CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1La crise économique ouverte en 2007 a été un argument mobilisé par la puissance publique pour renforcer la lutte contre l’augmentation des dépenses de santé socialisées [Math, 2010]. À l’hôpital, les budgets se resserrent sous la contrainte de la tarification à l’activité et les agents publics sont encouragés à se conduire comme ceux du secteur privé à but lucratif. Si l’industrie pharmaceutique n’est affectée que marginalement, elle voit ses marges de profit menacées par la diffusion de plus en plus large des médicaments génériques [Abecassis, Coutinet, 2015]. Les patients sont touchés de plein fouet par cette politique dans la mesure où ils sont contraints de participer de façon croissante à leurs dépenses de santé (ticket modérateur, forfaits, co-remboursement, etc.) [1]. Du point de vue du régulateur central et dans l’esprit de la théorie économique standard, il s’agit de faire jouer un rôle régulateur au prix : en période de crise, la santé ne peut pas ne pas avoir de prix.

2Or, de façon assez paradoxale, au moins à partir du début des années 2000, la médecine libérale échappe à cette politique de prix. Depuis le « gel du secteur conventionné à honoraires libres » (secteur 2) en 1990 et la tentative de mise en place d’une enveloppe globale en 1995, la médecine ambulatoire a vu son statut libéral se consolider. Tant sur le plan de la liberté tarifaire que sur celui de la liberté d’installation, la puissance publique semble avoir abandonné toute tentative de régulation ambitieuse de la médecine libérale [Domin, 2016 ; Hassenteufel, 2011, 2012 ; Pierru, 2007]. En conséquence, les dépassements d’honoraires n’ont jamais été aussi importants (hausse du volume total de 40 % depuis les années 1990) – même pour des médecins conventionnés secteur 1 – et, dans certaines spécialités (par exemple, les chirurgiens et ORL), la majorité des installations se fait en secteur 2 [Aballea et al., 2007].

3L’absence ou la faiblesse d’une politique de prix encadrant la médecine libérale n’est pas pour autant synonyme d’absence de régulation de la profession médicale. En effet, l’évolution du système de santé français sur longue période montre que si la puissance publique délaisse la négociation portant sur les prix des soins de ville, elle cherche désormais à réguler les pratiques par une normalisation du travail médical [Da Silva, Gadreau 2015]. Dans cette perspective, le régulateur s’est doté d’une multitude d’outils tels que les références médicales opposables, les références de bonnes pratiques, les agences sanitaires (en particulier la Haute autorité de santé), les démarches qualité, les procédures de certification, etc. Le but du régulateur est d’inciter les médecins à suivre des standards chiffrés de pratique censés garantir une meilleure qualité des soins [Dormont, 2014]. Récemment, le Contrat d’amélioration des pratiques individuelles et la Rémunération sur objectif de santé publique sont venus approfondir cette logique de quantification, en établissant un lien arithmétique entre la rémunération du médecin et des objectifs chiffrés de qualité des soins.

4Avec la logique de quantification de la qualité des soins, les patients sont invités à faire confiance aux normes chiffrées déterminées par les agences de santé indépendantes – plutôt que de se fier à la relation personnelle avec leur médecin. Cette évolution de la politique publique s’appuie sur un registre de légitimité fondé sur la science. Parce que les normes sont définies par des critères statistiques indépendants, elles peuvent être le support de la confiance du patient envers le processus de normalisation de l’activité médicale. Dans ce cadre, l’émergence et le développement de la « médecine fondée sur les preuves » sont un rouage central de la nouvelle régulation. Cette forme particulière de pratique de la médecine consiste à réorganiser la hiérarchie des connaissances en mettant au premier plan les preuves provenant de protocoles statistiques fortement cadrés face à l’expérience clinique (dont le degré de reproductibilité et de généralisation est supposé plus faible). Au sommet de la pyramide des preuves, l’essai clinique randomisé, au sujet duquel nous proposons dans la suite de cet article une discussion approfondie, devient l’outil le plus pertinent pour juger de la qualité des connaissances médicales, les procédés traditionnels reculant au bas de l’échelle. Cette méthode repose essentiellement sur l’usage de techniques statistiques afin d’épurer les résultats de toute contingence locale. En fondant la décision médicale sur l’efficacité statistique des traitements et non sur l’expérience du professionnel, cette méthodologie relèverait davantage du registre de la science.

5Si à première vue la régulation par les pratiques ressemble à une « rationalisation » de l’« art médical », nous proposons de montrer en quoi il est utile de faire la critique de la méthode de production de ces normes. D’une part, nous chercherons à montrer qu’il existe un débat épistémologique en médecine sur ce qu’est la maladie et que celui-ci a un impact sur l’organisation du système de santé. D’autre part, nous verrons que la place prise par l’industrie pharmaceutique dans le financement de la recherche médicale invite à questionner ses résultats. Plus largement, les résultats de la « médecine fondée sur les preuves » doivent être réencastrés dans leur contexte sociohistorique de production.

6La deuxième section décrit les étapes historiques et les raisonnements théoriques ayant mené à la quantification de la qualité des soins. La troisième section interroge la volonté de quantifier les soins à partir d’une analyse critique de la méthode de l’essai clinique randomisé et de l’utilisation qui en est faite par la politique économique.

2 – La quantification de la qualité des soins comme antidote à la variabilité des pratiques

7La quantification de la qualité des soins ne va pas de soi. Elle est le fruit d’un processus historique qui conduit à reformaliser les problèmes liés à la médecine libérale et à produire les institutions permettant de résoudre ces problèmes. Ainsi, la quantification n’a d’intérêt que dans la mesure où la conception traditionnelle de la qualité des soins fait l’objet d’une critique (2.1.). Sous influence de la théorie économique standard, la mise au premier plan des problèmes d’information dans l’évaluation de la qualité des soins conduit alors à promouvoir le contrôle des flux d’information – dans le but ultime de modifier le comportement des médecins (2.2.).

