CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction [1]

1Depuis une quinzaine d’années, l’émergence des circuits courts agro-alimentaires a fait l’objet de nombreuses enquêtes et de publications scientifiques. Ces dernières ont présenté et mis en débat des analyses fines sur la façon dont divers agencements d’agriculteurs, de transformateurs et de distributeurs ont cherché à rompre avec l’agriculture dite « conventionnelle », c’est-à-dire avec une organisation de l’industrie agro-alimentaire qui sépare nettement la production, la transformation et la commercialisation des produits agricoles. Par conséquent, la recherche bénéficie de nos jours d’une accumulation de travaux rigoureux qui éclaire les relations sociales et marchandes nécessaires à la mise en place et à la consolidation de circuits courts, ainsi que leurs ambiguïtés et leurs limites [Dubuisson-Quellier et Le Velly, 2008 ; Traversac, 2011 ; Prigent-Simonin et Hérault-Fournier, 2012 ; Le Velly et al., 2016 ; Le Velly, 2017 ; Chiffoleau, 2017 et 2019]. Nonobstant la qualité et l’apport de cet effort scientifique soutenu, en se concentrant sur les réseaux de producteurs et de consommateurs alternatifs à ceux de l’agriculture « conventionnelle », force est de constater qu’il a également généré un angle mort concernant le rapport au politique de l’agriculture en circuit court. Certes, le rôle qu’y jouent les organisations professionnelles agricoles et les pouvoirs publics a parfois été abordé [Naves, 2016], mais les relations de pouvoir et les conflits entre hiérarchies de valeurs qui structurent l’agriculture dans son ensemble, pourtant bien mis en évidence par la sociologie politique des mondes agricoles [Esposito et Purseigle, 2008 ; Hervieu et Purseigle, 2013], sont largement minimisés. Or cette lacune dans la connaissance sur les circuits courts découle directement du paradigme relationnel et anti-structuraliste qui jusqu’ici a dominé la recherche sur cet objet et, plus généralement, l’agriculture dite « alternative ». Comme nous le préciserons dans la partie 2, s’il n’y a pas de doute sur le fait que cette perspective théorique, inspirée notamment de la sociologie de Jean-Daniel Reynaud, de Michel Crozier ou de Michel Callon [2], a pu guider de nombreuses recherches sur les circuits courts dans leur travail de mise à jour des réseaux d’acteurs, des « agencements » et des « dispositifs marchands », elle les a également conduites à minimiser la force des institutions (normes, règles et conventions stabilisées), des modes de régulation sectoriels et des relations de pouvoir qui structurent l’industrie dans laquelle s’insère chacun des circuits étudiés. Plus exactement, cette construction de l’objet a conduit à réduire les industries agricoles concernées à des « jeux » qui ne sont que partiellement stabilisés et, par conséquent, à concevoir la définition des règles comme faisant constamment l’objet de négociations relativement ouvertes.

2Afin de restituer la « clôture des jeux » et les asymétries de pouvoir structurelles que, à l’inverse, nous avons observées sur le terrain, le présent article développe un cadre d’analyse inspiré de l’institutionnalisme constructiviste [Hay, 2016 ; Smith, 2016], puis l’illustre avec les résultats d’une enquête conduite en 2018 sur la place des circuits courts dans l’industrie des produits palmipèdes en général, et dans le département des Landes en particulier. Présenté dans la partie 2, ce cadre théorique postule que les comportements économiques, dont le fonctionnement des marchés, sont fortement déterminés par un rapport dialectique entre d’une part les institutions (comprises comme les règles, les normes et les attentes stabilisées [March et Olsen, 1989 ; François, 2011]) et, d’autre part, les asymétries de pouvoir entre l’ensemble des acteurs qui cherchent à les affecter [Bourdieu, 1994 ; Fligstein, 2001]. En résumé, les interactions marchandes sont structurées par des réalisations d’actions politiques antérieures, des réalisations qui elles-mêmes sont constamment assujetties à des tentatives de destruction et de restructuration [Smith, 2019]. Dans les Landes, l’industrie des produits palmipèdes fournit un exemple édifiant de cette structuration et de ce « travail politique » parce que, comme nous le montrerons, elle comporte non seulement de la production en circuit court, mais également un « circuit long » particulièrement bien doté en ressources économiques et politiques.

3C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, en s’appuyant sur les données de notre enquête, la partie 3 de ce texte explicitera un clivage fondamental qui, dans les Landes et ailleurs, sépare deux prises de position politiques générales par rapport aux circuits courts alimentaires : une qui les voit comme un complément de l’agriculture en circuit long, et donc comme un vecteur de coexistence paisible ; l’autre qui, au contraire, conçoit la production et la commercialisation en circuit court comme la seule voie d’issue pour l’agriculture française, voire européenne. Or, loin de constituer un antagonisme primaire entre deux positions idéologiques abstraites et figées, ni de correspondre simplement à des prises de position et à des logiques syndicales, nous montrerons ensuite que, dans l’industrie palmipède, ce clivage politique structurel a des impacts forts sur son système productif et sur au moins trois de ses instruments clés de régulation concernant la biosécurité, les labels, et l’installation des nouveaux entrants. Plus globalement, le texte dans son ensemble enseigne que si les grippes aviaires subies dans les Landes en 2015-2016 semblaient initialement « rebattre les cartes » en faveur de la production en circuit court et à la défaveur d’une agriculture plus intensive impliquant le transport d’animaux, les institutions et les formes de domination bâties au cours des trois décennies précédentes ont rapidement été restaurées.

2 – Approche théorique, terrain, méthodologie et données

2.1 – L’apport certain, mais limité, des analyses relationnelles et anti-structuralistes

4Parmi la pléthore de recherches relationnelles sur les circuits courts citées ci-dessus, une courte discussion des travaux de deux sociologues particulièrement actifs et représentatifs par rapport à cet objet – Yuna Chiffoleau et Ronan Le Velly – permettra ici de souligner les apports considérables de leurs recherches respectives, puis de clarifier davantage les angles morts de l’approche qu’ils ont en commun.

5Le premier apport est d’avoir décrit avec précision les réseaux d’acteurs à l’origine de certains circuits courts spécifiques. En s’appuyant sur la conception d’un réseau de Harrison White, Chiffoleau a notamment effectué une étude longitudinale du marché de Grabels dans l’Hérault, un marché réservé aux producteurs en circuits courts. Ainsi, elle a pu reconstituer non seulement des liens sociaux tissés entre « producteurs, consommateurs, intermédiaires, organisations et institutions » [2019, p. 135], mais aussi « les différents chemins par lesquels s’élabore une autre économie » [p. 132]. De manière similaire, en travaillant à l’échelle municipale et intercommunale dans un territoire breton, Le Velly [2017] a pu analyser comment, au fil de longues négociations et de compromis autour de la restauration collective, une relocalisation des approvisionnements a pu s’ancrer autant dans les pratiques des collectivités locales que dans celles des producteurs.

