CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1L’attention croissante accordée au contrôle de la qualité de la production et des services a investi le secteur public à partir des années 1980 [Bruno, Didier, 2013]. Fondé sur l’usage systématique des chiffres comme outils de gouvernement de l’activité étatique, ce contrôle de la qualité est devenu une caractéristique marquante de la nouvelle gestion des services de l’État fondée sur des indicateurs de performance et des objectifs qui visent à orienter les comportements [Desrosières, 2005, 2008].

2Longtemps à l’écart de ces logiques de rationalisation de l’activité, la justice, à partir des années 1980 et de manière différenciée selon les pays européens, a progressivement été touchée par les réformes de l’État introduisant une perspective gestionnaire dans les services publics. S’ajoutant aux principes d’autonomie et d’indépendance du pouvoir judiciaire, le principe d’accountability, ou de redevabilité, s’est affirmé comme un critère nouveau et important de régulation de l’activité des systèmes judiciaires [Contini, Mohr, 2007 ; Vigour, 2006]. Des dispositifs spécifiques – étrangers à la justice il y a encore vingt ans – accompagnent ces changements : bonnes pratiques de gestion, tableaux de bord, enquêtes de satisfaction… comme dans d’autres secteurs, ces changements sont mis en œuvre par des réformes nationales – comme la LOLF en France à partir de 2001 [1] –, des initiatives locales en juridiction, ou des actions conduites dans des enceintes internationales [Bruno et al., 2006 ; Delpeuch, Vassileva, 2009]. Une bonne partie de ces activités de fixation de normes et standards pour les tribunaux a lieu au sein de réseaux européens composés de professionnels et d’experts du monde judiciaire [Dallara, Piana, 2015].

3Cet article étudie la manière dont différents acteurs au niveau européen se sont approprié et ont traité la question de la définition et de la quantification de la qualité de la justice. À partir d’une approche croisant sociologie de l’action publique, sociologie politique et sociologie de la quantification, il retrace la construction et le développement de la fabrique européenne des politiques publiques en ce domaine. Pour cela, il se centre sur les travaux de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), comité du Conseil de l’Europe qui a le premier travaillé sur ce sujet au niveau européen. Il analyse la façon dont la qualité a été définie et quantifiée à travers des dispositifs à destination des systèmes judiciaires nationaux. Il prête attention aux configurations d’acteurs, aux expériences professionnelles et cadres cognitifs de ces acteurs pour expliquer la manière dont les liens entre savoirs et pouvoirs que met en scène ce forum façonnent la construction et la transformation des instruments élaborés en son sein.

4Cet article poursuit deux finalités. D’un point de vue empirique, il met en lumière les enjeux et problématiques qu’impliquent la définition et l’élaboration d’indicateurs visant à établir ce qu’est la qualité de la justice dans un contexte transnational caractérisé par l’hétérogénéité des professionnels et des représentations de la justice [2]. D’un point de vue théorique, cet article analyse les dispositifs européens de mesure de la qualité de la justice au prisme du choix des instruments d’action publique, en contestant le présupposé de neutralité de l’outil technique souvent mis en avant par les acteurs les élaborant [Aggeri, Labatut, 2014 ; Lascoumes, Le Galès, 2004]. Après avoir présenté la genèse de cet espace de discussion au sein du Conseil de l’Europe, l’article analyse le déploiement de deux outils spécifiques – la check-list pour la promotion de la qualité de la justice et le Rapport d’évaluation des systèmes judiciaires européens. Ces instruments illustrent la jonction entre des cadres cognitifs divergents en situation et leur hybridation au cours du processus de changement incrémental de définition de la qualité de la justice. En montrant les enjeux et les visions spécifiques de la justice qui se croisent lors de l’élaboration de ces dispositifs et de leurs réappropriations par d’autres acteurs de la gouvernance européenne de la justice, l’article discute la place des instruments comme intermédiaires non neutres de l’action publique façonnant les rapports sociaux entre les acteurs à travers des représentations et des significations loin d’être univoques selon leurs destinataires [Halpern et al., 2014].

5Pour ce faire, l’article s’appuie sur l’analyse des archives documentaires de la CEPEJ, disponibles sur leur site Internet, sur les observations menées par l’auteur lors de 17 journées de réunion de la CEPEJ [3], et sur les entretiens semi-directifs réalisés avec des membres et experts de ce comité (15) en français, anglais ou italien, dans plusieurs villes européennes.

2 – Définir et quantifier la qualité de la justice en Europe

6Le développement au niveau européen d’appareils statistiques (re)définissant et mesurant des phénomènes sociaux tels que l’emploi ou l’éducation, et destiné au gouvernement de l’action publique, vise le plus souvent à créer à la fois une standardisation et une convergence des catégories statistiques, un cadre de concurrence entre les États et une diffusion plus aisée des « meilleures pratiques » [Penissat et Rowell, 2012]. La genèse de la CEPEJ est quant à elle liée à ces mêmes objectifs, afin de répondre aux attentes des citoyens à l’égard d’une justice plus rapide, en identifiant et en travaillant sur les difficultés que rencontrent les systèmes judiciaires européens [4]. Ces demandes se concrétisent à la fin des années 1990 avec la très forte hausse des recours à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui résulte de l’augmentation du nombre des pays membres, de l’ouverture de la saisine directe par les citoyens, consécutive à la réforme de la Convention de 1998 [Boillat et Leyenberger, 2008 ; Sicilianos, 2003], et du nombre de violations par les États relatives à l’art. 6 de la Convention – établissant le droit à un procès équitable et dans des délais raisonnables [5] [Jean, 2015].

2.1 – Un comité pluridisciplinaire pour un espace d’équivalence européen

7Afin de remédier à cet engorgement progressif de la CEDH, un sous-comité, le Comité d’experts sur l’efficacité de la justice est créé au sein du Comité directif de coopération juridique (CDCJ) du CoE. Entre 1997 et 2000, ce sous-comité est chargé d’identifier des indicateurs permettant aux systèmes judiciaires européens d’améliorer leur fonctionnement et leurs délais. L’attention ainsi portée à l’efficacité s’ajoute au travail réalisé dans les années précédentes sur l’indépendance de la justice, dans le contexte des transitions démocratiques des pays de l’Europe de l’Est [6], efficacité et indépendance étant les architraves d’une justice de qualité, telle qu’exprimée par l’article 6 de la Convention [Boillat, Leyenberger, 2008]. Ce même sous-comité est ensuite chargé d’établir le cadre formel pour la création de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) en 2002, où ce travail d’identification d’indicateurs d’efficacité devait se systématiser.

