Romain Delès, Quand on n’a « que » le diplôme... Les jeunes diplômés et l’insertion professionnelle, PUF, coll. « Éducation et société », Paris, 2018, 241 p.
1Si le vécu de la scolarité, de l’emploi ou du chômage a pu faire l’objet de nombreux travaux sociologiques, celui de la transition entre les études et la vie professionnelle avait été peu investigué jusqu’à présent. L’ouvrage de Romain Delès permet de combler ce manque. Issu d’une thèse [1] dirigée par François Dubet, cet ouvrage cherche en effet à cerner l’expérience professionnelle des jeunes diplômés à partir d’une enquête par entretien réalisée auprès d’une soixantaine d’entre eux. Pour cela, l’auteur a mené pendant deux ans un travail de terrain au sein d’une association d’aide à l’insertion des jeunes diplômés en mobilisant, dans la lignée inaugurée par Alain Touraine [2], la méthode de l’intervention sociologique qui consiste à croiser le regard des acteurs et les analyses du sociologue.
2Afin de saisir cette expérience et s’appuyant sur un cadre visiblement inspiré des « logiques sociales de l’intégration professionnelle » mises en évidence par Serge Paugam [3], R. Delès commence par présenter une typologie qu’il a élaborée en fonction de la proximité « objective » et « subjective » (fortes ou faibles) que les jeunes diplômés peuvent connaître à l’égard de l’insertion professionnelle. Si le croisement du critère de proximité « objective » – qui dépend de la capacité d’adaptation des jeunes au monde professionnel – et du critère de proximité « subjective » – lié cette fois à leur adhésion en la « croyance en la nécessité de s’insérer rapidement » (p. 45) – permet théoriquement de dessiner quatre types idéaux, l’auteur indique n’en avoir rencontré que trois ; chaque partie de l’ouvrage étant consacrée à leur description respective. Parallèlement à cela, et pour éclairer son analyse, l’auteur formule deux hypothèses pour expliquer les comportements des jeunes diplômés. La première d’entre elles renvoie à l’intériorisation d’un « idéal adéquationniste » entre la formation et l’emploi : réussite scolaire et réussite sociale iraient ainsi de pair dans les représentations et les aspirations à l’emploi des étudiants seraient liées à leur réussite scolaire. La seconde est celle de l’« évitement » : les jeunes concernés chercheraient à « mettre à distance l’objectif d’emploi » (p. 37) car il constituerait une épreuve sociale « décisive » sur le plan biographique et serait pour cette raison source de crainte ou de déni.
3À l’aune de ces hypothèses – qui concerneraient en fait différemment les étudiants – et s’appuyant sur les propos que ces derniers ont pu lui tenir, l’auteur décrit alors dans le détail les types idéaux d’expérience de l’insertion professionnelle qu’il a pu dégager.
4Le premier d’entre eux renvoie à celui de l’insertion prévisible. Il relèverait surtout d’étudiants ayant suivi des formations professionnalisantes courtes et liées à des emplois précis. L’expérience de l’insertion professionnelle de ces jeunes, qui apparaissent assez distants de la culture scolaire et donc de l’idéal adéquationniste, serait plutôt heureuse. Parce qu’ils ont été proches du monde professionnel durant leurs études, ceux-ci en viendraient en effet à se conformer « spontanément » aux modalités que réclame leur insertion professionnelle. « Le passage des études à l’emploi se fait sans rupture parce que les jeunes sont souvent préparés intellectuellement et pratiquement à entrer dans l’emploi » (p. 50). Mieux, pour ces jeunes « souvent en échec relatif dans leur scolarité secondaire générale » (p. 77), leur insertion professionnelle constituerait une « revanche » à l’égard des verdicts scolaires qu’ils ont pu connaître.
5Le type de l’insertion entravée concernerait quant à lui un public « majoritairement issu de formations supérieures générales et longues, le plus souvent, des filières littéraires » (p. 98). Partageant l’idée selon laquelle le diplôme constitue un sésame pour l’emploi, ces jeunes seraient en fait « acculturés aux logiques et aux raisonnements purement scolaires » (ibid.) et disposeraient en conséquence d’une culture en décalage avec les exigences du monde professionnel. Confrontés dans le cadre du processus d’insertion à un sentiment de frustration lié à l’écart entre le niveau de leur diplôme et sa rentabilité sur le marché du travail, ces jeunes seraient alors amenés à devoir « assum[er] les défauts et les insuffisances de leurs formations » (p. 115). Mais, adhérant au discours conventionnel de l’insertion professionnelle, ils chercheraient à « se mettre en conformité avec les attendus formels » (p. 99) qu’elle suppose et feraient donc face à « la nécessité de se déscolariser » (p. 119).
6Le type de l’insertion refusée concernerait enfin un public souvent issu de « formations littéraires ou artistiques […] qui réclament […] une grande autonomie intellectuelle » (p. 166). Tandis que les jeunes relevant des cas précédents adhéraient pour l’auteur au discours de l’insertion professionnelle et cherchaient à la favoriser, ceux de l’insertion refusée s’opposeraient assez largement aux injonctions à l’insertion qui proviennent des instances familiales et institutionnelles. En fait, à la sortie des études, la question vraiment pertinente ne serait pas tant, pour eux, celle de leur insertion professionnelle que de leur « réalisation ». Rejetant ou critiquant le travail « moralement condamnable » comme « les emplois qui évoquent des formes d’aliénation » (p. 166), ils concevraient d’abord le temps de sortie d’études comme « l’occasion de prolonger l’expérience des études et le développement personnel » (p. 177).
7À partir de cette analyse, R. Delès procède en filigrane à une critique relativement acerbe des formations les plus académiques de l’enseignement supérieur. Inoculant chez les jeunes le « venin du “plaisir d’apprendre” » (p. 178), ces formations participeraient en effet de leur difficulté d’insertion puisque la culture scolaire qui viendrait les imprégner ne correspondrait pas aux attentes pratiques qu’exige d’eux leur insertion professionnelle. Ainsi, contrairement aux jeunes qui sortent des filières professionnalisantes et chez qui il existerait une « certaine continuité entre leur habitus scolaire et les habitus professionnels » (p. 64) et une impatience manifestée à entrer dans l’emploi, chez les jeunes diplômés qui sortent des cursus les plus académiques, rien ne serait plus remarquable que « le conflit des logiques scolaire et professionnelle » (p. 211) et le refus ou l’évitement de l’insertion.
8Bien qu’elle soit alors inscrite dans la veine des multiples prises de position critiques quant à la capacité du système universitaire à favoriser l’insertion de ses étudiants, la thèse défendue par l’auteur dispose d’un caractère heuristique patent. À partir de quelques hypothèses et oppositions simples, celui-ci est en effet parvenu à développer une théorie économe et séduisante pour rendre compte de l’expérience de l’insertion professionnelle rencontrée par certains jeunes diplômés. La typologie des rapports à l’insertion apparaît notamment particulièrement bien adaptée au terrain sur lequel R. Delès a enquêté et se montre très efficace pour saisir les modalités d’insertion professionnelle dont il rend compte au fil de l’ouvrage. De plus, on relèvera que la défense de la thèse est assurée par une structure argumentative rigoureuse et claire, dans un style peu jargonnant, fluide, et donc agréable à lire.
