CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1Les circuits courts de proximité ont fréquemment été présentés comme une façon, pour les producteurs comme les consommateurs, de reprendre la main sur l’organisation des systèmes agricoles et alimentaires. Pour les agriculteurs, ils seraient ainsi un moyen de moins subir les décisions prises par les négociants, les industriels ou les distributeurs, dans la détermination des modes de production ou la fixation des prix. Dans cette perspective, l’enjeu des circuits courts n’est pas seulement d’augmenter la part de la valeur ajoutée captée par les agriculteurs, qu’il faut en tout état de cause comparer avec le coût des nouvelles fonctions réalisées, mais aussi de gagner en autonomie [Dupré et al., 2017]. Pour les consommateurs, le raisonnement est comparable, tout particulièrement dans des circuits courts comme les Amap où ils peuvent s’entendre avec un agriculteur sur les conditions de production et d’échange plutôt que de se voir imposer une offre construite en totalité par les intermédiaires des filières [Dubuisson-Quellier et Lamine, 2004].

2Dans cet article, nous allons travailler sur cette question du pouvoir dans l’organisation des circuits agricoles et alimentaires, mais aussi déplacer le regard vers des démarches de circuits longs de proximité : des circuits géographiquement courts, ancrés dans des territoires, mais économiquement longs, impliquant plusieurs intermédiaires. Différents arguments plaident en faveur d’une telle réorientation. Tout d’abord, ces circuits ont été beaucoup moins étudiés que les circuits courts, alors qu’ils sont fortement présents dans les systèmes alimentaires [Baysse-Lainé et Perrin, 2017]. Ensuite, beaucoup de praticiens constatent qu’il est difficile de relocaliser l’agriculture et l’alimentation sans s’appuyer sur les professionnels de la distribution comme les grossistes ou les distributeurs. Cela est particulièrement souligné pour l’approvisionnement local de la restauration collective, mais se vérifie aussi pour la restauration commerciale, les commerces de proximité ou les systèmes de livraison de paniers [Praly et al., 2014 ; Le Velly, 2017]. Ce constat n’est d’ailleurs pas étonnant si l’on se réfère aux travaux de recherche invitant à ne pas dénigrer le travail des intermédiaires et à prendre au sérieux la masse d’opérations qu’ils réalisent pour rendre possible l’existence même des marchés alimentaires [Bernard de Raymond, 2013].

3Ce retour des intermédiaires peut interroger. Peut-on s’appuyer sur ces professionnels sans leur donner un pouvoir central dans l’organisation de la production, des échanges et de la consommation ? Répondre positivement à cette question ne serait pas rien. Cela reviendrait à porter un regard moins dichotomique que celui que sous-tend une opposition tranchée entre circuits courts et circuits longs, à ouvrir le champ des possibles [Gibson-Graham, 2008], à continuer à montrer par l’exemple que des formes d’organisations marchandes originales peuvent être développées au-delà des modèles binaires bien identifiés [Le Velly, 2017].

4Pour répondre à cette question, nous allons nous appuyer sur deux études de cas nommées « Éleveurs de saveurs iséroises » et « 100 % charolais du Roannais ». Ces études ont été menées dans le cadre de projets de recherche en partenariat visant à étudier, d’une façon plus générale, ce que nous avons appelé des « systèmes alimentaires du milieu » (Syam), des systèmes à mi-chemin entre circuits courts et circuits longs [Brives et al., 2017]. Les circuits de commercialisation de viande bovine créés dans les initiatives « Éleveurs de saveurs iséroises » et « 100 % charolais du Roannais » ont ainsi été élaborés avec l’objectif de créer des circuits intermédiés, impliquant des négociants en animaux, des abattoirs, des bouchers, des grandes surfaces et des opérateurs de la restauration collective, mais aussi avec la volonté de ne pas reproduire les modes de fonctionnement des circuits longs dominés par les intermédiaires. En restituant les expérimentations engagées pour constituer ces circuits, nous allons donc, comme l’ont fait les acteurs, éprouver la possibilité de créer des circuits intermédiés sans laisser le pouvoir d’organisation aux intermédiaires.

5Cet exposé sera soutenu par un cadre d’analyse croisant la sociologie de l’action organisée [Friedberg, 1993 ; Reynaud, 1997] et les recherches portant sur ce qui a été nommé le « travail marchand » ou les « agencements marchands » [Cochoy et Dubuisson-Quellier, 2000 ; Callon, 2017]. Cet article n’a pas pour objectif de montrer la cohérence théorique de cet ensemble et nous renvoyons pour cela à une autre publication [Le Velly, 2017]. En quelques mots tout de même, notons que ces deux approches partagent une préoccupation centrale pour les processus de constitution de l’action collective. Elles ont en commun l’idée d’un continuum de l’action organisée allant des organisations aux marchés [Friedberg, 1993 ; Bréchet, 2013]. Le « travail d’organisation » observé dans les entreprises [Terssac et Lalande, 2002] est similaire au « travail marchand » observé dans les marchés [Cochoy et Dubuisson-Quellier, 2000]. Dans les deux cas, l’établissement de règles écrites, de dispositifs matériels, de relations stabilisées, de routines ou de conventions rend possible et donne forme à l’action collective. Dit de façon plus ramassée, la régulation fonde des collectifs capables d’actions productives et marchandes. Dans les deux cas également, la régulation a des auteurs et ces auteurs peuvent avoir des finalités différentes. Ce point est au centre de la tension entre régulation de contrôle et régulation autonome mise au jour dans la sociologie des organisations [Reynaud, 1988], mais il est également manifeste dans plusieurs travaux de sociologie des marchés. Franck Cochoy a par exemple montré que la détermination des règles organisant les circuits commerciaux peut être comprise comme l’enjeu de luttes entre industriels, distributeurs et détaillants [Cochoy, 1999], acteurs auxquels les pouvoirs publics, les associations de consommateurs, les organisations du mouvement social et toute une série d’autres « professionnels du marché » [Cochoy et Dubuisson-Quellier, 2000] peuvent être ajoutés.

6L’article va s’organiser en deux temps. Dans une première partie, nous présenterons notre méthodologie et l’histoire des deux initiatives que nous avons suivies, en insistant sur les caractéristiques et les motivations des éleveurs et des détaillants qui les ont portées. La deuxième partie décrira les négociations et les apprentissages collectifs qui ont permis la construction des circuits marchands de « Éleveurs de saveurs iséroises » et « 100 % charolais du Roannais ». Elle sera structurée autour de l’exposé de trois processus, que nous nommerons la qualification, la tarification et la fluidification. Nous pourrons alors, dans la conclusion, faire le bilan des difficultés rencontrées et des moyens mobilisés par les promoteurs de ces circuits pour reprendre la main sur l’organisation du marché.