8Deux personnes jouent un rôle clé : le président – un ancien juge allemand, directeur des services internationaux du ministère fédéral de la Justice et membre du CDCJ – et le secrétaire de ce sous-comité – un juriste suisse-italien convaincu que fournir des données comparatives aux États serait la meilleure façon de les faire travailler ensemble pour résoudre leurs problèmes. Devenus ensuite premier président et premier secrétaire de la CEPEJ, ils assurent la transition et l’établissement permanent de la CEPEJ parmi les comités du CoE, soutenus dans leurs projets par certains pays, notamment les Pays-Bas [7].

9La première mission de la CEPEJ est « d’analyser les résultats obtenus par les divers systèmes judiciaires […] en ayant recours, entre autres, à des critères statistiques communs et à des moyens d’évaluation » [8]. En ce sens, la CEPEJ a pour objectif premier la construction d’un espace conventionnel d’équivalence [Desrosières, 2000] qui puisse servir de base à la résolution d’un problème social et politique spécifique [Nivière, 2005] : celui de l’engorgement des tribunaux des pays européens et, dans une moindre mesure, de la CEDH à Strasbourg. La CEPEJ se caractérise par une pluridisciplinarité répondant à l’exigence d’avoir à la fois des « gens vivant la justice au quotidien, comme les juges, les procureurs et les avocats » [9] et des profils techniquement plus compétents pour identifier et élaborer les outils et indicateurs nécessaires à la mesure et à l’évaluation des performances judiciaires, tels des économistes du droit, des experts en management de l’administration publique ou des statisticiens.

10Cette mixité de profils répond à la nécessité de s’ancrer dans une définition de la qualité de la justice proche des professionnels en juridiction, et d’intégrer une expertise capable de traduire l’impulsion venant du Comité des ministres du CoE et du secrétariat de la CEPEJ qui souhaite appréhender et mesurer « la diversité de constituants qui font la qualité de la justice » [CEPEJ, 2008]. Mais, comme le soulignent d’autres travaux, l’association dans une même arène de deux approches, ici de deux ethos professionnels différents – juristes et experts de l’administration [Vigour, 2008, 2015], suscite des oppositions quant aux modèles théoriques de définition des statistiques [Penissat, 2012]. Notamment, l’une tend à souligner la spécificité de l’institution judiciaire par rapport aux autres administrations, et l’autre à y appliquer des mesures de la qualité issues du management et développées dans d’autres organisations publiques aussi, telles les écoles [Normand, Vincent-Dalud, 2012] et les hôpitaux [Belorgey, 2010].

11L’essentiel de l’activité de la Commission est réalisé au sein de trois groupes de travail qui se réunissent plusieurs fois par an. Chacun compte huit membres – professionnels de la justice et autres experts (professeurs de droit, chercheurs en administration publique, fonctionnaires de l’administration judiciaire) proposés par les délégations des pays membres du CoE et sélectionnés par le secrétariat et le bureau [10] de la CEPEJ en fonction de leur expertise, de l’équilibre de représentation entre modèles de justice et de l’équilibre géographique et de genre. Chaque groupe, composé d’experts différents, porte sur une question centrale du mandat de la CEPEJ. Le groupe « Évaluation », créé en 2004, rédige un rapport comparatif sur les caractéristiques et les performances des systèmes judiciaires européens. Suite à l’affirmation de la CEPEJ au sein du CoE et vis-à-vis des pays membres, d’autres groupes sont constitués au sein de la CEPEJ pour développer des outils d’assistance aux pays. À partir de 2007, le groupe « Qualité » définit des instruments afin de faciliter la gestion des tribunaux pour un service public de qualité pour les citoyens. Le groupe « Saturn » identifie les techniques permettant de mesurer les performances des tribunaux dans la gestion des affaires. Bien que, selon le groupe Qualité, « il n’entre pas dans la mission de la CEPEJ d’élaborer une théorie de la qualité de la justice ou de la définir » [CEPEJ, 2008], l’étude des documents produits et plus encore l’observation de leurs réunions montrent que la conception de la qualité de la justice par les acteurs qui y sont impliqués est un enjeu primordial dans toute activité de la CEPEJ.

2.2 – La définition incrémentale [11] d’une notion controversée

12La définition de ce qu’est une justice de qualité n’est pas statique pour les acteurs impliqués dans cette commission. L’étude des instruments élaborés par la CEPEJ montre que chacun d’eux est le fruit de médiations transitoires entre les représentations hétérogènes au sein du groupe de travail qui l’a conçu. Cette diversité est visible en entretien dans les réponses des membres des groupes à la question « qu’est-ce qu’une justice de qualité pour vous ? ». Deux approches prédominent. L’une privilégie une notion de qualité empruntée à la notion transversale de service public performatif pour les citoyens. L’autre se réfère à la qualité de la justice telle qu’elle est définie à l’article 6 de la CEDH, soit un tribunal indépendant et impartial rendant des décisions équitables dans un délai raisonnable. Or la CEPEJ est chargée de développer des instruments relatifs aux délais dans lesquels les décisions sont rendues en intervenant sur la structure organisationnelle qui les produit. Pour cette raison, loin de l’esprit juriste-constitutionnel qui fonde la CEDH, les instruments de la CEPEJ dialoguent souvent avec des concepts issus du management et implantés dans les organisations publiques suite aux réformes des « nouveaux managements publics » [Bezes, Musselin, 2015 ; Christensen, Lægreid, 2007], tels que les modèles de gestion inspirés par l’offre et la demande des services et la mesure des performances [12].

13Néanmoins, l’approche adoptée par la CEPEJ est de ne pas imposer un seul modèle de qualité pour les juridictions européennes, mais de fournir une aide à la réflexion, en englobant l’ensemble des éléments auxquels les tribunaux devraient réfléchir afin d’améliorer leur fonctionnement. Cette définition incrémentale est justifiée de plusieurs manières par ses membres. Le caractère transnational de cette arène rendrait impossible l’identification de critères valables pour tous les systèmes judiciaires européens du fait de leur diversité. Bien que les membres s’efforcent de monter en généralité, ceux-ci agissent dans cette enceinte transnationale à la fois comme experts du sujet traité et comme experts nationaux du système judiciaire dont ils sont issus et auquel ils rapportent constamment les propositions formulées dans le groupe de travail afin d’en évaluer la pertinence [13]. Néanmoins, le poids spécifique du facteur national dépend des positions institutionnelles détenues par les groupes nationaux au sein de la CEPEJ et de la force des logiques et instruments gestionnaires déployés dans chaque pays. Les Français – grâce à leur nombre et influence (le secrétariat est presque entièrement français et les trois présidents de groupe sont francophones) – et les Néerlandais – grâce à leur position de « maîtres » des réformes modernisatrices de la justice – parviennent particulièrement à faire valoir leurs expériences nationales comme bases de discussion ou preuves en (dé)faveur des propositions en discussion.