9Il n’en reste pas moins vrai qu’un certain nombre d’éléments avancés prêtent à discussion. En se focalisant sur de jeunes diplômés ayant recours à une association d’aide à l’insertion, l’analyse de l’expérience de l’insertion professionnelle menée a, pour commencer, été amputée de nombreuses modalités. Associée à un « monde professionnel » réduit assez largement dans la perspective de l’auteur au « monde marchand », « l’insertion professionnelle » s’écarte des définitions qui l’identifient au processus d’accès à une « position stabilisée dans le système d’emploi » [4]. Pour R. Delès, « l’insertion professionnelle » renvoie en fait à la période de recherche d’un premier emploi stable après l’obtention du diplôme (p. 38) et son analyse traduit par conséquent le vécu de ces jeunes diplômés contraints de chercher un emploi sur le marché du travail. Exit donc les logiques d’insertion de ces jeunes qui, parce qu’ils disposent de diplômes particulièrement valorisés, sont recrutés ou repérés alors même qu’ils poursuivent leurs études supérieures. Exit aussi les logiques d’insertion des étudiants qui se destinent aux emplois auxquels on parvient par le biais de concours ou qui se destinent à des professions dont l’accès relève des organisations professionnelles les plus corporatistes. Exit enfin l’analyse du rapport à l’insertion qui se dessine chez les jeunes diplômés, une fois passé le stade de l’accès au premier emploi.
10La sévérité du « jugement » formulé à l’égard des formations les plus académiques – qui présenteraient des enseignements « repliés sur la logique scolaire » et offriraient en conséquence beaucoup de contraintes culturelles pour les jeunes diplômés et peu de ressources exploitables dans le « monde professionnel » – et les faveurs que reçoivent les filières professionnalisantes – qui favoriseraient quant à elles efficacement l’insertion professionnelle de leurs étudiants par leur participation au « processus de déscolarisation » (p. 211) – apparaissent alors excessives puisque reposant sur un cadre analytique où la notion d’« insertion professionnelle » tend à se confondre avec celle d’« employabilité » sur le marché du travail et où celle de « professionnalisation » renvoie in fine à l’intériorisation de compétences (immédiatement) convertibles sur le marché du travail. Partant, si l’analyse peut s’avérer pertinente pour décrire des situations d’« insertion » où la « logique professionnelle » est éloignée de la « logique scolaire », on peut se demander ce qu’elle vaut dès lors où ce n’est plus le cas. D’une certaine manière, l’antinomie puissante que présuppose l’auteur entre ces deux logiques apparaît particulièrement problématique puisque, n’étant pas réellement discutée, elle entre en contradiction avec les modalités effectives d’insertion professionnelle des jeunes qui visent des professions dont l’accès suppose préalablement un haut niveau de maîtrise de la culture scolaire.
11L’« accusation » portée à l’endroit des formations les plus académiques apparaît d’autant moins fondée qu’elle repose par ailleurs sur l’idée que le système d’enseignement supérieur porte l’essentiel de la responsabilité de l’expérience d’insertion vécue par les jeunes. Or, s’il semble difficile de nier que la voie de formation supérieure peut exercer un rôle sur le rapport que les jeunes diplômés peuvent nourrir vis-à-vis de leur insertion professionnelle, post hoc, ergo propter hoc, en faire la variable décisive occulte le fait que ce rapport comme les choix de voie de formation pour lesquels ces jeunes ont opté puissent être co-déterminés par d’autres variables et notamment par des variables idéologiques dont on sait qu’elles sont le plus souvent le produit d’une socialisation familiale.
12Enfin, les portraits-types d’expérience de l’insertion dressés interpellent d’un point de vue sociologique. Le modèle d’insertion prévisible, qui apparaît comme l’expérience la plus positive pour l’auteur, ne doit-il pas être associé à cette forme de « violence symbolique » [5] que connaissent les individus incapables de percevoir autrement que comme légitime la domination qui s’exerce sur eux ? Illusionnés par une sélection à l’entrée du cursus étudiant qui induit de leur part « une absence de mise en cause de leur formation dans leur échec d’insertion » (p. 65), croyant très majoritairement que « tout le monde peut réussir dans la vie s’il s’en donne les moyens » (p. 89) et disposant d’un « niveau d’aspiration [qui] ne semble pas dépasser leurs possibilités concrètes de s’insérer » (p. 67), ces jeunes ne pourraient-ils pas être les jouets d’une douce violence à laquelle ont pu participer les formations qu’ils ont suivies ? A contrario, le vécu des jeunes de l’« insertion refusée », qui semble particulièrement problématique pour l’auteur, ne relève-t-il pas d’une capacité à contester des emplois et conditions d’emplois entrant en contradiction avec des idéaux ou des objectifs non moins légitimes que ceux que leur impose le « monde professionnel » et donc d’une capacité de ces jeunes à travailler leur insertion professionnelle et leur future expérience professionnelle ?
13À cette aune, l’analyse développée par l’auteur ne peut alors que questionner. On peut se demander, notamment, si, par la méthode de recherche mobilisée, celui-ci n’en est pas venu à ériger l’expérience vécue de la recherche d’emploi de certains jeunes diplômés en critère de jugement des formations du supérieur et à « défendre » l’intérêt de formations qui, parfois, « consistent à apprendre aux étudiants à se vendre dans les meilleures conditions sur le marché du travail » [6] ou qu’on peut rapprocher, du point de vue de leurs fonctions objectives, de tous ces dispositifs qui concourent à la « préparation subjective des enfants des milieux populaires et des strates inférieures des classes moyennes à l’occupation des places subalternes offertes par le salariat » [7]. Si, comme le pense l’auteur, les formations du supérieur jouent un rôle clef dans la construction de l’expérience d’insertion des jeunes diplômés, alors il ne faut pas occulter tout ce qu’une expérience « heureuse » peut devoir aux enseignements dépourvus de toute perspective critique que peuvent délivrer certaines « formations professionnelles ». Par « nature », celles-ci ne sont-elles pas susceptibles de participer à la soumission des dominés en favorisant leur docilité ?
14David DESCAMPS
15Université de Lille, Clersé
Hugues Draelants et Xavier Dumay (dir.), Les écoles et leur réputation. L’identité des établissements en contexte de marché, De Boeck Supérieur, coll. « Ouvertures sociologiques », Louvain-la-Neuve, 2016, 272 p.
17Comment se construit l’identité organisationnelle des écoles et quelles sont les fonctions de cette identité dans un contexte de régulation marchande, où les « réputations » et les « statuts » jouent un rôle central ? Telles sont les deux questions qui forment le cœur et la trame de l’ouvrage dirigé par Hugues Draelants et Xavier Dumay.
18Fidèle à la promesse de son ancrage empirique annoncée en introduction, l’ouvrage réunit douze chapitres adossés à une ou plusieurs études de cas d’école, allant du niveau primaire à l’enseignement supérieur, et situées dans quatre pays (France, Belgique, Chili et Angleterre). Outre sa richesse empirique, la force de l’ouvrage réside dans son unité épistémologique : les différents auteurs partagent en effet une même approche « constructiviste et relationnelle, focalisant moins l’attention sur le contenu des identités que sur le processus de construction sociale des identités dans des espaces locaux d’interdépendances et dans un champ organisationnel » (p. 8).