2.1 – Le « problème » de la variabilité des pratiques

8Traditionnellement, la problématique majeure concernant la régulation de la médecine libérale porte sur la fixation des prix [Hatzfeld, 1963 ; Hassenteufel, 1997]. Il s’agit avant tout de trouver le prix des services médicaux permettant à la fois l’accès aux soins pour le plus grand nombre, une rémunération satisfaisante pour les médecins et la viabilité financière de l’assurance santé publique. L’histoire des rapports entre la médecine libérale et la puissance publique peut ainsi se lire comme une dialectique entre socialisation et libéralisation via la lutte sur le tarif opposable. La question de la qualité des soins n’apparaît pas dans ce contexte. Le fait que cette question ne soit pas posée ne signifie pas qu’elle n’est ni importante ni résolue. Le problème de qualité des soins trouve une solution implicite dans la dimension symbolique extrêmement forte attachée au statut de médecin. Les investissements normatifs sont si nombreux que le patient accorde facilement au médecin la confiance suffisante pour assurer la coordination du système de santé : codes de déontologie, éthique médicale, monopole de la pratique, études longues, etc. [Batifoulier, 1992 ; Batifoulier, Gadreau, 2007].

9Néanmoins, à partir de la fin des années 1990, avec la montée en puissance du capitalisme postfordiste et la remise en cause progressive de la socialisation des dépenses de santé, la formalisation des problèmes de régulation de la médecine libérale évolue de manière radicale : plutôt que de réguler les prix, la puissance publique va s’intéresser de plus en plus à la question de la qualité des soins [Da Silva, Gadreau, 2015]. L’angle principal d’analyse de cette nouvelle question porte sur le phénomène générique de variabilité des pratiques. Les études en santé publique montrent que les pratiques médicales peuvent varier de façon significative, en dehors d’explications épidémiologiques ou même de la singularité des cas cliniques. Par exemple, une récente étude de la Haute autorité de santé évalue à 52,1 % le nombre de femmes âgées entre 50 et 74 ans ayant été dépistées du cancer du sein entre 2009 et 2010 [HAS, 2011]. Le cancer du sein est la principale cause de mortalité par cancer chez la femme : il a causé 11 605 décès en 2008, soit 36,2 décès pour 100 000 femmes. Parmi d’autres facteurs, l’étude pointe l’absence d’une disposition systématique des médecins généralistes, gynécologues et radiologues à proposer le dépistage individuel ou organisé du cancer du sein. Ce constat de variabilité des pratiques, qui pose des questions légitimes de santé publique, a été démontré dans de nombreux domaines de l’activité médicale comme la prescription médicamenteuse [Mousqès et al., 2001] ou le suivi du diabète [Bachimont et al., 2006], par exemple.

10Peu à peu, le constat statistique inexpliqué de variabilité des pratiques s’est transformé en jugement de valeur : ce qui est inexpliqué est injustifié [Kerleau, 1998]. Le fait qu’à situation égale les traitements thérapeutiques et les prescriptions soient différents est considéré nécessairement comme un « problème » de qualité des soins. En ce sens, la variabilité des pratiques traduirait l’existence de pratiques potentiellement dangereuses et/ou inutiles – engendrant à leur tour un gaspillage de ressources, insupportable dans une période de crise économique. Ce problème empirique reçoit deux types d’interprétations théoriques qui vont formater le discours réformateur dans le champ de la santé.

11D’une part, toute une partie de la littérature médicale en santé publique va insister sur les problèmes de traitement de l’information [Sackett et al., 1996]. Avec le progrès exponentiel de la recherche médicale tout au long du xxe siècle, les données médicales s’accumulent sans qu’il n’existe de synthèse des bonnes et des mauvaises pratiques. Il faut attendre plusieurs années pour que les résultats les plus récents de la recherche soient appliqués par les médecins de première ligne. Dès lors, faute de formation et de diffusion claire de l’information, de nombreuses pratiques peu pertinentes et même dangereuses perdurent. La variabilité des pratiques liée à des difficultés à traiter l’information pose donc directement un problème de qualité des soins.

12D’autre part, la littérature économique standard va adopter une interprétation en termes de rente informationnelle [Rochaix, 1997 ; Bureau, Mougeot, 2007]. À rebours des théories précédentes, qui soulignent la fragilité du savoir médical dans un monde de plus en plus complexe, cette littérature se focalise sur les avantages informationnels dont dispose le médecin face au patient et à l’assureur. L’usage abondant de la relation d’agence est le témoin parfait de cette position théorique. En tant qu’agent, le médecin est supposé détenir plus d’informations sur l’échange que le principal donneur d’ordres : il dispose d’un pouvoir discrétionnaire lui permettant d’induire la demande de soin [Evans, 1974]. Or, puisque le médecin est un homo œconomicus cherchant à maximiser son utilité, il va exploiter cette surinformation de façon à extraire une rente indue. La réalisation de la tâche pour le compte du principal s’écarte donc de la situation optimale de marché et est potentiellement aussi variable que peut l’être l’étendue de l’avantage informationnel du médecin.

13Ces critiques de la variabilité des pratiques (traitement de l’information et rentes informationnelles) vont faire écho à la contestation croissante du pouvoir médical dans les années 1970-1980. D’un côté, l’installation durable de maladies de longue durée telles que le VIH va avoir pour effet de remettre en cause le paternalisme médical [Barbot, Dodier, 2000]. Les patients, étant à maints égards les meilleurs spécialistes de leur maladie, vont s’organiser pour participer au processus thérapeutique contre la tradition de toute puissance médicale. D’un autre côté, les crises sanitaires comme celle du sang contaminé vont fortement éroder la confiance accordée au corps médical [Benamouzig, 2009]. Les questions de transparence de l’information apparaissent au-devant de la scène avec pour objectif principal de contrôler l’exercice du pouvoir médical.