2 – Deux initiatives visant à reprendre la main sur l’organisation des circuits agricoles et alimentaires

2.1 – Présentation des cas étudiés

7« Éleveurs de saveurs iséroises » (ESI) est une association d’éleveurs bovins de race charolaise ou limousine dont les exploitations sont situées au nord du département de l’Isère. L’émergence de cette association a été motivée par le souhait en 2013 de quatre bouchers grenoblois de proposer à leurs clients une viande locale haut de gamme. Ils ont demandé de l’aide à la chambre des métiers, qui à son tour s’est tournée vers la chambre d’agriculture de l’Isère. Un conseiller de la chambre d’agriculture a alors réuni et animé un collectif de 14 éleveurs, avec lequel un accord a été trouvé sur la qualité et le prix, et un schéma administratif et logistique a été établi, impliquant des transporteurs et l’abattoir public de Grenoble. Ce premier circuit a été rapidement jugé insatisfaisant par les bouchers, mécontents de la qualité de la viande, mais aussi par les éleveurs en raison du faible nombre de commandes (18 bêtes en 2014). Un second circuit a alors été conçu en 2015-2016 avec un magasin Super U, situé à Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs (Isère), s’engageant sur un achat annuel de 100 génisses. Ce second débouché a suscité l’adhésion de 14 nouveaux éleveurs et l’embauche d’un technico-commercial à mi-temps. À la fin de notre enquête, fin 2017, un troisième circuit de commercialisation était en phase de test. Il visait à coupler deux débouchés de façon coordonnée : la vente des quartiers avant aux cuisines mutualisées du conseil départemental de l’Isère et la vente des quartiers arrière à Provencia, un groupe régional de supermarchés franchisés Carrefour [1]. Notons également que les circuits ESI ne représentaient à l’époque qu’une part minoritaire des débouchés des éleveurs. Une poignée d’entre eux vendaient annuellement une dizaine d’animaux et trouvaient dans ce circuit environ un quart de leur chiffre d’affaires, les autres seulement quelques pourcents à travers la vente d’une ou deux bêtes par an.

8Contrairement à ESI, « 100 % charolais du Roannais » (100 %) n’est pas une association, mais une marque commerciale impulsée par Roannais Agglomération avec le soutien du Pôle Agroalimentaire Loire, une association de développement du secteur agro-alimentaire. À partir de novembre 2015, ces deux structures ont organisé des réunions mensuelles associant des éleveurs du territoire (cinq à l’origine), des responsables d’une société régionale de restauration collective nommée Coralys, des directeurs et bouchers de quatre supermarchés, ainsi que le directeur de l’abattoir public de Charlieu (Loire). Ces acteurs se sont rapidement entendus sur le projet de constituer des circuits autour de deux produits : des steaks hachés surgelés, réalisés à partir des quartiers avant par un prestataire nommé Carrel (implanté à Hières-sur-Amby dans le nord de l’Isère), et des carcasses de quartiers arrière. Dans le courant de l’année 2017, un nouvel acteur a été intégré : Clément frères, une société de négoce en bestiaux assurant la sélection des animaux avant la livraison à l’abattoir. À la fin 2017, 11 nouveaux supermarchés du département ont rejoint le projet. Pour faire face aux perspectives de croissance, 10 éleveurs supplémentaires sont aussi entrés dans le collectif. Notons cependant que, comme pour ESI, ces circuits ne se substituent pas aux débouchés habituels des éleveurs. En 2017, les plus impliqués n’y vendaient que trois ou quatre bêtes par an, les autres une seule.

Encadré 1. Acteurs et circuits de « 100 % charolais du Roannais » et « Éleveurs de saveurs iséroises » à la fin 2017

figure im1

2.2 – Méthodologie

9Cette recherche s’appuie tout d’abord sur une lecture des archives des deux projets. Ces archives sont composées d’articles de presse, de documents réglementaires internes (cahiers des charges, conventions, statuts) et de comptes rendus de réunions mensuelles depuis la création d’ESI et de 100 %, respectivement en 2014 et 2015, jusqu’à la fin de l’année 2017. Ces comptes-rendus, généralement de deux à cinq pages, nous ont offert de riches informations sur les choix d’organisation qui ont été effectués au fil du temps et sur les négociations et apprentissages collectifs qui les ont accompagnés. Nous avons aussi, par le biais de deux chargés d’études embauchés pendant l’année 2016, réalisé 16 entretiens semi-directifs auprès des acteurs d’ESI et de 100 % (cf. tableau 1). L’objectif de ces entretiens était de préciser l’histoire et le fonctionnement des circuits ESI et 100 %, mais aussi d’appréhender les motivations et le vécu des acteurs. Enfin, le second auteur de l’article a participé en 2016 et 2017 aux réunions mensuelles associant tous les participants des circuits 100 %. Pour ESI, nous n’avons pas réalisé de telles observations directes. Nous avons néanmoins bénéficié d’échanges réguliers avec le conseiller de chambre d’agriculture qui a accompagné le collectif d’éleveurs, et qui était membre du projet de recherche en partenariat PSDR Syam.

Tableau 1

Récapitulatif des données de terrain mobilisées

Éleveurs de saveurs iséroises100 % charolais du Roannais
Entretiens semi-directifs9 entretiens : 6 éleveurs, 1 gérant de supermarché, le directeur de l’abattoir de Grenoble, 1 directeur d’une cuisine mutualisée du conseil départemental de l’Isère7 entretiens : 2 éleveurs, 3 gérants de supermarché, le directeur de l’abattoir de Charlieu, le chargé de mission du Pôle Agroalimentaire Loire
Archives35 documents : 27 comptes rendus de réunion de l’association ESI ; 5 articles de presse ; statuts, règlement intérieur et cahier des charges de l’association30 documents : 22 comptes rendus du comité de pilotage ; 7 articles de presse ; convention entre l’abattoir de Charlieu, Roannais Agglomération et Clément SAS
ObservationsAucune, mais échanges réguliers avec le conseiller de chambre d’agriculture qui a accompagné les éleveurs d’ESIParticipation à 14 comités de pilotages en 2016 et 2017

Récapitulatif des données de terrain mobilisées

10Ces données ont fait l’objet d’une analyse thématique. Le codage a été guidé par les questions du projet Syam (rôle des intermédiaires, fixation du prix, intervention des pouvoirs publics…). Il a aussi été influencé par notre cadre d’analyse, qui impose en premier lieu d’être attentif aux règles que se donnent les acteurs pour fonder leur action collective. L’ancrage dans les sociologies de l’action organisée et des agencements marchands a également orienté notre regard vers les aspects pratiques et matériels de cette construction (importance des dispositifs de qualification, des infrastructures logistiques, etc.). Nous avons aussi cherché à demeurer fidèles aux terrains, à ne pas tordre les données pour les faire entrer dans une grille d’analyse. Les résultats avancés dans la suite de l’article ont été élaborés de façon inductive, en partant des données plutôt que d’hypothèses. Cela a fait émerger des résultats inattendus comme l’ampleur des apprentissages réalisés, une thématique que nous avions sous-estimée en dépit de son importance dans la sociologie de Jean-Daniel Reynaud [1997]. Cela nous a aussi amenés à privilégier un exposé dont l’organisation est en léger décalage avec certains éléments du cadre d’analyse. Nous y reviendrons dans l’introduction de la seconde partie.

2.3 – Caractéristiques et motivations des acteurs

11Les histoires d’ESI et 100 % présentent de grandes similitudes quant aux caractéristiques des acteurs impliqués. Tout d’abord, dans les deux cas, les éleveurs ne sont pas issus de réseaux professionnels « alternatifs », tels que ceux structurés autour des projets de l’agriculture biologique ou de l’agriculture paysanne [2], mais membres de réseaux « conventionnels », de syndicats d’éleveurs produisant des vaches à viande sous Label rouge pour une commercialisation en circuits longs via des coopératives ou des négociants. Les profils des exploitations sont également dans la norme de l’élevage bovin viande français : surfaces agricoles d’une petite centaine d’hectares, avec du pâturage et la production de fourrage, où travaillent un exploitant et parfois un salarié. En somme, ces deux cas confirment que les circuits de proximité sont aujourd’hui investis par des agriculteurs ayant des identités professionnelles diverses ne se limitant pas aux agriculteurs alternatifs pionniers du début des années 2000 [Chiffoleau, 2017].

