CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Comment rendre aux gouvernements nationaux le levier monétaire qu’ils ont perdu en souscrivant au projet de monnaie unique européenne ? C’est la question qui a préoccupé de nombreux économistes européens, dont Bruno Théret ou Thomas Coutrot, auteurs de plusieurs contributions sur ce thème. Leur proposition consiste à créer nationalement une « monnaie fiscale complémentaire » (MFC). Cette monnaie nouvelle ne se substituerait pas à l’euro. Elle existerait en même temps que lui, elle lui serait parallèle. La proposition cherche à tenir les deux bouts d’une équation compliquée : ne pas sortir de l’euro, mais ne pas se contenter pour autant du statu quo actuel. L’euro, de monnaie unique, deviendrait une monnaie commune et internationale qui coexisterait avec la mise en circulation de nouveaux moyens de paiements nationaux anticipant sur les recettes fiscales futures, comme l’émission de la monnaie de crédit bancaire anticipe sur des recettes marchandes. Une telle MFC ne serait pas convertible sur les marchés des changes (comme l’est l’euro), elle ne lui ferait donc pas concurrence. Elle pourrait être intitulée euro-franc [Coutrot, Kalinowsky et Théret, 2015], mais, pour éviter toute équivoque et échapper au soupçon d’incompatibilité avec les traités [1], il est envisagé de renoncer à l’appellation de monnaie, et de préférer l’expression « bons ou billets de paiement fiscal » (cf. le texte de Coutrot et Théret ci-après), qui seraient destinés à circuler et à être reçus en paiement dans un réseau institutionnel ou commerçant délimité. Cette initiative permettrait de dépasser les « impasses européiste et souverainiste », en ne prônant pas une sortie de l’euro, mais en permettant à certains pays de se défaire du carcan qu’il leur impose à cause de sa gestion uniformisée de situations nationales disparates – sanctuarisant la lutte contre l’inflation et la protection des épargnants.

2Lancée pour la première fois en 2012 [2], la proposition de « monnaie fiscale complémentaire » est toujours d’actualité. Après avoir fait l’objet de deux tribunes dans Libération en mars 2015 [3] et février 2017 [4], elle a été réitérée dans un billet de blog dans Mediapart en juin 2018 [5] et a alors fait l’objet d’une vive contestation – « soyons clair, ce projet est farfelu », écrivait Henri Sterdyniak, sur le même support, en juillet 2018, tandis que Thomas Coutrot lui répondait [6]. Au même moment, la Revue française de socio-économie recevait de la part d’Alban Mathieu une autre contribution, critique à l’égard de cette proposition de MFC. Si ce dernier (cf. son texte ci-après dans ce dossier) partage le diagnostic sur la nécessité de sortir des politiques d’austérité, il met en doute la capacité d’un tel dispositif de « monnaie fiscale complémentaire » à modifier les mécanismes économiques de désinflation compétitive et à rééquilibrer la balance commerciale. Son texte a été transmis à divers auteurs qui ont accepté de lui répondre dans ce dossier. Les économistes Bruno Théret et Thomas Coutrot précisent la stratégie politique du changement européen que véhicule leur proposition. Le juriste Jean Grosdidier revient sur la controverse relative à l’« incompatibilité » juridique entre un tel projet de MFC et les traités européens. Enfin, les économistes Massimo Amato et Andrea Papetti discutent la proposition de Yannis Varoufakis, ancien ministre grec de l’Économie et des Finances d’un système de paiement parallèle (le fameux « plan B »). En pleine crise, ce dernier imagine un dispositif de mise en réseau des transactions entre l’administration fiscale et le reste de l’économie, faisant écho aux monnaies fiscales complémentaires, dont Amato et Papetti interrogent la capacité de régulation en régime « normal ». La Revue française de socio-économie est heureuse de proposer ce débat à ses lecteurs. Elle remercie vivement les auteurs qui, par leurs contributions, parviennent à rendre plus claire une idée économique originale, qui pose une question technique et bouscule les institutions européennes et leurs dogmes.

3L’introduction qui suit relit la proposition des monnaies fiscales complémentaires d’un point de vue sociologique en commençant par rappeler les diverses scènes où l’euro est débattu. Elle retrace ensuite les controverses que la MFC a soulevées quant à sa cohérence interne, sa faisabilité technique et sa lucidité politique et institutionnelle. Enfin, elle décrit comment ces débats mettent à nu les modalités d’engagement et de critique que peuvent adopter les économistes vis-à-vis de régimes économiques néolibéraux et financiarisés.

