CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le droit de l’Union européenne n’est pas un droit autonome, il a besoin d’autres institutions juridiques – comme le contrat, la responsabilité civile ou pénale, le pouvoir réglementaire, etc. – pour exister. L’homogénéité qui peut être accordée à ce droit, à travers la reconnaissance de principes comme celui d’une « union sans cesse plus étroite » (article 1 TUE [2]) ou de « subsidiarité » et de « proportionnalité » (articles 3 et 5 TUE notamment), n’implique pas nécessairement une lecture autonome et encore moins unique.

2Néanmoins, les débats sur la réforme monétaire en Europe se passent souvent comme si une interprétation pluraliste et dynamique du droit de la monnaie unique, dans le cadre des institutions de l’euro, était « interdite », sinon taboue. L’euro doit être pensé de la manière suivante : « L’unité de la zone euro est garantie par l’intégration du marché sur lequel s’exerce la politique monétaire définie par la BCE. » Dans le cadre des Traités actuels, il ne pourrait certes pas y avoir d’euro-francs ou d’euro-deutschemarks [3], mais c’est une double erreur de raisonnement que de confondre confiance dans la monnaie unique et autonomie du droit de l’Union européenne. Cette erreur confine à une lecture simpliste, voire hors sol, des règles et pratiques qui participent de la création monétaire en zone euro. Puisqu’en la matière les textes de droit (mais surtout la doctrine et les institutions européennes qui ont à coordonner ou à choisir entre ces règles) renvoient souvent au terme de marché, cette erreur de raisonnement se trouve souvent masquée par une subsomption de ces multiples règles sous un concept unique [4] de marché. Or, s’il est parfois opératoire, ce concept de marché (et son champ lexical) fait aussi oublier la pluralité [5] des régimes juridiques permettant la coordination des moyens de paiement.

3À lire les textes juridiques, la définition d’une monnaie, son émission, sa circulation, sa rédemption, etc., consistent pourtant en une myriade de régimes et pratiques juridiques et, l’euro, tel qu’il fonctionne actuellement, n’y fait pas exception. À ce titre, une lecture pluraliste du régime juridique de l’euro semble non seulement possible (1), mais également opérante (2). Cette lecture pluraliste de la création monétaire rend d’abord mieux compte de la portée accordée au cours légal de l’euro (1.1) et des pratiques monétaires actuelles (1.2). Un pluralisme juridique permet ensuite de dépasser la plasticité du concept de marché qui prévaut (encore) dans la réflexion sur l’homogénéité des moyens de paiements (2.1) et d’imaginer d’autres mécanismes d’intégration économique (2.2).

1 – L’euro et la possibilité du pluralisme dans les textes de droit européen

4L’Union monétaire créée par le Traité de Maastricht en 1992 s’est dotée d’une monnaie unique dénommée, lors du Conseil européen de Madrid des 15 et 16 décembre 1995, « euro ». Le Traité avait été un compromis, non pas au sens où les États parties atténuaient leurs différences par des solutions intermédiaires, mais au sens où ils se mettaient plutôt d’accord sur un document qui les laissait libres de choisir leurs propres préférences [6]. Les textes de droit de l’Union européenne en portent encore aujourd’hui la trace. Si l’Union monétaire n’échappe pas au principe du transfert de compétences [7], les distinctions se font nombreuses. La portée juridique d’une distinction entre les « missions fondamentales » [8] du Système européen des banques centrales et les autres missions (non fondamentales), par exemple, est incertaine [9]. Or ces compromis se ressentent tant sur la portée du cours légal pour la monnaie unique (1.1), que dans les régimes juridiques des titres de paiement n’ayant pas cours légal (1.2).

1.1 – L’euro et son cours légal

5Le choix du nom de la monnaie unique est aujourd’hui présent à l’article 3 du TUE : « 4. L’Union établit une union économique et monétaire dont la monnaie est l’euro. » S’il y a peu de doutes quant au caractère exclusif de la politique monétaire [10], les traités ne définissent pas directement la monnaie. La notion de cours légal n’est en effet mentionnée qu’une seule fois dans les Traités européens et celle-ci n’est adossée qu’aux « billets de banque émis par la BCE et les BCN » à l’article 128 du TFUE (ex-article 106 TCE) [11].

