CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1Les années 1980 constituent à bien des égards un tournant dans la vie des entreprises : alors que le néolibéralisme s’impose dans les milieux patronaux [Denord, 2007], que le gouvernement des grandes firmes passe de la production à la finance [Fligstein, 1990], l’essor de la « cité par projet » consacre de nouvelles formes organisationnelles inspirées du réseau [Boltanski et Chiapello, 1999]. Les entreprises se « recentrent » sur leur « cœur de métier », tâchant d’externaliser tout ce qu’elles ne considèrent pas comme l’essentiel et de coopérer avec de multiples « partenaires » [Mariotti, 2004]. Au cours de ce resserrement sur des « compétences clés », les « services généraux » des entreprises sont rapidement en ligne de mire. Ceux-ci regroupent tout ce qui ne concerne pas la production, mais affecte le quotidien des salariés : restauration, accueil et standard, gardiennage et sécurité, maintenance, nettoyage des locaux, commande et gestion des fournitures, etc.

2Au début des années 1980, pour l’essentiel, les services généraux sont réalisés en interne. Microcosme éloigné du calcul marchand, ils constituent souvent un lieu de réaffectation des salariés jugés insuffisamment performants dans leur service. Les transactions en leur sein et avec l’extérieur sont conçues sur le modèle des échanges domestiques, commandées par des obligations sociales plus que par le nomos spécifique au champ économique, qui promeut la recherche et la maximisation du profit [Bourdieu, 1997]. Amorcée dans les années 1990, leur externalisation à des sociétés prestataires s’amplifie durant cette décennie et la suivante, au point que l’on considère que les activités qu’ils supervisent sont désormais les plus sous-traitées [Barthélémy, 2007]. Il s’agit de faire des économies [1] – en coûts de main-d’œuvre en particulier – tout en gagnant en qualité, et de transformer des coûts fixes en coûts variables, puisqu’il est plus facile de mettre fin à des contrats commerciaux avec des prestataires qu’à des contrats de travail avec des salariés. Une rationalisation gestionnaire accompagne ce mouvement et transforme profondément les modes d’administration des services généraux, avec l’essor de batteries d’indicateurs destinés à améliorer leur productivité et un intérêt accru pour la satisfaction de leur « clientèle interne » – les salariés du reste de l’entreprise. En une décennie, l’externalisation opère un véritable changement de paradigme au sein de ces services.

3L’externalisation a été étudiée sous l’angle des rapports de force entre entreprises donneuses d’ordre et sous-traitantes [Duhautois et Perraudin, 2010 ; Perraudin et al., 2014], des conditions de travail et d’emploi des salariés sous-traités [Nizzoli, 2015 ; Brugière, 2017 ; Schütz, 2018] et de leurs relations avec les salariés « internes » [Seiller, 2014], ou encore au prisme de ses effets sur les salariés internes [Rousseau et Ruffier, 2016]. Peu de travaux toutefois ont tenté de documenter le processus même de l’externalisation, de l’intérieur des entreprises, et d’en saisir les conditions professionnelles d’acceptabilité. Cet article entend éclairer la façon dont la logique marchande s’est imposée au sein des services généraux comme principe de vision dominant. Ces services ayant vécu de plein fouet le « recentrage » des entreprises sur leur « cœur de métier », il s’agit d’abord de les utiliser comme un observatoire pour donner chair aux enjeux qu’a recouverts l’évidence de ce mot d’ordre. En effet, en dépit de sa rapidité, l’externalisation des services généraux ne s’est pas faite sans heurts ni résistances, et la réappropriation du topique du « cœur de métier » par les directeurs et responsables des services généraux (DRSG), confrontés à une profonde mutation de leur propre activité, met en évidence la grande plasticité de cette notion. En s’intéressant de près au groupe professionnel [2] des DRSG [Demazière et Gadéa, 2009], l’article montre comment la mue de leurs services n’a été possible qu’au prix de leur propre transformation : entre le début des années 1980 et la fin des années 2000, leurs formations et parcours professionnels ont changé, leurs pratiques ont évolué, leur rhétorique professionnelle s’est modifiée. Si l’externalisation leur a été initialement imposée et si beaucoup l’ont dénoncée, ils en sont finalement devenus les premiers promoteurs et ont contribué à la légitimer. Se pencher sur ce groupe et ses mutations contribue à l’étude des soubassements des discours et pratiques qui fondent la « nouvelle entreprise » [Boni et Laurens, 2013].

4À partir du dépouillement de la revue Arseg Info (cf. encadré 1), revue professionnelle des DRSG, on rendra compte de la manière dont l’externalisation des services généraux et, plus généralement, leurs nouveaux modes de fonctionnement se sont imposés dans les entreprises et ont été progressivement légitimés. Deux voies principales seront explorées : la transformation du groupe des DRSG et la consolidation d’une nouvelle rhétorique professionnelle.

Encadré 1. Une enquête principalement fondée sur la revue professionnelle Arseg Info

L’Association des directeurs et responsables des services généraux (Arseg) est créée en 1975. Seul réseau français dédié aux DRSG, elle revendique en 2018 l’adhésion de plus de 1 700 d’entre eux. Ses adhérents sont issus de l’ensemble des secteurs d’activité, industriels et tertiaires, publics et privés, d’entreprises de taille et d’implantation régionale variées. Les Franciliens y sont toutefois surreprésentés (deux tiers des adhérents), comme ceux issus d’entreprises de plus de 200 salariés, accentuant une tendance qui résulte de l’implantation de la plupart des sièges sociaux, lieux privilégiés d’exercice des DRSG.
La revue Arseg Info est créée en janvier 1987 et compte au milieu des années 1990 quelques suppléments publiés sous le nom d’Arseg Magazine. Lettre interne à l’origine entièrement rédigée par des DRSG, elle devient en 1994 une revue sur abonnement éditée par une entreprise de presse. Ce n’est toutefois qu’à partir de 1997 que le nombre d’articles rédigés par des journalistes devient prépondérant, c’est seulement fin 2004 que la direction de la rédaction n’est plus assurée par un DRSG mais par un journaliste, et à compter de 2013 l’édito n’est plus signé par un DRSG. La revue appartient néanmoins toujours à l’association, ses adhérents continuent à y écrire, y sont abondamment interviewés et le comité de rédaction demeure à ce jour composé de membres de l’Arseg. La revue a été dépouillée de manière systématique de janvier 1987 à décembre 2010 (207 numéros) et consultée de manière plus ponctuelle jusqu’en 2018, les débats sur l’externalisation fléchissant dès le milieu des années 2000, où on ne se demande plus s’il faut externaliser, mais comment le faire. Une base de données recensant l’ensemble des portraits de DSRG parus dans la revue de 1987 à 2015 (n=87) a été constituée et exploitée (« base portraits »).
Brosser l’histoire de l’externalisation des services généraux à partir d’Arseg Info n’est pas neutre. En effet, les points de vue qui y sont exprimés reflètent les positions des adhérents de l’Arseg et non des DRSG en général [3], et parmi eux, de ceux qui prennent la plume, y sont interviewés ou portraiturés, à savoir, majoritairement, les membres des instances dirigeantes de l’association. La « base portraits » [4] permet d’établir que ces derniers (comme l’ensemble des portraiturés) sont plus diplômés que les autres adhérents de la base et plus souvent issus de formations gestionnaires (par opposition aux formations techniques). Représentants d’un groupe, ils n’en sont pas représentatifs et contribuent probablement plus à la mise en scène et à la légitimation d’opinions et de pratiques référentes qu’à un reflet fidèle de l’existant [Offerlé, 2009]. Si ce type de source ne décrit qu’imparfaitement les changements à l’œuvre, il constitue néanmoins un prisme de choix pour observer les « cadrages » à partir desquels ils sont perçus, décrits et débattus.
De manière annexe, deux vagues d’entretiens ont été menées, l’une en 2007 (n=9), l’autre en 2018 (n=5), auprès de DRSG franciliens appartenant à des sociétés de plus de 250 salariés, majoritairement membres de l’Arseg (8/14). Réalisés à des moments où l’externalisation ne prête plus à débat, ils seront mobilisés ici de manière occasionnelle, en contrepoint de la revue.