19L’idée essentielle – bien que non explicitée comme telle – que l’on retient à la lecture de l’ensemble des contributions réside dans la puissance de la régulation marchande qui s’impose finalement aux organisations éducatives, quel que soit leur type. Trois séries de constats et d’analyses viennent étayer cet argument.
20En premier lieu, la fabrique de l’identité organisationnelle par les chefs d’établissement semble souvent contrariée par l’image qu’elle projette à ses publics, par le « statut » qu’elle occupe dans un espace éducatif hiérarchisé, bref en un mot par sa réputation. Le premier chapitre nous montre ainsi combien l’image élitiste d’une école secondaire belge vient contrecarrer les stratégies de ses chefs d’établissement successifs visant à la doter d’une nouvelle identité, a fortiori lorsque cette image externe coïncide avec les valeurs du corps enseignant. L’argument est solidifié dans le chapitre 3 où cette même école est comparée à une autre, qui souffre au contraire d’une image dégradée liée à sa localisation géographique ; or, dans les deux cas, les caractéristiques de l’environnement viennent contraindre les entreprises de (re)construction d’une autre identité. Le chapitre 4, à partir d’une étude de six écoles secondaires localisées dans une petite ville de Belgique, s’interroge sur la capacité de ces écoles à créer une « niche éducative ». Il montre de manière convaincante combien cette construction est doublement contrainte : par les identités catégorielles disponibles sur le marché scolaire (la distinction entre filières générales et filières technologiques constituant une catégorie particulièrement robuste), mais aussi par leur position statutaire. Le cas de l’émergence et de l’institutionnalisation du réseau des écoles islamiques en Belgique francophone (chapitre 8) éclaire d’une autre manière l’influence de la structure des marchés scolaires et des audiences externes sur l’identité organisationnelle. Ces écoles, bien que porteuses d’un projet éducatif distinctif, voire disruptif, réussissent leur inscription dans le paysage éducatif du fait qu’elles occupent un segment très particulier, limitant de facto leur comparaison avec les autres écoles. Leur réussite tient également à une forte demande qui ne justifie pas l’élaboration d’un projet d’établissement distinctif, leur identité catégorielle suffisant à assurer leur succès. Sur un tout autre sujet et dans l’enseignement supérieur français cette fois, les stratégies de présentation des écoles lors de « journées portes ouvertes » destinées à leurs publics potentiels (chapitre 12) se révèlent étroitement indexées à leurs statuts et niveaux d’attractivité respectifs ; alors que les institutions d’enseignement supérieur (IES) de statut élevé mobilisent volontiers des données chiffrées objectivant leur « excellence » [8], les IES de statuts intermédiaires et plus bas ont de leur côté recours à une rhétorique valorisant certaines de leurs qualités plus difficilement commensurables, telles que « l’accueil » ou « l’ambiance ».
21L’étude du rôle de l’État dans la régulation de la sphère scolaire constitue une seconde ligne d’investigation de l’ouvrage, qui souligne à nouveau la prégnance des logiques marchandes dans le secteur éducatif. Selon l’histoire la construction des systèmes nationaux, l’action étatique oscille entre deux directions opposées : soit elle introduit des mécanismes de régulation marchands sous-tendus par la doctrine du Nouveau Management Public, soit elle s’efforce au contraire d’atténuer les logiques marchandes et leurs effets pervers, en termes de reproduction sociale notamment. Dans les cas belge (chapitres 10 et 11) et chilien (chapitre 9), l’offre scolaire est pléthorique et diversifiée, et les familles disposent d’une grande liberté pour choisir l’école de leurs enfants. Afin de limiter la fragmentation du système, les autorités de la communauté belge francophone ont ainsi mis en place des systèmes d’évaluation externe standardisés (chapitre 10) ; la principale conclusion est que ces normes homogènes déstabilisent finalement peu les positions et catégories que ces écoles occupent sur leurs marchés respectifs. Si cette politique publique peut être considérée comme un instrument de régulation soft, les autorités belges et chiliennes ont toutes deux entrepris des réformes plus radicales, consistant à réguler les choix d’inscription. C’est ainsi que, depuis 2007 en Belgique, les parents d’élèves doivent se soumettre à une procédure standardisée qui les oblige à établir une liste de choix limités et hiérarchisés ; les auteurs identifient deux principales logiques d’adaptation à la réforme chez les parents : les calculateurs méthodiques et prudents, les inconditionnels de l’appariement personnalisé. Dans les deux cas, la réforme conduit paradoxalement à une « désingularisation » du bien éducatif, dont « la réputation deviendrait le principal critère de jugement à l’instar du rôle joué par les prix sur le marché classique » (p. 229). Pour le cas chilien, c’est le comportement des chefs d’établissement qui est analysé face à une nouvelle loi mise en place en 2009 qui interdit de pratiquer une sélection à partir de tests cognitifs. La résistance à l’ordre bureaucratique est ici encore plus frappante puisqu’en dépit de la loi, les pratiques d’admission sélective dans les écoles chiliennes perdurent. À l’inverse de ces politiques publiques qui visent – mais in fine échouent – à contrôler l’emprise des logiques marchandes sur les comportements des acteurs du système éducatif, l’État britannique soumet quant à lui les écoles primaires à des évaluations annuelles conduisant à la publication de classements et palmarès dans divers médias. Les conclusions auxquelles parviennent les auteurs concordent avec de précédents travaux sur la « réactivité » des acteurs aux classements [9] : il apparaît ici clairement que la stratégie des deux établissements étudiés consiste à (r)établir une consonance entre leur position dans le ranking et l’image qu’ils se font de leur école et qu’ils projettent à l’extérieur. Au total, les études de cas analysées dans ces différents chapitres soulignent l’échec des tentatives des États pour maîtriser les logiques marchandes, et réciproquement, l’efficacité des mécanismes étatiques qui introduisent une compétition entre les écoles.
22Le cas des écoles primaires en Grande-Bretagne (chapitre 5) est finalement l’illustration du troisième grand constat empirique déployé dans le livre, qui est celui de la puissance des « institutions marchandes » [10]. Cette performativité des instruments quantifiés d’évaluation de la qualité est bien mise en évidence par le chapitre 6, qui relate la manière dont des écoles supérieures de gestion françaises ont réagi après un premier échec à l’accréditation européenne EQUIS. Les trois écoles à l’étude ici renouvellent leur candidature à l’accréditation, et pour ce faire, mettent en place des changements organisationnels et identitaires radicaux – académisation, internationalisation, formalisation – leur permettant d’accéder à la labellisation. Le chapitre 7 montre quant à lui comment les chefs d’établissements appartenant à des segments disqualifiés se saisissent d’un projet d’« école citoyenne » pour en faire un label distinctif, permettant une « revalorisation symbolique » (p. 160) de leur établissement.