6En effet, un autre grand apport des travaux menés sur les circuits courts dans une perspective relationnelle a été d’insister sur « l’hybridation » qui peut émerger entre d’une part les idéaux portés par les partisans farouches de ce modèle alimentaire et, d’autre part, « le pragmatisme » d’autres participants à la construction sociale des marchés concernés [Dubuisson Quellier et Le Velly, 2008]. De même, à partir d’une recherche-action conduite à l’échelle nationale à laquelle elle a participé à la fin des années 2000, Chiffoleau a pointé des différences fortes entre quatre « identités » de circuits courts (« métier », « durabilité », « projet » et « entreprise »), ainsi que des tentatives effectuées pour dépasser leurs oppositions.

7Nonobstant la contribution importante de ces recherches à la génération des connaissances approfondies sur l’agriculture en circuit court et, plus généralement, à la sociologie de l’activité marchande, la perspective qui les anime comporte trois failles qui les empêchent d’analyser de front des aspects pourtant cruciaux de leur objet d’étude.

8La première de ces failles, la minimisation des effets des structures sociales qui entourent et façonnent toute interaction, renvoie à une critique théorique fondamentale ancienne et bien connue [Leca et Jobert, 1980 ; Itçaina et al., 2016]. Plus précisément, la recherche de ce type part du postulat qu’« il convient de ne pas fonder la décision [sur les règles ou les prix dans les circuits courts N.D.L.R.] sur des valeurs et les intérêts qui prédétermineraient l’action, mais de penser, comme nous y invite Reynaud, que les intérêts et les valeurs se constituent aussi dans la construction de l’action collective » [Le Velly, 2017, p. 116]. Si nous acceptons volontiers que la manière dont les intérêts et les valeurs sont définis évolue effectivement pendant l’action collective, de telles redéfinitions sont généralement lourdement affectées par la forme qu’ils avaient prise avant l’interaction étudiée et, surtout, par des asymétries entre les ressources sociales des acteurs concernés. En tout cas, dans les recherches sur les circuits courts, le parti pris dominant tend à guider l’analyse vers un escamotage des structures sociales préexistantes à l’établissement de chaque circuit, à accorder peu d’importance aux luttes pour les positions dans leurs hiérarchies internes et, implicitement mais sûrement, à privilégier l’hypothèse que les redéfinitions d’intérêts et de valeurs se font sans résistances fortes.

9En effet, même si, pour des raisons méthodologiques, on pourrait vouloir « faire taire » la structuration sociale, en étudiant les types de distribution et de commercialisation comme les circuits courts alimentaires, on tombe rapidement sur un second angle mort produit par l’approche relationnelle : les structures d’économie politique au sein desquelles s’inscrivent de tels circuits. Comme nous l’avons montré ailleurs à l’aide de l’économie régulationniste [Boyer, 2015], l’activité marchande ne s’opère pas au sein d’« archipels » isolés et indépendants. Au contraire, elle est fortement encastrée dans des « industries », c’est-à-dire des ordres configurés qui comportent toujours quatre grappes d’institutions – des « rapports institués » – concernant la finance, le capital, l’approvisionnement et la commercialisation [Jullien et Smith, 2008]. Il s’ensuit qu’étudier les phénomènes de production et de marketing sans prendre en compte leurs interdépendances avec les deux autres rapports aboutit à des simplifications néfastes. Par ailleurs, c’est à l’échelle de l’industrie tout entière que les effets de structuration doivent surtout être analysés. Dans le cas de l’industrie des produits palmipèdes, c’est ainsi que dans une première recherche conduite au milieu des années 2000, nous avons montré l’impact fort de l’émergence d’un circuit long entre 1985 et 1995 sur le positionnement économique et politique des producteurs en circuit court [Cuntigh et al., 2005].

10De même, combiner une analyse de l’activité marchande avec celle des industries dans lesquelles elle s’insère permet également de pointer, puis de dépasser, une troisième faille de l’approche relationnelle telle qu’elle a été appliquée aux circuits courts : celle qui consiste à minorer l’implication des pouvoirs et des politiques publics. Certes, dans ces travaux, les représentants étatiques ou des collectivités territoriales sont mentionnés de temps à autre, tout comme des lois ou des politiques nationales et locales qui sont considérées comme encourageant ou entravant le développement des circuits courts. Pour autant, parce que les relationnistes ne théorisent pas les institutions comme structurant toute activité socio-économique et, surtout, ne considèrent pas que les acteurs et l’action publics constituent des composantes intrinsèques de chaque industrie, leur rôle n’est jamais étudié de manière systématique. Empiriquement, il se peut qu’à bien des égards l’impact des pratiques des représentants des pouvoirs publics, ainsi que des politiques publiques, soit très indirect et se révèle modeste. Mais, au début d’une enquête, il est analytiquement dommageable de faire le pari de cette « modestie » du public et du politique pour de simples raisons de posture théorique. Plus généralement si, bien entendu, étudier des filières courtes spécifiques est tout à fait justifié et bienvenu, on n’est pas condamné à le faire en occultant les institutions et les rapports de pouvoir qui structurent les industries dans lesquelles s’inscrivent ces filières.

2.2 – Une grille d’analyse institutionnaliste et constructiviste appliquée à l’industrie palmipède

11Plutôt que d’insister sur ces points critiques, il importe davantage d’expliciter notre propre cadre d’analyse et, ce faisant, de présenter progressivement au lecteur le cas de l’industrie palmipède et l’objet de recherche au cœur de cet article. Comme les fondements théoriques de notre approche ont été présentés au cours de la critique précédente, et parce qu’elle a déjà fait l’objet d’autres publications (voir notamment Smith [2016]), insistons ici sur ses trois concepts clés : les institutions, les relations de pouvoir et le travail politique.

12Au fond, notre cadre d’analyse est institutionnaliste parce que les institutions contraignent l’activité socio-économique, tout en rendant possible et pensable sa durabilité. La manière dont les institutions agissent comme des contraintes est relativement évidente. Dans le cas de l’industrie palmipède, par exemple, des règles et des normes de « biosécurité » font planer la menace de sanctions sur les producteurs qui ne les respectent pas. Mais la dimension habilitante des institutions mérite d’être prise au sérieux tout autant. Par exemple, depuis 1992, les marques collectives telles que les produits agricoles « du Sud-Ouest » ont été protégées juridiquement par une directive européenne. Plus généralement, en France l’industrie palmipède s’est très largement structurée entre 1985 et 1995 en se dotant de règles et de normes concernant la définition et la catégorisation du foie gras, de cahiers des charges concernant l’alimentation et l’élevage des canards, l’origine géographique de ces animaux et de leur transformation, ainsi que la valorisation de cette origine dans ses outils de marketing. En effet, au cours de cette période, c’est l’institutionnalisation de l’ensemble de ces règles et normes autour d’une Indication géographique protégée (IGP) Sud-Ouest qui a largement permis l’expansion rapide du nombre de producteurs et des volumes produits [Jullien et Smith, 2004 ; Cuntigh et al., 2005]. Pour ne citer que les chiffres les plus frappants, entre 1985 et 2015 la production française a été multipliée par six : au milieu des années 1980, on ne produisait que 3 200 tonnes par an environ, dont un tiers d’oies et deux tiers de canards. Aujourd’hui, la France produit autour de 19 000 tonnes annuellement, dont 97 % proviennent des canards (voir encadré 1).

