CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1 Les différents organismes de protection sociale rencontrent aujourd’hui en France un problème de financement. Ces difficultés peuvent s’expliquer par le blocage des niveaux de cotisation ainsi que par le développement du chômage de masse. La part des demandeurs d’emploi dans la population active augmente, notamment parmi les actifs les moins qualifiés, et la baisse des cotisations sur les bas salaires constitue le levier d’action privilégié pour lutter contre le chômage de ces populations. Dans ce contexte, le financement des prestations de solidarité des personnes qui ne contribuent pas, via un emploi, se trouve mis en danger, menaçant le bien-fondé d’un système bismarckien arrimé au salariat. Rappelant la politique des caisses vides [Guex, 2003], de tels problèmes de financement et de légitimité participent à justifier les programmes d’activation qui promettent de réduire les dépenses de solidarité en privilégiant un renvoi vers le marché du travail des moins qualifiés plutôt que l’accès à des revenus de remplacement. La quête d’un emploi devient alors une contrepartie de la solidarité, contribuant ainsi à l’hégémonie des catégories issues des politiques de l’emploi dans l’ensemble du champ de la protection sociale. Aussi, les organismes qui participent à de tels programmes d’activation de la solidarité (conseils départementaux, Caisses d’allocations familiales, réseaux d’insertion par l’activité économique, Maisons départementales du handicap), se trouvent de plus en plus évalués en vertu d’objectifs quantitatifs longtemps réservés au service public de l’emploi, à l’image du taux de retour à l’emploi.

2 Comme l’illustrent différentes contributions à ce dossier, inciter les bénéficiaires de revenus de remplacement à se reporter sur le marché du travail met en question les principes fondateurs de la protection sociale. La contributivité individuelle se trouve renforcée au détriment de la mutualisation et le passé de travailleur des personnes éligibles subordonné à leur présent et leur avenir d’éventuels inutiles au monde. Bien plus, l’objectif d’émanciper les citoyens du rapport direct à l’emploi et à l’employeur via une réduction de la contributivité stricte, mais également via une gestion paritaire des caisses mutuelles est mis en péril par la diffusion de l’objectif de retour à l’emploi parmi les institutions de protection sociale. La pression de l’emploi, déjà centrale pour ouvrir des droits, s’en voit alors renforcée pour conserver ces droits. Les grands cadres d’une politique active de l’emploi se trouvent pourtant formulés en France depuis 1967 et la création de l’ANPE. L’émergence d’un État social actif exerçant différentes formes de pression sur les administrations et les bénéficiaires de la solidarité serait-elle alors un simple effet de focale ?

3 Suivant une démarche empruntée à la sociologie historique de la quantification, cet article se propose de retourner sur les lieux de naissance de l’indicateur de retour à l’emploi, le service public de l’emploi, pour saisir la façon dont cet objectif, indissociable des programmes d’activation, a fait l’objet de mises en forme concrètes et opérationnelles. À première vue, il apparaît tout à fait attendu que l’ANPE, puis Pôle emploi se soient tournés vers une mesure du nombre de retours à l’emploi des chômeurs pour approximer leur efficacité. Pour autant, une étude minutieuse de cette mise en gestion tend à montrer que même à l’ANPE, pour qui il s’agissait d’une fonction officielle, la mise en place et la mesure de cet objectif ne sont jamais allées de soi. Bien au contraire, c’est à l’issue d’un long processus de consolidation technique, d’un long travail de légitimation rhétorique et d’un long rapport de force administratif que la mesure du placement s’est imposée comme une mesure pertinente de l’activité des conseillers de l’ANPE, puis de Pôle emploi. À travers l’étude de l’itinéraire gestionnaire de ce simple objectif politique (le retour à l’emploi des chômeurs), on se rend compte que les conditions de félicité d’un tel projet sont tout à fait spécifiques et interrogent le mouvement actuel d’activation, sa mise en quantification, ses capacités à faire ce qu’il promet, ainsi que les risques qu’il véhicule. Car il n’est pas équivalent pour une institution de remédiation de se voir conférer une mission générale de retour à l’emploi et de voir son efficacité mesurée à travers son taux de placement. Les notions de « performance » ou « résultat » recouvrent en effet les réalités les plus variées, qui restent indéterminées tant que l’on n’étudie pas précisément les manières dont elle est concrètement évaluée, mesurée.

4 L’évaluation des politiques de l’emploi découle d’un processus plus général ayant vu l’émergence d’indicateurs de performance qui, sous différentes formes, ont mis en question l’efficacité des politiques publiques [Ogien, 1995 ; Merrien, 1999 ; Bezes, 2009 ; Jany-Catrice, 2012] avant d’être systématisées au cours de la seconde moitié des années 2000 [Maillard et Surel, 2012]. Bien que de tels dispositifs se présentent sous la forme de techniques de calcul, ils n’en demeurent pas moins politiques en ce qu’ils incorporent des conventions et une définition de l’intérêt général [Desrosières, 1993 ; Vatin, 2011] et, partant, un modèle spécifique de ce que devrait être le « bon » travail des agents publics [Pillon et Sallée, 2014]. Rejetés par nombre de professionnels, ils offrent néanmoins un intérêt méthodologique majeur pour le chercheur, en ce qu’ils réifient les missions confiées aux organisations publiques. Instruments d’action publique, ils permettent ainsi de chroniquer les changements cognitifs qui s’opèrent parmi les prescripteurs de politiques publiques [Le Lann, 2010 ; Palier, 2005].

5 Leur intérêt méthodologique ne doit toutefois pas occulter la question centrale de l’effet direct de ces procédures sur l’organisation concrète, les agents qui y sont soumis et la mise en œuvre des politiques publiques. Comme l’ont montré les travaux de sociologie dite « du guichet », l’influence de l’État prend forme au point de contact entre les administrations et leurs publics [Dubois, 2010]. Le champ de la politique de l’emploi présente un véritable intérêt pour mobiliser une sociologie historique de la quantification, dans la mesure où les dispositifs de quantification de l’efficacité y sont très anciens [Pillon, 2014]. Mais cet intérêt ne réside pas tant dans une étude des objectifs généraux confiés à l’ANPE, puis Pôle emploi – largement inchangés – que dans une étude minutieuse de la façon dont ces indicateurs de résultat structurent les buts que poursuivent leurs membres. Nous proposons de retracer ici l’évolution des modalités concrètes d’évaluation des résultats de l’opérateur public de placement à travers les variantes de l’indicateur de retour à l’emploi des chômeurs. Élaboré en 1971, soit quatre ans après la naissance de l’ANPE, cet indicateur a une prégnance inégale sur les activités de l’Agence et le travail des agents au fil du temps et des conjonctures.

6 Nous défendons ici la thèse selon laquelle les modalités à la fois techniques, organisationnelles et professionnelles de mesure des résultats de l’action publique sont déterminantes pour saisir les effets des politiques dites de « performance » sur le corps social.

