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Introduction : d’où vient la valeur ?

1L’articulation entre monnaie et valeur reste un terrain actuel d’investigation. Deux interrogations principales traversent ces recherches : la première porte sur l’introduction de la monnaie dans les modèles d’équilibre général et la seconde renvoie à l’intégration, dans les rapports sociaux de production, des approches qui font de la monnaie la forme de la valeur dans les sociétés marchandes [1].

2Dans cette seconde perspective, le choix d’une technique d’échange (monnaie plutôt que troc) est considéré comme nécessairement collectif, puisque l’individu doit se préoccuper des autres pour savoir si la monnaie peut lui être « utile », c’est-à-dire si elle sera acceptée par tous. Or, comment expliquer que les agents élisent une monnaie plutôt qu’une autre et pourquoi un équilibre monétaire a-t-il été choisi plutôt qu’un équilibre de troc (dans lequel le prix de la monnaie est nul) ? Les critères de ce choix restant non résolus (propriétés intrinsèques à l’objet choisi ? Convention imposée par un pouvoir souverain ? Mécanismes autoréférentiels ?), deux pistes de recherche peuvent être développées. La première vise à déterminer, hors de la théorie de l’équilibre général, l’origine de la monnaie et la forme de la valeur dans une économie marchande (piste 1). On y trouve, entre autres, les analyses de la monnaie d’André Orléan et de Michel Aglietta qui visent à caractériser la relation monétaire indépendamment des rapports de production. La seconde, au contraire, tente d’analyser les formes monétaires sans les dissocier des rapports de production (piste 2). Dans ce cas, deux sous-directions peuvent encore être distinguées. L’une s’intéresse à l’articulation entre théorie des prix et monnaie tout en conservant l’hypothèse de la valeur travail (piste 2a). Ce sont par exemple les travaux de Jean-Marie Harribey qui s’attachent à montrer l’impossible conciliation entre approche monétaire de la valeur et détermination des prix par des conditions sociales et techniques de production [2]. L’autre porte sur le lien entre économie monétaire et salariat, avec les travaux de Jean Cartelier notamment (piste 2b). C’est ce dernier point qui nous intéressera.

3Nous partons de l’hypothèse que la monnaie, comme forme de coordination des décisions individuelles dans une économie marchande, n’est compréhensible qu’à partir du moment où les rapports de production sont réintroduits. Cette position se distingue de la position (2a), car l’approche que nous proposons ici ne vise pas à interroger l’articulation entre valeur et prix. En cela nous nous plaçons dans la continuité de l’approche d’André Orléan et Michel Aglietta dont l’objectif est de saisir l’institution de la valeur dans les sociétés marchandes sous sa forme d’équivalence générale. Mais l’analyse que nous proposons ici ne se fait pas dans un « vide productif [3] ». À partir de l’exemple allemand, qui ne constitue pas un cas paradigmatique, mais un angle d’analyse spécifique illustrant notre perspective, nous montrons que l’approche monétaire de la valeur omet une dimension fondamentale de la monnaie en tant que médium de la valeur : sa capacité à faire référence à une valeur extrinsèque à elle-même. Si donc la monnaie est (la forme de la) valeur dans les sociétés marchandes, elle ne peut s’imposer comme telle que si l’ordre monétaire sur lequel elle repose dépasse la contradiction entre être valeur et mesurer la valeur. Pour cela, la monnaie doit nécessairement générer un espace d’appartenance que constitue la communauté des échangeurs. Pour analyser les formes monétaires, il convient donc d’étudier aussi cette force symbolique qu’a la monnaie de pouvoir renvoyer à un collectif qu’elle participe à créer. La monnaie étant une technique d’échange résultant d’un choix collectif, il apparaît d’autant plus pertinent d’intégrer cette dimension à l’analyse de la forme monétaire. Pourtant, cet aspect est peu étudié dans les théories économiques [4]. C’est pourquoi nous proposons ici d’étudier non pas comment se réalise ce choix collectif, mais le type de collectif auquel la monnaie fait référence.

4Pour ce faire, nous nous appuyons sur l’analyse d’André Orléan et Michel Aglietta de la monnaie souveraine. Les deux auteurs soulignent le caractère nécessairement intersubjectif de la convention monétaire et donnent un rôle central à la confiance pour stabiliser l’ambivalence de la monnaie entre violence et confiance. La monnaie présente ainsi une structure triadique fondée sur la confiance méthodique, hiérarchique et éthique [Aglietta et Orléan, 1998 et 2002]. La confiance éthique est la forme de confiance la plus élevée. Notre objectif est ici d’analyser plus précisément le « contenu » de cette notion, puisqu’elle fait justement référence à la dimension symbolique de l’appartenance sociale : « [La confiance éthique] […] renvoie à l’autorité symbolique du système des valeurs et normes collectives, consensuellement acceptées, qui fonde l’appartenance sociale […] » [Théret, 2008, p. 818]. Or cette notion semble difficilement objectivable (et donc opérationnalisable) : dire que la monnaie repose sur l’intériorisation de normes collectives qui donnent à la monnaie sa puissance symbolique, c’est-à-dire sa capacité à s’imposer à l’individu comme principe légitime de médiation de la valeur, ne permet pas de comprendre l’objectivation de la monnaie comme un « voile » dans les échanges, c’est-à-dire médium d’une valeur fondée en dehors d’elle-même : si la monnaie est (forme de la) valeur, elle agit comme si la valeur était créée en dehors d’elle et elle se donne à voir comme un simple médium d’une valeur extrinsèque. Autrement dit, la monnaie sort du domaine de l’intersubjectivité pure (confiance) pour entrer dans celui de l’objectivité (expression de la valeur) [Virely, 2018]. Il s’agit donc d’étudier les conditions de possibilité de cette dissociation entre la monnaie et son ancrage (la convention) qui assure sa valeur. Cet ancrage peut être fondé sur le pouvoir fiscal (approche néochartaliste), sur le savoir d’un ordre naturel et la représentation d’une harmonie (les théories de l’équilibre), sur la fiabilité d’un ordre institutionnel (ordo-libéralisme), sur un espace cognitif à structurer (convention), sur la confiance (monnaie souveraine)… L’objectif de cet article n’est pas d’ajouter un élément à cette liste. Il est à la fois plus limité et plus vaste : il s’agit de montrer que la compréhension de cette nature dichotomique de la forme monétaire marchande suppose nécessairement d’intégrer les rapports de production.