2 – Du rejet aux louanges de l’externalisation

2.1 – L’essor de l’externalisation des services généraux

5Durant les 30 dernières années, dans le sillage de l’envol de la sous-traitance [Tinel et al., 2007], l’externalisation des services généraux s’est massivement développée. Dans les années 1980, les DRSG fonctionnent parfois déjà avec des prestataires : les offres d’emploi publiées dans Arseg Info l’illustrent bien, exigeant quelqu’un qui sache « choisir les prestataires » [5]. Les services généraux externalisés sont généralement le nettoyage et la restauration, la maintenance technique des immeubles ne l’est que très rarement. Ce n’est que dans les années 1990 que l’externalisation prend réellement son essor. En témoigne la forte croissance des entreprises prestataires [6], à l’instar de celle des entreprises de « facilities management », qui proposent dans une offre globale des prestations « multitechniques » – climatisation, chauffage, ascenseurs, etc. – et « multiservices » – accueil et standard, propreté, restauration, gardiennage, etc. Arseg Info évoque ainsi en 1999 l’« explosion du multiservice » [7] et rapporte que le chiffre d’affaires des sociétés adhérentes au tout nouveau Sypemi, le syndicat du secteur, a triplé entre 1990 et 2000. Selon le Baromètre Outsourcing 2005 d’Ernst & Young/Ifop, cette année-là les deux tiers des DRSG déclaraient confier au moins la totalité d’une fonction ou d’un service à un prestataire spécialisé. En 2011, 57 % des entreprises déclaraient recourir à la sous-traitance pour le ménage, le gardiennage et la sécurité (dans des proportions allant de 48 %, dans les établissements de moins de 20 salariés, à 89 % dans ceux de plus de 500) [Perraudin et al., 2014].

6Au long de ce processus d’externalisation, les discours des DRSG ont considérablement évolué. Dans Arseg Info, les débats sur le bien-fondé du recours à des prestataires battent leur plein tout au long des années 1990.

2.2 – Des DRSG initialement ébranlés

7C’est durant la première moitié des années 1990 que le processus d’externalisation des services généraux apparaît le plus controversé. Il résulte d’une volonté des directions des entreprises de rationaliser la gestion des services généraux et de l’offensive d’un secteur prestataire en pleine construction.

8Si la controverse est vive, c’est parce que beaucoup de DRSG voient leur territoire professionnel menacé par les sociétés prestataires. Leur essor est commenté dès 1989, avec un éditorial de Robert Proix, président de l’Arseg de l’époque et DRSG de Colgate Palmolive (cf. infra pour une présentation), qui évoque des « sociétés extérieures qui fleurissent à qui mieux mieux [8] ». À plusieurs reprises, des DRSG témoignent de ce que les prestataires démarchent les directions en leur faisant miroiter de substantielles économies [9]. Les effectifs sous leur responsabilité menacent de fondre, eux-mêmes craignent d’être évincés dans cette « lutte de juridiction » avec les prestataires [Abbott, 1988]. Robert Proix évoque des « consultants qui prétendent se substituer aux responsables des services généraux » [10], ou encore des personnes qui « si nous n’y prenons garde […] se substitueront à nous avec des buts de profit » [11]. Le savoir-faire des DRSG semble remis en cause : le DRSG de Wagon-Lits, un homme issu de l’hôtellerie, argue ainsi de la nécessité de « défendre notre métier face à certaines sociétés de services qui prétendent savoir mieux que nous comment se gère un immeuble et qui déjà s’introduisent dans nos entreprises » [12]. Certains prestataires n’hésitent pas à attaquer frontalement les services généraux, comme en témoigne une lettre de démarchage reproduite dans les colonnes d’Arseg Info : « Les responsables de services généraux récupèrent souvent contre leur gré du personnel dont plus aucun autre service ne souhaite la présence. Il est donc incompatible de confier la gestion de sommes considérables à des services dotés d’un tel personnel [13]. »

9Beaucoup de DRSG se sentent trahis par leurs directions, qui ne les consultent pas sur les choix d’externalisation, comme le note Annie Roussey, une des futures présidentes de l’Arseg, DRSG d’une société de communication anglo-saxonne (cf. infra) [14]. Le DRSG des produits Roche, un homme issu du département vente et marketing de cette société, narre que les directions font appel à des cabinets de conseil pour les former, sur les thèmes « sous-traiter, manager, économiser, répartir les services entre le faire et le faire faire, améliorer la qualité de service », et se rebiffe : « Avons-nous attendu leurs idées pour agir ? Notre volonté n’est-elle pas d’aller vers les objectifs de performance et de rentabilité ? » Il en appelle à la solidarité professionnelle des DRSG, qu’il compare à celle des membres d’un « navire battu par le vent » [15]. Le DRSG d’Adidas, un ancien professeur d’EPS, qualifie pour sa part les DRSG de « profession qui semble ne plus faire l’unanimité » [16].

10Si la critique de l’externalisation perdure tout au long de la décennie, elle diminue d’intensité à partir de 1995. Souvent portée par le président Robert Proix, qui n’hésite pas à condamner « la religion outrancière du profit » ou la « lâcheté » des directions qui décident de « faire faire […] sous prétexte que manager des hommes est trop compliqué » [17], son affaiblissement tient probablement en partie à l’arrivée d’un nouveau président en 1998, Yves Olivier, DRSG de Renault (cf. infra). Toutefois, des arguments en faveur de l’externalisation sont présents dès l’origine et gagnent du terrain.

2.3 – L’appel à la rationalisation marchande

11Un plaidoyer pro-externalisation naît en effet au début des années 1990 sous la plume d’autres DRSG, gagne en force au cours de la décennie, tandis que les signes d’une légitimation du recours à des prestataires se multiplient.

12En quoi consiste-t-il ? Il s’enchâsse dans un argumentaire plus général, qui prône une conversion des services généraux à la logique marchande et plaide pour leur rationalisation gestionnaire. Intitulé « La marche forcée des services généraux » [18], un article de 1991 en pose pour la première fois les bases, signé par le directeur des services généraux d’Antenne 2, à l’époque en pleine restructuration pour contrer la montée en puissance des groupes privés dans l’audiovisuel. Ce DRSG affirme que les services proposés par des sociétés multiservices sont 20 à 30 % plus économiques que les services internes. Il explique qu’il est possible de lutter contre cette concurrence, voire d’en tirer parti, en transformant les services généraux de « centre de coût » en « centre de profit ». Les services généraux devraient assurer un strict suivi budgétaire de leurs prestations, devenir une quasi-société à l’intérieur de l’entreprise en facturant au prix de revient des « services marchands » aux différentes unités de l’entreprise, au lieu de vivre d’un « prélèvement obligatoire ». Les services généraux doivent passer d’un « état d’assisté » à celui d’« adulte responsable », pour accéder au statut de « grande fonction de l’entreprise » au lieu d’être des « administrateurs signant à tour de bras des autorisations de dépense ». Appelant les services généraux à se comporter en unités entrepreneuriales qui nouent avec les autres services des rapports analogues à ceux de fournisseurs à clients, le DRSG d’Antenne 2 ne fait que reprendre le discours managérial de l’époque de l’entreprise « en réseau » [Halal, 1994 ; Soler et Tanguy, 1996]. Toutefois, note-t-il, les services généraux manquent de « flexibilité », ce qui les handicape face aux sociétés extérieures. Il faut donc envisager, si l’activité de l’entreprise est variable, que les services généraux « externisent » (sic) une partie de leur activité, car dans ce cas « la seule solution est la sous-traitance ». Le thème d’une normalisation des services généraux, qui « comme toute autre activité de l’entreprise » doivent « réaliser des gains de productivité » [19], apparaît dès lors comme une constante de l’argumentaire pro-externalisation.