7 Cet article s’organise de manière chronologique en présentant trois séquences. De 1967 à 1990, les indicateurs de performance acquièrent une légitimité (2). De 1990 à 2008, ils se consolident et incorporent les évolutions de la politique de l’emploi, notamment les politiques d’activation (3). Depuis lors, ils sont marqués par des controverses sur leur pertinence qui ont conduit à leur remplacement par de nouvelles formes de quantification (4). Nous discutons en conclusion le caractère transférable de ces constats dans d’autres champs d’action publique, notamment les politiques sociales et les politiques d’insertion des publics les plus fragiles.

Méthodologie

Cet article s’appuie sur les matériaux réunis au cours d’une thèse de sociologie du travail consacrée à la mesure de l’efficacité de Pôle emploi, qui comprennent :
  • des archives portant sur la période 1988-1992, constituées de notes échangées entre services de la direction générale de l’ANPE ;
  • quarante entretiens semi-directifs réalisés auprès de l’encadrement de l’ANPE et de Pôle emploi ;
  • quatre mois d’observation du travail de conseiller au sein de deux agences Pôle emploi pendant deux mois en 2011, puis à nouveau pendant deux mois en 2012.
Il s’appuie également sur l’analyse des documents publiés depuis 2012, qui témoignent des évolutions stratégiques de Pôle emploi.
(convention tripartite 2012-2014, Pôle emploi 2015)

2 – L’émergence d’une politique « active » de l’emploi sur les cendres de la planification

8 Les politiques d’activation des dépenses de chômage prennent la suite de politiques dites « actives » de l’emploi qui partagent un socle théorique : le caractère volontaire du chômage selon la théorie du job search. Les façons d’y répondre varient néanmoins. Aussi, ce qui se trouve mis en jeu dans l’instrumentation gestionnaire des politiques de l’emploi à la fin du xx e siècle, ce n’est pas tant la prise en compte de l’activation, mais les modalités concrètes de mesure de l’efficacité du service public de l’emploi. Les notions mêmes de « résultat » et de « performance » restent largement indéterminées et il convient de comprendre leur émergence au détour des années 1970 pour en saisir la portée 30 ans plus tard. Pour influencer le réel, les dispositifs de quantification ont dû être finement tressés avec d’autres dispositifs de gouvernement et de preuve qui se sont mutuellement renforcés.

2.1 – L’invention de l’ANPE et de son évaluation

9 Bien que la fin du paradigme keynésien soit habituellement datée de la fin des années 1970, l’ANPE naît en 1967 et constitue un instrument pionnier en matière de lutte contre le chômage frictionnel. Pour les fondateurs de cet établissement, ce phénomène apparaît comme une conséquence de la trop faible circulation des travailleurs à l’échelle nationale et entre les secteurs. En découle une lettre de mission fondée sur l’allocation des travailleurs, ainsi que des emplois et une définition des « résultats » attachée à la notion de retour à l’emploi. Dessinée par des polytechniciens membres du cabinet Pompidou et gravitant autour du Commissariat général au Plan, l’ANPE s’écarte du modèle d’une économie planifiée par le haut en incarnant l’acceptation des mécanismes autonomes du marché.

10 Lors des quatre premiers Plans (1947-1966), différentes commissions travaillent à ajuster la population en âge de travailler (ou « population active disponible ») et le nombre d’emplois disponibles (ou demande finale) [Hatzfeld et Freyssinet, 1964]. Au cours de la préparation du Ve Plan (1966-1970), quelque chose se casse. Le couple investissement public/plein-emploi cède, accusé de produire de l’inflation et de réduire la compétitivité des produits français en Europe [Le Lann, 2013]. Réunie de 1964 à 1966, la commission de préparation du Plan prévoit 600 000 chômeurs pour 1970 [Salais et al., 1986]. Le gouvernement se refuse à augmenter les prévisions de production. Pour les planificateurs, il faut parvenir au plein-emploi par d’autres moyens, notamment des moyens structurels (i.e. la baisse des frictions sur le marché du travail) et non plus conjoncturels (via la relance budgétaire par exemple).

11 Cette politique d’allocation de l’offre et de la demande est formalisée par la commission de main-d’œuvre du Plan dans un document daté de 1965. Elle y défend une intervention directe sur les mécanismes du marché du travail explicitement nommée « politique active de l’emploi » :

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« [La politique de l’emploi doit] compenser par un effort conscient d’organisation les “imperfections” naturelles du marché du travail : manque de transparence, manque de fluidité. [Il faut] un réseau de services de placement, en mesure d’obtenir des informations complètes et rapides sur les personnes en quête d’emploi et sur les emplois offerts par les entreprises à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle. […] Il importe donc que ces services, grâce à un équipement de communication moderne, soient reliés entre eux de telle sorte que chacun d’eux constitue l’antenne locale de véritables et permanentes bourses régionales et nationales de l’emploi [1]. »

13 Dans ce cadre, la notion de « politique active » vise les défauts de coordination du marché lui-même et ne remet pas en cause l’engagement des chômeurs dans leur recherche d’emploi. Mais par quels moyens et dans quel contexte une telle conversion peut-elle être mise à l’agenda politique ? Le gouvernement de G. Pompidou a « engagé une politique d’industrialisation qui suppose des reconversions radicales et une main-d’œuvre globalement plus compétente » [Prost, 2004] qui débouche sur la loi du 3 décembre 1966, relative à la reconversion de la main-d’œuvre. Un volet du texte demande un supplément d’information sur la question spécifique de l’intervention publique sur le marché du travail, et les investigations sont confiées au commissaire général au Plan : François-Xavier Ortoli « qui fait faire l’essentiel du travail par son adjoint, Jacques Delors » [de Lescure, 2005].

14 Pour les membres de la commission de main-d’œuvre du Plan, cette demande d’expertise apparaît comme l’occasion rêvée de pousser leur « politique active de l’emploi ». Le rapport rendu quelques mois plus tard défend alors cette même idée : le plein-emploi peut être obtenu en instituant une gestion sociale de la mobilité de la main-d’œuvre assurée par une institution nouvelle, un Office national de l’emploi. L’Agence nationale pour l’emploi naît le 13 juillet 1967 d’une ordonnance signée par le jeune secrétaire d’État à l’emploi, Jacques Chirac. Elle reçoit le placement des chômeurs pour mandat et ouvre ses portes en janvier 1968.

15 La quantification des effets de cette politique structurelle de l’État sur les mécanismes de marché est instituée dans la foulée. Dans le cadre du VIe Plan (1971-1975), et dans le prolongement de la « Rationalisation des choix budgétaires » (RCB) [2], sont élaborés des « programmes finalisés ». Il s’agit d’« un ensemble homogène de mesures complémentaires au service d’un ou plusieurs objectifs quantifiables et mesurables à travers des indicateurs de résultats qui permettent une gestion responsable » [Lion, 1973]. Chaque programme fait l’objet d’un document qui précise les objectifs visés, les actions à entreprendre et les moyens financiers ou techniques consentis. L’enjeu de ces dispositifs est de proposer une matrice programmes/objectifs affranchie des frontières ministérielles [Bravo, 1972]. Le « fonctionnement du marché de l’emploi », un des six programmes alors élaborés, comporte quatre indicateurs qui concernent directement l’activité de l’ANPE : les demandes d’emploi non satisfaites, les offres enregistrées et les placements effectués par l’Agence. Plus synthétique, un quatrième indicateur cherche à mesurer la part de marché de l’ANPE, i.e. la part des embauches liées à l’Agence.