5Nous reviendrons d’abord sur les théories de la monnaie souveraine. Nous ferons ressortir les principaux éléments du dilemme entre valeur et monnaie pour montrer que l’adoption d’une approche monétaire de la valeur (la monnaie est valeur) n’oblige pas à raisonner dans un « vide productif ». L’approche de Jean Cartelier nous permettra, ainsi, d’intégrer le rapport salarial comme un rapport spécifique de soumission monétaire et de dissocier équivalence générale et société marchande. Ce faisant, la nature sociale de la monnaie et sa capacité à s’imposer comme médium de la valeur ne sont plus explicitées mais simplement postulées. Il semble dès lors impossible d’articuler valeur, monnaie et rapport salarial.

6Dans un second temps, nous resserrons l’analyse au cas allemand en nous interrogeant sur le processus d’institutionnalisation de la monnaie comme médiation sociale fondée sur la règle monétaire de stabilité des prix. L’étude commence en 1974, avec l’adoption par la banque centrale allemande d’un objectif d’évolution de la masse monétaire, et s’arrête avec le lancement de l’euro qui signe le transfert de la souveraineté monétaire au niveau européen. L’analyse de la politique monétaire de la Bundesbank ainsi que de ses justifications visera à déterminer quelle est la convention monétaire qui assure la stabilité de l’ordre monétaire allemand et permet de fonder la monnaie comme opérateur dans les échanges.

7La troisième partie nous permettra de réintégrer les rapports de production en tant que rapports de valorisation pour déterminer d’où vient le pouvoir symbolique de la monnaie lui permettant de s’imposer comme opérateur dans les échanges. Nous étudierons ainsi les formes d’évaluation du capital accepté en garantie pour accéder à la liquidité, ainsi que celles régissant la valorisation du facteur travail via la codétermination. Ces évaluations, en s’écartant du principe d’équivalence générale, permettent de créer la dichotomie nécessaire de l’ordre monétaire entre valeur et mesure de la valeur.

8Enfin, nous dresserons en conclusion quelques pistes pour reconsidérer l’articulation entre valeur et monnaie au prisme du rapport salarial.

2 – Valeur ou monnaie : faut-il choisir ?

9L’approche monétaire de la valeur pose que la forme prise par la valeur dans les sociétés marchandes est celle de l’équivalence générale et conclut à l’autoréférentialité de l’espace de la valeur ainsi créé par la monnaie [Orléan, 2018]. Mais l’intégration du rapport salarial à l’analyse de la forme valeur des sociétés marchandes montre que l’équivalence générale n’est qu’une des formes monétaires possibles de la valeur dans ces sociétés. Par conséquent, la forme de la valeur serait dépendante des types de rapports de production qui s’établissent… Or la prise en compte des rapports de production ne permet plus de déterminer pourquoi une technique monétaire a été choisie plutôt qu’une autre. Dès lors, l’articulation entre valeur et monnaie, dans les théories non standard qui s’écartent de la théorie de l’équilibre général, semble confrontée à un trilemme de la valeur.

2.1 – L’analyse de la valeur : le débat entre valeur et monnaie

10Selon André Orléan et Michel Aglietta, l’échange ne s’explique pas par une valeur intrinsèque lui préexistant, mais par le désir de monnaie, c’est-à-dire par un désir de liquidité [5] : « L’équivalence marchande résulte du désir que tous les producteurs échangistes éprouvent à l’égard de la monnaie, désir qu’on trouve dans toutes les économies marchandes » [Orléan, 2018, p. 11]. La monnaie devient alors à la fois la mesure de la richesse et cette richesse elle-même. En ce sens, la théorie monétaire remplace (et doit remplacer) la théorie de la valeur : « Il n’y a d’expression de la valeur que monétaire » [Orléan, 2011, p. 29]. Cette valeur est dite autoréférentielle en ce qu’elle ne renvoie à rien d’autre qu’elle-même : « Autrement dit, la monnaie institue un espace abstrait de mesure, l’espace des prix. […] Elle peut être dite autoréférentielle par le fait qu’elle ne renvoie qu’à elle-même, comme l’est également l’espace du droit ou de la religion » [Orléan, 2018, p. 19]. Mais apparaît ici une contradiction. En effet, la monnaie dans les sociétés marchandes doit nécessairement générer un espace extérieur à elle-même (la valeur) pour être acceptée comme monnaie, tout comme la religion crée et dissocie l’espace du sacré et du profane par rapport à une référence extérieure aux relations sociales que représente la divinité, ou le droit, entre conformité et non-conformité en fonction d’une norme supérieure extérieure, là aussi, aux parties prenantes. Autrement dit, la monnaie génère bien un espace abstrait de mesure régi par l’équivalence générale, mais cet espace n’est pas autoréférentiel en ce qu’il repose, au contraire, sur la dissociation de l’espace de mesure et de l’espace des valeurs.

11Par ailleurs, l’analyse mimétique pose deux autres difficultés : 1) elle semble incompatible avec l’existence, pourtant débattue, de sociétés monétaires non marchandes et 2) elle ne permet pas, pour les sociétés capitalistes, de prendre en compte la spécificité du rapport salarial puisque, par définition, le salarié n’est pas producteur- échangiste mais a un statut particulier de soumission aux ordres du producteur.

12À l’inverse, dans le prolongement des théories de la monnaie souveraine, mais en s’écartant de l’hypothèse de l’origine mimétique de la monnaie, l’approche de Jean Cartelier cherche à intégrer les rapports salariaux en tant que rapports monétaires et fait de la monnaie une institution avant tout politique inséparable du type de médiation qu’elle implique. Si l’on suit cette analyse, la distinction monnaie – société marchande/don – société non marchande n’est pas valable. Il existe des sociétés monétaires non marchandes. La circulation monétaire n’y est pas dictée par la logique de l’équivalence générale et de la substitution, mais par celle de l’identique et du remplacement. Ainsi « à côté de l’approche réelle (ou par la valeur) reposant sur l’équivalence existe depuis l’origine une approche alternative par la monnaie au sein de laquelle la relation d’équivalence n’est qu’une des relations possibles, une autre étant le rapport salarial interprétable comme une “soumission monétaire” » [Cartelier, 2002, p. 6]. Par conséquent, la forme monétaire d’équivalence générale est une forme monétaire spécifique à côté d’autres formes (monétaires) possibles, notamment celle articulant rapport salarial et soumission monétaire. Dès lors, l’étude de la monnaie dans les sociétés marchandes devrait nécessairement passer par la prise en compte des rapports de production en ce qu’ils déterminent le sens (the signifiance[6]) pris par la monnaie, et donc son fonctionnement en tant qu’opérateur social.

13Néanmoins, l’approche de Jean Cartelier renonce à expliquer l’existence de la monnaie qu’elle postule d’origine politique [Piluso, 2018]. Tout se passe donc comme si on ne pouvait avoir, en même temps, une théorie sur la source de la valeur, une théorie monétaire expliquant l’intégration de la monnaie dans les rapports d’échange et une analyse du rapport salarial caractérisé par la dépendance du travailleur face aux propriétaires des moyens de production. C’est ce que nous appellerons le trilemme de la valeur.