1 – La célébration de l’euro et le verrouillage des futurs

4Le 1er janvier 2019, l’euro, monnaie unique européenne a fêté ses vingt ans. Trois mois auparavant, dans l’auditorium de la Banque de France et devant un parterre mélangeant anciens ministres, hauts fonctionnaires, professionnels de la finance et chercheurs [7], Jean-Claude Trichet, ancien président de la Banque centrale européenne (de 1993 à 2003) et Théodore Waigel, ancien ministre fédéral des Finances d’Allemagne (de 1989 à 1998) et président du parti de l’Union chrétienne sociale (CSU), ont exposé leurs réponses à la question : « Vingt ans après, l’Euro a-t-il tenu ses promesses ? ». Introduisant la session, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau résume en une phrase : « L’union monétaire est un succès, sans aucun doute : internationalement et intérieurement. » Jean-Claude Trichet réaffirme quant à lui que, contrairement aux « idées reçues [de journalistes, d’économistes ou d’observateurs mondiaux], l’euro est un succès historique […] parti de rien en janvier 1999 […] comprenant à la fois les pires signatures financières aux yeux des acteurs du marché [la Grèce, le Portugal, etc.] et les meilleures [Allemagne, Pays-Bas, Autriche, etc.] parmi les économies avancées […] la crédibilité internationale et le succès de la nouvelle monnaie sont confirmés par des faits et des chiffres : l’euro est de loin la deuxième monnaie internationale après le dollar ». L’objectif « de stabilité des prix […], très ambitieux, encore plus exigeant que la performance des meilleures monnaies européennes [comprendre le Deutsche Mark] » a été tenu pour atteindre un « résultat impressionnant […] : l’inflation moyenne de l’euro est d’environ 1,75 % depuis sa création ». Enfin, M. Trichet rappelle « l’attachement des citoyens de la zone euro à la monnaie unique […], soutien populaire impressionnant, tant en Grèce qu’en Allemagne ». L’éventuelle « frustration de l’opinion publique », son « insatisfaction, s’adresse beaucoup plus aux gouvernements nationaux, aux parlements et aux institutions nationales qu’aux institutions européennes (Commission, Conseil, Parlement européen) », y compris en Grèce « au plus fort de la crise du risque souverain » [8].

5Cet exercice de réassurance quant à la solidité et à la confiance placée en l’euro terminé, suivent quelques recommandations, lancées par M. Trichet comme un « test » auprès du public et de l’ancien partenaire allemand : « désigner un ministre des Finances de la zone euro, renforcer la légitimité démocratique de l’UEM en donnant le dernier mot aux membres du Parlement européen [élus dans la zone euro] et mettre en place un budget de la zone euro conçu pour aider les pays en difficulté à s’engager dans les réformes structurelles nécessaires ». Enfin, il conclut prudemment en citant Jean Monnet : « Les idées prématurées n’existent pas, il faut attendre le bon moment. »

6Comme un écho lointain à une éventuelle position allemande, la salle est suspendue à la réaction de Théo Waigel. Ce dernier est célèbre, pour son « mantra légendaire » du Drei komma-null ! Soit, en toutes lettres et en français : « trois-virgule-zéro », en référence à la nécessité pour les États de se tenir strictement, au centième près, à un déficit public de 3 % pour se qualifier à la zone euro [9]. À la timide audace que s’autorise le retraité Trichet en spéculant sur le devenir possible des institutions de la zone euro, l’ancien ministre allemand répond froidement : « Je pense que nous pourrions tout faire sauf changer le traité. » M. Trichet acquiesce ostensiblement comme pour marquer sa conscience de l’impossibilité de rouvrir la boîte de Pandore des tractations et concessions politiques qui, vingt ans plus tôt, ont permis d’obtenir de façon irréversible la participation de l’Allemagne à l’euro [10]. M. Waigel conclut : « Nous devrions procéder en deçà de la modification du traité, et vous devez considérer que chaque discussion, chaque décision exige une consultation du Bundestag [le Parlement allemand]. » Cette scène résume la fébrilité des positions françaises [11] et la stratégie d’autosoumission à l’Allemagne dans les négociations européennes. Elle cristallise la façon dont l’euro est imprégné de sa marque et de son mark, et dont son agencement institutionnel est construit autour de son modèle [12]. Dans la tradition monétaire allemande, marquée par la crise d’hyperinflation des années 1920, l’idée selon laquelle la stabilité des prix est une condition sine qua non de la stabilité politique et sociale est une « croyance » profondément ancrée [Lebaron, 2006, p. 23 ; Lordon, 2014] [13]. Si l’euro est un acquis, toute remise à plat des conventions sociales, budgétaires, économiques, monétaires, qui ont présidé à son instauration paraît proscrite. Le moindre frémissement de débat étant considéré, par le gouvernement français, comme de nature à semer le trouble au Parlement allemand et à mettre en péril toute l’architecture européenne.

2 – Les gilets jaunes : un contre-anniversaire de l’euro ?

7Autre séquence de la vie publique et autre mise en visibilité de l’euro. Le dimanche 2 décembre 2018 au soir, sur le plateau télévisuel de France 2, une édition spéciale est consacrée au week-end de mobilisation des gilets jaunes et au « samedi terrible » [14] qui a marqué les esprits et dont le défilé, dans les beaux quartiers du triangle d’or parisien, a effrayé la classe dominante et patronale. À une heure tardive de la soirée, en fin d’émission, Emmanuel Todd, démographe, livre sa conclusion :