13La même année, en 1991, l’Arseg crée un statut de « membre associé », qui permet aux prestataires d’adhérer à l’association sous certaines conditions. Mais ce n’est qu’à partir de 1995 que les discours sur l’externalisation deviennent plus hardis. Alors que le développement de la sous-traitance était jusque-là justifié par « des besoins aléatoires, des systèmes sociaux rigides », comme l’écrivait en 1993 encore Yves Olivier, futur président de l’Arseg [20], il semble désormais qu’en ce qui concerne les « tâches non prioritaires et non stratégiques par rapport à l’activité principale des sociétés », la sous-traitance est « dans la logique des affaires », comme l’affirme plusieurs fois le DRSG d’une société d’assurances hexagonale rachetée par le groupe Allianz, un ancien militaire [21]. Les configurations qui justifient l’externalisation s’élargissent. Les articles hostiles à l’externalisation se font moins tranchés : un de ses contempteurs les plus assidus, Robert Proix, évoque par exemple l’existence de « sociétés sérieuses de multiservices respectueuses de notre profession » [22]. Des « avis extérieurs » paraissent de plus en plus régulièrement dans Arseg Info pour relativiser les dangers de l’externalisation, concourant à une dédramatisation du recours à des prestataires [23].

14Plusieurs signes témoignent de ce que l’externalisation gagne du terrain. Dès 1995 apparaissent dans Arseg Info des points juridiques sur « sous-traitance et délit de prêt de main-d’œuvre illicite » ou « sous-traitance et délit de marchandage » [24]. C’est en 1995 encore que la revue commence à consacrer de pleines pages à des secteurs prestataires pour en présenter les problématiques et le marché. La tonalité parfois fataliste qui accompagne désormais les commentaires sur l’externalisation montre que celle-ci est actée, au moins dans les faits. Annie Roussey explique par exemple que la sous-traitance est inévitable et que rien ne sert de jouer aux « irréductibles Gaulois » [25]. En 1996, dans un article intitulé « J’accuse » [26], elle affirme que « les habitudes du passé sont définitivement mortes, nous ne reviendrons plus en arrière », et reproche à certains DRSG de n’avoir aucune idée de la surface qu’ils gèrent ni du poids financier de leurs prestations : comment s’étonner que le « boomerang » leur revienne brutalement et que leurs directions cherchent à sous-traiter ? Elle conclut : « Les entreprises de multiservices ont beaucoup à nous apprendre ainsi que les conseils en organisation, réveillons-nous ! »

2.4 – L’externalisation célébrée

15À compter des années 2000, l’externalisation n’est plus débattue mais célébrée. Aucun des enquêtés n’en a remis en question le bien-fondé, ni en 2007 ni en 2018. Certes, elle est parfois encore critiquée, comme en 2002 dans un numéro consacré au thème « Externaliser » [27], où sont évoqués sous la plume d’un journaliste « les boulets d’Externalisator » : « Déresponsabilisation, isolement des salariés externalisés, rotation accélérée des personnels, plus grande exposition aux maladies professionnelles, couverture médicale parfois réduite. » Mais c’est rare. Dès l’année 2000, un article signé par l’Arseg évoque la « fin d’un tabou » [28]. Les arguments en faveur de l’externalisation ne manquent pas et insistent sur sa rentabilité : Annie Roussey évoque par exemple « l’assurance d’adaptabilité des ressources humaines et matérielles (payer les gens le temps que l’on a besoin d’eux, ne pas acheter des équipements dont on a besoin une fois par an) », « l’assurance de la productivité », « l’adaptabilité du contrat en cas de modifications structurelles de l’entreprise » [29]. Selon elle, si les services généraux sont sous-traités, ce n’est pas tant par « recherche d’économies » que pour « professionnaliser » le service et « gagner en qualité », grâce à des prestataires spécialisés dans leur domaine [30]. Quelle meilleure preuve de la réconciliation des DRSG avec les sociétés extérieures que cette dernière affirmation ? En 2004, le Sypemi – organisation patronale des sociétés multiservices – et l’Arseg participent ensemble à une conférence au salon annuel des professionnels des services généraux, Proseg, et martèlent que l’objectif est la satisfaction du client, peu importe que le service soit réalisé en interne ou externalisé [31]. Ils affirment que, désormais, prestataires et DRSG « parlent d’une même voix, sans méfiance ni protectionnisme » [32]. Arseg Info avait d’ailleurs enterré symboliquement la hache de guerre dès 1998, en faisant entrer dans son comité de rédaction un « membre associé », Michel Verdier, futur président du Sypemi. Dans un éditorial de cette année, celui-ci concluait ses propos en affirmant que les prestataires de multiservices et les DRSG étaient « peut-être rivaux autrefois, mais sûrement partenaires demain » [33]. À compter de 2013, les membres associés seront même autorisés à intégrer le comité directeur de l’Arseg (mais pas son bureau). Outre les arguments relatifs à la qualité de service, au prix et à la flexibilité, les entretiens font ressortir avec force les bénéfices de l’externalisation en termes de gestion de la main-d’œuvre : délégation du « sale boulot » à des entreprises extérieures, disciplinarisation des salariés externalisés et des salariés internes [Schütz, 2018].

16Entre la fin des années 1980 et les années 2000, le discours dominant sur l’externalisation a considérablement évolué. L’acceptation des sociétés extérieures a accompagné la volonté de rationaliser les services généraux et de leur faire adopter un fonctionnement marchand. Comment rendre compte de cette conversion ? Quels en sont les fondements, tant matériels qu’idéologiques ?

3 – La transformation d’un groupe professionnel

17Ce retournement ne saurait être interprété comme la simple rationalisation d’une évolution imposée aux DRSG par leurs directions. Il découle d’une profonde transformation du groupe professionnel et de ses pratiques.

3.1 – Des DRSG en quête de légitimité

18Au début de la période étudiée, les DRSG souffrent d’un déficit de légitimité au sein des entreprises. Le fait qu’ils ne soient pas reconnus à leur juste valeur constitue un leitmotiv des premiers numéros d’Arseg Info. Un adhérent de la section lyonnaise de l’Arseg les décrit comme « une profession qui doit en permanence justifier le bien-fondé de son action et souligner les résultats qu’elle en obtient » [34]. D’après Léonard Simeone, président de l’association jusqu’en 1988, l’image des DRSG serait celle de « poseurs de prises électriques ou installateurs de commutateurs assez frustes » [35], héritiers de « l’ancien chef du service entretien à qui l’on demandait tout et n’importe quoi » [36]. Ne participant pas directement à la production des entreprises, ils craignent de voir leur budget sabré et leurs effectifs amputés en temps de crise, à l’instar des services généraux états-uniens du début des années 1990, comme le relatent avec anxiété Robert Proix et sa vice-présidente, la DRSG du Herald Tribune, une femme de formation universitaire qui a auparavant géré le service abonnement de ce journal [37].