23Finalement, le principal mérite de l’ouvrage, par son travail autour de la dialectique identité-marché, réside certainement dans ses propositions théoriques importantes, notamment à l’égard des lectures néo-institutionnalistes. En premier lieu, les recherches originelles issues de ce courant théorique soulignaient les particularités des organisations scolaires et universitaires [11] qui aboutissaient à des « découplages » entre leur vitrine et leur fonctionnement réel. L’apport de cet ouvrage, sans pour autant négliger la description des pratiques et identités du corps enseignant, est de mettre en évidence la réactivité de ces organisations à leur environnement institutionnel, qui conduit dans certains cas à des changements internes d’ampleur. Les logiques marchandes de mise en compétition, d’introduction d’instruments d’évaluation de la performance – et la segmentation verticale qui en résulte – structurent indéniablement les recompositions internes de ces organisations. On pourra néanmoins regretter que les différents chapitres n’analysent pas suffisamment les mécanismes de cette réactivité : ici, les travaux de Michel Foucault auraient pu être mobilisés [12], pour éclairer « l’anxiété » de responsables universitaires, qui doivent, pour continuer d’être attractifs ou pour maintenir leur position statutaire dans un marché donné, se soumettre à ce « jeu » marchand. La seconde avancée du livre est de montrer la différenciation croissante du paysage scolaire et universitaire, là où les néo-institutionnalistes insistaient davantage sur l’isomorphisme du champ. Cette différenciation est à la fois horizontale (par le développement de « niches » scolaires) et verticale (par la construction de statuts distincts). On ne peut qu’adhérer à la thèse développée dans la conclusion de l’ouvrage selon laquelle « dans un contexte de marché, cela se traduit généralement par des priorités variables selon les établissements, source potentielle d’incohérence institutionnelle et de fragmentation des systèmes éducatifs » (p. 252). Il nous semble ici que l’argument aurait pu être poussé plus avant en soulignant que ce processus de fragmentation est accentué par la massification scolaire et la diversification croissante concomitante des publics des écoles et des universités. Par la recherche permanente d’ajustement entre leurs « qualités » et l’offre disponible, ces publics concourent à la fragmentation du paysage éducatif de deux manières : d’une part en stimulant la création de niches et, d’autre part, en contribuant à perturber les hiérarchies préexistantes entre les établissements, par le truchement d’opérateurs de classements eux-mêmes multiples [13].
24Au total, même si le livre porte davantage sur l’enseignement scolaire que sur l’enseignement supérieur (8 chapitres sur 12), et que les études de cas belges sont surreprésentées (7 chapitres sur 12), il constitue indéniablement un recueil d’études empiriques d’une grande richesse qui pourra alimenter utilement la réflexion des praticiens, étudiants et chercheurs dans le secteur éducatif.
25Stéphanie MIGNOT-GÉRARD
26Université Paris Est Créteil, IRG
Étienne Nouguez, Des médicaments à tout prix. Sociologie des génériques en France, Presses de Sciences Po, Paris, 2017, 298 p.
28Si les termes du débat autour de l’objet « médicament générique » – médicament qualitativement (principe actif) et quantitativement (dosage) équivalent au médicament original breveté – ont été posés depuis bien longtemps, le caractère clivant de celui-ci perdure, opposant en particulier deux positions qui semblent inconciliables. D’un côté, les médicaments génériques sont vus comme « un compromis entre les enjeux sanitaires, financiers et industriels », garantissant la protection de l’innovation sans négliger la sauvegarde des systèmes de santé et le développement de l’accès aux soins. De l’autre, la critique touche principalement à la qualité de ces produits, suivant la causalité « faible prix égale faible qualité », emmenant dans son sillage l’idée selon laquelle les prix élevés seraient la juste contrepartie devant le coût de la recherche.
29Dans cet ouvrage ciblé sur le cas français, Étienne Nouguez se propose de mettre en évidence la manière dont ces deux positions se sont opposées et s’opposent encore, depuis l’introduction des génériques sur le marché des médicaments. En effet, la consolidation de l’opposition aux génériques ne peut se comprendre sans son alter ego volontariste, c’est-à-dire l’ensemble des mécanismes et des acteurs ayant poussé dans le sens de leur introduction et de leur diffusion. Le médicament générique, libre de tout brevet, est-il un objet économique comme un autre, vecteur de concurrence par les prix ? Autour de ce questionnement central, l’auteur défend au contraire la thèse selon laquelle le développement des médicaments génériques tient plus d’une redéfinition des rapports de force entre les différents acteurs en présence, État compris, que du libre jeu de la concurrence par les prix.
30Au carrefour entre la théorie économique et de la sociologie, Des médicaments à tout prix navigue tour à tour entre des questionnements profondément ancrés dans chacune des deux disciplines. L’approche économique interroge la formation du marché, la confrontation de l’offre et de la demande du bien médicament, le prix et la concurrence ; tandis que la sociologie se concentre sur les jeux d’acteurs, les interactions entre eux et les rapports de force à l’œuvre. Mais, comme le laisse entendre le sous-titre de l’ouvrage, « Sociologie des génériques en France », la méthodologie employée emprunte principalement à l’enquête de terrain sociologique. Ceci est cohérent avec la thèse principale que défend l’auteur, à savoir que les éléments économiques sont moins déterminants que les intentions politiques et le rééquilibrage des rapports de force qui en découlent.
31Les analyses de l’auteur s’appuient sur deux types de matériaux : une « littérature grise », sorte de compilation documentaire regroupant des rapports publics, des documents de presses, thèses et autres ouvrages de professionnels du secteur ; et l’enquête de terrain déjà mentionnée mêlant observations directes (notamment du moment de la délivrance du médicament en pharmacie) et entretiens semi-directifs. Au total, ce sont plus de 150 entretiens qui ont été conduits auprès d’une variété d’acteurs : représentants des pouvoirs publics et institutions de santé, médecins, pharmaciens, patients, industriels du générique et syndicats professionnels des médecins et pharmaciens. L’ensemble de l’ouvrage s’applique à restituer des verbatim recueillis en entretiens, qui s’entremêlent régulièrement aux réflexions de l’auteur.
32La dimension géographique occupe également une place importante dans l’analyse. É. Nouguez souhaitait en effet lire la pénétration du médicament générique au prisme de l’hétérogénéité économique et sociale des espaces considérés, et il prend ainsi soin de distinguer Paris intra-muros, banlieue parisienne et espace rural. Un troisième matériau vient donc s’ajouter aux deux autres, des données de l’assurance maladie sur les taux de substitution de l’ensemble des départements métropolitains disponibles pour les millésimes 2005 et 2011, croisées à d’autres données caractérisant la population et l’offre de soins. Comme le laisse poindre l’utilisation des deux millésimes, un autre point fort de cet ouvrage réside dans sa chronologie : si son point de départ est celui de la thèse de doctorat de l’auteur (2004), son enrichissement s’est poursuivi bien au-delà, jusqu’à la publication du livre. Quoi de plus pertinent pour saisir un marché en constante évolution ?
