1 Pour qui est convaincu qu’un auteur n’a rien d’un esprit tombé du ciel et qu’un écrit particulier ne peut être produit dans n’importe quelles conditions, comme pour qui pense que son biographe doit absorber les conditions économiques, sociales, politiques, morales et intellectuelles spécifiques de sa vie, ses racines familiales, ses réseaux de proches et d’amis, ses collaborations professionnelles, les débats scientifiques auxquels il a participé et jusqu’à ses traits psychologiques et somatiques, Karl Polanyi. A life on the left, la biographie que Gareth Dale, senior lecturer à la Brunel University de Londres, a consacrée à l’auteur de La Grande Transformation, peut être considérée comme un modèle [1]. Elle remplit en effet largement l’objectif qu’il se donne : « met[tre] l’accent sur le processus de formation intellectuelle de Polanyi, car il a interagi avec l’environnement social et géopolitique changeant » [2], et elle a été en cela largement saluée par ceux et celles qui en ont rendu compte [3].
2 À la différence d’autres travaux moins bien documentés car réalisés par des biographes ignorant le hongrois et l’allemand et réduits à une documentation essentiellement en langue anglaise, les compétences linguistiques (pour ce qui est de l’allemand) associées à une subvention lui permettant de disposer de la traduction de textes en hongrois ou de leurs résumés [4], de ce spécialiste de l’œuvre de Polanyi et plus généralement des rapports internationaux et politiques de l’époque où ce dernier a vécu lui ont permis de saisir avec finesse le contexte global et personnel de Polanyi. Les différents chapitres nous emmènent ainsi successivement dans l’enfance et la jeunesse hongroise de Polanyi avec des engagements déjà très à gauche [5], la période de la Première Guerre mondiale au cours de laquelle il doit être hospitalisé, les années viennoises post-première guerre mondiale où une gauche inspirée par un socialisme municipal a gouverné la ville, l’exil au Royaume-Uni dans la phase de montée du nazisme en Europe centrale et finalement son installation en Amérique du Nord, jusqu’à sa retraite au Canada. Cette vie courant de 1886 à 1964 a été largement marquée par l’exil, comme le fut au XIXe siècle celles de militants politiques tels Karl Marx et tant d’autres « libéraux » et, dans la première moitié du XXe siècle, de nombre d’intellectuels et opposants fuyant l’Europe centrale et orientale soumise à la peste brune ou à la répression stalinienne. Dans cette biographie intellectuelle, Gareth Dale consacre une grande partie de son analyse à dénouer les affinités et les conflits personnels et politiques de Karl Polanyi et d’Ilona Duczyriska, son épouse, avec la diaspora hongroise. On y est en revanche moins renseigné sur les relations entretenues avec les spécialistes de l’ethnologie, de la sociologie, de la politique et de l’économie et des revues et ouvrages consultés en ces domaines. Ces questions sont en fait traitées dans Reconstructing Karl Polanyi. Excavation and Critique (PlutoPress, London, 2016) [6], un ouvrage publié en parallèle sur les sources et origines de la pensée de Karl Polanyi et l’interprétation de ses analyses. C’est également dans cet autre ouvrage qu’est développé le contexte maccarthyste de la vie intellectuelle de Karl Polanyi dans les années 1950 aux États-Unis, en particulier du séminaire à Columbia University ayant donné lieu à la publication de l’ouvrage collectif codirigé par Karl Polanyi, Trade and Market in Early Empires (1957) [7].
3 Le travail de Gareth Dale est basé non seulement sur la fréquentation de multiples archives à Montréal, Chicago, New York, Oxford et Budapest, mais aussi sur des contacts personnels avec des intimes et relations de Karl Polanyi. La recherche a été réalisée alors que certains de ses anciens élèves et d’autres proches pouvaient encore porter témoignage et éclairer cette documentation. Ajoutons-y l’apport considérable accompli par l’Institut Karl Polanyi en ce qui concerne la conservation, la classification et la reproduction des abondantes archives de Karl Polanyi notamment grâce au travail de Margie Mendell, sa directrice, et de Kari Levitt-Polanyi, la fille de Karl Polanyi, sans oublier l’administratrice du fonds de l’Institut, Ana Gomez. Étant donné la notoriété croissante d’un livre comme La Grande Transformation, d’autres biographies de son auteur sont amenées à paraître. Gageons que leur principale source demeurera cet imposant travail de Gareth Dale, puisqu’aucun biographe ne pourra plus alors interroger comme celui-ci l’a fait élèves et collaborateurs de Karl Polanyi, par exemple Abe Rotstein (1929-2015) ou Anne Chapman (1922-2010). Ceux qui les ont connus savent leur disponibilité pour informer, tout comme Kari sa fille, sur le travail du maître et ami et leurs relations avec lui. Un tel rayonnement illustre la sympathie personnelle suscitée auprès de ceux qui l’ont côtoyé. Ce qui n’empêchera pas, bien évidemment, des apports partiels, notamment sur tel ou tel champ ou amenés par la découverte de nouvelles correspondances, voire d’archives administratives et policières en Europe centrale, au Royaume-Uni ou en Amérique de Nord – notamment