Encadré 1. L’industrie palmipède française en quelques chiffres

La production : de nos jours, chaque année la production mondiale de foie gras est de l’ordre de 26 000 tonnes. Avec environ 19 000 tonnes annuelles, la production française réalise 70-75 % de ces chiffres (97 % du foie gras en France étant du canard et 3 % de l’oie). La partie française de cette industrie réalise presque 2 milliards d’euros de chiffres d’affaires par an et représente 100 000 emplois directs ou indirects. La Nouvelle-Aquitaine regroupe 56 % de la production nationale, le reste étant réparti essentiellement entre les régions Midi-Pyrénées (c. 20 %) et le Pays de la Loire (c. 15 %). Au sein de la Nouvelle-Aquitaine, le département des Landes génère à lui seul la moitié de la production.
Tableau 1

La production de foie gras de canard en France (en tonnes)

Tableau 1
Tonnes 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Foie gras de canard 18 407 19 189 19 653 18 754 18 602 18 859 18 794 14 000 12 000

La production de foie gras de canard en France (en tonnes)

Source : FranceAgriMer.
La transformation : trois grandes coopératives dominent la production en Nouvelle-Aquitaine : Euralis Gastronomie (avec les marques Montfort et Rougié), Maïsadour (Delpeyrat), Lur Berri (Labeyrie). En France, 64 abattoirs abattent les canards et les oies, mais 7 d’entre eux réalisent à eux seuls 47 % des volumes abattus (Agreste, mai 2018).
La consommation : en France, elle s’est stabilisée depuis le début des années 2000 autour de 270 g/habitant/an. Selon le site web du Cifog (le Conseil interprofessionnel des palmipèdes à foie gras), le foie gras cru représente environ 22 % de la consommation et le foie gras prêt à consommer 78 % (dont l’entier à 56 % et le bloc de foie gras à 44 %). 83 % du foie gras commercialisé en France est écoulé en grande surface, tandis que 25 % de la production est exportée.

13Or la charpente institutionnelle et cette expansion que nous venons de décrire n’ont pas été réalisées sans heurts et coups de force, ce qui nous amène au deuxième concept clé de notre cadre d’analyse, celui des « relations de pouvoir » [Bourdieu, 1994]. Avant le milieu des années 1980, on produisait, bien entendu, du foie gras dans le Sud-Ouest de la France. Toutefois, cette production artisanale et extensive provenait uniquement d’exploitants agricoles faiblement dotés en capital économique, social et politique. Ce n’est que lorsque, en s’appuyant sur deux innovations technologiques (concernant le gavage et l’insémination artificielle), qu’une petite minorité de ces paysans se sont alliés avec des représentants de grosses coopératives agricoles (notamment Maïsadour et Euralis) et du syndicat agricole majoritaire (la Fédération nationale des syndicats des exploitants agricoles : FNSEA), ont fait émerger une véritable entreprise politique. Celle-ci était animée par l’ambition commune de développer une « filière longue » plus intensive et de « rapatrier » le foie gras dans le Sud-Ouest en le différenciant des productions hongroises, bretonnes et du Pays de la Loire, et ce à l’aide d’une IGP. Concrètement, cette entreprise politique a été à l’origine du faisceau des institutions exposées plus haut, de l’expansion de l’industrie et de la domination politique de la « filière longue » sur la minorité des producteurs de la région qui ont fait le choix de reproduire la logique d’action qui avait prévalu jusqu’aux années 1990 : une production artisanale et une commercialisation essentiellement par voie de circuits courts. Pour préciser, aujourd’hui 4 800 exploitations agricoles françaises font de la production de palmipèdes leur activité principale, dont 88 % d’entre elles « en filière longue » et 12 % en circuit court. Si l’on réduit la focale à l’ancienne Aquitaine, on estime le nombre de producteurs en circuit court à 600, soit entre 5 et 8 % de tous les producteurs palmipèdes régionaux (dans les Landes, le département de l’enquête, 10 % des producteurs sont en circuit court). Pour autant, il ne faut pas sous-estimer l’importance socio-économique et politique de la production en circuits courts. Dominée nettement sur le plan des chiffres d’affaires, cette partie de l’industrie conserve néanmoins une valeur symbolique forte. En effet, ce sont les images de la production fermière qui sont toujours mises en avant dans toute publicité concernant le foie gras – ce qui n’est pas sans provoquer des tensions entre les représentants de la filière longue et ceux des circuits courts [Cuntigh et al., 2005].

14Enfin, loin d’être le résultat mécanique de leur « poids économique » ni de se maintenir automatiquement, la domination de l’industrie palmipède par sa « filière longue » est le produit du « travail politique » [Smith, 2019] des producteurs, des transformateurs et des investisseurs de « la filière longue », ainsi que de leurs appuis au sein de la FNSEA, des chambres d’agriculture et des pouvoirs publics locaux. Plus exactement, ce travail a notamment impliqué une problématisation des enjeux de l’industrie comme méritant du soutien public, une instrumentation qui a pris la forme de règles et de normes souhaitées par ces acteurs dominants, ainsi qu’une légitimation de ces « problèmes publics » et de ces instruments au nom de termes comme « l’intérêt régional », « le développement agricole local » et « le maintien des traditions ». Ce travail politique comporte certes une dimension stratégique, dans le sens où les acteurs, tant de la filière courte que de celle qualifiée de longue, ont défini des objectifs à atteindre et ont cherché des alliés afin de les réaliser. Mais ce travail de mise en alliance ne peut se comprendre pleinement que si l’on intègre dans l’analyse le rôle des valeurs individuelles et collectives [Smith, 2016]. Comme Weber n’a cessé de le marteler [1971], ce sont à travers les valeurs que les hommes et les femmes définissent et hiérarchisent ce qui leur importe. Les agriculteurs se différencient par exemple dans la hiérarchisation de leurs valeurs, relatives notamment à la liberté (d’entreprendre ou de ne pas être dominé) et/ou à la sécurité (de leur exploitation, de leur industrie et de l’environnement). Or, pour ce qui concerne la recherche restituée ici, ce point théorique nous importe sous deux angles. Premièrement, sur le plan des agriculteurs individuels enquêtés, nous nous intéresserons à comment certains membres des syndicats agricoles ont dû gérer des contradictions entre leurs propres valeurs et celles des organisations professionnelles auxquelles ils cotisent. Ensuite, sur le plan de l’analyse infra- et inter-organisationnelle, nous prêterons une attention particulière à la façon dont les valeurs et leur hiérarchisation ont affecté l’action collective.