16 Les objectifs finalisés du Plan ont en fait une influence limitée sur l’organisation du travail à l’Agence. À partir de 1973, l’Agence doit absorber une forte hausse du chômage [Join-Lambert, 1975]. Chargés d’aider les demandeurs d’emploi à constituer leur dossier d’allocation-chômage et de les faire « pointer » deux fois par mois, le travail des agents est grevé par des tâches administratives qui font passer au second plan les objectifs de placement et de part de marché. Des réflexions plus récentes attribuent cet échec à l’absence d’une architecture informatique consolidée [Volle, 2002]. Au niveau de l’État, les données sont traitées et interprétées par les statisticiens du ministère du Travail qui n’exercent pas directement de tutelle sur l’établissement [Muller, 1991].

17 La faible influence de la RCB et des programmes finalisés du Plan sur l’ANPE dans les années 1970 rappelle que non seulement les dispositifs métrologiques voués à enregistrer l’activité des administrations ne sont pas intrinsèquement managériaux, mais surtout qu’ils ne s’imposent pas telle une loi d’airain aux établissements administratifs. Étudier l’émergence de l’injonction au placement dans les politiques de l’emploi suppose de prendre la mesure des voies par lesquelles ce discours s’est implanté et a été légitimé au sein même de l’administration.

2.2 – La consolidation des indicateurs

18 Au cours des années 1980, les indicateurs statistiques développés dans le cadre des programmes finalisés du Plan deviennent des données de gestion servant l’optimisation des ressources. L’organisation du travail est alors disséquée, puis repensée pour se conformer à cette mesure.

19 En 1978, le ministre du Travail se voit remettre un rapport par Jean Farge, qui se montre particulièrement virulent à l’égard de l’ANPE.

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« L’ANPE a connu une augmentation constante de ses moyens et une baisse de ses performances […]. L’Agence nationale pour l’emploi ne peut demeurer en l’état, celui d’un organisme englué dans les tâches bureaucratiques, submergé par le flux hétérogène des demandeurs d’emploi, ne disposant que de peu de prise sur le marché du travail [3]. »

21 Pour casser cette réputation d’administration inefficace, la mise en place d’une optimisation des ressources au moyen d’indicateurs de gestion s’impose comme la meilleure solution pour défendre les résultats de l’institution auprès de l’État. Il s’agit de forger une conception spécifique de l’efficacité qui soit compatible avec l’impuissance de l’établissement à modifier le nombre de chômeurs. Entre 1970 et 1990, des cadres de l’établissement se spécialisent sur les questions de productivité et développent, dans un certain anonymat, des dispositifs d’optimisation particulièrement novateurs pour l’époque. Ce n’est plus seulement le nombre d’actes qui compte, mais également le ratio.

22 Une première forme de management par objectif est élaborée dès la fin des années 1970. Intitulée « contrat de programme », la procédure concerne tout l’établissement, jusqu’aux agences locales. La direction générale attribue à chaque région des objectifs de résultats et des moyens financiers. Le contrôle et le suivi de ces objectifs sont confiés à la ligne de commandement – directeur général, directeur régional, directeur départemental, directeur d’agence [4]. L’alimentation des données est alors manuelle : pour chaque résultat, les conseillers remplissent des formulaires, les transmettent à leur chef d’agence qui les renvoie au directeur départemental pour agrégation, et ainsi de suite jusqu’à la direction générale. Un consultant de l’ANPE décrit à l’époque l’intérêt de cette procédure :

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« Les résultats obtenus en 1980, même s’ils n’atteignent pas les chiffres annoncés, indiquent une nette reprise de l’activité de prospection et de placement. Le nombre de placements réalisés est supérieur de plus de 40 000 au chiffre de 1979 malgré une aggravation de la situation du marché de l’emploi. Le taux de pénétration s’est donc élevé, passant de 11 à 16 %. L’activité de prospection s’est considérablement accrue, permettant un accroissement des offres d’emploi collectées, malgré la conjoncture très défavorable. Il semble bien qu’un certain changement de nature de la fonction sociale de l’ANPE était alors en train de se produire. »
[Hussenot, 1983]

24 Pour les acteurs de l’époque, le tableau est beaucoup moins flatteur. Les objectifs de résultats sont pris en compte dans la notation individuelle des directeurs d’agence. Rédigée par le directeur départemental, cette note est contresignée par le directeur régional et visée par le directeur général en personne. Un directeur d’agence se souvient : « La pression était vraiment très importante à cette période [5]. » La mesure de la productivité est alors très sensible à la pression politique, et ce pour deux raisons. D’une part, la ligne de commandement se trouve mise en position d’être juge et partie de la mesure de sa propre efficacité. D’autre part, le caractère manuel de ces informations réduit leur solidité : elles ne sont pas vérifiables. « Les visites d’entreprises » constituent par exemple un objectif majeur, mais la définition de celui-ci est bien trop lâche et « parfois, une poignée de main [avec l’employeur] suffisait ! » [6].

25 La configuration évolue lorsque les tentatives de consolidation de la mesure de la productivité acquièrent une visibilité au sein de la direction générale. Suite au changement de majorité de mai 1981, un nouveau directeur général issu de l’extérieur est nommé, qui prend pour adjoint le directeur des études et des statistiques, G. Vanderpotte. Marqué par le rapport Farge, ce dernier juge essentiel de légitimer l’action de l’agence auprès du ministère du Budget [7] qui réorganise donc la direction générale de l’Agence et crée au sein de la « Direction des études et statistiques » une « Direction du réseau » à qui il confie l’évaluation des objectifs [8]. Trois objectifs sont confortés : collecter des offres d’emploi, placer des demandeurs d’emploi et visiter des entreprises. La direction du réseau fixe des objectifs annuels en reprenant les indicateurs du Plan et assure leur suivi et leur contrôle, en partant de données « papier ».

26 D’abord discrètes, ces opérations deviennent de plus en plus visibles à mesure que les directions régionales sont dotées d’une autonomie budgétaire, dans le sillage des lois Deferre de décentralisation. Les directions régionales sont responsables de leur budget et ouvrent ainsi un service comptabilité déconcentré pour gérer cette enveloppe [9]. Les indicateurs physiques de chaque région deviennent un outil de pondération permettant d’analyser l’arbitrage budgétaire inter-région. Simultanément, la direction du réseau se rend dans les agences pour observer leur activité, cartographier et chronométrer les tâches des agents afin d’identifier de possibles gains de productivité.

27 Au sommet de l’ANPE, les chiffres gestionnaires de la direction du réseau sont néanmoins jugés fragiles, hétérogènes et difficilement comparables. Fortes de leur statut scientifique, les données produites par les autres membres de la direction des études et des statistiques sont jugées plus légitimes. Il n’en reste pas moins qu’au cours de la séquence 1981-1984, l’analyse des données internes de gestion est progressivement déléguée à une équipe de spécialistes, chargés de la mesure et non plus à la ligne de commandement. Les informations produites dans ce cadre deviennent primordiales à partir de 1989, lorsque des indicateurs physiques sont officiellement inscrits dans les négociations avec le ministère du Budget.