1.1.1 – Définition de la monnaie

6Deux Règlements [12] pris lors de la préparation du passage à l’euro [13] complètent le cadre juridique [14] de la monnaie unique. Or l’euro y est seulement défini comme unité de compte. Cette définition rapporte abstraitement l’euro à son nom, sans référence à une autre monnaie ou à un poids équivalent en or [15]. Elle est d’ailleurs considérée par la doctrine juridique comme reflétant la « conception moderne » [16] du droit monétaire où l’unité monétaire d’un système monétaire repose sur une déclaration unique d’un souverain ou groupe de souverains. En ce qui concerne les formes que la monnaie emprunte, il n’est fait aucune référence aux billets et aux pièces. L’euro se définit exclusivement par référence à l’unité de compte « euro ». Après avoir permis la coexistence de différentes unités de la monnaie unique pendant la période transitoire, cette définition permet aussi « de dissocier la fonction monétaire de paiement, de l’émetteur du moyen de paiement et du type d’instrument monétaire utilisé. [Elle] fournit ainsi un cadre juridique qui autorise le développement tout à la fois de la monnaie “bancaire” ou scripturale, électronique, etc. [17] »

1.1.2 – Portée du cours légal

7Si l’euro n’est pas défini par son cours légal, la portée même de ce cours légal est également réduite aux seuls billets et pièces sans mention des autres formes de la monnaie (scripturale ou électronique par exemple). L’analyse juridique de la Banque de France est précise : « Le règlement monétaire du 3 mai 1998 qui fixe la date d’introduction des billets et des pièces en euros le 1er janvier 2002 (articles 10 [18] et 11), ne précise pas leur statut juridique. En particulier, la notion de cours légal n’est pas définie. Chaque État membre participant conserve son propre régime de cours légal [19]. » En effet, les Traités comme les Règlements font obligation aux États-membres d’assurer le caractère libératoire des billets émis par le Système européen des banques centrales (SEBC), et seulement à ces billets. Cette obligation n’est par ailleurs pas absolue au sens où elle comporte des limites tenant au respect de la liberté contractuelle, au « principe de bonne foi », à la lutte contre la fraude [20], etc.

8En d’autres termes, si la mention de l’euro « monnaie unique » à l’article 119 TFUE [21], combinée avec l’article 128 TFUE, a été lue comme faisant interdiction aux États ayant adopté l’euro d’émettre des billets[22] avec d’autres dénominations [23], cette obligation ne fait pas obstacle à d’autres instruments de caractère libératoire conservant l’unité de compte euro.

1.2 – La pluralité des moyens de paiement

9Aujourd’hui, la plupart des paiements se font par voie bancaire, électronique [24]. De manière distincte des considérations juridiques sur la monnaie de cours légal (réservée aux billets et aux pièces en droit européen), les économistes ont pris l’habitude de distinguer des agrégats monétaires et de compter comme monnaie, la monnaie scripturale qui correspond à la monnaie inscrite sur un compte bancaire ou financier. Ces moyens de paiement scripturaux éteignent bien en pratique nos obligations monétaires sans être de cours légal au sens juridique rappelé précédemment.

10Plutôt que de distinguer dans l’abstrait une conception juridique et une conception économique de la monnaie, il est possible de remarquer que la monnaie scripturale sans cours légal est certes un jeu d’écriture, mais un jeu d’écritures légales. Par écritures légales, on entend que seuls certains procédés juridiques valident l’inscription d’une certaine somme en euro au compte, c’est-à-dire le paiement au sens commun. Un certain nombre de dispositions imposent même l’acceptation de titres de paiements bancaires au-delà d’un certain montant ou pour certains services (voir par exemple l’article L.112-6 du Code monétaire et financier).

