports conflictuels entre segments occupant de ce fait une place de choix dans leur raisonnement.

4À l’époque, la mise en évidence de tels segments intra-professionnels en tension vient nourrir la critique de l’irénisme des approches fonctionnalistes, pour lesquelles les professions sont avant tout des communautés de professionnels partageant les mêmes valeurs et les mêmes préoccupations. L’analyse des segments est en effet cruciale pour se prémunir de la tentation qui consiste à penser l’« unité » des professions uniquement sur un plan symbolique, unité qui est avant tout, pour Rue Bucher et Anselm Strauss, le fruit d’un travail de représentation à l’initiative de groupes dominants ; ce qui les conduit à réfuter son existence, parlant tantôt d’unité « apparente » ou « de façade ». C’est pourquoi ils envisagent leur approche comme la première étape d’un projet de plus vaste ampleur, visant à promouvoir une approche processuelle des groupes professionnels, alternative ou complémentaire au paradigme fonctionnaliste. En pointant le fait que tous les groupes professionnels, y compris médicaux, sont en constante évolution et traversés par des tensions et des divergences, les deux auteurs ôtent en effet l’un de ses fondements à l’affirmation d’une différence de nature entre les activités professionnelles. L’analyse des segments professionnels est, depuis, considérée comme cruciale pour comprendre la dynamique des groupes professionnels, et l’antinomie entre unité et diversité des professions est devenue centrale dans l’opposition entre les tenants des approches interactionnistes et fonctionnalistes des professions.

5Considéré comme « parmi les plus féconds de la perspective interactionniste sur les groupes professionnels » [Dubar et Tripier, 1998, p. 106], cet article a fortement marqué la sociologie française des groupes professionnels qui se formalise dans les années 1990, et qui s’apparente pour certains auteurs à une « sociologie critique » [Champy, 2009a, p. 21], tant en raison de sa prise de distance d’avec les discours produits par les représentants professionnels, qu’avec les analyses fonctionnalistes qui les reprennent trop souvent à bon compte. Les efforts successifs pour définir la notion de groupe professionnel témoignent de cette filiation et de l’indispensable prise en compte de l’hétérogénéité intra-professionnelle, ce qui se traduit, notamment, par une insistance sur le caractère perpétuellement inachevé et inaccompli des groupes. Dans son bilan prospectif de la sociologie française consacré à ce domaine de recherche, Claude Dubar proposait d’appeler groupe professionnel « un ensemble flou, segmenté, en constante évolution, regroupant des personnes exerçant une activité ayant le même nom doté d’une visibilité sociale et d’une légitimité politique suffisantes, sur une période significative » [2003, p. 51]. Il poursuivait, à la suite de Rue Bucher et Anselm Strauss, en expliquant que tous ces groupes, sans exception, s’apparentent à « des processus historiques de segmentation incessante, de compétition entre segments, de “professionnalisation” de certains segments et de “déprofessionnalisation” d’autres segments, de restructuration périodique sous l’effet des mouvements du capital, des politiques des États et des actions collectives de ses membres » [ibid., p. 58].