2.2 – Le trilemme de la valeur

14La figure 1 schématise ce point : seuls deux des trois objectifs précédemment cités peuvent être atteints en même temps. Ainsi, la théorie de Michel Aglietta et d’André Orléan permet de réintégrer la monnaie dans une théorie de la valeur en abandonnant une théorie de la valeur-substance et en faisant de la monnaie la forme de la valeur. Pour ce faire, elle exclut de l’analyse les rapports de production (théorie de l’exploitation fondée sur la valeur travail et la plus-value) et se trouve dans l’incapacité de prendre en compte l’effet symbolique de la monnaie marchande qui repose sur la dichotomie entre ce qu’elle mesure et elle-même, soit entre le signifiant (la valeur) et le signe (la monnaie) (côté a du triangle).

Figure 1

Le trilemme de la valeur

Figure 1

Le trilemme de la valeur

Légende :
a: Approche monétaire de la valeur
b: Monnaie équivalence générale et principe d’accumulation capitalistique : A – M – A’
c: Rapport salarial comme rapport de soumission monétaire.
Source : auteur.

15À l’inverse, la théorie de la valeur travail de Marx permet d’articuler une théorie de la valeur à une théorie du rapport salarial comme rapport d’exploitation dans lequel le surtravail est accaparé par les propriétaires des moyens de production. Mais la théorie marxienne de la valeur travail soulève d’importantes difficultés, entre autres sur la distinction entre travail abstrait et travail concret et est largement discutée (côté b).

16Enfin, l’analyse de Jean Cartelier permet de combiner une théorie de la valeur monétaire à un rapport salarial de soumission monétaire (les salariés n’ayant pas accès directement à l’émission monétaire, mais indirectement via le versement de leur salaire), mais ce faisant n’explique pas l’origine de la monnaie (côté c).

17De ce trilemme découle notre questionnement : comment réintégrer dans l’analyse de la forme valeur, comme mode spécifique de coordination des agents marchands, une analyse des rapports de production (limités ici au rapport salarial) sans pour autant retomber dans les travers des analyses de la valeur substance (travail, utilité…) et ainsi articuler valeur, monnaie et rapport salarial ?

18Un premier glissement est envisageable : il s’agit de considérer – ce que font André Orléan et Michel Aglietta – que l’établissement d’une convention monétaire (quelle monnaie ?) va de pair avec l’institutionnalisation de règles visant à sauvegarder cet ordre monétaire. On peut donc interroger les effets symboliques (comme référant à un être ensemble) de cet ordre monétaire. Pour ce faire, nous étudierons l’ordre monétaire allemand qui repose sur une dichotomie forte entre valeur et monnaie. Nous nous intéresserons à l’univers symbolique généré par la Bundesbank (Buba) pour construire la légitimité du principe de stabilité monétaire, au fondement de l’ordre monétaire.

3 – Le discours de légitimation de la banque centrale allemande et la politique monétaire

19La littérature relative à la conduite de la politique monétaire de la banque centrale allemande sur la période 1974-1999 montre que celle-ci était bien plus pragmatique que ne le laisserait supposer l’introduction officielle d’un objectif de croissance de la masse monétaire en 1974. Les analyses s’accordent en effet pour conclure à des stratégies souples et mixtes : « orthodoxie pragmatique » [Brociner et Chagny, 1996], « discipline discrétionnaire » [Posen, 2000], voire à des stratégies d’Inflation Targeting (IT) [Bernanke et Mihov, 1997], même si la Buba s’est toujours défendue de conduire une telle politique [7]. Elles permettent de faire ressortir d’éventuels décalages entre, d’une part, la justification théorique de l’action monétaire, fondée sur l’objectif de stabilité des prix, et, d’autre part, la pratique effective de la banque centrale (BC). Nous montrerons d’abord quels sont les principes sous-jacents à la politique monétaire de la Buba, puis comment cette politique s’écarte du discours de la BC fondé sur la théorie monétariste et l’hypothèse de neutralité de la monnaie.

3.1 – La politique monétaire de la Buba : entre ciblage de l’inflation et préconisations monétaristes

20Depuis 1974, la Buba détermine officiellement une cible monétaire pour la conduite de sa politique. L’adoption de cette règle monétaire laisse donc à penser que la BC suit les préconisations de la théorie monétariste. Dès lors, elle devrait être indifférente au dilemme inflation/chômage et rester libre de tout intérêt personnel ou de toute pression (par exemple l’accès au crédit). Dans le cas contraire, les interventions de la Bundesbank pourraient être qualifiées de « politiques » en ce qu’elles joueraient sur le partage des richesses indépendamment de leurs conséquences sur les prix. De ce fait, l’aspect politique des interventions de la BC peut être appréhendé en établissant dans quelle mesure ces interventions sont dictées par l’évolution de la masse monétaire ou, au contraire, par d’autres facteurs, notamment réels (dilemme inflation/ chômage, partage de la valeur ajoutée…).

21Si, en 1974, l’évolution globale de la masse monétaire devient un objectif de la politique monétaire, la Buba continue d’annoncer des cibles d’inflation. Ces dernières correspondent entre 1975 et 1985 à l’« inflation inévitable » et peuvent donc varier. À partir de 1985, la cible est fixée à 2 %. La Bundesbank semble ainsi subordonner ses objectifs de croissance monétaire à ses objectifs d’inflation. Selon Ben S. Bernanke et Ilian Mihov [1997], entre 1975 et 1990, l’inflation prévue à moyen et long terme explique mieux la politique monétaire suivie par la BC que l’évolution de la masse monétaire. Après la réunification et le choc de l’union monétaire, la Buba semble encore plus nettement donner la préférence au ciblage de l’inflation, quitte à dévier de ses cibles monétaires. Cependant, la fixation d’une cible d’inflation reste articulée à un politique de contrôle de la masse monétaire, celui-ci étant considéré comme stabilisant davantage les anticipations inflationnistes [Bundesbank, 1995, p. 67-68]. La politique monétaire n’est donc pas strictement monétariste dans les instruments qu’elle utilise mais semble, pour autant, bien rester uniquement orientée vers la stabilité des prix.

