CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1Institutions pour ainsi dire inexistantes en France jusqu’au milieu des années 1980, les 280 fonds d’investissement [1] opérant en France représentent actuellement la troisième place mondiale du capital investissement (private equity) en montants investis après celles des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Ils centralisent des capitaux apportés par des investisseurs institutionnels (fonds de pension, banques, assurances, fonds souverains, family office) et les investissent dans des entreprises non cotées qu’ils restructurent pour les revendre au bout de cinq ans en moyenne. Ils opèrent le plus souvent via des opérations dites d’acquisition avec effet de levier (LBO, leverage buy out) qui consistent à financer l’achat d’une société par un emprunt remboursé par les dividendes générés par son activité.

2Le développement de cette nouvelle forme d’intermédiation financière [Glachant et al., 2008] s’accompagne de l’émergence d’une industrie de services financiers (départements de banques d’affaires, transactions services des sociétés d’audit, avocats-conseils) porteuse de modes de calculs [Muniesa, 2011], de dispositifs de gestion [Benquet, 2013] et de conceptions du contrôle des entreprises orientées vers la maximisation de leur valeur actionnariale [Fligstein, 1990 ; Lordon, 2000].

3La principale préoccupation des membres des fonds, car son résultat détermine l’ampleur des gains qu’ils peuvent espérer réaliser, est l’évaluation des entreprises qu’ils souhaitent acquérir. L’hégémonie scientifique de la théorie économique dite néoclassique, notamment dans sa version financière et mathématisée élaborée dans les années 1950 et 1960 [Lebaron, 2000], a popularisé au sein des manuels de finance, des publications professionnelles du secteur, mais aussi des travaux de sciences sociales portant sur cette activité une approche substantielle néoclassique de la valeur des firmes. La valeur y est définie par les revenus futurs que pourraient générer les firmes et leur mesure est conditionnée à la circulation efficiente des informations disponibles sur elles et à la prédictibilité de leur développement. Initialement élaborée à propos des entreprises cotées et à destination d’investisseurs à la recherche de portefeuilles d’actions diversifiés, cette approche de la quantification financière qu’Ève Chiapello et Christian Walter nomment le « second âge de la quantification » [Chiapello et Walter, 2016] reste principalement outillée par la méthode des discounted cash-flows (DCF) initiée au début du siècle par Fisher [Hicks, 1974] et qui consiste en l’actualisation des flux de revenus futurs générés par l’entreprise.

4L’objet de ce texte consiste à évaluer la prégnance de cette approche substantielle de la valeur au sein du secteur du capital investissement en investiguant les conceptions de la valeur manifestées par ses membres dans différentes situations d’énonciation. Il aborde les théories économiques non pas du point de vue de leur cohérence interne ou de leur inscription dans l’histoire des idées, mais de leur circulation dans l’espace social [Fourcade, 2009 ; Colander et Coats, 1990] et des pratiques [Walter, 1999 ; Larminat, 2012] et croyances [Lebaron, 2000, 2010] auxquelles elles donnent lieu. Il rejoint ainsi des travaux qui portent sur la manière dont les théories financières créent des formes de rationalité qui influent directement [Boussard et Dujarier, 2014] ou via la médiation de dispositifs techniques [Doganova, 2014 ; Muniesa et Teil, 2006], d’arrangements institutionnels ou de champs professionnels structurés [Bourdieu, 2000] sur la détermination de leur valeur des entreprises [Beckert, 2011]. Mais, à la différence des approches centrées sur la diffusion des théories financières qui développent parfois un « biais en faveur de la problématique du succès […] au détriment de l’examen de l’indifférence, voire de la résistance, des professionnels » [Montagne, 2017, p. 40], il se focalise sur leurs appropriations effectives.

5Ce texte prolonge ainsi les travaux qui abordent la diversité des usages de ces théories financières [Bessy, 2013, p. 10] à partir de l’étude des décalages entre ces théories et les pratiques concrètes d’évaluation des firmes [Bourgeron, 2018 ; Foureault, 2014] ou de la coexistence de différentes « conventions d’évaluation » [Chiapello et Walter, 2016] ou « stratégies d’investissement privilégiées » [Jung et Shin, 2018] au sein d’un même champ professionnel. Ces études montrent comment la structure des incitations [Jung et Dobbin, 2015], les trajectoires scolaires et sociales [Godechot, 2016] ou les positions professionnelles occupées [Larminat, 2012] expliquent la diversité des choix individuels en matière d’évaluation, allant jusqu’à provoquer des controverses entre financiers lorsque les résultats produits apparaissent contradictoires, comme l’ont par exemple étudié Daniel Beunza et Raghu Garud à propos de la valorisation d’Amazon [2007].

6Plus spécifiquement, ce texte vise à décrire les tensions existantes entre les conceptions réelles de la valeur des investisseurs et ses définitions prescrites[2] par la théorie financière, non pas sous l’angle de ses variations interindividuelles au sein de ce groupe d’investisseurs, mais de ses variations au sein des mêmes individus selon les situations d’énonciation où ils se trouvent placés. L’objectif est ainsi de mettre en évidence la coexistence intra-individuelle de différentes conceptions de la valeur et les usages politiques de la théorie financière déconnectés des pratiques professionnelles d’évaluation des firmes que celle-ci rend possibles.

7Pour ce faire, ce texte mobilise une approche pragmatique des jugements professionnels sur la valeur conçus comme indissociables des situations d’énonciations où ils se manifestent. À rebours d’une approche mentaliste, qui surestimerait leur cohérence et leur autonomie pour en faire des « croyances » décontextualisées, il délaisse le terrain des intériorités [Anscombe, 1957] pour celui des jugements exprimés. À partir d’une enquête de terrain (cf. encadré 1), il montre ainsi les distorsions existant entre les jugements portés sur la valeur selon que les financiers commentent ou justifient leur activité professionnelle.