14Les évolutions décrites ci-dessus ne se résument pas à une attaque en bloc contre la profession médicale. Bien au contraire, certaines catégories de médecins sont partie prenante de ces évolutions qui sont le produit d’une « double concurrence » [Robelet, 1999] : d’une part entre les médecins représentants traditionnels de la profession et les médecins experts en évaluation et, d’autre part, parmi les médecins experts en évaluation, entre ceux qui défendent une perspective de santé publique et ceux qui privilégient l’aspect financier de l’évaluation. Outre les mutations liées à l’environnement sanitaire (nouveaux objectifs de politique publique, contestation des associations de patients, etc.), le « problème » de variabilité des pratiques n’aurait pas pu émerger sans ceux qu’Harry Marks nomme les « réformateurs thérapeutiques » [1999, p. 16].

15Au total, en dépit d’un pouvoir symbolique historiquement puissant, la défiance caractérisant l’époque contemporaine se traduit par la tentative de maîtrise du pouvoir médical – non plus sur les prix, mais sur la qualité. Que la justification soit l’abondance d’information ou les rentes informationnelles des médecins, la variabilité des pratiques devient au cours du dernier tiers du xxe siècle un problème de qualité des soins tenu pour insupportable. L’amélioration de cette qualité et la restauration du lien de confiance entre médecine et système de santé doivent en conséquence passer par la résolution des problèmes d’information propres à la médecine libérale – c’est-à-dire par l’uniformisation des pratiques.

2.2 – Les deux étapes vers la quantification de la qualité des soins

16L’abondance de la littérature médicale et le comportement de recherche de rente des médecins seraient des problèmes induisant une variabilité des pratiques dangereuse pour la qualité des soins. Cependant, du fait de l’histoire conflictuelle entre médecins et État en France, l’intervention directe de la puissance publique dans la relation médicale est réputée être une intrusion menaçant la qualité des soins. Dès lors, comment l’institution traditionnellement associée à une menace sur la qualité des soins (l’État) peut-elle en devenir le plus grand défenseur ? Cette évolution, qui a pris appui sur la quantification de la qualité des soins, s’est faite en deux étapes.

Première étape : l’émergence de la « médecine fondée sur les preuves »

17La première condition pour que le régulateur devienne légitime dans le contrôle de la qualité des soins est l’évolution de la définition de cette qualité dans le champ médical lui-même. Traditionnellement, ce champ était faiblement codifié et formalisé bien, que le registre de légitimation soit celui de la « science ». L’apprentissage se faisait en situation, par l’expérience. Cette organisation a longtemps conféré aux médecins les plus prestigieux un pouvoir sur les autres membres de la profession, sur les patients et sur le pouvoir politique. La médecine n’en était pas pour autant du charlatanisme [Marks, 1999] : elle était essentiellement une science de laboratoire réductionniste ayant fait la preuve de son efficacité au moins depuis la fin du xxe siècle – insuline (diabète), antitoxine (diphtérie), antipyrétiques (fièvre), hormones purifiées, sérums et vaccins, pénicilline (syphilis), streptomycine (tuberculose), etc. Mais la connaissance médicale n’est pas exhaustive et la forme particulière de création de la connaissance crée des formes particulières de la dispute : le débat sur la qualité des soins est empreint d’arguments d’autorité peu discutés, même si très discutables. Ce que l’on n’appelle pas encore la variabilité des pratiques est alors une conséquence nécessaire de cette conception de la recherche médicale. Il y a autant de pratiques légitimes que de médecins suffisamment charismatiques pour imposer leurs décisions.

18C’est dans le contexte d’après-guerre et à partir du traitement de la tuberculose que va naître au Royaume-Uni une nouvelle méthodologie révolutionnant la production de la preuve médicale : l’essai clinique randomisé [Löwy, 1998 ; Keel, 2011 ; Yoshioka, 1998]. La première innovation méthodologique permettant de définir un essai clinique randomisé est la réalisation d’essais multicentriques. Il s’agit d’essais réalisés dans de nombreux centres de soins différents afin de brasser statistiquement un grand nombre de patients et de médecins. L’idée est de nettoyer l’effet observé du traitement d’une possible contingence locale. Le second critère permettant de définir l’essai clinique randomisé est la randomisation elle-même. Elle est une procédure statistique prévoyant la répartition au hasard des malades sélectionnés pour participer à l’essai, entre un groupe expérimental et un groupe témoin. La littérature sur cette question mentionne très souvent comme condition d’un essai clinique randomisé la procédure de double aveugle. Cela signifie que ni le praticien ni le patient ne connaissent la nature du traitement qu’ils utilisent de façon qu’aucun des deux acteurs ne soit influencé et que les résultats ne soient pas perturbés par des réactions liées à la connaissance du traitement appliqué. Cependant, la procédure de double aveugle ne fait pas l’unanimité dans les définitions de l’essai clinique randomisé, notamment parce qu’elle n’a pas été utilisée lors de l’expérience considérée comme le test de référence, autrement dit le gold standard des essais cliniques randomisés.

19La pénurie de médicaments au Royaume-Uni et le scepticisme des médecins britanniques à l’égard des effets de la streptomycine sur la tuberculose ont été à l’origine de la définition du gold standard de l’essai clinique randomisé. Ne sachant pas si ce remède était efficace et n’ayant pas les moyens de le prescrire à toutes les personnes atteintes de tuberculose, l’essai clinique randomisé est apparu comme un moyen simple et pertinent d’évaluer l’intérêt médical de la streptomycine. L’expérimentation clinique de 1947-1948 du Medical Reaserch Council, qui respectait les deux critères de l’essai clinique randomisé (essais multicentriques et randomisation), a largement démontré l’efficacité du traitement, avec une mortalité de 7 % pour les patients traités contre 27 % pour les patients non traités.