15En résumé, nous venons d’expliciter le cadre d’analyse institutionnaliste et constructiviste adopté lors de notre enquête sur l’industrie palmipède, ainsi que de fournir quelques éléments permettant de comprendre la structuration de cette dernière. Il convient maintenant de préciser l’objet de cette recherche, ainsi que la méthodologie adoptée pour l’étudier.

2.3 – Objet, méthode et sources

16Tout comme les recherches précédentes sur les circuits courts, la nôtre confirme que, dans les Landes, les producteurs de palmipèdes qui endossent cette logique d’action adoptent des stratégies de production, de transformation et de commercialisation similaires. Sur les deux premiers plans, ils cherchent tous à maîtriser l’ensemble des étapes en tant qu’éleveurs-gaveurs. De même, ils tendent fortement à privilégier des produits qu’ils estiment « de qualité », un objectif qu’ils cherchent à atteindre à travers leurs choix d’aliments et un temps d’élevage plus long que la production en « circuit long » (ce qu’ils qualifient souvent de « bon travail agricole »). Enfin, tous les producteurs landais en circuit court analysés vendent leurs produits directement à la ferme, aux restaurants locaux, par correspondance ou sur des marchés de plein vent et dans des foires. Plus fondamentalement encore, leur décision d’adopter une démarche « circuit court » s’est faite également dans le but de participer à une agriculture davantage en phase avec leurs valeurs, notamment celles qui concernent « l’autonomie » de l’agriculteur et son « respect » des animaux et de la terre. Notre enquête a donc d’abord ciblé le contenu et la profondeur de cet engagement politique : à quel projet pour l’agriculture locale et française adhèrent-ils et pourquoi ? Ensuite, et afin de dépasser les limites du déclaratif, notre deuxième question a concerné les effets de ces positionnements politiques sur l’action collective et ceux du travail politique au sein de l’industrie palmipède, et ceci notamment par rapport aux institutions et aux relations de pouvoir qui l’ont structurée au cours des trois dernières décennies. Autrement dit, l’objet de notre recherche s’est résumé à saisir les projets politiques en concurrence au sein de l’industrie palmipède dans les Landes, ainsi que le travail politique conduit en vue de les institutionnaliser, de les reproduire ou de les changer.

17Afin d’aborder cet objet et de répondre à ces questions, nous avons surtout conduit 13 entretiens semi-directifs longs auprès de responsables landais pertinents du conseil départemental, des chambres d’agriculture et des syndicats agricoles (agriculteurs élus et techniciens), partisans actifs de l’agriculture, que ce soit en circuit court ou en circuit long. Dans chaque cas, nous avons cherché à interviewer les acteurs landais impliqués directement dans la formulation des prises de position et des négociations concernant les institutions de la filière palmipède. D’une durée comprise entre une et trois heures, chaque entretien a compris trois phases : une première sur la trajectoire économique et socio-professionnelle de l’interviewé, une deuxième sur sa représentation des évolutions récentes de la filière et de ses controverses, et enfin une autre sur les perceptions de l’interviewé des circuits courts, dans cette filière et à une échelle plus générale. Ces entretiens ont été accompagnés par une lecture approfondie de la presse professionnelle pertinente – notamment L’information agricole (le mensuel de la FNSEA) et Infos-agricoles (celui du Mouvement de défense des exploitants familiaux : le Modef) – ainsi que des chiffres et points de vue générés par le Conseil interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (le Cifog) et le ministère de l’Agriculture. Enfin, il importe de préciser que cette enquête fait suite à une autre de 2003-2004 pendant laquelle une trentaine de représentants de l’industrie palmipède des Landes et de la Dordogne avaient été interviewés [Jullien et Smith, 2004 ; Cuntigh et al., 2005] [3].

3 – L’impact du clivage inclusif/exclusif sur la régulation politique de l’industrie palmipède

18En s’appuyant sur ce travail empirique, nous tracerons tout d’abord le clivage politique séparant les acteurs de l’industrie palmipède qui prônent « la coexistence » entre circuits court et long et ceux qui opposent ces deux circuits. Actuellement, cette séparation structure les prises de position des uns et des autres par rapport à au moins trois controverses importantes : les leçons à tirer des grippes aviaires de 2015 et 2016, l’avenir des labels de qualité et d’origine, l’installation de jeunes agriculteurs et la capitalisation des exploitations plus généralement. D’ailleurs, ce n’est pas par hasard que chacune de ces controverses renvoie aux « rapports institués » de toute industrie définis plus haut, c’est-à-dire à des grappes d’institutions et de relations de pouvoir qui, de manière récurrente d’une industrie à l’autre, structurent ses activités économiques et politiques en matière d’approvisionnement, de commercialisation, de ressources humaines et de financement [Jullien et Smith, 2008 et 2014]. Par conséquent, une analyse institutionnaliste et constructiviste de ces trois controverses permettra de compléter une lecture relationniste de celles-ci, qui laisserait dans l’ombre leur structuration politique profonde.

3.1 – L’antagonisme entre deux positionnements politiques généraux

19Comme le soulignent Galliano, Lallau et Touzard dans leur introduction au numéro récent de cette revue consacrée à l’agriculture contemporaine : « La question de la coexistence de différentes trajectoires agricoles devient alors centrale et doit être spécifiée pour chaque situation selon l’espace dans lequel elle est considérée » [2017, p. 26]. En réduisant notre focale à l’industrie palmipède dans les Landes, cette section cherche donc à interroger la coexistence de circuits courts et longs et à en fournir des éléments de description et d’explication. Nous verrons ainsi que si le clivage pour ou contre la coexistence de deux modèles agricoles recoupe largement la concurrence syndicale entre une déclinaison départementale de la FNSEA et du Modef [4], il n’est pas son simple reflet. Du moins dans les Landes, cette opposition syndicale ne découle pas d’une simple opposition gauche-droite, notamment car plusieurs membres de la FNSEA interviewés se considèrent « de gauche », tout comme des membres du Modef ne s’opposent pas au circuit long. À y regarder de plus près, ce clivage est davantage le fruit de positionnements politiques, animés surtout par des tensions autour de la valeur accordée à la liberté d’entreprendre, consistant à accepter ou au contraire à rejeter la domination de la régulation de l’agriculture landaise par des acteurs au cœur de la production en circuit long.

