CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1Le capitalisme s’est aujourd’hui complètement mondialisé, conséquemment à la liberté de circuler accordée aux capitaux dans les années 1970-1980. Mais, loin d’instaurer la stabilité et l’efficacité du système économique, sa globalisation et sa financiarisation ont entraîné à la fin du xxe siècle et au début du xxie une crise d’ampleur et de dimension inédites : l’accumulation du capital bute périodiquement sur les contradictions sociales qu’elle engendre, mais elle bute aussi maintenant sur les limites de la planète. Réchauffement climatique, épuisement des ressources, perte de biodiversité et multiples pollutions sont au cœur des débats de société, alors que la condition salariale se dégrade en maints endroits, en termes de travail ou de droits sociaux. De ces deux dimensions, sociale et écologique, il découle des interrogations sur le sens et les finalités du travail, de l’activité économique, et donc sur ce qui définit la richesse sociale et ce qui compte comme valeur.

2Tout se passe comme si s’opérait un retour aux premières questions de l’économie politique formulées à la fin du xviiie siècle, sous l’impulsion surtout d’Adam Smith [1776] et de David Ricardo [1817, 1821], centrées sur le travail, reprises de manière critique par Karl Marx [1859, 1867], mais largement oubliées avec l’avènement de la théorie néoclassique. Selon les premiers, l’économie obéit à des lois naturelles que l’économie politique s’efforce de mettre au jour, et dont il résulte que le marché doit fonctionner sans entraves, dès lors que la défense de la propriété privée et que la liberté d’échanger sont assurées. Et, reprenant l’intuition d’Aristote, Smith et Ricardo affirment que les marchandises possèdent une valeur d’usage (une utilité) pour laquelle elles sont désirées, et une valeur d’échange entre elles, la seconde ne se déduisant pas de la première. Selon eux, le produit du travail se répartit entre trois classes : les salariés, les capitalistes et les propriétaires fonciers. Ainsi s’ébauche la théorie dite de la valeur-travail, prolongeant les premiers essais d’Ibn Khaldoun au Moyen Âge et d’Antoine de Montchrestien, William Petty et Richard Cantillon aux xviie et xviiie siècles.

3Les problèmes liés à l’utilisation de la nature ne sont pas absents des préoccupations de l’économie politique. Parmi celles-ci, les rendements de la terre préoccupent Ricardo et Thomas Robert Malthus [1798, 1820]. Le premier voit les rendements décroissants de la terre et s’inquiète de la rente foncière, et le second compare ces rendements et l’augmentation de la population. En revanche, Jean-Baptiste Say [1840] s’écarte tout à fait de la théorie de la valeur-travail et fonde la valeur sur l’utilité.

4Quelques décennies plus tard, Marx affirme que les lois de l’économie sont sociales et historiques, à savoir, pour la période considérée, liées au mode de production capitaliste. Il fait ensuite de l’ébauche de la théorie de la valeur-travail le point de départ de la « critique de l’économie politique », c’est-à-dire celle de la marchandise, du capital et donc des rapports sociaux capitalistes.

5Mais la fin du xxe siècle est marquée par un effondrement du marxisme, qui est le reflet de celui du « socialisme réel », et aussi par un rejet de Marx lui-même, accusé d’avoir glorifié le développement des forces productives et donc d’être incapable de comprendre le productivisme dévastateur de la nature. Entre-temps, les concepts de valeur et de richesse, et surtout leur contenu, avaient été mis au second plan par la science économique.

6Il faut attendre la mise au grand jour de la crise écologique et l’arrêt de son déni pour que ces concepts réapparaissent, et cela de trois manières différentes. Premièrement, se construit à l’intérieur de la théorie néoclassique une « économie de l’environnement » affirmant prendre en compte la « valeur de la nature ». Deuxièmement, une réflexion s’engage à l’échelle internationale pour élaborer de nouveaux indicateurs de richesse. Troisièmement, il existe tout un chantier autour d’une problématique marxienne de l’écologie inscrite dans les rapports sociaux capitalistes qui provoquent une « rupture métabolique » entre l’homme et la nature, et cela en marge ou en parallèle du courant dit de l’économie écologique. Toutes ces analyses éclosent dans un contexte qualifié soit d’ère de l’anthropocène [Crutzen et Stoermer, 2000], soit de capitalocène [Malm, 2017 ; Campagne, 2017].

7L’objectif de ce texte est double : d’une part, il entend présenter les problématiques essentielles de ces approches et, d’autre part, il plaide pour un retour critique à l’économie politique, en ce qu’elle a de plus fondamental : replacer les concepts économiques dans le champ social fait de contradictions sociales et de rapports de force. La thèse que nous soutiendrons est que la théorie de la valeur de Marx, lue à la lumière des événements actuels, est en mesure de rendre compte des dimensions nouvelles de ceux-ci. À condition d’en discuter la portée épistémologique. Nous essaierons de le faire en présentant d’abord ce que fut le premier débat théorique à la naissance de l’économie politique et qui perdure jusqu’à aujourd’hui : la richesse ne se réduit pas à la valeur économique (2). Puis, nous verrons en quoi la valeur est une catégorie sociale qui permet de prendre en compte la question écologique (3). Enfin, nous discuterons l’hypothèse de dépassement de la catégorie valeur (4).

2 – La richesse ne se réduit pas à la valeur économique

8Dès l’Antiquité, Aristote [1993, I, 9, 1257-a, p. 115-116] avait distingué l’administration de la famille, l’oikonomos – qui donnera l’« économie », c’est-à-dire la gestion de la maison – et la chrématistique qui porte sur l’échange. Cette intuition sera développée par l’économie politique, mais abandonnée ultérieurement par la théorie néoclassique.