14Ensuite, la diversité des profils professionnels et des représentations dont les acteurs sont porteurs au sein de la CEPEJ concrétise un « espace de sens où vont se cristalliser les conflits » [Muller, 1995, p. 160] relatifs à la qualité de la justice, entre les tenants d’une conception plus traditionnelle et les partisans d’une modernisation managériale plus poussée. La nécessité d’un compromis entre des représentations considérant la justice comme une organisation « indépendante du politique, composée de magistrats compétents et dotés d’un statut garantissant leurs prérogatives, disposant d’une autonomie de gestion », plutôt qu’une organisation qui « doit être efficiente, transparente et délivrer des services de haute qualité, tout en ayant la confiance de la société » [14], explique qu’une définition univoque soit difficile à produire, et qu’elle dépende des personnes cadrant la question. Enfin, cette même variété de représentations se retrouve chez les destinataires des travaux de la CEPEJ, qui englobent les professionnels de la justice et les décideurs publics des ministères et gouvernements. Ces différents auditoires expliquent l’adoption de concepts, langages et répertoires variables pour adapter l’éventail des instruments de la Commission à chacun d’eux.

15On analysera ici deux instruments – la Check-list pour la promotion de la qualité et le Rapport d’évaluation – qui mettent en lumière deux manières de définir la qualité de la justice au sein de la CEPEJ. Le premier a été déployé de manière ponctuelle par le groupe Qualité, tandis que le deuxième est porté par le groupe Évaluation depuis 2003. Le premier groupe vise à créer un espace d’équivalence à travers une définition opérationnelle de la qualité de la justice. Le groupe Évaluation est au contraire engagé dans la quantification et la constitution d’indicateurs mesurant l’efficacité comme composante centrale de la qualité promue par la CEPEJ.

3 – Quand le benchmarking du modèle se heurte à la justice

16La Check-list consiste en une liste résumant par macro-catégories les éléments les plus importants à prendre en compte au moment où des décideurs publics ou présidents de tribunal souhaitent améliorer le fonctionnement de la justice. Cet instrument a été produit par le groupe Qualité entre 2007 et 2008, à une époque où l’activité de la CEPEJ était en pleine évolution tant au niveau de la définition de son activité, que de ses acteurs.

3.1 – Concilier le Quality Management avec la justice

17Le groupe Qualité en 2007 est composé en majorité de juristes, dont cinq magistrats ayant des expériences variées dans l’administration judiciaire [15]. S’y ajoutent un ancien greffier anglais, longtemps gestionnaire des projets de modernisation des cours anglaises et galloises [16] ; une fonctionnaire du Conseil supérieur de la justice néerlandais, formée au management et aux sciences sociales et experte en Quality Management, et un juriste russe, détaché à la Direction juridique du président de la Fédération de Russie. Enfin, un jeune chercheur en droit français spécialisé en matière d’administration judiciaire et de qualité, un représentant de l’Union européenne des greffiers et un de la Banque mondiale, spécialiste des réformes judiciaires, font office d’experts observateurs.

18Le compte rendu de la première réunion montre que l’idée qui s’impose est d’adopter une approche globale de la qualité qui intègre les deux perspectives dont les membres sont porteurs [17]. D’un côté, certains magistrats défendent la spécificité de la justice et refusent de se concentrer uniquement sur les performances, au motif que cela ne suffirait pas à représenter de manière adéquate la fonction d’un service public singulier, car producteur de lien social. De l’autre, les membres néerlandais et finlandais du groupe ayant participé à la construction de modèles de qualité dans leur pays proposent de développer un outil d’introspection à la disposition des décideurs publics, tel que le modèle « RechtspraaQ » aux Pays-Bas mis en œuvre en 2002. Ce dernier articule différents pôles d’indicateurs (intégrité et expertise des juges, interaction avec les parties, cohérence dans l’interprétation du droit, gestion du temps des procédures) afin d’évaluer les performances en matière de qualité du système judiciaire néerlandais.

19Les membres du groupe retiennent d’articuler l’instrument de la CEPEJ autour de pôles d’indicateurs, tout en incluant la globalité de l’organisation judiciaire. Ces pôles s’appuient d’une part sur les principes d’offre et de demande de justice, inspirés des approches d’économie du droit et des « modèles généraux de qualité » comme celui de la European Foundation for Quality Management, fondée par 14 grandes entreprises européennes dans le but de promouvoir le modèle de Total Quality Management américain dans les organisations publiques et privées [Desrosières, 2008, p. 125]. Cette référence, présente à plusieurs reprises dans la Check-list, se manifeste aussi dans une conception de la qualité orientée vers la satisfaction des usagers de la justice. D’autre part, chaque pôle est décliné afin d’envisager les enjeux de qualité à trois niveaux : national, celui de la juridiction et celui du juge individuel.

20Afin que les instruments aient un ancrage dans les pratiques concrètes des pays membres, comme le souhaite le secrétariat de la CEPEJ, la première grille élaborée par les experts est diffusée auprès du Réseau des tribunaux-référents de la CEPEJ pour recueillir leurs commentaires. Ce réseau, constitué d’au moins un tribunal par pays membre, est créé en 2007 pour tester les instruments développés par les groupes de travail. Suite aux commentaires reçus et à deux autres réunions du groupe, le schéma prévu lors de la première réunion décomposant quatre pôles d’indicateurs – efficacité, indépendance et éthique, légitimité, et accessibilité – est modifié dans un schéma très vaste résumé dans le tableau ci-après.