20Si l’essai clinique randomisé a fait la démonstration de son efficacité méthodologique, notons néanmoins que la découverte de la streptomycine n’a pas été le fait de cette méthode. En effet, à la même époque, aux États-Unis, les médecins étaient déjà convaincus de l’efficacité de la streptomycine (avant l’expérience britannique) et l’industrie pharmaceutique pouvait fournir autant de médicaments que besoin. Les médecins états-uniens ont alors opposé à cette méthodologie leur déontologie médicale : pourquoi mettre en danger certains patients alors que l’on connaît déjà, grâce à d’autres moyens méthodologiques, l’efficacité du traitement ? La supériorité hiérarchique de l’essai clinique randomisé sur les autres modes de production de la recherche médicale n’était pas encore établie.

21Suite aux essais cliniques randomisés d’après-guerre, la médecine va lentement systématiser l’usage des statistiques dans ses recherches – la méthode de l’essai clinique randomisé devenant l’épicentre de la « médecine fondée sur les preuves » (evidence-based medicine). Cette pratique repose sur le principe d’une hiérarchisation des niveaux de preuve, l’essai clinique randomisé étant le niveau le plus fort devant les traditionnelles expériences de laboratoire [Sackett et al., 1996]. L’idée est de contester et/ou de compléter les connaissances produites par la pratique individuelle par des données externes fondées statistiquement avec l’objectif de réduire la variabilité des pratiques en choisissant les traitements les plus efficaces. La quantification de la qualité des soins s’opère à deux niveaux. D’abord, le processus de production de la preuve repose sur une assignation aléatoire répondant à des lois de probabilité et sur la comparaison chiffrée des résultats des différents groupes testés (en termes de morbidité et/ou de mortalité, par exemple). Le respect de protocoles statistiques stricts doit permettre d’octroyer à l’essai clinique randomisé un haut niveau de généralisation (réduction du risque d’erreur lié à des problèmes d’échantillon). Ensuite, la production elle-même est chiffrée en termes de quantité de traitements, quantité de prescriptions, quantité d’actes médicaux, etc. L’objectif de la quantification des soins est de limiter la prise de décision à ce qui est testé statistiquement. Chemin faisant, la valeur de l’essai clinique randomisé a supplanté les autres éléments de preuve dans l’élaboration des règles de l’« art médical ». Cet « art » est désormais standardisé par le recours à des données chiffrées permettant de définir les « bonnes pratiques » [Gaudillère, 2002, 2006].

Seconde étape : l’institutionnalisation de la quantification par la puissance publique

22L’essor de l’essai clinique randomisé dans le champ médical répond au problème de synthèse de l’information pertinente par l’usage des statistiques. Mais, à ce stade, les institutions qui permettraient d’imposer aux médecins l’application des normes quantifiées n’existent pas encore. La seconde étape vers la quantification de la qualité des soins consiste en l’appropriation par la puissance publique des normes du champ médical pour réguler les pratiques professionnelles [2]. Initialement perçu comme illégitime pour débattre de qualité des soins, le régulateur peut maintenant désamorcer cette critique, puisque c’est lui qui cherche à améliorer la qualité des soins via les normes qualifiées produites par la « médecine fondée sur les preuves ».

23Dans cette perspective, le travail de création de normes médicales n’est pas à lui seul suffisant pour construire le « produit » médical nécessaire au contrôle par les indicateurs statistiques. Il est impératif de certifier ces normes pour que les médecins et les patients puissent s’y fier : la définition du produit ne suffit pas, il faut en certifier la qualité et en assurer la diffusion parmi les producteurs. Les Agences sanitaires vont assurer ce travail de certification et de diffusion des normes : l’Agence nationale de développement de l’évaluation médicale à partir de 1989, remplacée par l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé en 1996, elle-même remplacée par la Haute autorité de santé (HAS) en 2004. Ces agences sont le témoin d’une redéfinition de l’action publique [Robelet, 1999 ; Benamouzig, Besançon, 2005]. En plus d’être trop proches du pouvoir politique, les administrations centrales sont jugées inefficaces car bureaucratiques. Par contraste, l’indépendance affichée et revendiquée des agences de santé est essentielle à la crédibilité des normes pour des médecins libéraux refusant l’intrusion du régulateur dans l’interaction médecin-patient. Alors que le médecin est le socle de la confiance dans le modèle professionnel traditionnel, les patients sont désormais invités à se fier aux agences de santé.

24La volonté publique de rompre avec l’autorégulation de la profession médicale et de promouvoir des standards chiffrés de qualité des soins se déploie par la suite dans la promulgation de la loi Teulade, en 1993, introduisant le principe de Références médicales opposables. Pour la première fois, la loi prévoit que les médecins soient contraints d’appliquer certaines normes professionnelles sous peine de sanctions financières. La politique publique change de stratégie : du tarif opposable aux pratiques opposables. L’objectif d’extension de l’accès aux soins est supplanté par ceux de la maîtrise des dépenses et de l’amélioration de la qualité des soins. Si les Références médicales obligatoires ne seront jamais réellement opposables (par décision du Conseil d’État), elles constituent la première tentative sérieuse d’imposer aux médecins une pratique médicale au nom de la qualité des soins. C’est la première brèche dans l’autorégulation de la profession médicale.

25En 2004, la réforme du « parcours de soin » est une étape supplémentaire vers la définition et le contrôle de la « production » médicale. Cette réforme vise à ce que chaque patient désigne un médecin comme son médecin traitant sous peine de sanctions financières (hausse du ticket modérateur). Mais l’important n’est pas là : cette réforme permet de résoudre le problème de la constitution de la patientèle d’un médecin. En effet, comme le système de santé français repose sur la liberté des acteurs, théoriquement, un patient peut consulter n’importe quel médecin. Il est alors difficile de lier un patient à un médecin. Grâce à la réforme du parcours de soin, il devient plus facile d’associer à des informations concernant les patients un médecin (traitant) « responsable ». Dès lors, la politique publique dispose d’informations sur l’activité des médecins et de normes de bonnes pratiques chiffrées permettant de contrôler la qualité des prestations [3].