2.1 – La distinction entre richesse et valeur, point de départ de l’économie politique

9Selon Smith et Ricardo, la valeur d’usage des marchandises est la condition nécessaire de leur valeur d’échange, mais ne la mesure pas. En faisant du travail (commandé chez l’un, incorporé chez l’autre) le fondement de la valeur d’échange, tous les deux rompent avec l’aphorisme de Condillac [1776] : « Une chose n’a pas de valeur parce qu’elle coûte. Elle coûte parce qu’elle a une valeur », qui donnera naissance à la valeur-utilité fondée sur le désir, et qui est un prolongement de ce que disait Spinoza [2008, III, 9, scolie].

10Ricardo observe [1992, p. 289] que « la valeur diffère donc essentiellement de la richesse, car elle ne dépend pas de l’abondance, mais de la difficulté ou de la facilité de production. Le travail d’un million d’hommes dans les manufactures produira toujours la même valeur, mais pas la même richesse ». Say lui répond : « Ce ne sont donc pas les frais de production seuls, ce que Ricardo, d’après Smith, appelle le prix naturel d’une chose, qui règle sa valeur échangeable, son prix courant, si l’on veut exprimer cette valeur en monnaie. Lorsque les frais de production augmentent, pour que la valeur échangeable augmentât aussi, il faudrait que le rapport de l’offre et de la demande restât le même ; il faudrait que la demande augmentât aussi ; et il est de fait qu’elle diminue ; il est impossible, toutes circonstances étant d’ailleurs les mêmes, qu’elle ne diminue pas. La valeur échangeable ne peut donc pas monter comme les frais de production » [Say in Ricardo, 1992, p. 456-457]. L’opposition entre ces deux économistes ne disparaîtra jamais : « Je ne dis pas que c’est la valeur du travail qui règle la valeur des marchandises. […] Je dis que c’est la quantité relative de travail nécessaire à la production des marchandises qui règle leur valeur » [Ricardo, cité par Mahieu, 1992, p. 35], car Say « ne comprend pas la différence entre “la valeur du travail qui ne détermine pas la valeur des produits et la quantité de travail nécessaire à leur production qui détermine la valeur des produits” » [Say cité par Mahieu, 1992, p. 36]. (Voir l’encadré 1. « Une polysémie déroutante »).

Encadré 1. Une polysémie déroutante

Les concepts de richesse et de valeur sont l’objet de définitions et d’emplois très variés en fonction des époques et des courants théoriques.
La richesse peut être entendue en tant que stock ou en tant que flux. Elle peut concerner les richesses produites ou les richesses non produites telles que les richesses naturelles, ou bien englober les deux. Elle peut recouvrir le résultat de l’activité productive monétarisée ou aussi celui de l’activité productive non monétarisée.
Le concept de valeur est encore plus complexe. Au sens de l’économie politique classique anglaise, la valeur d’usage désigne l’utilité comme condition de la production d’une marchandise qui sera vendue à sa valeur d’échange, laquelle est fondée sur la quantité de travail. Marx reformule la question : la valeur d’usage est bien une condition nécessaire pour que soit produite de la valeur ; cette dernière est une fraction du travail socialement validé monétairement, et elle apparaît dans l’échange par le biais d’une proportion, la valeur d’échange, qui est mesurée par l’équivalent monétaire de la quantité de travail socialement nécessaire, une fois satisfaite l’exigence d’un taux moyen de profit pour le capital. C’est ce que Marx a appelé la « loi de la valeur » transformant l’ensemble des travaux concrets en travail indistinct, abstrait. Il s’ensuit que la valeur au sens économique est toujours monétaire et que la richesse disponible – ensemble des éléments utiles, les valeurs d’usage – dépasse la valeur.
Au tournant du xxe siècle, la théorie néoclassique a rejeté le schéma précédent pour faire de l’utilité le fondement des préférences individuelles des agents, le niveau relatif des prix exprimant le niveau relatif des utilités marginales.
Dans la suite de cet article, nous ferons apparaître progressivement que notre choix incline vers la démarche qui va de l’économie politique à la « critique de l’économie politique ».

11Les exemples pris par Smith, Condillac ou Say portaient sur des éléments naturels comme l’air, l’eau ou le diamant. Nous y voyons un double effet. Celui de la conscience, plus ou moins aiguë selon les auteurs, que l’activité humaine s’exerce sur une base matérielle naturelle. Et le fait que la nature représente le cas où la différence entre richesse, qui ne relève pas exclusivement de l’activité humaine, et valeur économique est la plus emblématique. Notre hypothèse est que le fourvoiement ultérieur de la théorie néoclassique ignorant la nature ou la ramenant à une sorte de capital est contenu en creux dans les hésitations de Say. Il récuse la différence entre valeur d’usage et valeur d’échange, la seconde étant fondée selon lui sur la première, et toute distinction entre richesse et valeur est alors abolie : « Que la richesse n’est autre chose que la valeur des choses courantes qu’on possède, c’est un point de fait » [Say, in Ricardo, 1992, p. 475]. Mais il a auparavant distingué les richesses naturelles et les richesses sociales produites par l’homme. La contradiction est manifeste puisque, d’un côté, il identifie la richesse à la valeur, et, de l’autre, il considère qu’il existe des richesses naturelles sans valeur. La suite est connue : « Ne pouvant être ni multipliées ni épuisées, elles [les richesses naturelles] ne sont pas l’objet des sciences économiques » [Say, 1840, p. 68].

2.2 – La discussion au sein de l’économie néoclassique

12Malgré l’insistance de Jevons [1865] sur le risque d’épuisement du charbon dans l’Angleterre industrielle, la recommandation de Say d’ignorer les ressources naturelles au sein des sciences économiques fut suivie au moins jusqu’au milieu du xxe siècle. À cette époque, l’économie néoclassique élabora un modèle de gestion des ressources naturelles épuisables [Hotelling, 1931] et une règle de compensation [Hartwick, 1977] stipulant que les rentes actualisées prélevées au fur et à mesure de l’épuisement des ressources, qui sont égales à la différence entre le prix et le coût marginal des ressources, doivent être réinvesties pour produire du capital substitut aux ressources épuisées.