« – J’ai dit ma fierté d’être français pour les gilets jaunes mais je dois dire quelque chose qui m’attriste […] : la France, si elle a une culture et un peuple, n’a plus un système politique indépendant. Elle est dans la zone euro [approbation ostensible de Nicolas Dupont-Aignan, candidat de Debout la France à l’élection présidentielle de 2017 et invité sur le plateau à ses côtés] […] Je sais bien le caractère désespéré de ce que je dis, puisque seulement 28 % des Français, en mars 2017, pensaient qu’il fallait sortir de l’euro, donc une sorte d’aveuglement national collectif sur le mal qui petit à petit nous tue ».
Le présentateur, Thomas Sotto : En tout cas, on voit que vous déplacez le débat sur le terrain européen, et ça tombe bien parce qu’il y a des élections européennes…
E. Todd : Non, non, nous sommes asphyxiés. Et l’asphyxie monétaire, l’incapacité, la perte de souveraineté monétaire lance les Français les uns contre les autres.
Huit jours plus tard, une tribune signée par vingt personnalités, parmi lesquelles Emmanuel Todd et Jacques Sapir, paraît à l’occasion de l’anniversaire des vingt ans de l’euro. Loin de l’autocélébration donnée à la Banque de France, ces intellectuels « déplorent un échec patent du projet », et s’efforcent de relier le malaise social exprimé par le mouvement des gilets jaunes à l’architecture de la monnaie unique européenne. Pour les signataires, « l’appauvrissement massif » à l’origine de la crise des gilets jaunes « découle directement des politiques mises en œuvre pour tenter de sauver, coûte que coûte, la monnaie unique européenne », à savoir « des politiques budgétaires de hausse des impôts et de baisse des investissements publics, partout exigées par la Commission de Bruxelles » [15]. Le redressement des « comptes extérieurs de certains pays déficitaires » a été fait « au prix d’une “dévaluation interne” c’est-à-dire d’une diminution drastique des revenus, associée à un étranglement de la demande interne. Elles ont ainsi engendré un effondrement dramatique de la production dans la plupart des pays d’Europe du Sud et un taux de chômage resté très élevé, en dépit d’un exode massif des forces vives de ces pays [16]. »

3 – La construction d’un dualisme : néolibéralisme autoritaire ou retour au franc compétitif

8Cherchant une voie pour sortir de la crise, le président de la République française a lancé un « grand débat » national. La question de la monnaie est absente du script de la consultation présidentielle [17]. Doit-on s’en étonner ? D’une certaine façon, non. Si la crise des « gilets jaunes » est strictement une crise nationale, comme le suggère le recadrage du journaliste de France 2, alors l’euro n’entre pas dans l’équation. Pourtant, la remise en cause de l’euro et, plus généralement, la réforme des institutions de l’Union européenne (UE) étaient au cœur de la campagne présidentielle de 2017 au sein des programmes de la plupart des candidats (à l’exclusion de ceux de MM. Fillon et Macron). L’incertitude sur le résultat électoral et l’hypothèse de la victoire d’un candidat désireux de renverser l’ordre européen ont éveillé les frayeurs des marchés financiers et investisseurs en dette publique qui sont en quête de stabilité politique [Lemoine, 2018]. En effet, le retour au franc serait de nature à remettre en cause, pour les créanciers ayant investi initialement en euros, la valeur des contrats de dette dont ils sont en possession. La victoire d’Emmanuel Macron, élu au bénéfice d’un vote « barrage » au second tour face à Marine Le Pen, candidate du Front National (FN) favorable à l’époque à la sortie de la zone euro, a pu rassurer les financiers. Depuis, M. Macron se positionne comme celui qui porte le fardeau de la défense de « l’euro tel qu’il est » face à ce qu’il désigne comme des mouvements, programmes ou revendications « populistes » – catégorie politiquement utile dans laquelle sont rangés tous ceux qui plaident pour une alternative, nationale et/ou européenne. Ce serait donc, soit lui – et un néolibéralisme autoritaire –, soit le refus de l’Europe. C’est justement pour rompre avec ce type d’opposition qu’émergent les propositions telles que celles de monnaies fiscales complémentaires, avec l’espoir de reconstituer un espace des possibles entre la soumission à l’ordre établi et la sortie sèche de la zone euro :

« L’émission d’une monnaie nationale complémentaire ou parallèle à l’euro était une solution alternative immédiate au seul choix binaire entre rester dans la zone euro telle qu’elle fonctionne encore aujourd’hui, ou en sortir en revenant à une monnaie nationale [18]. »
Les défenseurs des MFC refusent de considérer la sortie de l’euro comme une solution, car rien n’empêcherait de déboucher sur une reconduction, à l’échelle nationale, d’un État compétiteur-égoïste (ce que Théret et Coutrot appellent les « comportements de cavalier seul »), structuré par un régime monétaire orthodoxe, néolibéral et financiarisé. Pour Théret, la stratégie de sortie de l’euro « surestime les effets économiques positifs des dévaluations compétitives, dans un contexte favorable à des rétorsions économiques de la part des “partenaires commerciaux” […] et sous-estime considérablement l’énormité des coûts sociaux d’une dévaluation dans les économies d’endettement généralisé que sont devenues les économies nationales après trente ans de globalisation financière. En cas de dévaluation, il faut renégocier tous les contrats (dettes, salaires, etc.) et cela exacerbe les conflits et les inégalités entre parties prenantes, y compris à l’intérieur du pays [19]. »

4 – La scène européenne et l’épreuve de vérité du politique

9Loin de se réduire à un simple instrument technique, un moyen de paiement, un opérateur neutre et froid [20], la monnaie cristallise et véhicule une forme d’organisation de l’économie, du social et du politique. Elle constitue un des éléments fondamentaux de la souveraineté, inséparable, selon E. Todd, de la réalité anthropologique et démographique de sa population [1998, p. 233 et suiv.] [21].