2.3 – La formalisation par la contractualisation : l’ANPE devient un prestataire de l’État

28 En 1990, l’ANPE signe avec le ministère du Travail une convention d’objectifs et de moyens intitulée « contrat de progrès », qui intègre les indicateurs de la direction du réseau. En interne, ce processus de contractualisation avec la tutelle consolide les données de gestion et le pouvoir d’organisation des gestionnaires.

29 De 1983 à 1991, la mesure de la productivité des agents à des fins de gestion se distingue progressivement de la production statistique. Le mandat spécifique confié aux gestionnaires est le suivant : la mesure de l’activité doit permettre de repérer des gains de productivité potentiels afin de résoudre le manque de moyens. Il s’agit également de rapporter l’activité des agents aux faibles moyens dont ils disposent dans le but de relativiser leur inefficacité supposée. Les moyens manquent avant tout, car le nombre de chômeurs augmente – de 6,8 % en 1979 à 9 % en 1990 – tandis que les effectifs sont stables – 11 132 en 1982 pour 11 696 en 1989.

30 Il convient donc de construire des données qui soient audibles auprès du ministère du Budget, à des fins de négociation. Dès 1988, les gestionnaires préparent à cette fin un document précisant les capacités effectives de l’Agence sur plusieurs années qu’ils intitulent « Plan de développement à moyen terme » [10]. Trois thèmes de réflexion structurent le texte : l’évolution du marché du travail ; l’évolution des conditions d’intervention de l’ANPE ; la déconcentration et les initiatives locales [11]. Dans le même temps, le gouvernement Rocard lance le programme « Renouveau du service public » qui entend faire la synthèse entre les critiques des pesanteurs bureaucratiques et la défense des fonctionnaires [Bezes, 2009] à travers « la mise en œuvre “d’une démarche collective, celle des projets de service”, par la création de centres de responsabilité expérimentaux et par une réflexion d’ensemble sur les règles de comptabilité publique et les modes de gestion administrative » [12]. Il s’agit de faire confiance aux agents en échange d’une évaluation plus systématique de leur travail [Pavé, 1994].

31 La direction de l’ANPE se saisit de cette opportunité pour faire montre au gouvernement de ses difficultés et de sa bonne volonté. Le plan de développement pluriannuel des gestionnaires, déjà en gestation, est requalifié en « projet de service » : « En fait, il était déjà prêt. Il était tellement facile à élaborer que les autorités de tutelles ont sauté dessus, et en particulier le Budget [13]. » À l’été 1988, le ministre du Travail, J.-P. Soissons, réagit : « Si une plus grande souplesse de gestion est donnée par l’État à l’ANPE, il est important de savoir comment s’exercera le contrôle des décisions détaillées et des résultats obtenus [14]. » Le directeur des études et statistiques, V. Merle, rédige alors une proposition qui synthétise les premières réflexions auxquelles il adjoint un nouveau pan : « Systèmes de pilotage, structures d’évaluation et indicateurs associés [15]. » Le 21 juin 1989, la Direction générale de l’ANPE soumet ce projet à son conseil d’administration pour la période 1989-1993. Au printemps 1990, l’État concède de nouveaux moyens – 900 embauches et des moyens informatiques. En contrepartie, le projet de service inclut quatre indicateurs de résultats : 1 – Le budget-temps des agents alloué aux entreprises. 2 – Le différentiel de croissance entre le nombre d’offres collectées et le nombre global d’embauches. 3 – Le délai de satisfaction des offres. 4 – La place des publics prioritaires dans le retour à l’emploi. Adopté en juillet 1990, ce premier projet de service est intitulé « Contrat de progrès » et dure trois ans.

32 Avec la signature du Contrat de progrès, les indicateurs chiffrés élaborés par les gestionnaires de l’ANPE ne sont plus simplement des instantanés illustrant l’argumentaire budgétaire, ils deviennent la grammaire dans laquelle se tiennent les discussions avec la tutelle ministérielle. Comme le souligne le directeur de la comptabilité de l’époque, « de par le contrat de progrès et de par l’obligation d’être beaucoup plus rigoureux en termes de comptes rendus, de reporting, l’activité de contrôle de gestion a, de fait, pris de l’ampleur » [16]. Les relations de pouvoir entre le service de la comptabilité et les gestionnaires s’en trouvent modifiées. Les gestionnaires structurent les informations financières qui s’échangent avec le ministère du Budget. En interne, ils participent à définir les enveloppes budgétaires et leur répartition.

33 Le cadrage « frictionnel » de la lettre de mission de l’ANPE se trouve alors renforcé par la stratégie de sa direction. Dans le cours des négociations entre l’État et l’ANPE, elle rejette avec insistance l’usage du taux de chômage pour définir sa « performance ». En 1989, la direction générale de l’organisme écrivait ainsi à destination du ministère du Travail :

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« Il convient toutefois au préalable [au contrat de service] :
DE LEVER UNE AMBIGUÏTÉ sur le rôle de l’ANPE. Celle-ci n’est ni créatrice d’emploi ni responsable de suppressions d’emploi. Dès lors, les niveaux globaux de l’emploi et du chômage ne dépendent pas directement de son activité.
En revanche, l’ANPE doit garantir aux entreprises et aux salariés rencontrant des problèmes d’emploi qu’ils pourront compter en appui de leurs démarches SUR UNE GAMME DE SERVICES PRÉCIS [17]. »

35 Les indicateurs consolidés depuis le début des années 1980 par les gestionnaires hébergés par le service des études et statistiques de l’ANPE, au premier rang desquels l’indicateur de placement, revêtent ainsi un intérêt stratégique. Les différentes clauses du contrat reconnaissent les données administratives issues des registres des conseillers, et non le taux de chômage ou l’enquête emploi comme faisceau de preuves acceptables. Bien que rattachée au ministère du Travail en tant que tutelle technique, bien que fournissant les données permettant au service statistique du ministère du Travail d’élaborer la mesure administrative du chômage, la direction de l’ANPE réinterprète les présupposés théoriques qui avaient donné naissance à l’établissement. Sa mission consiste à allouer de façon optimale les offres et les demandes disponibles, mais elle ne peut assumer la responsabilité du taux de chômage. La valeur de son action s’inscrit donc au plus près des agents du marché du travail, employeurs et chômeurs.

3 – La traduction gestionnaire des politiques de l’emploi

36 La signature d’un contrat de prestation entre l’État et l’ANPE légitime une mesure spécifique de la performance de l’ANPE. Les gestionnaires en charge de cette mesure gagnent également en prestige. Mais cette légitimité nouvelle ne suffit pas à doter les indicateurs d’un pouvoir de coercition. Leur action va très largement consister à approfondir leur influence. Suite au premier contrat de progrès, les pratiques de type gestionnaire s’institutionnalisent en tant que grammaire des débats au sein de la direction générale de l’ANPE, puis aux échelons subordonnés. L’évaluation quantitative des résultats infuse parmi les responsables des échelons déconcentrés de l’ANPE, les directions régionales, puis départementales. Les outils de mesure des résultats s’incarnent dans un corps de travailleurs mandatés pour leur donner du poids. C’est en intéressant les acteurs à la problématique de la quantification des résultats que l’injonction au placement en vient à structurer les situations de travail. L’indicateur de retour à l’emploi devient influent jusque dans les situations de travail, parce qu’il est soutenu par des acteurs de poids.

