1 – Introduction
1Avec Tok Tok Tok, puis Take Eat Easy, relayées par Deliveroo, Foodora ou Ubereats, la livraison de repas en ville se réorganise depuis 2014 autour des plateformes numériques d’intermédiation proposant des tarifs de livraison bon marché. Outre ces tarifs, ces plateformes promettent une « révolution » de la livraison de repas à domicile, comme en témoignent ces extraits issus de la présentation de leurs entreprises sur internet : « Chez Deliveroo, nous créons le monde de demain. Nous nous sommes donné pour mission de révolutionner notre façon de manger. C’est un projet ambitieux, comme nous » (site internet, décembre 2018) ; « Take Eat Easy révolutionne la livraison de repas à domicile » (site internet, mai 2015) ; « Réinventons la livraison urbaine » (site internet Stuart, 2018) ; « Une nouvelle façon de faire équipe avec Uber » (site internet, 2018). C’est en particulier la relation d’emploi qui est visée par cette « révolution » puisque, à la différence des entreprises traditionnelles, ces plateformes font appel à des milliers de micro-entrepreneurs en sous-traitance en lieu et place de salariés. Elles leur promettent « horaires flexibles », « paiement rapide », « augmentation des revenus » (Ubereats, 2018), « zéro contrainte » (Stuart, 2018).
2En s’adressant à des travailleurs indépendants et en régulant l’organisation du transport via des applications, ces plateformes semblent proposer de nouvelles modalités dans la relation consommateurs/vendeurs/producteurs/livreurs. Certains y voient une « révolution du travail » [Griset, 2017] qui aurait pour avantage de mettre au travail des chômeurs ou de combler les revenus des précaires [Jacquet et Leclercq, 2016] – les plateformes iraient donc dans le sens des politiques publiques de lutte contre le « sous-emploi » [Abdelnour, 2014] –, d’autres un nouveau modèle d’entreprise qui accentue l’exploitation des travailleurs [Casilli, 2015], une forme de capitalisme spécifique, « le capitalisme de plateforme », correspondant à une mutation des formes d’organisation du travail via un déplacement des responsabilités, un partage inégalitaire de la valeur entre détenteurs des algorithmes et travailleurs, et une mise au travail des particuliers à l’écart des régulations des mondes du travail [Abdelnour et Bernard, 2018].
3À travers l’exemple précis de la livraison de repas, cet article cherche à répondre à la question que pose M. Finkin : « Do we face something new in employment? » [2016, p. 1]. Ce dernier propose d’y répondre en comparant ce capitalisme de plateforme au putting out system (associé à la proto-industrialisation [1]). Selon lui, comme pour S. Abdelnour et S. Bernard, « la période récente voit resurgir un modèle ancien d’éclatement du travail » [2018, p. 10] après un xxe siècle plutôt marqué par l’internalisation. M. Finkin s’attache en particulier à montrer les points communs entre les artisans ruraux, notamment du textile, travaillant à domicile au xixe siècle et les « digital worker » [Casilli, 2015] d’aujourd’hui réalisant des « microtâches » [Lehdonvirta et Mezier, 2013] à domicile à la demande.
4L’activité de livraison est difficile à appréhender via ces notions et cette comparaison, puisqu’elle ne se déroule ni à domicile, comme ces artisans du putting-out system, ni dans les locaux d’une firme. Elle est, en outre, marquée en France par une histoire singulière. Une véritable rupture a en effet lieu dans les années 1980. Jusque-là les tarifs des transports routiers de marchandises (TRM) étaient réglementés et le nombre d’entreprises limité. La déréglementation autorise la création de nouvelles entreprises et la baisse des prix de livraison. Elle initie ainsi la montée de la sous-traitance dans ce secteur. D’ailleurs, dès les années 1980, inquiet du sort des sous-traitants, l’État lançait plusieurs enquêtes empiriques régionales dont les conclusions étaient déjà alarmantes quant à leur situation économique [Violland, 1985 ; Bossin et Patier, 1992].
5C’est pourquoi nous choisissons ici d’interroger cette idée de révolution annoncée par les plateformes au travers d’une autre mise en perspective. Nous procédons à une comparaison entre la sous-traitance de la livraison de repas à domicile par les plateformes numériques qui existent en France depuis 2014 et celle, plus classique, née dans les années 1980, qui consiste également à externaliser la livraison, mais des petits colis, via des tournées réalisées en véhicules utilitaires légers (VUL) à partir d’agences appartenant à des grands groupes de messagerie comme La Poste, DHL, Fedex, etc. Qu’est-ce que la relation de sous-traitance « plateformisée » a de spécifique par rapport à la sous-traitance traditionnelle de la livraison qui n’a cessé de croître en France depuis 40 ans ? Repose-t-elle, comme l’affirment les plateformes, sur un rapport radicalement nouveau qui favorise l’autonomie et la liberté des sous-traitants ?
6Outre le fait que ces deux secteurs sous-traitent chacun les livraisons en ville, les situations de sous-traitance qui s’y déroulent ont en commun d’autres aspects qui expliquent notre choix de les comparer ici.
7D’abord, dans ces deux cas, des relations contractuelles lient une poignée de groupes multinationaux de grande taille et une multitude de très petites entreprises. Dans le cas des coursiers à vélo travaillant pour des plateformes, entre deux et sept enseignes donneuses d’ordres se partagent le marché dans les grandes villes de France en 2018 pour une dizaine de milliers de coursiers sous-traitants. Dans le cas des chauffeurs-livreurs en VUL, une quinzaine de groupes de messagerie dominent le marché pour plusieurs milliers de TPE.
8Ensuite, la sous-traitante est massive dans ces deux secteurs. Les grands groupes de messagerie comme La Poste, DHL, etc. sous-traitent plus de 80 % de leur volume de fret en ville [Rème-Harnay et al., 2014]. Et ce taux est sous-estimé [2]. Quant aux plateformes de livraison de repas, elles sous-traitent 100 % de leurs livraisons.
9De plus, les raisons pour sous-traiter sont sensiblement les mêmes : économiser les frais liés à la relation d’emploi (cotisations patronales, frais de licenciement, paiement des congés) [Perraudin et al., 2014] dans un secteur où les marges sont faibles et la concurrence entre multinationales rude. La messagerie connaît ainsi des résultats nets négatifs depuis longtemps [3]. Quant aux plateformes numériques, seule Deliveroo se déclare rentable en 2018 [4].
10Ajoutons que, pour ces deux situations de sous-traitance, l’organisation des flux de transport est réalisée en interne (dans les départements d’exploitation des groupes de messagerie et dans les services de dispatch via des algorithmes pour les plateformes) alors que l’exécution du transport est sous-traitée, contrairement, par exemple, aux entreprises de courses urbaines traditionnelles, le plus souvent de petite taille, où les salariés sont encore nombreux (comme Urban cycle, Coursier.fr à Paris ou Becycle à Lyon).