pour ce qui concerne l’écriture et les sources de La Grande Transformation (relativement moins abordées que d’autres travaux) [8] –, ainsi que des interprétations divergentes de cette riche documentation, notamment pour ce qui est de son rapport personnel et intellectuel aux pensées socialistes ou chrétiennes ainsi que de ses positions politiques et à leur évolution. Je vais y revenir. Un des apports principaux de l’ouvrage, confirmé par Reconstructing Karl Polanyi, sera pour nombre de lecteurs la révélation de la sympathie de Karl Polanyi pour le régime soviétique et ses illusions quant à son évolution progressive [9], ainsi que ses lectures attentives de Karl Marx [10]. Le sens donné à ces convictions dépendra alors moins de la compréhension d’un temps irrémédiablement révolu que des situations dans lesquelles de nouvelles opinions pourront être émises et analyses faites [11]. Un contexte qu’intègre bien l’analyse entreprise en parallèle par Gareth Dale dans Reconstructing Karl Polanyi. Leur interprétation dépend moins d’un passé définitivement révolu que du futur vécu par les prochains biographes, autrement dit de leur idéologie personnelle, comme c’est le cas ici de Gareth Dale. Il en va de la vie de tout auteur et des traces que ses écrits laissent. Surtout quand la personnalité est complexe. Avec humour, Gareth Dale relève sur un blog à propos de son « personnage » : « Il était un chrétien qui n’a jamais adoré Dieu, un moderniste qui s’est plongé dans l’étude du monde antique et un partisan ardent de la cause paysanne qui n’a choisi que d’habiter de grandes villes. Il était amoureux d’une bolchevique tout en négligeant le bolchevisme, un social-démocrate de longue date qui dénigrait l’orthodoxie sociale-démocrate et un libéral qui chargeait le libéralisme classique de la pleine responsabilité de l’effondrement de ses rêves. Il était un humaniste et pourtant un défenseur ferme du régime de Staline en Russie. Dans sa correspondance, il peut paraître moraliste, voire collet monté, mais il était un lecteur désireux de L’amant de Lady Chatterley et son poème préféré de Shakespeare était sans réserve le Sonnet 129 [12]. » Vu cette complexité, la biographie de Gareth Dale n’est pas intrinsèquement indépassable. Mais, réaffirmons-le, toute recherche à venir sur la vie de Karl Polanyi et sur son œuvre pourra difficilement négliger son travail, quitte notamment à critiquer certaines interprétations politiques formulées dans son épilogue.
4 La publication de cette recension du livre de Gareth Dale est l’occasion d’illustrer les interprétations divergentes que l’on peut avoir de tel ou tel engagement, écrit ou propos. Ce biographe veut faire le tri entre l’apport scientifique judicieux et sa vision politique qui serait, selon lui, trop assise sur des illusions sur des capacités de transformer positivement les sociétés occidentales. Son interprétation politique des engagements et de façon plus générale de l’œuvre de Karl Polanyi, dans l’épilogue de sa biographie sous le titre « A lost word of socialism » (p. 281-288), a fait l’objet par Fred Block et Margaret R. Somers d’une vive critique, bien argumentée, dans leur recension de l’ouvrage parue dans Contempory Sociology [13]. Ceux-ci mettent en cause l’interprétation par Gareth Dale de ce qui serait la position politique de Polanyi, selon lui soumise à une vision essentiellement sociale-démocrate et insuffisamment critique à l’encontre du caractère procapitaliste des interventions étatiques. Avant de poser la question à un niveau général de l’interprétation que l’on peut en faire aujourd’hui, je l’illustrerai à partir de ce qui peut apparaître un détail au détour d’une note. Elle manifeste sa façon d’interpréter, en l’occurrence un témoignage que j’avais apporté à Gareth Dale et qu’il signale (p. 369 en note 21 de la page 287). Il écrit : « Son travail [de Karl Polanyi] parle à une variété de publics, y compris des socialistes, des anarchistes et des Verts, aussi bien que des sociaux-démocrates […] et même au néolibéral occasionnel, comme Dominique Strauss-Kahn, l’ancien directeur général du FMI et leader du parti socialiste, dont l’affection pour La Grande Transformation dénote la nostalgie des anciens souvenirs d’une jeunesse radicale ou peut-être le baume pour une conscience embarrassée. » En mai 1999 à l’occasion du VIIe Colloque international bisannuel de l’Institut Karl Polanyi ayant pour thème « Pour une nouvelle approche des besoins humains » et se tenant à l’Université Lumière Lyon 2, j’avais reçu de Dominique Strauss-Kahn, alors ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie du gouvernement Jospin une lettre dans laquelle il indiquait : « À l’heure où l’économie se présente comme une science impériale, et lorsque tant d’idéologues proclament que des marchés autorégulés peuvent se passer de toute intervention publique, Polanyi nous rappelle que les régulations sociales ne se résument pas à l’application mécanique de quelques principes tirés de l’individualisme méthodologique. C’est en tout cas la lecture que j’en fais, et qui me conforte dans les combats que je conduis pour établir les fondements d’une nouvelle croissance, faire naître la