3.1 – La prolifération du contrôle de gestion

37 À la suite du premier contrat de progrès, un « Plan de progrès » est engagé en interne pour adapter l’établissement à l’évaluation de ses résultats. Les gestionnaires reçoivent pour mission de « transformer les engagements pluriannuels en contrat annuel entre les régions et la direction générale » [18]. En 1991, le nouveau directeur général de l’ANPE, J.-F. Colin, met en place une procédure de négociation des budgets en fonction des résultats de chacune des divisions, le « Dialogue de gestion ». Dans la lignée de la circulaire Rocard, la procédure offre aux directions régionales une plus grande autonomie, tout en instituant une relation donneur d’ordre/prestataire. La délégation du choix contribue en fait à renforcer la pression politique émise sur l’objectif de placement.

38 Survenue entre 1991 et 1994, l’institution du dialogue de gestion consiste à négocier les objectifs sur lesquelles les Régions sont en mesure de s’engager l’année suivante. Après un cadrage stratégique au mois de juin, les directions régionales produisent pendant l’été un dossier d’analyse de la situation. Elles proposent ensuite en septembre leur stratégie et négocient de novembre à décembre les objectifs qui y sont attachés et les moyens alloués pour les atteindre. La circulation vise à déterminer au préalable des cibles acceptables par les différentes parties et un budget alloué en conséquence.

39 Le dialogue de gestion consiste à déléguer l’arbitrage budgétaire aux échelons régionaux : les directions régionales acquièrent une plus grande liberté budgétaire. En contrepartie, elles doivent au préalable annoncer la façon dont elles vont consommer ce budget et les objectifs que cette stratégie permettra d’atteindre. Les indicateurs de résultat prennent de plus en plus de poids pour les directions régionales elles-mêmes. Ces dernières se retrouvent peu à peu dépendantes des gestionnaires de la direction générale à qui elles doivent sans cesse commander des chiffres pour établir leurs prévisions. De plus, dans les Régions, ces chiffres suscitent le soupçon, puisqu’ils sont produits par l’échelon avec qui elles sont censées négocier.

40 En réponse à cette forte asymétrie, l’activité des gestionnaires est reconnue à la fois à la direction générale et dans les directions régionales. Les gestionnaires quittent la direction des études et des statistiques pour intégrer la toute nouvelle direction nationale du contrôle de gestion (DNCG). Le changement d’organigramme intronise les contrôleurs de gestion comme seuls producteurs légitimes des indicateurs de résultats. La direction des études et des statistiques, qui était jusqu’ici le fleuron de la direction générale – du fait de l’importance des « chiffres du chômage » – se retrouve dépouillée d’une grande partie de ses effectifs. La prise de pouvoir des contrôleurs de gestion au sein de la direction générale ne se fait pas sans heurts. Comme le confie une ancienne chargée d’étude de l’ANPE, membre de la direction des études et des statistiques de 1988 à 1994, les spécialistes de la statistique recevaient l’ordre de ne pas partager leurs données avec les spécialistes de la productivité. Partager ses chiffres, « c’était coucher avec l’ennemi » [19], explique-t-elle. Mais ces réorganisations ne sont pas les plus structurantes. Le coup décisif consiste à placer des contrôleurs de gestion dans les directions régionales. Déjà centraux au sein de la direction générale, les gestionnaires ainsi devenus « contrôleurs de gestion » acquièrent une audience nationale.

41 Le premier fait d’armes de la direction nationale du contrôle de gestion est d’élaborer un manuel de contrôle de gestion pour l’ensemble de l’établissement. Le manuel a pour but de diffuser de grands principes de gestion et des techniques plus prosaïques, comme en témoigne son introduction :

42

« Gérer c’est organiser l’action. Se fixer des buts, mobiliser les moyens appropriés pour les atteindre, contrôler la réussite de l’entreprise et l’utilisation des moyens sont les fondements de toute démarche de gestion. […]
Le contrôle de gestion donne à chacun des éléments objectifs pour décider, il permet de maîtriser les actions en prenant en compte toutes les composantes. Il éclaire les responsables sur la plus ou moins grande réussite de ce qu’ils ont entrepris, sur les conséquences possibles de leurs décisions et leur propose d’éventuels réajustements.
Les contrôleurs de gestion ne décident pas eux-mêmes mais conseillent les responsables, leur apportent un éclairage sur l’analyse des résultats et des moyens, leur donnent l’occasion d’une prise de recul par rapport au quotidien. Le contrôle de gestion s’appuie sur l’analyse du passé pour préparer les actions à mener dans l’avenir. »

43 Le contrôle de gestion régional doit fournir au directeur régional des informations permettant « l’optimisation de la performance globale ». La performance est définie comme une évaluation de la productivité au moyen d’« indicateurs ». L’analyse des résultats doit inspirer au directeur régional des « plans d’action » rationnellement fondés, qui identifient les « produits » du travail dont « l’impact » peut être amélioré. L’enjeu est d’identifier des gisements de productivité.

44 Les orientations politiques sont inscrites dans la définition même des indicateurs de productivité, à travers le choix du numérateur – le gain – et du dénominateur – la dépense. Pour le gain, le choix se porte sur les différents objectifs donnés à l’ANPE : le placement des chômeurs et la satisfaction des employeurs. Pour la dépense, c’est le temps de travail des agents qui est désigné. La mesure du travail quotidien des conseillers devient la cheville ouvrière de l’évaluation des résultats. L’articulation entre mesure des résultats et décisions managériales se trouve renforcée encore au cours des années 2000 avec l’émergence d’une informatique de gestion enregistrant en temps réel le travail des agents pour les mettre à disposition de l’encadrement de proximité. Le principe du pilotage infuse jusqu’aux points de contact avec les chômeurs.

45 La déconcentration des moyens et des choix, autorisée par l’émergence du contrôle de gestion ne correspond pas à une délégation des orientations politiques, bien au contraire. La souplesse d’action et de réaction des pratiques de pilotage est justement conçue pour ajuster les actions de terrain aux orientations politiques. Les axes du contrat de progrès signés avec l’État en 1990 constituent le canevas des décisions que doivent prendre les directions régionales. La mise en place d’un service régional de contrôle de gestion se présente ainsi comme une reprise en main politique de l’administration, plutôt qu’une soumission aux principes de proximité.

3.2 – La recomposition de l’indicateur de placement

46 La contractualisation entre l’État et l’ANPE et la mise en place d’un dialogue de gestion en interne réactivent l’influence des indicateurs sur le travail des agents. Mais, dès lors que les négociations avec le ministère du Budget reposent sur une mesure du placement, il devient impérieux que cette dernière ne souffre aucune discussion. Or, dès 1990, les contrôleurs de gestion de l’Agence jugent sa définition imprécise. Le placement est défini, depuis 1971, comme une sortie des listes d’un demandeur d’emploi pour une reprise d’emploi. Mais cette définition correspond de moins en moins au travail quotidien des conseillers dans les agences. Pour être décomptés, ces placements doivent être consignés par les conseillers sur un formulaire, dès qu’ils en ont connaissance. Or les relations d’interconnaissance entre conseillers, demandeurs d’emploi et employeurs ont alors tendance à se distendre du fait du développement des services à distance et du libre-service. En 1992, les contrôleurs de gestion décident de remplacer le seul indicateur de placement par le décompte de deux événements, dorénavant comptabilisés séparément. Il y aura, d’abord, la « mise en relation » (ou MER), désignant le fait de proposer une offre à un chômeur ; ensuite la « mise en relation positive » (ou MER +), correspondant à l’embauche proprement dite.