22Néanmoins, Richard Clarida, Jordi Gali et Mark Gertler [1997] montrent que, d’une part, la Buba utilise souvent l’excuse du taux de change pour mener des politiques contracycliques et que, d’autre part, elle répond de manière asymétrique à l’inflation selon les périodes. Ainsi, entre 1975 et 1978, la Buba suit une politique souple et graduelle pour atteindre l’objectif d’inflation fixé à 4,5 % et en limiter les impacts réels négatifs. Par contre, après le second choc pétrolier, la Buba mène une politique monétaire plus restrictive arguant de l’échec de la stratégie suivie lors du premier choc pétrolier et de la dépréciation du DM. En 1988, suite à la dégradation de la situation économique, la Buba baisse néanmoins ses taux de court terme s’appuyant, cette fois-ci, sur la forte appréciation du DM. On ne peut néanmoins pas directement déduire de ces pratiques que la Bundesbank dévierait du mandat qui lui a été dévolu. Il faut, en effet, se demander si, dans les choix de la banque centrale allemande, l’inflation joue le premier rôle ou si d’autres considérations ont aussi leur place. L’étude de Ben S. Bernanke et Ilian Mihov précédemment citée conclut plutôt que l’intérêt porté à d’autres variables que la masse monétaire (production industrielle et taux de change) n’est pas un intérêt en soi, mais qu’il est lié à leurs conséquences sur l’évolution de la masse monétaire.

23À l’inverse, d’autres éléments nous permettent de souligner l’existence de déviations par rapport à l’objectif de stabilité des prix. Ainsi semble-t-il en être de la réaction de la Buba à la crise du SME. En 1992, l’évolution de M3 avait dépassé de plusieurs points la fourchette supérieure. La Buba se montre d’abord peu flexible. Mais le 13 septembre 1992, le ministre des Finances allemand annonce une baisse des taux directeurs. Or, d’après la loi fondamentale qui régit les compétences de la Buba, cette décision relève de la BC. Qui plus est, quelques jours auparavant, le président de la BC, Helmut Schlesinger, annonçait qu’aucun desserrement monétaire n’était envisagé. Contre toute attente néanmoins, le 14 septembre, pour la première fois depuis cinq ans, la Buba baisse ses taux.

24De même, Andrew Brociner et Odile Chagny [1996] constatent à propos de la banque centrale allemande entre 1975 et 1987, que « […] l’évolution de la masse monétaire constitue sa référence de long terme, mais l’assise de sa crédibilité semble reposer bien plus sur l’efficacité de son intervention dans le jeu social, que sur le respect de la progression des agrégats monétaires » [1996, p. 101]. Enfin, Philipp Maier et al. [2002] montrent que les pressions en faveur de taux d’intérêt plus faibles conduisent de facto à des taux plus faibles que les taux calculés par la fonction de réaction économique retenue. Les auteurs soulignent en conséquence que « la Bundesbank n’opère pas dans un “vide politique” » [2002, p. 841].

25Ainsi, et malgré ses dénégations, la Buba ne suit pas une politique monétariste « pure » et ses objectifs peuvent être, à des périodes données, en faveur de la croissance. Néanmoins, et c’est là le point important, la théorie monétariste et le ciblage de la masse monétaire concourent à une stratégie de communication adoptée par la BC pour maintenir le consensus quant à son fonctionnement. Ce discours permet l’émergence et le maintien d’un récit collectif sur le bien-fondé d’une action monétaire supposée extérieure et neutre sur le partage de la richesse.

3.2 – La communication de la Buba et la « culture de stabilité monétaire »

26Si la neutralité économique est une condition de l’action de la banque centrale dans la stabilisation des anticipations, cette neutralité n’est évidemment pas un donné, mais un construit social : « la “neutralité” et l’“indépendance” sont […] des constructions politiques, qui consistent précisément en la transfiguration de l’ordre politique en un ordre supérieur » [Lebaron, 1997, p. 72]. Elle s’ancre en Allemagne dans la tradition, largement documentée, de l’ordo-libéralisme. L’explication de cette doctrine sort du cadre de cet article [8]. Nous soulignerons simplement que la conception monétaire des ordo-libéraux repose sur l’idée que la monnaie est la dette ultime qui permet d’éteindre toutes les autres. La variation du pouvoir d’achat de la monnaie peut donc influer sur la distribution de richesse entre créditeurs et débiteurs. La monnaie, et sa valeur, deviennent ainsi un levier potentiel du pouvoir politique pour modifier le partage des richesses en sa faveur. En outre, la forme monnaie-crédit introduit une contradiction entre le principe de crédit (régi par la concurrence entre banques) et celui de la protection des dépôts des épargnants, créant une situation d’aléa moral pour les banques. Enfin, l’inflation risque d’être entretenue par les organisations syndicales qui demanderont des augmentations de salaire, suite à la croissance d’abord, puis à l’inflation ensuite [9]. De ces différentes considérations, les ordo-libéraux concluent qu’il faut dégager la monnaie des intérêts privés, syndicaux et étatiques. Pour ce faire, il faut inscrire la mission de la BC ainsi que le principe de son indépendance dans la constitution [10]. La stabilité monétaire devient la garante de l’ordre économique et de l’ordre social. Elle relève d’une justification civique, comme expression de la démocratie dans l’ordre économique, et d’un principe de justice, en ce qu’elle protège le pouvoir d’achat de tous.

27Dès lors, la stratégie communicationnelle de la BC doit lui permettre de montrer que ses décisions sont orientées vers l’intérêt général, lui-même confondu avec l’objectif de stabilité des prix. Pour que cette stratégie soit crédible, celle-ci doit s’appuyer sur une narration permettant l’émergence d’une « culture de la stabilité » qui pourra constituer un soutien des politiques menées [11]. Barbara Drexler et Birger B. Priddat [2007] distinguent ainsi différentes stratégies communicationnelles : la stratégie monétariste fondée sur l’équation de Fisher, la stratégie interventionniste orientée vers le soutien à la demande dans une perspective keynésienne et enfin la stratégie de ciblage d’inflation, selon la règle de Taylor. La Buba se range dans la première catégorie. La BC s’attache à faire comprendre, à l’ensemble des non-spécialistes, l’idée monétariste d’une dichotomie entre sphère réelle et monétaire, ainsi que l’inefficacité d’une politique monétaire expansive sur les variables réelles [12]… et ce même si la pratique monétaire de la BC est beaucoup plus pragmatique (cf. supra). En ce sens, le discours monétariste participe d’une légitimation de la Buba et de son objectif (unique) de stabilité des prix. La neutralité monétaire de la théorie monétariste s’articule ainsi parfaitement à la neutralité ordo-libérale comme dépolitisation du pouvoir de la monnaie en tant que dette ultime.