13Mais, pendant que se développe l’« économie de l’environnement », la gravité de la dimension écologique de la crise contemporaine oblige les institutions internationales à élaborer un nouveau discours sur l’environnement naturel. Par ailleurs, une grande variété d’initiatives sont prises par le secteur bancaire et financier et par les grandes firmes multinationales. Le mariage de l’écologie avec l’économie capitaliste, vue sous l’angle de la résilience dans une société du risque [Rudolf, 2013], peut alors être interprété comme un pas en avant vers la marchandisation de la nature [Keucheyan, 2014].

14Dans le cadre du Protocole de Kyoto [1997], l’Union européenne crée en 2005 un marché de permis d’émission de gaz à effet de serre, et autorise des crédits carbone obtenus grâce aux mécanismes de mise en œuvre conjointe ou de développement propre. Une nouvelle possibilité de spéculation naît alors, avec comme support indirect la dégradation du climat. La raison en est que la couverture et la liquidité sont censées résoudre un problème de volatilité des prix que le marché a lui-même créé [Berta et al., 2017].

15Des bio-banques se spécialisent dans la proposition de cat bonds ou obligations catastrophes, qui sont des formes de contrats d’assurance contre le réchauffement du climat. Ce nouveau marché obligataire est passé de 4,5 milliards de dollars en 2012 à 100 milliards en 2017 [Climate Bonds Initiative, 2017] et a atteint 900 milliards en 2019 [Morningstar.fr, 2019].

16En France, une loi de 1976 visait à « éviter, réduire, compenser ». Cette idée de compensation est incluse dans les protocoles internationaux comme celui de Kyoto ou du REDD (Reducing Emissions from Deforestation and Forest Degradation) et du REDD+. Et la Commission européenne affiche une volonté de « pas de perte nette ». L’alter ego de la compensation est le « paiement pour services environnementaux » ou le « paiement pour préservation des services écosystémiques ». De nombreux supports existent, allant de la préservation des espaces, des sols ou des biotopes à la régulation du cycle de l’eau, du carbone, voire du climat. Mais alors se posent quelques questions complexes : s’agit-il de rémunérer les services rendus « par les écosystèmes » ou par les hommes qui les rendent grâce à leur activité, ou bien encore par les propriétaires des biens naturels ? On ne répond pas de la même façon à ces trois questions, car elles renvoient à des conceptions différentes de la propriété : privée, collective ou commune.

17La conservation de la biodiversité est soumise à l’instauration de la propriété privée sur les éléments naturels au motif qu’il est possible de les réguler par l’instauration de marchés spécifiques à chacun d’eux. Sont ainsi projetés des marchés de droits transférables dès lors qu’on peut identifier des propriétaires ou des quasi-propriétaires. La régulation par le marché des biens naturels ou de la lutte contre le réchauffement climatique suppose que soient institués des droits de propriété [Coase, 1960] ou des droits d’usage lorsqu’il est impossible de s’approprier l’objet du droit.

18Comme des événements nouveaux surgissent (ouragans, inondations, séismes, risques sur les cultures, terrorisme, etc.), tout semble justifier les émissions d’obligations à haut risque et haut rendement par les assureurs des victimes potentielles. Survient potentiellement un risque de second niveau, d’ordre financier, auquel la réponse donnée pour le disperser est la titrisation. Ainsi naît une nouvelle génération de produits dérivés climatiques ou de dérivés sur espèces menacées.

19À la compensation, à la valeur et au paiement des services écosystémiques s’ajoutent maintenant des thèses sur la « valeur créée par la nature » et sa « valeur économique intrinsèque ». Sur le plan théorique, il s’agit d’une conception individualiste et subjective : « Controversies about ecosystem services economic valuation tend to be heated because they involve profound differences about the intrinsic values and motivations of people towards the environment » [Barnaud et Antona, 2014]. Selon Pavan Sukhdev, la « révélation de la valeur économique intrinsèque de la nature [est] trop longtemps restée invisible » [Union européenne, 2008].

20Sur le plan empirique, dans son rapport « Financer la biodiversité », l’OCDE [2019, p. 31] tient pour sérieuse l’estimation de la « valeur économique de la biodiversité et des services écosystémiques » réalisée par Costanza [2014] : entre 125 000 et 145 000 milliards de dollars en 2011.

21Le WWF (World Wildlife Fund, 2015] chiffre la valeur produite par les océans à 2 500 milliards de dollars par an, tandis qu’eux-mêmes « valent » 24 000 milliards. Les océans seraient, selon le WWF, à la septième place des PIB nationaux dans le monde. Cette étude concentre tous les problèmes méthodologiques de la théorie économique dominante. Ce qui est appelé valeur produite par les océans ne correspond-il pas en réalité au travail humain réalisé sur les océans, dans les océans ou avec les océans ? « The ocean generate hundreds of millions of jobs in tourism, fishing, energy, shipping, biotechnoogie and many other sectors. The gross marine product totals at least U S2,5 trillions, which when ranked among national GDPs the océan the world’s seventh largest enconomy » [WWF, 2015, p. 12]. L’impossibilité d’estimation est pourtant confirmée par le WWF lui-même [2015, p. 13] : « A cautionnary note: valuing the invaluable. The economic analysis presented here estimates the value of marine ecosystems in terms of value of market goods and services produced by industries that are directly associated with the marine ecosystems in question. »

22Ce type d’évaluation est souvent fondé sur une méthodologie utilisant une fonction de production Cobb-Douglas qui introduit le capital naturel à côté des autres « facteurs de production » traditionnels. Il repose sur une hypothèse de substituabilité entre les facteurs et ignore le concept de facteur limitant qui est antagonique avec la position néoclassique accréditant l’idée de valeur économique créée par la nature. Les défauts méthodologiques de la fonction de production ont été démontrés il y a plus d’un demi-siècle par l’économiste anglaise Joan Robinson [1953-1954] [1].