26La constitution de systèmes d’informations pour la médecine de ville [4] et la certification de normes chiffrées de pratiques ont été les deux piliers permettant l’introduction en 2009 du Contrat d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI). Ce contrat, fondé initialement sur le volontariat, permet aux médecins d’être rémunérés à la « performance » [5]. Dans cette conception, fortement inspirée par la théorie économique dominante, le standard de soin étant une cible à atteindre, établir un lien arithmétique entre la rémunération et un indicateur chiffré de qualité des pratiques est un moyen pour inciter les médecins à améliorer celle-ci. Avec le CAPI, deux grands types d’indicateurs sont proposés aux médecins signataires : prévention et suivi des maladies chroniques, d’une part, et optimisation des prescriptions, d’autre part. Il s’agit par exemple d’indicateurs sur la part de patients vaccinés contre la grippe, sur le dépistage du cancer du sein, sur la part de médicaments génériques prescrits dans le volume total des prescriptions, etc.

27En observant la qualité des pratiques des médecins, la puissance publique peut désormais les inciter à adhérer aux normes. Après deux années d’expérimentation, le CAPI a été généralisé dans le cadre de la Convention médicale nationale régissant les rapports entre médecins et caisses d’assurance santé. Désormais renommé Rémunération sur objectif de santé publique (ROSP), le paiement à la performance médicale concerne presque l’ensemble des médecins conventionnés français [6]. Les indicateurs du CAPI sont reconduits et accompagnés de plus d’indicateurs sur les thèmes existants, ainsi que d’un nouveau type d’indicateur, les indicateurs d’organisation du cabinet (usage d’un logiciel de prescription certifié, tenue du dossier médical informatisé, affichage des horaires de consultation en ligne, etc.).

28Illustrons ces évolutions à partir de l’exemple de la prise en charge du diabète. Le traitement du diabète est l’un des champs dans lequel la variabilité des pratiques vis-à-vis de la norme professionnelle est problématique. Afin de comprendre le sens de l’indicateur, il faut se souvenir que pour chaque médecin, le calcul ne porte que sur les patients qui l’ont choisi comme médecin traitant. Ce n’est que dans ce cas-là que l’assurance maladie considère qu’il est légitime d’étudier la qualité des soins apportés par un médecin. Dans le cas du diabète, les normes professionnelles éditées par la HAS recommandent que les dosages d’hémoglobine glyquée (HbA1c) soient inférieurs à 8,5 %. Ainsi, dans le but d’améliorer le suivi du diabète, la ROSP prévoit que les médecins reçoivent une prime à la performance lorsque la part de patients diabétiques de type 2 (l’ayant choisi comme médecin traitant) dont les résultats de dosages d’HbA1c sont inférieurs à 8,5 % parmi l’ensemble des patients diabétiques de type 2 (l’ayant choisi comme médecin traitant) est supérieure à 90 %. Si plus de 90 % des patients obtiennent des résultats d’HbA1c inférieurs à 8,5 %, alors le médecin est considéré performant sur ce critère et sa rémunération à la performance sera d’autant plus importante que son taux de réalisation est proche de 100 % et que sa patientèle est grande [7].

29De même, concernant le dépistage du cancer du sein, la ROSP prévoit une récompense financière pour les médecins dont la part de patientes âgées de 50 à 74 ans (l’ayant choisi comme médecin traitant) participant au dépistage (organisé ou individuel) du cancer du sein rapportée au nombre de femmes de 50 à 74 ans (l’ayant choisi comme médecin traitant) est supérieure à 80 %. Aujourd’hui, le dispositif de ROSP est constitué par une trentaine d’indicateurs de ce type, organisés en quatre champs : suivi des pathologies chroniques, prévention, optimisation des prescriptions et organisation du cabinet.

30En 2014, la ROSP représentait une dépense de 376 millions d’euros pour environ 89 000 médecins [CNAM, 2015]. La rémunération moyenne était alors de 4 215 € pour l’ensemble des médecins, et de près de 6 000 € pour les médecins généralistes (soit une hausse de 3 % à 6 % de leur rémunération). Tous indicateurs confondus, entre 2013 et 2014, les médecins généralistes auraient amélioré leur performance globale de 61,5 % à 65,1 % – de 56,7 % à 58,9 % pour le suivi des pathologies chroniques ; de 64,1 % à 69,9 % pour l’optimisation des prescriptions ; de 40,4 % à 40,8 % pour la prévention ; de 76,3 % à 80,9 % pour les indicateurs d’organisation du cabinet. Se félicitant de l’amélioration de la qualité des soins, l’Assurance maladie promet de développer ce dispositif et d’en faire un « pilier » essentiel de la rémunération des médecins.

31La mise en place du paiement à la performance médicale est emblématique de la tendance à quantifier la qualité des soins. Sur le long terme, les normes chiffrées de pratique se renforcent à mesure que l’objectif de maîtrise des dépenses s’affermit. De l’absence de régulation sur les pratiques, nous sommes passés à des systèmes complexes de contrôle et d’évaluation du travail. Les contours du produit médical se précisent par la quantification de la qualité des soins : le travail d’homogénéisation du travail est en marche.

3 – Les limites épistémologiques de la quantification des soins

32Contrairement à ce que peut laisser supposer la première section, l’histoire de la régulation de la médecine libérale n’est pas un mouvement linéaire d’amélioration de la qualité des soins. La réduction de la variabilité des pratiques par l’homogénéisation de celles-ci ne va pas sans problèmes : la quantification de la qualité des soins n’est pas une « rationalisation » des pratiques, car il n’est pas certain que la qualité des soins soit soluble dans la quantification. En effet, la mise en chiffres du travail médical repose sur une épistémologie de la maladie arbitraire (2.1.) et sur une épistémologie des statistiques réductrice (2.2.) qui paradoxalement peuvent nuire à la qualité des soins.