12À l’autre bout des circuits, les distributeurs sont également à l’image de ceux qui assurent la majorité des approvisionnements alimentaires : supermarchés, commerces de proximité et sociétés de restauration collective. De même, les organisations qui ont soutenu les démarches (chambre d’agriculture de l’Isère, Roannais Agglomération et Pôle agroalimentaire de la Loire) ne défendent pas des projets de développement alternatifs, dédiés à des types spécifiques d’agriculture ou d’alimentation. Seuls les deux abattoirs sont des opérateurs à la marge des systèmes agricoles et alimentaires dominants. Ils ont ainsi en commun d’être des équipements publics maintenus dans une visée de développement territorial, ayant l’habitude de travailler pour des volumes faibles, notamment pour des éleveurs en circuits courts.

13Les motivations des éleveurs d’ESI et 100 % sont également proches. Leur principal objectif est de mieux valoriser leur production, en affirmant une qualité supérieure et une origine territoriale. Cet objectif est couplé à une critique du fonctionnement des circuits longs auxquels ils participent. Dans ces circuits longs « conventionnels », les éleveurs vendent leurs animaux soit à des négociants, soit à des abattoirs appartenant à des coopératives (comme Sicarev), des industriels (comme Bigard) ou des distributeurs (comme Intermarché) [voir Ellies-Oury et Hocquette, 2018]. Ces trois derniers acteurs assurent ensuite les fonctions de transformation et de distribution, sous forme de carcasses et de morceaux de viande. Les éleveurs d’ESI et de 100 % reprochent à ces acteurs d’être des structures qui leur imposent totalement leurs prix. Cette critique est particulièrement notable pour les coopératives. Les coopératives appartiennent ainsi aux éleveurs, mais elles leur apparaissent comme des groupes devenus gigantesques qui défendent mal leurs intérêts. Même en en étant administrateurs, nous ont-ils expliqué, ils ne peuvent pas orienter leurs stratégies commerciales et peser sur les prix auxquels elles achètent les animaux.

14Les choix de se tourner vers les abattoirs publics de Grenoble et de Charlieu à la création de ESI et 100 % sont liés à cette critique. Ces abattoirs ont l’habitude de travailler à façon pour les éleveurs commercialisant en vente directe. Ils agissent alors comme des prestataires de service, sans plus d’influence sur les stratégies de ces derniers. En 2016, Sicarev, la principale coopérative de viandes de la région a manifesté son désir de rejoindre le projet 100 %, en remplaçant l’abattoir de Charlieu et le transformateur Carrel. Sicarev promettait la réalisation d’économies d’échelle et le développement de nouveaux débouchés. Les éleveurs ont néanmoins refusé cette proposition, de nouveau parce qu’elle aurait conduit selon eux à perdre la maîtrise de leur projet.

15Face à cette volonté de maîtrise, la vente de viande en circuits courts aurait pu être envisagée. La vente directe de caissettes de viande tend effectivement à se développer en France depuis une dizaine d’années. Les éleveurs doivent alors passer par un abattoir, l’abattage à la ferme étant interdit, mais ce dernier ne joue qu’un rôle de prestataire (abattage, découpe et conditionnement), sans davantage peser sur les choix des éleveurs [Delavigne, 2008]. Les éleveurs qui se sont impliqués dans les projets ESI et 100 % n’étaient pas attirés par cette formule. Certains l’avaient pratiquée à la marge et tous estimaient qu’elle était chronophage et que leur métier n’était pas de commercialiser de la viande. Ainsi, même s’ils contestaient le fonctionnement des circuits longs auxquels ils participent, ils n’en refusaient pas le principe, avec chaque maillon assumant des tâches distinctes et des agriculteurs ne réalisant pas la vente du produit fini. Cet éleveur exprime bien ce point de vue :

16

« C’est d’essayer de sortir de ce système ou tout circuit long ou tout vente directe. Il existe quelques choses entre les deux. La vente directe, j’en ai fait un petit peu mais ça prend énormément de temps. Je pense allier les avantages des circuits longs et de la vente directe ».
(éleveur, cas ESI, entretien juin 2016)

17Les motivations des bouchers, supermarchés et sociétés de restauration collective peuvent également être décrites. Aussi bien pour 100 % que pour ESI, la volonté de se différencier de leurs concurrents a été un facteur déterminant. Ces acteurs constatent que leurs clients sont demandeurs de produits de proximité. Une offre locale peut agir comme un produit d’appel pour les détaillants ou constituer un plus dans les réponses à appels d’offres des sociétés de restauration collective. Ensuite, la construction des circuits ESI et 100 % a été également vécue par ces opérateurs comme une opportunité de regagner un peu de maîtrise sur leurs approvisionnements. Les artisans bouchers, bouchers de supermarchés ou responsables de cuisines centrales s’approvisionnent très majoritairement auprès de négociants en viande, de centrales d’achat, d’industriels et de distributeurs [Ellies-Oury et Hocquette, 2018]. Ils apprécient ces intermédiaires, capables de leur offrir une large gamme de marchandises, mais certains d’entre eux, comme ce directeur de supermarché, portent aussi un regard critique sur la perte de maîtrise qu’occasionne cette relation.

18

« Alors vous me dites, quelle est la différence ? C’est de composer le produit de A à Z avec les acteurs concernés, de pouvoir être au courant, de maîtriser tout. […] Un produit tel que celui-là, il m’inquiète moins qu’un steak Charal dont je ne sais pas d’où il vient ni avec quoi il a été fait. Là, on est sûr que les bêtes, on les abat tel jour, ça ne traîne pas à droite à gauche, on ne rajoute pas du cheval dessus… Il faut revenir à des choses comme ça, quitte à ce que ça nous coûte un petit peu plus cher ».
(directeur de supermarché, cas 100 %, entretien avril 2016)

19Les démarches entreprises par les promoteurs d’ESI et de 100 %, éleveurs comme détaillants, peuvent être comprises comme une manifestation de la capacité d’initiative des acteurs à contester les règles du jeu existantes et à en proposer de nouvelles [Reynaud, 1997 ; Bréchet, 2013]. Elles peuvent aussi être considérées, en suivant les analyses de Cochoy, comme l’expression d’une lutte pour savoir quel opérateur « a la main » sur l’organisation des circuits [Cochoy, 1999]. L’enjeu est en définitive de reprendre la main, d’affirmer une capacité d’initiative et un pouvoir de régulation sur les circuits marchands.

20Plus précisément, comme nous allons le voir, les expériences d’ESI et de 100 % ont été marquées par l’ambition de prendre collectivement la main sur l’organisation du marché. Les promoteurs d’ESI et de 100 % ont cherché à aller vers une « régulation conjointe » [Reynaud, 1988], où les participants des circuits marchands négocient ensemble les règles du jeu qui les concernent. L’aspiration est alors celle d’une économie organisée selon une délibération collective et égalitaire, telle qu’on la trouve aussi affirmée dans le projet de l’économie solidaire [Cary et Laville, 2015].