23De plus, si l’évaluation du stock de ressources est obtenue en « actualisant » dans le temps la somme des flux annuels, au moyen d’un taux exprimant la préférence pour le présent, le temps biologique est réduit au temps humain infiniment plus court. La substitution des différentes sortes de « capital » entre elles court le risque de légitimer la soutenabilité de la croissance économique à long terme, dans la mesure où la richesse totale serait la somme du capital technique, du capital humain, du capital social et du capital naturel, le tout mesuré à l’aune des critères financiers. Tel est le sens de cette addition mise sous forme d’équation [UNUIHDP-UNEP, 2012, p. 30] qui est une application de la définition du capital de Hicks [1939]. Dans ces conditions, le capital dit naturel ne serait-il qu’une construction idéologique, corollaire du capital dit humain [Poulain, 2001 ; Mounier, 2002] ?

3 – La valeur comme catégorie sociale

24De nouvelles réflexions ont vu le jour au fur et à mesure que les dégradations écologiques mettant en cause les équilibres écosystémiques sont devenues flagrantes. Certaines cherchent à reconsidérer les indicateurs de richesse et de bien-être. D’autres essaient de formuler une inscription de la question environnementale à l’intérieur d’une théorie de la valeur, sans que l’on soit sûr que la catégorie valeur puisse être universelle.

3.1 – Mesurer autrement la richesse et le bien-être ?

25De nombreuses initiatives ont marqué les dernières décennies pour mesurer la richesse des nations et le bien-être en leur sein autrement que par le seul PIB. D’anciennes recherches avaient ouvert la voie [Boulding, 1978 ; Passet, 1979] et l’ONU avait inventé l’indice de développement humain. Plusieurs autres institutions ont ensuite validé cette démarche : la Banque mondiale [World Bank, 2006], l’OCDE [UNECE-OECD-Eurostat, 2008] et la commission Stiglitz [2009] missionnée pour redéfinir « performances économiques et progrès social, richesse des nations et bien-être des individus ». En France, le CESE [2009], l’Assemblée nationale [rapport d’Éva Sas, 2014] vont dans le même sens. L’Insee [2017] présente 10 indicateurs de richesse nationale en application de la loi du 13 avril 2015 « qui invite à la prise en compte de nouveaux indicateurs de richesse dans l’évaluation et la définition des politiques publiques », qui sont confirmés par le Service d’information du gouvernement [2017].

26Le rapport de la commission Stiglitz synthétise les justifications des principales propositions faites par toutes les institutions et qui commencent à être mises en œuvre. Après un rappel des critiques traditionnelles adressées au PIB, la commission insiste sur deux points principaux : elle préconise des indicateurs à côté du PIB et non pas intégrés à celui-ci car ils ne sont pas monétaires ; malgré les nombreuses limites qu’elle recense, elle semble donner un certain crédit au concept d’épargne nette ajustée forgé par la Banque mondiale. Celui-ci est égal au stock d’épargne brute nationale duquel sont déduites la dépréciation du capital technique et celle du capital dit naturel, et auquel sont ajoutés les investissements nets en formation. On obtient ainsi un stock d’épargne nette ajustée et on vérifie s’il varie positivement ou négativement d’une période à l’autre.

27Trois séries de remarques, de force critique croissante, ont été faites en France au sujet de ces propositions. La première est venue des chercheurs regroupés dans le FAIR [Forum pour d’autres indicateurs de richesse, 2009] ou proche de celui-ci, en lien avec les travaux de Viveret [2003], Gadrey et Jany-Catrice [2005], Gadrey [2010], Jany-Catrice [2012], Gadrey et Lalucq [2015]. Ils adressent deux reproches importants au rapport de la commission Stiglitz. Le premier est d’avoir réalisé un rapport « en chambre » sans aucune participation de la société civile, favorisant ainsi la reproduction d’une vision économiciste, celle qui fait justement problème pour définir et mesurer la richesse, a fortiori le bien-être. Il s’ensuit un second reproche : celui d’avoir au final exprimé une préférence pour l’indicateur de l’épargne nette ajustée, en dépit des avertissements de la commission elle-même en faveur de critères qualitatifs et de critères de répartition de la richesse.

28La deuxième série de remarques conteste le postulat des reconstructeurs d’indicateurs selon lequel le PIB serait un indicateur déterminant des choix économiques fondamentaux, alors que l’économie capitaliste est guidée par la recherche du profit. Ainsi, la capacité performative de nouveaux indicateurs de richesse pour infléchir le sens et les moyens du bien-être est mise en doute [Harribey, 2013, 2020 ; Pottier, 2018].

29La troisième série de remarques est encore davantage critique, car elle met en cause la méthodologie des approches précédentes et, au-delà du problème des indicateurs, amorce un dépassement du courant appelé de l’économie écologique. Rudolf [2013, § 28] écrit que « la modernisation écologique procède d’un processus de dépolitisation » et qu’« elle fait miroiter un dépassement de la crise écologique sans rupture, sans changement. Elle neutralise les rapports sociaux et les forces sociales ». Notre thèse est que les difficultés des reconstructeurs d’indicateurs tiennent au fait qu’en ne distinguant pas richesse et valeur, en récusant même le concept de valeur, ils sont conduits à hésiter en permanence pour savoir s’il faut intégrer le temps libre, les activités bénévoles ou domestiques dans des indicateurs économiques, ou si la « valeur » de la nature relève de la discipline économie. En cela nous rejoignons Douai et Plumecoq [2017, p. 99-100] qui concluent : « La socioéconomie écologique ne s’est pas dotée d’une théorie de la valeur et a laissé, dans ce domaine, le champ libre à la théorie standard. […] Marx rappelle que la valeur économique est une qualité inhérente aux marchandises produites par le travail humain et que toutes les autres choses du monde (les choses produites pour soi-même, [ou bien] l’air et d’autres éléments naturels) ont une valeur (d’usage) non pas économique, mais qui relève d’autres registres. »

3.2 – La théorie de la valeur de Marx et la question écologique

30Au vu de la crise écologique, que devient le développement des forces productives mené par la bourgeoisie et tant vanté par Marx et Engels dans le Manifeste du parti communiste en 1848 ? Faut-il y voir la légitimation du productivisme et donc la raison de l’accusation portée par nombre d’écologistes actuels contre Marx, d’autant que les régimes prétendument communistes ont, pendant le xxe siècle, fait au moins autant de dégâts écologiques que le capitalisme ?