11Nous commençons par comparer les relations que les sous-traitants entretiennent avec leurs donneurs d’ordres via la notion de dépendance économique. Plusieurs indicateurs ont été utilisés pour mesurer le degré de dépendance des entreprises sous-traitantes dans la messagerie en Île-de-France [Rème-Harnay, 2018]. Ces mêmes indicateurs sont calculés pour les coursiers via l’enquête décrite dans l’encadré méthodologique (cf. encadré 1) et comparés aux premiers. Cette comparaison suggère que la sous-traitance des plateformes s’inscrit dans le prolongement des stratégies traditionnelles d’évitement de la relation d’emploi (2). Mais elle montre aussi une différence de niveaux de dépendance que les deux parties qui suivent tentent d’éclairer en mettant en évidence deux spécificités particulières de la sous-traitance des plateformes :
- sa gestion numérique, notamment algorithmique, qui, entre incitations et sanctions, permet de standardiser les relations, les dépersonnaliser, mais aussi de supprimer une partie des rigidités de la relation de sous-traitance classique (3) ;
- et le recrutement en masse, sans barrières à l’entrée, de travailleurs non professionnels qui ne sont pas destinés à devenir des chefs d’entreprise et peuvent être contractualisés sur des périodes très courtes (4).
Encadré 1 : Méthodologie
- le premier consiste à interroger 103 livreurs à vélo lors de la récupération de leurs commandes et 22 livreurs en scooter à Paris et Lyon à partir d’un questionnaire ciblé sur la dépendance économique (voir annexe). Les livreurs à vélo ont une moyenne d’âge de 27 ans (24,8 pour ceux en scooter), travaillent en moyenne (et en médiane) environ 30 heures par semaine (34 pour les scooters) et déclarent un chiffre d’affaires mensuel moyen, qui doit être considéré avec précaution car il est parfois évoqué en net ou partiellement déclaré, de 1 524 euros brut (1 725 pour les livreurs en scooter), ce qui suggère un taux horaire moyen de 11,40 euros de l’heure. Ce dispositif implique plusieurs biais. La population interrogée est essentiellement parisienne (10 coursiers travaillent en proche banlieue et 10 autres dans d’autres métropoles françaises). Les entretiens sont réalisés au printemps 2018 hors vacances scolaires et majoritairement sur le créneau méridien, ce qui implique sans doute un biais en défaveur des étudiants et coursiers ayant une autre activité durant la journée. Le recueil instantané des propos des coursiers exclut une vision dynamique de leurs trajectoires. Enfin, il implique l’observation répétée des phases de gestion de l’attente (avant réception d’une notification de livraison ou d’une commande), mais exclut l’observation de la gestion des aléas et de l’application durant la conduite et l’arrivée sur les lieux de livraison.
Des entretiens auprès de 11 coursiers et une coursière rencontrés via le premier dispositif et notre réseau professionnel : 4 étudiants, 1 artiste, 4 multi-actifs, 3 coursiers à temps plein de Paris, Lyon et Nantes ont été interrogés sur leurs trajectoires professionnelles. Les entretiens durent entre 1 h 30 et 3 heures. Cinq d’entre eux ont été suivi pendant un an via des entretiens téléphoniques ou en face à face répétés.
Toutes les plateformes ont été contactées, mais seules deux ont accepté de répondre à nos questions, ce qui biaise également notre enquête. Ont été interrogés des employés au dispatch de Stuart et les fondateurs et employés de Tousfacteurs. Un responsable des opérations et logistiques d’Uber a également répondu à nos questions durant une réunion informelle.
2 – Des entreprises de transport classiques aux plateformes de livraisons : sous-traiter pour minimiser les coûts
12L’un des points communs entre groupes de messagerie et groupes de plateformes de livraisons de repas est la raison principale qui les conduit à sous-traiter, c’est-à-dire la réalisation d’économies sur la gestion de la main-d’œuvre en charge de la livraison, ce qui n’est pas sans conséquence pour celle-ci.
2.1 – Une sous-traitance des livraisons urbaines productrice de dépendance économique pour les chauffeurs-livreurs
13Depuis la fin du contingentement des licences de transport et de la tarification réglementaire à la fin des années 1980, la sous-traitance (cf. encadré 2) n’a cessé de se renforcer dans la messagerie. De 44 % du chiffre d’affaires cumulé des entreprises de la messagerie en 1993, elle est passée à 52 % en 2014 selon les comptes des transports [CGDD, 2016, p. 55]. En ville, elle est évaluée à plus de 80 % des volumes de fret [5]. Il faut dire que les marges de la messagerie sont structurellement les plus faibles des TRM [6]. La sous-traitance est utilisée par les groupes comme Geopost, Geodis, DHL, etc. pour diminuer les coûts liés aux contrats de travail (cotisations patronales, paiement des heures d’absence, frais de licenciement) et contourner les 35 heures de travail hebdomadaires fixées par la convention collective nationale des TRM [7]. Les tournées de livraisons quotidiennes (pouvant aller jusqu’à 140 colis) réalisées en zone urbaine peuvent ainsi fortement s’allonger avec la congestion, les difficultés de stationnement et la densité de livraison.
Encadré 2 : Définition de la sous-traitance
14Le fait de recourir à des sous-traitants plutôt qu’à des salariés n’est toutefois pas sans conséquence. Plusieurs enquêtes montrent la forte dépendance économique des chauffeurs-livreurs sous-traitants (inscrits au registre des transporteurs comme SARL, SARL unipersonnelles, SASU ou entreprises individuelles). En 2015, une enquête réalisée auprès de 67 d’entre eux en Île-de-France durant leurs livraisons montre que seules 10 % des entreprises de transport léger peuvent avoir accès au fret sans passer par un groupe de messagerie. Les 90 % restant font 100 % de leur chiffre d’affaires en sous-traitance. En outre, plus de la moitié des entreprises (34 sur 65) n’ont qu’un seul donneur d’ordres et le chiffre d’affaires moyen réalisé par ces 67 entreprises avec leur donneur d’ordres principal est très élevé : 78 %. Enfin, le nombre moyen de donneurs d’ordres par sous-traitant n’est que de 2,6. Or cette dépendance économique est très défavorable aux sous-traitants.
15On trouve dans ce secteur un taux de défaillance des entreprises deux fois supérieur à la moyenne nationale selon les chiffres de la Banque de France et de l’Institut Coface [8], les entreprises ayant une durée de vie de trois à quatre ans en moyenne [9].
16Les prix ne sont pas négociés par les sous-traitants. Dans l’enquête de 2015, seuls 4 sous-traitants sur 67 estiment avoir pu négocier à la marge leurs prix. Ajoutons à cette rigidité les nombreuses pénalités appliquées par les groupes de messagerie aux sous-traitants qui grèvent leurs chiffres d’affaires (cf. tableau 1).
Grille de pénalités
Délais express non respectés | 20 euros |
---|---|
Livraison manquée (en cas de charge importante) | 15 euros |
Enlèvement manqué | 20 euros |
Envoi non déposé en point relais | 20 euros |
Perte physique d’un colis | 150 euros |
Colis endommagé | 50 euros |
Tenue de travail non correcte | 15 euros |
Information donnée avec un retard de plus de 15 min | 15 euros |
État du véhicule inacceptable | 30 euros |
Grille de pénalités
17Le travail illégal, que ce soient les salariés non ou partiellement déclarés ou les entreprises ayant fait faillite, mais continuant à travailler, concernerait entre un tiers des entreprises de transport léger selon la DRIEA [10] et la moitié selon la FNTR [11].