11La praticité de ces moyens de paiement est, sans conteste, une raison de leur diffusion, tout comme l’acceptabilité par des créanciers habituels (des commerçants aux administrations publiques). Outre l’innovation de l’industrie bancaire et financière, dans le cadre des règles européennes sur les paiements, une certaine souplesse est aussi donnée aux États-membres pour reconnaître d’autres titres de paiement. Ainsi, les administrations publiques peuvent également accepter d’autres moyens de paiement que les billets et les pièces dans le paiement de l’impôt [25].

12En droit financier, il existe une variété importante de titres qui « standardisent » l’inscription au compte. Par exemple, le chèque est un instrument de paiement qui permet le transfert d’une somme d’argent d’un compte à un autre en paiement. En toute rigueur juridique, il faut donc reconnaître que la liberté contractuelle des parties, mentionnée au titre des limites à la portée juridique du cours légal par la Commission européenne, est elle-même encadrée par d’autres règles (du droit bancaire et financier).

13En permettant une pluralité non exhaustive, mais encadrée, de moyens de paiement [26], ce cadre juridique n’assure pas par lui-même l’homogénéité des paiements. Alors que la fragmentation financière sur une base nationale a pu avoir des répercussions en termes de fragmentation de l’euro comme moyen de paiement [27], une lecture pluraliste du droit européen sur la monnaie est donc non seulement possible, mais pourrait également s’avérer opératoire.

2 – Le caractère opératoire d’une lecture pluraliste de l’euro

14L’exigence de garantir l’homogénéité des moyens de paiement (2.1) n’empêche pas l’imagination d’autres mécanismes d’intégration économique (2.2).

2.1 – Garantir l’homogénéité des moyens de paiement en euro

15Compte tenu de la définition de l’euro donnée par le droit européen et de la portée du cours légal réduite aux billets de banque émis par la BCE, la question de la garantie de l’homogénéité de l’ensemble des moyens de paiement peut se poser. Or la BCE n’a qu’une compétence juridique réduite et la lecture actuelle qui est faite du droit des paiements achève de le fragmenter.

2.1.1 – La compétence juridique de la BCE

16Si la BCE garantit l’homogénéité des moyens de paiement dont le pouvoir libératoire est garanti, ce n’est en tout cas pas en raison d’une compétence exclusive expresse. Elle « est seule habilitée à autoriser l’émission de l’euro » selon l’article 282, point 3, du TFUE, mais elle n’a cependant qu’une compétence réduite à la seule « [promotion du] fonctionnement des systèmes de paiement » (article 127 TFUE). En ce domaine, la BCE ne détient qu’une compétence réglementaire limitée [28]. Outre le rôle des réserves obligatoires (article 19 des Statuts), c’est la mise en œuvre de la politique monétaire qui pourrait assurer cette homogénéité. À ce titre, l’obligation juridique des contreparties du SEBC d’utiliser le système de paiement brut en temps réel du SEBC, TARGET2, est limitée aux opérations de politique monétaire.

2.1.2 – La fragmentation des paiements et ses effets

17Dans ce cadre européen, les titres de paiement dépendent de directives et règlements [29] et de la libre circulation des capitaux (articles 63 à 66 TFUE). Certes conçu sur les pratiques de l’industrie bancaire et financière, ce droit dynamique et flexible mobilise également des instruments de droit privé (notamment les contrats entre une institution bancaire et son client) dans les limites permises par ces textes européens d’harmonisation. Cette flexibilité se retrouve notamment dans la Directive 98/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres (plusieurs fois modifiée [30]), qui, édictée sur la base des compétences partagées du marché intérieur, a été transposée en droit national. À titre d’illustration de cet appui des paiements sur le droit national, on peut ainsi remarquer que, TARGET2, le système de paiement en « réserves », est juridiquement organisé comme un système décentralisé : « Chaque système composant de TARGET2 est un système désigné en tant que tel en vertu de la législation nationale concernée transposant la directive 98/26/CE [31]. »

18En outre, en dehors des opérations de politique monétaire, TARGET2 est lui-même un système en concurrence avec d’autres mécanismes de règlement et de compensation en Europe [32] puisque les règles de concurrence et de libre circulation (ainsi que leurs exceptions) s’appliquent aux divers mécanismes de paiement. Dans ce domaine aussi, une lecture pluraliste (voire vraiment fragmentée) prévaut [33].