31À n’en pas douter, Marx exprime clairement l’idée que le développement des forces productives accentuera les contradictions sociales et donc hâtera la victoire du prolétariat, mais, plus encore, hâtera la sortie du règne de la nécessité pour accéder à celui de la liberté [Marx, 1968 (1894), p. 1487]. Sans doute même, il voit dans le développement des forces productives la condition sine qua non de l’émancipation et il théorise la « grande influence civilisatrice du capital » [Marx, 1980 (1857-1858), tome I, p. 349].

32Faire du développement des forces productives une condition nécessaire, sinon suffisante, relève-t-il d’un déterminisme qui serait ici un économisme ? Marx attribue à la dialectique entre forces productives et rapports sociaux de production la fonction de matrice matérielle au sein de laquelle les classes antagonistes font l’histoire. Il se situe moins dans le domaine normatif que dans le positif, quelles que soient les variantes qu’il a données de son interprétation de l’histoire. Il a laissé tantôt une version plutôt déterministe : « Le moulin à bras vous donnera la société avec le suzerain ; le moulin à vapeur vous donnera la société avec le capitaliste industriel » [Marx, 1965 (1847), p. 79], formule complètement inversée par Stephen Marglin [1973, p. 81] : « Ce n’est pas la fabrique à vapeur qui nous a donné le capitalisme ; c’est le capitalisme qui nous a engendré la fabrique à vapeur ». Mais Marx a livré aussi une version plus complexe, insistant sur la lutte des classes et sur la dialectique entre infrastructures et superstructures, dont s’inspireront plus tard certains de ses continuateurs pour considérer que les représentations des rapports sociaux sont constitutives de ceux-ci [Bourdieu, 1980 ; Godelier, 1984]. Dans les deux versions de l’histoire présentée par Marx, le possible primat de l’économie relève du positif : si l’économie agit, c’est au niveau des causes et non des fins comme chez Smith et plus généralement chez les libéraux.

33Mais l’« influence civilisatrice du capital » n’entrerait-elle pas en contradiction avec le concept de métabolisme et avec la logique du vivant ? John Bellamy Foster soutient que Marx n’a jamais cessé d’inscrire sa théorie critique du capitalisme dans la relation que l’homme entretient avec la nature. Cette relation est désignée par le concept de métabolisme que Marx importe des travaux de son contemporain, le chimiste allemand Justus von Liebig. Pour ce dernier, l’agriculture moderne ruine les possibilités de retour à la terre des éléments nutritifs permettant le renouvellement de la fertilité des sols. Et, pour Marx, le développement des forces productives au sein du capitalisme provoque une « rupture métabolique entre la production humaine et ses conditions naturelles » [Foster, 2011, p. 43]. Cette rupture est illustrée par la pollution des villes, la perte de fertilité des sols, phénomènes déjà sensibles au xixe siècle, et la coupure des villes et des campagnes, tous problèmes sur lesquels Marx revient fréquemment dans Le Capital, avec une prémonition de la notion de soutenabilité intergénérationnelle [Marx, 1968 (1894), p. 1289, note a].

34Marx a donc toujours eu une conception matérialiste des rapports sociaux, mais également de l’insertion de ces rapports dans la nature. Le travail est précisément la mise en action de cette dialectique. C’est la raison pour laquelle Marx et Engels adhérèrent immédiatement à la théorie de l’évolution des espèces de Darwin. Mais Marx aurait-il « raté un rendez-vous » [Vivien, 1996] avec Sergueï Podolinsky ? Celui-ci proposa à Marx et Engels une idée qui tentait de concilier valeur-travail et quantité d’énergie, c’est-à-dire un premier essai de synthèse entre thermodynamique et économie [Georgescu-Roegen, 1995]. Dans son esprit, cela signifiait que le surtravail de Marx qui permet l’accumulation du capital ne fait que convertir de l’énergie qui, en raison de la loi de l’entropie, se dissipe. Ainsi, la productivité du travail ne serait que la traduction de la conversion de l’énergie. Engels conseilla à Marx de s’éloigner de l’idée de Podolinsky. Or, s’il est exact que la valeur est un rapport social, et qu’on ne peut pas passer d’une formulation en termes de travail abstrait validé monétairement à un équivalent énergétique, il n’en reste pas moins que l’activité travail suppose des flux énergétiques. Mais Marx et Engels craignirent que cela conduise à faire silence sur le rapport social.

35Cela explique que plusieurs auteurs marxistes expriment aujourd’hui des critiques envers Marx. James O’Connor [1992] considère qu’il aurait négligé la « seconde contradiction du capitalisme ». Ted Benton [1992] va plus loin en affirmant que, héritier de l’économie politique classique, Marx aurait récusé la notion de limites naturelles et surévalué les capacités de transformation par le travail. Et Daniel Tanuro [2010] avance que Marx et Engels n’auraient pas saisi le passage d’une énergie de flux renouvelable (le bois) à une énergie de stock épuisable (l’énergie fossile).