10Lorsque la Grèce est poussée à l’agonie, en pénurie de liquidités – sous l’effet des mesures répressives de la BCE empêchant le refinancement des banques grecques –, le débat sur la monnaie se pose en termes de survie de l’économie, de crédit disponible et de circulation des liquidités dans l’économie. La proposition de « système de paiement parallèle » alors conçue par Yannis Varoufakis est proche du projet de MFC (cf. le texte d’Amato et Papetti ci-après). Elle a été précisément élaborée [22] dans l’hypothèse où « la Troïka [23] décidait de chasser la Grèce de la zone euro, puisque c’était le vœu le plus cher du ministre des Finances allemand depuis des années », ou encore « si les banques étaient fermées ». Pour « gagner de la marge » et que le gouvernement puisse « répondre à ses obligations » en situation de forte pression budgétaire, le ministre envisageait un dispositif électronique de paiement exploitant « la mise en réseau de l’administration fiscale » et la mise en place d’un compte de réserve pour chaque contribuable – y compris pour les entreprises afin que toutes sortes de transactions aient lieu :

11

« Les retraites pourraient être en partie payées sur le compte de réserve d’un bureau fiscal, et le retraité pourrait transférer une partie de cette somme à son propriétaire, qui lui-même aurait des impôts à régler. Même si ces crédits ne peuvent être touchés ni retirés sous forme de liquide, le dispositif pourrait continuer aussi longtemps que l’État les accepterait à la place des impôts. […] Tout citoyen grec a une carte d’identité. Imaginez que celle-ci soit munie d’une puce, comparable à celle des cartes de débit ou de crédit. Les cartes des retraités, des employés du secteur public, des personnes touchant des allocations, des fournisseurs du gouvernement – quiconque ayant des transactions financières avec l’État – pourraient être reliées au compte de réserve de leur bureau d’impôt et utilisées pour payer des biens et des services dans les supermarchés, les stations-service et autres. Qui plus est, le gouvernement grec pourrait exploiter ce dispositif pour emprunter aux citoyens grecs, ce qui lui permettrait de contourner les banques commerciales, les marchés financiers hostiles soupçonneux et, bien sûr, la Troïka [24]. »

12Un tel circuit de financement de l’État et de l’économie rappelle, par son encastrement institutionnel du crédit et son autonomie vis-à-vis des logiques marchandes, le circuit du Trésor mis en place en France pendant l’après-guerre [Lemoine, 2016]. Il fait de l’administration fiscale une chambre de compensation entre créanciers et débiteurs de l’État qui évite aux finances publiques de passer par la médiation du système bancaire marchand et réduit la dette publique à court terme [25].

13Ainsi, selon Bruno Théret, « l’émission d’une monnaie de crédit fiscal permet de résoudre à terme le problème de la dette publique car elle a un double effet sur la dynamique de l’endettement : un effet direct, puisque l’État arrête de s’endetter sur les marchés financiers pour tout ce qui concerne sa dette flottante (dette intra-annuelle de trésorerie) ; un effet indirect du fait du dynamisme économique relancé par l’injection de monnaie, la dette publique relativement au PIB diminuant à la fois par réduction du numérateur et augmentation du dénominateur » [26]. Enfin, la monnaie fiscale complémentaire introduit une autre relation de confiance que celle nouée autour du crédit souverain entre l’État financiarisé et les marchés de capitaux agissant à l’échelle globale [Streeck, 2014] : « La confiance que requiert une monnaie fiscale complémentaire [est] celle de citoyens qui doivent y voir une ressource pour redynamiser le tissu productif local, réduire le chômage et soutenir la production des services publics et sociaux tout en réduisant la dette publique [27]. » Finalement, le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, délaissera cette boîte à outils alternative, qui lui aurait pourtant permis d’évoluer en marge des mémorandums austéritaires de la Commission européenne [28].

14La promesse de ces dispositifs de paiement parallèles consiste à redonner du souffle à l’imaginaire des politiques économiques « en deçà » des traités européens. Mais la capitulation de Syriza, le parti au pouvoir en Grèce, malgré le fort soutien populaire au « non » des programmes orchestrés par la Troïka, a représenté une épreuve de vérité et refermé des possibles politiques au sein de la zone euro.

5 – La « modernité » des dispositifs comme objet de disputes

15Certains économistes hétérodoxes, tel Henri Sterdyniak, partageant le même socle de critiques vis-à-vis d’une Europe néolibérale tirée par la finance, ont néanmoins vivement réagi à la proposition de MFC. Plus globalement, ces divergences renvoient au scepticisme d’une partie des économistes à l’égard de la formulation d’alternatives mettant la création monétaire au cœur des processus nécessaires à la transformation des régimes économiques. « Aucun domaine en économie ne donne lieu à des théories farfelues plus que celui de la monnaie », dit Henri Sterdyniak [29]. Ainsi, il déplore l’archaïsme du dispositif, le « retour en arrière » qu’il représente et ironise sur un projet élaboré au nom d’un penchant humaniste plutôt que sur la base d’une « compétence » [30]. Il considère comme « assez surprenant » de proposer un projet qui s’inspire « des procédés utilisés jadis par des provinces argentines en détresse », afin de « réformer le système monétaire de pays développés », un projet qui s’éloignerait des logiques « d’un pays moderne ». Il questionne : « Pourquoi ne pas demander aux restaurants de reprendre les recettes de bouillon à la rate de bœuf du siège de 1870 ? Et à la médecine moderne de s’inspirer des médecins de Molière ? » [31].