coordination européenne, ou mettre en place de nouvelles régulations financières. Je suis donc particulièrement heureux de constater, à la lecture du programme du colloque que les amis de Polanyi partagent ce souci d’une insertion dans les problématiques actuelles des réflexions qu’il inspire. Ceci est à l’évidence gage d’une pensée vivante, renouvelée et, si vous me permettez ce mot, opérationnelle. » J’en avais donné lecture à l’ensemble des congressistes lors du repas qui nous avait réunis dans une grande brasserie lyonnaise. Beaucoup avaient été étonnés de l’intérêt porté par ce ministre, alors éminent membre du parti socialiste français, à notre rencontre et son admiration affirmée pour l’œuvre de Karl Polanyi. Quelques semaines plus tard, à Roubaix, lors d’un colloque sur l’économie sociale et solidaire, j’avais rencontré Jean Pisani-Ferry, conseiller du ministre pour l’économie, et je lui avais alors demandé de bien vouloir remercier le membre du cabinet qui avait rédigé ce courrier au nom du ministre. À ma grande surprise, celui-ci m’avait répondu : « Mais c’est Dominique qui a rédigé la lettre. Il voulait d’ailleurs venir inaugurer ou conclure ce colloque. Mais il en a été empêché. » Il m’avait confirmé la connaissance par Dominique Strauss-Kahn de la pensée de Karl Polanyi. Et il avait ajouté en riant : « Du coup, plusieurs membres du cabinet ont voulu le lire. Mais la plupart n’ont rien compris. »
5 Cette anecdote, rapportée à Gareth Dale en 2011 lors de l’atelier intitulé « New Directions in Polanyian Scholarship » [14] organisé par Christopher Holmes au Rarum College de Salisbury (Royaume-Uni), lui est apparue comme un indice des limites de la pensée de Karl Polanyi. Il serait récupérable par des politiques à l’opposé des convictions personnelles de Gareth Dale. En fait, ces lectures divergentes me paraissent bien illustrer l’influence croissante de l’œuvre de Karl Polanyi dans les milieux les plus divers, depuis les années 1980. Toutefois, il me paraîtrait erroné de railler l’appui de tel ou telle, en stigmatisant en l’occurrence ce qui serait une récupération d’une pensée par un supposé « néolibéral », qui a déclaré avoir été proche du Parti communiste français quand il était étudiant. Un mouvement alors peu enclin à soutenir le socialisme de Karl Polanyi, même si le Centre d’études et de recherches marxistes, ainsi que la revue La Pensée, liés à ce parti, ont contribué à faire connaître dans le monde francophone les recherches en anthropologie économique et à travers elles l’œuvre de Karl Polanyi. On doit ici évoquer tout particulièrement le rôle de Maurice Godelier. C’est à travers lui qu’un grand nombre de spécialistes des sciences sociales en France ont découvert Karl Polanyi et sa définition substantive de l’économie opposée à une approche formaliste des logiques d’action [15]. Plus l’influence de l’auteur de La Grande Transformation (car c’est surtout à partir de cet ouvrage qu’il est connu et qui le positionne parmi les géants de la pensée comme Schumpeter, Weber, Marx ou Smith) croîtra, plus des interprétations les plus divergentes se multiplieront dans les milieux les plus divers. Il en va ainsi de tous les grands auteurs. Nul ne peut prétendre détenir « la » vérité d’un écrit face à son utilité/utilisation dans des contextes nouveaux, comme naguère celui des dérégulations des années 1990 ou aujourd’hui celui d’une prise de conscience croissante des conséquences du changement climatique et de l’essor nouveau de formes économiques de solidarité et d’une renaissance de l’idée et de pratiques de communs, non seulement dans les pays dits « développés » mais aussi dans ceux dits « en développement » ou « émergents » [16]. On peut ajouter que, plus que pour d’autres, la façon même de penser et d’agir de Karl Polanyi ne peut que s’opposer à toute affirmation dogmatique d’une pensée dite « polanyienne », dont tel ou telle disciple prétendrait être le garant ou le détenteur patenté. Difficile aussi, doit-on ajouter, pour un auteur, tout en gardant des convictions profondes, de ne pas adapter ses façons de voir et de penser entre l’avant-Première Guerre mondiale et l’après-Seconde Guerre mondiale…
6 Plus la notoriété d’un.e auteur.e s’accroît, plus sa pensée – ou ce que l’on présente comme tel – est mobilisée, y compris par certains qui ne l’ont pas lu.e. Et il ou elle peut même être cité.e à partir d’une traduction non seulement approximative mais erronée. C’est le cas de La Grande Transformation en français. Certains [17] ont commenté le paragraphe suivant : « Quelque vitale que fût l’importance d’un tel contre-mouvement pour la protection de la société, celui-ci était compatible, en dernière analyse, avec l’autorégulation du marché, et, partant avec le système de marché lui-même » (trad. française, p. 179). Or, dans l’original en anglais, on lit « incompatible ». L’erreur a été signalée dans sa thèse par Hadrien Saiag [18]. On le voit, un tel auteur donne à penser, y compris l’inverse de ce qu’il a pu écrire tout en se réclamant de lui. Les éditions Gallimard informées de l’erreur se sont engagées dans un courrier reçu en mai 2016 à corriger l’erreur lors d’une réimpression du livre.
