1 Au premier semestre 2008 paraissait le numéro 1 de la Revue française de socio-économie. L’émergence de ce nouvel espace d’expression scientifique répondait alors au besoin de créer les conditions d’un dialogue fructueux, au sein des sciences sociales, autour des grandes questions économiques contemporaines. Après dix années d’existence, et vingt numéros parus, le pari semble bien avoir été gagné. Non seulement la RFSE a pleinement trouvé sa place au sein du paysage scientifique français, mais en plus, elle se situe effectivement au carrefour des sciences sociales de l’économie.
2 Dans leur éditorial inaugural, Bernard Convert, Florence Jany-Catrice et Richard Sobel [2008] avaient décidé de « prouver le mouvement en marchant » et de « ne pas attendre d’avoir précisément défini ce qu’est la “socio-économie” pour lancer la revue du même nom ». Ainsi, ils prenaient, disaient-ils, le risque qu’on qualifie leur posture d’audacieuse ou de désinvolte. Avec le recul, l’évolution de la revue leur donne raison ! En dix ans, c’est l’audace qui a payé : jamais il n’a manqué d’articles pour remplir les vingt numéros, jamais il n’a manqué d’idées de dossiers thématiques, jamais il n’a manqué de sujets éditoriaux, jamais il n’a manqué de comptes rendus pour animer les rubriques « livres » et « thèses soutenues ».
1 – Quelle pluridisciplinarité pour la socio-économie ?
3 En 2008, la RFSE se voulait « le support d’un domaine scientifique mixte, aux frontières encore à établir et dont la dénomination même est problématique ». En 2018, la revue a publié [1] 173 articles [2] dans des dossiers thématiques [3] ou en hors-dossier, auxquels viennent s’ajouter 4 articles primés dans le cadre du Prix des Doctoriales du GDR économie et sociologie-RFSE, et 15 articles dans le cadre du numéro RFSE hors série (en 2015). Ces numéros ont été enrichis de 39 notes critiques, 20 éditoriaux, 5 « notes & synthèses de recherche », plusieurs « débats & controverses » et des entretiens avec des grandes figures de la socio-économie. Cette production donne à voir le dynamisme du champ de la socio-économie et sa profonde pluridisciplinarité.
4 Lorsque l’on s’intéresse aux disciplines de rattachement des 327 auteurs qui ont publié, depuis dix ans, un article [4] dans la RFSE, on constate un équilibre quasi parfait entre les économistes, qui représentent 43 % des auteurs, et les sociologues, qui en représentent 39 %. D’autres disciplines des sciences sociales occupent, elles aussi, une place non négligeable dans la revue, soit 18 %, notamment les sciences politiques (18 auteurs), la gestion (11) ou encore l’histoire (6). Cette pluridisciplinarité se retrouve aussi, d’une part, chez les nombreux rapporteurs, près de trois cents, que nous avons sollicités depuis 2008 [5] ; et d’autre part, dans la composition du comité de rédaction qui, outre qu’il respecte la parité homme-femme, respecte aussi la parité entre économistes et sociologues et la pluridisciplinarité grâce à la présence de collègues politiste, historien et gestionnaire. C’est justement cette diversité qui permet des discussions nourries, en réunion de comité, où sont examinés les articles, à l’aune de leur contribution à la socio-économie en train de se faire.
2 – Une nouvelle direction, une même ambition
5 Depuis les débuts de l’aventure, le comité éditorial a connu de nombreux mouvements d’entrées et de sorties [6], ce qui est le signe d’un véritable dynamisme. L’équipe s’est profondément renouvelée avec comme dernier changement en date le départ de la direction, en septembre 2017, de Bernard Convert, Florence Jany-Catrice et Richard Sobel. Alors qu’une nouvelle direction se met en place, la RFSE entend bien garder son identité de revue généraliste [7], au fonctionnement collégial [8], respectueuse du pluralisme et engagée dans le débat scientifique. Elle compte aussi continuer à défendre l’exigence scientifique et la démarche des sciences sociales, les deux valeurs qui fondent son projet éditorial pour prolonger la définition suggérée par ses fondateurs : « offrir sous le terme générique de “socio-économie”, un support à toute démarche scientifique qui refuse de couper les phénomènes économiques de leur environnement social et politique ». La prise en compte de cet aspect continuera d’imprégner chacune des décisions du comité.