Tableau 1

Résumé des indicateurs de la Check-list

Tableau 1
I. STRATÉGIE ET POLITIQUE II. PROCESSUS « MÉTIER » ET OPÉRATIONS III. ACCÈS À LA JUSTICE, COMMUNICATION AUX JUSTICIABLES ET AU PUBLIC IV. RESSOURCES HUMAINES ET STATUT DES JUGES ET PROCUREURS ET DES AGENTS V. MOYENS DE LA JUSTICE I.1.Organisation et politiques judiciaires II.1. Législation III.1. Accès à l’information juridique et des tribunaux IV.1. Politique de ressources humaines V.1. Finances I.2. Mission, stratégie, objectifs II.2. Procédures dans les tribunaux III.2. Accès en termes financiers IV.2. Statut et compétences des juges V.2. Systèmes d’information I.3. Délégation des pouvoirs et répartition des affaires II.3. Sécurité juridique III.3. Accès matériel et virtuel IV.3. Formation et développement des compétences V.3. Logistique et sécurité I.4. Évaluation de la stratégie II.4. Gestion des affaires III.4. Traitement des parties IV.4. Partage des connaissances, groupes qualité et mesures alternatives V.4. Évaluation des moyens des systèmes d’information, de la logistique et de la sécurité II.5. Gestion des audiences III.5. Présentation des décisions IV.5. Évaluation de la politique de ressources humaines II.6. Gestion des délais III.6. Légitimité et confiance du public II.7. Exécution des décisions judiciaires III.7. Évaluation II.8. Partenaires de la justice II.9. Gestion des dossiers et archivage II.10. Évaluation de la production

Résumé des indicateurs de la Check-list

Source : CEPEJ, Check-list pour la promotion de la qualité de la justice (2008, p. 10-11)

21Chacun des indicateurs inclus dans le tableau est explicité dans la Check-list par des questions dichotomiques qui doivent permettre aux utilisateurs d’évaluer leur système, leur cour ou leurs juges. Par exemple, l’indicateur II.2. sur les procédures dans les tribunaux est décliné en quatre questions :

221. Des mesures sont-elles prises pour assurer une répartition équitable et efficace de la charge de travail entre les juges (i.e., suivi des flux, du nombre d’affaires confiées à chacun, de la rapidité de traitement, prise en compte des activités extérieures, etc.) ?

232. Des mesures sont-elles prises pour assurer une adéquation entre les compétences des juges et les dossiers qui leur sont confiés (i.e., période de formation, spécialisation, regroupement d’affaires, « dossier test », etc.) ?

243. Des mesures sont-elles prises pour assurer la transparence dans l’attribution des dossiers aux juges ?

254. Existe-t-il une politique établie concernant le traitement des affaires par un juge unique ou par un collège de juges ?

26Chaque pôle est accompagné d’un indicateur d’évaluation invitant à adopter des instruments permettant de mesurer et d’apprécier de manière régulière ces pôles constitutifs d’une justice de qualité, afin que les méthodes d’évaluation soient elles-mêmes évaluées régulièrement, conformément aux prescriptions de l’evidence-based policy [Sanderson, 2002]. Le changement d’esprit du document – d’une définition de la qualité d’un point de vue judiciaire, vers un instrument qui vise les décideurs publics – est rendu manifeste par l’adoption de mots-clés tels que « stratégie » et « politique », processus « métier », ou « ressources et moyens ».

3.2 – Hybridation de représentations et opposition à la normativité du modèle

27La notion de qualité ressortant de cet instrument est donc influencée par des représentations autres que celles que les professionnels de la justice associent traditionnellement à l’idée de qualité de la justice, qui était bien représentée par les principes fondamentaux identifiés initialement par le groupe [18]. Les éléments inspirés du management de la qualité, comme le focus sur la gestion organisationnelle des tribunaux, l’attention aux usagers et à la communication ainsi que la mesure et l’évaluation régulière des politiques mises en œuvre deviennent aussi centraux que les critères juridiques. Cette hybridation est très révélatrice de la dynamique incrémentale de définition de la qualité mise en place par la CEPEJ. Mais si cette construction témoigne d’une conciliation entre les principes généraux du quality management et les critères de qualité spécifiques aux institutions judiciaires, elle montre aussi que l’acceptation de ces principes qui se veulent généraux et valables quel que soit le contexte n’est pas totale.

28Tant au fil du texte que lors d’une formation des nouveaux experts de la CEPEJ, la Check-list est présentée comme ayant pour finalité « d’aider les pays à avancer dans leurs propres projets » et comme « se limitant au chapitre qui est pertinent pour les pays en question, et non pas comme un remède entièrement applicable à n’importe quel contexte » [19]. Ceci dénote la volonté du groupe, et notamment du secrétariat de la CEPEJ, de distinguer cet instrument (comme les autres) de la notion de modèle souvent attachée aux instruments normatifs issus d’un travail de définition scientifico-technique [Dehousse, 2004, p. 351], tels le système RechtspraaQ ou l’EQFM Excellence Model.

29Le choix de présenter cet instrument comme un outil d’introspection plutôt que comme du benchmarking (dans le sens de modèle à suivre) s’explique par deux facteurs : institutionnel et stratégique. D’un côté, ce processus relève de la culture institutionnelle propre aux comités du Conseil de l’Europe, traditionnellement soutien au Comité des ministres (organe décisionnel du CoE) et dépourvus d’une vraie capacité de préconisation politique aux pays membres – les comités du CoE peuvent fournir outils et conseils, non des solutions préétablies. De l’autre, cette dynamique relève d’un compromis stratégique visant à obtenir une plus large diffusion de l’instrument grâce à un esprit plus en phase avec les attentes du public de la CEPEJ, notamment celles des professionnels du droit, en partie rétifs à accepter les contributions étrangères au monde judiciaire [Vigour, 2008].

30Ce point de vue critique sur les modèles détachés de la vie des tribunaux est présent à la CEPEJ aussi. Le magistrat qui préside le groupe Évaluation souligne ainsi le problème d’une approche par les modèles : « C’est le grand débat de la CEPEJ, entre les ministères et technocrates, et les praticiens des juridictions [20]. » Un autre membre, expert des organisations et souvent médiateur au sein du groupe, se fait le rapporteur des équilibres internes recherchés par ce même président. En parlant du promoteur des indicateurs de performance transférés du secteur privé, le président se serait adressé à son collègue en anglais en disant : « Fais quelque chose ! On n’arrive pas à se parler ! S’il faut avoir un rapport, il doit contenir de la qualité. Autrement, on ne pourra pas aller voir les juges avec cela ! [21] »

31Ce deuxième exemple renforce l’idée qu’une stratégie pour nuancer l’approche normative des acteurs « technocrates » participant à la fabrique des instruments de la CEPEJ est recherchée par le Secrétariat et les « praticiens des juridictions », ces derniers n’étant pas favorables à l’approche gestionnaire globalisante promue par les premiers. Afin de rassurer les destinataires magistrats quant au non-changement des valeurs fondamentales de l’institution [Sabatier, Jenkins-Smith, 1993], la présentation au public de ces instruments rappelle constamment leur rôle d’appui pour les juridictions et non de modèles à suivre. Cette approche, ancrée dans la coopération pour les droits de l’homme, positionne la CEPEJ et le Conseil de l’Europe en dehors du courant néolibéral, et la distingue ainsi des actions de la Banque mondiale et de la Commission européenne le plus souvent associées à un « ordre mondial de marché » [Bruno, Didier, 2013 ; Dardot, Laval, 2009].