3 – Négociations et apprentissages dans la construction des nouveaux circuits marchands

21Dans cette seconde partie, nous allons rendre compte de la façon dont été construits les circuits ESI et 100 %. Ces résultats sont dépendants du cadre d’analyse retenu, mais ils se veulent aussi un reflet fidèle du terrain. Nous mettrons ainsi l’accent, à la suite de Reynaud [1997], sur l’ampleur des négociations et des apprentissages collectifs réalisés par les acteurs d’ESI et de 100 %. Dans la perspective de la sociologie des agencements marchands, nous verrons également que la constitution de « marchés innovants » [Kjellberg et al., 2015] suppose de résoudre une série de problèmes pratiques. Michel Callon [2017] identifie à cet égard cinq processus concourant à la construction des marchés qu’il nomme i) la « passiva(c)tion » marchande (incluant le fait de rendre objectivables les qualités des produits), ii) l’établissement d’agences « qualculatrices » (capables d’évaluation et de calcul), iii) l’organisation des rencontres marchandes, iv) l’attachement entre les marchandises et leurs acheteurs et v) la formulation des prix. Nous allons pour notre part distinguer trois processus : la qualification, la tarification et la fluidification. Cette liste, qui résulte de l’analyse thématique de nos données, n’est pas strictement équivalente à celle de Callon. Elle s’inscrit néanmoins dans l’orientation générale de son travail, en restituant le concret et les détails du travail d’agencement du marché réalisé par les acteurs.

3.1 – Qualification

22Mettre l’accent sur l’importance du processus de qualification dans la constitution des circuits d’ESI et 100 % est incontournable. Tout au long de leurs histoires, ESI comme 100 % ont été confrontés à des questions de définition de la qualité et d’établissement de règles permettant de l’obtenir. Les cas ESI et 100 % permettent alors de rappeler, à la suite de l’Économie des conventions [Eymard-Duvernay, 1993], la centralité de la qualification dans la constitution des marchés agricoles et alimentaires. Mais l’intérêt des cas ESI et 100 % est aussi de donner particulièrement à voir l’établissement de qualités « en train de se faire », dans un processus d’innovation porté par des acteurs cherchant une régulation conjointe.

3.1.1 – La définition des cahiers des charges de l’élevage

23Dans les deux cas étudiés, une opération majeure de qualification a consisté dans l’établissement de cahiers des charges déterminant les pratiques d’élevage. Cela a été l’objet de négociations menées de façons différentes pour ESI et 100 %. Dans le premier cas, le conseiller de la chambre d’agriculture a animé des réunions du collectif d’éleveurs avec l’objectif de traduire dans des cahiers des charges les demandes des bouchers grenoblois, puis celles du supermarché de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs. Dans le second, Roannais Agglomération et le Pôle agroalimentaire Loire ont organisé des rencontres mensuelles associant les éleveurs, l’abattoir de Charlieu, les supermarchés et la société de restauration collective. Le tour de table réuni à ces occasions est remarquable : il inclut une quinzaine de personnes qui habituellement ne se rencontrent pas. La définition du cahier des charges doit alors être comprise comme une négociation collective sur la qualité, mais aussi comme un apprentissage collectif sur la qualité. Pour les acteurs de l’aval, il s’agissait avec les projets ESI et 100 % de mieux comprendre les contraintes de l’élevage. Surtout, pour les éleveurs, il s’agissait de passer d’un raisonnement centré sur l’animal à un raisonnement centré sur la qualité de la viande, pour ensuite revenir aux pratiques d’élevage. Aucun d’entre eux, aussi bien pour ESI que pour 100 %, n’avait par le passé travaillé directement avec des bouchers de centres-villes ou de supermarchés. Cet éleveur en témoigne :

24

« On était un petit peu novices dans tout ça. On est arrivés avec tout notre courage, avec l’envie que ça marche et puis c’est vrai qu’on essuie un peu les plâtres. […] On dit que la viande c’est compliqué, mais c’est vrai que c’est compliqué. Ce n’est pas une cagette de pommes. Il y a beaucoup de manipulations à faire sur la viande, d’une bête à l’autre, on n’a pas les mêmes rendements, les mêmes états d’engraissement, il y a plein de facteurs qui entrent en jeu. On découvre un petit peu la viande ».
(éleveur, cas 100 %, entretien avril 2016)

25Pour 100 %, ce processus a débouché sur un cahier des charges qui prescrit i) une race à viande, la charolaise, ii) une alimentation principalement à base de pâturage complétée par du fourrage majoritairement produit sur l’exploitation, iii) la sélection de bêtes de 6 ans maximum avec une carcasse de bonne conformation (U- ou R+) [3] et iv) l’adhésion à la Charte de bonnes pratiques d’élevage. Pour ESI, le cahier des charges prévoit i) une race à viande, charolaise ou limousine, ii) une alimentation à base de pâturage et de ration sèche pour la finition, iii) une finition de la bête au moins 100 jours sur l’exploitation, iv) la sélection de bêtes de moins de 6 ans avec une carcasse de très bonne à bonne conformation (E- ou U) pour le circuit « bouchers », moyenne pour le circuit « Super U » (R) et v) l’adhésion à la Charte de bonnes pratiques d’élevage ainsi qu’une surface minimale par animal.

26Si ces cahiers des charges recoupent pour partie ceux des labels rouges charolais et limousin déjà suivis par les deux groupes d’éleveurs, certaines exigences vont au-delà. Ainsi, un abattage à moins de 6 ans, qui réduit le nombre de vêlages et vise à améliorer la qualité de la viande, est plus exigeant que ce que prévoient les labels rouges charolais et limousins, prescrivant respectivement huit et neuf ans. Dans le cas d’ESI, les trois mois d’engraissage de l’animal à base de ration sèche représentent également une évolution remarquable. Cette ration repose sur de l’herbe séchée complétée par des céréales et vise à remplacer le maïs ensilage. Ce dernier mode d’alimentation, promu depuis la modernisation agricole pour la vitesse d’engraissement qu’il permet, est aujourd’hui accusé de produire une viande de moins bonne « tenue », c’est-à-dire moins tendre et se conservant moins bien. Ainsi, pour les bouchers grenoblois à l’origine d’ESI, il fallait impérativement une finition en ration sèche.

27Il est sans conteste possible d’analyser ces cahiers des charges comme des vecteurs de différenciation de la qualité, justifiant un prix plus élevé pour les éleveurs et permettant aux distributeurs de distinguer leur offre. Une seconde lecture, inspirée par notre cadre d’analyse, peut néanmoins être produite. En se dotant de ces cahiers des charges, les acteurs se donnent des règles qui contribuent à constituer leurs collectifs, des collectifs de producteurs, mais aussi des collectifs-agencements marchands incluant les autres acteurs des circuits [voir de même Stassart et Jamar, 2005 ; Rodet, 2015 ; Bréchet et Dufeu, 2019]. Dans les deux cas, des règles d’exclusion de ceux qui ne joueraient pas le jeu ont d’ailleurs été rédigées. Il est également significatif que le refus de voir entrer la coopérative Sicarev dans le projet 100 % a été justifié par un argument sur les risques de ne plus maîtriser le cahier des charges. Dans ce compte rendu de réunion, nous pouvons lire ce couplage entre maintien de la qualité, réaffirmation du périmètre du collectif et volonté de garder la main sur l’organisation des circuits :

28

« Les éleveurs veulent rester maîtres du cahier des charges et rester acteurs de la filière mise en place. Le 100 % charolais du Roannais doit rester dans une démarche steak haché de qualité. Il ne fait pas accepter une baisse de la qualité, et donc viser des animaux classés R+ ou U en responsabilisant les éleveurs qui fourniront la filière ».
(compte rendu du comité de pilotage 100 %, 30 septembre 2016)

3.1.2 – Des ajustements supplémentaires dans le circuit « bouchers » d’ESI

29Les cahiers des charges sont essentiels, mais ils ne suffisent pas à réaliser tous les ajustements sur la qualité. L’expérience du circuit ESI établi avec les bouchers grenoblois en témoigne bien. Elle permet en outre de mettre de nouveau l’accent sur les apprentissages qui accompagnent les négociations sur la qualité.