33Le double ancrage disciplinaire se retrouve dans l’organisation de l’ouvrage. Ainsi, la première partie, centrée sur la mise en place du marché des génériques en France, suit un plan chronologique présentant le moment de la formation d’un intérêt politique pour la question, la création du marché, et son développement jusqu’à aujourd’hui. Les deuxième et troisième parties tirent ensuite le fil médicament, de sa fabrication jusqu’à sa consommation par les patients, en passant par la prescription médicale et la délivrance en pharmacie. Du côté de la fabrication – partie 2 – se trouvent les industriels du médicament générique et du médicament princeps ; ces derniers ayant été bousculés dans l’ordre concurrentiel jusque-là établi. L’auteur expose tour à tour les stratégies mises en place par les producteurs de génériques et les mécanismes d’adaptation par lesquels les fabricants de princeps ont répondu à ce nouveau type de concurrence. La troisième partie rend compte de la relation de soins dans son entièreté, revenant successivement sur le rapport des patients, des officines et des médecins aux médicaments génériques. Véritable aboutissement de la réflexion, le dernier chapitre du livre apporte un éclairage sur les voies de diffusion des génériques, entre villes et campagnes, ouvriers et cadres, territoires à l’offre de soins dense et différenciée ou peu dense et peu différenciée.
34Rentrons un peu plus en profondeur dans le contenu théorique auquel l’auteur fait appel. Le domaine de la santé a ceci de particulier qu’on ne peut pas y appliquer tel quel un modèle de marché où les fonctions d’offre et de demande seraient indépendantes l’une de l’autre. Au contraire, l’hypothèse de la demande induite formulée en 1974 par Evans [14] suppose qu’il existe des « effets d’offre » qui influencent la demande. Autrement dit, les offreurs de soins ont la capacité d’orienter la consommation des patients : « La demande induite correspond à la mesure dans laquelle un médecin peut recommander et imposer une prestation de service médical différente de celle que le patient choisirait s’il détenait la même information que lui [15]. » Le corollaire est que l’offreur de soins oriente potentiellement ses prescriptions en fonction des incitations financières qu’il reçoit. Si initialement seuls les médecins sont considérés dans cette théorie, la latitude laissée aux pharmaciens dans le processus de substitution des médicaments génériques à la place des médicaments princeps fait naître une seconde source d’induction de la demande, elle-même pouvant être déterminée par les incitations financières que reçoit le pharmacien remplissant les standards de substitution définis par l’Assurance Maladie [16].
35Ce contenu théorique introduit parfaitement l’argumentaire que développe É. Nouguez. Selon lui, le marché des médicaments en France a été profondément bouleversé par l’introduction des génériques, en concurrence directe avec les médicaments originaux. En amenant une dose de concurrence par les prix là où la différenciation par la qualité jouait à plein, une nouvelle architecture s’est mise en place, apposant au marché initial un second marché constitué selon des fondements différents. Derrière cette segmentation nouvelle du marché se trouvent en effet deux systèmes de valeurs diamétralement opposés, leur opposition résumant à elle seule la manière dont génériques et princeps se font concurrence. Si le premier système obéit à une logique hiérarchique où acteurs comme produits s’ordonnent respectivement selon leur statut et leur qualité, le second est au contraire guidé par l’équivalence des acteurs et des produits.
36Le rôle de l’État dans cette nouvelle organisation du marché des médicaments est central : s’il est au cœur de la modification des rapports de force en présence dont il ressort renforcé, la répartition du contrôle s’en trouve elle aussi profondément modifiée. En réalité, pour l’auteur, il s’agit bel et bien de la création ex nihilo d’un deuxième marché, en réponse à l’absence de contrôle de l’État sur celui des médicaments originaux, qu’explique en partie le caractère libéral de la médecine française. Sur le marché des princeps régi par l’ordonnancement hiérarchique, le couple contrôlant est constitué du duo « industriel princeps-médecin » tandis qu’il s’agit du binôme « industriel générique-pharmacien » sur le marché des génériques. On retrouve ici des éléments que laissait supposer la théorie de la demande induite et la question des incitations financières qui l’accompagne : sur le marché des princeps, les industriels orientent les prescriptions des médecins par leurs campagnes marketing, et leurs réseaux de visiteurs médicaux. À l’inverse, sur le marché des génériques, les industriels déploient davantage leurs efforts vers les pharmaciens réalisant l’opération de substitution. Naturellement, l’État n’est pas neutre et réalise lui aussi sa part d’induction de la demande, notamment via la mesure « tiers payant contre générique ».
37En plus de ces incitations à l’initiative des pouvoirs publics, l’auteur identifie trois types de caractéristiques susceptibles d’influencer la diffusion des médicaments génériques : celles des médicaments eux-mêmes (parmi lesquels le degré de similarité entre princeps et générique, l’écart de prix, etc.), celles relatives aux patients (contrainte budgétaire, type de maladie traitée), et enfin celles des professionnels de santé (dont le statut). En définitive, les génériques ont suivi un mouvement des campagnes vers les villes, des départements à faibles inégalités de revenus (dominante ouvrière et agricole) vers ceux à plus fortes inégalités (dominante de cadres et professions intermédiaires), des zones à faible densité et faible différenciation (plus grande proportion de médecins généralistes) de soins vers son opposé. En somme : « Les génériques se sont diffusés par les franges “dominées” du champ des professionnels de santé et de celui des consommateurs avant de gagner progressivement et imparfaitement le cœur “dominant”. »
38Si l’on comprend vite que la diffusion des médicaments génériques en France est inégale, É. Nouguez montre aussi qu’elle est somme toute limitée. Une première partie de l’explication, même si elle peut paraître relativement simpliste à première vue, réside dans la défiance persistante de certains patients et professionnels vis-à-vis des médicaments génériques. Ceci étant énoncé, l’auteur se tourne assez rapidement vers un déterminant plus complexe emprunté à Pierre Bourdieu, celui de l’« homologie structurale ». Suivant cette approche, les médicaments et industriels génériques, les pharmaciens et les patients des classes populaires présentent respectivement leurs symétriques que sont les médicaments et industriels princeps, les médecins spécialistes et les patients de classes aisées ; chaque système fonctionnant prioritairement avec les autres composantes de son système.
39À cette bipolarisation du marché des médicaments s’est superposée une double logique de prix, posant in fine, comme le fait l’auteur, la question d’une médecine à deux vitesses. Si les médicaments à prix élevés et/ou innovants sont surtout prescrits par les médecins spécialistes et bénéficient davantage aux populations aisées, la continuelle augmentation des prix risque à terme de mettre en péril l’ensemble du système de protection sociale, d’autant qu’elle entretient une pression additionnelle sur le répertoire que maîtrise effectivement l’État.
40En fin de compte, É. Nouguez nous offre la possibilité de prolonger notre réflexion personnelle sur « le juste prix » de la santé, tout en insistant sur le fait que la référence aux lois du marché est trop souvent employée pour détourner le regard de rapports sociaux et de jeux d’influence, notamment financiers, bien réels.
41Maé GEYMOND
42Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Centre d’Économie de la Sorbonne
Eveline Baumann, Sénégal, le travail dans tous ses états, Presses universitaires de Rennes-IRD, coll. « Économie et société », Rennes, 2016, 354 p.