16La modernité semble suivre, dans les propos de Sterdyniak, une flèche du temps qui ordonnerait l’espace du pensable : selon cette logique évolutionniste, plus les propositions de MFC feraient référence à des expériences renvoyant à un passé lointain, disparu ou enseveli, et/ou à des pays considérés comme des puissances économiques moindres, et plus celles-ci seraient « farfelues ». Rappelant à l’ordre de l’existant, il souligne que la monnaie est nécessairement un actif financier, porteur d’intérêts dans nos régimes économiques « modernes » : « L’évolution des systèmes financiers tend à faire disparaître toute frontière nette entre monnaie et actif financier [32]. »

17De son côté, Thomas Coutrot considère cette réaction comme étant « fort représentati[ve] des blocages cognitifs irrationnels que suscite souvent l’idée de pluralisme monétaire chez certains de nos amis économistes, même atterrés » [33]. Une telle définition de la modernité, ancrée dans le présent, et en un sens l’avalisant, afin de disqualifier les conceptions monétaires alternatives, tend à naturaliser le système financier contemporain. La controverse porte ici sur le concept même de « monnaie », d’argent ou de finance. Quand les propositions de MFC veulent rouvrir les conventions et le sens de la monnaie et du crédit dans nos sociétés, la définition reconduite par Sterdyniak essentalise la monnaie en tant que marchandise participant de l’accumulation du capital – l’homme recherchant naturellement le rendement du taux d’intérêt, et ne pouvant être guidé par d’autres principes. Par exemple, quand il évoque concernant la MFC des « bons [qui] ne seront remboursables qu’avec un certain délai [deux ans, par exemple] » et qui « ne rapporteront pas d’intérêt ; les commerçants les refuseront et la parité sera fictive », Coutrot répond en ces termes : « Peut-être est-ce l’idée même d’un moyen de paiement dé-financiarisé qui est “farfelue” ? Ce serait là un triste aveu de manque d’imagination théorique et politique. Or il en faudra certainement pour dépasser à la fois la nostalgie national-souverainiste et l’irresponsabilité néolibérale [34]. »

18Ce désaccord peut paraître d’autant plus surjoué que le légitimisme des formes monétaires et financières « telles qu’elles sont » dans le present est à historicité variable dans les prises de position d’Henri Sterdyniak dans le débat économique. Parmi les « seules questions qui vaillent » [35] d’être posées et explorées pour répondre aux défauts des régimes économiques financiarisés figure, selon lui, le retour à des formes de crédit et de finance où « les marchés financiers et les activités des acteurs financiers » seraient « strictement cloisonnés pour éviter la propagation des bulles et des krachs », ainsi qu’un « secteur bancaire socialement contrôlé et consacré au financement des activités productives, [ce qui] suppose, en particulier, de développer des circuits financiers publics pour utiliser l’épargne longue des ménages pour financer les investissements publics et pour financer et orienter les investissements des entreprises dans les secteurs innovants et dans l’économie verte » [36]. Autant de dispositifs qui paraîtraient aux yeux de nos orthodoxes gouvernants contemporains, un « farfelu » retour au système de financement administré de l’économie ayant eu cours en France et dans d’autres pays du monde dans l’immédiat après Seconde Guerre mondiale.

19Ces controverses portent finalement sur la façon dont il est possible d’instaurer des différences entre les formes monétaires en circulation et à disposition de l’économie et des citoyens : assumer des moyens de paiement et d’échanges marqués du sceau de l’État [Zelizer, 2005 ; Gayon et Lemoine, 2010], encastrés dans certains réseaux sociaux (circonscrits, par exemple, dans le cas des monnaies locales), cantonnés dans des réseaux publics de collecte et redistribution, fléchés politiquement, c’est-à-dire orientés en valeur, et fonctionnant en autonomie par rapport aux logiques d’accumulation marchande.

6 – Expérimenter ou critiquer le prince

20La référence au passé et l’exploration d’expériences non libérales de pouvoir économique constituent une boîte à outils devant permettre d’adresser à l’ordre marchand existant des critiques réalistes – en se référant à du « déjà pratiqué » à différentes échelles de pouvoir – montrant « que ce qui est n’a pas toujours été » [37]. Pour reprendre la formule de Michel de Certeau, « non que ce monde ancien et passé bougeât ! Ce monde ne se remue plus. On le remue [38]. » Il ne s’agit pas de « ressusciter » une configuration morte mais, en lui aménageant une place dans l’enquête empirique, de redistribuer l’espace des possibles du présent. Ici se dessinent différentes formes d’engagement de l’économiste dans la vie publique. La première figure, désormais bien balisée avec la constitution du collectif des Économistes Atterrés (Coutrot en fait partie et en est un des membres fondateurs), correspond à celle de l’économiste critique du « prince ». Il s’agit de produire des contre-diagnostics, des contre-chiffrages, de déconstruire les raisonnements élaborés par les conseillers économiques du pouvoir, et de rendre disponible un logiciel d’action alternatif.