4 – Mesurer la qualité de la justice : quels critères, quelles finalités ?

32L’activité phare de la CEPEJ est le Rapport d’évaluation. Dès 2003, un groupe réunit des experts des pays membres en matière de mesure de l’activité judiciaire (fonctionnaires de ministère, magistrats à la tête des services statistiques et de la chancellerie des tribunaux, universitaires spécialisés en matière de statistiques judiciaires, des modes alternatifs de résolution des conflits – ADR, et d’efficacité et de responsabilité des magistrats). La Commission européenne et la Banque mondiale participent aussi au groupe de travail en position d’observateurs. En 1999, la Banque mondiale avait réalisé une étude mesurant plusieurs indicateurs de performance des juridictions [Buscaglia, Dakolias, 1999], devenue ensuite le socle de la base de données « Justice At A Glance ». Ces indicateurs, le modèle conçu aux Pays-Bas et celui qui avait été élaboré par le sous-comité du CDCJ, font partie des sources d’inspiration utilisées par le groupe lors des premières discussions.

Encadré 1. Des sources d’inspiration diverses : les indicateurs en circulation

Les indicateurs de « Justice At A Glance » couvrent un vaste éventail qui va du budget total de la justice (exprimé aussi par rapport au budget global du secteur public), au nombre d’affaires par type de contentieux. Des indicateurs plus analytiques, comme les clearance rates et les congestion rates, portent sur les performances. https://www.justpal.org/fr/justice-at-a-glance
Le système néerlandais compte 53 indicateurs répartis en 5 domaines de mesure : l’impartialité des juges ; l’expertise des juges ; l’attitude des juges envers les parties ; la cohérence dans l’interprétation de la loi ; la rapidité de la procédure. Ce modèle ne prend donc pas en considération tous les éléments structurels du système tels le budget des tribunaux ou le nombre de juges.
Le sous-comité du CDCJ avait identifié 24 indicateurs portant sur les conditions d’accès à la justice (nombre de cours et de juges, d’affaires de médiation) ; l’efficacité de la justice (budget, personnel, durée médiane des affaires) ; l’indépendance et impartialité des juges (salaire, niveau de confiance) ; le statut des procureurs (nombre d’affaires abandonnées, sanctionnés, déférés) ; les avocats (salaire et nombre) ; l’exécution des décisions (nombre d’huissiers et pourcentage d’exécution des décisions), et le budget alloué aux nouvelles technologies.

4.1 – La mise en place d’un outil d’évaluation : quand la vision judiciaire s’impose

33Un fonctionnaire du ministère de la Justice néerlandais, spécialiste en court management et en modernisation des tribunaux, propose des indicateurs sur la base des expériences d’évaluation des performances des tribunaux déjà en place dans des juridictions et au niveau international [CEPEJ, 2003]. Dubitatifs quant à la compréhension de cette liste par les correspondants nationaux, les magistrats membres du groupe refusent ce travail initial. Comme le magistrat français, futur président du groupe, le déclare en entretien : « La conception des Néerlandais […] c’était incompréhensible […] complètement coupée des juridictions […] Alors j’ai dit : “On va partir d’une page blanche. Ce que je vous propose, c’est de voir ce qui me semble raisonnable dans les demandes pour faire quelque chose de très pragmatique et constructif. Et ce qu’on va faire d’abord, c’est des questions simples. Et on va les tester sur nos pays à nous, parce qu’ainsi on va les comprendre. On va les tester sur nous […] comme les médecins pour les vaccins.” [22] » Ces propos illustrent l’enjeu principal lié à l’établissement du rapport, et qui reste valable pour n’importe quel processus de quantification : la nécessité de rendre l’instrument légitime, selon les critères de qualité utilisés par le public visé, les professionnels de la justice et les décideurs publics [23].

34En suivant l’ordre d’énonciation dans l’extrait d’entretien, ces critères sont l’intelligibilité (i.e., leur simplicité de compréhension), la pertinence (la correspondance avec les besoins des utilisateurs), la disponibilité (à partir des statistiques existantes) et la scientificité[24]. À partir de ces critères et sous le contrôle attentif du magistrat français à la tête du groupe, une grille pilote de 108 indicateurs est établie. Elle intègre aussi bien les aspects macro que micro, relativement à la qualité et l’efficacité des systèmes judiciaires [25]. Cette grille est ensuite envoyée aux correspondants nationaux qui recueillent les données dans les bureaux statistiques des ministères compétents. Après un premier test sur les pays représentés au sein du groupe, le recueil statistique est lancé dans tous les pays du Conseil de l’Europe. La méthode de suivi et de contrôle établie après ce premier exercice consiste en une réunion du réseau des correspondants nationaux une ou deux fois par an. Elle permet de discuter de l’interprétation du questionnaire et des pratiques de collecte de données, et d’affiner l’outil.

35Comme l’explique l’introduction du rapport de 2004, celui-ci se veut « affranchi de toute théorie […] de caractère empirique […] réunissant des informations sur la manière dont les divers systèmes fonctionnent réellement (droit appliqué) » [CEPEJ, 2004]. Il rejoint en cela d’autres grandes constructions européennes de quantification, telles Eurostat, considérant la rationalité du chiffre comme un langage « neutre » [Sverdrup, 2006]. Pourtant, si ceci peut servir à protéger la CEPEJ des critiques concernant les usages politiques de ses données [26], par la supposée neutralité du processus statistique qui les produit, tant les clivages de position illustrés par les multiples sources d’inspiration et les différents cadres cognitifs présents au sein du groupe, notamment managériaux et judiciaires-régaliens, que leur évolution dans le temps montre que la sélection des indicateurs est un choix et une médiation à la fois technique et politique. L’étude de ces différentes représentations et de leur poids relatif au sein du groupe permet de mieux comprendre la manière dont les changements d’arguments [Benamouzig, 2005] et de traduction [Callon, 1986 ; Lascoumes, 1996] sont intervenus au fil du temps. De manière similaire à ce que l’on observe pour la Check-list, l’étude du changement des indicateurs mesurant la qualité dans les rapports d’évaluation successifs met en évidence les enjeux que comporte la quantification du point de vue d’une convergence vers des catégories communes au niveau européen.