Encadré 1. Enquête de terrain et méthodologie

Ce texte s’appuie sur deux types de matériaux qualitatifs. Il repose d’abord sur les données ethnographiques et bibliographiques issues de la participation à l’un des masters de finance généraliste d’une université parisienne en 2014 et 2015, et dont une part des cours porte exclusivement sur le capital investissement. Il se fonde ensuite sur l’analyse de 48 entretiens réalisés entre 2012 et 2017 avec des professionnels du capital investissement [3], dont 21 avec des membres des fonds d’investissement, 9 avec des membres de cabinets d’audit, 3 avec des membres de banques d’affaires et 10 avec des directeurs financiers. Parmi les 21 enquêtés travaillant au sein de 16 sociétés de gestion différentes, et qui constituent le cœur empirique de l’analyse présentée ici, 10 sont ou ont été présidents et/ou fondateurs d’un fonds d’investissement.
Le corpus a d’abord été constitué de proche en proche à partir de deux contacts initiaux, puis par une focalisation sur les dirigeants et fondateurs des plus grands fonds opérant en France. Si l’on compare les caractéristiques sociodémographiques de l’échantillon constitué avec les données statistiques sur le secteur des fusions-acquisitions produites pour la France [4], il apparaît que l’ensemble des tranches d’âge sont présentes dans l’échantillon (5 enquêtés de moins de 35 ans, 5 entre 35 et 45 ans et 11 de plus de 45 ans), mais que les financiers de plus de 45 ans sont surreprésentés en raison de l’intérêt particulier porté aux dirigeants et fondateurs de fonds. Logiquement, les différentes positions hiérarchiques et organisationnelles (tâches exécution, tâches d’encadrement d’équipes, tâches de direction) qui coïncident avec les différentes tranches d’âges sont elles aussi inégalement représentées au profit de ceux occupant les positions les plus élevées. Globalement, l’enquête fait donc une part plus large qu’un échantillon strictement représentatif des membres du secteur ne le voudrait aux conceptions de la valeur des acteurs financiers dominants du secteur. En outre, quinze d’entre eux ont été formés dans de grandes écoles françaises, deux au sein de l’Université Paris Dauphine, quatre dans d’autres universités françaises, et six possèdent un diplôme étranger en plus de leur diplôme national. Enfin, trois seulement sont des femmes, dont deux ont moins de 35 ans. Le caractère pluridisciplinaire de l’équipe de recherche (économiste et sociologue) [5] et les laboratoires de rattachement de ses membres ont conduit les enquêtés à ne pas mettre en doute les compétences financières de l’enquêtrice et à la traiter comme une « profane bien informée ». Toutefois, l’exotisme de la sociologie et plus généralement d’une vie professionnelle strictement académique les a souvent conduits à entreprendre de démontrer que l’évaluation « sur le terrain » ne se passait pas comme « dans les livres ».
Les questionnements sur la valeur ont porté sur trois thèmes principaux : les pratiques d’évaluation elles-mêmes (« comment choisissez-vous les entreprises que vous rachetez ? », « comment fixez-vous leur prix ? »), l’approche substantielle de ces pratiques (« utilisez-vous une méthode particulière pour fixer le prix des entreprises ? », « utilisez-vous la méthode des DCF ? », « y a-t-il une valeur objective des entreprises ? », « pensez-vous que le marché du private equity soit efficient ? ») et leur légitimité sociale (« pensez-vous que le private equity soit socialement utile ? », « pensez-vous que ces opérations puissent fragiliser les entreprises ? », « que pensez-vous des critiques concernant les rémunérations des membres du secteur ? », « votre activité devrait-elle être plus ou différemment régulée ? »).
Ces questions ont conduit les enquêtés à décrire leurs pratiques d’évaluation, à discuter leur définition substantielle et à commenter leurs effets économiques et sociaux.
On pourrait objecter à ce dispositif méthodologique qu’il invite à comparer la formation à l’évaluation des firmes telle que délivrée dans les années 2010 aux conceptions de l’évaluation d’investisseurs ayant réalisé leurs études entre les années 1970 et 2000. Cette objection nous semble toutefois pouvoir être écartée dans la mesure où nous n’avons pas observé de différences significatives entre ces deux générations d’investisseurs quant aux conceptions de la valeur qu’ils manifestent lorsqu’ils sont placés dans une même situation d’énonciation. Cela tient probablement à l’existence d’un fort consensus professionnel au sujet de l’évaluation des firmes ainsi qu’à la pérennité de l’armature conceptuelle des théories financières sur la valeur des titres cotés forgées dans les années 1960 et 1970 et enseignées jusqu’à aujourd’hui.

2 – Formation initiale des aspirants financiers : l’hégémonie d’une approche néoclassique de la valeur

8Les professionnels qui aspirent à intégrer le secteur du capital investissement sont quasi exclusivement formés à une approche substantielle de la valeur définie comme préexistante à l’échange et intrinsèque aux entreprises. Par l’adaptation à des entreprises non cotées de ces modes d’évaluation des entreprises cotées élaborées après la Deuxième Guerre mondiale par la théorie financière néoclassique, la formation de ces futurs investisseurs participe à promouvoir l’idée selon laquelle les opérations de ventes et d’achats d’entreprises non cotées constitueraient un véritable « marché ».

2.1 – L’enseignement d’une conception substantielle et néoclassique de la valeur

9Les manuels figurant dans la bibliographie du cours général d’évaluation financière du master de finance étudié (cf. encadré 1) rappellent ainsi, sous la forme d’un présupposé introductif et d’une évidence, la nature fondamentale de la valeur [Thuelin, 2014, p. 8]. « Les intérêts respectifs du vendeur et de l’acheteur […] s’articulent autour d’un noyau dur constitué par la notion de valeur » [La Chapelle, 2007, p. 29]. Celle-ci est présentée comme une caractéristique propre de la firme dont le prix serait une approximation : « La valeur d’une entreprise ne dépend pas de sa structure financière » [Berk et DeMarzo, 2011, p. 545] ni de ses évaluateurs. À l’appui de cette idée sont cités le théorème de Modigliani-Miller élaboré en 1958, selon lequel la structure de financement d’une firme n’a pas d’effet sur sa valeur, et le modèle d’évaluation des actifs financiers (Capital Assets Pricing Model) qui définit le prix d’un actif à partir de son risque par rapport au risque moyen du marché [Markowitz, 1959] [cité par exemple dans Cherif et Dubreuille, 2005, p. 3-6]. Les manuels explicitent ensuite les thèses qui sous-tendent ce cadre théorique. Contre l’hypothèse keynésienne d’une valorisation spéculative des actifs, il suppose d’abord que les prix reflètent toute l’information disponible [Fama, 1965] et que les informations possédées par certains acteurs du marché ne leur procurent ni profits ni avantages [Jensen, 1978]. Il repose ensuite sur la réduction possible du futur à une liste probabilisable d’événements auxquels peuvent être associés des rendements à venir [Morgenstern et von Neumann, 1944 ; Savage, 1954]. Il présume enfin que les acteurs sont rationnels, c’est-à-dire disposent d’une même capacité d’anticipation et d’un objectif commun de maximisation de leurs gains.