21La posture de l’économiste pro-MFC articule la critique de l’existant à la défense des projets locaux, des initiatives citoyennes, et aux propositions d’alternatives monétaires conçues, bricolées sur le terrain, « par le bas » et via l’enquête et le suivi précis des expériences déjà entamées par les « acteurs eux-mêmes ». Théret, partisan d’une approche institutionnaliste pragmatiste, explique ainsi que les MFC ne prennent pas forme dans « des a priori théoriques, mais dans des enquêtes socio-historiques » qui fonctionnent comme « une légitimation historique ancrée dans l’analyse d’expériences passées similaires » [39].

22Les critiques de la MFC ironisent sur le biais « intellectualiste » de ses promoteurs, qui auraient succombé à leur imaginaire d’ingénieur social, rêvant d’un dispositif parfait et se projetant dans un gadget ou une « innovation monétaire qui rendrait inutile le combat politique pour changer les traités européens » [40]. Jean-Marie Harribey semble ainsi soucieux de ramener dans la discussion de ces inventions « le problème de l’affrontement avec la coalition de classe capitaliste européenne [qui] se poserait immanquablement à un moment ou un autre » [41]. Coutrot répond à ce titre que la « proposition vise à construire un rapport de forces pour changer les traités, afin de faire de l’euro une vraie monnaie commune, partagée mais pas unique » [42]. Les promoteurs de la MFC veulent « sortir de l’impasse européenne » [43] tout en refusant les solutions de « sortie sèche » de l’euro [44]. Ces dispositifs monétaires alternatifs se veulent une forme d’action directe, déployant une obéissance oblique [45] aux institutions européennes, révélant de la sorte des fenêtres d’action « en deçà » et aux marges des traités européens, sans commencer par les briser unilatéralement, suivant paradoxalement en cela le prérequis à toute transformation énoncée par Théo Waigel, l’ancien ministre des Finances allemand. Conscient du rapport de force politique qu’il amorcerait, ce déploiement de conceptions de la monnaie qui ne sont pas explicitement constitutionnalisées se veut une pragmatique de la dé-financiarisation [46] qui s’immisce dans les lignes de fuite européennes.