19Pour les DRSG de la fin des années 1980, l’enjeu est de valoriser leur activité, mais aussi de se voir reconnaître des compétences autres que techniques. Le tout début des années 1990 cristallise ces aspirations. On voit des DRSG revendiquer l’appellation de « manager », comme celui d’un centre de Peugeot, un homme issu des services financiers de Chrysler France et doté d’une maîtrise de sciences économiques [38], plutôt que celle de « chef des services généraux », qui apparaît encore dans certains articles de la fin des années 1980 [39]. Ces DRSG souhaitent voir reconnaître leurs qualités de « diplomatie », à l’instar de Robert Proix [40], ainsi que leurs capacités « relationnelles » [41], comme le DRSG de Total, un ingénieur technico-commercial qui soutient que les services généraux « participent à la stratégie de l’entreprise avec pour objectif d’accroître sa compétitivité » et que le DRSG est semblable au PDG d’une petite PME de services [42]. La DRSG du Herald Tribune affirme quant à elle que « le responsable des services généraux est un gestionnaire, un décideur, un véritable manager » [43]. Ces DRSG s’approprient les thématiques des discours managériaux de l’époque appelant les cadres à devenir des managers [Falcoz, 2002], et plus encore des leaders [Boltanski et Chiapello, 1999]. L’Arseg encourage pleinement cette redéfinition : en 1990 l’association instigue une table ronde intitulée « L’évolution d’une profession : du responsable des services généraux au facilities manager » [44]. La revue se met à présenter dans sa rubrique « L’homme du mois » des DRSG ayant fait des études longues, orientées vers la gestion et le commerce, alors qu’étaient précédemment mises en avant des personnes aux cursus plutôt courts et techniques, cette évolution s’accentuant tout au long de la période étudiée [base portrait]. Manifestement, les rapports de force évoluent dans l’association.

20Le déficit de légitimité des DRSG tient probablement aussi à la faible structuration initiale de ce groupe professionnel, qui n’a aucune des caractéristiques des « professions » au sens anglo-saxon du terme. Outre la diversité de leurs parcours scolaires et professionnels, les DRSG ont la particularité d’être très disséminés – un par entreprise –, d’avoir un rattachement hiérarchique très variable (de la DRH aux directions administratives et financières, en passant par les directions immobilières ou achat) et un nom de fonction pas totalement stabilisé [45]. D’un point de vue institutionnel, les DRSG ne sont que peu reconnus au début de la période étudiée : leur intitulé de métier n’entre qu’en 1991 dans le répertoire Rome de l’ANPE [46], en 1995 leur rôle n’est pas encore clairement défini dans les conventions collectives [47]. Léonard Simeone et Robert Proix déplorent régulièrement l’inexistence de formation spécifique pour accéder à leur fonction, à laquelle on arrive souvent à l’époque par promotion interne après avoir été technicien et où l’on trouve aussi beaucoup de jeunes retraités de l’armée. Alors que les États-Unis comme les Pays-Bas ont mis en place dès les années 1980 des formations de « facilities manager », il faut attendre en France 1996 [48], où l’IUP de Marne-la-Vallée ouvre une formation spécifique de niveau bac +4 [49], 1998 pour la création d’une formation continue professionnelle [50] et 2001 pour la création d’une « licence professionnelle multiservice » et d’un master à l’École spéciale des travaux publics [51].

3.2 – Une amélioration de statut portée par l’externalisation…

21En même temps que progresse leur reconnaissance institutionnelle, la position des DRSG au sein des entreprises s’améliore. Cinq ans après avoir écrit que les services généraux étaient « le service le plus mal connu, le plus dénigré et le moins valorisant de l’entreprise » [52], Annie Roussey signe en 1997 un éditorial intitulé « Les services généraux ne sont plus les parents pauvres » [53]. Selon le DRSG du Crédit Lyonnais, un centralien ancien ingénieur de Saint-Gobain [54], alors qu’autrefois on arrivait, faute de mieux ou par hasard, dans un service « réceptacle de gens dont on ne savait que faire et qui finissaient là leur carrière », au début des années 2000 c’est par vocation que l’on deviendrait DRSG [55].

22De fait, une amélioration du statut des DRSG au sein de l’entreprise ressort des enquêtes menées par l’Arseg sur ses adhérents. La comparaison des enquêtes de 1993 et 1998 (200 répondants) montre que les DRSG sont de plus en plus souvent décisionnaires financiers sur les services qu’ils proposent. L’enquête de 2004 (200 répondants) va aussi dans le sens d’une revalorisation de la fonction. Elle montre que les DRSG se rapprochent du « premier cercle des décideurs de l’entreprise » [56] : 70 % des DRSG seraient désormais à n-1 ou n-2 de la direction générale, contre à peine plus de la moitié dans l’enquête de 1998. En 2005, l’Arseg modifie d’ailleurs son nom pour devenir « l’association des directeurs et responsables des services généraux » et non plus des seuls responsables. La dernière enquête de l’association (2016, 385 répondants), estime quant à elle à 38 % la part de DRSG directement rattachés à la direction générale de l’entreprise. Ces résultats peuvent bien sûr traduire une évolution du profil des adhérents de l’Arseg, en phase avec sa volonté de promouvoir une certaine vision des DRSG, plus qu’une réelle évolution des DRSG. Toutefois, l’enquête de 2007, de plus grande envergure et ne se limitant pas aux seuls adhérents de l’Arseg [Arseg, 2008 [57]], semble confirmer ce statut relativement élevé des DRSG au sein des entreprises à la fin des années 2000. Selon elle, 67,7 % des DRSG ont un statut cadre et près d’un quart (24,1 %) sont cadres de direction, tandis que 44,5 % d’entre eux rendent des comptes directement à la direction. Si les entretiens réalisés en 2018 continuent d’évoquer une fonction peu visible, dans « l’ombre », ceux qui ont permis de reconstituer l’histoire des services généraux dans leur entreprise (n=3) mettent eux aussi en évidence une franche amélioration de leur statut.

23À la fin des années 1990 et au début des années 2000, cette progression est décrite dans Arseg Info comme une conséquence de l’externalisation. Pour Annie Roussey, en ces années où la presse nationale se fait de plus en plus l’écho du phénomène d’externalisation, « le haut commandement des entreprises françaises s’aperçoit enfin de l’existence des hommes de l’ombre [les DRSG] » [58]. Les DRSG peuvent tenter de « bénéficier des retombées des médias », car ils ont acquis un « savoir-faire unique de spécialistes de l’externalisation » [59]. Dans les années 2000, l’idée que l’externalisation a revalorisé la fonction de DRSG est régulièrement évoquée : « [L’externalisation] a donné naissance à des sociétés spécialisées qui se sont constituées en véritables professionnelles […] [cela] a permis à la profession des services généraux, traditionnellement femmes et hommes de l’ombre, de sortir des coulisses et d’apporter en pleine lumière la preuve de leur plus-value au sein des entreprises » [60], affirment Yves Olivier, président de l’Arseg à cette date, et Annie Roussey. « Ce renouveau d’image nous le devons également aux sociétés de facilities management, qui ont légitimé la fonction comme créatrice de valeur pour le développement des entreprises », assure encore cette dernière [61].