19Face à cette fragmentation juridique, le droit de l’Union cherche encore à coordonner « par le marché » une pluralité de situations juridiques et de défauts de coordination. La distinction juridique entre le compte et le titre de paiement permet, en effet, d’élaborer différents systèmes de paiement impliquant des ordres de transferts électroniques (comme le système des cartes bancaires) et différents mécanismes de compensation. La standardisation des titres [34] invite alors d’autres mécanismes juridiques et modifie la structure des contraintes de paiements interbancaires. Les mécanismes de règlement et de compensation ont en effet la particularité de générer des effets de liquidité. Ces effets permettent à un groupe de participants de limiter leur recours à certains types de moyens de paiements (« compensation ») ou d’en accélérer la circulation (« liquidity saving mechanisms »), tout en permettant à ces transferts de bénéficier de l’irrévocabilité et de l’opposabilité aux tiers attachée normalement au cours légal [35].

20Les paiements scripturaux (particulièrement électroniques) en euro sont à la base des opérations économiques comme des politiques fiscales, mais cette fragmentation (financière) rend leur coordination instable, voire asymétrique et pro-cyclique. Entre 2007 et 2012, la crise de confiance sur le marché monétaire en Europe a pu mettre en péril les institutions servant aux paiements, les actions (telle la recapitalisation des banques) visant à leur préservation se trouvant liées aux possibilités de refinancement des États-membres [36]. Face à ce dilemme aux effets asymétriques pro-cycliques en temps de crise et malgré la plasticité du concept de marché [37], l’action publique en Europe se résume encore trop souvent à un rôle de régulateur et de pourvoyeur de régime juridique [38] pour le marché. Or continuer de penser que ce marché garantit l’homogénéité des paiements [39] laisse finalement place aux mêmes dilemmes de politiques économiques, pour la BCE comme pour les États-membres. Plus encore, un approfondissement de l’intégration économique sur cette base instable, entretenant des risques systémiques, de contagion, et une volatilité des financements semble aller contre les objectifs de stabilité promus par l’UEM. En allant au-delà de l’idée du droit comme limite au marché, une lecture pluraliste du droit européen permettrait donc d’imaginer d’autres mécanismes de coordination des moyens de paiement en Europe.

2.2 – Imaginer d’autres mécanismes d’intégration économique

21Les réformes successives de la zone euro pendant la crise ont montré la capacité du droit à s’adapter. Trop souvent oubliés, les mécanismes de paiement et de compensation sont également une ressource d’action collective que le droit de l’UE autorise. Au-delà du cadre actuel des monnaies locales, quelques pays européens dont la France ont d’ailleurs tout récemment imaginé un Special Purpose Vehicule permettant une compensation des paiements du commerce avec l’Iran afin de limiter les effets des sanctions américaines.

22Le projet de monnaie fiscale complémentaire peut être source de multiples espoirs. Ce projet politique réoriente d’abord la pluralité juridique de la monnaie unique aujourd’hui monopolisée par l’industrie financière. Porté par une politique économique véritablement sociale et défini par une loi lors d’un débat parlementaire, ce projet n’est a priori pas incompatible avec le droit de l’UE. En pensant à toute la diversité des pratiques monétaires, la lecture des textes européens ainsi que la jurisprudence la Cour de justice ne retirent pas toute compétence aux différents Parlements en zone euro afin d’élaborer, dans le cadre de politiques plus proches des citoyens et tournées vers leur union sans cesse plus étroite, des titres de paiement en euro dont le pouvoir libératoire est garanti.

23Afin de contribuer aux objectifs de cette politique, ce projet pourrait aller encore plus loin et faire le choix de réinvestir le droit de l’UE pour changer directement ses politiques. En permettant de se réapproprier ce droit, il pourrait alors devenir un moyen efficace de soutenir et de stimuler une réorientation de la politique monétaire afin de protéger les politiques sociales, économiques et environnementales de l’instabilité financière. Tout en libérant notre imagination juridique, une lecture précise des textes n’empêche donc pas d’orienter différemment l’action de l’UE vers toute la richesse et la variété des institutions démocratiques européennes, actuelles comme potentielles [40].