6De telles définitions reflètent – autant qu’elles ont encouragé – la production de travaux moins normatifs, attentifs à la diversité des trajectoires professionnelles, et documentant le caractère instable de l’autonomie professionnelle [Demazière et Gadéa, 2009]. De fait, nombreux sont les auteurs à mobiliser les concepts de « segment » et de « segmentation » pour décrire l’hétérogénéité des professions et les lignes de clivage les traversant, telles que le genre, la spécialité, le lieu d’exercice, le type de clientèle, le statut d’emploi ou encore la génération. Pensons, sans souci d’exhaustivité, aux travaux sur les conservateurs de musées [Octobre, 1999], les policiers [Boussard, Loriol et Carolyles, 2007], les agriculteurs [Goulet, 2008], les professionnels de la finance et de l’informatique [Lallement et Sarfati, 2009], les chirurgiens [Bercot, Horellou-Lafarge et Mathieu-Fritz, 2011], les architectes [Champy, 2011], les experts-comptables [Dietrich et Moysan-Louazel, 2012], les psychologues [Le Bianic, 2013], les pâtissiers [Collas, 2017], les médecins légistes [Juston, 2017] ou les ambulanciers [Morel, 2018]. Si, à l’instar de ces quelques exemples, l’usage des concepts de segments et la mise en évidence de l’hétérogénéité des groupes constituent rarement le seul horizon intellectuel des travaux, la lecture de certaines monographies professionnelles soulève toutefois quelques réserves. Premièrement, la sociologie des groupes professionnels se réfère surtout aux « clivages » intra-professionnels, c’est-à-dire à la différenciation et au fractionnement des groupes sociaux. Une acceptation large qui tend à éluder la question plus précise des relations ouvertement conflictuelles et antagonistes entre segments, initialement prise en compte par Rue Bucher et Anselm Strauss. Ce constat, qui s’explique sans doute pour partie par un déplacement de l’analyse des conflits au niveau interprofessionnel, suite aux travaux d’Andrew Abbott [1988] sur les luttes de juridiction, appelle une autre remarque. Il n’est pas rare, en effet, de voir certains auteurs recourir à un usage métaphorique des concepts et à ne pas faire de distinction suffisamment claire entre segments et lignes de clivage ; la multiplication des qualificatifs visant à rendre compte du caractère « construit », « négocié », « fluctuant » ou « contingent » des trajectoires des groupes finissant parfois par relever de l’automatisme. Une limite de la lecture des groupes professionnels comme processus historique de segmentation et de restructuration incessante concerne en effet le relativisme inhérent aux approches d’inspiration interactionniste. La mise en évidence du caractère contingent et fluctuant de la dynamique des professions est un résultat puissant permettant de mettre à mal le schème d’analyse fonctionnaliste, mais elle peut faire obstacle à notre compréhension des dynamiques professionnelles quand elle s’accompagne d’une dénégation systématique de l’existence des groupes, et d’une incapacité à comprendre les ressorts de leur unité, aussi fragile ou controversée soit-elle. Surtout, rapporté au questionnement qui est le nôtre, cet héritage conduit parfois à des propositions antagonistes, qui laissent ouvertes la question des effets potentiellement variés de cette hétérogénéité. Ainsi, derrière ce qu’il nomme la « régression professionnelle », Andrew Abbott [ibid., p. 118] retient surtout l’analyse des perturbations induites par la stratification interne, laquelle affaiblit les juridictions en laissant les positions professionnelles de première ligne et de bas statut investies par les membres d’autres groupes. À l’inverse, Eliot Freidson tend pour sa part à minimiser la question de l’incidence des clivages ou segments. Parce qu’il les assimile à de simples positions au sein d’une seule et même profession, il se contente de les considérer tous légitimes même lorsqu’ils se contredisent [Freidson, 2001, p. 144].

7Parce qu’elle s’est aussi attachée à l’analyse de nombreux univers professionnels, il est nécessaire d’examiner comment cette question de l’hétérogénéité et des tensions internes des groupes a été traitée par une partie de la sociologie des mobilisations et des représentations. Indépendamment du fait que toute réflexion sur les modes d’organisation impose de dépasser les cloisonnements scientifiques [Friedberg, 1992], il existe une proximité évidente entre ces questionnements. En relation étroite avec l’État et ses administrations, les professions sont aussi des porteuses de causes, susceptibles de se mobiliser autour d’enjeux variés, de manière feutrée ou publique [Freidson, 1986 ; Champy et Israël, 2009], au point de constituer pour certains auteurs l’un des cas de mobilité collective les plus frappants de l’histoire récente [Starr, 1982, p. 79]. Penser de la sorte revient donc à décloisonner l’analyse, comme nous y invitaient R. Bucher et A. Strauss, tandis qu’ils assimilaient sciemment les professions à des « mouvements sociaux » [1992, p. 278].

La sociologie des mobilisations et des groupes d’intérêt : des représentés aux représentants

8Si les outils d’analyse déployés par la sociologie des mobilisations et des groupes d’intérêt se recoupent largement, signe d’un développement plus large des travaux en sociologie politique, les étiquettes disciplinaires épousent pour partie la nature des rapports sociaux et leurs représentations. La sociologie des mobilisations s’attache plus volontiers à l’analyse des groupes dominés et des classes populaires, là où la sociologie des groupes d’intérêt rend plutôt compte de l’action de groupes dominants ou plus dotés, et dont les modes d’action sont plus institutionnalisés. Cette appréhension du monde social explique que les clivages qui retiennent l’attention des auteurs sont le plus souvent ceux qui séparent les groupes les uns des autres, et constituent un moteur de la lutte des classes. Cette orientation, qui participe parfois d’une naturalisation des groupes lorsque l’objet de la lutte rejoint les valeurs de ceux qui les étudient, détourne le plus souvent l’attention des clivages internes.