36Les auteurs marxistes qui se posent la question de savoir si l’écologie peut être intégrée à la problématique marxienne sont donc partagés. Face aux critiques précédentes, Foster [2011, p. 84] défend l’idée qu’il y a six aveuglements attribués à tort à Marx en matière d’écologie, à savoir « son incapacité à prévoir 1) l’exploitation de la nature ; 2) le rôle de la nature dans la création de richesse ; 3) l’existence de limites naturelles ; 4) le caractère variable de la nature ; 5) le rôle de la technologie dans la dégradation environnementale ; et 6) l’incapacité de la simple abondance économique à résoudre les problèmes environnementaux ». Un point de vue proche, selon lequel l’exploitation de l’homme et celle de la nature sont conjointes, est défendu par Altfater [1992, 2007], Burkett [1999, 2006], Harribey [2013, 2020], Moore [2015, 2017], Douai et Plumecocq [2017]. Cela signifie que l’extorsion de surtravail et l’extraction de matière relèvent de la même logique de valorisation du capital [Mezzadra et Neilson, 2018]. Luigi Pellizzoni [2019] propose une analogie entre le travail rendu abstrait par la logique capitaliste et l’abstraction de la nature par l’utilisation de celle-ci sans tenir compte des caractéristiques de l’état de ses stocks, de l’impact des rejets, etc.

37Puisque Marx a centré sa critique sur la valorisation du capital par le travail, il lui est reproché de ne pas prendre en compte la valeur de la nature, ou de ne pas distinguer valeur économique et valeur écologique [Martinez-Alier, 1992]. Nous pensons qu’il y a dans cette position trois éléments discutables. Le premier est que Marx a toujours répété que si « les deux sources d’où jaillit toute richesse [sont] la terre et le travailleur » [Marx, 1965 (1867), p. 998], « la terre peut exercer l’action d’un agent de la production dans la fabrication d’une valeur d’usage, d’un produit matériel, disons du blé. Mais elle n’a rien à voir avec la production de la valeur du blé » [Marx, 1968 (1894), p. 1430]. La nature est nécessaire à la production de valeur, elle est une richesse, mais incommensurable à toute valeur économique.

38Deuxièmement, la nature n’a pas de valeur économique intrinsèque, parce que la catégorie valeur n’appartient pas à l’ordre naturel, elle est d’ordre socio-anthropologique. Et, au sein de cet ordre, la valeur de la nature relève d’un autre domaine que l’économie : l’éthique, le philosophique ou le politique, non quantifiables. Le philosophe John Dewey [1981] avait expliqué à propos de l’éducation que la notion de valeur intrinsèque d’un objet était une contradiction dans les termes, parce que la valeur supposait une intervention extérieure à l’objet (ici, ce serait la relation de l’homme à la nature).

39Le troisième élément porte sur l’analyse de la crise capitaliste marquée par un effondrement général des gains de productivité du travail. La crise écologique est-elle inhérente à la crise du capitalisme ? En d’autres termes, le critère clé du capitalisme, c’est-à-dire le taux de profit, peut-il être à lui seul, ou au moins significativement, un indicateur de crise multidimensionnelle ? Dans les termes de Marx, le taux de profit est le rapport entre plus-value et capital engagé. Il augmente si la productivité du travail augmente plus vite que les salaires (le taux de plus-value augmente) et si l’efficacité du capital technique s’améliore. Il se décompose ainsi en une variable de répartition des revenus et une variable d’efficacité des techniques mises en œuvre : le taux de profit est égal à la part des profits dans la valeur ajoutée multipliée par l’efficacité du capital. Cette efficacité dépend de la qualité des machines, du rythme de leur renouvellement et aussi de l’accès aux ressources, car le capital que Marx appelle constant comprend le capital fixe et le capital circulant. Les conditions socio-écologiques de la production peuvent donc être rendues par la loi de la valeur de Marx, qui est une catégorie sociale à part entière.

40La crise actuelle du capitalisme mondial peut alors être vue comme une crise de production de valeur et de réalisation de celle-ci sur le marché : aussi, la financiarisation n’a aucune capacité à pallier indéfiniment la crise du système productif par des mécanismes autoréférentiels ou des prophéties autoréalisatrices mis en avant par certains théoriciens conventionnels [Orléan, 2011]. Mais la discussion ne s’achève pas là, car une autre piste peut être ouverte : la catégorie valeur peut-elle prétendre à l’universalité ?

4 – Au-delà de la valeur ?

41Après avoir montré l’erreur de réduire toute richesse à la valeur économique et le caractère social de la valeur, nous explorons une voie qui ouvre une critique possible de la catégorie valeur elle-même. Nous examinons trois points controversés dans la littérature socio-économique : le statut des prix donnés à l’utilisation de la nature, le caractère particulier de la valeur produite dans la sphère monétaire non marchande, et la « critique de la valeur ».

4.1 – Le statut des prix donnés à l’utilisation de biens naturels

42L’impact des dégâts occasionnés aux écosystèmes ou bien celui du changement climatique ne peuvent être estimés à l’aune du calcul économique traditionnel dont la procédure usuelle de l’actualisation est irrémédiablement cantonnée à un horizon étroit et probabilisable. Si, pour engager une stratégie de soutenabilité, on attribue un prix à la nature, celui-ci aura un statut de prix politique et non économique, fixé à hauteur de la norme écologique que l’on choisit de respecter. La valeur du stock de ressources naturelles est inestimable en termes économiques. En revanche, la mesure de la valeur économique créée par l’exploitation de ces ressources est réductible à du travail, mais ne correspond en rien à une prétendue valeur économique intrinsèque des ressources. Par exemple, si l’on donne un prix à l’usage de l’eau ou à toute autre ressource naturelle incluant une taxe ou autre compensation, cela indiquera la hauteur de la norme que la société décide de fixer et de respecter. Mais cette norme n’a rien de naturel, elle est d’emblée politique. Il s’ensuit que réfuter les concepts de valeur économique intrinsèque de la nature ou de valeur économique des services rendus par la nature relève d’un choix épistémologique, mais n’implique en aucune manière de ne pas pouvoir utiliser des outils économiques pour contribuer à la régulation écologique, dès lors que des normes ont été fixées.