7 Pour ce qui est de Karl Polanyi, sa notoriété actuelle paraît a priori paradoxale. De son vivant, il a été largement méconnu au-delà d’un cercle d’initiés. Or son analyse de l’interventionnisme nécessaire pour faire fonctionner les marchés paraît particulièrement judicieuse et éclaire bien les politiques du New Deal et des régimes fascistes, celles des programmes post-seconde guerre mondiale liés à la décolonisation avec les banques dites de « développement » autant que celles de la social-démocratie européenne promouvant un encadrement des marchés par diverses régulations et une intervention étatique directe par des prélèvements fiscaux croissants et à travers la production de biens et services par des entreprises publiques ou d’économie mixte. On peut estimer qu’en la matière le diagnostic de Karl Polanyi dépasse dans le champ économique celui de Walt Whitman Rostow dans ses Étapes de la croissance économique (1960) et égale celui de Joseph Alois Schumpeter dans Capitalisme, socialisme, et démocratie (1942) ou celui de John Kenneth Galbraith dans son Ère de l’opulence [The Affluent Society] (1958), comme celui de Raymond Aron dans le champ socio-politique avec ses Dix-huit leçons sur la société industrielle (professées en 1955 et 1956 et publiées en 1962). Sans avoir pourtant connu dans les années 1960 et 1970 leur notoriété, si on la mesure par le nombre de citations et les ventes de ces ouvrages. Durant les trente glorieuses et au début de la crise de 1973-1974, les écrits de Karl Polanyi n’ont pas inspiré les économistes, même les plus critiques d’entre eux. Sa pensée a alors surtout nourri l’essor de l’anthropologie économique puis de la socio-économie [19].
8 Sa notoriété est devenue de jour en jour plus marquée dans les années 1980 et 1990. De façon récente, on a pu souligner la proximité entre les idées de Karl Polanyi et celles de Lumen Fidei [La lumière de la foi, 2013], première encyclique du pape François [20] ou des propositions du candidat à l’investiture du parti démocrate en 2016, Bernie Sanders, et avec les aspirations de nombre d’électeurs américains [21]. Comment comprendre un tel succès tardif alors que l’on a assisté à un retournement idéologique et des pratiques économiques des gouvernements avec des « dérégulations » et des « privatisations » mettant l’État (réduit à une portion de plus en plus congrue) au service des marchés [22] ? A priori à l’inverse même de la pensée de Polanyi sur la régulation des économies après la crise de 1929. La contrainte publique n’a pas disparu (loin de là) mais l’objectif qui lui est attribué consiste à faire régner la logique de concurrence des intérêts privés dans le maximum de domaines possibles. Si l’on comprend le diagnostic de Karl Polanyi comme étant celui d’un échec définitif de l’économie de marché et d’une inéluctable convergence entre les économies socialistes planifiées et les économies de marché la situation présente oblige à constater qu’il s’est trompé, quant aux évolutions récentes tant des unes que des autres. Alors, même si le long terme pouvait lui donner raison en mettant en scène une nouvelle « Grande transformation » pourquoi son actuel succès [23] a priori peu justifié comme forme de clairvoyance sur le sens de l’histoire ?
9 Une première réponse semble évidente. Karl Polanyi ne doit pas être lu pour trouver dans son œuvre des vertus téléologiques. Il ne s’agit pas de prédire l’avenir mais de produire des outils pour comprendre l’évolution passée et les dynamiques en cours des sociétés avec leurs tendances et leurs contre-tendances. Karl Polanyi parle lui-même du mouvement de marchandisation et d’un contre-mouvement formé par les résistances progressistes et réactionnaires des populations. Mais la raison qui vient le plus spontanément à l’esprit pour expliquer son succès actuel et qu’appuie Gareth Dale, en particulier dans le dernier chapitre de Karl Polanyi. A life on the left et dans Reconstructing Karl Polanyi, réside dans la force et la pertinence de son rejet de l’économisme. Pour tous ceux qui s’opposent au retour de l’hégémonie de la concurrence des intérêts privés à une échelle planétaire, à la forte montée des inégalités économiques de revenus et de patrimoines et aux effets néfastes du « système capitaliste » sur l’humain et son environnement, son œuvre, largement inspirée par son analyse des causes et des séquelles de la crise de 1929, fourbit une vision adéquate à leurs objectifs critiques mettant en cause le fondamentalisme du Marché. Le fait qu’elle traite d’économie sans recourir à des formalisations d’accès difficile ont facilité sa lecture et sa diffusion.