10Cette approche de la valeur correspond à ce qu’Ève Chiapello et Christian Walter nomment la « seconde convention d’évaluation financière » ou « mean-variance convention » [Chiapello et Walter, 2016] élaborée dans les années 1950, 1960 et 1970 pour produire une théorie de la diversification des portefeuilles de titres. Cette théorie de la valeur aujourd’hui dominante s’inscrit dans la filiation de la pensée fishérienne qui, au début du xxe siècle, donna lieu à une première convention d’évaluation financière. Révolutionnaire en son temps, cette convention affirmait que la valeur d’une chose n’était pas liée à son passé, et notamment au temps ou à l’argent qu’il avait fallu dépenser pour la produire, mais aux revenus futurs qu’elle pourrait générer (en comparaison d’autres biens) tels que calculés par la formule des discounted cash-flows (flux de revenus actualisés) [Fisher, 1906]. Ce mode d’évaluation des biens, qui place au fondement du calcul de la valeur l’idée d’un scénario alternatif, puisque c’est la possibilité de placer son capital ailleurs (à la banque) qui justifie que les revenus futurs soient actualisés et qui rend ainsi les placements comparables entre eux, forme le socle théorique des approches substantielles néoclassiques de la valeur enseignées jusqu’à aujourd’hui.

2.2 – L’élection d’une méthode de valorisation : celle des discounted cash-flows

11Cette approche générale de la valeur est ensuite déclinée en modes concrets d’évaluation des firmes. L’enjeu de cette part technique de l’enseignement consiste à discréditer certaines méthodes d’évaluation au profit de son calcul par la somme de ses revenus à venir actualisée en fonction du risque des investissements considérés.

12Les manuels présentent trois méthodes principales d’évaluation des firmes. La première dite patrimoniale consiste à déterminer la valeur historique de l’entreprise en s’appuyant notamment sur son compte de résultat. Elle est solidaire d’une définition du profit comme résultat de la différence entre le chiffre d’affaires de l’entreprise et les coûts de production qu’elle supporte. Elle engage ainsi une définition substantielle de la valeur, mais tournée vers le passé de l’entreprise. La finance enseignée la disqualifie en tant qu’elle est inadaptée aux besoins des investisseurs financiers qui doivent pouvoir estimer et comparer les rentabilités potentielles futures de leurs investissements.

13La deuxième méthode, dite analogique, consiste à estimer la valeur d’une firme à partir des prix constatés pour des transactions similaires. Ce mode de calcul « par les comparables » aboutit à des prix modélisés comme des multiples de l’EBITDA (Earning Before Interests, Taxes, Depreciations and Amortizations) de l’entreprise. Issu de la comptabilité anglo-saxonne, l’EBITDA est un indicateur qui mesure le résultat d’une firme avant le décompte de ses charges fiscales et financières. Cette méthode d’évaluation repose sur une définition non substantielle de la valeur des firmes. L’entreprise vaut ce que, à un instant donné, le marché dit qu’elle vaut. Ici, la rationalité des acteurs de marché est pensée comme mimétique et les prix autoréférentiels. Cette approche spéculative de la valeur, liée à une définition du profit comme le produit de la différence entre le prix de vente et le prix d’achat d’une entreprise, c’est-à-dire entre deux comptes de patrimoine réalisés à deux moments différents, contredit l’idée d’une possible évaluation décontextualisée des firmes qui est pourtant au fondement de la théorie financière contemporaine. Elle ne nécessite ni calculs ni formalisation mathématique, et ne peut faire l’objet d’aucune méthode systématique. Elle est ainsi présentée par les enseignants comme préscientifique et presque extérieure au champ de la théorie financière.

14La troisième méthode, dite dynamique, fait retour à une approche substantielle de la valeur, mais par la mesure des flux de revenus actualisés des firmes. Elle est présentée par l’ensemble des manuels [voir par exemple Cherif et Dubreuille, 2005 ; Thomas, 2012] comme la seule méthode scientifiquement fondée d’évaluation des entreprises. Son cœur théorique consiste en deux hypothèses : la valeur d’une chose se définit par sa capacité à générer des profits dans le temps et un flux présent valant davantage qu’un flux futur, ces derniers doivent être réduits d’un facteur correspondant à un « taux d’actualisation ». Pour calculer la valeur de l’entreprise, il faut d’abord intégrer la devise du cours selon laquelle « cash is king » et aborder la firme comme un « ensemble de cash-flows entrants et sortants ». Parmi les différents modes d’actualisation de cash-flows, les manuels comme l’enseignement privilégient celles des discounted cash-flows (DCF) dont la formule générale est la suivante : CF1/(1+K) + CF2/(1+K)2 + ….. + CFn/(1+K)n où CF désigne les différents flux financiers et k le taux d’actualisation retenu, censé intégrer le risque de l’investissement dont il serait « une fonction croissante » [La Chapelle, 2007, p. 31]. Le risque étant pensé comme une propriété de l’entreprise, il est supposément identique pour tous les investisseurs. Il justifie parallèlement leurs exigences de rémunérations [Thoumieux, 1996] et leur existence même. Ces investisseurs professionnels accepteraient en effet de supporter des risques trop lourds pour de petits investisseurs, mais pourtant nécessaires aux financements de firmes en développement. À la différence de l’approche fishérienne principalement attentive à la durée des investissements, ce mode d’actualisation des flux prend aussi en compte, dans le prolongement de la « seconde convention d’évaluation financière », leur niveau de risque.

15Cette troisième méthode est présentée comme la plus avantageuse pour les investisseurs. Elle permettrait de faire entrer la finance dans l’âge mûr du calcul objectif. Les enseignants enjoignent ainsi explicitement les étudiants à adopter, comme corollaire de cette méthode, une certaine disposition d’esprit, faite de neutralité distante et de rationalité calculatrice.

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L’enseignant : « Quand vous travaillerez, vous verrez que c’est pas facile d’évaluer une boîte parce qu’on tombe souvent amoureux de son entreprise [de l’entreprise cible]. Il faut lutter contre vous-même et rester rationnel. Une boîte, c’est ses cash-flows. »

17Contre la subjectivité du jugement personnel, la méthode des DCF permettrait ainsi de prendre de « bonnes décisions » fondées « sur un calcul objectif » [Doganova, 2014, p. 81]

2.3 – L’application d’une théorie financière de l’évaluation aux titres non cotés

18C’est donc autour d’une théorie financière élaborée à propos des titres cotés qu’est organisée la formation initiale des apprentis investisseurs en capital. En effet, si les premières formulations de la valeur comme actualisation de flux futurs par Fisher s’adressaient à des spéculateurs individuels pratiquant une gestion active de portefeuilles de placements réduits, sa seconde déclinaison, qui permit à la théorie financière de se prévaloir de toute l’autorité de la science mathématique [Fourcade, 2009], s’adressait initialement à des investisseurs institutionnels pratiquant une gestion passive et quantitative de portefeuilles diversifiés.