18Enfin, lorsqu’il n’est pas illégal, l’emploi des chauffeurs-livreurs qui sont salariés des petites entreprises sous-traitantes est très précaire. En effet, la cascade de sous-traitance implique d’une part, que les TPE derniers maillons de la chaîne auront des marges moindres, ce qui implique des salaires peu élevés. D’autre part, bien que les salariés des sous-traitants soient en grande majorité recrutés en CDI, le turnover des entreprises est tel que celui-ci ne représente pas une garantie de pérennité de l’emploi.
19En conclusion, comme dans d’autres secteurs de l’économie [Thébaud-Mony et al., 2015], les TPE en sous-traitance sont captives des groupes de messagerie donneurs d’ordres, et obligées d’accepter leurs conditions horaires et tarifaires, ce qui n’est pas sans conséquence sur les travailleurs, qu’ils soient indépendants ou salariés de ces TPE.
2.2 – Quelle dépendance économique des coursiers vis-à-vis des plateformes ?
20Le secteur de la course urbaine, plus récent, officialisé dans un avenant de 2005 à la convention collective des TRM et via la définition d’une catégorie NAF en 2008 [12], connaît un bouleversement sans précédent avec l’apparition des plateformes numériques en 2014. Dédiées principalement à la livraison de repas dans les grandes villes, les plateformes numériques ont en effet recruté en l’espace de quelques années plusieurs milliers de coursiers en deux-roues, évacuant d’emblée la question du salariat pour les livraisons ; 100 % des repas à livrer sont transportés par des sous-traitants. Les donneurs d’ordres Deliveroo, Foodora, Stuart ont des marges aussi fragiles que les groupes de messagerie, notamment en raison des prix appliqués à la clientèle (autour de 2,50 euros), trop faibles [13] au regard des coûts associés à cette livraison [Blanquart et al., 2019]. La sous-traitance permet précisément de réduire ces coûts.
21Pour déterminer si cette sous-traitance d’économie est porteuse de dépendance économique pour les preneurs d’ordres comme dans la messagerie, un dispositif d’enquêtes similaire à celui de 2015 pour la messagerie a été utilisé (cf. encadré méthodologique). Il repose sur une série de questions précises pour établir des taux de dépendance économique des coursiers. Nous les avons plus précisément interrogés sur leurs donneurs d’ordres principaux et la part qui leur est consacrée dans leur chiffre d’affaires. Il apparaît que sur 103 livreurs à vélo, 81 travaillent exclusivement avec une seule plateforme. En outre, le pourcentage moyen de chiffre d’affaires réalisé par ces 103 livreurs avec leur donneur d’ordres principal est de 95 % (76 % pour ceux qui ont plus d’un donneur d’ordres). Quant au nombre moyen de donneurs d’ordres par sous-traitant, il est de 1,3.
22Ces taux montrent des coursiers fortement dépendants de leur donneur d’ordres principal. Différents pays européens ont d’ailleurs choisi d’utiliser le pourcentage du chiffre d’affaires réalisé avec une entreprise pour déterminer si un indépendant doit être classé comme « travailleur économiquement dépendant » et obtenir ainsi une plus grande protection. C’est le notamment le cas en Allemagne : si un indépendant travaille seul pour plus de 75 % avec la même entreprise, il est considéré comme économiquement dépendant [Antonmattei et Sciberras, 2008 ; Perulli, 2003]. Si l’on retenait ce taux, 100 % des coursiers de notre échantillon appartiendraient à cette catégorie. Les promesses d’indépendance des plateformes semblent largement contredites.
23En outre, comme dans la messagerie, les prix ne sont pas négociés par les coursiers. Ils sont fixés unilatéralement par les plateformes et s’imposent pour tous les sous-traitants d’une même plateforme. La marge de manœuvre en termes de prix est donc encore plus réduite que celle des chauffeurs-livreurs.
24Le travail illégal est également très répandu. Sur 22 livreurs en scooter interrogés, aucun n’est inscrit au registre des transporteurs, ce qui constitue pourtant une obligation légale. Bien que nous ne puissions le quantifier, une partie des coursiers affirment ne déclarer aucun revenu, ou une partie seulement. Enfin, certains coursiers sous-traitent à leur tour les livraisons sans faire de contrat et en prélevant une commission sur leurs sous-traitants, d’autres partagent un même numéro de Siret et se répartissent le chiffre d’affaires.
25Le fait que 78 % des coursiers travaillent pour une seule plateforme est particulièrement surprenant au regard de la flexibilité que les plateformes associent à cette activité. En effet, dans le cas d’un chauffeur-livreur en VUL réalisant des tournées de plus de neuf heures par jour, la possibilité de diversifier les donneurs d’ordres est limitée. Pour une personne seule, enchaîner deux tournées quotidiennes pour deux donneurs d’ordres différents est presque impossible à la fois en termes physiologiques, même en prenant des stimulants [Rème-Harnay et al., 2014] et en termes d’emploi du temps [14]. S’ils veulent diversifier leurs donneurs d’ordres, les sous-traitants de la messagerie doivent donc acheter un second camion et embaucher un chauffeur, ce qui constitue un double obstacle économique.
26Les livreurs à vélo ne font pas face aux mêmes types de contraintes. Les plateformes numériques ont surtout besoin d’eux sur les créneaux correspondant aux repas des midis et soirs qu’ils appellent « shifts ». Les coursiers pourraient donc réaliser facilement des shifts pour deux plateformes dans la même journée ou dans la semaine. Il est d’autant plus surprenant que les taux de dépendance économique soient plus élevés chez eux que chez les chauffeurs-livreurs. Les plateformes seraient-elles en réalité porteuses d’un capitalisme qui rendrait les travailleurs moins autonomes, plus dépendants ?
3 – D’une sous-traitance classique à une sous-traitance numérique gérée par algorithmes
27Les sous-traitants des entreprises de messagerie ont en commun avec les coursiers des plateformes numériques d’être suivis de près par leurs donneurs d’ordres. Géolocalisés via leurs smartphones et le scan des commandes ou des colis, ils sont suivis en temps réel et peuvent être incités à aller plus vite via un appel téléphonique pour les chauffeurs-livreurs, une notification ou un SMS pour les coursiers. Ils sont par ailleurs incités à livrer beaucoup et vite, puisqu’ils sont payés à la course [15] ou au colis livré. Cette relation sous contrôle, proche de la subordination relative au contrat de travail (mais non officiellement), prend toutefois une forme particulière en ce qui concerne les plateformes. En plus du suivi en temps réel, ces dernières utilisent aussi une série de dispositifs numériques pour gérer les ressources humaines qui mêlent incitations et sanctions (bonus, mesures, avertissements, réservation de créneaux restreints, notifications) via ce que Rosenblat et Stark appellent un « management algorithmique » [2016]. Ces dispositifs spécifiques contraignent fortement les travailleurs, ce qui peut expliquer les difficultés à multiplier les donneurs d’ordres.
3.1 – Dispositifs de fidélisation et captation des coursiers
28La dépendance économique est plus forte pour les coursiers que pour les chauffeurs-livreurs (cf. tableau 2).