47 Au cours des années 1990 et 2000, la consolidation de l’infrastructure gestionnaire contribue à renforcer le poids de cet indicateur sur les situations de travail. En 2006, la « MER + » est inscrite dans le plan de performance annuel annexé au projet de loi de finances, au titre de l’intervention de l’État sur le marché du travail. Une « fiche indicateur » stipule :

48

« [La MER +] mesure le nombre de placements réalisés [par l’établissement] à partir des propositions faites aux demandeurs sur des offres confiées par les entreprises à Pôle emploi. Sont mesurées, en volume, les mises en relation qui ont abouti à un recrutement déclaré par l’entreprise. »

49 Ainsi, à la veille de la fusion ANPE/Assedic, les procédures annuelles de contractualisation des objectifs et des moyens, qui existent à chaque échelon de l’ANPE, articulent finement des indicateurs financiers et des indicateurs physiques dont la MER et la MER +. Et ces indicateurs ont la particularité d’être enregistrés informatiquement de manière automatique, lorsque les agents manipulent leurs outils de travail informatiques, les registres d’inscription des bénéficiaires [Pillon, 2015].

4 – La perte de légitimité du chiffre et son remplacement

50 Du point de vue de la quantification, la création de Pôle emploi n’apporte d’évolution qu’après la prise en compte des effets de la crise sur les conditions de travail [Pillon et Vivés, 2015]. La forte augmentation du nombre de demandeurs d’emploi au cours de la séquence 2009-2011 a pour conséquence un travail d’interprétation de plus en plus forcé pour alimenter le système d’information en embauche. La pyramide hiérarchique de Pôle emploi se range progressivement à l’idée selon laquelle les données relatives au nombre de placements font l’objet de trop de manipulations pour constituer un support juste à l’évaluation de la performance de l’établissement et de ses membres (lors des entretiens annuels d’évaluations auxquels participent chaque cadre). L’indicateur est officiellement abandonné en tant qu’outil de mesure de l’efficacité des managers. On observe ainsi une circularité intéressante entre le travail et sa mesure [Vatin, 2011] : l’indicateur a été modifié pour s’ajuster aux évolutions du travail des conseillers et, en retour, les conseillers ont modifié leur travail pour s’adapter à la mesure de leur efficacité.

4.1 – Quand les agents jouent avec l’indicateur…

51 L’émergence d’une mesure de l’efficacité de Pôle emploi selon les objectifs de placement contribue à réorganiser le travail autour de la problématique de ce résultat spécifique et des façons de le mesurer. En ce qui concerne le placement, la mise en relation peut avoir lieu au cours d’un entretien avec le demandeur d’emploi, lui être signifiée par voie postale ou électronique. Dans tous les cas, l’impression d’une offre d’emploi conduit à ce qu’un logiciel enregistre automatiquement le décompte d’une « MER ». Mais le passage du moyen au résultat, c’est-à-dire d’une MER à une « MER + », exige davantage que de rapprocher l’offre et la demande. Rien ne garantit en effet que lorsque le demandeur d’emploi reçoit l’offre, il contacte l’employeur. S’il le fait, il n’est pas sûr qu’il se présente à l’employeur comme venant de la part de l’ANPE. Quand bien même ce serait le cas, il n’est pas sûr, d’une part, que l’employeur enregistre cette information et, d’autre part, que cette mise en relation débouche sur une embauche. La mention « recrutement déclaré par l’entreprise » signifie ainsi que l’employeur doit participer à la mesure de l’efficacité. Le décompte d’une mise en relation positive suppose qu’il identifie chacun des candidats qu’il reçoit à un canal de recrutement particulier et en informe le conseiller. Il est mis ce faisant en position de délivrer une information qui n’a pas d’intérêt pour lui et que, partant, il n’enregistre qu’imparfaitement. La mesure de l’efficacité du travail des conseillers – c’est-à-dire in fine la reconnaissance de leur travail – les oblige de ce fait à une activité spécifique de collecte d’informations. L’organisation collective du travail de l’opérateur public s’attache donc à favoriser l’interconnaissance entre employeurs et conseillers, à travers des équipes spécialisées par secteur d’activité, le développement de la recherche d’offres ciblées ou l’émergence de la « méthode de recrutement par simulation ».

52 À côté de ces réorganisations conformes au sens que les conseillers de l’ANPE donnent à leur travail, il existe d’autres conséquences moins dicibles de la mise en mesure du travail. Lorsque les chiffres du placement ne sont pas bons, l’enjeu quotidien consiste à maximiser les résultats en minimisant le temps consacré à la collecte d’information. L’activité se trouve alors en partie tournée vers le chiffre. Les conseillers développent ainsi, sous la houlette de leur directeur d’agence, un travail spécifique sur des actes professionnels qui ont la particularité de maximiser les résultats obtenus au regard de l’investissement temporel consenti. Ils font, par exemple, en sorte de disposer d’offres d’emploi dont le pourvoi rapide est garanti. Il s’agit typiquement des offres déposées par les agences de travail temporaire pour des contrats très courts, qui permettent de multiplier le nombre de placements auxquels a participé Pôle emploi. Il est possible, une fois un travailleur délégué auprès d’une entreprise utilisatrice, d’enregistrer l’offre d’emploi dans les registres de Pôle emploi, puis d’indiquer que le candidat recruté s’est en fait vu proposer cette offre par son conseiller avant d’être recruté. Formellement, l’embauche est décomptée simultanément au crédit de l’agence d’intérim et de l’agence ANPE, qui devient par ce biais plus efficace. Certaines agences d’intérim acceptent de jouer le jeu afin de bénéficier en retour d’un accès privilégié au fichier des demandeurs d’emploi et pouvoir ainsi démarcher des candidats potentiels qu’elles n’avaient pu toucher par leurs propres moyens. S’observent ainsi des alliances tacites entre agents du service public et d’autres intermédiaires de l’emploi par le biais duquel plusieurs intermédiaires du marché du travail s’attribuent un même recrutement.

53 Il s’agit là de pratiques épisodiques, qui n’affleurent que lorsqu’après les marchandages internes relatifs au dialogue de gestion, les directeurs locaux de Pôle emploi ne parviennent pas à faire reconnaître à leur hiérarchie intermédiaire – directeurs départementaux et directeurs régionaux – que les objectifs ne seront pas tenus du fait du contexte économique [Pillon, 2017]. Ainsi, ce n’est pas tant l’indicateur que les pressions émises à son endroit qui rendent la quantification agissante. En donnant la prime aux recrutements « déclarés par l’employeur », l’indicateur « Mise en relation positive » amène ainsi les agences en mal d’efficacité à se tourner épisodiquement vers les offres qui garantissent un accès rapide à l’employeur.