Notes

  • [1]
    « Recourir à une monnaie-fiscale nationale dans le cadre de l’Union européenne : une solution juridiquement envisageable ? » Entretien avec Matthieu Caron. Propos recueillis par Bruno Théret », Revue française des finances publiques, n° 144, décembre 2018, p. 261-272.
  • [2]
    Bruno Théret (avec la collaboration de Wojtek Kalinowski), « De la monnaie unique à la monnaie commune Pour un fédéralisme monétaire européen », Note de l’Institut Veblen pour les Réformes économiques, septembre 2012. Cf. également Bruno Théret, « Dettes et crise de confiance dans l’euro : analyse et voies possibles de sortie par le haut », Revue française de socio-économie, n° 12, 2013/2.
  • [3]
    « L’euro-drachme, ballon d’oxygène pour la Grèce », par Thomas Coutrot, Wojtek Kalinowski et Bruno Théret, Libération, 15 mars 2015. Cf. Bruno Théret, « Vers l’institution de monnaies fiscales nationales dans la zone euro ? ».
  • [4]
    « Sortir de l’austérité sans sortir de l’euro… grâce à la monnaie fiscale complémentaire », par Thomas Coutrot, Dominique Plihon, Wojtek Kalinowski, Bruno Théret, Gaël Giraud, Vincent Gayon, Jean-Michel Servet, Jérôme Blanc, Marie Fare et Benjamin Lemoine, Libération, 9 mars 2017.
  • [5]
    « Monnaie fiscale complémentaire : sortir des impasses européiste et souverainiste », par B. Théret et T. Coutrot, Mediapart, Le blog de Thomas Coutrot, 26 juin 2018.
  • [6]
    Henri Sterdyniak, « Un projet farfelu : la monnaie fiscale complémentaire », Mediapart, Le blog de Henri Sterdyniak, 23 juillet 2018 ; Thomas Coutrot, « À propos d’un projet farfelu : réponse à Henri Sterdyniak », Mediapart, Le blog de Thomas Coutrot, 11 septembre 2018.
  • [7]
    Le 1er octobre 2018, sur invitation de la Banque de France, 31 rue Croix des Petits Champs, 75001 Paris. « Deux Michel » sont salués par le gouverneur de la Banque de France : Michel Sapin, ancien ministre socialiste de l’Économie et des Finances (1992-1993 et 2014-2107), et Michel Camdessus (1984-1987), ancien gouverneur de la Banque de France et directeur du FMI (1987-2000). Avant d’être président de la BCE, Jean-Claude Trichet a été directeur du Trésor, puis gouverneur de la Banque de France.
  • [8]
    « J’ai souvent été confronté à l’idée que les Grecs étaient massivement en faveur de quitter l’euro pour éviter « l’austérité » et que les Allemands profiteraient massivement de la crise pour revenir à leur ancienne monnaie nationale, le DM. Il n’y avait rien de plus erroné ! Les Grecs étaient massivement en faveur du maintien de leur euro-participation ! Et les Allemands étaient (et sont toujours) fortement en faveur de l’euro », https://www.banque-france.fr/sites/default/files/media/2018/10/03/01.10.2018_discours_trichet_0.pdf.
  • [9]
    En tout, on comptait cinq indicateurs dont (en plus de la dette et du déficit), l’indice des prix à la consommation (mesure de l’inflation), la stabilité du taux de change et la balance des paiements.
  • [10]
    Pour la doctrine dite « économiste », schématiquement, la posture de l’Allemagne lors des négociations européennes, il était nécessaire que les économies des États convergent préalablement à la monnaie unique, laquelle viendrait « couronner » la réalisation de cette convergence. Pour la doctrine dite « monétaire », associée à la stratégie française, la monnaie unique était un point de départ et le moteur d’une intégration des politiques publiques des États membres. Les critères de convergence constituent donc un compromis : en fixant un agenda de convergence graduelle pour la qualification à la monnaie unique, les critères ont rendu irréversible le projet de zone monétaire, tout en concédant qu’il était nécessaire d’homogénéiser au préalable les politiques monétaires et économiques. J.-P. Patat, Ph. Domergue et C. Pfister, « Calcul des critères de convergence prévus par le traité de Maastricht », Rapport d’un groupe de travail du Cnis, rapport n° 18, Cnis, Paris, 1994, et Pierre Werner, « Rapport au Conseil et à la Commission concernant la réalisation par étapes de l’Union économique et monétaire dans la Communauté (8 octobre 1970) », Bulletin des communautés européennes, supplément 11(70), 1970, p. 5-31.
  • [11]
    Ici, ces positions nationales sont incarnées, non par des professionnels de la représentation politique, mais par des technocrates – tel Jean-Claude Trichet qui, pendant la conférence, rit avec le public, non sans une certaine jouissance, lorsque Waigel évoque son souvenir d’un président Chirac « furieux », s’en prenant vivement aux propositions de « technocrates allemands », alors qu’il désignait en fait l’expertise de Jean-Claude Trichet.
  • [12]
    La spécificité de la BCE est qu’elle est une institution indépendante du pouvoir politique. Conçue sur le modèle de la Bundesbank allemande, ses statuts lui assignent un objectif économique principal : la « stabilité des prix », autrement dit la lutte contre l’inflation, par le contrôle de la masse monétaire et l’action sur les taux d’intérêt directeurs.
  • [13]
    Croyance qui s’est trouvée constitutionnalisée par le Traité constitutionnel européen.
  • [14]
    Serge Halimi et Pierre Rimbert, « Lutte de classes en France », Le Monde diplomatique, février 2018. Ces auteurs citent une journaliste de L’Opinion, journal « proche du patronat », qui « révèle sur un plateau de télévision à quel point la bourrasque a soufflé fort : « Tous les grands groupes vont distribuer des primes, parce qu’ils ont vraiment eu peur à un moment d’avoir leurs têtes sur des piques. Ah oui, les grandes entreprises, quand il y avait le samedi terrible, là, avec toutes les dégradations, ils avaient appelé le patron du Medef [Mouvement des entreprises de France], Geoffroy Roux de Bézieux, en lui disant : “Tu lâches tout ! Tu lâches tout, parce que sinon…” Ils se sentaient menacés, physiquement. » (in « L’info du vrai », Canal Plus, 13 décembre 2018).
  • [15]
    « L’existence de l’euro : cause première des gilets jaunes », tribune parue sur différents supports électroniques, 9 décembre 2018. Consulté sur https://francais.rt.com/opinions/56568-existence-euro-cause-premiere-gilets-jaunes.
  • [16]
    Ibid.
  • [17]
    Le grand débat national s’est déroulé de décembre à avril 2019, autour des quatre thèmes suivants : la transition écologique ; la fiscalité et les dépenses publiques ; la démocratie et la citoyenneté ; l’organisation de l’État et des services publics.