3.3 – … et par un renouvellement des effectifs

24Toutefois, l’amélioration du statut des DRSG au sein de leur entreprise ne saurait être le simple résultat d’une promotion des personnes en place du fait de l’externalisation. Cette amélioration s’avère tributaire d’une modification du profil des DRSG recrutés.

25Tout laisse à penser que les DRSG de la fin des années 1990 ne sont plus tout à fait les mêmes que ceux des années 1980. En effet, à l’époque on occupe rarement le poste de DRSG en début de carrière. Tout au long de la période, la population des DRSG se renouvelle donc au gré des départs en retraite, et l’on peut supposer que les nouveaux arrivants ont des profils différents. La « base portrait » montre qu’en fonction de leur décennie de naissance les portraiturés n’ont pas les mêmes caractéristiques, et que les jeunes générations sont plus diplômées que les anciennes, mais aussi plus souvent formées au droit et à la gestion et moins souvent à la technique. Cette hypothèse est également étayée par un consultant intervenant lors d’une conférence sur le futur des services généraux organisée par l’Arseg en 2005. Celui-ci va jusqu’à postuler l’existence de deux générations distinctes : « La génération des années 1970-1980 (issue des métiers techniques) et la nouvelle génération des “managers de services”, dont les directions attendent davantage qu’ils assurent un rôle de management et de coaching [62]. »

26Si l’idée de deux générations successives est probablement simpliste, l’évolution des profils des dirigeants de l’Arseg sur la période étudiée (cf. encadré 2) illustre elle aussi un certain renouvellement des DRSG.

Encadré 2. L’Arseg d’un président à l’autre : le renouvellement générationnel et idéologique des services généraux

Robert Proix, dont les sorties contre l’offensive des sociétés multiservices ont été citées, préside l’Arseg de 1988 à 1998 [63], où il part en retraite après 28 ans comme DRSG de la filiale française de Colgate-Palmolive. Comme de nombreux DRSG des années 1980, il est issu de l’armée où il était officier. Yves Olivier lui succède de 1998 à 2003. Diplômé d’HEC, ce dernier a occupé plusieurs fonctions dans les grandes directions de Renault avant de devenir PDG de « Gespare », société d’exploitation et de gestion du patrimoine Renault. S’il rappelle que Gespare est « doublement captive », de par son capital et sa clientèle exclusivement Renault, il ne la présente pas moins comme une « société multiservice ». Ardent défenseur de la rationalisation gestionnaire des services généraux, il est le coauteur, avec Annie Roussey et le PDG d’une société de multiservices, d’un livre qui leur est entièrement consacré. Comme Yves Olivier, Annie Roussey, qui préside l’Arseg entre 2003 et 2006, est emblématique de la réconciliation des services généraux avec l’externalisation et les sociétés multiservices. Celle-ci a suivi des études de droit avant de travailler dans l’événementiel, puis aux services généraux de Mc Cann-Erickson et ensuite de DDB Needham Worldwide, deux agences de communication. Le fait qu’elle soit une femme dans un milieu très masculin (73 % de DRSG sont des hommes d’après la grande enquête de 2007, et ils sont 72 % dans la « base portrait ») a été mis en scène comme l’entrée des services généraux dans la modernité. Impliquée dans les nouveaux cursus de formation destinés aux DRSG, rédactrice en chef d’Arseg Info de 1994 à 2003, auteure de deux ouvrages professionnels, elle est présentée par l’association comme incarnant un métier « à la fois ancien comme l’organisation tribale et contemporain de notre société de services post-industrielle » [64]. Son usage du poste de DRSG comme d’un poste « tremplin » – elle a ensuite travaillé comme directrice générale du plus grand prestataire de services d’accueil aux entreprises – achève d’en faire un symbole du renouvellement des services généraux. Son successeur, François Delatouche (2006-2013), avec sa formation de technicien supérieur et sa longue carrière chez Bouygues, où il a dirigé des départements opérationnels et techniques, atteste de la non-disparition de ce type de profil aux services généraux. L’actuel président de l’Arseg, Gilbert Blaise, de formation commerciale, a quant à lui occupé plusieurs postes importants dans des sociétés prestataires de services aux entreprises avant d’en diriger, puis de devenir DRSG à la SNCF. Comme celui d’Annie Roussey, son parcours atteste du rapprochement entre les services généraux et leurs prestataires.

27L’hypothèse d’une évolution du recrutement des DRSG permet d’expliquer en partie les saisissantes différences constatées par l’Arseg dans les enquêtes menées sur ses adhérents entre le début des années 1990 et le milieu des années 2010 [65]. Alors qu’en 1993 les DRSG diplômés du baccalauréat ou d’un niveau inférieur étaient les plus nombreux, ils sont minoritaires en 2016, et la proportion de diplômés à bac +5 n’a cessé d’augmenter. Si les DRSG restent principalement issus de la promotion interne, ils proviennent désormais aussi souvent des services juridiques, gestion ou achats que de services techniques comme la maintenance ou l’informatique. Cette transformation des profils reflète certainement un phénomène plus global d’élévation du niveau de diplôme de la population active et des cadres [Bouffartigue et Gadéa, 2000], mais elle ne saurait s’y réduire. Elle est cohérente avec la rationalisation des services généraux et l’accroissement de leur externalisation, qui induisent une redéfinition de leur activité (cf. infra). Elle est également cohérente avec l’évolution des rapports de force au sein au sein des instances dirigeantes de l’association comme au sein du gouvernement interne des firmes, dont témoigne l’évolution des discours sur l’externalisation. Issues de différentes formations, les générations de DRSG qui se succèdent sont détentrices de compétences et de visions de l’entreprise différentes [Bourdieu, 1997].

28Finalement, l’amélioration du statut des DRSG peut être lue comme une conséquence directe de l’externalisation, à travers la revalorisation du poste qu’elle a entraîné, mais aussi comme une conséquence plus indirecte, à travers le recrutement de personnes plus qualifiées, embauchées d’emblée avec un statut de cadre, voire de cadre de direction. Quelles sont les nouvelles pratiques des services généraux qui accompagnent cette évolution de profil ?

3.4 – Devenir des prestataires au service du « client interne » : de nouvelles pratiques au sein des services généraux

29Durant la période considérée, les pratiques de gestion des services généraux ont elles aussi fortement évolué en intégrant de plus en plus une logique de fonctionnement marchand. Les entretiens réalisés, tout en attestant de la diversité des rythmes auxquels sont adoptées les pratiques ci-après décrites, confirment leur implantation.

30Tout au long de la décennie 1990, les services généraux sont enjoints à optimiser leurs coûts et à se soumettre à la quête de productivité qui touche l’ensemble des services [Gadrey, 2003]. L’Arseg relaye l’idée qu’ils devraient être managés comme n’importe quelle entreprise de services, à l’aide de batteries d’indicateurs – fonctionnement dont attestent tous les entretiens pour la période actuelle. En 2000, l’association crée les « Buzzys Ratios » – qu’elle actualise régulièrement encore aujourd’hui – sous la houlette du DRSG d’une société spécialisée de courrier, un homme doté d’un troisième cycle en littérature médiévale [66]. Par ailleurs se répand la pratique d’imputer aux budgets des différents services de l’entreprise les achats de matériel et certaines prestations réalisées pour leur compte [67], pratique attestée dans quasiment tous les entretiens pour les années 2000 et 2010. Les relations des services généraux avec le reste de l’entreprise tendent à se contractualiser et ceux-ci parviennent ainsi à montrer que leur production a une valeur. Ces nouvelles pratiques comptables révèlent les transformations de la représentation des services généraux autant qu’elles nourrissent, en retour, l’évolution de leur réalité [Eyraud, 2003].