36L’évolution du rapport peut être envisagée comme une longue discussion parlementaire entre deux partis ayant des conceptions assez différentes des priorités d’amélioration qualitative des systèmes judiciaires. D’un côté, un parti avant tout concerné par l’efficacité de la justice, et porteur de représentations issues du management et de l’administration publique ; il œuvre en faveur de pratiques et de concepts dérivés de leurs expériences au sein d’administrations récemment engagées dans les réformes néo-managériales. Ces pratiques et concepts, tels que les outils de contrôle et d’évaluation de l’activité des juges (outils de case management, tableaux de bord…), ainsi que d’externalisation de celle-ci (arbitrage, médiation, ADR…), sont proposés comme des éléments à mesurer et à inclure dans le rapport pour favoriser leur appropriation comme composantes de la qualité par tous les systèmes judiciaires nationaux. Sans surprise, l’expert néerlandais en court management incarne le mieux ce positionnement.

37De l’autre côté, pour les autres membres, notamment les magistrats, le recueil statistique devrait se concentrer sur les éléments constitutifs de la qualité de la justice au regard notamment des principes inclus dans la notion de « procès équitable dans un délai raisonnable » défendue par le Conseil de l’Europe. Ces derniers, dont le président du groupe représente l’idéal-type, reconnaissent qu’il est nécessaire d’évaluer les performances des cours afin d’élaborer des moyens d’améliorer les délais judiciaires, mais sans complexifier ni alourdir le travail des tribunaux. Ceci implique des mesures compréhensibles par tous, privilégiant les pratiques les plus répandues plutôt que celles qui viennent des pays à la pointe de la modernisation des cours. De plus, le secrétariat se fait le gardien des valeurs fondatrices du Conseil de l’Europe, en considérant qu’il ne fait pas partie des missions de la CEPEJ de promouvoir un modèle précis de justice, tel que le modèle de Quality Management promu par certains des experts. Malgré tout, les équilibres entre ces deux positions ont changé d’une part en fonction des acteurs qui se sont succédé au sein du groupe Évaluation durant la dernière décennie, ainsi que des contributions venant des autres groupes de la CEPEJ et de ses correspondants nationaux. D’autre part, des changements sont survenus dans le même temps dans les systèmes judiciaires européens, indépendamment de l’action de la CEPEJ (notamment en matière de diffusion d’outils de mesure des performances).

4.2 – Quand changer de mesure, c’est changer de représentation

38À partir de la troisième édition du rapport [2008], de nouveaux membres intègrent le groupe Évaluation, dont un « champion » des réformes managériales, statisticien bosnien ayant travaillé dans des cabinets de conseil dans le secteur privé. Il reprend ainsi le rôle de l’expert néerlandais qui quitte le groupe en 2008. Souvent soutenu par un magistrat autrichien, pays qui a développé un système d’évaluation des performances très pointu dont il se fait promoteur au ministère de la Justice, et un chercheur en sciences sociales néerlandais du département « Stratégie » de ce même ministère, ce statisticien assure la continuité dialectique au sein du groupe entre une approche visant à stimuler des changements radicaux dans les pratiques de gestion des juridictions et une approche ancrant l’action de la CEPEJ dans les pratiques plus répandues. Tandis qu’un positionnement plus conservateur avait primé lors de l’exercice pilote en 2003 et des rapports jusqu’à celui de 2008, pour sa quatrième édition, des changements considérables voient le jour dans les indicateurs retenus, mettant un terme à la période des « rapports très descriptifs qui n’arrivaient pas à mesurer à proprement parler l’efficacité et la qualité, parce qu’ils ne mettaient pas vraiment en relation l’input et l’output » [27].

39Alors que certains acteurs attribuent ces changements à une « radicalisation des discussions sur le contenu et les conséquences du rapport découlant du rôle majeur acquis par la CEPEJ au sein du Conseil de l’Europe » [28], d’autres raisons peuvent être identifiées. Suite aux pressions en ce sens du statisticien ayant intégré le groupe en 2006 et à l’adoption, en 2008, des lignes directrices sur la gestion des délais judiciaires par le groupe SATURN, développées en étroite relation avec le réseau des tribunaux référents, de nouvelles mesures des délais judiciaires sont introduites dans les instruments de la CEPEJ [29]. Deux de ces indicateurs, le clearance rate et le disposition time, intègrent le questionnaire pour le rapport de 2008. Le premier indique le ratio en pourcentage entre le nombre de nouvelles affaires et le nombre d’affaires traitées par une cour dans la même période. L’autre indique le nombre de jours nécessaires pour traiter une nouvelle affaire au vu de l’arriéré d’affaires.

40L’acceptation de ces deux indicateurs nécessite l’approbation du président du groupe Évaluation et du secrétariat. Tous deux sont finalement persuadés, grâce au travail de traduction des concepts issus du management introduits par le statisticien, réalisé par des acteurs capables de bricoler le sens entre le monde juridique et gestionnaire. Le magistrat autrichien et le nouvel expert néerlandais parviennent à faire passer les messages exprimés de manière trop technique par le statisticien bosnien « en montrant qu’on les utilise déjà dans plusieurs pays européens » [30] et en proposant de « compléter ces indicateurs de performance par des indicateurs de qualité […] afin de construire des ponts avec les autres membres de l’équipe » [31]. La prise de conscience partagée de l’utilité et de la facilité d’élaboration de ces indicateurs, ainsi que de l’absence d’effets prescriptifs sur le travail des professionnels de la justice permet enfin d’inclure ces indicateurs analytiques parmi ceux, plus descriptifs qui constituait le cœur des rapports précédents [32].

41Cette dynamique est confirmée par l’observation des réunions du groupe, où des traductions conceptuelles (ex. : stockpile management qui devient « gestion active des affaires ») alternent avec des opérations de médiation plus complexes. Par exemple, lors d’une discussion sur un nouvel outil de performance based budgeting proposé par le statisticien pour des projets de coopération menés par la CEPEJ avec un pays membre, l’expert néerlandais, partisan de l’outil, a traduit l’explication technique du collègue, simplifiant le jargon managérial dans un langage accessible aux juristes. En sens inverse, ces mêmes acteurs font souvent comprendre au statisticien les enjeux de ces outils pour les professionnels de la justice. Dans ce cas, même après l’opération de traduction sur les apports de cette méthode quant à la gestion des ressources pour les juridictions les plus en difficulté, la complexité technique et l’approche normative de l’outil se sont heurtées à un refus net du secrétariat et des autres membres du groupe qui ont clôturé la discussion. Or le refus de cette recette néolibérale primant sur la réduction des coûts et les performances s’est imposé à l’aune de la distance entre la solution proposée et les pratiques en vigueur en juridiction, inspiration pour les outils proposés par le CoE.