4.2 – Une mesure externe pour fiabiliser l’évaluation de l’efficacité

54 Depuis la convention tripartite (État, Unedic, Pôle emploi) signée en 2012, les activités de l’opérateur public sont suivies par de nouveaux indicateurs qui témoignent d’une réorientation de ses missions dans le cadre des politiques de lutte contre le chômage. La teneur principale de cette réorientation réside dans la disparition des indicateurs de moyens tels que le suivi mensuel personnalisé, et une nouvelle recomposition de l’indicateur de placement. Ces évolutions marquent un tournant majeur pour l’établissement, dans la mesure où le quotidien des travailleurs se dégage de l’emprise des indicateurs. Mais simultanément, l’ensemble des sous-traitants et des partenaires de Pôle emploi se trouvent pilotés par des indicateurs de placement, consolidant différentes pratiques d’écrémage et de sélection des bénéficiaires jugés les plus « employables » [Fretel et al., 2016].

55 Face aux pratiques d’enregistrement des chiffres jugées déviantes par la direction de l’institution, il a progressivement été reconnu par l’ensemble de la pyramide hiérarchique de Pôle emploi que les données relatives au nombre de placements et d’entretiens mensuels étaient trop peu légitimes pour demeurer inchangées. Ces indicateurs ont ainsi été officiellement abandonnés en 2012 en tant qu’outils de mesure de l’efficacité des managers.

56 Depuis 2012, les activités de Pôle emploi sont suivies par 15 indicateurs stratégiques, dont 10 sont nouveaux par rapport à la convention d’objectifs et de moyens signée en 2009. Ces nouveaux indicateurs témoignent d’une réorientation de ses missions dans le cadre des politiques de lutte contre le chômage : Pôle emploi ne considère plus les autres intermédiaires du marché du travail comme des concurrents dans la conquête des parts de marché, mais comme des employeurs « communs » entre lesquels doivent circuler les offres d’emploi disponibles sur le marché, afin d’en faciliter l’accès aux chômeurs. En 2012, dans un document stratégique présenté comme sa lettre de mission et intitulé « Pôle emploi 2015 », le nouveau directeur général de Pôle emploi, Jean Bassères, propose d’améliorer la mesure du placement en dépassant la « mise en relation positive » – une mesure interne de l’action des conseillers – au profit d’un calcul du taux des reprises d’emploi – une mesure externe de leur action.

57 Cette orientation se situe dans la continuité de démarches initiées dès 2009. La direction générale de Pôle emploi cherche en effet depuis cette date à apparier les bases de données de la Déclaration préalable à l’embauche (DPAE), détenues par l’Acoss (Agence centrale des organismes de sécurité sociale), avec le fichier des demandeurs d’emploi sortis des listes. Le principe consiste à croiser les personnes radiées de Pôle emploi avec celles qui ont fait l’objet d’une DPAE, afin de distinguer, parmi les sortants, ceux qui le sont par abandon, par oubli ou par sanction et ceux qui reprennent effectivement un emploi. Sensible du point de vue de la protection de la vie privée, le projet reçoit néanmoins l’assentiment de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en 2013.

58 De prime abord, le mode de calcul retenu semble faire l’hypothèse que toutes les reprises d’emploi sont imputables à Pôle emploi. Toutes les déclarations préalables à l’embauche sont comptabilisées au numérateur, comme un résultat positif. Plus vraisemblablement, l’indicateur fait abstraction de la question de l’imputabilité – le retour à l’emploi est-il dû à l’opérateur public ? – pour mesurer l’efficacité de dispositifs précis et comparer des taux de retour différenciés des bénéficiaires de différents services de Pôle emploi. Derrière ces comparaisons entre des groupes distincts de publics, ce sont des arbitrages budgétaires plus pertinents qui sont visés.

59 Le « matching » des bases de données est effectif depuis début 2015 sans que les conséquences profondes de ces évolutions n’aient pu encore être étudiées, outre la désorganisation interne qu’elles ont pu provoquer. Il est donc difficile à ce jour de déterminer les effets de long terme de ces nouvelles modalités de calcul sur le travail des agents. Leur sens du point de vue des reconfigurations stratégiques reste néanmoins redevable d’une analyse.

60 Les évolutions stratégiques, telles qu’elles figurent dans le plan « Pôle emploi 2015 », mettent la priorité sur l’objectif de « transparence du marché du travail ». Sont ainsi ouverts différents chantiers dont le but est d’offrir aux intermédiaires privés un accès autonome et automatique aux services en ligne de Pôle emploi. D’après ce plan, le site Internet de l’opérateur a vocation à devenir un agrégateur des offres disponibles sur le marché, qu’elles proviennent des job boards spécialisés, des agences de travail temporaire ou même des sites de petites annonces généralistes. Dès lors, les intermédiaires privés du marché du travail, telles les agences d’intérim, ne sont plus considérés comme des concurrents, mais comme de légitimes pourvoyeurs d’emplois. Conformément à cette orientation, le plan stratégique, adopté en juin 2012, comprend un ensemble de dispositions destinées à réduire le travail naguère consacré à gagner des parts de marché. La prospection n’est plus une priorité. La stratégie est désormais de faire circuler les offres et d’en faciliter l’accès pour les chômeurs. En retour, on attend de Pôle emploi une collecte d’offres plus qualitatives, ajustée aux publics dont il a la charge : les personnes éloignées de l’emploi.

5 – Conclusion

61 Nos matériaux et leur analyse suggèrent ainsi que les notions de « performance » ou de « résultat » peuvent recouvrir les réalités les plus variées, qui restent indéterminées tant qu’on ne regarde pas précisément les manières dont elles sont concrètement évaluées, mesurées. Dès lors, on ne peut savoir ce que recouvre la « performance », et connaître les effets des politiques associées, qu’en prêtant attention aux manières singulières de mesurer cette « performance », qui lui donnent corps. L’évaluation de l’efficacité de l’opérateur public de placement en termes de nombre de placements est une ambition ancienne et peu discutée par les différents acteurs de la politique de l’emploi. L’étude des modalités concrètes de cette mesure laisse dès lors entrevoir le travail à la fois technique, rhétorique et diplomatique que différents types d’acteurs, internes à l’établissement, ont mis en œuvre pour rendre cette mesure opératoire. Outre la définition de l’indicateur, survenue dès 1971, il a fallu mettre en place un corps de cadres spécialisés dans la compilation de cet indicateur, ce qui fut fait dès les années 1980. Il a fallu également que les relevés établis par ces cadres soient jugés légitimes par leurs interlocuteurs, processus opéré au cours des années 1990. Il a fallu enfin que l’enregistrement de ces données soit entremêlé avec le travail des agents qui faisaient l’objet d’une telle mesure. À l’image de différents travaux menés sur d’autres terrains, comme celui de l’hôpital, ce ne sont pas les indicateurs en tant que technique qui ont participé à modifier le champ. C’est bien davantage leur légitimation par les acteurs les plus prestigieux, c’est-à-dire le fait « qu’ils tiennent », pour reprendre les mots d’A. Desrosières. Mais une telle étude conduit également à mettre en lumière les effets de rétroaction directs et indirects qu’implique une mesure du travail explicitement présentée comme mesure de l’efficacité. Comme en témoignent la réorganisation de l’activité de placement à Pôle emploi ainsi que les expédients élaborés pour attester de la mise en œuvre des politiques d’activation des demandeurs d’emploi, la mesure de l’efficacité peut avoir des conséquences imprévues sur le contenu du travail effectué à destination des bénéficiaires. Aussi, la question de la mesure de l’efficacité n’est pas « seulement une question technique, à sous-traiter à des spécialistes » [Desrosières, 2005], elle apparaît comme une opération éminemment politique qui engage une définition des missions de l’État.