44Depuis longtemps, le Sénégal est un terrain d’étude, de diagnostic et d’analyse de la situation socio-économique et politique africaine. Cet intérêt résulte en partie de la stabilité sociopolitique, assez exceptionnelle, de ce pays. Parmi les nombreux ouvrages consacrés à l’économie sénégalaise, celui que nous livre ici Eveline Baumann se distingue nettement à de nombreux égards. Loin des clichés et des ouvrages programmatiques parfois peu étayés, l’auteure nous livre en effet une étude très minutieuse et détaillée – une véritable recherche de terrain – de la situation sociale et économique du pays, fondée sur une connaissance approfondie du territoire, une collecte documentaire fouillée et des enquêtes conduites auprès de nombreux acteurs permettant de fournir tout au long de l’ouvrage des illustrations pertinentes. Pour ceux, Sénégalais ou pas, qui connaissent ce pays ou plus globalement l’Afrique au sud du Sahara, les extraits d’entretiens feront sans nul doute écho à des situations vécues ou observées. À cet égard, l’un des grands intérêts de cet ouvrage est également de proposer une véritable approche socio-économique de ce pays : l’approche pluridisciplinaire est assumée, l’enquête qualitative et l’observation viennent à l’appui des statistiques, la macroéconomie est toujours associée à des situations réellement vécues par les acteurs. Enfin, l’entrée par le travail se révèle particulièrement pertinente car toutes les contradictions et les dynamiques économiques du continent africain façonnent les modalités de l’emploi (formel, informel, urbain, rural, familial…).
45Pour les différentes raisons que je viens d’évoquer, il me semble que l’ouvrage proposé par Eveline Baumann apporte une contribution inédite et remarquable dans le domaine des politiques de développement au Sénégal. Il serait souhaitable qu’il s’impose comme une référence pour tous les décideurs économiques et politiques de ce pays car il ne se contente pas d’expliquer les difficultés et les enjeux du monde du travail mais il est, au-delà, un véritable canevas d’orientation de politique publique. Plusieurs enseignements clés se dégagent en effet. Le premier est un plaidoyer pour un réinvestissement de l’État dans un projet sociétal cohérent de long terme plutôt qu’une succession et une superposition de mesures ponctuelles. Or l’auteure met précisément en évidence le fait que les politiques publiques au Sénégal ont continué d’être, malgré les alternances politiques, fondées sur la réponse dans l’urgence à des soubresauts sociaux, sans articulation ni cohésion d’ensemble. Le manque de volonté politique et de signaux clairs de l’État en faveur de tel ou tel secteur demeure la règle.
46Plusieurs pistes de réorientation sont ainsi présentées tout au long de l’ouvrage, contrastant avec la réalité des décisions publiques des vingt dernières années. Pour ne citer que quelques exemples, le tourisme devrait enfin devenir une priorité de l’action publique au-delà des annonces régulières non suivies d’effets en termes de développement des infrastructures. Les technologies liées à la téléphonie mobile et à Internet sont également au cœur de la position stratégique du Sénégal, où passent les fibres optiques reliant l’Europe et l’Amérique latine, mais cela n’a pas débouché sur la promotion d’un secteur de petites unités de services informatiques. Le secteur primaire est pour sa part toujours délaissé malgré plusieurs décennies d’annonces de promotion. L’auteure insiste sur l’absence d’initiatives de long terme en faveur d’activités de transformation qui permettraient non seulement de pourvoir aux besoins alimentaires d’une population en difficulté mais également de créer des emplois pérennes en lieu et place des « petits boulots » précaires de l’économie informelle. Dans les secteurs sociaux également, l’auteure décrit les lacunes des décisions publiques, à commencer par l’éducation où la focalisation sur l’enseignement de base ne suffit pas dans la mesure où la formation technique et professionnelle n’est pas valorisée pour fournir des métiers à la grande majorité de la jeunesse sénégalaise. Le champ de la santé et de la protection sociale est, quant à lui, particulièrement soumis aux urgences du moment, aux échéances électorales et aux préconisations des experts internationaux. Pourtant, comme le souligne l’auteure, la promotion de la protection de tous est essentiellement une question politique, donc un choix que doivent assumer les pouvoirs publics.
47Au bout de ce tour d’horizon, le lecteur sera frappé par l’écart entre les faibles avancées, méticuleusement analysées par l’auteure, et les propositions de celle-ci en matière de politiques économiques et sociales. D’une certaine façon, c’est par ce contraste que l’argument en faveur d’un véritable projet politique porté par les pouvoirs publics est le mieux soutenu. En effet, la volonté de l’élite politique de donner au pays l’image d’une nation moderne (p. 292) contribue grandement au caractère incohérent des politiques publiques dans la mesure où une confusion est faite entre politique publique cohérente de long terme et adhésion aux préconisations internationales.
48Ce constat d’échec contraste également avec la notion d’émergence, et plus précisément avec le Plan Sénégal Émergent (PSE), évoqués par l’auteure à certains endroits de l’ouvrage mais ne constituant pas le cœur de celui-ci. En effet, ce terme d’émergence, « tristement galvaudé », pour reprendre l’expression de l’auteure dans sa conclusion générale (p. 307), est pourtant devenu un mot clé des politiques publiques, avec le lancement du PSE en 2014. Si, en soi, un plan d’émergence peut tout à fait offrir des perspectives intéressantes, il me semble que l’ouvrage d’Eveline Baumann illustre précisément, de façon implicite, ce que ne devrait pas être le PSE. Pour étayer cette idée, il faut rappeler qu’à l’instar d’un nombre croissant de pays africains, le Sénégal est récemment entré dans l’ère de l’émergence tant sur le plan rhétorique que sur celui des politiques publiques, après des décennies de politiques dites de développement puis de lutte contre la pauvreté. Le Plan Sénégal Émergent (PSE), lancé par l’État sénégalais sous la présidence de Macky Sall en 2014 avec un objectif de long terme fixé en 2035, marque le début officiel de ce mouvement même si, en réalité, la notion d’émergence avait déjà été mobilisée par l’ancien président Aboulaye Wade (et même initiée encore précédemment par Abou Diouf) avec de grands travaux d’infrastructures. Le Sénégal rejoint alors les pays à faible revenu qui se proclament comme les futurs pôles d’attractivité internationale.
49Derrière la rhétorique de l’émergence, qui illustre bien la volonté de l’élite politique de se conformer à la terminologie internationale, la question de la soutenabilité tant environnementale, sociale que financière du PSE se pose avec acuité. En effet, ce dernier semble en réalité principalement orienté vers des travaux d’infrastructures dont l’utilité socio-économique peut laisser sceptique. Ainsi, les projets les plus souvent brandis comme des démonstrations de l’émergence en marche semblent en même temps éloignés des préoccupations quotidiennes des populations telles que se nourrir, se loger, accéder aux soins et aux médicaments. À titre d’exemple, on peut citer l’autoroute reliant la capitale à Touba, ville de pèlerinage, qui sera payante en cinq endroits, excluant de fait des usages réguliers, en dehors du pèlerinage annuel. L’arène nationale des combats de lutte, le centre international de conférences Abdou Diouf, le complexe sportif Dakar Arena, le Train express régional qui relie la capitale à l’aéroport Blaise Diagne, constituent d’autres illustrations de chantiers à faible impact social et dont le budget aurait pu être mobilisé pour relever le défi de l’éducation en créant des classes supplémentaires, en renforçant les équipements des hôpitaux, la formation et la rémunération des personnels de santé.