9L’hétérogénéité au sein des groupes a néanmoins fait l’objet d’un certain nombre de considérations, lesquelles s’attachent surtout à penser les tensions et décalages entre représentants et représentés. En France, ces réflexions doivent beaucoup aux travaux de Pierre Bourdieu et de son équipe sur la représentation politique. À travers l’analyse du fonctionnement des organisations politiques, dont on sait qu’elles « contraignent sujets et citoyens à s’allier selon des lignes de clivages structurelles » spécifiques [Lipset et Rokkan, 2008, p. 16], P. Bourdieu [1981] s’est en effet attaché à démystifier les relations entre les mandants et leurs mandataires. Si les partis politiques tirent leur légitimité de leur capacité à offrir une représentation du monde social susceptible d’obtenir une large adhésion, leurs prises de position (programme, interventions, etc.) tiennent également aux règles du jeu politique et aux logiques propres au champ politique. Elles sont en effet guidées par un principe relationnel, c’est-à-dire des formes d’opposition et d’ajustement par rapport aux organisations concurrentes et donc à l’espace des prises de position. Un phénomène d’autonomisation du champ de production idéologique qui participe d’une forme de dépossession des mandants au profit des mandataires, puisque les représentants « servent les intérêts de leurs clients dans la mesure (et dans la mesure seulement) où ils se servent aussi en les servant » [ibid., p. 9], la possibilité de détournement étant inscrite dans le fait même de la délégation et passant par des stratégies d’invisibilisation de l’usurpation [Bourdieu, 1984].

10En résonance avec le cours du Collège de France que l’auteur consacre en 1981 à la genèse sociale des groupes, ces réflexions sont très vite adossées à l’examen concret de plusieurs d’entre eux. Outre les « cadres » [Boltanski, 1982], sur lesquels nous reviendrons plus loin, les « agriculteurs » offrent un terrain d’enquête de prédilection pour penser les modalités de représentation du groupe, dans la mesure où ils constituent également une catégorie sociale improbable car extrêmement hétérogène. Impulsée par l’État, la construction d’une représentativité publique des agriculteurs passe par un travail de dépassement – et dans une certaine mesure d’occultation – de l’hétérogénéité du groupe [Suaud, 1984]. Cet exercice est endossé par les dirigeants agricoles dont l’activité nécessite justement de délaisser le mode de vie paysan, mais tout en apparaissant « comme des paysans parmi les paysans » [Maresca, 1981, p. 3], ce qui implique de masquer certaines propriétés sociales, grâce à un travail de mise en scène biographique. Dans sa définition professionnelle, l’unité de la paysannerie est donc « une unité sélective » [Maresca, 1983, p. 281], le travail de représentation se réalisant aussi par le biais des mouvements sociaux. La manifestation du 23 mars 1982 a par exemple contribué à produire une vision unifiée du groupe social, un travail de représentation, fruit d’une concurrence pour le monopole de la représentation entre syndicats, et co-construit avec l’espace médiatique [Champagne, 1984]. Un constat qui sera réitéré quelques années plus tard par Guillaume Courty [1993], lequel, dans un souci d’examiner les outils déployés pour « manifester le groupe », montre bien comment les techniques d’interruption de la circulation ont permis à la catégorie de « routiers » de s’imposer progressivement. Tout en s’élargissant à d’autres univers professionnels, comme les artisans [Zarca, 1986] ou les organisations patronales [Offerlé, 2009], ces approches invitent à décortiquer les technologies de représentation et d’action collective. Elles pointent trois ressorts récurrents que sont la stratégie du nombre, la scandalisation et l’expertise [Offerlé, 1998]. Ces stratégies de représentation, qui conduisent parfois les porte-parole à réinterpréter de manière instrumentale certains clivages, par exemple générationnels, comme chez les buralistes [Frau, 2011], rappellent en définitive qu’il n’y a « rien de plus réglé que l’indignation [et] rien de plus constitué socialement et politiquement que le mécontentement » [Collovald, Gaïti 1991, p. 16].