28Par ailleurs, la figure de neutralité de la BC est assurée par des dispositifs institutionnels visant à déconflictualiser et à dépolitiser ses prises de position [13]. Les positions minoritaires ne sont publiques qu’une fois la position officielle arrêtée et le vote ainsi que les protocoles de sessions restent secrets. De même, si des divergences peuvent survenir entre le directoire et les représentants des Länder, le premier dispose d’un pouvoir non négligeable grâce aux opérations d’open market : les volumes des interventions prévues sont rarement atteints. Le directoire peut donc tout à fait mettre le conseil devant le fait accompli en accentuant une évolution du taux du marché qui imposera, de fait, un ajustement (désiré) des taux directeurs [Fricke, 1993]. De plus, les LZB doivent représenter la Buba au niveau régional, ce qui permet à celle-ci d’avoir un maillon plus proche des milieux d’affaires et bancaires locaux. Enfin, si des désaccords existent avec le gouvernement, le plus souvent sur la politique de change qui n’est pas du ressort de la Buba, au niveau international, le gouvernement et la Buba doivent nécessairement rapprocher leur vision pour que leurs divergences ne puissent servir d’appui à des négociations qui pourraient être défavorables aux intérêts allemands. Ainsi, si les conflits existent, l’architecture institutionnelle de la Buba permet d’en limiter les conséquences sur la politique monétaire suivie et donne à l’objectif de stabilité des prix une légitimité fondée sur l’image d’une BC ne poursuivant pas d’intérêts particuliers ou politiques, mais cherchant le bien commun. En ce sens, l’objectif de neutralité est dépolitisé.

29D’autres facteurs, davantage culturels, sont invoqués pour expliquer le large consensus autour de l’objectif de stabilité des prix, notamment la peur de l’inflation liée à l’hyperinflation allemande des années 1920. Plus récemment, l’expérience de la stagflation peut avoir ravivé l’idée générale que la stabilité des prix est une condition nécessaire, même si non suffisante, à la croissance économique. Dans le même sens, Benoît Chervalier, souligne qu’« en vertu d’un système de valeurs mis en place après 1945, l’économie, la monnaie, le commerce extérieur ont constitué l’identité politique allemande » [2009, p. 129]. Mais la référence à la « culture » ou à l’« identité » allemande peut être trompeuse en ce qu’elle donne pour cause ce qui est la conséquence de la capacité de la monnaie à créer la croyance dont elle a besoin pour pouvoir être acceptée par tous. Ainsi, « pour bloquer une dynamique généralisée de méfiance, pour empêcher le retour de la violence réciproque […], le système homogène doit sécréter une mythologie de la stabilité et du consensus communautaire » [Orléan et Aglietta, 2002, p. 183]. La « culture » de stabilité ne serait donc que l’effet symbolique généré par un ordre monétaire organisé autour de la prédominance de la liquidité sur la solvabilité [14]. Or la structuration oligopolistique des syndicats fait peser un risque inflationniste si les salaires augmentent plus vite que la productivité marginale des travailleurs [15] ; d’où l’absolue nécessité pour la Buba de maintenir une forte crédibilité quant à l’objectif de stabilité des prix… et l’utilisation du discours monétariste pour stabiliser les anticipations.

3.3 – Bilan intermédiaire sur le trilemme de la valeur

30Parvenus à ce stade, nous pouvons donc répondre à la question de l’articulation entre monnaie et valeur en ces termes : Qu’est-ce qui fonde la valeur ? La monnaie (sur ce point, la conclusion est identique aux approches monétaires de la valeur). Pourquoi ? Parce que l’ordre monétaire repose sur une architecture institutionnelle qui fait de la stabilité de la monnaie un objectif non politique visant le bien commun, proche, en cela, de la notion de confiance éthique. Mais nous soulignons que ce processus repose non pas tant sur des valeurs sociétales que sur une vision du politique tout à fait spécifique qui associe dépolitisation, c’est-à-dire neutralisation des intérêts contradictoires – plutôt que dépassement de ceux-ci – et intérêt général. En ce sens, notre analyse poursuit bien celle d’André Orléan et Michel Aglietta sur les formes de la confiance pour expliquer l’acceptation de la monnaie comme médium des échanges, mais elle la développe en intégrant le type de collectif sur lequel se fonde la monnaie, à savoir ici une société où le potentiel conflictuel des intérêts particuliers a été neutralisé, « dépotentialisés » pour reprendre les mots de Raphaël Fèvre [2017].

31Par ailleurs, si cette confiance, fondée sur une architecture institutionnelle dépolitisée, suffit à faire de la monnaie un médium accepté de tous, cela ne la constitue pas en valeur. La double nature de la monnaie apparaît en effet très nettement dans l’ordre monétaire allemand : elle est l’outil de circulation d’une valeur fondée en dehors d’elle-même. La convention monétaire ne peut alors s’imposer uniquement par un processus autoréférentiel, puisque sa puissance symbolique repose justement sur le fait qu’elle établit une séparation essence (valeur)/apparence (monnaie). La monnaie devient un « voile » dans les échanges. Dès lors, comment la monnaie peut-elle être à la fois autoréférentielle (hypothèse de l’approche monétaire de la valeur) et faire référence à une extériorité qui fonde sa valeur en tant que monnaie, c’est-à-dire passer du domaine de l’intersubjectivité (convention) à celui de l’objectivité d’une valeur ?

32Le point suivant s’attachera à montrer que ce saut qualitatif entre intersubjectivité et objectivité n’est possible que si sont réintroduits les rapports de production.

4 – L’intégration des rapports sociaux de production : l’exemple allemand de la valorisation du facteur capital et son articulation à la Mitbestimmung

33Pour tenter de dépasser le trilemme de la valeur, nous cherchons ici à montrer que la nature conventionnelle de la monnaie suppose de prendre en compte les rapports de production, car ceux-ci doivent nécessairement s’articuler à l’ordre monétaire pour que la monnaie puisse justement apparaître/exister comme équivalent général.

34L’analyse des formes de valorisation du capital, via la convention financière, et du travail, via la codétermination, met en évidence que ce processus ne passe pas par un principe d’équivalence. Cela nous conduit à supposer que la relation d’équivalence établie par la monnaie dans la sphère monétaire allemande n’est « acceptée » et possible qu’en raison de l’exclusion de la monnaie des relations productives.

4.1 – La valorisation du capital et le financement bancaire

35L’entreprise peut être définie comme une organisation qui essaie de concilier ses besoins de flexibilité économique et financière [Rivaud-Danset et Salais, 1992]. La flexibilité financière renvoie à la possibilité pour l’entreprise d’avoir accès facilement aux sources de financement dont elle a besoin et repose sur une convention financière. L’étude de cette dernière suppose de s’intéresser à la structure de financement de l’entreprise, au type de contrôle interne qui s’exerce sur ses activités et enfin aux garanties qui sont acceptées en échange de liquidités.