43Il est donc nécessaire de distinguer trois niveaux de relation des prix attribués à la nature avec la monnaie. Le premier niveau correspond à la monétisation des utilisations des biens naturels (par exemple, faire payer le coût de l’usage de l’eau). Le deuxième correspond à la marchandisation de ces biens (concéder la distribution de l’eau à des sociétés privées). Le troisième correspond à leur financiarisation (l’eau support de titres financiers circulant sur les marchés). Ces trois niveaux ne doivent pas être confondus, bien que, dans chaque cas, la monnaie soit le véhicule des transactions.

4.2 – Y a-t-il production de valeur dans la sphère monétaire non marchande ?

44La transformation du capitalisme depuis le dernier quart du xxe siècle a fait croître le risque de marchandisation et de financiarisation de la nature et a aussi réduit le périmètre des services publics non marchands, au prétexte de l’impératif de diminuer les dépenses publiques et sociales, malgré la gravité des enjeux sociaux entremêlés avec les enjeux écologiques. Le motif théorique le plus souvent invoqué est que le travail employé dans les services non marchands serait par nature improductif et donc financé par des prélèvements sur l’activité marchande dans la terminologie libérale, ou sur la plus-value capitaliste dans la terminologie marxiste traditionnelle. Pourtant, l’évolution du capitalisme ne rend-elle pas nécessaire de réinterroger le concept de travail productif au moment où la transition écologique doit mobiliser beaucoup d’engagements publics ?

45Chez Smith, le travail productif est défini comme celui « qui ajoute à la valeur de l’objet sur lequel il s’exerce » [Smith, 1991, tome 1, p. 417]. Marx s’écarte ensuite de la matérialité du produit pour faire de la validation sociale par la vente de la marchandise sur le marché l’élément décisif du caractère productif du travail : c’est sa célèbre métaphore du « saut périlleux » de la marchandise [Marx, 1965 (1867), p. 645]. Ainsi, ce qui est validé, c’est l’inscription des forces de travail dans la division sociale du travail. Or, au cours du xxe siècle, les luttes sociales ont permis de développer une sphère monétaire non marchande, donc non soumise à l’exigence de valorisation du capital. Comment rendre compte du travail qui y est déployé ? Un débat commence à naître chez les néo-marxistes actuels [Harribey, 2013, 2020]. Si le travail dit concret par Marx se transforme en travail abstrait – dont l’objectivation est justement la valeur – par le fait de la validation sociale, est-ce que les travaux produisant des services monétaires non marchands ne bénéficient pas eux aussi d’une validation de la part de la collectivité ? La réponse est oui si l’on considère qu’il s’agit d’une validation politique et non pas via le marché. Si l’on suit cette thèse, les travailleurs employés à produire de l’éducation non marchande, des soins non marchands, etc., sont productifs de valeur d’usage, mais aussi de valeur au sens économique, qui s’ajoute à celle du produit marchand et ne lui est donc pas soustraite. En revanche, ce sont les ressources humaines et matérielles qui sont soustraites au processus potentiel de valorisation du capital. Les prélèvements obligatoires sont ensuite effectués sur un produit total déjà augmenté du produit non marchand.

46Cette thèse, qui heurte les habitudes sur le caractère productif du travail dans la sphère monétaire non marchande, et qui est contestée [Darmangeat, 2016], ne peut être validée à ce stade, car elle soulève une question épistémologique délicate, bien mise en évidence par le point suivant.

4.3 – La critique de la valeur

47Plusieurs auteurs ont proposé récemment une relecture critique de la théorie de la valeur [groupe Krisis, 2002 ; Kurz, 2002, 2019 ; Jappe, 2003 ; Postone, 2009 ; Martin et Ouellet, 2014], en s’écartant de celle du marxisme traditionnel et même de celle de certains marxistes non orthodoxes [Roubine, 2009 (1928)]. L’idée maîtresse de ce courant « critique de la valeur » (Wertkritick) est que le travail n’est pas une catégorie transhistorique, mais spécifique du capitalisme et de la modernité. Toute production et l’être humain lui-même sont soumis à la marchandise et donc à la valeur capitaliste et au travail abstrait. Il s’ensuit que la catégorie valeur ne peut être appliquée qu’au (et que dans le) capitalisme. Aussi, le débat précédent est définitivement arbitré en défaveur du caractère productif du travail dans la sphère monétaire non marchande. Pourtant, deux questions d’ordre épistémologique sont posées au marxisme (tant dans son interprétation traditionnelle que dans celle de la Wertkritick. La position de cette dernière ne va-t-elle pas à rebours de celle de Marx, qui a toujours affirmé le double caractère du travail : travail concret/travail abstrait, procès de travail en général/procès de travail capitaliste, c’est-à-dire une perspective à la fois anthropologique et socio-historique ? Certes, dans les Grundrisse [1980 (1857-1858), tome 1, p. 39], Marx écrit : « Cet exemple du travail montre d’une façon frappante que même les catégories les plus abstraites, bien que valables – précisément à cause de leur abstraction – pour toutes les époques, n’en sont pas moins, sous la forme déterminée de cette abstraction même, le produit de rapports historiques et n’ont leur entière validité que pour ces rapports et à l’intérieur de ceux-ci. » Mais, derrière « leur entière validité », nous émettons l’hypothèse que Marx parle du caractère idéal-typique du modèle théorique et non pas d’un capitalisme réel.

48Pour les auteurs de la Wertkritick, rejoints alors par André Gorz [2003] étudiant la crise dans sa globalité – donc avec la dimension écologique –, la crise de production de valeur est une crise de la loi de la valeur parce que celle-ci ne s’appliquerait pas à l’immatériel, dont les connaissances qui prennent une place croissante dans les processus productifs. Pour d’autres auteurs, qui se réfèrent aussi à Marx, cette crise de production de valeur est une diminution de la valeur – et donc des possibilités de profit – au fur au à mesure que progresse la productivité du travail, ce qui est une stricte application de la loi de la valeur « qui n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui » [Vincent, 2012, § 1], et ce n’est donc pas une dégénérescence de la loi de la valeur, c’est-à-dire « une dégénérescence du critère du travail social à l’intérieur de la loi » [Harribey, 2013, p. 229]. L’idée de Gorz de chercher hors du travail les racines de l’émancipation se heurte alors à « l’ampleur de la transition écologique qu’il est urgent d’amorcer [et qui] nécessite de mettre les puissances du travail au service d’objectifs démocratiques et écologistes » [Cukier, 2018, p. 139]. De plus, peut-on caractériser la crise actuelle comme « l’époque de la décomposition du capitalisme » [Jappe, 2017, p. 186] ? Rien n’est moins sûr. Déjà, il y a près de 40 ans, Pierre Naville [1981] avait désapprouvé l’idée que nous étions entrés dans une ère postindustrielle détachée de la matière.