30Nous l’avons déjà suggéré, les éleveurs n’ont en temps normal pas à se préoccuper de la qualité de la viande ; ils peuvent se concentrer sur leurs pratiques d’élevage et la qualité de leurs animaux. Symétriquement, même s’il s’agissait autrefois d’une compétence de leur métier, il est aujourd’hui rare que les bouchers achètent de la viande sur pied, en choisissant une bête directement auprès d’un éleveur [Delavigne, 2008]. La plupart du temps, ils la choisissent auprès de négociants, qui proposent des dizaines de carcasses avec des qualités différentes, permettant à chaque boucher de trouver celle qui lui convient. Dans les circuits longs conventionnels, l’abattoir est un « espace économique pivot entre l’univers de l’élevage et celui de la boucherie » qui « opère une médiation entre deux espaces économiques dont les modes de régulation sont a priori disjoints » écrit Thierry Escala [2009, p. 198]. Ajoutons : a priori disjoints, au regard d’un projet de reconnexion comme celui d’ESI, mais aussi a posteriori disjoints, grâce au travail d’ajustement assuré par les intermédiaires des circuits longs. Ne pas laisser le pouvoir d’organisation aux intermédiaires, comme ont cherché à le faire les protagonistes d’ESI, implique alors un effort spécifique. Comme le dit cet éleveur, cela oblige à « aller beaucoup plus loin » :

31

« Une carcasse pendue dans un abattoir c’est vachement plus régulier qu’une vache sur pied. Même si on la connaît, une fois tuée, elle ne tombe pas tout le temps comment on pensait. […] Le système avec les bouchers, c’est plus que ça. On va beaucoup plus loin. […] Pour vous donner une idée, on a eu une formation sur la viande, avec des bouchers, deux journées pour savoir comment engraisser réellement une bête. Je me suis rendu compte que mes petites génisses je les nourrissais trop, qu’elles mettaient du gras interne qu’elles ne perdaient jamais. […] Là on voit vraiment jusqu’à la découpe, limite jusqu’au client qui nous dit comment est la viande. […] C’est là qu’on se rend compte que l’on a tout perdu ces 40 dernières années, et même nous dans nos systèmes de négoce et coop. On vend notre bête, c’est bon, elle fait son poids. C’est à nous de réapprendre à faire des bêtes de qualité ».
(éleveur, cas ESI, entretien juin 2016)

32Une bête de même race, âge, condition d’élevage et conformation « ne tombe pas » toujours de la même façon : la qualité de l’animal et a fortiori de la viande ne découle pas mécaniquement de ces critères. Face aux critiques des bouchers grenoblois, des formations ont alors été engagées pour apprendre aux éleveurs d’ESI à juger de la qualité bouchère à partir de l’observation des bêtes vivantes, et à modifier l’alimentation en phase de finition afin de l’améliorer. L’évaluation « sur pied » de l’engraissement renvoie à une compétence relevant d’un savoir-faire incorporé, mobilisant l’observation visuelle et la palpation manuelle des animaux, qui est aujourd’hui le monopole des intermédiaires des filières bovines [Delavigne, 2008]. Il s’agissait donc de transférer ce savoir-faire des intermédiaires aux éleveurs.

3.1.3 – Le recours à un intermédiaire pour juger la qualité des animaux de 100 %

33Des problèmes similaires ont été rencontrés par les acteurs de 100 %, mais une solution différente a été apportée. Cette fois, c’est l’abattoir de Charlieu qui a tiré la sonnette d’alarme. Il a expliqué qu’il était obligé de dégraisser fortement les quartiers avant pour atteindre un taux de 15 % de matière grasse dans les steaks hachés, et que cela occasionnait des pertes économiques importantes. Il a également fait le constat d’une très grande hétérogénéité entre les bêtes, pointant même du doigt le cas d’une vache qu’il aurait dû refuser. Face à ces problèmes, répétés lors des trois tests de 2016, le comité de pilotage de 100 % a choisi de recourir aux services d’un négociant en bestiaux, Clément Frères, chargé d’identifier auprès des éleveurs les bêtes pouvant être abattues pour les circuits 100 %. Cette solution, très différente de celle retenue par ESI, ne donne cependant pas la main à un intermédiaire sur l’organisation des circuits. Le rôle fixé au négociant s’apparente plus à celui d’un prestataire de services, effectuant un tri de la qualité, dans le cadre d’un circuit marchand dont les règles continuent à être collectivement déterminées.

3.2 – Tarification

34À côté du travail de qualification, la constitution des circuits marchands ESI et 100 % suppose également de fixer des prix. Pour ce processus également, nous pouvons observer comment la visée de régulation conjointe intervient dans les négociations sur les règles et suscite des apprentissages. En pratique, deux équilibres ont été recherchés : un équilibre global sur l’ensemble de la chaîne de valeur et l’« équilibre matière ».

3.2.1 – Une recherche d’équilibre global sur la chaîne de valeur

35Aussi bien pour ESI que pour 100 %, les acteurs ont cherché à déterminer dans un même mouvement les prix à chacune des étapes des circuits. Contrairement à ce qui se pratique dans les circuits longs conventionnels, il n’y a pas eu de négociation maillon par maillon, mais la recherche d’un équilibre global qui satisfasse tous les participants. Ce point est notable, tant le travail des intermédiaires des circuits longs est généralement marqué par une forte opacité sur les prix et les marges. Plus précisément, les éleveurs critiquent la façon dont les intermédiaires tirent bénéfice de cette opacité pour manipuler l’information et tirer les prix vers le bas. Le partage d’information sur les prix, les coûts et les contraintes de chacun, tel qu’il a été pratiqué dans les circuits ESI et 100 %, peut donc être interprété comme une façon de renforcer ce que Callon [2017] nomme la « puissance de calcul » des éleveurs.

36Cette recherche d’équilibre dans la tarification a couplé plusieurs logiques : comparaison avec les prix de marché habituellement pratiqués, couverture des coûts spécifiquement engagés par l’opération, et recherche d’une plus-value justifiant les efforts engagés dans cette démarche. Par exemple, dans le circuit 100 %, les quatre supermarchés du début du projet se sont entendus avec les éleveurs sur un prix d’achat à 9,72 € la boîte d’un kilogramme de steaks hachés surgelés. Les éleveurs ont calculé que ce prix leur permettait d’une part de couvrir les frais à leur charge (transport et abattage des animaux, découpe des carcasses, transformation en steaks hachés surgelés, emballage, stockage et livraison des steaks, gestion administrative) et d’autre part de générer une plus-value par rapport à la vente à la coopérative, de 350 € en moyenne par animal. Les supermarchés et les éleveurs se sont également entendus sur un prix de vente au consommateur à 11,90 € la boîte, en phase avec le niveau de prix des marques nationales. Lors de la fixation de ces prix, les supermarchés ont clairement exprimé qu’ils ne pouvaient pas vendre plus cher, sous peine de ne pas trouver de clientèle. Ils ont aussi souligné qu’ils acceptaient une marge réduite de moitié afin de soutenir le lancement du produit, mais que celle-ci devrait à terme augmenter lorsque les coûts liés à l’organisation du circuit diminueraient.