10 Mais deux autres raisons, plus ambiguës, de sa notoriété peuvent être avancées. Elles tiennent à l’hégémonie du néolibéralisme, croissante à partir des années 1980. La première provient d’une approche contemporaine superficielle du néolibéralisme comme pensée anti-étatiste. Pour beaucoup, en particulier des acteurs de la vie politique et sociale, les néolibéraux seraient hostiles à toute intervention publique. Le recours à l’État est alors présumé s’opposer au « Marché ». La Grande Transformation de Karl Polanyi devient ainsi un outil adéquat pour penser les limitations aux excès de l’économie de concurrence pure et parfaite. C’est dans ce paradigme que s’est sans nul doute situé Dominique Strauss-Kahn comme beaucoup de sociaux-démocrates ou assimilés. Or l’État a progressivement été mis au service, non de ce qui a été désigné comme une socialisation et une démocratisation de l’économie, mais d’une soumission de plus en plus forte à une logique de concurrence [24]. Comme celle-ci n’est pas un ordre naturel (ce qu’avait parfaitement analysé Karl Polanyi), son application nécessite une puissante pression publique pour soumettre la société à cette logique. On doit relever ici que la déconstruction critique de Karl Polanyi ne porte pas essentiellement sur le seul rapport capital/travail, selon l’interprétation dominante de l’œuvre de Karl Marx, en analysant la société de marché et en pensant que les échanges marchands peuvent pervertir les rapports humains mais que tout marché n’est pas néfaste en tout lieu et en tout temps [25]. Ce dépassement du paradigme marxiste est apparu pour beaucoup d’une grande pertinence afin de fourbir de nouveaux outils pour penser des issues aux crises de notre temps.
11 Une seconde raison de son succès tient à certaines interprétations d’une partie de son œuvre. Un concept clef de son analyse des systèmes économiques est celui de formes d’intégration économique. Désignées comme « réciprocité », « redistribution » et « marché » [26], elles sont généralement présentées comme des modes de circulation des biens et services et sont en quelque sorte opposées au concept marxiste de mode de production (caractérisé par l’articulation des rapports sociaux de production avec un certain niveau des forces productives). Or les principes polanyiens d’intégration économique en tant que principes d’interdépendance des activités humaines ne se limitent pas au champ de la distribution-circulation car elles se situent aussi dans ceux de la production et de la consommation intermédiaire ou finale. On peut s’étonner de cette occultation de la production dans l’œuvre de Karl Polanyi alors même que l’analogie de la machine y joue un rôle essentiel [27], se situant tout autant, voire davantage, dans l’imaginaire qu’elle induit que dans sa capacité matérielle d’accroissement des forces productives. L’actuelle occultation de la technique et plus généralement de la production est conforme à la domination de la circulation (via la financiarisation des sociétés) dans l’argumentaire néolibéral [28]. Une idéologie économiciste que Karl Polanyi a désignée comme « catallactique » [29].
12 Cette vision explique le déclin symétrique de la pensée de Karl Marx, celle-ci étant marquée par la sphère de la production et la théorie de la valeur travail qui lui est liée. Chez Karl Polanyi, on ne trouve pas de théorie de la valeur [30] mais la catégorie « marchandise fictive » appliquée non seulement à la force de travail mais aussi à la monnaie et à la terre, qui, chacune à leur manière ayant la spécificité de ne pas être produites pour être vendues [31], les distinguent par rapport à l’hypothèse de l’universalité et de la généralisation de la marchandise développée par Karl Marx et au rôle central qu’il donne aux rapports salariaux. Cela permet d’inclure la nature et donc les éléments environnementaux. Cette interprétation, située dans le champ de la circulation, rend sa critique compatible d’une certaine manière avec le néolibéralisme, même si c’est pour en dénoncer radicalement les effets.
13 Il appartient sans doute aux générations futures, non seulement de réinvestir la production et la technique chez Karl Polanyi, tout comme de (re)découvrir le Marx de l’aliénation qui avait fortement inspiré la pensée de Karl Polanyi à travers la diffusion des Manuscrits de 1844 publiés pour la première fois en allemand en 1932 [32]. Il y a là convergence possible avec l’hypothèse et la mise en pratique des communs [33]. Ce qui permettrait à l’œuvre de Karl Polanyi d’enrichir la réflexion pour penser aujourd’hui les oppositions et alternatives à nos sociétés devenues « liquides » [34].