20Ainsi, pour ceux qui pensent que les deux circuits sont légitimes, et donc qui conçoivent l’agriculture en circuit court comme une démarche possible parmi d’autres, deux arguments animés par la valeur de la liberté d’entreprendre sont avancés. Le premier est centré sur une vision du consommateur comme pluriel :

21

« Pour moi, il y a de la place pour les deux. Même si on a un penchant pour une parce qu’on est dedans, et on la défend. Il y a du consommateur pour les deux il y a du porte-monnaie pour les deux. »
(Éleveur-gaveur en circuit court, responsable de la FNSEA)

22

« On a besoin les uns des autres. Honnêtement, la filière longue, elle va fournir du foie gras dans toute la France. Nous, la filière courte, on fournit simplement nos clients. Par contre la filière longue a besoin d’une tête de gondole, qui s’appelle la filière courte. Nous, on est l’image, ils ont besoin de nous pour l’image, ça a été dit par certains, donc on l’a bien compris. »
(Éleveur-gaveur en circuit court, responsable de la FNSEA)

23Ensuite, ce premier argument se complète souvent par un autre centré sur l’économie agricole landaise et davantage animé par un souci de durabilité de l’agriculture locale :

24

« Le problème, si on considère que tout doit se faire en circuit court, il faut diminuer la production par 10 […] si on enlève le circuit long, on va perdre beaucoup d’emplois, en matière agricole. »
(Éleveur de la filière longue, responsable de la FNSEA)

25Par ailleurs, ce même discours que nous qualifions d’« inclusif » est reproduit par un responsable de l’industrie palmipède à la chambre d’agriculture des Landes :

26

« Pour moi, il n’y a pas de concurrence entre ces marchés, c’est vraiment deux choses différentes, c’est des produits différents, c’est une approche complètement différente, il y a une synergie entre les deux […], tout le monde peut cohabiter sur un territoire. »

27En résumé, les partisans d’une approche inclusive des producteurs en circuit long et en circuit court reproduisent un discours dépolitisant, classique chez des responsables de la FNSEA [Muller, 1984], qui prétend toujours que l’ensemble des agriculteurs en France peuvent coexister harmonieusement si on leur laisse de l’a liberté d’entreprendre, et ceci quels que soient la taille de leurs exploitations ou leur mode de fonctionnement.

28Toutefois, bien d’autres producteurs de produits palmipèdes landais sont très critiques par rapport à la filière longue, certains voulant même sa disparition au nom d’un engagement social en faveur de la valeur de la sécurité de l’agriculture locale et d’une vision plus « exclusive » de ce qu’est une « exploitation familiale ». Sous cet angle, la base économique de l’avenir de l’agriculture landaise est d’abord conçue autrement que par les partisans de « la cohabitation » :

29

« Moi, l’agriculture familiale, les exploitations familiales, le maintien des petites ou des moyennes exploitations, il passe par ça, soit le local, soit le circuit court […]. Faire du maïs pour le vendre au cours mondial, ici en Chalosse, sans irrigation, ce n’est même pas la peine. Par contre, faire du maïs pour le faire manger, pour vendre après derrière, c’est différent, c’est ça. Donc, si on veut sauver des exploitations, ça passera par là quoi. »
(Éleveur-gaveur, responsable du Modef)

30Partant de là, les partisans d’une approche exclusive des circuits courts sont convaincus que seule leur démarche est à la fois économiquement viable et à même de générer des produits de qualité :

31

« … La politique [de la filière longue] a toujours été de baisser les standards de production, baisser l’âge de mise en gavage, baisser les gavages, etc. On est arrivés au bout d’un certain temps à une baisse de qualité, qui a été bénéfique pour nous, pour le Label Rouge, dans le sens où ça a permis de segmenter vraiment le marché. La segmentation du marché, elle s’est faite à la fin des années 2000 et au début des années 2010. Et alors là, ça a été un tournant… dès 2012, […] la rémunération du gaveur à la pâtée avait plutôt tendance à baisser, en monnaie constante par rapport à 2003, alors que la rémunération du gaveur en Label Rouge avait plutôt tendance à augmenter. »
(Éleveur-gaveur en circuit court, responsable du Modef)

32Une fois ces différences de valeurs et d’argumentation générale posées, afin de saisir la profondeur du clivage entre les partisans des approches inclusive ou exclusive du circuit court dans cette industrie et dans ce territoire, analysons maintenant ses effets sur les institutions clés de l’industrie palmipède tout entière.

3.2 – La régulation des pratiques productives suite aux grippes aviaires

33Les grippes aviaires de 2015-2016 et leurs suites [5] ont forcément beaucoup mobilisé l’ensemble de nos interviewés et ont engendré des prises de position variées. Les indemnités mises en place par l’État, ainsi que les nouvelles règles concernant le transport et l’hygiène (ex. : le nettoyage des camions) satisfont globalement l’ensemble de ces acteurs. En revanche, d’autres règles de prévention mises en place au nom de « la biosécurité » suscitent des critiques quasi unanimes de la part des producteurs en circuit court, quel que soit leur syndicat d’appartenance. Dans un premier temps, ils ont été engagés par un projet consistant à obliger tous les producteurs à élever les canards une bande à la fois (suivie par une période de vide sanitaire), une démarche vue comme allant directement à l’encontre de celle des producteurs en circuit court qui, afin de s’assurer une production et une commercialisation en continu, ont toujours sur leur exploitation plusieurs bandes de canards à différents stades de maturité. À la suite de mobilisations de la Confédération paysanne et du Cifog auprès de l’État, une dérogation par rapport à « la bande unique » a finalement été obtenue en 2016. Mais cette réinstitutionnalisation faible est toujours vue comme provisoire et, surtout, comme une preuve de plus que l’industrie palmipède et ses institutions sont toujours dominées par la filière longue. En effet, certains producteurs en circuit court vont plus loin en critiquant les mesures de biosécurité comme rien de moins que du « surarmement » pour ce qui les concerne, et ceci alors que, selon eux, les grippes de 2015-2016 mettent en cause la logique même de la filière longue comme menaçant la sécurité de l’industrie palmipède tout entière :

34

« Notre position c’est de dire qu’il vaudrait mieux avoir des éleveurs-gaveurs, des petites bandes, des petits lots… éviter le stress des transports. […] Je pense que ça a contribué à créer des virus hautement pathogènes. Tous ces déplacements, le stress, tout ça… on fabrique des virus qui sont vraiment meurtriers. »
(Éleveur-gaveur en circuit court, adhérent du Modef)

35Force est de reconnaître, toutefois, que pour l’instant, la réponse officielle à ces critiques est à la fois légaliste et en phase avec le discours libéral selon lequel « il y a de la place pour tout le monde », discours identifié dans la section précédente. Selon un responsable de la chambre d’agriculture des Landes, par exemple :

36

« C’est sûr que certains se sentent en colère actuellement, parce qu’ils estiment qu’on leur met les mêmes règles que les gros, mais aujourd’hui, un virus, il va pas regarder si c’est un gros ou un petit producteur et en fait, la taille de l’exploitation n’a rien à voir avec le sanitaire. […] Donc le sanitaire, ce n’est pas une affaire de signes de qualité ou de circuits de commercialisation. »

37Il n’en reste pas moins que cette approche maximaliste et hygiéniste de la biosécurité finit par minoriser l’importance économique et politique des producteurs en circuit court. En effet, poussé dans ses retranchements au cours de l’entretien, ce responsable de la chambre d’agriculture accorde clairement un primat à la protection des producteurs en circuit long, et ceci au nom de leur contribution, jugée indispensable, à l’économie rurale landaise.