Synthèse des taux de dépendance comparés
Messagerie (67 livreurs) [16] | Course plateformisée (103 coursiers) | |
---|---|---|
% du CA réalisé avec le donneur d’ordres (DO) principal | 78 | 95 |
% d’entreprises travaillant avec un seul DO | 52 | 78 |
Nb de DO | 2,6 | 1,3 |
Synthèse des taux de dépendance comparés
29L’explication principale des forts taux de dépendance économique de la course repose sur les stratégies numériques mises en place par les plateformes pour décourager la diversification des donneurs d’ordres. Pour pouvoir réaliser des livraisons pour certaines plateformes, les coursiers doivent s’inscrire à l’avance sur une application, un planning proposant des places à réserver sur des créneaux horaires (du type 11 h 30/14 h ou 19 h/22 h). Toutefois l’accès en ligne à ce planning est soumis à conditions. Chez Deliveroo, ce planning est accessible à 11 heures aux coursiers qui ont les meilleurs taux de présence et taux de participations aux pics et les taux de désinscriptions tardives les plus faibles et seulement à 15 ou 17 heures si leurs taux sont mauvais (cf. captures d’écran 1 et 2).
Captures d’écrans 1 et 2 : Planning chez Deliveroo

Captures d’écrans 1 et 2 : Planning chez Deliveroo
30Or, à 15 ou 17 heures, les meilleurs créneaux sont déjà réservés. Les micro-entrepreneurs sont donc en concurrence pour faire remonter leurs taux en étant le plus actif possible sur cette plateforme pour être sûr d’avoir une place vacante. Cela implique par exemple de devoir travailler le week-end. La situation est moins formalisée, mais tout aussi contraignante sur d’autres plateformes : « Il y a peu de places sur les plannings et les créneaux longs sont réservés aux anciens » (coursier Foodora, 2017). La flexibilité qui attire les livreurs qui choisissent cette activité est fortement ébranlée par ces contraintes : « Tu loupes un créneau et tu le perds les semaines suivantes. Il n’y a plus aucune flexibilité si tu veux travailler ! C’est tout le contraire » (coursier Foodora, Lyon, 2018). Lorsque les livreurs ne parviennent pas à s’inscrire, reste la possibilité de travailler sur certaines plateformes sans réservation, mais avec une rémunération moindre. C’est notamment ce que proposent Ubereats ou Stuart. Sur ces deux dernières plateformes, la fidélisation passe davantage par des propositions de bonus, un supplément tarifaire qui varie en fonction des villes et des périodes. Ils correspondent par exemple à des montants (le plus souvent autour de 15 à 50 euros) versés sous conditions (quatre shifts du soir réalisés avec la plateforme sur une même semaine, ou 9,12 ou 15 courses de suite réalisées avec la plateforme ou encore trois heures de connexion minimum par créneau avec trois livraisons effectuées minimum lors de ce créneau) et permettent de doubler ou tripler le taux horaire sur une soirée. En cela les coursiers travaillant pour des plateformes se rapprochent de la catégorie des digital workers définie par Casilli [2015] qui créent de la valeur pour les plateformes et sont soumis à un flux tendu d’injonctions (notifications, alertes…) qui sonnent comme des sommations. En effet, de multiples incitations sont envoyées via des messages des plateformes indiquant les bonus à venir ou un volume de commandes particulièrement élevé sur telle ou telle période. La gestion des pics d’activité est assurée par ces procédés de fidélisation.
31Mais ceux-ci compromettent largement l’indépendance promise par les plateformes. En réalité, les plateformes s’assurent une captation des livreurs plus importante encore que dans la sous-traitance classique.
3.2 – Des revenus variables et non garantis pour les coursiers
32Dans la pratique, malgré les aléas de leurs tournées, les sous-traitants de la messagerie ont généralement un programme prédéfini, une tournée régulière circonscrite à un arrondissement ou un ensemble de communes par exemple avec des points de livraison programmés que l’expérience permet de relier efficacement. La gestion de la tournée, bien que contrainte puisqu’elle implique la livraison de plus d’une centaine de colis, est un gage d’autonomie et une garantie de revenus pour la journée.
33Les livreurs à vélo des plateformes ne connaissent pas à l’avance leur programme : le livreur se rend dans la zone [17] à laquelle il est affecté, se connecte à la plateforme via son smartphone. Il reçoit dans un intervalle de temps plus ou moins long une notification de l’application lui fournissant l’adresse d’un restaurant où récupérer une commande, s’y rend, attend sa réception. Ce n’est qu’une fois la commande récupérée que l’adresse du destinataire apparaît sur son smartphone. Autant dire qu’il ne peut rien anticiper. Si cette adresse est éloignée, hors de sa zone de livraison, le livreur est perdant car il n’est pas payé sur le trajet qui le ramène dans sa zone ou en centre-ville où se trouvent la majorité des commandes. La seule marge de manœuvre pour éviter de trop longues courses consiste alors à la refuser, mais au risque d’abaisser son taux d’acceptation (ce qui aura des répercussions sur l’accès au planning), de rater le bonus, ou de voir son contrat rompu (cf. capture d’écran 3).
Capture d’écran 3 : Rupture de contrat chez Deliveroo

Capture d’écran 3 : Rupture de contrat chez Deliveroo
34Chez Foodora refuser une livraison est considéré comme un « dérapage ». À partir de deux dérapages mensuels, les bonus sont perdus, à partir de quatre, le contrat est rompu (cf. capture d’écran 4).
Capture d’écran 4 : Règles en cas de « dérapages » chez Foodora

Capture d’écran 4 : Règles en cas de « dérapages » chez Foodora
35L’algorithme d’allocation des commandes, secondé par une équipe de dispatcheur, est, en outre, régulièrement modifié par les plateformes notamment pour élargir les zones de livraison et atteindre une clientèle potentielle plus importante (cf. capture d’écran 5).
Capture d’écran 5 : Extension de zone de livraison chez Deliveroo

Capture d’écran 5 : Extension de zone de livraison chez Deliveroo
36Chez Deliveroo, des changements tarifaires accompagnent la modification de l’algorithme. Les contrats de sous-traitance sont signés pour une seule année. En 2015, les coursiers sont rémunérés 7,50 euros de l’heure plus 2 à 4 euros la livraison avec des bonus (0,50 euro si trop d’attente au restaurant, entre 0,5 et 1,5 euro par course en cas de pluie, bonus week-end autour de 50 euros avec trois soirs travaillés) et des minimums garantis (36 euros les quatre heures si plus de six commandes). En 2017, la tarification horaire est remplacée par une tarification à la course de 5 euros (5,75 à Paris). Un an plus tard, Deliveroo introduit la possibilité de connaître l’adresse de livraison moyennant un tarif découpé ainsi : 2 euros pour la récupération de la commande + 1 euro pour la livraison + l’ajout d’un coefficient kilométrique dont Deliveroo ne précise pas le calcul tout en précisant que la tarification globale ne descendra pas en dessous de seuils fixés par ville (cf. capture d’écran 6).
Capture d’écran 6 : Grille tarifaire chez Deliveroo

Capture d’écran 6 : Grille tarifaire chez Deliveroo
37Si l’on considère que les coursiers réalisent en moyenne entre 2 et 2,5 courses à l’heure (comme dans notre échantillon), un shift de trois heures à Paris pour 2,25 courses de l’heure est donc passé de 49,50 euros avec la première tarification, à 38,80 euros pour la deuxième tarification et 32,4 au minimum pour la dernière.