  • [18]
    Tribune publiée dans Libération, le 15 mars 2015, par Thomas Coutrot, Wojtek Kalinovsky et Bruno Théret.
  • [19]
    Bruno Théret, « Sortir de l’austérité en conservant l’euro grâce à des monnaies nationales complémentaires : une revue de littérature », Contribution au Congrès de l’AFEP 2017, Université de Rennes 2, 5-7 juillet 2017.
  • [20]
    Les marchés financiers rêvent d’une monnaie « neutre », évoluant à distance, et coupée de toute forme d’autorité politique. Cf. André Orléan, L’empire de la valeur, Seuil, Paris, 2011.
  • [21]
    Selon E. Todd, chaque pays dispose, en effet, de son propre « style monétaire » et, en fonction de sa dynamique démographique, possède ses « besoins spécifiques » en matière de gestion de la monnaie. La monnaie unique aurait, selon ce dernier, supprimé toute variation dans le taux de change et créé une déconnexion entre les techniques financières et les structures anthropologiques et sociales particulières à chaque pays, au profit d’une gestion unifiée de la monnaie.
  • [22]
    Dans sa « stratégie en cinq volets de mai 2013 ».
  • [23]
    Depuis la crise grecque de 2008, l’expression « Troïka » désigne l’alliance de la Banque centrale européenne (BCE), de la Commission européenne (CE) et du Fonds monétaire international (FMI) chargée d’auditer les finances publiques des États membres européens et de piloter, le cas échéant, les plans de sauvetage des finances publiques.
  • [24]
    Yannis Varoufakis, Conversations entre adultes. Dans les coulisses secrètes de l’Europe, Les liens qui libèrent, Paris, 2017, p. 106-108.
  • [25]
    Une monnaie-bon de crédit fiscal est différente d’un emprunt public qui doit être payé en monnaie marchande, car la monnaie de crédit fiscal est détruite dans le circuit du trésor via les recettes publiques et n’entraîne pas de charge de la dette.
  • [26]
    Cf. B. Théret, « Dette publique et auto-répression monétaire des États », Savoir/Agir, n° 35, 2016, p. 63-76.
  • [27]
    B. Théret, « Sortir de l’austérité en conservant l’euro grâce à des monnaies nationales complémentaires : une revue de littérature », op. cit.
  • [28]
    É. Toussaint, « Politiques de l’anti-dette. Entretien », Savoir/Agir, 2016/1, p. 77-89.
  • [29]
    Avant de s’en prendre aux MFC, Sterdyniak s’était attaqué au 100 % monnaie ou aux projets dits de « monnaie pleine ». « Le projet 100 % monnaie repose sur une distinction fictive entre épargne et monnaie. » Cf. Henri Sterdyniak, « Monnaie pleine, la votation du 10 juin 2018 », Marianne, 4 juin 2018.
  • [30]
    « Beaucoup de ces huit économistes (auteurs de la tribune de 2017 dans Libération) sont liés à l’Institut Veblen, soutenu par la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme. On peut penser que ce projet commun, une économie au service de l’homme, leur a fait oublier leur compétence en matière monétaire. Comment expliquer que des économistes éminents, spécialistes des questions monétaires, s’associent à un projet aussi mal pensé ? Faut-il évoquer l’amitié ? » (Sterdyniak, op. cit.).
  • [31]
    Ibid.
  • [32]
    H. Sterdyniak, Marianne, op. cit.
  • [33]
    T. Coutrot, op. cit.
  • [34]
    Ibid.
  • [35]
    Face à l’impasse européenne, Sterdyniak considère que « la seule question qui vaille est donc : un pays, où les forces progressistes seraient au gouvernement, peut-il à lui seul ouvrir une crise en Europe pour faire éclater l’euro tel qu’il est ? ou doit-il attendre une modification du rapport de force à l’échelle de la zone euro ? » (Sterdyniak, op. cit.).
  • [36]
    Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak, « Crise de la zone euro : les trois voies de sortie, OFCE, 18 mars 2013, Document de travail. Cf. des mêmes auteur.e.s, « Finances publiques, sorties de crise… », Revue de l’OFCE, vol. 116, 2011, n° 1, p. 17-60.
  • [37]
    Michel Foucault, « Structuralisme et poststructuralisme », Dits et écrits, tome IV, texte n° 330, p. 450-451.
  • [38]
    Michel de Certeau, « Histoire et structure », Recherches et débats, 1970, p. 168.
  • [39]
    Les quasi-monnaies émises par les Provinces argentines entre 1983 et 2003, « dont les plus importantes, bien menées, ont été couronnées de succès malgré une instabilité macroéconomique persistante au niveau de l’État fédéral national » – et les tax anticipations scrips émis aux États-Unis par de nombreuses grandes villes lors de la crise des années 1930. Cf. B. Théret, « Sortir de l’austérité en conservant l’euro grâce à des monnaies nationales complémentaires : une revue de littérature », op. cit.
  • [40]
    T. Coutrot, « À propos… », ibid.
  • [41]
    J.-M. Harribey (2015), « Discussion de la “monnaie complémentaire” dite “fiscale” », Les Possibles, n°8, automne.
  • [42]
    Ibid.
  • [43]
    F. Lordon, « Sortir de l’impasse européenne », Le Monde diplomatique, mars 2018.
  • [44]
    Ibid.
  • [45]
    Et, si nécessaire, en désobéissant. Cf. Aurélie Trouvé et Pierre Khalfa, « Rompre avec le néolibéralisme en désobéissant aux traités européens », Le Monde, 2 mars 2019.
  • [46]
    B. Théret, « Définanciariser ? », Gestion & Finances publiques, 2018, n° 2, p. 39-45.

Bibliographie

  • Gayon V., Lemoine B. (2010), « Argent public », Genèses, vol. 3, n° 80.
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  • En ligneLemoine B. (2016), L’ordre de la dette. Enquête sociologique sur le crédit de l’État, La Découverte, Paris.
  • Lemoine B. (2018), « Democracy and the political representation of investors: On French sovereign debt transactions and elections », in M. Lenglet (dir.), The Making of Finance: Conventions, Devices and Regulation, Routeledge, Londres.
  • Lordon F. (1997), Les quadratures de la politique économique, Albin Michel, Paris.
  • Lordon F. (2014), La malfaçon : monnaie européenne et souveraineté démocratique. Les liens qui libèrent, Paris.
  • Streeck W. (2014), Du temps acheté. La crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique, Gallimard, Paris.
  • Todd E. (1998), L’illusion économique, Gallimard, Paris.
  • Zelizer V. (2005), La signification sociale de l’argent, Seuil, Paris.
Benjamin Lemoine
CNRS, IRISSO Université Paris-Dauphine, Paris Sciences et Lettres (PSL)
Fabien Eloire
Université de Lille, Clersé
Mis en ligne sur Cairn.info le 28/05/2019
https://doi.org/10.3917/rfse.022.0151
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