50Le PSE offre ainsi un exemple emblématique de la double face des programmes d’émergence pour les gouvernements africains et dont le Sénégal ne constitue ainsi qu’une illustration parmi d’autres. D’un côté, il s’agit d’être en phase avec les injonctions à l’extraversion et à la mondialisation économique, ce qui entraîne une phraséologie et des mesures visant à gagner des lettres de noblesse dans le paradigme de l’émergence. L’accent mis par les gouvernements sénégalais sur les places gagnées par le pays dans le classement Doing Business est révélateur de cette motivation. En somme, les nouveaux modèles sont cherchés en Asie et en Amérique latine et l’on se trouve dans une simple stratégie de conformité. On peut alors s’interroger sur la soutenabilité d’une telle approche et même sur sa capacité à tirer le pays vers une croissance « inclusive » à long terme. D’un autre côté, la realpolitik oblige les gouvernements à prendre en compte de façon ponctuelle et ciblée, à travers des décisions relayées par les médias, les tensions très fortes dont sont victimes les populations et les revendications qui s’ensuivent à travers les grèves et manifestations : populations pauvres d’abord, avec leur lot de conditions de vie précaires, d’accès très limité aux soins et à la sécurité sanitaire, d’exposition aux risques environnementaux ; ménages des classes moyennes également, qui prennent conscience des liens entre urbanisation galopante et impréparée par les pouvoirs publics depuis 30 ans, avec des conséquences catastrophiques sur la santé publique et l’environnement immédiat.
51Si l’ouvrage d’Eveline Baumann n’analyse pas à proprement parler le PSE et ne situe pas explicitement son travail dans le champ du développement durable, sa lecture donne néanmoins des orientations très stimulantes pour un sentier de développement soutenable qui se démarquerait clairement des choix retenus par les décideurs politiques sénégalais depuis une vingtaine d’années.
52Bruno BOIDIN
53Université de Lille, Clersé
Philippe Van Parijs et Yannick Vanderborght, Basic Income. A Radical Proposal for a Free Society and a Sane Economy, Harvard University Press, Cambridge MA/Londres, 2017, 384 p.
55Les deux chercheurs belges Philippe Van Parijs et Yannick Vanderborght, le premier philosophe de l’Université catholique de Louvain et le second politiste de l’Université Saint-Louis à Bruxelles signent un nouvel ouvrage sur le revenu de base, qui reprend, actualise et développe en fait une précédente introduction à L’allocation universelle publiée en 2005 [17].
56Face aux défis majeurs posés par l’accroissement des inégalités, l’automatisation du travail et la crise écologique, ils proposent une solution radicale : la création d’un revenu de base inconditionnel. Les trois piliers d’un tel revenu de base sont rappelés : l’individualité, l’universalité et l’inconditionnalité. C’est sur ces derniers que pourrait reposer l’édification d’un « État-providence actif », une alternative à l’activation des dépenses sociales à travers la levée des freins comme le chômage (puisque le revenu de base encourage la réduction du temps de travail, donc le partage du travail) ou les trappes à inactivité (puisque le revenu de base est cumulable) et l’empowerment des personnes grâce au développement de leurs capacités en matière d’éducation et de formation. Le revenu de base est ainsi défini comme « un revenu monétaire régulier versé à tous, sur une base individuelle, sans condition de ressources ou d’emploi », qu’ils distinguent de versions proches comme : la dotation de base, simple capital de départ ; l’impôt négatif, revenu dégressif selon le niveau de ressources ; le crédit d’impôt sur les revenus du travail, revenu de complément pour les travailleurs pauvres ; les subventions à l’emploi, une aide à l’emploi versée aux entreprises ; l’emploi garanti avec un État comme employeur en dernière instance ; ou la réduction du temps de travail, organisation imposée par l’État.
57Bien qu’engagé, prétendant constituer une alternative au socialisme comme au néolibéralisme, leur ouvrage ne constitue pas un manifeste mais plutôt une synthèse critique interdisciplinaire, très documentée (avec pas moins de 74 pages de notes et 47 pages de bibliographie !), de l’ensemble des productions sur le sujet au niveau international. Basic Income fait ainsi le tour complet de la question en étudiant tour à tour l’histoire du revenu de base, son éthique, sa soutenabilité financières, son acceptabilité politique et sa faisabilité dans un monde devenu global, tout en clarifiant les principaux enjeux et débats qu’une telle proposition suscite.
58L’origine du revenu de base est située dans une controverse au sein du radicalisme britannique opposant, à la toute fin du xviiie siècle, la dotation en capital de Thomas Paine au revenu de base de Thomas Spence. La question agraire est alors désignée comme la principale source des inégalités, la distribution de la propriété étant jugée injuste. À la solution corrective et bourgeoise de T. Paine qui propose d’instaurer un impôt foncier, T. Spence oppose une réforme agraire redistribuant les terres au bénéfice du peuple. Mais la première formulation aboutie d’un revenu de base revient au fouriérisme et plus particulièrement au Belge Joseph Charlier dans sa Solution du Problème social parue en 1848, la même année que le Manifeste du Parti communiste de Karl Marx et Friedrich Engels. Le revenu de base ne quitte cependant les utopies rurales pour la société industrielle qu’après la Première Guerre mondiale sous la plume d’ingénieurs britanniques, comme Dennis Milner et son épouse Mabel préoccupés de la reconstruction ou le théoricien de la sous-consommation Clifford H. Douglas. Tous les courants politiques s’y intéressent, du socialisme de guilde de George D.H. Douglas au libertarisme de Milton Friedman, en passant par le keynésianisme de James Meade ou de James Tobin, ce dernier inspirant le candidat démocrate George McGovern qui inscrit le revenu de base dans son programme à l’élection présidentielle de 1972, tandis que plusieurs expérimentations de l’impôt négatif sont organisées aux États-Unis. Le débat américain trouve un écho dans quelques rapports en Europe dans les années 1970, mais ce n’est qu’en 1986 qu’est créé le premier réseau dédié au revenu de base, le Basic Income European Network (European étant devenu Earth depuis 2004), influencé en particulier par les thèses de P. Van Parijs sur l’éthique économique.
59Ces considérations sur la définition d’une société juste sont reprises dans Basic Income. Partant de la distinction marxiste entre liberté formelle et liberté réelle, les auteurs assignent au revenu de base la finalité d’instituer une « liberté réelle pour tous », matrice d’un « réal-libertarisme » ou d’une « route capitaliste vers le communisme ». La propriété privée est conservée, mais le revenu de base joue un rôle régulateur visant à assurer à chacun la liberté de choisir sa « vie bonne ». La proposition est ensuite mise en discussion avec d’autres théories de la justice issues du courant libéral-égalitariste, comme celles de John Rawls, Ronald Dworkin ou Amartya Sen.
60Que la proposition du revenu de base soit appuyée sur une solide justification philosophique ne suffit cependant pas. Basic Income explore sa praticabilité. Sur le montant idéal du revenu de base, P. Van Parijs et Y. Vanderborght avancent l’idée qu’il se situe à hauteur de 25 % du PIB, ce qui représenterait en France une somme d’environ 750 € par mois et par personne, nonobstant les éventuelles modulations dues à l’âge des allocataires. L’ouvrage balaie l’ensemble des modes de financement envisageables du revenu de base : le remplacement de certaines prestations sociales ou exonérations fiscales, l’impôt (revenus du capital, patrimoine, sociétés, héritages, etc.), les écotaxes, la création monétaire, la taxe sur les transactions financières, la taxe sur la consommation. Il aborde également la question des échelles et pointe le double risque, pour un revenu de base au niveau national, d’appel d’air pour les bénéficiaires et de fuite des contributeurs fiscaux. La solution serait à l’échelle supranationale et tout particulièrement européenne, où un « eurodividende », d’un montant moyen de 200 € modulé selon le pouvoir d’achat moyen dans les États membres, pourrait être mis en place.