38La tarification de 2018 de Deliveroo se rapproche fortement de celle proposée par un autre géant du secteur, Ubereats : un forfait de 2,50 euros pour le retrait de la commande + 1 euro pour sa livraison + un coefficient kilométrique, tarification à laquelle Uber retranche 25 % et ajoute d’éventuels bonus. L’idée de coefficient kilométrique peut d’ailleurs être remise en cause. Nos observations des données des livreurs Ubereats montrent que les rémunérations ne varient pas proportionnellement à la distance d’une part, parce que le calcul des distances est réalisé par la plateforme via un logiciel propre aux voitures, calqué sur celui d’Uber et, d’autre part, parce qu’il fonctionne aussi par zones. La tarification peut donc difficilement être anticipée par le coursier.
39Si le fonctionnement centralisé de ces algorithmes est avantageux pour les plateformes, il contrevient aux logiques d’autonomie qu’elles promeuvent (« Deviens coursier et travaille en toute liberté. Flexibilité, indépendance. Sois libre. Aménage ton planning. Choisis quand livrer. Deviens ton propre patron », affiche le site de Deliveroo en 2018), puisque le revenu des livreurs est déconnecté des horaires réalisés et ne peut être garanti tout comme leur volume d’activité. Ils dépendent entièrement du nombre et de la longueur des commandes qui leur seront allouées, contrairement aux situations de sous-traitance classique où l’anticipation est plus facile.
3.3 – Dépersonnalisation des relations de sous-traitance
40Alors que dans la messagerie, les chauffeurs-livreurs sous-traitants sont régulièrement en contact avec leurs donneurs d’ordres, ne serait-ce que chaque matin au dépôt avant de partir en tournée, les plateformes semblent vouloir à tout prix s’affranchir de contacts directs, physiques avec les livreurs sous-traitants, dépersonnalisant leurs relations (cf. capture d’écran 7).
Capture d’écran 7 : Exemple de contact dépersonnalisé

Capture d’écran 7 : Exemple de contact dépersonnalisé
41Les entretiens révèlent quasi systématiquement la pauvreté de ces relations : « Vous n’avez absolument pas accès à quelqu’un qui fait le dispatch, à quelqu’un qui gère les applications » ; « Il n’y a […] aucun contact » ; « Ils n’ont plus besoin de personnes dans les bureaux ici, ils viennent quelques jours et ils s’en vont » ; « Il n’y a aucune interface humaine » ; « Ils demandent constamment de faire remonter des éléments pour ceci pour cela. Au début on le faisait, mais ça sert à rien. Ils s’en foutent » ; « Vous ne rencontrez plus personne et en face de vous. L’entreprise envoie des mails automatiques, un service à Madagascar qui répond à vos messages » [18].
42L’essentiel des relations se fait par e-mail ou centre d’appels. L’interaction est presque entièrement virtuelle. Éventuellement des SMS sont échangés, mais le plus souvent dans le sens plateforme vers livreurs. Et même lorsqu’un contact téléphonique ou face à face existe, l’utilisation d’un vocabulaire prédéfini impliquant la répétition des mêmes phrases finit par devenir un mur auquel se confronte le livreur, comme l’explique l’un d’eux qui voit sa rémunération passée de l’heure à la course lors d’un appel téléphonique :
« Ils nous ont fait appeler par les mecs des bureaux. C’est arrivé à un moment où je ne travaillais pas. Ils me disent : “J’ai une annonce vraiment importante à te faire concernant ta rémunération. C’est une opportunité pour toi tu vas gagner plus d’argent” […] Après on est allés voir le bureau et ils ont continué de cette manière-là, à répéter les mêmes phrases […]. Ils ne lâchaient pas l’affaire en disant : “Non, mais les gars on a amélioré plein de choses pour vous, vous vous rendez pas compte ce qu’on fait pour vous ; est-ce que vous savez combien ça coûte ?” »
44Alors qu’il existe dans la sous-traitance transport classique un cadrage formel des ruptures de contrat via le contrat-type (encadré 2) qui suppose un préavis modulable en fonction de l’ancienneté de la relation, les contrats sont plus aisés à rompre pour les plateformes puisqu’il suffit de refuser l’accès aux plannings en ligne au coursier dont on souhaite se séparer. D’ailleurs, le turnover est d’environ 10 mois sur notre échantillon contre 4 ans pour les chauffeurs-livreurs.
45Le passage du salariat à la sous-traitance permettait déjà d’économiser les frais de licenciement. Le management numérique permet, en plus, de limiter les inconvénients de la sous-traitance classique, d’éliminer les rigidités qui empêchent la baisse des coûts, et de gérer les pics d’activité. Les barrières à l’entrée liées à la possession d’un camion et les règles du contrat-type sous-traitance peuvent être contournées. Avertissements, sanctions, ruptures, changements de tarifs ne peuvent être discutés par les coursiers. Ils sont notifiés le plus à distance possible.
46Ce refus du contact s’explique aussi par la peur de la requalification des contrats de sous-traitance en contrats de travail, pour laquelle des consignes sont transmises à tous les niveaux de la plateforme. Ainsi un directeur des opérations d’une plateforme explique-t-il ne pas diffuser d’informations sur les formations auprès des livreurs ni proposer d’évolution des postes de travail, parce que ces mesures pourraient être interprétées comme les indices d’un lien de subordination. Un salarié au dispatch d’une plateforme cherche des outils pour éviter d’utiliser des termes évoquant un tel lien :
« Je suis en train de mettre en place avec mes collègues le vocabulaire à utiliser quand on doit suspendre quelqu’un de la plateforme parce que dans notre tête… on peut vite… quand il y a des drivers qui sont provocants, qui attendent la faute de notre part pour pouvoir porter plainte ou autre […]. On fait toujours très attention surtout dernièrement il y a beaucoup de contestations, des mouvements de syndiqués, il faut vraiment être carré au niveau des suspensions de partenariat. »
48Dans la messagerie, le contrat-type sous-traitance est perçu comme une « arme anti-requalification » [Tilche, 2015]. Il protège les donneurs d’ordres en considérant des éléments que l’on pourrait associer à de la subordination comme propres à un système spécifique de transport. Ne bénéficiant pas (encore) d’une telle arme, les plateformes numériques courent le risque de voir leurs coursiers requalifiés, ce qui engendrerait d’importants frais de licenciement [19].
49Via la gestion algorithmique de l’organisation des livraisons, les plateformes de livraison de repas mettent en œuvre une gestion des ressources humaines que Galière [2018] considère comme fortement prescriptive, contrairement au mythe de l’indépendance du travailleur [Stemler, 2017] véhiculé par ces plateformes. Ces techniques de contrôle proches de la subordination, mais qui cherchent à s’affranchir de toutes les rigidités liées à cette subordination juridique des contrats de travail ou même de la sous-traitance classique, témoignent d’un perfectionnement de la relation de sous-traitance du côté des donneurs d’ordres.
50Il n’est pas sans peser sur le développement des microentreprises : les coursiers ne savent pas combien de kilomètres ils parcourront, combien de courses ils réaliseront. Ainsi le taux de rémunération horaire ne peut être anticipé.