31En parallèle, la notion de « client interne » fait florès dans la revue dans les années 1990. Les entretiens réalisés témoignent là encore de sa forte implantation pour les décennies 2000 et 2010. L’idée que les différents services de l’entreprise sont une « clientèle » apparaît pour la première fois dans l’article de 1991 du DRSG d’Antenne 2 prônant la grande transformation des services généraux de « centres de coût » en « centres de profit » (cf. supra). Elle s’étoffe au fil des ans : en 1997, l’Arseg propose aux DRSG de réaliser des « baromètres de satisfaction » afin de mesurer la qualité perçue de leurs services [68]. Ce thème de la relation avec les clients internes est repris en 1998 dans les colonnes d’Arseg Info, lorsqu’un consultant y déclare que les services généraux devraient former leur personnel à la qualité de la relation client [69]. Il s’agit depuis d’un thème récurrent : en 2005, la DRSG d’Yves Saint Laurent Parfums, une femme qui a débuté dans l’assistanat, affirme par exemple que les DRSG se doivent d’être « de vrais communicants auprès des clients internes » [70].

32Les services généraux se positionnent de plus en plus comme de petites entreprises autonomes, tâchant de satisfaire et de fidéliser leur clientèle. Le fait que certains se constituent en Groupement d’intérêt économique (GIE) en est une bonne illustration [71]. Dans les années 2010, filialiser l’ensemble de leurs services généraux après les avoir centralisés est une pratique répandue dans les grands groupes [72]. Participe également de ce nouveau positionnement le projet des années 1990 de faire certifier les services généraux d’une entreprise par des organismes indépendants, à la manière dont un prestataire se fait certifier pour garantir une qualité de service à ses clients. C’est chose faite en 2000, lorsque les services généraux d’AGF sont les premiers services généraux certifiés ISO 9002 [73].

33Le changement des discours des DRSG sur l’externalisation doit donc beaucoup aux transformations du groupe professionnel et de ses pratiques. Les DRSG qui louent l’externalisation dans les années 2000 ne sont plus tout à fait les mêmes que ceux qui s’en inquiétaient à la fin des années 1980. Ce revirement s’explique aussi par les modifications des représentations qui ont accompagné ces évolutions.

4 – Les bases d’une nouvelle rhétorique professionnelle : l’évolution des représentations des DRSG

34Les représentations des DRSG peuvent être saisies de deux manières, à travers l’image qu’ils se font d’eux-mêmes et celle qu’ils se font des sociétés prestataires. Ces deux focales dessinent les contours d’une nouvelle rhétorique professionnelle de légitimation [Paradeise, 1985].

4.1 – Les DRSG d’un « cœur de métier » à l’autre

35L’externalisation a transformé le rôle des DRSG. Les effectifs internes de leurs services se sont réduits au bénéfice de la sous-traitance, de chefs d’équipes gérant quelques prestataires ils sont devenus clients de prestataires gérant quelques subordonnés. Cela a affecté la manière dont ils se représentent leur professionnalité.

36Les DRSG des années 1980 construisaient généralement celle-ci autour d’une compétence technique. Ils souhaitaient également être reconnus comme des « meneurs d’hommes » manageant des équipes. C’est ce dont témoigne par exemple avec vigueur le président de l’Arseg de l’époque, Robert Proix, dans l’un de ses plaidoyers contre l’externalisation du début de l’année 1994 : « N’est-ce pas une des tâches les plus passionnantes, exaltantes, nobles que de former, guider, entraîner, manager, faire évoluer les hommes pour leur épanouissement et celui de la société qui les emploie [74] ? » Cette représentation est rapidement supplantée.

37À partir de 1995, plusieurs DRSG impliqués dans les instances dirigeantes de l’Arseg affirment que le DRSG doit se « recentrer » sur son « cœur de métier », les « fonctions clés de sa profession », répliquant à l’échelle de leur activité l’argumentaire plus général qui justifie le recours des entreprises à l’externalisation [75]. L’externalisation est une chance à saisir car le DRSG pourra, comme l’écrit Annie Roussey, « se recentrer sur des activités plus importantes de réflexion, projection, analyse et gestion » [76]. À partir de là, le management des hommes est rarement évoqué, alors même que les DRSG ne sont qu’exceptionnellement à la tête de services généraux entièrement externalisés sans subordonnés sous leur direction [77]. Avec cette redéfinition ad hoc des DRSG en gestionnaires, c’est aussi la disparition du rôle « social » de l’entreprise qui est entérinée. En témoigne une conférence tenue fin 1996 au salon professionnel des services généraux, Proseg, dont l’ambivalence traduit la tension qui traverse un groupe professionnel en recomposition. Tout en affirmant que les services généraux représentent la « dernière ressource de l’entreprise citoyenne pour lutter contre le chômage et redonner une qualification et une raison professionnelle à des salariés face à des situations difficiles », le conférencier plaide pour l’externalisation et propose de la voir comme « une chance pour les services généraux de poursuivre leur recherche d’excellence » plutôt que comme « perverse car réductrice d’emploi » [78].

38Dans les années 2000, le rôle social des services généraux est résolument décrit au passé et la conduite des hommes quasi absente des discours. Lorsque les fondateurs de Proseg lui adjoignent en 2003 le salon Externaliser, ils expliquent que les DRSG auront de plus en plus « un rôle d’achat de prestations, de suivi et de contrôle de celles-ci » [79]. Arseg Info relaie également en 2005 les propos du secrétaire général du Sypemi, pour qui le DRSG a « un rôle de stratège, de surveillance de la qualité » [80].

39En définitive, les DRSG se sont approprié la notion de « cœur de métier » pour figer sous une forme essentialisée ce qui constituerait depuis toujours leurs missions clés, et ce au moment exact où leur fonction a très rapidement évolué. L’usage de cette notion, alors que la controverse sur l’externalisation est encore vive, peut s’analyser comme une entreprise de légitimation des mutations du groupe professionnel. Si gérer des prestations et manager une équipe de subordonnés fait partie des missions du DRSG tout au long de la période étudiée – en proportion variable –, la place de ces deux activités dans les représentations que les DRSG se font d’eux-mêmes s’est inversée.

4.2 – De la « sous-traitance » à l’« externalisation » ou l’évacuation des rapports de domination

40Jusqu’ici le vocable « externalisation » a été utilisé pour décrire le recours des services généraux à des entreprises extérieures, conformément à l’usage des DRSG et des prestataires. Son imposition dans l’univers étudié est toutefois relativement récente. Sa substitution à la notion de « sous-traitance », originellement utilisée, est partie prenante des phénomènes étudiés : elle participe à la légitimation du recours à des sociétés prestataires et à l’évolution du groupe professionnel des DRSG. Suivons la trajectoire de ces deux termes.