24Il s’agit, en imaginant ainsi de manière opératoire une pluralité monétaire, de développer des projets forcément collectifs, au-delà d’une confrontation académique contre des institutions européennes ou leurs politiques définies dans l’abstrait, en les orientant sur les instruments de ces politiques et donc sur leur fabrique juridique [41]. La création monétaire consiste en effet à faire circuler des titres de créance (sous différentes formes et conditions). Or il est juridiquement et techniquement possible de redéfinir le champ d’application des opérations de paiement à travers une (ou plusieurs) action(s) portant sur la circulation (et la compensation), le titre et la créance sous-jacente. Leur combinaison précise devra faire l’objet d’une analyse juridique concrète (au cas par cas) dans le cadre d’une discussion sur des objectifs tangibles. Une telle lecture pluraliste du régime juridique de l’euro permet déjà de libérer l’action publique et démocratique de la seule idée de marché dans l’imagination par exemple des moyens de faire (mieux) face à une crise de liquidité des finances publiques, de développer de nouvelles politiques sociales, de nouveaux financements à visée écologique et de nouveaux mécanismes d’intégration.

Notes

  • [1]
    Je remercie Thomas Coutrot, Wojtek Kalinowski, Romain Svartzman et Bruno Théret pour des discussions stimulantes, ainsi qu’Éloïse Beauvironnet, Benjamin Lemoine et les deux membres anonymes du comité de rédaction pour leurs relectures attentives.
  • [2]
    Traité sur l’Union européenne.
  • [3]
    La pluralité monétaire n’est pas pensée ici sur des principes nationalistes ou une réflexion abstraite sur la souveraineté juridique monétaire, mais sur le caractère dynamique du droit comme institution sociale. Liora Israël et Jean Grosdidier, « John Dewey et l’expérience du droit. La philosophie juridique à l’épreuve du pragmatisme », Tracés. Revue de sciences humaines, novembre 2014, p. 163-180.
  • [4]
    Pour une critique similaire de ce mode de raisonnement « juridique », cf. Felix S. Cohen, « Transcendental Nonsense and the Functional Approach », Columbia Law Review, vol. 35, n° 6, juin 1935, p. 809-849.
  • [5]
    En allant plus loin, on peut dire que l’opérationnalité de l’idée de marché est justement liée à sa capacité d’adaptation aux besoins d’action, de compromis ou de réponse à sa contestation. Voir, par exemple, Nicolas Jabko, L’Europe par le marché. Histoire d’une stratégie improbable, trad. Marie-Pierre Jouannaud, Paris, Presses de Sciences Po, 2009, 288 p.
  • [6]
    Selon André Szász, un ancien banquier central, cité dans Ashoka Mody, « Greece and the André Szász Axiom », Bruegel, February 25, 2015, http://bruegel.org/2015/02/greece-and-the-andre-szasz-axiom-2/.
  • [7]
    Loïc Azoulai, The question of competence in the European Union, Oxford University Press, Oxford, 2014.
  • [8]
    Selon l’article 127, point 2, TFUE : « 2. Les missions fondamentales relevant du SEBC consistent à :
    • définir et mettre en œuvre la politique monétaire de l’Union ;
    • conduire les opérations de change conformément à l’article 219 ;
    • détenir et gérer les réserves officielles de change des États membres ;
    • promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement. »
  • [9]
    R. M. Lastra et J.-V. Louis, « European Economic and Monetary Union: History, Trends, and Prospects », Yearbook of European Law, vol. 32, n° 1, janvier 2013, p. 57-206, p. 79, qui y lisent une distinction entre politique monétaire et monnaie, puisque l’émission des billets ayant cours légal n’est pas dans la liste des missions fondamentales, mais prévue à l’article 128 TFUE.
  • [10]
    Article 3 TFUE : « 1. L’Union dispose d’une compétence exclusive dans les domaines suivants : […] c) la politique monétaire pour les États membres dont la monnaie est l’euro ; […] ».
  • [11]