42Les indicateurs de productivité des cours et des magistrats, aux côtés des indicateurs sur les dotations en budget, et leur évolution dans le temps ont fait le succès du rapport dans la sphère publique, notamment comme source de données pour alimenter les débats sur les réformes entre gouvernements et professionnels du droit. Le succès rencontré par l’instrument ainsi retravaillé est aussi à la base de la collaboration établie en 2013 avec la direction générale Justice de la Commission européenne qui utilise les données de la CEPEJ pour éditer son Tableau de bord de la Justice de l’UE. Cet outil s’inspire de manière plus nette d’une approche top-down de stimulus aux réformes pour les pays membres. Réduisant les 216 indicateurs présents dans la dernière édition du rapport [CEPEJ, 2014] à une douzaine d’indicateurs de performance, cet instrument est présenté par ses concepteurs comme un « outil d’aide à l’amélioration de l’efficacité des pays [parce que] des systèmes judiciaires efficaces jouent un rôle clé dans la création d’un environnement favorable aux investisseurs, au rétablissement de la confiance, à la production d’une majeure prévisibilité réglementaire et d’une croissance durable » [European Commission, 2015]. Ces propos montrent bien comment le Tableau de bord de la Commission européenne réoriente radicalement la finalité et le public-cible du rapport d’évaluation, produisant des effets de réappropriation indépendants des volontés qui y étaient associées au moment de l’élaboration. Encore une fois, l’observation des usages d’un outil en situation montre la pertinence du concept d’instrument soulignant les enjeux en termes de représentation de la justice qui se jouent dans son élaboration, mais aussi les effets inattendus provenant de la réappropriation par les multiples acteurs de l’action publique [Aggeri, Labatut, 2014].

5 – Conclusion

43La CEPEJ n’est qu’un des acteurs du processus de définition, de mesure et d’évaluation de la qualité de la justice en Europe. Cependant, cet article éclaire la façon dont le processus de quantification de la qualité s’est mis en place au niveau européen dans un domaine – la justice – particulièrement rétif en la matière. La CEPEJ affiche l’intention d’équiper les administrateurs de la justice des pays européens d’instruments définissant les éléments contribuant à la qualité de la justice et d’outils de mesure de celle-ci. Notre analyse a montré comment la supposée neutralité technique associée par les acteurs à leurs productions ne peut sortir indemne de sa confrontation à une analyse sociologique. Associant savoir et pouvoir, la mesure de la qualité de la justice résulte de la confrontation de représentations différentes, produisant des effets inattendus, notamment la création de nouveaux espaces institutionnels à la fois de coopération et compétition [Halpern et al., 2014, p. 29].

44Analysant les parcours et représentations des différents acteurs et leur déploiement au sein des arènes de discussion que sont les groupes de travail de la CEPEJ, cet article montre que des choix de modèles normatifs ont été faits au moment de l’élaboration de la Check-list pour la qualité et du rapport d’évaluation. Ces instruments, loin d’être statiques, résultent de compromis entre différentes représentations de la justice présentes dans les groupes. Ils résultent de l’inégale capacité des acteurs à faire passer leurs idées auprès des autres membres et du cadre contraignant du Conseil de l’Europe, qui refuse la notion plus politique de modèle en faveur de celle de contribution ou d’appui aux pays membres. La normativité limitée de ces instruments facilite leurs réappropriations. De plus, l’équilibre entre les représentations hétérogènes qui animent les acteurs est un facteur fondamental pour expliquer le changement des indicateurs. La présence ou l’absence d’acteurs dotés de représentations et expériences à l’intersection de la justice et de l’administration publique, permet ou pas aux deux mondes des magistrats et des managers publics de dialoguer à travers le travail de traduction et de médiation réalisé par ces acteurs interposés. Cette traduction a permis l’évolution du rapport vers une grille capable de parler tant aux professionnels de la justice qu’aux décideurs publics, en déployant les éléments descriptifs relatifs aux structures judiciaires et les éléments plus sensibles sur les performances.

45Cependant, ces données sur l’activité des magistrats considérées comme plus intrusives sont présentées au sein d’une description fine de la réalité (statistique) des juridictions de ces pays. Celle-ci ne conduit pas vers des préconisations précises d’amélioration, mais fournit une base pour négocier les réformes en cours. Si l’activité de la CEPEJ est orientée vers la promotion des droits de l’homme dans la lignée de la CEDH, les instances européennes s’intéressent aussi à la qualité de la justice en tant qu’élément de la compétitivité du système économique des pays européens. L’intérêt exprimé par la Commission européenne pour le travail de quantification mis en œuvre par la CEPEJ rend manifeste la nature d’instrument du rapport d’évaluation. Détournées de leur objectif d’appui pour les pays et les professionnels, les données du rapport sont réutilisées par la Commission européenne dans un tableau de bord ayant pour finalité première de fournir un classement des systèmes judiciaires aux investisseurs. De plus, les données du rapport deviennent la base de travail pour la négociation des réformes structurelles de modernisation des systèmes judiciaires entre la Commission et les pays membres.