3.1 – Une épistémologie de la maladie arbitraire

33La quantification de la qualité des soins repose sur l’hypothèse selon laquelle l’essai clinique randomisé – au cœur de la « médecine fondée sur les preuves » – serait une méthode de connaissance médicale permettant d’épuiser l’ensemble de la réalité médicale. Elle permettrait de doter les médecins (puis le réformateur) d’une mesure objective de la maladie. À partir de ses résultats, il serait possible de produire des protocoles chiffrés universels à l’usage des praticiens. C’est le fondement du retournement de la stratégie de politique publique.

34Cependant, il existe un débat épistémologique important au sein même de la communauté médicale concernant la portée de la méthode d’essai clinique randomisé et la possibilité de quantifier la qualité des soins. La question posée est de savoir ce qu’est la maladie et s’il est possible d’en faire une métrique universelle. La controverse épistémologique évoquée ici oppose deux conceptions de la maladie que nous pouvons présenter brièvement. La première, la conception positiviste, défendue initialement par Auguste Comte et Gaston Bachelard, définit la maladie comme une variation quantitative de l’état normal. En ce sens, la maladie est une situation de déséquilibre par rapport à la situation normale d’équilibre. Dès lors, le savoir scientifique est censé définir ce qu’est le normal et en déduire secondairement la définition de la maladie. Par exemple, c’est après avoir défini les bornes « normales » de la température du corps humain qu’il est possible d’en déduire les situations de maladie.

35Cette épistémologie est à l’origine de la supériorité hiérarchique des essais cliniques randomisés comme niveau de preuve, dans le cadre de la « médecine fondée sur les preuves ». Le malade est une unité statistique parmi d’autres et le traitement quantitatif sur un grand échantillon permet de nettoyer les résultats des tests de la singularité des cas. On peut dire en quelque sorte que le malade n’est plus le propriétaire de sa maladie parce que le traitement est pensé en dehors de lui. Dans cette perspective, il est possible et même souhaitable de créer des normes chiffrées de pratique médicale à partir de l’analyse statistique parce que le pathologique serait un phénomène séparable du patient, objectivement et scientifiquement mesurable. Contrairement à l’essai clinique randomisé, les autres méthodes de production de savoir médical sont délégitimées dès lors qu’elles n’opèrent pas la séparation entre malade et maladie.

36Face à cette conception de la maladie, Georges Canguilhem, philosophe et médecin du début du xxe siècle, écrit sa thèse d’exercice en 1943, republiée en 1966 sous le titre célèbre Le normal et le pathologique. Il s’oppose frontalement à la définition positiviste de la maladie faisant de celle-ci une simple variation quantitative du normal. Pour lui, il y a une hétérogénéité entre l’état normal et l’état pathologique. La maladie doit être considérée comme une « autre allure de la vie » ou encore comme une rupture avec l’état de bien-être. Ici, la rupture n’est pas le fruit d’une variation quantitative et mesurable entre deux états, puisque pour cela il faudrait une homogénéité entre normal et pathologique. La maladie est l’expression de la subjectivité du patient, ce qui en fait un jugement de valeur et non plus un fait indiscutable comme dans la conception positiviste. Ce n’est plus le scientifique qui est à l’origine du savoir, mais le patient : c’est parce que le patient ressent une rupture par rapport à l’état normal qu’il y a maladie. De ce point de vue, les bornes du « normal » faisant l’objet des débats dans la conception positiviste prennent un tout autre sens : la qualification de « normal » ne se réfère en effet plus tant à une norme statistique qu’à une norme sociale. La maladie devient un jugement de valeur que chaque patient émet lorsqu’il se sent en souffrance.

37Avec la généralisation des préceptes de la « médecine fondée sur les preuves » au cours du xxe siècle, cette problématisation revient aujourd’hui au-devant de la scène dans les débats épistémologiques sur la définition de la maladie et les conséquences à en tirer en termes d’organisation de la recherche et des soins. Trois formes principales d’actualité de la critique de Canguilhem peuvent être distinguées [Durrive, 2014]. L’actualité critique désigne la puissance qu’ont les concepts forgés par le philosophe pour déceler tout ce qui dans la recherche médicale relève du préjugé, même dans la « médecine fondée sur les preuves ». L’actualité pratique relève de la formation des médecins pour qui la lecture de Canguilhem est un passage obligé afin de cerner les enjeux de leur relation avec les patients, l’apprentissage de la singularité étant au cœur de l’éthique médicale. Enfin, et de façon plus décisive encore, l’actualité de Canguilhem se lit dans le paradoxe inhérent à la recherche médicale suivant lequel la science médicale échappe de plus en plus à l’expérience vécue des patients. Or, tout l’enjeu des questions posées par l’auteur est de résoudre dialectiquement l’écart croissant entre une médecine scientifique qui cherche à guérir des maladies et des malades dépossédés de leur expérience et de leur connaissance profane.

38Plus qu’une contestation en bloc des résultats des essais cliniques randomisés, les débats épistémologiques actuels tendent à reconnaître que ces derniers sont essentiels, mais qu’ils n’épuisent pas l’ensemble de la réalité médicale. Ainsi, certains auteurs interrogent la pertinence de la hiérarchisation des types de preuves [Masquelet, 2010]. Pour la « médecine fondée sur les preuves », le niveau de preuve le plus fort est l’essai clinique randomisé et le plus faible l’étude de cas. Néanmoins, il est possible de défendre la valeur des études de cas qui ont un potentiel heuristique particulièrement important. L’étude de cas permet en effet d’ouvrir de nouvelles perspectives soit par sa nouveauté radicale, soit par le changement de regard qu’elle engendre sur les connaissances anciennes. Dans cette perspective, celle du « beau cas », il est envisageable d’adopter une démarche scientifique dite phénoménologique cherchant l’universel contenu dans le singulier.