49Si la catégorie de valeur – qui ne peut être entendue qu’en monnaie – ne pouvait s’appliquer qu’au seul cadre capitaliste, il en serait de même pour les catégories de monnaie et de marché. Or les rapports marchands ne se réduisent pas aux rapports capitalistes : la monnaie et le marché dépassent historiquement et logiquement le cadre de l’économie capitaliste [Marx, 1965 (1867) ; Polanyi, 1983 ; Aglietta, 2016, 2019]. Au final, le courant « critique de la valeur » a raison de remettre à l’honneur la critique du fétichisme des catégories économiques que l’économie dominante considère comme naturelles, intemporelles et universelles, mais il a sans doute tort de strictement identifier valeur, monnaie et marché au capitalisme. Et le risque est de réintroduire une substance de la valeur précédant la validation sociale par le marché – qui est l’élément central pour Marx – lorsque Jappe [2003, p. 103] écrit : « La production de chaque marchandise présuppose le système du travail abstrait ; le produit est donc une marchandise, avec une valeur, déjà avant d’entrer dans la circulation. » Présupposer l’existence du système, soit ; mais présupposer l’abstraction du travail avant que le marché ne la réalise, nous ne le pensons pas.

50Avec l’émergence de la problématique des biens communs [Ostrom, 2010 ; Cornu et al., 2017] à l’époque de la crise écologique, l’analyse de la valeur franchit encore une nouvelle étape. La révolution numérique permet à quelques firmes de s’approprier quantité d’informations et de données : en les exploitant, les Gafam, Natu et BATX réalisent des profits colossaux. S’agit-il d’une valeur économique provenant d’un monde virtuel où disparaîtrait toute contingence matérielle ? Plusieurs réponses sont possibles. Les travailleurs employés sur les plateformes numériques produiraient de la valeur en effectuant un « travail digital » (digital labor) [Terranova, 2000] et en étant le plus souvent sous-payés [Sholz, 2016]. D’un autre côté, les usagers de ces firmes seraient aussi des producteurs de valeur [Fuchs, 2005]. À moins qu’il ne s’agisse d’une captation d’une rente de rareté par les propriétaires des firmes [Bauwens et Niaros, 2016 ; Husson, 2018]. L’instauration de nouveaux droits de propriété par des brevets sur les données, les connaissances, les ressources naturelles et même le vivant crée artificiellement cette rareté. Ce sont ainsi de nouvelles enclosures qui concentrent la valeur dans peu de mains. La crise de production de valeur serait donc aussi une « crise de l’idéologie propriétaire » [Coriat, 2015] appliquée aux moyens traditionnels de production, aux connaissances, aux données et à la nature.

51Ces débats théoriques sont loin d’être clos. Trop d’évolutions sont en cours et nous ne pouvons donner que des conclusions partielles et provisoires. Nous étions partis des transformations contemporaines du capitalisme mondial et nous les retrouvons : d’une part, la financiarisation n’invalide pas la théorie de la valeur au sens de Marx dans la mesure où la finance largement fictive ne peut rompre durablement son lien avec l’évolution du système productif. D’autre part, bien que les rapports sociaux soient entendus en intégrant le rapport à la nature, la catégorie valeur ne s’applique pas à ce dernier rapport parce que ladite valeur de la nature appartient à un autre domaine que l’économie.

52Nous atteignons alors le paradoxe suivant : d’un point de vue normatif, les « valeurs » auxquelles la démocratie et la justice sont attachées commandent de refuser la réduction de la nature à du capital, pareillement au refus de la réduction du travail à une main-d’œuvre rentable ; mais, d’un point de vue positif, force de travail et nature sont soumises à la logique du capital. Lorsque des recherches veulent intégrer dans la valeur économique des valeurs éthiques, philosophiques ou politiques, elles expriment le souhait ou la volonté de voir les secondes prendre le pas sur la première, mais ce projet d’inversion de la hiérarchie entre « valeur » et « valeurs » ne peut aboutir que si, précisément, les « valeurs » résistent à leur intégration dans la « loi de la valeur ».

Notes

  • [1]
    Voir aussi Guerrien et Gun [2015] ; Guerrien [2017].
Français

La crise écologique a entraîné la recherche théorique dans plusieurs directions. Une « économie de l’environnement » s’est constituée au sein de la théorie néoclassique afin de prendre en compte la « valeur de la nature ». Une autre réflexion est née pour élaborer de nouveaux indicateurs de richesse. Il existe aussi une problématique marxienne de l’écologie inscrite dans les rapports sociaux. La révolution technique de l’information et l’enjeu des communs bousculent les catégories de valeur et de richesse.
Ce texte examine ces questions en présentant d’abord ce que fut le premier débat théorique à la naissance de l’économie politique et qui perdure jusqu’à aujourd’hui : la richesse ne se réduit pas à la valeur économique. Puis, il montre en quoi la valeur est une catégorie sociale qui permet de prendre en compte la question écologique. Enfin, il discute l’hypothèse de dépassement de la catégorie valeur.

  • capitalisme
  • crise
  • écologie
  • richesse
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Jean-Marie Harribey
Université de Bordeaux, Gretha
Mis en ligne sur Cairn.info le 16/06/2020
https://doi.org/10.3917/rfse.024.0101
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