Notes

  • [1]
    La loi organique relative aux lois de finances votée en 2001 modifie la procédure budgétaire de l’État en introduisant la définition d’objectifs, la mesure des performances et leur contrôle parlementaire. Concernant ses effets sur la justice, voir Marshall [2008] et Vigour [2011].
  • [2]
    Le concept de représentation permet de souligner le rôle des acteurs et de leurs configurations dans le façonnage de l’action publique. Définies sur la base des « croyances normatives » des acteurs des politiques publiques [Sabatier, Jenkins-Smith, 1999], les représentations sont ici conçues comme des cadres de perception du monde composés de valeurs, de connaissances technico-scientifiques et de modèles normatifs. Intériorisées par les acteurs, elles se manifestent dans les discours que les acteurs mettent en récit afin d’influencer l’arène à laquelle ils participent.
  • [3]
    Réalisées entre octobre 2014 et novembre 2015, à Strasbourg et Paris (sièges du Conseil de l’Europe).
  • [4]
    Les attentes des citoyens sont elles aussi mesurées par des enquêtes statistiques nationales et européennes [voir notamment European Commission, 2013].
  • [5]
    Près de la moitié des arrêts rendus par la Cour depuis 1999 concernent les violations de l’art. 6 par les États membres [CEDH, 2010].
  • [6]
    Entretien avec un ancien membre du secrétariat de la CEPEJ, 17 mars 2016.
  • [7]
    Entretien avec un membre du groupe Évaluation, 16 janvier 2015. Pour le mandat de la CEPEJ, voir Résolution Res(2012)12 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe.
  • [8]
    Art. 2a, Résolution Res(2012)12 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe établissant la CEPEJ.
  • [9]
    Entretien avec un membre du secrétariat de la CEPEJ, 24 septembre 2015.
  • [10]
    Composé de quatre membres élus par leurs pairs dans l’Assemblée plénière des 47 pays membres de la CEPEJ.
  • [11]
    Utilisé ici dans le sens commun du terme.
  • [12]
    Pour l’impact de ces paradigmes de réforme sur la justice, cf. Frydman et Jeuland [2011].
  • [13]
    L’observation des groupes de travail met en évidence que chaque argumentation est rapportée à des exemples de pratiques existantes, le plus souvent tirés du pays d’origine de l’intervenant.
  • [14]
    Réponses données en entretien à la question « qu’est-ce pour vous une justice de qualité ? » par un magistrat francophone et par un ancien fonctionnaire du ministère de la Justice néerlandais, traduit par l’auteur.
  • [15]
    Un juge administratif estonien formé à Harvard et ancien parlementaire préside le groupe. Les autres juges sont un juge administratif suisse membre du Conseil supérieur du canton de Genève ; un magistrat français avec une carrière dans la haute administration des cours, ainsi que dans les services internationaux du ministère et aux cours européennes ; un juge allemand, président de la cour d’appel de Cologne et ancien directeur du département de la formation judiciaire dans la même région ; et un juge d’un tribunal de première instance finlandais très engagé dans les démarches de modernisation du système judiciaire.
  • [16]
    Le système judiciaire britannique est divisé entre Angleterre et Pays de Galles, Écosse et Irlande du Nord.
  • [17]
    Rapport de réunion du 22-23 février 2007, CEPEJ-GT-QUAL(2007)5.
  • [18]
    Les concepts d’indépendance et d’autonomie des juges, de légitimité, d’accessibilité de la justice et de qualité juridique des décisions rendues dans des délais raisonnables ressortent aussi de manière systématique dans les réponses fournies par les magistrats en entretien à la question : « Qu’est pour vous une justice de qualité ? »
  • [19]
    Discours de présentation des activités du groupe Qualité par le président du groupe, lors de la réunion de formation des nouveaux experts CEPEJ du 4 février 2015.
  • [20]
    Entretien avec le président du groupe Évaluation, 27 novembre 2014.
  • [21]
    Entretien avec le membre néerlandais du groupe Évaluation, 16 janvier 2015, traduit par l’auteur.
  • [22]
    Entretien avec le président du groupe Évaluation, 27 novembre 2014.
  • [23]
    Ces critères sont d’autant plus importants que les magistrats sont parfois rétifs à accepter une logique empruntée à la mesure de la productivité de leur travail, cf. Marshall [2011].
  • [24]
    Une méthode rigoureuse à travers la mise en place d’un processus de vérification (ou falsification) expérimentale des indicateurs retenus et de leur comparabilité dans les différents pays.
  • [25]
    Les indicateurs résument les caractéristiques du pays (habitants, budget d’État, salaire) ; le système d’accès à la justice (budget et nombre d’affaires bénéficiant de l’aide judiciaire, frais judiciaires, systèmes d’information juridique) ; le fonctionnement des tribunaux (nombre et types de tribunaux, nombre de juges professionnels et non professionnels, personnel administratif, budget des tribunaux, budget de l’institution administrant les tribunaux, différentiel du budget judiciaire par rapport aux cinq ans précédents) ; l’efficacité des procédures (20 indicateurs sur l’ensemble et par types d’affaires) ; l’usage des technologies de l’information (budget, matériel, outils de communication, institution responsable de la collecte de données statistiques) ; le respect des principes du procès équitable (recours, motivation des décisions, durée moyenne des affaires par type de contentieux, mesure du stock d’affaires, existence de mécanismes mesurant le temps d’attente). D’autres données informent sur : les juges et le ministère public (salaire annuel, recrutement, formation, supervision, sanctions, juges temporaires) ; les avocats (nombre, déontologie, aide judiciaire) ; la médiation (nombre de médiateurs, budget, nombre d’affaires traitées et résolues, domaines d’application) ; l’exécution des décisions de justice (nombre et types d’agents, supervision, procédures disciplinaires, rôle du tribunal dans l’exécution).
  • [26]
    Pour appuyer les réformes néolibérales ou les revendications des magistrats.
  • [27]
    Entretien avec le membre néerlandais du groupe Évaluation, 16 janvier 2015, traduit par l’auteur.
  • [28]
    Entretien avec le membre et correspondant national pour la Belgique, 6 janvier 2015, traduit par l’auteur.
  • [29]
    Pour un panorama de tous ces instruments, voir http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/cepej/default_FR.asp.
  • [30]
    Entretien avec le membre autrichien du groupe Évaluation, 12 décembre 2014, traduit par l’auteur.
  • [31]
    Entretien avec le membre néerlandais du groupe Évaluation, 16 janvier 2015, traduit par l’auteur.
  • [32]
    Cf. note 25.
Français

Croisant sociologie de l’action publique, sociologie politique et sociologie de la quantification, cet article analyse la façon dont la qualité a été définie et quantifiée au sein de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice du Conseil de l’Europe. En prêtant attention aux configurations d’acteurs et à leurs cadres cognitifs dans la construction de dispositifs d’évaluation de la qualité, l’article souligne l’instrumentation de l’action publique associée à l’élaboration et à la circulation de ces dispositifs.

Mots-clés

  • qualité
  • justice
  • quantification
  • Conseil de l’Europe
  • CEPEJ
  • instrument d’action publique

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Bartolomeo Cappellina
Centre Émile Durkheim Sciences Po Bordeaux
Université de Bordeaux
Mis en ligne sur Cairn.info le 04/12/2017
https://doi.org/10.3917/rfse.019.0027
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