39En plus d’être contesté sur sa prétention à être le meilleur type de preuve, l’essai clinique randomisé montre d’évidentes carences du fait de sa méthodologie. Même chez les plus fervents défenseurs de la hiérarchisation des preuves comme Rémy Boussageon [2011], il existe une forte reconnaissance du fait que l’essai clinique randomisé ne peut pas tout. Principalement, les essais cliniques randomisés sont incapables de comprendre l’effet placebo qui opère probablement à travers l’impact des effets non spécifiques des traitements : relation patient-médecin, composante symbolique du soin, etc. L’auteur illustre son propos à partir d’un essai clinique randomisé portant sur les effets de l’acupuncture sur les douleurs chroniques [Haank et al., 2007]. Après six mois de traitement, 50 % des patients soignés par la « vraie » acupuncture (respectant les normes de la médecine chinoise) et la « fausse » acupuncture déclarent être soulagés, contre seulement 25 % des patients traités par des méthodes usuelles. L’essai montre que l’acupuncture n’est pas une méthode efficace parce que les faux points soulagent autant que les vrais points. Pourtant, le fait que les patients ayant suivi un traitement classique se sentent moins soulagés que les autres démontre à quel point la relation de soin ne peut pas se réduire à un acte technique désencastré et décontextualisé. Les symboles peuvent guérir.

40Ce contexte critique grandissant vis-à-vis de l’application sans concession des préceptes de l’« evidence-based medicine » explique la naissance, en réaction, du concept de « patient-centered medicine » [Bensing, 2000]. L’objectif est de donner à la « médecine fondée sur les preuves » une position plus nuancée dans la pratique médicale en revalorisant la prise en compte de la singularité du patient. Les inspirations sont anciennes et variées : médecine humaniste, perspective psychologique, prise en compte des émotions (peur, stress, etc.). L’accent est mis sur la nécessaire participation du patient au processus thérapeutique afin d’enrichir la prise de décision médicale. Les résultats des essais cliniques randomisés doivent plus relever de l’aide à la décision que de la contrainte aveugle.

41L’ensemble de ces positions épistémologiques n’est pas neutre vis-à-vis de l’organisation de la médecine. En effet, comme le montre Julien Dumesnil [2009], il existe une forte convergence entre l’épistémologie positiviste de la maladie [8] et le mouvement réformateur visant à quantifier l’« art médical ». Si le pathologique n’est qu’un écart quantitatif par rapport à une norme axiologiquement neutre, alors la maladie est un concept mesurable indépendant du patient et du médecin. La définition de l’objet maladie étant en ce cas parfaitement claire et objective, il devient possible d’appliquer les méthodes de gestion issues d’autres sphères de la production industrielle : standardisation, normalisation, production à grande échelle, etc. Il n’y a plus de différence entre la production d’une voiture et la production de soin. La régulation par les pratiques initiée à l’aube des années 1990 avec les Références médicales opposables peut alors s’interpréter comme le choix par la puissance publique de privilégier une épistémologie de la maladie plutôt qu’une autre.

42L’option prise par la politique publique de santé est arbitraire au sens où il existe une multitude de conceptions de la maladie sans qu’il ne soit possible de dire de façon univoque laquelle est supérieure aux autres – chaque conception s’appuie sur des justifications légitimes et irréductibles. En imposant une conception de la maladie plutôt qu’une autre, la volonté de quantifier la qualité des soins prend le risque d’industrialiser un choix épistémologique arbitraire pouvant avoir des conséquences négatives sur la qualité des soins.

3.2 – Une épistémologie des statistiques réductrice

43La légitimité de la « médecine fondée sur les preuves » provient de sa prétention à fournir des preuves exemptes de contestations. La méthodologie de l’essai clinique randomisé empreinte de rigueur et d’impartialité est censée être un « juge de paix » permettant de clore les débats. Cependant, cette neutralité supposée peut être sérieusement questionnée dans la mesure où les résultats des essais cliniques randomisés ne sont pas indépendants du contexte sociohistorique qui les a vus naître. Encore une fois, le parti pris de la volonté de quantification des soins pose un problème épistémologique. Se fondant sur une épistémologie réaliste des objets statistiques [Desrosières, 2010], la régulation par les pratiques nie la dimension sociohistorique de ces objets. Dans cette optique, on peut rappeler l’argument d’Agnès Labrousse [2010] à propos de l’économie du développement selon lequel il faut dénaturaliser les résultats des essais cliniques randomisés en étudiant rigoureusement leur construction sociale sous au moins deux angles : leur durée et leurs objectifs.

44Du point de vue de la durée des expériences, les résultats des essais cliniques randomisés doivent porter à caution, puisque certaines études estiment qu’un cinquième des médicaments mis sur le marché risque d’engendrer des effets indésirables dans les 25 ans [Lasser et al., 2002]. Or l’industrie pharmaceutique fait pression sur les régulateurs pour réduire la durée légale des essais cliniques, ce qui conduit à reposer la question de l’impartialité de cette méthode. Ainsi, aux États-Unis, le Prescription Drug User Fee Act (PDUFA) de 1992 a été voté afin que la Food and Drug Administration (FDA) accélère l’évaluation et la mise sur le marché des médicaments. Depuis l’entrée en vigueur de la loi, le délai de mise sur le marché des nouvelles molécules a décru de 52 % – 33,6 mois d’attente pendant la période 1979-1986 contre 16,1 sur la période 1997-2002 [Berndt et al., 2005]. Or de nombreuses analyses empiriques tendent à montrer l’existence de forts risques sanitaires pour la population lorsque les essais cliniques de la FDA se déroulent sur une période trop courte pour observer d’éventuels effets pervers [Olson, 2008 ; Moore, Furberg, 2014 ; Rodriguez-Monguio et al., 2014]. L’étude de Frank et al. [2014] est particulièrement frappante à cet égard. Les auteurs montrent que sur les 748 nouvelles molécules approuvées par la FDA entre 1975 et 2009, celles évaluées après la promulgation de la PDUFA ont significativement plus de chances que les autres d’être retirées du marché et/ou de se voir imputer des effets indésirables. En 25 ans, pour 100 nouveaux médicaments introduits, 34 d’entre eux doivent soit préciser l’existence d’effets indésirables, soit être retirés du marché. Or la moitié des modifications de notices doivent attendre 12 ans ou plus et la moitié des retraits du marché doivent attendre 5 ans ou plus avant d’être réalisés. L’importance de ce problème est telle que les auteurs suggèrent de signaler les nouvelles molécules par un triangle noir afin de distinguer des nouveaux médicaments ceux qui ont fait leurs preuves sur le long terme.