38Il n’y a donc pas de doute sur le fait que la crise provoquée par les grippes aviaires a généré un consensus sur la question de la nécessité des nouvelles règles de biosécurité. Mais derrière ce point consensuel réside néanmoins une controverse qui n’a pas rassemblé tous les producteurs en circuit court contre leurs homologues en circuit long. En effet, notre enquête révèle qu’une coalition « circuit court » ne s’est jamais constituée pour au moins deux raisons, chacune renvoyant à la manière dont les valeurs défendues par les syndicats ont été intégrées, plus ou moins aisément, par les producteurs individuels.

39Premièrement, certains producteurs en circuit court qui adhèrent à une approche inclusive de l’industrie et suivent les positions adoptées par la FNSEA considèrent que la production en circuit long est légitime. Ils adhèrent ainsi à la hiérarchie de valeurs qui domine ce syndicat et son projet pour l’agriculture. Par ailleurs, pour eux, renforcer les règles de sécurité est tout simplement obligatoire afin de mieux sécuriser l’avenir de l’ensemble de l’industrie palmipède.

40Deuxièmement, d’autres membres de ce même syndicat continuent à y cotiser soit pour profiter du travail politique, généralement réussi, effectué par des dominants de l’agriculture landaise, soit parce que leurs réseaux de sociabilité les empêchent d’opérer une transgression en s’approchant des opposants au circuit long qui se regroupent plus volontiers autour du Modef. Autrement dit, ils endossent une contradiction par rapport à leurs hiérarchies de valeurs en estimant que les prises de position alternatives ne leur conviennent pas non plus. D’ailleurs, dans un sens cette citation d’un responsable de la FNSEA qui se considère « de gauche » résume assez bien pourquoi de telles transgressions ont lieu si rarement :

41

« C’est compliqué, je suis FNSEA, avec une tendance politique qui serait un peu vers le Modef, donc c’est un peu compliqué, mais voilà. Je fais partie de la fédé parce qu’elle avait plus de puissance que le Modef. Aujourd’hui, c’est grâce à la fédé qu’on a pu se défendre et le Modef, quand ils sont venus, j’étais un peu déçu du discours, c’était un peu, “nous, on est fort et vous, vous êtes nuls”… ça ne marche pas… »

42En résumé, si la crise provoquée par les grippes aviaires a semblé initialement rapprocher les producteurs en circuit court qui adhéraient soit à la FNSEA, soit au Modef, autour d’une cause commune (obtenir un traitement législatif différent de celui appliqué à la filière longue), dans les Landes, les oppositions structurelles ont continué à faire perdurer un clivage fort.

3.3 – Les labels : vendre avec ou sans ?

43La deuxième controverse contemporaine, plus sous-jacente, qui marque cette industrie concerne l’usage des labels institutionnalisés pour réguler la production et orienter la commercialisation de ses produits. Rappelons que le label Indication géographique protégée (IGP) du Sud-Ouest avait participé à l’expansion initiale du circuit long dans les années 1990 [Cuntigh et al., 2005], tandis que depuis 1995 la certification en Label Rouge est généralement adoptée par les producteurs adhérents au Modef. Ce qui a été en jeu au moment de l’enquête, pourtant, est beaucoup moins la protection de l’origine des produits (le but affiché des IGP) que leur segmentation en termes de qualité et de mode de production. Plus précisément, si actuellement le label IGP recouvre 75 % de la production landaise du foie gras, désormais il est vu par l’ensemble des parties prenantes comme « le plancher » en termes de qualité. Partant de là, de nombreux producteurs en circuit court critiquent la manière dont le label IGP, ainsi que l’association Palso (Palmipèdes du Sud-Ouest) qui l’a porté et l’administre en exaltant la valeur de la liberté d’entreprendre, ont même contribué à « baisser » la qualité des produits en filière longue (notamment en diminuant les temps d’élevage et de gavage). Plus exactement, ces producteurs en circuit court s’opposent au Palso, car ils défendent une définition de la qualité qui se base sur leur interprétation de la valeur des bonnes pratiques agricoles, ainsi de ce qui constitue pour eux une alimentation saine.

44En même temps, le Label Rouge, qui recouvre autour de 15 % de la production landaise de foie gras, ne fait pas non plus l’unanimité, même pour les producteurs en circuit court. Pour certains, et notamment ceux qui n’adhérent pas au Modef, se faire certifier en Label Rouge a un coût jugé excessif. Autrement dit, ils estiment que l’on peut très bien défendre certaines valeurs qui leur sont chères (notamment la défense de ce qu’ils appellent « les exploitations familiales ») sans bénéficier du Label Rouge et, par conséquent, sans payer le prix de cette certification.

45D’autres producteurs, toutefois, considèrent que le Label Rouge n’est pas pour eux parce que cette forme de certification ne permet pas de mettre suffisamment en avant la spécificité de la production en circuit court : le fait que tout se fait au sein d’une seule ferme. En effet, ces producteurs regrettent fortement que le Label Rouge ne permette pas de combler une lacune juridique concernant l’usage du terme « fermier » :

46

« “Fermier” tout le monde l’emploie, mais “de la ferme” c’est différent. […] Le terme “fermier”, lui-même, ne veut plus rien dire. […] On s’en est pas méfiés, ça a été exploité, même par les grandes surfaces. Et là-dessus, on n’a rien pu faire. »
(Éleveur-gaveur en circuit court, responsable de la FNSEA)

47Certes, le terme « circuit court » est souvent vu par les responsables de la profession et leurs homologues dans les pouvoirs publics comme un synonyme de « fermier ». Mais pour ceux qui vendent leurs produits à une clientèle peu au fait de la nomenclature administrative, ce raisonnement est clairement insatisfaisant. En effet, les producteurs qui préféreraient utiliser le terme « fermier » se trouvent face à une lacune juridique créée au cours des années 1990 par la résistance combinée et réussie des responsables de la FNSEA et du ministère des Finances à toute tentative de restreindre l’usage du terme « fermier » à des exploitations agricoles de petite taille et/ou aux agriculteurs en circuit court [Paranthoën, 2016, p. 86-99]. On ne s’étonne pas que cette situation fasse enrager les producteurs qui adhèrent au Modef. Cependant, ce qui est encore plus révélateur de la force des clivages politiques dans les Landes est le constat que, même face à un positionnement de la FNSEA sur le terme « fermier » adopté nationalement et pour tous les produits agricoles, les adhérents de ce syndicat qui sont en circuit court ne remettent pas en question une conception inclusive de l’industrie palmipède. Interrogés sur ce point lors de nos entretiens, ils reconnaissent être en contradiction avec une partie importante de leurs valeurs prioritaires. Pour autant, ils se résignent à vivre avec cette contradiction et, ce faisant, à accepter d’être dominés au sein même de leur propre syndicat. À nouveau, donc, cet exemple montre qu’il est impossible de bien saisir les interactions entre producteurs, comme celles présentées ici concernant la labellisation des produits, sans prendre en compte de manière systématique les institutions, les relations de pouvoir, et les hiérarchies de valeurs [6] qui les structurent profondément et durablement.