3.2.2 – Prix et équilibre matière

37Le travail de tarification dans les cas ESI et 100 % est aussi lié au problème de l’« équilibre matière », c’est-à-dire de la valorisation de l’ensemble des parties de l’animal. Si les consommateurs achètent des morceaux de viande et les détaillants achètent des carcasses, les éleveurs vendent des animaux. Il a été souligné que la transformation des fruits et légumes en marchandises devait tenir compte de contraintes spécifiques liées à leurs caractéristiques naturelles : la périssabilité, la saisonnalité et la variété [Bernard de Raymond et al., 2013]. Ce constat est valide pour la viande bovine ; nous l’avons bien vu pour la variété (les animaux élevés de la même façon ne donnent pas une viande identique). Il peut être étendu à une quatrième caractéristique : le caractère composite des marchandises issues d’un même animal. Dans les circuits longs conventionnels, la gestion de cette contrainte est assurée par les intermédiaires. Les producteurs comme les détaillants peuvent donc ne pas avoir à se soucier de l’équilibre matière. Dans les circuits ESI et 100 %, cela n’est plus le cas.

38À la création de 100 %, il avait été convenu que les quatre supermarchés achèteraient à la fois les steaks issus des quartiers avant et les carcasses issues des quartiers arrière. Lorsqu’en mai 2016, un d’entre eux a annoncé qu’il ne prendrait plus systématiquement les arrières, plusieurs solutions ont été envisagées au sein du comité de pilotage du projet. Elles témoignent toutes d’une dynamique de négociation, qui peut sembler commune à n’importe quelle relation commerciale, mais qui est en fait originale puisqu’elle s’opère dans un espace associant tous les acteurs du projet. Pendant une première réunion, la possibilité d’exclure ce supermarché a été évoquée, un autre supermarché estimant que si son concurrent ne jouait pas pleinement le jeu, il ne devait pas pouvoir commercialiser les steaks hachés. Cette solution ayant été rejetée, les réunions suivantes ont abordé d’autres pistes. L’abattoir de Charlieu a cherché sans succès de nouveaux clients disposés à acheter les arrières au prix initialement défini. Il a été également essayé, lors de deux tests inégalement convaincants, de transformer en steaks hachés des animaux entiers de moindre conformation (R = ou R-, au lieu de U ou R+). Le comité de pilotage du projet a envisagé d’augmenter le nombre d’abattages pendant l’été, saison où les arrières sont davantage consommés, et de stocker les excédents de steaks hachés surgelés jusqu’à la période hivernale. Mais cette éventualité a été exclue en raison de son coût et d’un manque d’infrastructures. Au moment où nous avons clos notre enquête, aucune solution totalement satisfaisante n’avait donc été trouvée.

3.3 – Fluidification

39Des négociations et apprentissages sont également observables au sujet de ce que nous nommons le processus de fluidification. Par ce terme, nous ciblons l’établissement des règles visant à rendre simples, sûres et efficaces les opérations commerciales d’achat et de vente. Une telle fluidité est généralement effective dans les circuits longs organisés par les intermédiaires. L’enjeu pour les acteurs de ESI et 100 % était de la construire dans leurs propres circuits. Pour l’essentiel, ce travail a débouché sur l’instauration de règles et de dispositifs, comme la planification, qui sont également mobilisés dans les circuits longs conventionnels. Pour autant, en raison de la régulation conjointe qui a prévalu pour les établir, et des apprentissages qui ont été nécessaires, ce processus de fluidification gagne lui aussi à être considéré comme innovant et à être observé de près.

40La clarification des règles encadrant les commandes, la facturation et la logistique porte ainsi sur de multiples petits détails, qui ont été réglés par tâtonnements et délibérations successives. Pour le montrer, nous pouvons donner en exemple les difficultés rencontrées par ESI lors de la première commercialisation de carcasses vers le Super U de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs. Le supermarché, satisfait de la qualité gustative de la viande, avait cependant demandé à l’abattoir de Grenoble de réaliser plusieurs ajustements. Premièrement, l’abattoir a dû procéder à une découpe plus avancée des carcasses que celle qu’il réalisait pour le circuit « bouchers ». Deuxièmement, il a dû investir dans une nouvelle étiqueteuse, permettant d’inclure sur les étiquettes des carcasses l’ensemble des mentions légales obligatoires pour la vente en grandes surfaces. Enfin, il a dû livrer la viande dans un camion frigorifique plus gros, afin que sa hauteur soit compatible avec celle des quais de réception du supermarché. Dans cet extrait d’entretien, un des éleveurs d’ESI restitue ces difficultés et témoigne des apprentissages nécessaires :

41

« Il faut que les carcasses soient découpées d’une certaine façon. Ils appellent ça du dévertébré. Il y a le train de côte avec une cuisse ; les avants sont sous PAD [prêts à découper] sous vide. Il faut aussi travailler avec l’abattoir de Grenoble. Du coup, le responsable de la chaîne d’abattage de Grenoble était venu avec nous rencontrer les bouchers du Super U. […] La première génisse a été emmenée dans un camion de 3,5 tonnes. Un petit camion frigorifique pas assez haut pour le quai, qui a obligé à décharger à 200 mètres et à se balader dehors avec les bêtes. Du coup, il faut les amener en 19 tonnes. Voilà, ce sont des petites choses, mais on n’est pas au courant. Donc, il faut apprendre. Ce sont des petites choses, mais on ne peut pas travailler avec les transporteurs habituels que l’on utilise avec les bouchers [les quatre boucheries grenobloises]. Parce que pour aller livrer au centre de Grenoble, il vaut mieux un 3,5 tonnes. C’est tout ça. Et ça va rentrer petit à petit dans notre roulement ».
(éleveur, cas ESI, entretien juin 2016)

42La planification de la production est également nécessaire pour rendre fluides les échanges. Dans le circuit ESI, les éleveurs doivent ainsi engager trois mois avant l’abattage une finition spécifique de la bête à base de ration sèche. L’enjeu est aussi de les prévenir suffisamment tôt afin qu’ils réservent des bêtes pour ces circuits et ne les vendent pas ailleurs. La règle de planification rejoint alors une règle de bon comportement : il faut que chacun respecte son engagement de livraison, même si cela lui complique la tâche ou s’il trouve entre-temps un débouché plus rémunérateur. Au fil des différents tests réalisés, les membres d’ESI comme de 100 % se sont entendus sur les bonnes façons d’organiser cette planification. En pratique, les deux collectifs établissent un planning à moyen terme où chaque éleveur recense les animaux disponibles sur son exploitation et leurs caractéristiques, et un planning plus resserré qui tient compte des commandes effectives et les répartit entre les éleveurs.