14 Une dernière raison du succès de Karl Polanyi que ne développe pas Gareth Dale réside sans doute dans son interdisciplinarité. Il est difficile en effet de situer son appartenance disciplinaire. C’est un auteur que les historiens et sociologues considèrent le plus souvent comme un économiste et les historiens comme un économiste par exemple. Autant de classifications qui se révèlent pour nombre de spécialistes comme une façon de le rejeter en le situant hors du domaine de leur compétence, rendant ainsi inutile une réponse à ses critiques des représentations dominantes. Dans une période où les frontières traditionnelles tracées entre les disciplines sont ébranlées et tiennent surtout par les découpages hérités entre institutions de formation et de recherche, le caractère en quelque sorte inclassable de cette œuvre lui donne une grande pertinence. Elle est interdisciplinaire, non parce qu’elle serait une agrégation d’emprunts à des champs différents (qui en ferait une sorte de pot-pourri intellectuel), mais du fait qu’elle questionne avec une pertinence forte les hypothèses constitutives notamment de l’économisme au sein de toutes les sciences de l’humain, des sociétés et de leur environnement.
Notes
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[1]
Pour un résumé de l’ouvrage, voir Elsa Boulet, « Gareth Dale, Karl Polanyi. A Life on the Left », Lectures, Les comptes rendus, 2017, mis en ligne le 18 janvier 2017, http://lectures.revues.org/22166. Voir aussi son analyse argumentée par Chris Moreh sur le blog de la London School of Economics and Political Science Review of Books en date du 30 septembre 2016, http://blogs.lse.ac.uk/lsereviewofbooks/2016/09/30/book-review-karl-polanyi-a-life-on-the-left-by-gareth-dale/.
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[2]
« The focus of this biography is on the process of Polanyi’s intellectual formation, as he interacted with the changing social and geopolitical environment », p. 9.
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[3]
Voir toutefois ci-dessous en note 23 la lecture discordante de Jeremy Adelman parue dans la Boston Review (30 mai 2017) qui dénonce l’utilité même de présenter aujourd’hui l’œuvre de Karl Polanyi.
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[4]
Lire son interview dans Savage Minds. Notes and Queries in Anthropology, February 13, 2017, https://savageminds.org/2017/02/13/gareth-dale-on-karl-polanyi/#more-21174. On ne peut que regretter que Gareth Dale ne les ait pratiquement pas utilisées pour la rédaction de l’ouvrage Reconstructing Karl Polanyi: excavation and critique, Pluto Press, London, 2016, qu’il a publié parallèlement.
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[5]
J’aurais souhaité dans cet article rendre compte aussi de Karl Polanyi: The Hungarian Writings, ensemble de textes et de lettres rédigés en hongrois principalement entre 1907 et 1923 par Karl Polanyi, traduits en anglais par Adam Fabry, publiés également en 2016 par Gareth Dale à Manchester University Press. L’absence de service de presse et le coût de l’ouvrage (65 livres sterling) ne peuvent que réduire sa diffusion. La stratégie d’un éditeur qui assure la rentabilité de son activité en dégageant une marge très élevée sur un nombre restreint d’exemplaires vendus constitue une appropriation contraire à la critique par Karl Polanyi des effets de la propriété privée… On peut d’autant plus s’en étonner que Gareth Dale indique que la traduction des textes en hongrois publiés et d’autres qu’il a fait résumer a été subventionnée…
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[6]
On lira avec grand intérêt sa recension par Chris Moreh sur le blog de la London School of Economics and Political Science, http://blogs.lse.ac.uk/lsereviewofbooks/2017/03/13/book-review-reconstructing-karl-polanyi-excavation-and-critique-by-gareth-dale/.
-
[7]
Traduit en français en 1975 sous le titre Les systèmes économiques dans l’histoire et dans la théorie avec une préface de Maurice Godelier. À l’automne 2017 est parue une nouvelle traduction par Michele Cangiani et Jérôme Maucourant aux Éditions Le Bord de l’eau avec un avant-propos d’Alain Caillé et une postface d’Alain Guéry sous le titre Commerce et marché dans les premiers empires. Sur la diversité des économies. Si le titre donné en français traduit assez bien celui de sa publication en anglais (à la nuance près qu’early peut signifier aussi « précoce »), le nouveau sous-titre paraît assez éloigné de celui qui avait été donné, à savoir Economies in history and theory. Il avait inspiré le titre donné à la première traduction française. On peut penser que, soumis à des contraintes mercantiles, en adaptant le titre ou le sous-titre, les éditeurs veulent coller avec leur temps…
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[8]
Pour une analyse de l’écriture par Karl Polanyi de La Grande Transformation, on lira avec intérêt Fred Block, Margaret R. Somers, The Power of Market Fundamentalism. Karl Polanyi’s Critique, Harvard University Press, Cambridge-London, 2014, p. 73-97.
-
[9]
Outre ces deux ouvrages de Gareth Dale, voir une publication récente de textes principalement inédits écrits entre 1919 et 1958, dont plusieurs traitent de la Russie et de la politique et de l’économie soviétique, dans Karl Polanyi, For a New West, Polity Press, Cambridge, 2014, éd. par Giorgio Resta et Mariavittoria Catanzariti, avec une préface de Kari Polanyi Levitt (ouvrage paru en italien en 2013).