11Paradoxalement, s’il implique de reconnaître l’hétérogénéité des groupes, l’héritage constructiviste des travaux recensés les conduit à ne pas interroger frontalement le rôle des clivages sur la dynamique des groupes et l’issue des mobilisations, ce dont témoigne en premier lieu l’absence de mentions ou d’entrées spécifiques dans les manuels ou dictionnaires relatifs aux mouvements sociaux. Ce prisme scientifique a deux conséquences, intimement liées. Derrière ce que Guillaume Courty [1997] nomme « l’art de se rassembler », il invite à examiner prioritairement ce qui « rassemble », ce qui permet aux membres de « converger » et de se considérer comme des « semblables », une interrogation partagée par de nombreux chercheurs. À propos de l’émergence des groupes d’intérêt, l’auteur souligne en effet que « tout l’enjeu, pour les futurs membres, consiste à reconnaître dans les autres ceux qu’ils sont (ou ont envie d’être) », le turn-over des membres étant un des résultats de ces opérations de reconnaissance successives [Courty, 2006, p. 57].

12Ce faisant, et c’est là une seconde conséquence de cette orientation scientifique, de telles approches laissent souvent le champ libre à l’idée suivant laquelle ces clivages constituent une entrave ou un handicap. Ainsi, dans son ouvrage de référence sur la transformation de la médecine étatsunienne, Paul Starr impute-t-il la résistible ascension de la profession médicale aux divisions internes, dans une formulation aux accents hypothétiques : « Avant de convaincre le public et l’État de la légitimité de leurs revendications en matière d’autoréglementation, les médecins devaient parvenir à un accord entre eux. Peut-être l’obstacle le plus important à l’affirmation de l’autorité collective de la profession médicale dans l’Amérique du milieu du XIXe siècle réside-t-il dans ses rangs. L’hostilité mutuelle parmi les praticiens, la concurrence intense, les différences d’intérêts économiques et les antagonismes sectaires ont tenu la profession médicale en échec. Divisée intérieurement, elle était incapable de mobiliser ses membres pour une action collective ou de convaincre l’opinion publique. » [1982, p. 80, notre traduction]. Bien qu’il ne s’adosse pas à un univers professionnel, un exemple plus récent se retrouve dans l’ouvrage collectif que Sandrine Lefranc et Lilian Mathieu consacrent aux mobilisations de victimes, les deux auteurs rappelant en introduction qu’« une mobilisation suppose l’unification d’un groupe par homogénéisation de ses composantes et négation ou atténuation de leurs différences » [2009, p. 19] et, en se référant aux travaux d’Anthony Oberschall [1973], que cette « unification ne va pas de soi, et peut s’avérer vulnérable à des tensions ou clivages internes, voire se révéler impossible tant l’hétérogénéité initiale est prégnante » [ibid., p. 21]. Ce présupposé a d’autant moins de chance d’être questionné que l’analyse porte sur des mobilisations improbables, certaines études de cas ayant révélé que, dans un contexte défavorable (précarité du travail, faiblesse syndicale), les ressorts de la mobilisation de salariés étaient avant tout à rechercher dans les solidarités internes au collectif de travail [Collovald et Mathieu, 2009].

13Car, bien entendu, cette question ne prend pas nécessairement la forme d’un impensé. Étudiant la mise en place d’un système de pointage téléphonique dans un collectif de travail d’aides à domicile, Christelle Avril [2009] a pour sa part montré que l’objet du conflit pouvait transcender le clivage qui opposait initialement les travailleuses sur l’introduction de ce dispositif, parce qu’il finissait par porter atteinte à leur autonomie. De son côté, Véronique Marchand [2019] nous apprend que la difficile, voire l’impossible mobilisation collective des commerçants de rue n’est pas intrinsèquement liée à l’hétérogénéité des profils ou des catégories de marchandises, mais tient surtout à la forte concurrence économique entre les vendeurs. Parce qu’elle constitue un enjeu de survie, elle l’emporte sur le fait de partager des conditions d’existence parfois proches, quand bien même celles-ci sont parfaitement objectivées par les intéressés.