41À la fin des années 1980, le terme « externalisation » n’apparaît pas dans Arseg Info. En revanche, le terme « sous-traitance » est fréquemment utilisé. À cette époque, on parle au moins aussi souvent de « fournisseurs » que de « prestataires de services ». Le dictionnaire Le Grand Robert ne situe d’ailleurs l’apparition d’« externalisation » qu’en 1987 et d’« externaliser » qu’en 1989, auquel il donne aujourd’hui encore pour synonyme « sous-traiter ». Les deux premières apparitions d’« externaliser » dans Arseg Info, en 1991, sont, significativement, le fait des défenseurs d’un recours accru aux prestataires : dans l’article du DRSG d’Antenne 2, qui jette les bases d’une conversion des services généraux à la logique marchande (il utilise le terme « externiser »), puis dans l’encart publicitaire d’un prestataire [81]. Ce n’est que fin 1994 que le terme « externalisation » est réemployé dans la revue par une DRSG – Annie Roussey [82]. Mais il faut noter que, dans ce même numéro, le terme de « sous-traitance » apparaît aussi de manière récurrente, et que les deux sont utilisés de manière indistincte, comme dans la plupart des numéros des années 1990. En 1996, A. Roussey tâche de clarifier ces deux notions et conclut que « pris à la lettre c’est globalement la même chose » [83]. En 1999, elle opère une distinction entre les deux termes. En sous-traitance, « un fournisseur effectue pour le compte d’une autre société des tâches définies par contrat », elle est « souvent utilisée dans le cas de nécessité de savoir-faire ou de moyens spécifiques ». L’externalisation se rapporterait aux situations où « une société confie à un prestataire spécialisé l’ensemble des opérations constituant une activité dont elle a besoin mais qui ne fait pas partie de son cœur de métier » [84]. L’externalisation est donc présentée de façon plus positive, puisqu’elle est justifiée par le « cœur de métier » et puisque c’est l’ensemble d’une activité qui est confiée – ce qui suppose une plus grande maîtrise de la production par la société extérieure, dite spécialisée, dont on est dès lors en droit d’attendre une efficacité supérieure.

42Cette distinction entre externalisation et sous-traitance se renforce au cours des années 2000. Lorsqu’Arseg Info rapporte en 2002 les propos du commissaire général du salon Externaliser, on apprend qu’un prestataire va au-devant des besoins de son client, mais pas un sous-traitant [85], car la durée du contrat est pluriannuelle en externalisation alors qu’elle peut être beaucoup plus courte en sous-traitance – ce qu’affirment aussi avec force en 2003 les fondateurs du salon professionnel des services généraux, Proseg [86]. L’externalisation doit conduire dès lors à développer des relations plus efficaces de « partenariat ». Quelle que soit la distinction opérée, l’externalisation semble toujours supérieure à la sous-traitance : « La sous-traitance est une activité » tandis que « l’externalisation est une décision », selon un adhérent de l’Arseg [87] ; « La différence entre la sous-traitance et l’externalisation c’est que le prestataire est un véritable maître d’œuvre, ce que n’est pas nécessairement le sous-traitant », estime A. Roussey [88]. Si la plupart des distinctions consistent à montrer la plus grande efficacité de l’externalisation, il s’agit aussi de faire disparaître l’asymétrie qui existe entre le donneur d’ordre et le preneur d’ordre. L’un des enquêtés (vague 2007) expliquait ainsi qu’il n’aimait pas le mot sous-traitance en raison des connotations du préfixe « sous ». Le terme « externalisation », en pleine transformation du groupe professionnel des DRSG, permet l’euphémisation des rapports de domination portés par cette configuration organisationnelle [Tinel et al., 2007 ; Schütz, 2018] et traduit la montée en puissance du logos gestionnaire [Boussard, 2008].

43À la fin des années 2000, où le recours aux sociétés extérieures ne fait plus débat, le terme sous-traitance n’apparaît plus qu’occasionnellement dans Arseg Info.

44Au cours des décennies 1990 et 2000, les DRSG développent une rhétorique professionnelle de légitimation, en présentant comme bénéfique pour toutes les parties le recours à des sociétés extérieures – rebaptisé externalisation – lorsque leur propre activité consiste de plus en plus à gérer les contrats commerciaux avec ces sociétés. Toutefois, le déploiement de cette rhétorique témoigne également d’une modification profonde de leur univers de travail et de référence. La rhétorique professionnelle des DRSG ne fait pas que masquer des rapports de domination : elle leur fournit de nouvelles grilles d’intelligibilité du monde et constitue le vecteur d’intégration d’un groupe en recomposition, qui se rassemble progressivement autour de ce discours comme sous une bannière identitaire [Chiapello, 2003].

5 – Conclusion

45La conversion des services généraux à la logique marchande est aujourd’hui actée et s’est même approfondie, dans la mesure où ils n’échappent pas à la montée en puissance de la « fonction achat » au sein des entreprises [Reverdy, 2009], avec laquelle ils coopèrent de plus en plus souvent dans les années 2010. Alors même que l’Arseg revendique aujourd’hui pour les DRSG une nouvelle appellation de « directeurs de l’environnement de travail » [89], afin d’annexer les thématiques de la qualité de vie au travail et du développement durable, les références à la rentabilité et à la compétitivité sont plus que jamais d’actualité et le processus d’externalisation n’est en aucun cas remis en cause. Au terme de cette étude, on peut dégager quelques-unes des conditions sociales de possibilité de l’extension du nomos économique.

46Parmi ces conditions figure tout d’abord un certain renouvellement des acteurs concernés. Si les DRSG se sont progressivement ralliés à la logique marchande, c’est parce qu’ils se sont saisis, à travers l’externalisation, d’une opportunité de revalorisation, eux dont le groupe professionnel manquait d’assises. Mais c’est aussi à la faveur d’un changement de profil des nouveaux recrutés que cette évolution a pu se faire, les nouveaux arrivants important avec eux de nouvelles dispositions. Cette étude du succès des discours sur le « recentrage » sur le « cœur de métier » montre donc comment la compréhension des phénomènes économiques gagne à prendre appui sur une sociologie des groupes professionnels qui les portent.

47Une deuxième condition de possibilité de l’extension de la logique marchande réside dans sa naturalisation et sa légitimation à travers l’évolution des discours et des représentations. Dans le cas de l’externalisation des services généraux, c’est bien le déploiement d’une nouvelle rhétorique professionnelle des DRSG qui a permis de la légitimer, vantant le « partenariat » avec les entreprises prestataires et inventant un « cœur de métier » gestionnaire aux DRSG. Comme le souligne Marie-France Garcia [1986], le déploiement d’un nouveau dispositif marchand ne fait pas que modifier l’ordonnancement des positions sociales objectives des uns et des autres, il change également les identités associées à ces positions comme la vision du monde qui en découle.