36Sur le contrôle de l’entreprise, l’Allemagne se caractérise jusqu’à la fin de la période par une concentration de la propriété autour d’un actionnariat majoritaire et de réseaux inter-entreprises [Boutillier et al., 2002]. Pour les entreprises non cotées, cette concentration prend la forme d’une propriété familiale. Sur ces points, le système allemand ne présente pas de spécificité au regard des cas français et italien notamment, du moins pour la période étudiée. Ce qui, finalement, semblerait plus discriminant dans le mode de gouvernance des entreprises, c’est la prise en compte des autres parties prenantes via la codétermination. Néanmoins, cette structure familiale joue un rôle pour déterminer quelle est la forme utilisée pour évaluer le capital et la rentabilité des entreprises (cf. supra 4.2).

37Concernant la structure de financement, on peut distinguer trois sources de financement : les fonds propres, les dettes et les provisions pour risques et charges [Kremp et Sauvé, 1999]. Pour la période 1987-1996, les trois sources sont utilisées dans les mêmes proportions. La part des fonds propres reste relativement faible, à 31 % du passif en moyenne pondérée. Ce constat doit être affiné en fonction de la taille des entreprises : l’importance des fonds propres dans le passif allant de 1 à 3 entre les entreprises de moins de 100 salariés et les grandes entreprises (GE). L’autonomie financière (disposition de fonds propres) diminue même sur la période pour les petites entreprises, alors qu’elle augmente pour les GE. Par ailleurs, les entreprises allemandes constituent des provisions d’un montant relativement important du fait, entre autres, des régimes complémentaires de retraite. Enfin, les crédits bancaires sont le plus souvent des crédits de court terme. Ce financement bancaire à court terme va de pair avec une relation privilégiée des entreprises à leur banque-maison (Hausbank) qui concerne, sans surprise, essentiellement les PME. Compte tenu du poids important des PME dans le tissu industriel allemand, ces entreprises contribuent à donner à la structure de financement allemande ses principales caractéristiques, à savoir un financement bancaire et à court terme. Alors que la littérature sur le financement des entreprises allemandes met traditionnellement en évidence le rôle des PME ainsi que du financement bancaire pour expliquer la résistance du système allemand à la financiarisation de l’économie [Michel, 1991] [Shackman-Fallis et Weiss, 2014], l’analyse des conventions financières montre que cette résistance provient non pas tant du système de financement bancaire des investissements productifs de long terme, mais bien de l’accès au financement de court terme qui se fait via les banques et non via la titrisation et les marchés financiers [16].

38Le système allemand semble ainsi se caractériser par un système où l’accès à la liquidité passe par la durabilité des relations et l’échange d’informations privées entre la banque et son débiteur. Dans ces conditions, comment est valorisée la garantie apportée par le débiteur ? On peut supposer que, dans des relations de type interpersonnel, la comparabilité de ces valorisations soit rendue difficile, voire impossible et que les ratios traditionnels de gestion, évaluant la solvabilité de l’entreprise à partir de ses actifs, jouent un rôle moindre.

4.2 – Liquidité et solvabilité : quelle valorisation des actifs de l’entreprise ?

39L’évaluation ex ante de la rentabilité des activités de l’entreprise se fait habituellement à partir de ses actifs. Or la valorisation de ces derniers dépend du « monde de production » dans lequel se situe ladite entreprise [Rivaud-Danset et Salais, 1992]. Dorothée Rivaud-Danset et Robert Salais [1992] définissent quatre « mondes » en fonction de la standardisation du produit et de la spécificité de la demande adressée à l’entreprise. Les entreprises familiales ou les réseaux inter-entreprises, pour lesquels le contrôle repose sur la confiance et les relations d’engagement (cf. supra), s’appuient, le plus souvent, sur un système de production fondé sur des actifs spécifiques qui peuvent difficilement être valorisés (entre autres parce qu’ils ne font pas l’objet de dépenses clairement identifiables dans le passif de l’entreprise). Ce système de production ne permet pas aux banques d’évaluer la rentabilité et donc la solvabilité de l’entreprise à partir des ratios traditionnels de gestion, puisque les actifs qui servent à leur calcul sont difficilement comparables d’une entreprise à l’autre. La banque doit donc s’engager dans un processus de familiarisation avec son entreprise cliente, et l’octroi de crédit ne s’appuie plus sur un principe d’équivalence visant à rendre comparables des capitaux entre eux : « Ne pouvant transférer à d’autres sa créance, il [le banquier] n’est pas tenu à l’équivalence générale dont ont besoin les participants au marché financier » [Rivaud-Danset et Salais, 1992, p. 88]. De ce fait, « les normes de solvabilité des entreprises allemandes sont très dispersées » [1992, p. 109]. La confiance ainsi établie entre le prêteur et le débiteur permet, pour le producteur, d’accéder à la liquidité et, pour le financeur, d’alléger les contraintes de solvabilité liées à l’immobilisation du capital. On retrouve ici la prédominance de la liquidité sur la solvabilité déjà constatée dans l’ordre monétaire. Mais de cette observation découle l’absolue nécessité d’une référence fixe à la liquidité pour maintenir sa qualité, c’est-à-dire sa capacité à conserver la valeur des encaisses. Le type de valorisation du capital est donc en étroite relation avec la convention monétaire et lui donne, en partie, sa justification et sa nécessité, mais il n’apporte pas d’informations sur l’objectivation de la valeur dans une « substance » conventionnelle (par exemple un actif), puisque la valorisation reste dans le domaine des relations intersubjectives et n’atteint pas la dimension objective de la valeur. La prise en compte du facteur travail peut-elle permettre de remédier à cette difficulté ?

4.3 – La valorisation du travail et la codétermination

40Le modèle allemand est classiquement rangé du côté du capitalisme coopératif [Hall et Soskice, 2001]. Il se caractérise par un modèle dual de gouvernance d’entreprise avec un conseil de surveillance (CS) et un directoire. Au niveau de l’établissement, la codécision prend la forme du conseil d’établissement (CE) [17]. La littérature sur la codétermination s’intéresse le plus souvent aux conséquences de cette organisation du travail en termes de performances économiques [18]. Nous aborderons la question sous un angle différent en mettant l’accent sur la valorisation du travail générée par la codétermination. C’est par un détour par les « marges », c’est-à-dire par les formes de travail non régies par la codétermination, que nous pourrons saisir comment la codétermination joue un rôle sur la définition de la valeur travail.