19L’un des grands enjeux de la formation consiste par conséquent à étendre le domaine de validité de cette théorie financière aux titres non cotés de manière à faire apparaître les transactions les concernant comme un véritable « marché ». L’objection principale que s’efforcent de lever les formateurs est celle du faible niveau d’information disponible sur les titres non cotés qui interdirait de les considérer comme formant un marché efficient. Les investisseurs disposent en effet de peu d’informations sur ces petites et moyennes entreprises. Celles-ci ont même été comparées à des « blind pools » [Thomas, 2012, p. 15]. Les manuels répondent à cette objection en soulignant la structuration progressive depuis les années 1990 d’un champ professionnel du conseil aux transactions [voir par exemple, Cherif et Dubreuille, 2005, p. 9] qui réduit l’opacité de ces titres et garantit la bonne qualité des informations fournies aux investisseurs.

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Un enseignant lors d’un cours de master sur le capital investissement : « Il y a un mythe en France sur le non-coté qui serait opaque et incontrôlable alors que le coté serait transparent et fiable. C’était peut-être vrai dans les années 1960, mais aujourd’hui, ça n’existe plus. Je dirais même que ça s’est inversé : la transparence et le contrôle sont du côté des petites boîtes alors que les grosses vous racontent ce qu’elles veulent. »

21La standardisation et la systématisation des due diligences (évaluations portant sur les dimensions stratégiques, financières, juridiques et fiscales des entreprises en cours d’acquisition) rendraient les actifs non cotés comparables entre eux et avec les actifs cotés et justiciables des mêmes méthodes scientifiques de valorisation.

22Cette approche dite néoclassique de la valeur est présentée aux aspirants financiers comme le fondement supposément indigène des pratiques professionnelles des capital-investisseurs. Elle lie une théorie de la valeur (la valeur des firmes préexiste à leur échange), une technique d’évaluation (la valeur des firmes est égale à ses revenus futurs actualisés), un mode de légitimation des rémunérations financières (les rendements sont corrélés aux risques supportés) et l’affirmation politique de l’utilité sociale du capital investissement (la détermination des justes valeurs des firmes permet une allocation optimale du capital). La généralisation de cette théorie financière à des opérations de capital investissement qui en étaient initialement exclues participe ainsi à légitimer socialement et politiquement cette activité.

23Pourtant, cette définition prescrite de la valeur ne recouvre pas ses définitions réelles. Dans le cas du capital investissement, son hégémonie académique ne s’est pas convertie en hégémonie professionnelle. Il s’agit donc maintenant de décrire la manière dont ces financiers s’approprient ou non cette définition de la valeur. Le dispositif méthodologique utilisé consiste à faire varier la situation d’énonciation des enquêtés placés, au cours des entretiens, en position de commenter puis de justifier leurs pratiques de valorisation, pour observer les effets de ces variations sur les définitions de la valeur mobilisées.

3 – Un consensus autour d’une approche institutionnaliste de la valeur dans les situations de commentaires des pratiques professionnelles

24Lorsqu’ils commentent leurs pratiques professionnelles, les investisseurs mobilisent une conception de la valeur des firmes éloignée de sa définition néoclassique, et que l’on peut qualifier d’institutionnaliste [6] au sens où elle est pensée comme contextuelle (résultat d’un mode de financement et de rémunération), opportuniste (reposant sur l’exploitation d’asymétries d’informations) et conséquentialiste (fondée sur une vision du futur comme produit incertain de leurs propres actions). Elle se distingue radicalement de la définition substantielle de la valeur telle que proposée par les approches financières tant fischérienne que markowitzienne, ainsi que de l’usage néoclassique de la méthode des DCF en tant qu’elle permettrait de calculer une valeur indépendante de l’évaluateur et dont la probabilité de réalisation pourrait être mathématiquement établie.

25Cette approche institutionnaliste de la valeur fait figure de doxa professionnelle partagée. Elle se manifeste lors des entretiens en réponse aux questions portant sur les pratiques évaluatives et les perceptions d’une approche substantielle de la valeur.

3.1 – Une conception institutionnaliste de la valeur, consensuelle et partagée

26Les jugements des financiers sur la valeur relèvent d’abord d’une épistémologie constructiviste et d’une rationalité contextuelle.

27À la question ouverte « comment fixez-vous les prix des entreprises ? », aucun enquêté membre d’un fonds ne répond en mentionnant la méthode des DCF. Lorsqu’à la demande de l’enquêtrice, ils s’expriment finalement à son sujet, leur lexique est dépréciatif : « complexe », « qui crée les kraks », « qui crée les tragédies », « méthode des hedges funds », « cause de la crise de subprimes », « subjectif », « pas fiable ». Au cours des 17 entretiens menés avec les autres catégories de participants aux transactions (auditeurs, banquiers, conseillers), la méthode des DCF est évoquée à seulement six reprises et toujours de manière péjorative : « approximatif », « c’est un jeu », « c’est pas la vérité », « c’est basique », « modélisation bête et méchante », « ne suffit pas », « un élément parmi d’autres ».

28

Président d’un fonds d’investissement, 51 ans : « Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de mes confrères qui utilisent ces modèles de valorisation qu’on apprend à l’école […] Nous, la méthode phare est interdite ici, le discounted cash-flows […] La première fois que j’ai vu cette méthode, c’était sur Eurotunnel où le prix de l’action […] était calculé sur trente années de revenus des redevances de péage. Sur un tunnel qui devait ouvrir peut-être cinq ans après et qui en réalité a ouvert dix ans après, après avoir multiplié par trois le coût des travaux. »

29La méthode est notamment critiquée car elle ne prend pas en compte le mode de financement des transactions et de rémunération de leurs participants pourtant au cœur des pratiques indigènes de valorisation des firmes.

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Banquier conseil, directeur général, 44 ans : « Les DCF, c’est un peu de la blague. […] Ce qui compte, c’est les capacités de financement, c’est-à-dire concrètement le niveau de dette auquel peut prétendre le fonds. La logique c’est, en gros, que plus tu as de levier plus tu peux payer cher. Et enfin taux de retour sur investissement auquel tu prétends. »

31Les espérances de gains de la société de gestion varient en effet d’un investisseur à l’autre et, pour un même investisseur, au cours du temps. Elles dépendent des performances de ses autres investissements, du temps écoulé depuis la levée des fonds et de l’état de la concurrence entre sociétés de gestion au sein de la place financière parisienne. Par ailleurs, le mode de financement de l’opération, c’est-à-dire le rapport de la dette et des capitaux propres, est fonction de la relation qu’entretient le fonds avec les banquiers préteurs, de la situation financière de ces derniers et des taux d’intérêt en cours. La valeur des entreprises est donc pensée comme l’expression d’un mode d’acquisition et de rémunération situé.