43Pour clore ce point, nous pouvons mettre en exergue un large extrait de la convention établie à la fin de l’année 2017 entre les différentes parties prenantes de 100 % :

44

« Au 15 du mois, Roannais Agglomération définira avec l’abattoir de Charlieu, en fonction des commandes et des stocks transformés non commercialisés, le nombre d’animaux à abattre et leurs caractéristiques estimées par l’éleveur (conformation, état d’engraissement, etc.). Roannais Agglomération transmettra à Clément Frères et à l’abattoir de Charlieu : 1) Les commandes en steaks hachés du mois (volume, nom du client, adresse, etc.). 2) Les tableaux de programmation sur deux à trois mois, fournis par les éleveurs, recensant les animaux susceptibles d’être valorisés dans la filière et leurs caractéristiques. […] Une fois la liste des bêtes reçue, Clément Frères se chargera d’aller contrôler leur conformité au cahier des charges. Dans le cas où l’abattoir ait signalé une commande de morceaux arrière, le négociant identifiera des bêtes répondant à des caractéristiques « supérieures » (conformation, état d’engraissement, poids, etc.) pour répondre à cette demande. Dans le cas où un nombre trop important de bêtes listées ne soient pas conformes au cahier des charges, Clément Frères passera par Roannais Agglomération pour identifier auprès des éleveurs partenaires de nouvelles bêtes permettant de répondre à la commande. […] Clément Frères assume tout le portage financier. C’est donc lui qui paie les prestations à l’abattoir de Charlieu (abattage et découpe, décolonnage), TVE (transport des carcasses), Roannais Agglomération (emballages, code-barres), Carrel (transformation et conditionnement, analyse produit fini), STEF (transport des steaks hachés). Pour l’ensemble de sa prestation, Clément Frères se verra rétribué à raison de 0,15 €/kg de carcasse […]. Clément Frères assurera la facturation des steaks hachés surgelés aux distributeurs selon les volumes de commandes transmis par Roannais Agglomération sur la base des prix de vente fixés par le comité de pilotage pour l’année 2017-2018. […] À cela s’ajoutent la facturation d’éventuels arrières au prix de 7,50 €/kg ou des aloyaux (12 €/kg) et la facturation du cinquième quartier ».
(SAEM Abattoir du Pays de Charlieu, Roannais Agglomération, Clément SAS, Convention Le 100 % charolais du Roannais, octobre 2017)

45Ce document, véritable « formule » [Callon, 2017] des circuits 100 %, appelle plusieurs commentaires. Premièrement, cette convention donne à voir que les trois processus que nous avons identifiés successivement sont en pratique entremêlés. Deuxièmement, il est notable que la convention définit, comme le font classiquement les règlements des organisations bureaucratiques, une règle et des exceptions à la règle. Fluidifier les relations commerciales consiste à les rendre les plus prévisibles possible, y compris en anticipant la survenue de cas particuliers. Troisièmement, il nous faut rappeler combien cette « formule » n’était pas écrite au commencement de 100 %. Elle est le fruit de deux années de négociations et d’apprentissages collectifs sur la définition de la qualité et les moyens de la garantir, les prix pratiqués à chacune des étapes des circuits et pour chacune des parties des animaux, ainsi que sur les aspects administratifs et logistiques permettant de rendre simple, sûr et efficace le fonctionnement des circuits. Enfin, conformément à l’idée de ce que Reynaud [1997] appelait la « qualification collective », ajoutons que cette formule écrite est loin de résumer tous les apprentissages. Même si nous ne les avons pas restituées, ne doutons pas que des règles non écrites déterminant les bonnes façons de faire pour agir collectivement ont aussi été trouvées au fil du temps.

4 – Conclusion

46Comment reprendre la main sur le marché sans pour autant construire des circuits courts ? Les agriculteurs peuvent-ils garder du pouvoir de régulation dans le cadre de circuits très intermédiés ? Les expériences d’ESI et de 100 %, appréhendées à l’aide des sociologies de l’action organisée et des agencements marchands, sont riches d’enseignements.

47Les cas d’ESI et de 100 % permettent tout d’abord de pointer du doigt une source du pouvoir des intermédiaires des circuits longs conventionnels de viande bovine. En cherchant à travailler avec des supermarchés, des bouchers ou des sociétés de restauration collective, les éleveurs d’ESI et de 100 % se sont rendu compte de la masse des ajustements que réalisent au quotidien les intermédiaires de la filière. Les négociants et les abattoirs occupent une place de médiation entre un monde de l’élevage et un monde de la distribution dont les acteurs ne se rencontrent jamais. Cette position leur procure une puissance de calcul au moment de la fixation des prix dont ne disposent pas les autres maillons de la chaîne. Elle leur permet aussi d’apparaître comme des maillons incontournables, parce que capables de valoriser l’ensemble des animaux, de garantir les qualités de la viande ou d’assurer un déroulement fluide des échanges.

48Pour sortir de cette situation, les acteurs d’ESI et de 100 % ont cherché à élaborer conjointement de nouvelles règles du jeu pour de nouveaux circuits. Ils ont pour cela réalisé des expérimentations et mis en place des instances de régulation conjointe. Les réunions du groupe de travail 100 % sont à cet égard remarquables. La plupart des acteurs du circuit, mais aussi Roannais Agglomération et le Pôle agroalimentaire Loire, y participent. Lors de ces réunions, les leçons pratiques des expérimentations sont tirées. Les participants discutent collectivement des problèmes de qualité, de prix et d’organisation, avec un accroissement de la transparence sur les contraintes de chacun, les prix et les marges. Même si les éleveurs d’ESI n’ont pas mis en place de telles réunions multipartites, ils ont aussi élaboré de façon conjointe, avec les autres opérateurs, des règles permettant le bon fonctionnement de leurs circuits.

49Ces expérimentations et délibérations collectives se sont accompagnées d’apprentissages. Cela est vrai pour les éleveurs d’ESI et de 100 %, qui ont développé de nouvelles compétences pour garantir la qualité de la viande issue de leurs animaux, atteindre l’équilibre matière, commercialiser en grande distribution et rendre efficaces leurs circuits. Ces apprentissages situés chez les éleveurs se couplent avec des apprentissages réalisés entre tous les acteurs du circuit. Cela se vérifie particulièrement pour les règles de fluidification, par exemple celles qui sont résumées dans la convention 100 % de 2017. Tous ces apprentissages sont à la fois une condition et une conséquence de la prise en main de la régulation. Ils sont indispensables pour ne plus laisser les intermédiaires organiser le marché et ils renforcent les acteurs concernés dans leur capacité à élaborer de nouveaux circuits. Parler d’apprentissages collectifs entre les différents opérateurs des circuits ESI ou 100 % confirme finalement la pertinence de penser ces circuits comme des agencements marchands, c’est-à-dire comme des collectifs sociotechniques capables d’actions productives et marchandes [Çalişkan et Callon, 2010 ; Callon, 2017]. Il s’agit alors moins d’envisager l’action collective de tel ou tel groupe d’agriculteurs que l’action collective d’un ensemble plus vaste, composé d’acteurs hétérogènes agissant à différents niveaux d’un circuit marchand.

Remerciements

Les enquêtes de terrain concernant les « Éleveurs de saveurs iséroises » ont été réalisées dans le cadre du projet PSDR Syam, financé par la Région Auvergne-Rhône-Alpes et l’Inrae. Celles concernant le « 100 % charolais du Roannais » sont issues du projet Ceres financé par la Fondation Daniel et Nina Carasso. Nous remercions les participants, « chercheurs » et « acteurs », de ces deux projets, tout particulièrement Aurélien Quenard, Geoffrey Lafosse et Pierre Lequay. L’article a beaucoup bénéficié des retours des deux évaluateurs de la RFSE. Nous leur adressons également nos chaleureux remerciements.