4 – D’une sous-traitance à des professionnels du transport au recours à des particuliers
51Dans la messagerie, les chauffeurs-livreurs peuvent être recrutés en tant que sous-traitants s’ils disposent d’un VUL, ont un siège social en France, remplissent une condition d’honorabilité, détiennent une capacité professionnelle impliquant une formation et une capacité financière de 1 800 euros. Les coursiers travaillant pour des plateformes n’ont à remplir ces conditions que s’ils sont motorisés. Pour les autres, il suffit de posséder un vélo (ou d’en utiliser un en accès libre) et un smartphone pouvant accueillir les applications des plateformes. Le statut de digital worker est accessible à tous, y compris les migrants ou anciens détenus. De fait, nul besoin de CV, de lettre de motivation, d’entretien d’embauche. L’absence de barrières à l’entrée permet de recruter au sein d’un large vivier de coursiers et de gérer les pics d’activité, l’un des principaux problèmes de la livraison urbaine, en embauchant, puis en rompant les contrats.
52Plutôt que d’évoquer « l’armée de réserve » disponible pour remplacer les coursiers qui n’auront pas été assez fidèles ou disciplinés, les plateformes présentent généralement leur entreprise comme une source de revenus complémentaire pour des jeunes sportifs déjà occupés : « Collaborez avec UberEats et découvrez un nouveau moyen d’augmenter vos revenus » (extrait présentation site, 2018) ; « Être coursier me permet d’avoir une activité totalement indépendante et flexible, je peux choisir mes horaires en toute liberté : cela me permet de garder du temps pour mes projets perso » (extrait site Deliveroo, 2018) ; « La flexibilité de notre service permet aux coursiers de s’organiser librement et de générer des revenus supplémentaires pendant leur temps libre » (extrait site Glovo, 2018). Au contraire de la sous-traitance transport classique, les plateformes proposeraient donc une forme d’emploi flexible qui permettrait aux travailleurs de faire évoluer leurs propres projets. Qu’en est-il en réalité ?
4.1 – L’impossible développement de la microentreprise
53Alors que les chauffeurs-livreurs sont souvent d’anciens salariés qui ont été poussés à se mettre à leur compte par leur ex-employeur, l’entrepreneuriat est pour les coursiers une obligation imposée d’emblée par les plateformes. Bien que les coursiers aient le statut de microentrepreneurs, ils n’ont d’entrepreneur que le nom. La micro-entreprise, une fois créée, ne peut être développée dans le cadre des contrats signés avec les plateformes. Elle ne donne pas lieu à des recrutements, à la définition d’une stratégie d’entreprise pour accaparer telle ou telle clientèle ou développer de nouveaux produits. Les coursiers ne deviendront jamais, en tant que tels, chefs d’entreprise.
54D’un autre côté, en tant que non-salariés, ils n’auront droit ni à des formations ni à des promotions internes.
55Les plateformes compensent-elles cette absence de perspectives par de nouveaux choix, de nouvelles opportunités offerts à leurs coursiers que n’auraient pas les sous-traitants classiques en permettant la multiactivité ?
4.2 – Une flexibilité horaire offerte pour d’autres projets ?
56Dans l’échantillon de l’enquête sur les chauffeurs-livreurs de 2015, 15 % des sous-traitants de la messagerie travaillent à temps partiel alors que 76 % ont des horaires supérieurs aux horaires légaux des salariés de la convention collective. Seul un chauffeur-livreur cumule plusieurs activités professionnelles : il entreprend une formation de chauffeur de bus l’après-midi. Contrairement aux tournées des chauffeurs-livreurs, le fonctionnement par shifts implique un découpage de l’activité qui permet aux plateformes d’attirer les coursiers au moment des pics et aux coursiers, en théorie, de réserver des moments pour leurs projets personnels. Et en effet, dans l’enquête 2018 sur les coursiers des plateformes, la multiactivité concerne presque la moitié de l’échantillon (47,5 %), comme le montre le tableau 3, alors que 32 % seulement pratiquent des horaires au-dessus du seuil légal :
Répartition des livreurs en fonction des activités exercées
Types de pratique de l’activité | Nb de livreurs concernés sur 103 |
---|---|
Livreurs à temps plein (≥35 heures) (dont deux livreurs développant une coopérative en plus) | 45 |
Livreurs à temps partiel (≤34 heures) | 58 [20] |
Livreurs à temps partiel ayant une autre activité | 47 |
– Étudiants | 27 |
– Artistes (dont un au statut d’intermittent) | 10 |
– Salariés (CDI, CDD, Alternance) | 6 |
– Micro-entrepreneurs dans un autre domaine | 2 |
– Retraité | 1 |
– Service civique | 1 |
Répartition des livreurs en fonction des activités exercées
57Plus précisément, ils sont une vingtaine dans l’échantillon à cumuler deux activités professionnelles (hors études).
58Cinq d’entre eux ont une activité principale qui leur fournit une rémunération suffisante pour vivre, l’activité avec la plateforme est secondaire. Elle représente entre 500 et 1 000 euros par mois : un barman de 46 ans dans un TGV sur 35 heures en horaire de soir ou nuit, un intermittent vidéaste de 40 ans qui boucle ses fins de mois et comble les trous de son emploi du temps, le propriétaire d’un studio photo de 28 ans qui arrondit ses fins de mois, un chauffeur poids lourds de 40 ans en CDI à temps partiel subi, un cadre informatique de 30 ans. La possibilité de ne travailler que certains soirs avec la plateforme est intéressante dans leur cas pour l’obtention d’un revenu supplémentaire. L’activité de course est faiblement contraignante, elle est plutôt considérée comme proche du loisir rémunéré et expliquée par d’autres motifs que le profit : « se vider la tête », « faire du sport », « découvrir la ville », etc.
59Quinze autres combinent l’activité de livraison pour les plateformes, comme source principale de revenu, avec une autre activité professionnelle. Leurs caractéristiques sont assez variées, mais ils gagnent tous entre 1 000 et 2 000 euros mensuels via la plateforme, et leur dépendance économique oscille suivant la temporalité de leurs activités : la nécessité impérieuse de financer un projet professionnel qui ne dégagera pas avant longtemps de rémunération suffisante (Damien), le financement d’un projet qui sera très rémunérateur à court terme (Mathieu), la combinaison de plusieurs activités rémunératrices sans précision de temps (Mehdi). L’encadré 3 illustre, au travers de ces exemples, le caractère transitoire ou non de l’activité de course et ses conséquences en termes de dépendance économique.
Encadré 3 : Différents types de dépendance économique
Damien, 29 ans, livreur à vélo à Lyon depuis janvier 2016, a toujours eu des petits jobs pour financer son activité d’artiste. Le travail de livreur est un gagne-pain dès le départ, mais conçu comme moins pénible que ceux qu’il a déjà pratiqués : restauration rapide, cuisinier dans un sous-sol, etc. La dépendance économique vis-à-vis des plateformes est maximale, car il a besoin de cette activité rémunératrice pour financer son activité artistique. Lorsqu’il cesse d’être coursier, quelque temps après le changement de tarif de Deliveroo, il se remet à la recherche de toute sorte d’emplois alimentaires (en intérim, en CDD, parfois non déclarés) à nouveau dans une précarité économique qu’il avait espéré remiser. Dans cette logique, la livraison est un « petit boulot » préféré aux autres parce qu’exercé à vélo, mais lorsque sa rémunération baisse, sa préférence pour un autre travail mieux payé et associé à une protection sociale augmente.