32Dans 20 des 28 entretiens réalisés avec des investisseurs, banquiers et conseillers des transactions, l’idée d’une valeur fondamentale des entreprises est ainsi récusée au profit de celle d’un prix de marché fonction de l’état toujours provisoire de l’offre et de la demande de firmes.

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Directeur associé, fonds d’investissement, 50 ans : « Un prix c’est quoi ? C’est le point auquel se rencontrent un acheteur et un vendeur. Donc l’acheteur et le vendeur peuvent être autour du même objet. Si le contexte change, si leur perception psychologique de l’objet change, l’objet n’aura pas changé, mais son prix oui. »
Banquière, 45 ans : « Faut pas croire tout ce que disent vos formations. C’est pas de la science. […] Le prix d’une entreprise, c’est combien tu es prêt à payer. Si c’est 0, bah alors c’est 0. »

34Les prix des firmes sont présentés comme des « consensus, instables et précaires » [Bessy, 2013, p. 14] inscrits dans une économie « des relations » plutôt que « des grandeurs » [Orléan, 2011, p. 44]. L’approche institutionnaliste mobilisée lorsqu’ils commentent leurs activités professionnelles ne relève pas d’un régime de vérité, mais d’un régime d’efficacité. Elle est définie « fonctionnellement par référence à la solution d’un problème » [Deledalle, 1971, p. 77].

3.2 – Évaluer des firmes avec des informations partielles face à un avenir incertain

35Le « problème » des investisseurs est de déterminer le prix d’achat de l’entreprise à partir de l’élaboration d’une stratégie de gestion future maximisant leurs profits éventuels. L’investigation de la firme prend la forme de due diligences réalisées par des sociétés de conseils. À rebours de leur présentation par les manuels de capital investissement, celles-ci ne sont pas pensées comme la garantie d’une certaine efficience informationnelle du « marché » des firmes non cotées, mais comme un mode de réduction limité de l’incertitude entourant leur évaluation.

36Si l’ensemble des enquêtés qualifie le capital investissement de « marché » (153 occurrences de ce terme au cours des entretiens avec les membres des fonds), ils justifient les rémunérations consenties aux sociétés de conseil par une double croyance dans l’inégalité de répartition des informations et dans leur caractère décisif pour les performances financières. Contrairement aux investissements dans les firmes cotées, ceux réalisés dans des firmes non cotées feraient appel à une rationalité opportuniste visant à exploiter les asymétries d’information caractéristiques de ce « marché ».

37Par ailleurs, les scénarios élaborés quant à l’évolution des firmes ne sont pas considérés comme vrais ou probables – ils ne sont pas fondés sur l’idée d’une prédictibilité du futur –, mais plutôt comme vraisemblables et sont décrits par les membres des fonds à travers les champs lexicaux de la croyance et de la fiction [Benquet, 2018].

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Banquier prêteur, 42 ans : « On ne sait jamais comment les choses vont se passer. Nous on a financé un projet d’éolienne au Maroc. La seule chose dont on était sûrs, c’était la vitesse du vent ! Et encore [rires] ! »

39Les décisions d’investissement sont moins présentées comme le résultat de compétences financières que d’une sorte de science des hommes reposant sur l’expérience. Quinze des vingt et un membres de fonds définissent ainsi les qualités attendues d’un évaluateur par des références à la « psychologie », à l’« intuition » et à l’« intelligence humaine ».

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Président d’un fonds d’investissement, 51 ans : « Moi je vais plutôt passer des centaines d’heures avec les équipes de management avant d’investir. […] C’est de la psychologie dynamique. »

41La rationalité mise en œuvre peut ici être qualifiée de conséquentialiste au sens où l’évaluation de la firme apparaît comme une tentative d’estimation des conséquences d’actions à venir sur sa rentabilité. Par un effort continu de configuration des entreprises acquises, les investisseurs tentent ainsi de faire advenir une version de l’avenir favorable à leur enrichissement.

42Ils perçoivent ainsi l’incertitude quant à l’avenir des firmes comme une donnée qu’ils peuvent limiter par un double effort d’analyse du passé de l’entreprise (rationalité opportuniste) et de configuration de son avenir (rationalité conséquentialiste), mais qu’il n’est pas possible de faire disparaître. L’avenir des titres étant irréductiblement incertain, c’est en dernière instance sur l’intuition, fondée sur l’expérience accumulée, que reposent les décisions d’investissement.

43Ces pratiques évaluatives se rapprochent de celles des investisseurs auxquels s’adressait la première convention financière élaborée par Fisher ainsi que des « gogo managers » américains décrits par Sabine Montagne [Montagne, 2014]. Ils mobilisent des normes d’investissement héritées de la gestion active du New Deal et centrées sur les compétences propres de l’investisseur. Ils reprennent à leur compte l’idée d’une réduction de la firme à un ensemble de flux de cash-flows entrants et sortants et l’objectif d’évaluation des revenus futurs de la firme. Mais, à la différence de cette première convention, ils récusent l’idée d’une définition substantielle de la valeur des firmes, décontextualisée et indépendante de ses évaluateurs.

3.3 – La finalité appropriative plus qu’allocative de l’évaluation

44L’évaluation des entreprises est présentée comme une activité d’appropriation plus que d’allocation de capitaux à laquelle prennent part les différents participants à l’échange (banques prêteuses, conseillers de l’opération comme les banques-conseils et les avocats-, actionnaire vendeur et management de l’entreprise). La coordination des uns et des autres est obtenue par des dispositifs d’ajustements réciproques ainsi que par l’intégration des espérances de profits de chacun des participants.

45

Directrice d’investissement, associée dans un fonds d’investissement coté, 35 ans : « Il y a un élément très endogène dans le système […] Sur un deal, les banquiers [conseil] qui bossent sont souvent déjà allés voir tous les participants […]. Donc à force que tout le monde se parle un petit peu, on converge. »

46Ces discussions collectives permettent de réduire les éventuels désaccords portant sur la valeur de la firme, non pas via un processus scientifique de réfutations et de corrections successives des calculs réalisés, mais par la création d’un intérêt collectif à la transaction. Pour que l’opération ait lieu, il faut en effet que le prix proposé permette à l’ensemble des participants de voir leurs espérances de profits réalisées [Benquet, 2018].