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[10]
Gareth Dale, Reconstructing…, op. cit., 2016, p. 33-54. Incontestablement, la publication de ce que l’on appelle les Manuscrits de 1844 de Marx l’a plus marqué que la lecture du Capital, au point que l’on peut se demander si sa lecture a dépassé celle du Livre premier.
-
[11]
Donne l’exemple, parmi d’autres, de cette lecture pour notre temps : Mark Harvey, Ronnie Ramlogan, Sally Randles (eds.), Karl Polanyi. New perspectives on the place of the economy in society, Manchester University Press, Manchester, 2007.
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[12]
« He was a Christian who never worshipped God, a modernist who immersed himself in study of the ancient world, and an ardent supporter of the peasant’s cause who chose only to inhabit sprawling cities. He was in love with a Bolshevik while spurning Bolshevism, a life-long social democrat who disparaged the social-democratic orthodoxy, and a liberal who charged classical liberalism with full responsibility for the collapse of its dreams. He was a humanist and yet a staunch defender of Stalin’s regime in Russia. In his correspondence he can appear moralistic, even straitlaced, but he was an eager reader of Lady Chatterley’s Lover and his favourite Shakespeare poem was the unreservedly lustful Sonnet 129 », http://mybookthemovie.blogspot.fr/2016/07/gareth-dales-karl-polyani-life-on-left.html, mise en ligne July 30, 2016.
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[13]
Fred Block, Margaret R. Somers, « Karl Polanyi in an Age of Uncertainty », Contempory Sociology, vol. 46, 2017, n° 4, p. 379-392.
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[14]
Une partie des contributions ont été publiées dans Economy and Society, vol. 43, 2014, n° 4 « New Directions in Polanyian Scholarship ».
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[15]
Maurice Godelier, Rationalité et irrationalité en économie, Maspero, Paris, première édition 1966 (dans sa réédition en Petite collection Maspero en 1971, p. 134 et 137). Voir surtout sa préface à Karl Polanyi et al., Les systèmes économiques dans la théorie et dans l’histoire, Larousse, Paris, 1974 et son interview dans Socio-Anthropologie en 2000, intitulée « Aux sources de l’anthropologie économique », suivie d’un article publié dans J. Copans, S. Tornay, M. Godelier, C. Backès-Clément, L’anthropologie : science des sociétés primitives ?, Éditions E.P., Paris, 1971, p. 225-237, https://socio-anthropologie.revues.org/98.
-
[16]
Sur la nécessaire mise à jour, on lira avec intérêt l’analyse faite par la fille de Karl Polanyi dans un volume rassemblant quelques-unes des conférences qu’elle a données au cours du dernier quart de siècle : Kari Polanyi Levitt, From the Great Transformation to the Great Financialization. On Karl Polanyi and other essays, Zed Books, London, 2013.
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[17]
Je n’aurai pas la cruauté de les citer. Il suffit d’entrer dans Google quelques éléments de la citation en français pour les retrouver…
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[18]
Hadrien Saiag, Le Trueque argentin au prisme de la dette, thèse de doctorat en sciences économiques, Université Paris IX, 2011, note 41, p. 21.
-
[19]
Sally Randles, « Issues for a neo-Polanyian research agenda in economic sociology », in M. Harvey, R. Ramlogan, S. Randles (eds.), Karl Polanyi. New perspectives…, op. cit., 2007, p. 133-162 ; F. Block, M. Somers, « Karl Polanyi… », op. cit., 2017 ; I. Hillenkamp, J.-L. Laville (dir.), Socio-économie et démocratie : l’actualité de Karl Polanyi, Eres, Toulouse, 2013.
-
[20]
Voir « Pope Francis’s Theory of Economics. A case for the pontiff’s debt not to Karl Marx but to Karl Polanyi », The Atlantic, Nov. 26, 2013, http://www.theatlantic.com/business/archive/2013/11/pope-franciss-theory-of-economics/281865/ et quelques commentaires que ce rapprochement a pu susciter rapportés par la fille Karl Polanyi dans http://www.karipolanyilevitt.com/pope-francis-and-karl-polanyi/.
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[21]
Patrick Iber, Michael Konczal, « Karl Polanyi for President », Disssent, 2016, May 23, https://www.dissentmagazine.org/online_articles/karl-polanyi-explainer-great-transformation-bernie-sanders.
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[22]
La question de l’inactualité et de l’actualité de l’œuvre de Karl Polanyi a été posée en d’autres termes par Michele Cangiani cité par Giorgio Resta dans son introduction à Karl Polanyi, For a New West (note 1, p. 15 ; voir ci-dessus note 6) et par Alain Caillé et Jean-Louis Laville dans leur postface à Essais de Karl Polanyi édité par M. Cangiani et Jérôme Maucourant, Seuil, Paris, p. 574 sq.