Enfin, Mehdi, 22 ans, a arrêté l’école en 3e. Après « avoir joué à la Play » pendant quelques années contre la promesse faite à ses parents qu’il commencerait à travailler à 18 ans. Il a enchaîné pendant quatre ans des missions de moins de six mois comme intérimaire en tant que manutentionnaire, préparateur de commande et commis de cuisine. Puis il a vu une annonce pour être « vélotaxi » en tant qu’autoentrepreneur, ce qui lui permettait d’échapper à « trop d’autorité », de « rencontrer des gens et de discuter », activité pour laquelle il est rémunéré environ 60 euros pour 7 heures de travail, mais qu’il fut obligé de cumuler avec une activité de livraison de repas pour Ubereats le soir pour 60 euros les 15 courses en 4 heures de travail. La course lui permet de doubler son revenu. Bien qu’il se soit déclaré pleinement satisfait de ces 66 heures par semaine au moment de notre entretien, il a changé de voie quelques mois après pour devenir peintre en bâtiment.
60Outre cette vingtaine de coursiers multiactifs, les étudiants sont, sans surprise, ceux qui travaillent le plus à temps partiel pour ces plateformes, et qui ont le revenu mensuel le plus faible (moins de 1 000 euros par mois pour la majorité d’entre eux). Pour les 27 étudiants de l’échantillon, cette rémunération est leur seule source de revenu (en dehors des aides familiales et étatiques). La spécificité du dispositif d’enquête durant les livraisons a relégué les questions liées à l’aide parentale et aux loyers en fin d’entretiens, elles n’ont pas été systématiquement posées. Les éléments recueillis montrent toutefois une multiplicité de situations faisant écho aux travaux de V. Pinto [2014] sur les « petits boulots » étudiants. Le travail de livraison correspond à un continuum entre deux types de situations : d’un petit boulot à côté des études perçu comme provisoire à une éternisation du petit boulot pour ceux qui ont connu des difficultés dans leur cursus scolaire et leur insertion professionnelle. Cette pratique de la livraison comme petit boulot chez les étudiants, comme chez ceux qui cumulent plusieurs activités, pose néanmoins question dans la mesure où, ici, ce petit boulot ne ressemble pas aux emplois d’étudiants classiques : il ne garantit pas de revenu stable et ne donne lieu qu’à des prestations sociales a minima liées à la Sécurité sociale des indépendants. Plutôt que de petit boulot, il faudrait donc parler de « petite sous-traitance ».
61Contrairement aux entreprises de messagerie qui sous-traitent, les plateformes offrent donc bien une flexibilité temporelle qui permet aux coursiers de passer de 5 heures à 40 heures d’une semaine sur l’autre, et ainsi de développer leurs projets personnels, mais sous certaines conditions. Casilli [2015] décrit cette figure du digital worker comme un exploité faiblement aliéné tel que le définit Fisher [2010] : « Les utilisateurs ne sont peut-être pas éloignés de leur propre subjectivité (donc ils ne ressentent pas d’aliénation d’un point de vue moral) ni de leur communauté d’affects (pas d’isolement dans des contextes de sociabilité numérique), mais leur maîtrise sur leurs propres données et sur les contenus de leurs activités est amoindrie par la structure commerciale des plateformes numériques (ils sont aliénés au fruit même de leur travail) » [Casilli, 2015b, p. 20]. Si l’on suit ce dernier, ces coursiers n’étant pas déconnectés de leurs passions, leurs projets, acceptent plus facilement l’exploitation par les plateformes.
4.3 – Un travail à temps plein sans perspective ?
62Dans notre échantillon, 43 % des livreurs travaillent à temps plein (35 heures ou plus). L’horaire médian de ce sous-ensemble est plus précisément de 40 heures hebdomadaires. Les 45 coursiers travaillant à temps plein ont les plus forts taux de dépendance économique : ils réalisent en moyenne 96,4 % de leur chiffre d’affaires avec leur principal donneur d’ordres, et ont un nombre moyen de 1,18 donneur d’ordres par coursier. Leur taux horaire moyen est, en outre, de 10,59 euros de l’heure, en dessous du taux moyen de l’échantillon de 11,40 euros.
63La moitié de ce sous-ensemble de livreurs à plein temps occupaient un emploi en intérim ou en CDD dans les secteurs de la restauration, du BTP, de la livraison, de la préparation de commande ou de l’animation avant de devenir coursiers. 30 % de ce sous-ensemble étaient en recherche d’emploi au moment de leur inscription (et le sont encore dans certains cas), une proportion supérieure à la moyenne nationale (21,4 % des hommes de 15 à 24 ans sont au chômage selon l’enquête Emploi 2018). Enfin restent quelques livreurs aux expériences diverses (échec à des examens en attente de les repasser, absence de nationalité française, première activité professionnelle après les études ou après un décrochage scolaire…).
64Ce sous-ensemble de livreurs a des points communs avec celui des chauffeurs-livreurs de la messagerie qui sont souvent d’anciens chômeurs ou d’ex-salariés du transport [Rème-Harnay, 2018]. Autre point commun, alors que les étudiants ou les biactifs dont la livraison pour des plateformes est la source de rémunération principale se fixent le plus souvent une durée limitée pour pratiquer cette activité, c’est moins vrai pour les livreurs à temps plein. Comme les chauffeurs-livreurs, ils n’envisagent pas de changer d’activité à moyen terme. Ils sont ceux qui envisagent le moins clairement leur avenir, comme le montrent ces extraits d’entretiens :
- A., 32 ans, Paris : « Après mon BTS assistant-architecte, je n’ai eu que des stages, c’est pour ça.
- Moi : Vous avez cherché un emploi d’assistant-architecte, mais vous ne trouviez pas ?
- A : Non, que des stages. Donc, coursier, c’est ce que je fais maintenant, je pense pas à après » ;
- V., 20 ans, banlieue parisienne : « J’ai raté mon bac STMG, j’aimerais bien faire un truc manuel […]. Mais c’est cher comme formation et ça veut dire deux mois sans salaire, il faut que je voie » ;
- I., 18 ans, en BTS de management des unités commerciales en alternance. Il est livreur car n’a pas trouvé de contrat en alternance en entreprise et a renoncé à devenir professeur de sport : « Avec mon bac pro, on m’a déjà dit que je ne pourrai pas aller en licence Staps. Je fais ça (parlant de la livraison) et on verra. »
65Toutefois, les coursiers travaillant pour des plateformes sont à un moment de leurs trajectoires professionnelle et personnelle différent de celui des chauffeurs-livreurs en général. Ceux-ci, avec un âge médian de 44 ans [21], ont en effet le plus souvent une expérience de salariés du transport ou d’autres secteurs [Cholez, 2001]. Leurs perspectives d’évolution en tant que salariés se sont raréfiées au fil du temps : devenir conducteurs poids lourds est plus difficile du fait de la baisse d’activité dans le transport de longue distance en France, et les postes au sein de la partie exploitation des entreprises de transport sont désormais occupés par d’autres sortant directement de formations spécifiques. C’est pourquoi l’auto-exploitation en dehors de l’entreprise paraît une des seules perspectives envisageables. La réussite y est cependant rare. Ceux qui parviennent à dégager des bénéfices sont les entreprises les plus grosses et les plus anciennes [Rème-Harnay, 2018].