Penser la coexistence entre unité et diversité ou le registre de la concession

14Loin d’être sans conséquences, ces perspectives de recherche invitent surtout les auteurs à examiner les conditions de coexistence entre unité et diversité, contribuant à occulter ou différer l’analyse des effets de ladite hétérogénéité. Par-delà les études de cas et traditions scientifiques, deux postures s’opposent sur le plan conceptuel tout en partageant l’objectif de résoudre l’antinomie entre unité et diversité des groupes professionnels. Anciennement défendue par Luc Boltanski à partir de l’exemple paradigmatique des « cadres », la première entend éviter le double écueil qui consiste à « faire comme si le groupe avait existé de tout temps, mais dans le silence de l’objectivité […] ou, à l’opposé, faire comme si l’existence du groupe datait du jour où est institué le nom qui le désigne en propre et où se sont forgés les instruments de sa représentation et de son dénombrement » [Boltanski, 1982, p. 51]. Attaché à rendre compte des processus d’unification symbolique, l’auteur renonce à attribuer au groupe « une unité substantielle et des contours objectifs et précis » [ibid., p. 49]. Cette double exigence lui permet d’expliquer qu’en dépit de la diversité des définitions implicites du groupe des cadres, dont les profils sociaux et les conditions de travail varient considérablement, la cohésion demeure à la faveur de ce flou, chacun trouvant un intérêt – sous forme de bénéfices matériels et symboliques – à se référer à cette catégorie, et donc à en assurer la pérennité. La seconde posture est portée notamment par Florent Champy qui vise précisément à dépasser l’opposition entre approches interactionnistes et fonctionnalistes des professions, « en cherchant à objectiver une unité en dépit de l’image de fractionnement que les professions donnent, puis à voir en quoi l’unité ainsi mise en évidence éclaire d’un jour nouveau la diversité des pratiques » [Champy, 2011, p. 36]. Construite en contrepoint de l’approche privilégiée par Luc Boltanski [Champy, 2009a, p. 124-125], elle se déploie à partir de l’analyse des controverses qui divisent les architectes au cours des années 1930 [Champy, 2009b] et peut être qualifiée de substantialiste en raison de la quête d’une essence desdites professions. Car l’auteur propose de considérer que ce groupe professionnel existe bel et bien, et subsiste dans le temps malgré la diversité des pratiques et malgré les luttes qui opposent certains segments, à travers un socle de « valeurs épistémiques et déontiques » [Champy, 2011] partagées par tous ses membres, ceux qui divergent n’ayant simplement pas la même façon de hiérarchiser ces valeurs communes.

15En dépit de leurs différences, notons que le travail de résolution de l’antinomie débouche dans les deux cas sur une conceptualisation des modalités de coexistence de l’unité et de la diversité qui emprunte au registre de la concession – l’unité « malgré » la diversité ou vice versa – et, surtout, s’écarte du questionnement initial de R. Bucher et A. Strauss sur l’incidence des segmentations intra-professionnelles [2]. C’est vrai du premier, qui semble malgré tout partager la conviction que les clivages restent un vecteur potentiel de scission et donc de remise en cause de l’unité des groupes, tandis qu’il invite à « analyser comment les mécanismes qui régissent l’appréciation par les agents de leur position relative et de leur trajectoire ont contribué à empêcher que les clivages implicites n’aboutissent explicitement à des scissions » [Boltanski, 1982, p. 471]. C’est également vrai du second, qui conçoit un modèle d’analyse dont la logique intellectuelle confine d’emblée – et donc neutralise – l’influence des clivages.

16Si ce registre de la concession reste le principal horizon des tentatives d’actualisation des perspectives de R. Bucher et A. Strauss sur les segments professionnels [Ramirez et al., 2015], plusieurs propositions s’efforcent d’enrichir l’analyse en terme de coexistence. Comme dans le cas de la recherche de Julia Evetts [1998] sur les ingénieurs, la prise en compte des différentes échelles dans lesquelles sont pris ces travailleurs suggère que leur fragmentation à l’échelle nationale peut s’accompagner d’une unification de certains segments sur la scène internationale, processus qui permet au groupe de renforcer sa position sur certains marchés. Pour Carine Ollivier [2012], qui s’est penchée sur le groupe des architectes d’intérieur, le processus continu de segmentation qui caractérise la dynamique du groupe ne doit pas masquer l’apparition de « configurations stabilisées » à certains moments historiques au cours desquels le marché de services correspondant atteint lui-même une organisation relativement stabilisée. D’autres travaux insistent pour leur part sur la culture interne de l’organisation professionnelle qui, à l’instar de la FNSEA, se traduit par « des routines et des comportements réitérés dans l’activité syndicale quotidienne » [Hobeika, 2013, p. 56], lesquels prennent tantôt la forme de rapports clientélistes centrés sur la distribution personnalisée de terres, tantôt « d’un travail de mise en forme symbolique de la cause et du groupe militant » [ibid., p. 69]. Des exemples qui confirment que « les groupes professionnels sont pris dans des tensions, qui se manifestent chaque fois différemment, entre unité et hétérogénéité » [Demazière et Gadéa, 2009, p. 440] et qui, à la faveur d’un travail de comparaison, invitent à identifier les lignes de clivage efficientes et les processus de segmentation susceptibles de mieux renseigner leurs effets.