47Ces espérances de profits sont partiellement décorrélées des risques supportés grâce à des mécanismes collectifs de sécurisation de l’enrichissement. À l’échelle des firmes participantes, les frais de gestion sont versés par les investisseurs institutionnels indépendamment des performances financières réalisées ; la documentation bancaire, signée par les investisseurs (le fonds d’investissement), les prêteurs (les banques) et les managers de la firme achetée, constitutionnalise le contrôle du fonds sur la gestion de l’entreprise, et les droits d’accès différenciés aux capitaux en cas de défaut de paiement de l’entreprise sont contractualisés dès l’acquisition de la firme : autant de dispositifs qui participent à externaliser les risques financiers des investisseurs futurs actionnaires vers la direction de l’entreprise et ses salariés [Chambost, 2016] d’une part, et les investisseurs institutionnels d’autre part. À l’échelle individuelle, les participants à ces transactions disposent de capitaux scolaires, sociaux et culturels liés à leur recrutement social ainsi que de fortunes héritées ou accumulées grâce aux politiques salariales favorables des firmes financières qui amortissent, voire annulent les effets d’éventuels loupés financiers sur leurs conditions matérielles d’existence.

48

Marlène Benquet : « L’enrichissement de certains acteurs du secteur s’explique-t-il selon vous par les risques qu’ils ont pris ? »
Présidente et associée cofondatrice d’un fonds d’investissement, 73 ans : « Mais les risques, encore faut-il pouvoir les prendre ! Vous ne pouvez prendre des risques qu’une fois que le nécessaire est assuré, la maison, les enfants. On joue avec l’argent qu’il y a en plus. »

49Contre l’idée d’une fonction allocative de la finance, ces financiers mobilisent le lexique de la ponction pour caractériser leur activité : « traire la vache », « prélever », « prendre », « pomper ».

50

Directeur associé d’un fonds d’investissement, 37 ans : « Je reprends une boîte, elle vaut tant, je finance le rachat : 70 de dette et 30 en capital. Et je prie tous les matins pour que la boîte continue à être bien régulière. Et voilà, je trais la vache. Mécaniquement, sans rien faire, je fais fois deux. »

51La convention d’évaluation financière enseignée aux aspirants capital-investisseurs ne correspond donc pas à la conception indigène de la valeur des investisseurs professionnels. Dans les situations d’énonciation où ils commentent leurs pratiques professionnelles, ces derniers récusent l’idée d’une décorrélation entre la situation de l’évaluateur et l’évaluation réalisée [Markowitz, 1959] ainsi que celle d’une réduction possible de l’avenir à une liste d’états du monde auxquels correspondraient différents rendements et coefficients de risque [Morgenstern et von Neumann 1944 ; Savage, 1954].

52Davantage inspirée de la première convention d’évaluation fischérienne, la rationalité qu’ils déploient apparaît au contraire contextuelle, opportuniste et conséquentialiste. Proche d’une définition conventionnaliste et pragmatique de l’évaluation, celle-ci est ainsi présentée comme un fait social circonstancié qui met en relation un évaluateur situé, une ligne de conduite – s’approprier du profit – et une référence d’évaluation – les espérances de rentabilité. Dans ce cadre conceptuel qualifié ici d’institutionnaliste, la corrélation des risques supportés et des rendements attendus n’est plus garantie et l’enrichissement apparaît comme le résultat d’une appropriation collective de capitaux dont la sécurisation implique des dispositifs juridiques d’externalisation des risques vers les firmes et les investisseurs institutionnels.

53C’est pourtant un régime argumentatif néoclassique qui est mobilisé dans les contextes de justification de leur activité.

4 – Le recours instrumental à une approche substantielle de la valeur dans les situations de justification de l’activité financière

54Les capital-investisseurs utilisent la deuxième convention d’évaluation financière d’inspiration markowitzienne dans les situations d’énonciation où l’utilité de leur activité est mise en cause.

55Déjà existant dans les argumentaires produits par la principale association professionnelle du secteur, l’Afic [7], au cours des années 1990 et 2000 [Benquet, Bourgeron, 2019], c’est à la fin des années 2000 que se généralise ce mode de justification de leur activité.

56La crise financière de 2007 affecte en effet fortement le secteur, et notamment les opérations de LBO [Foureault, 2014]. Des entreprises sous LBO connaissent des faillites retentissantes [Auvray et al., 2016] et les investisseurs institutionnels cessent soudainement de financer le secteur : alors qu’au premier semestre 2008 les sociétés de gestion avaient levé 8,8 milliards d’euros, elles n’en lèvent que 3,3 milliards au second semestre 2008 et 1,0 milliard au premier semestre 2009. Les répercussions politiques et médiatiques de la crise financière créent une forte inquiétude au sein du secteur. En février 2007, le président de l’Afic s’en ouvre, dans un e-mail, aux autres dirigeants de l’Afic : « Je suis à Londres aujourd’hui et il n’y a pas une page du FT [Financial Times] qui ne parle pas du Private Equity. Le débat est devenu très politique. » D’autant que la contestation du secteur est soutenue par les milieux syndicaux. Au World Economic Forum de Davos de 2007, le dirigeant de la fédération syndicale internationale UNI Global Union décrit le LBO comme l’une des menaces principales pour les salariés [World Economic Forum 2007]. En France, le Collectif LBO est créé à la fin 2006 par des militants de la CGT pour défendre notamment l’interdiction de ces opérations. En réaction, les représentants du secteur diffusent un argumentaire de défense des capital-investisseurs fondé sur l’idée d’une scientificité de leurs pratiques évaluatives garantie par la référence à l’approche néoclassique de la valeur inspirée de la théorie moderne du portefeuille.

57L’idée d’une extension possible du champ de validité de cette approche aux titres non cotés est utilisée pour défendre la nécessité économique d’un secteur qui garantirait une allocation optimale du capital vers des entreprises extérieures aux marchés et dont les membres seraient rémunérés à hauteur des risques supportés.

58Cette approche de la valeur apparaît au cours des entretiens en réponse aux questions portant sur l’utilité, les risques et la légitimité de ces investissements, mais aussi lors de prises de parole publiques des représentants du secteur (au cours d’auditions parlementaires ou pour le Conseil d’analyse économique notamment). Elle fonctionne alors, non comme une langue indigène ou un système de croyances professionnelles, mais comme un argumentaire de défense contre des procès venus du dehors.

4.1 – L’approche néoclassique de la valeur comme justification de l’enrichissement des membres du secteur

59Pour répondre aux critiques portant sur leurs rémunérations, les capital-investisseurs remobilisent deux des principales dimensions des approches substantielles de la valeur : son caractère intrinsèque aux firmes et sa dépendance au couple formé par les risques et les rendements attendus de l’opération.