Notes

  • [1]
    Les quartiers avant offrent principalement des morceaux de viande à braiser ou bouillir, par exemple en pot-au-feu ou bœuf bourguignon. Ils sont également utilisés pour faire des steaks hachés et dans des plats transformés. Les quartiers arrière, aujourd’hui considérés comme plus nobles, fournissent les viandes à griller, poêler ou rôtir.
  • [2]
    Tels que les GAB (Groupements d’agriculture biologique), Civam (Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural) ou Adear (Associations pour le développement de l’emploi agricole et rural).
  • [3]
    La conformation désigne la quantité de muscles d’un bovin. Les carcasses sont évaluées selon une grille communautaire comprenant cinq classes (E, U, R, O, P), auxquelles s’ajoute la classe S réservée aux races « superculardes » [voir Stassart et Jamar 2005]. Plus l’animal a un développement musculaire élevé, plus ses carcasses seront proches de E. Elles auront un meilleur rendement lors de la transformation bouchère et leur prix au kilo sera plus élevé.
Français

En s’appuyant sur la sociologie de l’action organisée et la sociologie des agencements marchands, l’article décrit la construction de nouveaux circuits marchands pour la viande bovine observés dans la Loire et en Isère. Pour leurs promoteurs, des éleveurs et des détaillants, l’objectif était de reprendre la main sur l’organisation des circuits de commercialisation sans pour autant construire des circuits courts. Il s’agissait de construire des circuits intermédiés dont les règles du jeu sont conjointement élaborées. Les auteurs soulignent l’ampleur de la tâche nécessaire à la construction de tels circuits en distinguant trois processus qu’ils nomment qualification, tarification et fluidification. Pour chacun d’entre eux, ils montrent que ne pas laisser les intermédiaires organiser le marché requiert des négociations et des apprentissages collectifs.

  • action organisée
  • agencements marchands
  • circuits courts de proximité
  • intermédiation marchande
  • systèmes alimentaires du milieu

Bibliographie

  • En ligneBaysse-Lainé A., Perrin C. (2017), « Les espaces agricoles des circuits de proximité : une lecture critique de la relocalisation de l’approvisionnement alimentaire de Millau », Natures Sciences Sociétés, vol. 25, n° 1, p. 21-35.
  • Bernard de Raymond A. (2013), En toute saison : le marché des fruits et légumes en France, PUR, Rennes.
  • En ligneBernard de Raymond A., Bonnaud L., Plessz M. (2013), « Les fruits et légumes dans tous leurs états. La variabilité, la périssabilité et la saisonnalité au cœur des pratiques sociales », Revue d’études en agriculture et environnement, vol. 94, n° 1, p. 3-12.
  • En ligneBréchet J.-P. (2013), « Organiser le marché : une lecture par la théorie de la régulation sociale », Revue française de socio-économie, vol. 12, n° 2, p. 191-208.
  • Bréchet J.-P., Dufeu I. (2019), Le projet Bio Loire Océan. Liberté individuelle et force du collectif, Éditions du Croquant, Vulaines-sur-Seine.
  • En ligneBrives H., Chazoule C., Fleury P., Vandenbroucke P. (2017), « La notion d’“agriculture du milieu” est-elle opérante pour l’analyse de l’agriculture de Rhône-Alpes ? », Économie rurale, n° 357, p. 41-56.
  • En ligneÇalişkan K., Callon M. (2010), « Economization, part 2: a research programme for the study of markets », Economy and Society, vol. 39, n° 1, p. 1-32.
  • Callon M. (2017), L’emprise des marchés. Comprendre leur fonctionnement pour pouvoir les changer, La Découverte, Paris.
  • En ligneCary P., Laville J.-L. (2015), « L’économie solidaire : entre transformations institutionnelles et chantiers théoriques », Revue française de socio-économie, vol. 15, n° 1, p. 23-37.
  • En ligneChiffoleau Y. (2017), « Dynamique des identités collectives dans le changement d’échelle des circuits courts alimentaires », Revue française de socio-économie, n° 18, p. 123-141.
  • Cochoy F. (1999), Une histoire du marketing : discipliner l’économie de marché, La Découverte, Paris.
  • En ligneCochoy F., Dubuisson-Quellier S. (2000), « Les professionnels du marché : vers une sociologie du travail marchand », Sociologie du travail, vol. 42, n° 3, p. 359-368.
  • Delavigne A.-E. (2008), « La viande en vente directe : une filière alternative ? », Carnets de bord, n° 15, p. 42-52.
  • Dubuisson-Quellier S., Lamine C. (2004), « Faire le marché autrement. L’abonnement à un panier de fruits et de légumes comme forme d’engagement politique des consommateurs », Sciences de la société, vol., n° 62, p. 144-167.
  • En ligneDupré L., Lamine C., Navarrete M. (2017), « Short Food Supply Chains, Long Working Days: Active Work and the Construction of Professional Satisfaction in French Diversified Organic Market Gardening », Sociologia ruralis, vol. 57, n° 3, p. 396-414.
  • Ellies-Oury M.-P., Hocquette J.-F. (dir.) (2018), La chaîne de la viande bovine. Production, transformation, valorisation et consommation, Lavoisier, Paris.
  • En ligneEscala T. (2009), « Les valeurs de la carcasse », in Vatin F. (dir.) Évaluer et valoriser : une sociologie économique de la mesure, Presses universitaires du Mirail, Toulouse.
  • En ligneEymard-Duvernay F. (1993), « La négociation de la qualité », Économie rurale, vol. 217, p. 12-17.
  • Friedberg E. (1993), Le pouvoir et la règle. Dynamiques de l’action organisée, Seuil, Paris.
  • En ligneGibson-Graham. J. K (2008), « Diverse economies: performative practices for “other worlds” », Progress in Human Geography, vol. 32, n° 5, p. 613-632.
  • En ligneKjellberg H., Azimont F., Reid E. (2015), « Market innovation processes: Balancing stability and change », Industrial Marketing Management, vol. 44, n° 1, p. 4-12.
  • En ligneLe Velly R. (2017), Sociologie des systèmes alimentaires alternatifs. Une promesse de différence, Presses des Mines, Paris.
  • En lignePraly C., Chazoule C., Delfosse C., Mundler P. (2014), « Les circuits de proximité, cadre d’analyse de la relocalisation des circuits alimentaires », Géographie, économie, société, vol. 16, n° 4, p. 455-478.
  • En ligneReynaud J.-D. (1988), « Les régulations dans les organisations : régulation de contrôle et régulation autonome », Revue française de sociologie, vol. 29, n° 1, p. 5-18.
  • Reynaud J.-D. (1997), Les règles du jeu. L’action collective et la régulation sociale (3e éd.), Armand Colin, Paris.
  • En ligneRodet D. (2015), « L’économie solidaire comme mouvement social : des dispositifs de qualité pour s’identifier, agir et mobiliser », Revue française de socio-économie, n° 15, p. 193-212.
  • En ligneStassart P., Jamar D. (2005), « Équiper des filières durables ? L’élevage bio en Belgique », Natures Sciences Sociétés, vol. 13, n° 4, p. 413-420.
  • Terssac G. D., Lalande K. (2002), Du train à vapeur au TGV : sociologie du travail d’organisation, PUF, Paris.
Mis en ligne sur Cairn.info le 16/06/2020
https://doi.org/10.3917/rfse.024.0129
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte © La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...