41Selon une étude d’Ingrid Artus [2011], on peut distinguer quatre types d’entreprises qui ne sont pas « codéterminées ». Le premier concerne les salariés fortement qualifiés dans le secteur des nouvelles technologies qui revendiquent une autonomie et une individualisation des relations d’échange. Dans ce cadre, c’est le travail « libre » qui est valorisé. Une seconde catégorie concerne les salariés de certaines entreprises du Mittelstand. Celles-ci n’ont pas nécessairement recours à la codétermination, mais cette absence est compensée par des relations d’échanges fondées sur la confiance et le respect mutuel. Par ailleurs, la menace de la création d’un CE (de droit à partir de cinq salariés) pèse sur la direction qui est donc incitée à prendre en compte les intérêts des salariés. Sur ces deux formes de relations d’échange, l’absence de codétermination formelle est compensée soit par la présence de salariés « forts » dépositaires de qualifications spécifiques, soit par une relation de confiance fondée sur un certain paternalisme et conservatisme social. La troisième catégorie de salariés non soumis à la codétermination sont les salariés précaires, notamment du secteur des services. La forme prise par le travail est celle d’un travail morcelé soumis à de fortes exigences de performance et de flexibilité. Dans ce cas, le travail est plus vu « comme une ressource […] à discipliner et à contrôler que comme un apport productif, voire créatif » [Artus, 2011, p. 122]. Ces formes d’échange peuvent parfois donner lieu à d’autres configurations fondées, cette fois-ci, sur le communautarisme. Le salarié doit alors s’identifier à l’entreprise qui, elle-même, se confond avec les intérêts de la seule direction. Ici ce sont les valeurs de loyauté et d’engagement professionnel au service de l’entreprise (et donc de la direction) qui régissent la relation d’échange.

42Ces quatre formes de travail non codéterminé mettent en évidence, a contrario, la norme que constitue le travail codéterminé. Il s’agit bien d’une norme en ce qu’elle peut être contestée à la fois par les travailleurs « forts », qui rejettent cette forme de « bienveillance » patronale, et par les patrons, situés sur certains segments de production, qui voient ces formes de relations d’échange comme un coût supplémentaire. Cette norme participe à la régulation du rapport salarial en générant les mêmes effets que la norme de neutralité de la monnaie dans la sphère monétaire, à savoir une neutralisation des intérêts contradictoires entre travailleurs et employeurs et une forme de « dépotentialisation » du pouvoir des acteurs. Soulignons tout de suite que, tout comme pour la monnaie, cela n’empêche pas des luttes pour redéfinir cette norme sur des hypothèses plus favorables à l’un ou à l’autre des groupes (plus de flexibilité, plus d’autonomie, etc.). Mais ces luttes, à la marge, soulignent en creux que le consensus social semble converger sur une conception du travail (et du travailleur) spécifique, faisant du salarié un coparticipant (Mitarbeiter) à la création de richesse. Le rééquilibrage du rapport capital-travail passe ainsi par une valorisation du travail comme un « actif » et non simplement comme un coût [19]. Cette valorisation n’est pas fondée sur une propriété individuelle (comme dans l’analyse du capital humain par exemple), mais sur une relation : le travail (tout comme le capital) est un actif relationnel en ce sens où sa valeur dépend de la qualité de la coordination. Or c’est parce que le potentiel conflictuel des rapports de production a été neutralisé par cette valorisation spécifique du travail que la monnaie, dans la sphère monétaire, peut apparaître comme neutre : ni le capital ni le travail ne peuvent en effet avoir un accès privilégié à la monnaie, puisque les deux ne peuvent générer une richesse productive, qui donne accès à la liquidité, qu’en coopérant. La convention monétaire qui permet l’émergence de la forme de l’équivalence générale de la valeur dans la sphère monétaire repose ainsi sur un type de valorisation du travail et du capital qui encadre les rapports de production.

5 – Conclusion : valeur, monnaie et rapport salarial

43Le glissement opéré par rapport à l’analyse mimétique de la monnaie nous a conduits à analyser le système symbolique généré par la convention monétaire de neutralité de la monnaie. Nous avons cherché les sources de la « confiance » non pas dans un système de valeurs (confiance éthique), ni dans un ensemble de routine (confiance méthodique), ni dans un système bancaire vertical (confiance hiérarchique), mais dans les stratégies de communication de la banque centrale, ainsi que dans l’articulation entre l’organisation du rapport salarial autour de la Mitbestimmung et la convention financière régissant l’accès au financement des entreprises. Nous avons montré que le discours sur le collectif généré par la monnaie était celui d’un ordre où les intérêts privés avaient été neutralisés. C’est à cette condition que la politique monétaire de la Buba peut apparaître comme neutre, alors même que nous avons souligné que ses interventions étaient en partie déterminées par l’arbitrage traditionnel entre inflation et chômage. La codétermination permet à la fois de justifier cet ordre monétaire, dans lequel les salaires sont soumis à la règle de la stabilité des prix, et de redonner une marge d’autonomie aux salariés en réduisant leur dépendance par rapport aux propriétaires du capital. Quant au financement bancaire, il permet d’encastrer l’accès à la liquidité dans des relations bancaires et d’éviter l’alignement des intérêts des propriétaires du capital sur des intérêts financiers de court terme et, en conséquence, une valorisation du travail uniquement comme un coût. L’architecture institutionnelle donne ainsi sa forme symbolique à la monnaie en tant que médium neutre dans les équivalences qu’elle établit. Cette neutralité, condition de son acceptation comme opérateur dans les échanges, est obtenue non pas en occultant la séparation essence/apparence, comme le suppose l’approche monétaire de la valeur d’André Orléan et Michel Aglietta, mais en faisant de la monnaie un « voile » dans les échanges.

44En définitive, à partir d’une extrapolation du cas allemand qu’il faudrait pouvoir démontrer, une hypothèse pourrait être que la forme monétaire de la valeur d’André Orléan et Michel Aglietta, selon laquelle la monnaie est la richesse, n’est qu’une forme possible de l’équivalence générale, et que d’autres formes de la valeur dans les économies marchandes peuvent exister en fonction des rapports sociaux de production. Pour le dire schématiquement : dans les sociétés capitalistes, c’est la séparation entre capital et travail qui fonde la nécessité de la monnaie comme forme de médiation sociale et c’est la forme que prennent ces rapports de production (collaboration vs opposition) qui consolide, ou non, la force symbolique de la monnaie comme technique de transaction collective. En ce sens, il semble difficile de séparer l’analyse de la valeur de celle des rapports de production.