60À la question « pensez-vous que ces opérations [de LBO notamment] puissent fragiliser les entreprises ? », les capital-investisseurs répondent négativement. Ils rejettent l’idée selon laquelle le fait d’endetter une firme pour l’acquérir limiterait ses capacités d’investissement et de croissance : « c’est n’importe quoi », « un mythe, un mythe complet », « de la folie », « un délire », « des bêtises », « une erreur factuelle ». Le mode de financement d’une firme est présenté comme sans effet sur sa valeur, c’est-à-dire sur ses revenus futurs tels qu’estimés par la méthode des DCF.

61

MB : « On a pu lire par exemple que le financement par la dette contribue à gonfler les prix des entreprises et à affaiblir leurs profits à moyen terme… Qu’en pensez-vous ? »
Associé d’un fonds, 34 ans : « Alors là non. Et les feuilles de chou qui colportent ce genre d’idées qu’on crée des bulles, qu’on flingue les boîtes tout ça, c’est pas des gens sérieux. Faut revenir aux fondamentaux quand même ! Une entreprise, on la paie son prix, et son prix c’est ce qu’elle va rapporter ces prochaines années. Vous pouvez l’acheter avec de la dette, de l’argent frais ou l’héritage de votre vieille tante, ça ne fera pas changer sa valeur. »

62Les faillites d’entreprises surendettées sont imputées aux défaillances morales de certains évaluateurs et non aux procédures d’évaluation elles-mêmes.

63

Directeur d’investissement au sein d’un fonds d’investissement, 32 ans : « Il y a eu des abus, des abus énormes. Des extrêmes et une absolue déresponsabilisation. Ce qui est scandaleux. Mais ces abus sont uniquement dus à de l’égoïsme pur ! »

64De la même manière, la chute brutale des prix d’achat et de vente des firmes non cotées, observée notamment au cours des années 2007-2010 [Foureault, 2014], est décrite comme un accident ponctuel signalant le réalignement des prix sur la valeur fondamentale des firmes. Ces financiers la qualifient de « bonne purge », de « retour à la raison » et de « retour à la vraie valeur ». Finalement, « il peut y avoir de l’emballement [sur les prix], mais le réel nous rattrape toujours ». La valeur est ainsi présentée comme un noyau dur, interne à l’entreprise et indépendant de ses évaluateurs, dont les prix finissent toujours par se rapprocher.

65Parallèlement, les rémunérations des investisseurs sont justifiées par les risques qu’ils supportent. Face aux critiques portant sur le montant des rémunérations de membres du secteur, l’argument consiste à dire, dans le prolongement de la seconde convention d’évaluation financière, que le prix d’une firme reflète sa valeur, qui dépend elle-même de son risque, c’est-à-dire de la probabilité que ses revenus futurs se réalisent.

66

Un directeur d’investissement au sein d’un fonds d’investissement, 45 ans : « C’est un faux débat [le débat sur les rémunérations des investisseurs]. Les rémunérations sont fonction du risque et point à la ligne. C’est une règle. »
Un associé de fonds d’investissement, 40 ans : « Ça n’existe pas un carried[8] trop élevé, parce que ça n’existe pas une boîte qu’on aurait surpayée ou sous-payée. Le prix d’achat, il dépend du risque de l’entreprise qu’on va devoir supporter. Donc si on a fait une grosse plus-value, c’est qu’il y a une grande différence entre le prix d’achat et le prix de vente. Et ça, ça veut dire qu’on a supporté un risque élevé. Comme disait notre professeur de finance à Dauphine, “chez nous, il n’y a pas de repas gratuit”. »

67Se solidifie ainsi un régime argumentatif reposant sur une définition néoclassique de la valeur des firmes et devenu, au cours des années 2010, un lieu commun partagé de la légitimation des investissements en capital.

4.2 – L’idée de l’efficience allocative comme justification publique de l’appropriation de capital

68La théorie néoclassique de la valeur est aussi mise au service d’un raisonnement qui lie l’enrichissement des capital-investisseurs au financement des entreprises non cotées, à la création d’emplois, à l’augmentation du pouvoir d’achat et finalement à l’amélioration des conditions de vie générale de la population. Parce que les investisseurs auraient professionnalisé leurs pratiques en important un mode de valorisation des titres cotés (dont l’efficience ne serait pas à démontrer), ils pourraient se prévaloir eux aussi de garantir par leur activité une allocation optimale et socialement utile des capitaux dont ils ont la gestion.

69

Directeur d’un fonds d’investissement, 58 ans : « Une grosse boîte cotée depuis dix ans, c’est facile de savoir ce qu’elle vaut, mais des petites boîtes, des PME, c’est plus compliqué. Nous on donne de l’argent à des entreprises qui en ont besoin, mais à qui personne ne veut en donner car personne ne sait les évaluer correctement. »

70Cette efficience allocative reposerait sur l’efficience informative de ce « marché du capital investissement » présentée comme plus grande encore que celle des marchés cotés. Dans le cadre d’un rapport réalisé par le Conseil d’analyse économique en avril 2008, un directeur de société de gestion explique ainsi :

71

Directeur de Q. Investissement : « Les marchés sont efficients car ils intègrent toute l’information disponible dans les cours et permettent d’assurer un développement optimal des entreprises. […] Les fonds de capital investissement et le marché financier ont la même finalité économique […] Mais à l’inverse de l’investisseur sur les marchés, les fonds ont la possibilité d’acquérir une connaissance intime des sociétés […] Ces mécanismes permettent aux fonds de valoriser correctement. […] C’est la raison pour laquelle un modèle de détention « privé » des entreprises est indispensable au bon fonctionnement de l’économie ».
(id., p. 155)

72Dans un contexte postcrise de turbulences économiques et médiatiques, les représentants des membres des fonds veillent à se ménager le soutien des pouvoirs publics. Ils tentent ainsi de démontrer que le capital investissement ressortit aux mêmes théories financières que les marchés cotés et présente la même rigueur scientifique en matière de pratiques évaluatives. Aux régulateurs comme aux investisseurs institutionnels devenus réticents à participer à des opérations jugées opaques et hasardeuses, le secteur souhaite faire entendre que les opérations de capital investissement ne sont pas plus risquées que les opérations boursières.