66Les coursiers, eux, ont moins d’expérience professionnelle. Ils sont plus jeunes (27 ans dans l’échantillon en médiane) et ont moins de responsabilités familiales. La sous-traitance pour les plateformes est rarement pratiquée sur le long terme. Ainsi, parmi les 11 coursiers suivis pendant un an, 7 ont arrêté cette activité au cours de l’enquête. Celle-ci, pratiquée de manière éphémère et sans perspective de croissance de l’entreprise, est rarement associée à un gage de réussite. Toutefois, l’idée qu’elle génère des revenus importants demeure véhiculée à la fois par les plateformes sur certains forums ou groupes Facebook et par certains coursiers. Par exemple, le chiffre d’affaires brut des deux activités de micro-entrepreneur de Mehdi (encadré 3) sur un mois se monte à 3 000 euros pour 66 heures hebdomadaires. Ce chiffre lui paraît attractif, puisqu’il représente plus du double du salaire net qu’il recevait en intérim, mais il travaille également le double d’heures pour une protection sociale inférieure ! Ils sont, en outre, six dans notre échantillon à déclarer des chiffres d’affaires bruts de plus de 3 000 euros par mois [22] : l’un est « ambassadeur » chez Foodora – il obtient un revenu supplémentaire en contrepartie d’un shift d’essai réalisé avec les candidats coursiers –, deux autres travaillent entre 55 et 70 heures sur les créneaux Deliveroo les plus rentables (vendredi soir et week-end où les courses sont plus nombreuses), et ne déclarent aucun de leurs revenus, un autre fait se chevaucher des shifts pour trois plateformes différentes afin de multiplier les courses. L’idée d’un gain conséquent est ainsi entretenue par ces exemples, alors que les rémunérations octroyées par les géants du secteur sont de moins en moins intéressantes. La diminution des volumes de commande, des bonus ou des rémunérations figure d’ailleurs comme premier motif d’arrêt de l’activité [23].
5 – Conclusion
67À partir des années 1980, les groupes de messagerie remplacent progressivement leur personnel roulant salarié par des sous-traitants, en particulier dans les zones denses où la livraison coûte cher. Les livreurs salariés sont dès lors incités à se mettre à leur compte ou réservés aux clientèles les plus attractives, les sous-traitants étant relégués aux tournées les plus difficiles. Pour les plateformes de livraison de repas, il n’est plus question ni de remplacement ni de partage salariés/sous-traitants. Le recours à la sous-traitance pour la livraison est total et permet d’économiser une partie des coûts d’un transport facturé environ 2,50 euros aux clients. Ces deux situations de sous-traitance sont des cas classiques d’externalisation des coûts et des risques et de contournement des conventions collectives et législations horaires. De même, les récompenses, comme les sanctions, représentent des formes de contrôle classiques communes à ce type de relations de sous-traitance au statut juridique ambigu, très proche du lien de subordination associée aux contrats de travail sans être juridiquement qualifié comme tel. Il n’y a donc, dans cette sous-traitance propre au capitalisme de plateforme, comme l’explique Galière [2018], aucune innovation radicale.
68Deux spécificités concourent néanmoins à renforcer la dépendance économique des sous-traitants vis-à-vis des plateformes : le contrôle et la discipline des sous-traitants qui travaillent à distance via un management algorithmique, et le recrutement de jeunes particuliers travaillant par à-coups au lieu de professionnels. Ces spécificités apparaissent comme des perfectionnements notables permettant aux plateformes d’éliminer les rigidités que conservait encore la sous-traitance classique. D’ailleurs, cette dernière semble s’inspirer de plus en plus de cette façon de faire. Ainsi l’entreprise dédiée aux transports d’Amazon propose-t-elle désormais aux États-Unis à des particuliers de devenir livreurs sur certains créneaux, le concept étant à l’étude pour l’Europe.
Notes
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[1]
Bien qu’il perdure durant le xixe siècle.
-
[2]
Au moment du calcul de ce taux en 2011 n’existaient pas encore Colis privé et Amazon logistics, qui sous-traitent 100 % de leur fret. Par ailleurs, plusieurs groupes ont depuis augmenté leur taux de sous-traitance en ville (comme Gefco et Geodis).
-
[3]
Voir par exemple Insee, Esane 2013 et 2015, ligne 5229A.
-
[4]
Les autres n’y parviennent pas encore. TokTokTok a été rachetée, Take Eat Easy a fait faillite, et Foodora s’est retirée de France fin 2018.
-
[5]
Voir note 2.
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[6]
Enquêtes Esane 2007 à 2014, Insee.
-
[7]
Une tournée réelle demande 45 heures en moyenne pour l’Île-de-France en 2015 [Rème-Harnay, 2018].
-
[8]
Rème-Harnay, 2018.
-
[9]
Entretien DRIEA 2014, confirmé par l’ancienneté médiane des livreurs salariés des entreprises de moins de 10 salariés dans l’enquête Emploi 2017.
-
[10]
Idem.
-
[11]
Entretien DRIEA et FNTR 2014.
-
[12]
Autres activités de poste et de courrier.
-
[13]
Ce faible prix est contrebalancé par une commission prélevée au restaurateur pouvant aller jusqu’à 30 % de la valeur de la commande.
-
[14]
S’y ajoutent des clauses contractuelles limitantes [Rème-Harnay, 2018].
-
[15]
Bien que Foodora ait conservé une partie de paiement horaire (7,50 €/h + 2 à 4 €/course) et Stuart un minimum garanti de 9 €/h en cas de réservation de shift.
-
[16]
Précisons que les coursiers ont cité 7 donneurs d’ordres (Deliveroo, Ubereats, Stuart, Popchef, Foodchéri, Glovo et Foodora) alors qu’ils étaient 15 pour la messagerie.
-
[17]
Paris était découpée en 13 zones au début de l’enquête.
-
[18]
Entretiens avec des coursiers à Paris, Lyon, et Nantes (2017).
-
[19]
Dès 2018, la cour de cassation avait statué sur la requalification en salarié d’un coursier travaillant pour la société TEE (arrêt 1737 du 28 novembre) au motif que TEE était dotée d’un système de suivi des coursiers en temps réel et disposait d’un pouvoir de sanction. Le 4 mars 2020, l’arrêt 374 de la Cour de cassation validant la requalification d’un chauffeur VTC Uber laisse présager de possibles requalification à venir pour les livreurs.
-
[20]
La proportion est plus importante que la moyenne puisque, selon l’enquête Emploi 2017, 19 % des indépendants travaillent moins de 35 heures par semaine.
-
[21]
Enquête emploi, 2017.
-
[22]
Il faut déduire de leurs chiffres d’affaires 22 % maximum pour la Sécurité sociale des indépendants (5 %, 11 %, 16 % respectivement les trois premières années s’ils bénéficient de l’Acre), ainsi que les frais d’entretiens du vélo et l’anticipation des congés.
-
[23]
Elle apparaît dans six entretiens longs pour expliquer l’arrêt, et est citée par 20 % des coursiers en activité comme une crainte.