Notes

  • [1]
    C’est la première raison citée par les donneurs d’ordre lorsqu’ils explicitent les motifs de l’externalisation [Arseg et Deloitte, 2012]. L’économie réalisée est substantielle et résulte en partie d’économies de coûts de main-d’œuvre. Katharine G. Abraham et Susan K. Taylor [1996], analysant des données du secteur manufacturier américain des années 1986 et 1987, ont montré que l’externalisation des activités de nettoyage et d’entretien résultait principalement d’une volonté de réduire le coût du travail.
  • [2]
    Les « groupes professionnels » désignent des ensembles de travailleurs occupant une place différenciée dans la division sociale du travail, exerçant une activité ayant le même nom, sans nécessairement bénéficier d’une reconnaissance juridique. La notion permet de mettre l’accent sur le caractère évolutif et vulnérable de ces groupes ainsi que sur leur hétérogénéité interne.
  • [3]
    En l’absence de données sur la population totale des DRSG, on ne peut déterminer jusqu’à quel point les adhérents de l’Arseg en sont représentatifs. L’association estime entre 10 000 et 20 000 le nombre total de DRSG.
  • [4]
    En l’absence de données exhaustives sur la composition des bureaux et comités directeurs successifs de l’association depuis 1975, la « base portrait », constituée aux deux tiers de membres de ces instances dirigeantes, fournit des enseignements précieux.
  • [5]
    Arseg Info, n° 6, 1988 (AI6 1988).
  • [6]
    La statistique publique ne donne que peu d’informations sur le recours des sociétés à des entreprises extérieures. Jusqu’en 2007 la sous-traitance n’était renseignée avec précision que pour les entreprises industrielles, à travers les bases de données EAE (Enquêtes annuelles d’entreprise) de l’Insee [Perraudin et al., 2014].
  • [7]
    AI 95 2000.
  • [8]
    AI10 1989.
  • [9]
    AI27 1993, AI35 AI37 AI38 AI43 1995, Arseg Magazine, octobre 1995 (AM oct. 1995).
  • [10]
    AI14 19 ; 91.
  • [11]
    AI16 1991.
  • [12]
    AI25 1993.
  • [13]
    AI29 1994.
  • [14]
    AI32, 1994.
  • [15]
    AI27 1993.
  • [16]
    AI15 1991.
  • [17]
    AM oct. 1996.
  • [18]
    AI16 1991.
  • [19]
    Ibidem.
  • [20]
    AI27 1993.
  • [21]
    AI34 AI38 1995.
  • [22]
    AI38 1995.
  • [23]
    En 1995 (AI43) sont par exemple interviewés les présidents des associations homologues à l’Arseg des États-Unis et du Royaume-Uni, de même que le président de l’Université de Marne-la-Vallée, qui ouvre bientôt le premier cursus destiné à former des DRSG.
  • [24]
    AI34, AI37 et AM oct. 1995. Le délit de prêt de main-d’œuvre illicite et le délit de marchandage surviennent lorsque les salariés d’un prestataire travaillant dans l’entreprise cliente sont « mis à disposition » du client et travaillent « sous son autorité », ou lorsqu’ils sont utilisés pour pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente du client. Ils sont passibles de sanctions pénales.
  • [25]
    AI46 1996.
  • [26]
    AI53 1996.
  • [27]
    AI111 2002.
  • [28]
    AI95 2000.
  • [29]
    AI117 2002.
  • [30]
    AI118 2002.
  • [31]
    AI142 2004.
  • [32]
    Ibidem.
  • [33]
    AI70 1998.
  • [34]
    AI14 1991.
  • [35]
    AI5 1988.
  • [36]
    AI3 1987.
  • [37]
    AI17 1991.
  • [38]
    AI13 1990.
  • [39]
    AI1 et AI2 1987.
  • [40]
    AI12 1990.
  • [41]
    AI14 1991.
  • [42]
    Ibidem.
  • [43]
    AI18 1991.
  • [44]
    AI13 1990.
  • [45]
    Les services généraux sont parfois appelés « moyens généraux », « services d’accompagnement », « ressources communes », « logistique », « facility management », « direction de l’environnement de travail », ces appellations étant toutefois moins courantes.
  • [46]
    AI14, 1991. Le Répertoire opérationnel des métiers et emplois, créé par l’Agence nationale pour l’emploi en 1974, sert à identifier aussi précisément que possible chaque métier au moyen d’une fiche descriptive.
  • [47]
    AM janv.1995.
  • [48]
    Jusqu’en 1996, les DRSG pouvaient avoir accès à des formations ponctuelles, assurées par des organismes en partenariat avec l’Éducation nationale.
  • [49]
    AI43 1995.
  • [50]
    AI72 1998.
  • [51]
    AI105 2001.
  • [52]
    AI22 1992.
  • [53]
    AI57 1997.
  • [54]
    AI63 1997.
  • [55]
    AI100 2001.
  • [56]
    AI136 2004.
  • [57]
    Cette enquête commanditée par l’Arseg a été réalisée en 2007 sous la direction d’Ingrid Nappi-Choulet, professeure à l’Essec et directrice de l’Observatoire du management immobilier. Elle a porté sur 994 répondants issus d’entreprises de plus de 200 salariés des secteurs privés et publics, dont 66,2 % d’adhérents à l’Arseg.
  • [58]
    AI65 1997.
  • [59]
    Ibidem.
  • [60]
    AI111 2002.
  • [61]
    AI128 2003.
  • [62]
    AI149 2005.
  • [63]
    Aucune information n’a pu être collectée sur les deux premiers présidents de l’Arseg.
  • [64]
    AI127 2003.
  • [65]
    Les DRSG ne pouvant être saisis à travers les Enquêtes emploi ou FQP, les enquêtes successives de leur association (1993, 1998, 2004, 2012 et 2016) ou commanditées par elle (2007) restent le meilleur moyen d’appréhender leurs qualifications.
  • [66]
    AI94 2000, AI87, 1999.
  • [67]
    Cette adoption du benchmarking et d’une facturation interne des services rendus s’observe à la même période dans d’autres types de services de soutien à la production, comme les services informatiques [Hochereau, 2000].
  • [68]
    AI60 1997. Cette pratique est en revanche peu attestée dans les entretiens, qui évoquent le plus souvent la réalisation de ce type d’enquête par leurs prestataires, en particulier de restauration. Seul un des enquêtés (vague 2018) a lui-même effectué cette démarche, interrogeant les « clients internes » sur leur satisfaction vis-à-vis de l’ensemble des services généraux.
  • [69]
    AI71 1998.
  • [70]
    AI149 2005.
  • [71]
    AI95 2000, AI138 2004.
  • [72]
    C’est par exemple le cas chez EDF ou encore chez Bolloré.
  • [73]
    AI97 2000.
  • [74]
    AI29 1994.
  • [75]
    Ainsi d’Annie Roussey (AM janv. 1995, AI 38 1995), du DRSG déjà évoqué d’une société d’assurances rachetée par le groupe Allianz (AI38 1995), du DRSG de TF1 (AI63 1997), un ancien officier supérieur de marine. Ainsi encore du président de l’association britannique des DRSG, interviewé lors de sa venue au salon professionnel des services généraux (AI43 1995).
  • [76]
    AI38 1995.
  • [77]
    La grande enquête de 2007 n’évalue qu’à 6,9 % les entreprises ayant totalement externalisé leurs services généraux. En 2015, les estimations font état de 7 % des entreprises [Deloitte et Arseg, 2015].
  • [78]
    AI55 1996.
  • [79]
    AI129 2003.
  • [80]
    AI150 2005.
  • [81]
    AI18 1991.
  • [82]
    AI32 1994.
  • [83]
    AI46 1996.
  • [84]
    AI78 1999.
  • [85]
    AI111 2002.
  • [86]
    AI129 2003.
  • [87]
    AI168 2007.
  • [88]
    AI133 2004.
  • [89]
    AI213 2011.
Français

Entre la fin des années 1980 et les années 2000, dans le sillage du recentrage des entreprises sur leur « cœur de métier », les activités des services généraux ont été massivement externalisées et leurs modes de gestion ont été profondément modifiés dans le sens d’une rationalisation gestionnaire et marchande. En étudiant les mutations du groupe professionnel des directeurs des services généraux, l’évolution de leurs pratiques et de leur rhétorique professionnelle, il s’agit de rendre compte des fondements, tant matériels qu’idéologiques, de cette conversion à la logique marchande.

  • externalisation
  • services généraux
  • cœur de métier
  • logique marchande
  • rhétorique professionnelle

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Gabrielle Schütz
Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Printemps.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 28/11/2019
https://doi.org/10.3917/rfse.023.0181
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