Notes

  • [1]
    Dans la suite du texte, nous qualifierons ces approches d’« approches monétaires de la valeur ». Elles se caractérisent par l’abandon d’une théorie de la valeur fondée sur une valeur extrinsèque « incorporée » aux marchandises échangées.
  • [2]
    André Orléan montre néanmoins qu’il est possible d’abandonner la loi de la valeur-travail au profit d’une nouvelle loi de la valeur fondée sur l’équivalence générale sans pour autant renoncer à une détermination des prix par les conditions sociales et techniques de production [Orléan, 2018].
  • [3]
    André Orléan souligne ainsi que « le rapport marchand peut être dit “vide de rapport de production” » [2008, p. 10] s’appuyant sur l’analyse de Marx qui montre que le monde marchand peut s’accommoder de différents modes de production (esclavagisme, féodalité, capitalisme…).
  • [4]
    La dimension symbolique est plus souvent abordée par la sociologie économique via l’ancrage culturel des formes et usages de la monnaie. Par exemple Zelizer [2005].
  • [5]
    Les approches keynésiennes et post-keynésiennes mettent aussi au cœur de leur analyse monétaire la liquidité. Mais, contrairement à l’approche d’André Orléan et Michel Aglietta, la monnaie est intégrée à l’économie via la production et non via l’échange : la monnaie est avant tout réserve de valeur et permet de réduire les incertitudes liées au temps que prend la production. Pour une approche synthétique, voir Wray [2003]. Sur les divergences entre les deux analyses : Piluso [2018].
  • [6]
    Selon Guillaume Vallet [2016], les relations créées par les échangeurs ne peuvent exister que parce que la monnaie renvoie à un projet sociétal qui articule trois dimensions de la monnaie : la capacité à faire signe (the signifiance), la direction (the direction), l’émotion (the emotion). La première dimension renvoie à la caractéristique symbolique de la monnaie comme valeur d’échange, la deuxième au projet collectif sous-tendu par la forme monétaire, et la troisième se réfère, quant à elle, au caractère psycho-affectif de la monnaie qui incarne des normes et des liens sociaux ainsi qu’une histoire.
  • [7]
    Les politiques de ciblage de l’inflation (Inflation Targeting ou IT) se sont développées à la fin des années 1980 du fait de l’instabilité de la relation entre masse monétaire et inflation. Elles reposent sur la règle de Taylor – établie par celui-ci en 1993. Ces politiques ont renouvelé l’approche des fonctions de réaction de la Buba en permettant, a posteriori, de déterminer si, malgré un ciblage officiel de la masse monétaire, la Buba ne suivait pas une politique proche de la règle de Taylor. Christina Gerberdin, Franz Seitz et Andreas Worms [2005] recensent ainsi la plupart des études qui concluent que la Buba suivrait cette règle entre 1970 et 1998.
  • [8]
    Pour le lecteur intéressé : Alcouffe et Diebolt [2009], Commun [2003], Fèvre [2017], Weisz [2011].
  • [9]
    À ce titre, les ordo-libéraux n’étaient pas favorables à l’instauration de la codétermination après-guerre, même si sur ce point des divergences existaient entre les différents auteurs et courants de l’ordo-libéralisme [Commun, 2003].
  • [10]
    Selon Patricia Commun [2003], la question de l’indépendance des banques centrales n’est pas, dans un premier temps, centrale dans l’analyse ordo-libérale. Néanmoins, des auteurs tels que Wilhem Röpke indiquent que l’indépendance de la BC par rapport aux intérêts privés doit être garantie [Dehay, 1995].
  • [11]
    La culture de la stabilité monétaire peut être définie en renvoyant aux mots de l’ancien directeur de la banque centrale, Helmut Schlesinger : « Une politique de stabilité de la part du gouvernement et de la banque centrale n’est pas suffisante pour assurer la stabilité de la monnaie. L’économie et les partenaires sociaux doivent également adopter un comportement adéquat. En fait, il faut une culture de stabilité dans les sphères publique et politique » [cité in Steinpass, 2011, p. 119].
  • [12]
    Le musée de la Monnaie (Geldmuseum) permet ainsi aux citoyens de se familiariser avec la théorie monétariste : voir Deutsche Bundesbank [2017].
  • [13]
    La loi sur la Banque fédérale allemande du 26 juillet 1957 met en place un système centralisé. Néanmoins, les Landeszentralbanken (LZB) participent aux décisions avec une voie chacune. Le conseil de la BC est ainsi composé des membres du directoire (10 au maximum avant la réforme de 1992, puis 8 ensuite) et des LZB (11, puis 9 après 1992). Le directoire est proposé par le gouvernement fédéral et les représentants des LZB par le Bundesrat. La durée des mandats est de huit ans.
  • [14]
    Dans le système homogène, la liquidité est parfaite, mais elle rend opaques les conditions de solvabilité : les créances sont immédiatement monétisées et les créanciers ne sont pas sûrs de leur remboursement s’il n’y a pas de garanties en valeur de la monnaie [Orléan et Aglietta, 2002]. Cette prédominance de la liquidité sur la solvabilité se retrouve au niveau de la convention financière qui régit l’accès à la liquidité des entreprises (cf. infra 4.1.)
  • [15]
    Notons que Jens Weidman, citant L. Erhard, renverse la causalité, mais confirme l’articulation entre stabilité monétaire et économie sociale de marché : « L’économie sociale de marché n’est pas possible sans une politique conséquente de stabilité des prix » [Weidmann, 2012, p. XI.]. La traduction est de nous.
  • [16]
    Cela rejoint la conclusion de John Hicks [1975] : la garantie d’accès au crédit d’une société d’un secteur « à découvert » (économie d’endettement) permet la même flexibilité financière que la détention de titres financiers pour une entreprise du « secteur d’autonomie » (financement sur fonds propres).
  • [17]
    Pour plus de détails sur la codétermination et son organisation : Rémy [2015].
  • [18]
    Sur ce thème, voir Ghirardell et al. [2018].
  • [19]
    Pour une réflexion sur la possibilité d’intégrer le travail comme un actif dans les normes comptables, voir Charolles [2018].
Français

Les approches monétaires de la valeur peinent à saisir la dimension symbolique de la monnaie comme équivalent général. Cette dimension se comprend comme la capacité de la monnaie à faire référence à un collectif qui lui donne sa force sociale comme médium de la valeur. À partir de l’analyse de l’ordre monétaire allemand entre 1974 et 1999, nous formulons l’hypothèse que la forme monétaire d’équivalent général ne peut se comprendre sans réintroduire la relation salariale et nous proposons des pistes de recherche pour articuler valeur, monnaie et rapport salarial.

  • rapport salarial
  • valeur
  • monnaie
  • capitalisme allemand
  • codétermination

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Charlotte Bellon
Sciences Po Rennes, LiRIS – Laboratoire interdisciplinaire de recherche en innovations sociétales
Mis en ligne sur Cairn.info le 16/06/2020
https://doi.org/10.3917/rfse.024.0021
Pour citer cet article
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