3.4 – Installer les jeunes, mais dans quelle « filière » ?

48La troisième controverse qui structure les débats actuels dans cette industrie concerne les aides publiques et les appuis techniques qui visent à y installer davantage de jeunes agriculteurs. Depuis des décennies, la recherche sur le secteur agricole a souligné à quel point ces installations constituent un enjeu autant pour ceux qui veulent reproduire le modèle d’agriculture des années 1960 [Muller, 1984] que pour ceux qui, au contraire, préconisent une agriculture dite « alternative » [Muller, 1987 ; Paranthoën, 2014]. En effet, aider à installer une agricultrice ou un agriculteur soulève des interrogations concernant la légitimité professionnelle nécessaire pour le faire et la logique de fonctionnement qu’il ou elle envisage d’adopter une fois installé·e [Barral et Pinaud, 2017]. Dans le cas des produits palmipèdes landais, notre enquête révèle que ces interrogations sont notamment de deux ordres, un qui concerne la formation du nouvel entrant, et l’autre portant sur leur financement.

49Sous le premier angle, ce qui fait controverse est que les défenseurs du modèle exclusif d’une logique d’action en circuit court estiment que les nouveaux entrants de leur « camp » sont systématiquement discriminés lorsqu’ils recherchent des soutiens à l’installation. Selon eux, cette discrimination commence de manière douce à travers le haut niveau d’exigence imposé lors de l’examen des trajectoires des promoteurs de projets d’installation en circuit court. Par exemple, même si dans les Landes la reprise des exploitations des parents reste une pratique courante, voire dominante, du point de vue de l’installation en circuit court, plusieurs interviewés défendant le modèle inclusif ont vanté les mérites d’itinéraires qui comprennent au moins un passage en dehors de la ferme familiale. Selon un responsable de la Fédération des coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma), par exemple :

50

« Je reste persuadé qu’aujourd’hui les gens qui développent des projets de circuits courts ou de vente directe, ce sont des projets mûris après une vie professionnelle extérieure, et qui n’entrent pas forcément dans des cursus d’installation de jeunes qui s’installent juste après l’école. »

51Mais le sentiment de discrimination contre les porteurs de projets en circuit court que partagent les défenseurs d’un modèle exclusif découle aussi de leur représentation de la mise en œuvre des aides à l’installation par les pouvoirs publics et leurs prestataires de services, notamment les agents de la chambre d’agriculture. En effet, au cours d’un entretien, un de ces derniers a souligné le besoin d’« encadrer » davantage les jeunes qui portent un tel projet d’installation :

52

« On va [les] suivre particulièrement parce que la filière courte c’est toujours un métier très difficile, c’est-à-dire qu’on est éleveur, on est gaveur, on est transformateur, on est commercial, on est vendeur, voilà. […] c’est pour ça souvent que ces jeunes-là quand ils arrivent, ils veulent faire de la vente directe, on va leur dire “d’accord” pour la vente directe mais peut-être progressivement. »
(Responsable de la chambre d’agriculture des Landes)

53Autrement dit, selon le point de vue de ce responsable, il faut continuer à gérer les ressources humaines de la filière collectivement en contrôlant qui y a accès, puis en leur montrant que commercialiser exclusivement en circuit court n’est pas la meilleure logique de fonctionnement à adopter pour démarrer.

54Bien entendu, qui dit installation dit aussi capitalisation de l’exploitation en question et, par conséquent, soulève une deuxième question, celle concernant le rapport entre l’industrie palmipède et les banques. Depuis la fin des années 1980, ces dernières, et notamment le Crédit Agricole, ont largement permis de financer l’expansion de la filière longue. Suite aux grippes aviaires et à la surproduction qui les a précédées, certains considèrent toutefois que ces mêmes banques deviennent plus ouvertes à participer à la capitalisation des exploitations en circuit court.

55

« On sent un changement… on sent un changement de mentalité. On sent une oreille plus attentive à ces schémas-là que par le passé. […] et pour faire installer, notre schéma est plus efficace que l’autre, et quand on parle rentabilité du capital, il y a pas photo… »
(Éleveur-gaveur en circuit court, responsable du Modef)

56Plus généralement, selon ce même producteur :

57

« Le message qu’il faudrait faire passer […] c’est revaloriser la marge de 1,50 euro à 2 euros par canard… et là, je suis sûr que de suite on va retrouver des gens pour s’intéresser au métier […] quand vous savez qu’il y a de l’argent à gagner, le gars qui n’a pas peur du boulot, il y va. »

58En revanche, d’autres producteurs en circuit court, souvent situés politiquement à la marge de leur syndicat respectif, doutent que l’importance politique donnée au terme « circuit court » puisse déboucher sur le financement de projets d’installation insuffisamment étudiés sous l’angle de la capacité de commercialisation de leur porteur :

59

« Aujourd’hui vous parlez de circuit court, on est… on va dire “rois du pétrole”. Non, faut arrêter de rêver, je veux dire, les circuits courts, c’est bien, mais faut pas oublier que derrière, c’est énormément de boulot, du travail, du temps et le commerce n’est pas donné à tout le monde. Il y a des gens qui sont très bons producteurs mais ils ne savent pas vendre leur produit. »
(Éleveur-gaveur en circuit court, responsable de la FNSEA)

60En effet, au cours de l’enquête nous avons observé que les producteurs de produits palmipèdes, tant en circuit court qu’en circuit long, se considèrent comme étant au milieu de réflexions collectives sur qui doit être aidé à s’installer par les pouvoirs publics et donc, implicitement, quelles barrières à l’entrée peuvent toujours légitimement être dressées par les gatekeepers que sont les responsables de la chambre d’agriculture, des services déconcentrés de l’État et les banquiers. En 2016-2017, les partisans du circuit court comme antidote aux difficultés économiques et sanitaires connues par l’industrie des produits palmipèdes, surtout ceux qui adhèrent au Modef, pensaient qu’ils allaient enfin être mieux entendus lors des négociations sur les projets d’installation ou de recapitalisation. Depuis, toutefois, « la contre-attaque » des promoteurs de la filière longue s’est organisée et a largement réussi à relégitimer une approche inclusive de la régulation de l’industrie dans son ensemble, c’est-à-dire celle de la coexistence de circuits courts et longs. Armés de pages de publicité dans les journaux agricoles, et surtout de contrats entre coopératives et éleveurs ou gaveurs qui semblent promettre des revenus et des vacances garantis, du moins dans les Landes, les responsables de la filière longue ont déjà réussi à réinstitutionnaliser les règles et les normes qui concernent l’emploi et la finance dans cette industrie.