73

Ancien fondateur et président d’un fonds d’investissement, 75 ans : « Je me souviens de débats avec Jean-Yves Haberer qui était à l’époque directeur du cabinet de Barre, où il disait “jamais l’épargne publique n’ira dans le non-coté” […] C’était un truc de protection de l’épargne. Pour eux, le non-coté, c’était les familles, un peu la magouille, la France d’en bas par rapport à la France d’en haut. »

74L’approche substantielle de la valeur outillée par la méthode des DCF est ainsi utilisée comme encouragement à traiter les entreprises non cotées comme des actifs alternatifs et substituables aux sociétés cotées. Les catégories d’analyse issues de l’économie néoclassique – valeur fondamentale, corrélation des rendements et des risques, efficience allocative – se donnent ici pour principale légitimation les méfaits qu’elles permettraient de déjouer : « récession, chômage, sous-développement, déclin au niveau collectif, manque d’innovation, irrationalité et archaïsme au niveau individuel » [Lebaron, 2000, p. 165). En liant l’évaluation substantielle des firmes, l’efficience allocative et la croissance économique, l’édifice néoclassique permet ainsi d’articuler des valeurs économiques, des valeurs morales [Orléan, 2011 ; Bessy, 2013] et une orientation politique de promotion du capital investissement. Sa maxime financière principale – les prix représentent la valeur des titres – justifie finalement un ordre social qui lui soit congruent [Ortiz, 2014 [9] ; Godechot, 2015]. Récusée sur les plans pratique et épistémologique, la théorie financière néoclassique reste le principal registre discursif de justification de l’activité financière.

5 – Conclusion

75La focalisation de la littérature sociologique sur la « révolution de l’investissement » des années 1970 et 1980 a conduit à surestimer l’hégémonie de l’approche dite néoclassique de l’évaluation des firmes au sein des différentes fractions du secteur financier, et à sous-estimer la diversité de ses appropriations selon les activités financières considérées et, au sein d’un même espace professionnel, selon les fins visées par ses membres.

76Comme la plupart des autres segments des professions financières, les capital-investisseurs sont formés à une convention d’évaluation financière d’inspiration markowitzienne dont ils tentent d’étendre le champ de validité aux titres non cotés pour faire apparaître leur activité comme relevant d’un véritable marché. Mais cette définition prescrite de la valeur contredit les conceptions indigènes de la valeur qu’ils mettent en avant dans les situations de commentaires de leurs pratiques. Ils mobilisent alors une approche institutionnaliste de la valeur des entreprises, établie par une évaluation contextuelle et non fondamentaliste des entreprises. Celle-ci ne repose ni sur l’hypothèse d’efficience informationnelle du marché ni sur la croyance en une anticipation possible du développement futur des firmes, mais sur une rationalité opportuniste et conséquentialiste. Ils pensent la valeur comme un fait social dont la production engage un ensemble d’interactions indissociable de configurations institutionnelles et historiques particulières.

77Mais ces pratiques évaluatives et cette épistémologie profane n’ont pas produit de registre propre de légitimation. Dans les contextes de mises en cause de leur utilité sociale, c’est donc la théorie néoclassique, hégémonique sur les plans universitaires et politiques, qui est utilisée comme principal registre discursif de justification. Ces financiers la mobilisent comme paradigme politique qui permet d’articuler la poursuite d’intérêts privés et l’intérêt général, et comme approche scientifique et technique justifiant leur accès à l’épargne des ménages. Bien qu’ils ne comptent ni ne pensent comme des économistes néoclassiques, c’est ainsi toujours comme tels qu’ils se justifient.

Notes

  • [1]
    Au sens strict, les fonds d’investissement sont des véhicules financiers créés par les sociétés de gestion pour centraliser, puis investir le capital. La langue profane comme indigène désigne cependant, par glissement métonymique, ces sociétés de gestion par les termes de fonds d’investissement, usage que nous suivons ici.
  • [2]
    La distinction entre le travail réel et le travail prescrit a été élaborée notamment par Christophe Dejours dans le cadre d’une approche psychodynamique du travail pour souligner la créativité nécessaire à la réalisation des prescriptions professionnelles [Dejours, 1980].
  • [3]
    Ces entretiens ont été réalisés dans le cadre de deux projets de recherche, un premier coordonné par Valérie Boussard sur les carrières professionnelles dans le secteur des fusions-acquisitions, un second que je coordonne sur les cadres institutionnels du capital investissement.
  • [4]
    Voir notamment Boussard et Dujarier (2014) ou Boussard, Godechot et Woloszko (2017).
  • [5]
    Nous avons éliminé du corpus les entretiens où les questions portant sur la valeur étaient formulées en des termes trop éloignés de ceux présentés ici.
  • [6]
    Le terme d’institutionnalisme est ici utilisé en référence à certains travaux d’économie hétérodoxe, notamment conventionnalistes où, à rebours d’une approche néoclassique de la valeur substance, la valeur est pensée comme une « institution sociale-historique » [Orléan, 2011, p. 47]. Dans le prolongement de ces approches, la perspective pragmatique ethnocomptable proposée par Alain Cottereau [Cottereau et Marzok, 2012] vise aussi à penser l’évaluation comme l’action située d’un évaluateur évaluant des biens en fonction de « ce qui compte pour lui » et instituant ainsi la valeur des choses.
  • [7]
    L’Afic, l’Association française des investisseurs en capital, devenue en 2012, l’Association française des investisseurs pour la croissance, est la principale association professionnelle des acteurs du capital investissement.
  • [8]
    Le carried interest est la part de la plus-value réalisée lors de la revente d’une entreprise qui revient aux membres des fonds d’investissement.
  • [9]
    Cette description de l’usage par les capital-investisseurs de la convention d’évaluation financière inspirée de la théorie du portefeuille se rapproche des observations de l’évaluation des titres cotés réalisées notamment par Horacio Ortiz [Ortiz, 2014]. Elle les prolonge en montrant que cette convention d’évaluation essaime au-delà du champ des titres cotés parmi les évaluateurs de titres non cotés, et que la mobilisation alternative de régimes argumentatifs contradictoires est fonction des situations d’énonciation au sein desquelles sont placés les investisseurs.
Français

Fondé sur des données ethnographiques et l’analyse d’un corpus de 48 entretiens, ce texte décrit les conceptions indigènes de la valeur des firmes des membres des fonds d’investissement. À partir d’une approche pragmatique des jugements portés sur la valeur, ce texte évalue la prégnance d’une définition substantielle dite néoclassique de la valeur parmi ces investisseurs, et montre que, récusée lorsqu’ils commentent leurs pratiques professionnelles, elle est en revanche mobilisée lorsqu’il s’agit de les justifier.

  • fonds d’investissement
  • valeur
  • évaluation
  • approche substantielle
  • prix
  • théorie financière néoclassique

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Marlène Benquet
Paris Dauphine, IRISSO, CNRS, PSL
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Mis en ligne sur Cairn.info le 28/11/2019
https://doi.org/10.3917/rfse.023.0059
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