61Reste à trancher la question stratégique. Si les promoteurs du revenu de base se rencontrent dans l’ensemble des courants politiques et des causes portées par la société civile, ils restent souvent marginaux. Les forces de la société industrielle y sont même réticentes, à l’instar des syndicats qui craignent une suppression des autres transferts sociaux, une baisse des salaires, une remise en cause de leur rôle et, plus en profondeur, que cela contrarie les intérêts de leurs membres, les insiders aux emplois stables et aux salaires décents. Ses principaux soutiens se retrouvent davantage dans les nouveaux mouvements sociaux, comme les associations de chômeurs, ou dans les partis écologistes.
62La question stratégique n’est dès lors pas évitée. Alors que les expérimentations ou leurs projets se multiplient, aussi bien dans les pays du Sud – Inde, Namibie, Kenya… – que dans les pays du Nord – Finlande, Pays-Bas, Canada… –, P. Van Parijs et Y. Vanderborght émettent plusieurs réserves. Scientifiques d’abord car les expérimentations ont une durée limitée, les contributeurs nets en sont exclus et leur échelle est réduite par rapport au marché du travail. Politiques ensuite, car si les expérimentations permettent de médiatiser le revenu de base, elles peuvent aussi le discréditer si elles sont mal conçues. Les modèles économétriques permettent de résoudre les problèmes des expérimentations sur leur durée limitée et l’exclusion des contributeurs nets, mais ils ne renseignent pas sur les effets comportementaux du revenu de base.
63Les auteurs prônent donc l’introduction d’un revenu de base sans passer par une phase expérimentale, quitte pour cela, soit à l’établir à un montant modeste au départ, voire à y adosser des contreparties, soit à ce qu’il prenne plutôt la forme d’un impôt négatif pour atténuer son impact fiscal. Le revenu de base a en tout cas besoin de trois catégories d’acteurs pour passer de l’utopie à la réalité : les visionnaires qui dessinent l’horizon, les militants qui font partager leur indignation et les bricoleurs qui crédibilisent les réformes et saisissent les opportunités de les faire adopter.
64Au total, cet ouvrage est à la fois éclairant et inspirant, alors qu’en France plusieurs départements emmenés par la Gironde proposent à l’État d’expérimenter le revenu de base dans une version proche de l’impôt négatif. Ce projet d’expérimentation, fondé sur des micro-simulations de l’Institut des Politiques Publiques [18], a pour principaux avantages de crédibiliser le revenu de base, d’entretenir le débat public et, à travers la mise en exergue de l’inconditionnalité, de porter une vision humaniste des politiques sociales à rebours du déploiement des politiques d’activation des dépenses sociales. Parallèlement au débat ouvert par Benoît Hamon lors de l’élection présidentielle de 2017, cela témoigne, d’une part du « rattrapage » de la question sociale dans le débat public, d’autre part du rôle acquis par les territoires dans l’impulsion de nouvelles politiques publiques dans un pays encore marqué par la culture politique de la généralité. Alors que le vieux monde est mort, le revenu de base est incontestablement l’une des utopies à expérimenter du nouveau monde qui tarde à naître.
65Timothée DUVERGER
66Sciences Po Bordeaux, Centre Émile Durkheim
Notes
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[1]
Romain Delès (2015), Quand on n’a « que » BAC+3… : les étudiants et l’insertion professionnelle, thèse présentée pour obtenir le grade de docteur en sociologie de l’Université de Bordeaux, soutenue le 24 septembre 2015.
-
[2]
Alain Touraine (1978), La Voix et le Regard, Seuil, Paris.
-
[3]
À partir du rapport, satisfaisant ou insatisfaisant, que les salariés peuvent avoir à l’égard de leur travail et de la stabilité (ou au contraire de l’instabilité) qui caractérise leur emploi, S. Paugam considère qu’on peut distinguer quatre types d’insertion professionnelle. (Serge Paugam (2007), Le salarié de la précarité. Les nouvelles formes de l’intégration professionnelle, Presses universitaires de France, Paris).
-
[4]
Michel Vernières (1993), Formation emploi, enjeu économique et social, Cujas, Paris, p. 94.
-
[5]
Pierre Bourdieu (1994), Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action, Seuil, Paris, p. 188.
-
[6]
Nicolas Oblin, Patrick Vassort (2005), La crise de l’université française. Traité critique contre une politique de l’anéantissement, L’Harmattan, coll. « Logiques sociales », Paris, p. 127.
-
[7]
Sabine Rozier (2014), « Ordre scolaire et ordre économique: Conditions d’appropriation et d’usage des “mini-entreprises” dans des établissements scolaires français », Politix, 105, p. 163-184, p. 184.
-
[8]
Catherine Paradeise et Jean-Claude Thoenig (2013), « Academic Institutions in Search of Quality: Local Orders and Global Standards», Organization Studies, vol. 34, n° 2, p. 189-218.
-
[9]
Wendy Nelson Espander et Michael Sauder (2007), « Rankings and Reactivity: How Public Measures Recreate Social Worlds », American Journal of Sociology, vol. 113, n° 1, p. 1-40.
-
[10]
Pierre François (2011), Vie et mort des institutions marchandes, Presses de Sciences Po, Paris.
-
[11]
Karl E. Weick (1976), « Educational Organizations as Loosely Coupled Systems », Administrative Science Quarterly, vol. 21, n° 1, p. 1-19 ; John W. Meyer, Brian Rowan (1977), « Institutionalized Organizations: Formal Structure as Myth and Ceremony ». American Journal of Sociology, vol. 96, p. 340-363.
-
[12]
Notamment Michel Foucault (1975), Surveiller et punir. Naissance de la prison, Gallimard, Paris.
-
[13]
Stéphanie Mignot-Gérard et François Sarfati (2015), « Dispositif de jugement de la qualité ou instrument de construction de la réputation ? Le cas d’un classement universitaire », Terrains & travaux, n° 26, p. 167-185.
-
[14]
Robert Evans (1974), « Supplier-Induced Demand: Some Empirical Evidence and Implications », in Mark Perlman (ed.), The Economics of Health and Medical Care, Wiley and Sons, New York, p. 163-173.
-
[15]
Lise Rochaix et Stéphane Jacobzone (1997), « L’hypothèse de demande induite : un bilan économique », Économie & prévision, n° 129-130, p. 25-36.
-
[16]
Il est fait référence ici à la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), dont le montant global est négocié périodiquement entre les syndicats représentatifs des pharmaciens et les pouvoirs publics. Les pharmacies respectant le taux cible national de substitution se voient rémunérées en fonction.
-
[17]
Philippe Van Parijs et Yannick Vanderborght (2005), L’allocation universelle, La Découverte, Paris.
-
[18]
Mahdi Ben Jelloul, Antoine Bozio, Sophie Cottet, Brice Fabre et Claire Leroy (2018), Revenu de base – Simulations en vue d’une expérimentation, Rapport IPP, n° 18.