61En somme, et plus généralement, ce développement sur l’installation, tout comme les deux précédents sur la biosécurité et les labels, souligne que le clivage politique inclusif/exclusif marque profondément non seulement les représentations sociales des producteurs palmipèdes en circuits courts, mais également les institutions, ainsi que le travail politique, qui affectent et structurent cette agriculture et ses modes de commercialisation. Loin de simplement refléter une concurrence inter-réseaux (comme le voudrait la perspective de recherche relationnelle et anti-structuraliste critiquée en introduction), ce clivage découle directement des hiérarchies de valeurs et des asymétries de pouvoir en présence dans l’agriculture landaise tout entière.

4 – Conclusion

62Au terme de cette analyse, des réponses peuvent être données aux deux interrogations traitées dans cet article – l’une sur le caractère politique de la régulation des industries, l’autre sur la « coexistence » de modèles antagonistes en leur sein –, des réponses qui, d’ailleurs, appuient largement l’argument théorique défendu tout au long de ce texte.

63Tout d’abord, à travers les exemples traités dans la deuxième partie de ce texte, nous avons pu confirmer que la régulation des industries comportant des circuits courts est constamment politique parce qu’elle implique toujours des confrontations de valeurs et, plus exactement, de hiérarchies de valeurs, centrées sur les institutions et les relations de pouvoir [Smith, 2016]. Non seulement les circuits courts et longs connaissent une interdépendance forte, mais les institutions qui les structurent sont en permanence travaillées politiquement par des acteurs dotés de ressources asymétriques. Comme nous venons de le voir dans le cas des palmipèdes landais, ce travail de problématisation, d’instrumentation et de légitimation pèse lourdement sur les systèmes productifs en jeu et, simultanément, sur les priorités politiques accordées à certaines logiques d’action plutôt qu’à d’autres.

64Ensuite, dans les Landes comme bien ailleurs, ce travail politique se fait sur un « terrain » marqué par un clivage politique profond et durable. Pour certains protagonistes, produire et commercialiser en circuit court est, et doit rester une option économique parmi d’autres. En revanche, à ce cadrage inclusif en faveur de la « coexistence » paisible entre modes de production et de commercialisation s’oppose une conceptualisation plus radicale des circuits courts, celle d’un fer de lance d’une refonte fondamentale des politiques agricole et alimentaire nationales et européennes. Autrement dit, tout en restant un terme superficiellement consensuel, dans les Landes « les circuits courts » se trouvent au centre d’un débat politique très polarisé qui concerne non seulement le type d’agriculture à privilégier, mais aussi, et surtout, le rôle légitime des pouvoirs publics en matière de régulation de l’agriculture et de l’alimentation.

65C’est d’ailleurs précisément pour cette raison qu’il importe de renouveler le regard scientifique sur les circuits courts, et ceci en complétant l’analyse relationnelle et anti-structuraliste des « relations marchandes » qu’ils impliquent par celle des relations de pouvoir et des conflits de valeurs qui les structurent encore plus durablement. Certes, pour paraphraser le sous-titre du dernier ouvrage de Michel Callon [2017], il faut « comprendre le fonctionnement des marchés » pour pouvoir préciser « comment ils peuvent être changés ». Mais il faut en même temps que la recherche mette bien en lumière les rapports de pouvoir et les clivages politiques structurants qui rendraient possibles, ou entraveraient, de tels changements.

Notes

  • [1]
    Je tiens à remercier Thibaut Joltreau et Antoine Roger, ainsi que les évaluateurs de la RFSE, pour leurs remarques sur des versions antérieures de ce texte. Le résultat final, toutefois, reste bien sûr de la responsabilité de l’auteur. Par ailleurs, la dimension empirique de ce qui suit s’intègre dans le programme PERFECTO. Dirigé par Nathalie Corade, ce dernier est financé par le Conseil régional de la Nouvelle Aquitaine et l’INRAE.
  • [2]
    Voir notamment Crozier et Friedberg [1977], Callon [2017] et Reynaud et Richebé [2007].
  • [3]
    Précisons que si nous ne citons pas ici les interviewés de 2003-2004, cette première enquête, davantage ciblée sur la filière longue, a permis de préciser le point de vue général des acteurs positionnés dans cette partie de l’industrie. Pour ce qui concerne l’étude de 2018, 10 de nos 13 interviewés sont des agriculteurs purement en circuit court (5 proches du Modef, 5 de la FNSEA), un autre agriculteur est un représentant politique « historique » du circuit long et les 2 autres interviewés sont des techniciens de la chambre d’agriculture et du conseil départemental.
  • [4]
    Lors des dernières élections à la chambre d’agriculture des Landes en janvier-février 2019, FNSEA-JA a reçu 54,47 % des suffrages, l’union Confédération paysanne-Modef 32,82 % et Coordination rurale 12,71 %. Pour rappel, en 2013, FNSEA-JA avait reçu 52,32 % des voix, le Modef 33,62 %, Coordination rurale 11,38 % et Confédération paysanne 2,68 %. https://chambres-agriculture.fr/chambres-dagriculture/nous-connaitre/elections-2013-chambres-dagriculture/ ; https://chambres-agriculture.fr/elections2019/resultats-des-elections-2019-des-chambres-dagriculture/ (consulté le 12 février 2019).
  • [5]
    Voir l’encadré 1 pour saisir l’impact sur la production de foie gras qui diminue en conséquence.
  • [6]
    Bien entendu, une enquête quantitative d’ampleur permettrait d’élucider davantage ce point. Notre propre étude a néanmoins permis de pointer deux conflits de valeurs récurrents : une autour de la valeur de la liberté (d’entreprendre vs d’être autonome), l’autre autour de la sécurité socio-économique (à court vs à long terme ; la sécurité d’une exploitation vs la sécurité de l’industrie tout entière ; la sécurité sanitaire vs la sécurité environnementale).
Français

Depuis 15 ans, la recherche a produit des analyses fines des relations marchandes qu’implique l’agriculture en circuit court. Toutefois, le paradigme relationnel qui l’a dominée tend fortement à minimiser les conflits politiques qui marquent les industries agricoles concernées en les réduisant à des « jeux » qui ne sont que partiellement stabilisés. En s’appuyant sur une enquête portant sur l’industrie des produits palmipèdes, et guidé par l’institutionnalisme constructiviste, cet article restitue plus frontalement l’antagonisme structurel qui s’est développé autour des « circuits courts » dans les Landes, les deux objectifs socio-économiques contrastants qui leur sont attribués, et l’impact de ce clivage politique sur la régulation de la biosécurité, des labels et de l’installation des nouveaux entrants. Le texte dans son ensemble montre notamment que si les grippes aviaires de 2015-2016 semblaient initialement « rebattre les cartes » en faveur de la production en circuit court, dans cette industrie les institutions et les relations de pouvoir de longue durée ont rapidement contribué à restaurer une division du travail entre la production, la transformation et la commercialisation.

  • circuits courts
  • produits palmipèdes
  • Landes
  • clivages politiques
  • valeurs

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Andy Smith
Sciences Po Bordeaux, Centre Émile Durkheim
Mis en ligne sur Cairn.info le 16/06/2020
https://doi.org/10.3917/rfse.024.0169
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