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[23]
La plupart des comptes rendus de l’ouvrage de Gareth Dale mettent en avant ce succès tardif et montrent comment Karl Polanyi est aujourd’hui mobilisé dans la critique « du capitalisme ». Par exemple Daniel Luben, « The Elusive Karl Polanyi », Dissent, Spring 2017, https://www.dissentmagazine.org/article/elusive-karl-polanyi-great-transformation-gareth-dale-biography. D’où des critiques des anti-anti-capitalistes, comme Jeremy Adelman, « Polanyi, the Failed Prophet of Moral Economics », Boston Review, May 30, 2017, http://bostonreview.net/class-inequality/jeremy-adelman-polanyi-failed-prophet-moral-economics. Voir la pertinente réponse de Steven Klein, « How (Not) to Criticize Karl Polanyi », June 5, 2017, Democracy. A Journal of Idea, http://democracyjournal.org/alcove/how-not-to-criticize-karl-polanyi/.
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[24]
Ce recours à l’État dans les politiques néolibérales est débattu et pensé dès la constitution du mouvement à la veille de la Seconde Guerre mondiale, comme l’analyse Serge Audier, Le Colloque Lippmann. Aux origines du néo-libéralisme, Le Bord de l’eau, Lormont, 2008. Voir aussi les pages consacrées à l’ordolibéralisme et au nazisme par Gareth Dale dans Reconstructing Karl Polanyi…, op. cit., 2016.
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[25]
Isabelle Hillenkamp, Jean-Michel Servet, « La tragédie du marché. Comment tenir compte de la construction sociale des marchés, Notes et Études de l’Institut Veblen pour les réformes économiques », 4 janvier 2017, http://www.veblen-institute.org/La-tragedie-du-marche.html.
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[26]
Outre le householding. Sur celui-ci, voir Isabelle Hillenkamp, « Le principe de householding aujourd’hui. Discussion théorique et approche empirique par l’économie solidaire », in I. Hillenkamp, J.-L. Laville (dir.), Socio-économie et démocratie…, op. cit., 2013, p. 215-239. Voir la proposition de le comprendre comme un principe d’autosuffisance dans J.-M. Servet, « Corporations dans l’Europe d’Ancien Régime et principe d’autosuffisance. Comprendre le caractère moral des corporations d’Ancien Régime », in Bernard Castelli, Isabelle Hillenkamp, Bernard Hours (dir.), Économie morale, morale de l’économie, L’Harmattan, Paris, 2015, p. 55-86.
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[27]
La Grande Transformation, trad. p. 110, 164-165 ; La subsistance de l’homme, p. 232, 233. Les Essais de Karl Polanyi (éd. par Michele Cangiani et Jérôme Maucourant, Seuil, Paris, 2008, p. 547-550) comportent la traduction d’un manuscrit inédit intitulé « La machine et la découverte de la société » particulièrement éclairant en la matière. Voir aussi « La mentalité de marché est obsolète », p. 505-517), traduction d’un article paru dans Commentary (vol. III, n° 2), en 1947 Le rapport machine, marché et société dans les écrits de Karl Polanyi est traité dans G. Dale, Reconstructing…, op. cit., 2016, p. 42, 150 et G. Dale, Karl Polanyi. A life, op. cit., 2016, p. 223-225.
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[28]
Voir J.-M. Servet, Le Grand Renversement, Desclée de Brouwer, Paris, 2010.
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[29]
On peut ici pour définir cette expression reprendre la note que Bernard Chavance a ajoutée dans sa traduction de The Livelihood of Man [La subsistance de l’homme. La place de l’économie dans l’histoire et la société, Flammarion, Paris, 2011] : « La “catallactique” (cattalactics) est un terme introduit par Richard Whately en 1831, signifiant la “science des échanges” ; il fut repris par Ludwig von Mises (1881-1973) dans son livre Human action: A Treatrise on economics (1949), pour décrire le processus dans lequel le marché engendre des taux d’échange et des prix. Ultérieurement Friedrich Hayek (1899-1992) développera le concept de “catallaxie” pour désigner l’ordre spontané du marché (Droit, législation, liberté, vol. II, 1976) » (p. 41).
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[30]
Voir G. Dale, Reconstructing…, op. cit., 2016, p. 47.
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[31]
Seulement en partie aujourd’hui du fait de l’accaparement de la création monétaire par les banques, réduisant à portion congrue le caractère public et encore plus commun de la monnaie.
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[32]
Leurs traductions anglaise et française n’ont été publiées que dans les années 1950.
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[33]
Marie Cornu, Fabienne Orsi, Judith Rochfeld (dir.), Dictionnaire des communs, PUF, Paris, 2017.
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[34]
J.-M. Servet, « Solutions liquides. Résistances dans l’après-capitalisme », Esprit, mars-avril 2016, 2016, p. 216-226 ; Id., « Crise et issues solidaires », in Jean-Louis Laville, Geoffrey Pleyers, Elisabetta Bucolo, Jose Luis Corragio (dir.), Mouvements sociaux et économie solidaire, Desclée de Brouwer, Paris, 2017, p. 385-403.