62 Si l’itinéraire gestionnaire de l’objectif politique de retour à l’emploi, tel qu’il a été retracé ici, demeure propre au service public de l’emploi et à sa gouvernance, il soulève néanmoins une interrogation de fond en ce qui concerne la protection sociale. La diffusion de l’objectif de retour à l’emploi des bénéficiaires de la solidarité nationale ou territoriale témoigne aujourd’hui d’une extension du régime de la « performance », mesurée le plus souvent sous l’angle du placement. La circulaire de la DGEFP du 10 décembre 2008, relative aux nouvelles modalités de conventionnement des structures d’insertion par l’activité économique, fixe ainsi des objectifs minimums à atteindre pour obtenir le conventionnement de l’État : des taux de sortie dynamiques de 60 % et un taux d’insertion dans l’emploi durable de 25 % au terme d’un délai de trois années. L’objectif de retour à l’emploi est ainsi largement répandu en tant qu’opérateur de conversion des organismes d’insertion à ces politiques d’activation.

63 La montée en charge de cette articulation entre mesure de la performance et financement dans le secteur de l’insertion va de pair avec le développement d’un exercice de la tutelle convertie à ces principes de gouvernement par les nombres [Alcaras et al., 2012]. On constate également le déploiement d’une politique des ressources humaines dans ces structures, allant à l’unisson des politiques de la performance [Marrel et Nonjon, 2012]. Restent néanmoins en jeu les modalités concrètes de mesure de ces résultats. Sont-ils déclaratifs ? Enregistrés par un institut de sondage ? Par une équipe de la DGEFP ou par un système d’information partagé ? De ces questions dépend en partie la carrière des bénéficiaires des politiques d’insertion. Différents travaux attestent néanmoins d’un progressif virage de ces organismes vers un écrémage inquiétant de leurs bénéficiaires [Perrier 2008 ; Gérome 2013 ; Fretel et al., 2016]. De telles modalités de gouvernement par les chiffres se heurtent à des limites de mise en œuvre majeures, qui témoignent en creux des difficultés du marché du travail à remplacer avec succès les mécanismes de protection sociale. Le chômage de masse et le chômage de longue durée questionnent ainsi la protection sociale dans ses fondements, sans que les politiques d’activation n’apportent de réponse satisfaisante à ces menaces. Quel sort réserver aux travailleurs potentiels qui ne parviennent pas à contribuer en travaillant ? Sans intervention structurelle sur le niveau d’emploi, une telle question s’avère d’autant plus aiguë que la contributivité des prestations et la sélectivité du marché du travail sont renforcées, mettant en péril l’universalité de la protection sociale dans un système bismarckien.

Notes

  • [1]
    Journal officiel de la République française, 1er décembre 1965, p. 10603.
  • [2]
    La « Rationalisation des choix budgétaires » est apparue au milieu des années 1960 suite à la mobilisation des fonctionnaires du budget pour encadrer les dispositions prises par le Plan. Il s’agissait de mettre en place des procédures de calcul microéconomique coûts-bénéfices pour « rationaliser » les investissements et leurs coûts [Spenlehauer, 1998].
  • [3]
    Jean Farge, « Agence nationale pour l’emploi », in Pour une politique du travail : rapports présentés à Robert Boulin. I. L’emploi, La Documentation française, Paris, 1979.
  • [4]
    Document « Préparation du plan de progrès de l’ANPE » – Versement 19970052.
  • [5]
    Directeur d’agence dans le XVe arrondissement de Paris à l’époque. Entretien, 2013.
  • [6]
    Ibid.
  • [7]
    L. Méline, membre du comité scientifique de l’ANPE de 1980 à 1990. Entretien, 2014.
  • [8]
    Les acteurs spécialisés dans la mesure de la productivité à l’ANPE ont régulièrement changé de dénominations et de services d’affectation sur la période ici traitée. Pour faciliter la compréhension, nous parlerons de gestionnaire jusqu’en 1994 et de contrôleurs de gestion ensuite.
  • [9]
    Document « Préparation du plan de progrès de l’ANPE ». Versement 19970052.
  • [10]
    Document « Réunion DRA – Évolution ANPE à moyen terme » pour préparer la réunion du 3 février 1988. Archives personnelles de M. Olivier Mériaux, directeur adjoint, remise à l’ANPE. Versement 19970052.
  • [11]
    Document « Réunion DRA – Dossier relatif aux orientations à moyen terme » pour préparer la réunion du 16 février 1988. Versement 19970052.
  • [12]
    Circulaire du 23 février 1989.
  • [13]
    Dominique Bauby, présent à la Direction du réseau de 1982 à 1992. Entretien, 2013.
  • [14]
    Jean-Pierre Soissons, ministre du Travail, discours devant le conseil d’administration de l’ANPE, 18 octobre 1988.
  • [15]
    Document remis aux participants du « Comité technique du conseil d’administration du 20 février 1990 », p. 11. Versement 19970052.
  • [16]
    Pierre Rollo, directeur de la comptabilité de l’ANPE de 1987 à 2009.
  • [17]
    Source : Documentation fournie aux participants. Comité technique du conseil d’administration de l’ANPE du 25 avril 1990, p. 5. Versement 19970052. Le blanc et les majuscules sont conformes au document d’origine.
  • [18]
    Directeur de la mission programmation et pilotage de l’ANPE d’alors. Entretien 2013.
  • [19]
    Entretien, 2014.
Français

La politique de l’emploi se caractérise par une mission inchangée depuis 1967 : le retour à l’emploi des chômeurs. Cette mission s’est néanmoins trouvée bousculée par l’émergence des politiques d’activation, mais également par des évolutions des pratiques gestionnaires au sein du service public de l’emploi. La mission s’est muée en objectif quantitatif, modifiant l’organisation de l’opérateur public de placement, l’ANPE, puis Pôle emploi. Pour saisir ce que revêt la notion de « pression aux résultats » au sein de la politique de l’emploi, nous proposons de regarder plus en détail l’ancrage politique et l’ancrage opérationnel des dispositifs de quantification. Les programmes d’activation de la protection sociale ne prennent tout leur sens qu’à partir du moment où l’on étudie comment l’objectif de report sur le marché du travail des bénéficiaires de la solidarité nationale est effectivement décliné et avec quelle postérité. La notion même d’activation se révèle alors beaucoup plus complexe à saisir et à mettre en œuvre qu’il n’y paraît.

Mots-clés

  • politique de l’emploi
  • activation
  • new public management
  • indicateurs de performance

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Mis en ligne sur Cairn.info le 25/05/2018
https://doi.org/10.3917/rfse.020.0039
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