Pour une prise en compte des effets des clivages

17Si la question des « effets » des clivages intra-professionnels constitue donc un véritable enjeu de recherche, elle n’en reste pas moins glissante et ambiguë. Une telle interrogation présente en effet les mêmes imprécisions et entraîne possiblement les mêmes écueils que celle de « l’influence » et du « pouvoir » des groupes d’intérêt [Offerlé, 1998], ou de la « réussite » d’une mobilisation, qui est tantôt rapportée aux conditions de son émergence ou à sa pérennité, tantôt à sa capacité à contrer ou amender un projet de loi. Pour autant, quelques travaux ont investi empiriquement cette question, suggérant l’existence d’un continuum de situations et appelant la mise en place d’un programme de recherche plus systématique, tout en tenant compte, autant que faire se peut, de la double dimension interne et externe de l’analyse des groupes [Davis et Wurth, 1993].

Ni positifs ni négatifs : le statut ambivalent de l’hétérogénéité et des antagonistes au sein d’un groupe

18Parmi les travaux prenant part au renouvellement de la réflexion sur l’hétérogénéité intra-professionnelle, l’enquête de Jérémy Sinigaglia [2012] sur la mobilisation des intermittents du spectacle porte une attention importante aux contradictions internes et le conduit à affirmer que l’hétérogénéité du groupe n’est pas antinomique de la production de l’action collective. L’auteur prend ainsi ses distances avec la notion de « dispersion » utilisée par Michel Dobry [1986] dans son ouvrage sur les crises politiques. Il en souligne en effet l’implicite, le terme invitant à percevoir l’hétérogénéité d’un mouvement comme « un obstacle à la mobilisation » [Sinigaglia, 2012, p. 259]. Ici, les conditions objectives d’existence des intermittents (précarité, multiplicité des univers professionnels concernés et de leurs connexions respectives, etc.) ont renforcé la mobilisation collective, en favorisant la diversité des formes et des lieux de protestation, lesquels s’appuient notamment sur un réseau de solidarité et d’entraide préexistant, celui-là même que les intéressés convoquent pour limiter l’incertitude et la discontinuité de leur activité professionnelle. De telles analyses permettent de comprendre que l’hétérogénéité ne constitue « ni un obstacle ni un atout », ou que « la réponse [au maintien d’un collectif] n’est pas dans le calcul des intérêts mais dans la pratique même de l’action » [ibid., p. 260]. Elles s’inscrivent de ce point de vue dans la filiation des enseignements du mouvement de désarmement nucléaire dont l’analyse par Robert Benford dans les années 1960 conduisait à affirmer « que les conflits internes [sont] aussi utiles que préjudiciables aux mouvements sociaux et à leurs organisations » [Benford et Snow, 2012, p. 244].

Le rôle des clivages dans l’affaiblissement de l’autonomie des professions et la plus grande intégration des réformes

19Nous l’avons déjà évoqué, rares sont les études qui s’efforcent de rendre compte empiriquement de l’affaiblissement professionnel induit par les clivages. Prenant pour objet d’analyse le monde médical et hospitalier, certains auteurs ont malgré tout interrogé la plus ou moins grande vulnérabilité des groupes face aux multiples réformes qui ont affecté ce secteur. C’est le cas des travaux de Patrick Hassenteufel [1997] sur la représentation médicale dans plusieurs pays de l’Union européenne. La comparaison entre la France et l’Allemagne, notamment, permet de comprendre que l’existence de multiples segmentations professionnelles (diversité des associations et des syndicats, mais aussi diversité des orientations politico-idéologiques) n’a pas la même incidence sur l’autonomie du groupe, suivant le système de représentation professionnelle historiquement privilégié par et avec l’État. L’Allemagne donne à voir des « configurations intégrées » qui, à travers la mise en place précoce d’unions professionnelles, s’accompagne d’une plus grande implication des médecins dans la maîtrise des dépenses de santé et de leurs modalités de rémunération. La France donne au contraire à voir des « configurations fragmentées ». Faute d’être canalisés institutionnellement, les clivages entre organisations syndicales n’ont jamais permis de constituer un front commun face aux réformes souhaitées par l’État. Aussi, à côté des faibles moyens d’expertise dont disposent les organisations syndicales, cette faible institutionnalisation autorise le ministère à jouer sur les critères qui permettent de (dé)légitimer certaines organisations, déterminant ainsi leur présence, ou non, autour de la table des négociations. Tout en tenant à distance la thèse d’un affaiblissant professionnel généralisé et d’un recul de l’autonomie professionnelle, d’autres travaux ont également attiré l’attention sur le rôle de certains segments dans la plus grande intégration de certaines réformes médicales. En lien étroit avec lesdites réformes, leurs intérêts particuliers se manifestent tantôt du côté des élites administratives, comme chez les médecins généralistes anglais à la suite des dernières réformes du système de santé [Saks, 2015], tantôt du côté de fractions moins dominantes, comme les anesthésistes-réanimateurs en France [Benamouzig et Pierru, 2011]. Même si les choix méthodologiques et les niveaux d’analyse ne permettent pas toujours de saisir complètement comment se sont comportés les différents segments professionnels au moment des réformes, sur la base de quels arguments, suivant quelles temporalités, et en interaction avec quelles fractions de l’État, ces recherches sont donc des plus intéressantes du point de vue de l’appréhension des clivages professionnels.