6 Un autre élément essentiel de l’identité de la RFSE est sa langue, puisque tous les articles qu’elle publie le sont en français. La RFSE a, à plusieurs reprises, traduit des textes de l’anglais ou de l’espagnol. Parmi ses auteurs, elle compte 10 % de collègues étrangers, parmi lesquels des Belges, Suisses, Canadiens, mais aussi des Américains et Sud-Américains. Consciente de l’importance des enjeux d’internationalisation et soucieuse de développer cette dimension, la RFSE continuera à mener une réflexion sur la question, avec pour objectif à la fois la défense du français comme langue d’expression scientifique et la création et consolidation de liens de collaboration avec les collègues étrangers se reconnaissant dans le projet scientifique de la revue.
3 – Quelle identité pour la socio-économie ?
7 Dans l’éditorial inaugural, la RFSE visait la formation d’« un lieu de mise en problématique permanente de l’identité scientifique d’une socio-économie telle qu’elle se fait ». À énumérer les thématiques explorées depuis dix ans, cette ambition semble bien avoir été atteinte. Au fil des couvertures qui défilent [9], on trouve : le care, la sociologie économique de P. Bourdieu, les biens symboliques, l’économie sociale et solidaire, l’emploi et ses marges, la responsabilité sociale des entreprises, les questions liées au numérique, aux monnaies, à la quantification, au crédit, au recrutement, à l’entreprenariat, jusqu’à ce n° 20 consacré à la protection sociale. Viendront, par ailleurs, se rajouter dans les années à venir, des dossiers consacrés à : Valeur et capitalisme, Les économies de la sexualité, et La santé, miroir des capitalismes ? [10]
8 Ces intitulés de dossier reflètent une partie de l’étendue des sujets que la socio-économie embrasse. Mais faudrait-il voir, dans cette richesse d’objets, un « fourre-tout académique » ? Nous ne le pensons pas. Au-delà de la diversité des thématiques, en effet, des théories, des concepts ou des auteurs mobilisés, la revue a su mettre au jour et accompagner par son travail éditorial l’existence d’un champ académique pluridisciplinaire. L’expérience RFSE montre qu’il serait vain de vouloir délimiter la socio-économie à partir de thématiques. En revanche, l’hypothèse posée en 2008, selon laquelle il est possible de rassembler nombre de chercheurs autour d’une même « conception social-historique » de l’économie, est validée.
9 « Loin d’être un obstacle épistémologique, écrivaient encore en 2008, B. Convert, F. Jany-Catrice et R. Sobel, ce pluralisme disciplinaire est sans doute la ressource la plus précieuse qu’il appartiendra à la RFSE de faire fructifier ». Le message est entendu.
10 Retrouvez la RFSE sur Twitter (@revueRFSE) et sur Facebook (RFSE-Revue-fran)
Notes
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[1]
Les règles de publication de la RFSE sont les suivantes : une fois obtenu un avis de pertinence positif de la part du comité de rédaction, l’article est soumis à l’expertise de deux rapporteurs (en règle générale, un économiste et un sociologue) qui l’évaluent anonymement.
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[2]
Nous remercions William Alexis Houcke pour le travail statistique qu’il a réalisé pour la RFSE, dans le cadre d’un stage de Master 1.
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[3]
Depuis 2008, la RFSE a publié 19 dossiers et 1 numéro Varia.
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[4]
Par « article », on entend ici : les articles évalués en double aveugle + les articles du hors-série + les articles ayant obtenu le Prix des Doctoriales.
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[5]
Nous profitons de cette préface pour les remercier chaleureusement pour leur travail et pour leur importante contribution à l’activité de la revue et du champ.
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[6]
Nous avons une pensée pour Joëlle Cicchini et François Horn qui nous ont quittés trop tôt.
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[7]
Les principaux mots clés des articles de la RFSE sont : marchés, politiques publiques, emploi, travail, régulation, État, développement, théorie, entreprise.
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[8]
Le comité de rédaction se réunit régulièrement plusieurs fois par an. Les décisions concernant les articles sont prises de manière collégiale, après un temps de discussion.
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[10]
Cf. les appels à articles récemment lancés : http://rfse.univ-lille1.fr/fr/presentation