    « 1. La Banque centrale européenne est seule habilitée à autoriser l’émission de billets de banque en euros dans l’Union. La Banque centrale européenne et les banques centrales nationales peuvent émettre de tels billets. Les billets de banque émis par la Banque centrale européenne et les banques centrales nationales sont les seuls à avoir cours légal dans l’Union. 2. Les États membres peuvent émettre des pièces en euros, sous réserve de l’approbation, par la Banque centrale européenne, du volume de l’émission. Le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen et de la Banque centrale européenne, peut adopter des mesures pour harmoniser les valeurs unitaires et les spécifications techniques de toutes les pièces destinées à la circulation, dans la mesure où cela est nécessaire pour assurer la bonne circulation de celles-ci dans l’Union. »
  • [12]
    Le Règlement (CE) du 17 juin 1997, n° 1103/97, du Conseil fixant certaines dispositions relatives à l’introduction de l’euro a été pris la base de l’ex article 308 (CE) et le Règlement (CE) du 3 mai 1998, n° 974/98, du Conseil concernant l’introduction de l’euro a quant à lui été pris sur la base de l’ex-article 123-4 (CE).
  • [13]
    Depuis Lisbonne, la procédure législative ordinaire s’applique pour les mesures relatives à l’usage de l’euro de l’article 133 : « Sans préjudice des attributions de la Banque centrale européenne, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, établissent les mesures nécessaires à l’usage de l’euro en tant que monnaie unique. Ces mesures sont adoptées après consultation de la Banque centrale européenne. »
  • [14]
    Communiqué de Dublin du 7 juin 1997.
  • [15]
    L’article 2 du Règlement n° 974/98, tel que modifié par le Règlement n° 2169/2005, définit l’euro en référence au Règlement n° 1103/97 : « Avec effet à partir des dates respectives d’adoption de l’euro, la monnaie des États membres participants est l’euro. L’unité monétaire est un euro. Un euro est divisé en cent cents. » (Voir aussi article 1, point 5, Règlement n° 1103/97.)
  • [16]
    Voir Jean-Christophe Cabotte et Anne-Marie Moulin, « Le statut juridique de la monnaie unique », Bulletin de la Banque de France, décembre 2002, p. 35-58 ; et Dominique Carreau et Caroline Kleiner, « Monnaie », in Répertoire de droit international, Dalloz, Paris, 2017, ainsi que les références données en bibliographie.
  • [17]
    Jean-Christophe Cabotte et Anne-Marie Moulin, op. cit., p. 44.
  • [18]
    « La BCE et les banques centrales des États membres participants mettent en circulation les billets libellés en euros dans les États membres participants à compter de leur date respective de basculement fiduciaire. Sans préjudice de l’article 15, ces billets libellés en euros sont les seuls billets à avoir cours légal dans les États membres participants. »
  • [19]
    Jean-Christophe Cabotte et Anne-Marie Moulin, op. cit., p. 50.
  • [20]
    La notion de cours légal a alors été précisée par la Commission européenne qui a adopté le 22 mars 2010 une recommandation (non obligatoire) sur l’étendue et les effets du cours légal des billets et des pièces en euros, 2010/191/UE, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32010H0191&from=EN. Seuls les billets et les pièces sont dans le champ de cette recommandation. Celle-ci définit le cours légal par les notions d’acceptation obligatoire et à valeur nominale, et le pouvoir libératoire de l’instrument (i.e., la capacité à éteindre définitivement une obligation monétaire). Voir aussi : https://www.banque-france.fr/billets/reconnaitre-et-utiliser-les-billets-et-les-pieces-en-euros/ou-quelles-conditions-et-jusqua-quel-montant-peut-payer-en-especes.
  • [21]
    Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
  • [22]
    Lors de travaux préparatoires aux Règlements, la majorité au Conseil avait d’ailleurs exclu les comptes bancaires du cours légal contrairement à ce qui se faisait aux Pays-Bas. R. Smits, « Four Aspects of European Monetary Law », in Mélanges en l’honneur de Jean-Victor Louis, Éditions de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 2003, p. 328.