Les effets « vertueux » des conflits

20Enfin, renouant avec les propositions initiales de R. Bucher et A. Strauss, d’autres travaux se sont plus spécifiquement attachés à penser la nature antagoniste des clivages intra-professionnels, pour mieux en suggérer le caractère « vertueux », des propositions contrintuitives qu’il convient de considérer avec la plus grande attention, tant elles tranchent avec les représentations communes. Bien qu’il n’en soit fait aucune mention en France, la recherche d’Alan Richardson [1987] sur les comptables canadiens avait déjà ouvert la voie à une analyse plus approfondie des segmentations conflictuelles. Se référant à l’article séminal des deux auteurs, il développe la thèse audacieuse suivant laquelle la compétition que se livrent les associations professionnelles depuis le début du XXe siècle pour renforcer leurs prérogatives sur le marché du travail a eu des effets bénéfiques pour l’ensemble de la profession. Loin d’affaiblir la communauté des comptables, cette compétition a en effet contribué à rehausser les exigences et les normes professionnelles (généralisation des examens obligatoires, des diplômes universitaires et des titres professionnels) et donc les critères de professionnalité du secteur. Elle a également favorisé une certaine fermeture de la profession, laquelle reste toutefois partielle, puisque les aspirations sectorielles des différentes associations (comptabilité publique, comptabilité industrielle et commerciale, management, etc.) ne dessinent pas des segments étanches, les membres de ces associations continuant d’occuper un large éventail de créneaux professionnels.

21Deux autres propositions se sont plus récemment attachées à penser le statut des conflits. La première repose sur la typologie des segmentations intra-professionnelles proposée par F. Champy [2009a]. L’auteur attire l’attention sur la segmentation « agonistique » qui naît des divergences entre les membres d’une profession quant à la définition de l’activité et quant aux choix à opérer en situation de travail, et qui ne sont pas sans faire penser aux conflits de valeur qu’évoquait Dietrich Rueschemeyer [1964] à partir du cas des médecins et des juristes. Ces luttes, qui peuvent être violentes et donner lieu à des contentieux, ne sont pas nécessairement antinomiques de l’unité des professions. Parce qu’elles se nourrissent des formes d’indétermination persistantes des cultures professionnelles, F. Champy est même tenté d’y voir un puissant facteur d’adaptation des professions aux transformations de leur environnement : « On ne voit jamais mieux ces effets des controverses sur la régulation des pratiques professionnelles que lorsqu’une nouvelle segmentation organique succède à une segmentation agonistique, et y met fin par un partage pacifique du territoire en fonction de critères qui font l’objet d’un accord au sein de la profession » [2009a, p. 138]. Une piste de recherche des plus fructueuses, même si le raisonnement ne tient que parce que l’unité des groupes se réfère ici à l’existence d’une supposée culture commune, la diversité étant renvoyée aux pratiques et aux formes d’interprétations sur la manière de résoudre un problème [3].