  • [23]
    R. M. Lastra et J.-V. Louis, op. cit. Helmut Siekmann, « Replacing or Supplementing the Euro in Member States whose Currency is the Euro », IMFS Working Paper Series, n° 109, 2016. Pour une interprétation différente, cf. Carlo Santulli, « L’euro. Analyse juridique de la “crise de la dette” », Revue générale de droit international public, vol. 115, 2011, n° 4, p. 833-851.
  • [24]
    https://www.banque-france.fr/stabilite-financiere/securite-des-moyens-de-paiement-scripturaux/panorama-des-moyens-de-paiement-scripturaux-en-france, ainsi que les statistiques publiées par la BCE : http://sdw.ecb.europa.eu/reports.do?node=1000004051.
  • [25]
    Helmut Siekmann, op. cit. ; à ce titre, il convient de voir que le droit européen ne fait pas obligation aux États-membres d’exclure des moyens de paiement, il oblige seulement les États à reconnaître le caractère libératoire des billets en Euros pour éteindre une créance (dans les limites liées à des motifs d’ordre public).
  • [26]
    Dernièrement, la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (ESS), a créé un cadre juridique pour les monnaies locales complémentaires désormais reconnues comme des titres de paiement, dès lors qu’elles respectent l’encadrement fixé aux articles L.311-5 et L.311-6 du Code monétaire et financier.
  • [27]
    On pense ici aux différentes mesures de contrôle des paiements (scripturaux) prises, au plus fort de la crise de l’euro, en Grèce et à Chypre.
  • [28]
    L’article 22 de ses Statuts permet ainsi à la BCE d’adopter des règlements « en vue d’assurer l’efficacité et la solidité des systèmes de compensation et de paiements », mais l’arrêt du Tribunal de l’UE du 4 mars 2015, Royaume-Uni c. BCE en a fait une interprétation restrictive, sans se prononcer sur ce qui est inclus sous les termes « l’efficacité et la solidité » : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A62011TJ0496. Les juges suggèrent une révision de l’article 22 des Statuts du SEBC (par ailleurs, l’article 133 TFUE pourrait peut-être aussi compenser cette limite par une action du Parlement et du Conseil européens sans nécessairement donner plus de compétence réglementaire à la BCE).
  • [29]
    Les droits nationaux soumettent ainsi à autorisation l’activité de tenue de compte et encadrent les titres de paiement en suivant la politique d’harmonisation menée par la Commission européenne au titre du marché intérieur (au-delà donc des dispositions sur l’UEM – Union économique et monétaire). Voir pour les paiements en détail, la Directive 2015/2366/UE, le Règlement 924/2009/CE, la Directive 2009/110/CE, le Règlement 260/2012/UE, la Directive 2011/83/UE…
  • [30]
    Cette directive organise l’irrévocabilité (article 5) et l’opposabilité aux tiers (article 3) des ordres de transfert et de compensation pour les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titre tels que définis à l’article 2. Outre chaque spécificité permise par la procédure de transposition, la finalité (ou caractère définitif) est également régie par les règles internes au système puisque le moment où ce régime s’applique est défini par les règles du système (article 3, § 3). Voir la version consolidée : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX:01998L0026-20140917.
  • [31]
    Article 3 de l’Orientation de la Banque centrale européenne du 5 décembre 2012 relative au système de transferts express automatisés transeuropéens à règlement brut en temps réel (TARGET2). L’article 6 sur les règlements intra-Eurosystème permet de compenser de manière comptable les effets de cette décentralisation. Ainsi que le débat sur ces balances Target l’a illustré, cette homogénéité comptable organisée a posteriori (« À la fin du jour ouvrable, chacune de ces dettes uniques fait l’objet d’une procédure de compensation multilatérale générant pour chaque BCN de la zone euro une dette ou une créance à l’égard de la BCE, ainsi que prévu dans un accord entre les BC de l’Eurosystème. », article 6, point 2, je souligne) n’empêche pas un questionnement sur les fragmentations financières sous-jacentes en zone euro. Un rappel de ce débat est fait par Klaus Tuori, « Has Euro Area Monetary Policy Become Redistribution by Monetary Means? ‘Unconventional’ Monetary Policy as a Hidden Transfer Mechanism », European Law Journal, vol. 22, n° 6, novembre 2016, p. 838-868, p. 843-847.
  • [32]
    https://www.ebaclearing.eu/services/euro1/overview/ La plupart de ces systèmes n’ont pas forcément d’activité dans tous les États de la zone euro ou sont spécialisés dans certains domaines financiers.
  • [33]
    Pour un exercice d’interprétation en ce sens de la directive sur les garanties financières, cf. Michele Graziadei, « Financial Collateral Arrangements: Directive 2002/47/EC and the Many Faces of Reasonableness », Uniform Law Review, vol. 17, 2012, n° 3, p. 497-506.
  • [34]
    Des études ont d’ailleurs actuellement lieu sur les paiements électroniques intégrés à toute la zone euro grâce au système TIPS de la BCE ou même à l’émission d’une monnaie de banque centrale virtuelle.
  • [35]
    Les institutions permettant la standardisation et l’organisation multilatérale des paiements (compensation des titres ou des ordres de transfert) sont elles-mêmes régies par un modèle similaire au corps des règles sur le cours légal, mais cette fois-ci à propos du caractère définitif des règlements (par règlement entendre ici paiement au sens commun et délivrance de titres) dans les systèmes de paiement et de compensation (cf. note 29).
  • [36]
    « Boucle souverain-bancaire » – le MES, l’annonce d’opérations monétaires sur titre, les opérations de rachats de dette et l’Union bancaire ont pu atténuer ses effets, sans régler ce dilemme lié à la structure du marché monétaire européen et au mode de refinancement des États-membres (puisque les États se refinancent sur un marché de la dette structurellement essentiel au marché monétaire, notamment à travers les garanties qu’il fournit).
  • [37]
    Voir par exemple Clemens Kaupa, The pluralist character of the European economic constitution, Hart Publishing, Oxford, 2016.
  • [38]
    Le régime juridique des monnaies locales n’y échappe pas, cf. exposé des motifs de la loi de 2014 précitée.
  • [39]
    Depuis la crise de 2007, les mesures qui ont été prises afin de réguler les risques présents dans les mécanismes de paiement et de règlement visent toujours à conserver une neutralité (de marché) pour ces infrastructures.
  • [40]
    Voir S. Hennette, T. Piketty, G. Sacriste et A. Vauchez, Pour un traité de démocratisation de l’Europe, Seuil, Paris, 2017 ; S. Platon, « Democratizing the Euro Area without the European Parliament: Benoît Hamon’s “T-Dem” », Verfassungsblog.de, 13 mars 2017 ; S. Hennette, T. Piketty, G. Sacriste, A. Vauchez, « European parliamentary sovereignty on the shoulders of national parliamentary sovereignties: A Reply to Sébastien Platon », Verfassungsblog.de, 26 mars 2017 ; J. Grosdidier, « Une “démocratisation” européenne contre les politiques d’austérité ? Le T-Dem ou le pari d’une zone euro à visage humain », 13 avril 2017, http://blog.juspoliticum.com/2017/04/13/une-democratisation-europeenne-contre-les-politiques-dausterite-le-t-dem-ou-le-pari-dune-zone-euro-a-visage-humain/.
  • [41]
    En ce sens et plus généralement sur la finance, voir la perspective similaire de Pascale Cornut St-Pierre dans La fabrique juridique des swaps : quand le droit organise la financiarisation du monde, Presses de Sciences Po, Paris, 2019, 325 p.
Jean Grosdidier [1]
École de droit de Sciences Po, Paris
  • [1]
    Je remercie Thomas Coutrot, Wojtek Kalinowski, Romain Svartzman et Bruno Théret pour des discussions stimulantes, ainsi qu’Éloïse Beauvironnet, Benjamin Lemoine et les deux membres anonymes du comité de rédaction pour leurs relectures attentives.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 28/05/2019
https://doi.org/10.3917/rfse.022.0185
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