22La seconde proposition concerne les conservateurs de musées et est adossée à l’analyse approfondie de la réforme des statuts d’emplois de la fonction publique au début des années 1990. Elle a été l’occasion, pour nous, de montrer que les clivages intra-professionnels qui se déploient dans des séquences politiques et professionnelles bien précises, pouvaient, en lien avec la mise en œuvre des réformes, constituer un puissant ressort de la mobilisation [Hénaut et Poulard, 2018b]. Tandis que l’issue de la réforme statutaire s’orientait vers un traitement différencié des conservateurs des deux fonctions publiques, les conflits entre les deux segments professionnels ont eu un effet vertueux. Contre toute attente, et à la faveur d’un travail de vigilance, d’apaisement et de comparaison, ils ont permis l’intégration de tous les conservateurs de musées dans les nouveaux corps et cadres d’emplois des conservateurs du patrimoine, renforçant le nivellement par le haut des statuts. Un processus qui, sans épuiser l’analyse du travail des hauts fonctionnaires réformateurs, révèle que « l’unité des groupes professionnels peut aussi advenir par leur diversité, et non seulement malgré elle » [ibid., p. 279], suggérant la nécessité de se doter d’un cadre d’analyse souple, ouvert et opérationnel, pour comprendre comment de tels mécanismes se déclinent d’un groupe à l’autre.

Conclusion

23Cette note critique s’est attachée à réinvestir une question anciennement traitée par la sociologie, celle des clivages intra-professionnels et de leurs effets prétendument déstructurant pour le groupe. Ce faisant, elle invite à rompre avec le sens commun suivant lequel ces derniers affaiblissent nécessairement les groupes et leurs revendications. Sans invalider l’existence de phénomènes de fragilisation, elle pointe la nécessité de se doter d’un cadre d’analyse rigoureux permettant de rendre compte de tels processus et non pas de les supputer, comme c’est trop souvent le cas. Nous avons ainsi attiré l’attention sur les limites d’un questionnement cherchant à appréhender les effets sur l’« unité » des groupes. Au mieux, l’absence de registre normatif conduira-t-elle à réitérer le constat d’une coexistence entre unité et diversité, ce qui peut s’apparenter à une étape du travail d’analyse, mais ne doit pas nécessairement en constituer la finalité. Dès lors que l’on considère l’unité des groupes non plus comme un état stable et harmonieux, mais comme une capacité collective à agir qui peut bénéficier au groupe [Hénaut et Poulard, 2018b, p. 279], le raisonnement invite à déplacer la question des effets sur d’autres registres plus précis, comme les trois dimensions de l’autonomie des professions [Boussard, Demazière et Millburn, 2010], et invite à déployer un programme de recherche plus consistant. Celui-ci gagnerait par exemple à approfondir l’analyse des processus de segmentation, initialement développée par et autour d’A. Strauss dans le cadre de travaux confidentiels sur les mondes sociaux, avant d’être réinvestis par d’autres auteurs, comme A. Abbott ou F. Champy. À l’instar des pistes ouvertes par les recherches sur le monde médical, la prise en compte des clivages pourrait également constituer le fil directeur d’un programme de recherche plus systématique sur les relations entre groupes professionnels et réformes publiques [4]. Enfin, et parce qu’aucune perspective de recherche ne saurait prétendre épuiser la réalité sociale, ajoutons, pour terminer, que la question des effets est tout à fait légitime et pertinente dès lors que l’on considère aussi la possibilité que ceux-ci puissent être séquentiels, processuels, indirects, voire peu probants ; l’examen infructueux d’un tel scénario explicatif étant de nature à renforcer la valeur démonstrative d’autres pistes interprétatives concernant la trajectoire du groupe considéré.

Notes

  • [1]
    Comme nous l’avons montré à partir du cas des conservateurs de musées, une manière de rendre compte de la coalescence des segments consiste à substituer au terme « identité » un vocabulaire plus analytique, issu de la sociologie des mobilisations [Hénaut et Poulard, 2018a].
  • [2]
    Il convient bien sûr de ne pas minimiser les spécificités attachées aux groupes étudiés, spécificités qui orientent inévitablement la nature des montées en généralité, par-delà les partis pris méthodologiques et conceptuels des chercheurs.
  • [3]
    La prégnance de ce schème de pensée se lit dans l’absence d’hypothèses ou de pistes de travail concernant d’autres effets possibles des conflits, comme la disparition de certaines spécialités professionnelles, l’implosion d’un groupe ou son affaiblissement en contexte de réforme.
  • [4]
    Pour un approfondissement de ces différentes pistes de recherche, nous renvoyons à notre mémoire d’habilitation à diriger des recherches [Poulard, 2019].

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Frédéric Poulard
Université de Lille, Clersé
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 24/11/2020
https://doi.org/10.3917/rfse.025.0233
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