45Du point de vue des objectifs, il est notable que pour accélérer la mise sur le marché des médicaments, l’évaluation de nombreux essais porte non sur les résultats finaux (réduction de la mortalité ou de la morbidité) mais sur des résultats intermédiaires (biomarqueurs). Par exemple, le niveau d’hémoglobine glyquée (HbA1c) est un biomarqueur (un indice biologique) donnant une idée de l’équilibre glycémique pour les patients atteints d’un diabète. Si l’objectif final du traitement du diabète est une amélioration de l’état de santé, l’amélioration du dosage de HbA1c ne doit être considérée que comme un objectif intermédiaire. La même chose est vraie pour la réduction de la taille d’une tumeur qui est un objectif intermédiaire approchant l’objectif final : l’augmentation de l’espérance de vie. La relation entre amélioration de l’objectif intermédiaire et amélioration de l’objectif final est loin d’être claire [9]. En revanche, l’intérêt pour l’industrie et le régulateur de réaliser des essais cliniques randomisés avec des objectifs intermédiaires n’est pas mince : cela permet de réduire les coûts liés au protocole de recherche et d’accélérer la mise sur le marché. Dans cette optique, une étude récente montre que seulement 33,3 % des essais cliniques réalisés par la FDA reposaient sur une évaluation des résultats finaux [Downing et al., 2014].

46Au-delà des problèmes proprement statistiques, les travaux d’Alain Desrosières nous invitent à interroger l’usage social du chiffre. En effet, si les statistiques sont un outil de preuve indispensable pour le débat, elles sont aussi un outil de gouvernement particulièrement efficace, notamment lorsque les conditions sociohistoriques de production des statistiques sont mises au second plan par le pouvoir d’objectivation du chiffre [Desrosières, 2008]. Or l’analyse sociohistorique du développement des essais cliniques randomisés donne à voir une série de biais remettant en cause la prétention à la neutralité scientifique et la politique de la « médecine fondée sur les preuves ». Dans cet esprit, les travaux de l’historien Harry Marks permettent de réaliser le travail de dénaturalisation de la « médecine fondée sur les preuves ». Tout en se félicitant des réussites nombreuses de la méthodologie de l’essai clinique randomisé, l’auteur avertit le lecteur contre une vision idéalisée de l’usage des statistiques en médecine et en analyse les dimensions sociohistoriques.

47Pour illustrer cet « ordre social négocié », il est possible, à l’instar de Marks, de braquer les projecteurs sur certaines études cliniques pour montrer comment d’autres critères que les critères scientifiques entrent en jeu pour la production des standards. Par exemple, il est intéressant de voir comment dans les années 1960-1970 une étude sur les maladies cardiovasculaires – Diet-Heart, lancée par le National Heart and Lung Institute – n’a pas été réalisée du fait d’un environnement social peu favorable [Marks, 1999, p. 235-278]. La rareté des financements et la préférence pour des recherches sur des médicaments plutôt que sur les habitudes alimentaires ont ainsi bloqué la possibilité de réaliser un essai clinique randomisé. Même lorsque l’on accepte sans réserve le principe de l’essai clinique randomisé, il apparaît que les conditions sociohistoriques expliquent pourquoi certaines études se font et d’autres ne se font pas. Or ces conditions prêtent souvent à la critique – notamment lorsque l’on s’aperçoit que la recherche est presque intégralement financée (et contrôlée) par l’industrie pharmaceutique [Keel, 1999].

48La question de l’indépendance de la recherche à l’égard de ses sources de financement devient alors centrale. En effet, des études commandées par l’industrie pharmaceutique risquent d’introduire des biais, notamment en ne publiant pas systématiquement des résultats négatifs pour la firme [Keel, 2011]. S’il y a un nombre croissant d’études peu fiables, c’est à cause de leur mode de financement. Celui-ci étant presque entièrement privé et sous le contrôle des firmes pharmaceutiques, l’exigence de rentabilité prime sur la rigueur scientifique. Deux effets de la mainmise du profit sur la recherche médicale peuvent être détaillés. D’une part, l’industrie pharmaceutique multiplie les essais de nouvelles molécules contre placebo plutôt que contre un médicament déjà éprouvé. Cela conduit à multiplier le nombre de médicaments de type « moi aussi », c’est-à-dire ayant une meilleure efficacité que rien (le placebo), que l’on est incapable de hiérarchiser. Les firmes peuvent alors vendre ces « moi aussi » plus chers (parce que neufs et brevetés) sans que l’efficacité des traitements soit meilleure que celle des médicaments existants : ils n’ont été testés que comparativement à des placebos ! D’autre part, les recherches portent majoritairement sur des médicaments où existe un potentiel de vente important, soit plutôt en direction des populations aisées plutôt que des plus modestes, plutôt pour les pays du Nord que ceux du Sud et pas pour les maladies rares ou orphelines (voir également sur ces questions Saint-Onge [2004]).

4 – Conclusion

49La quantification de la qualité des soins ne va pas de soi. Il est intéressant de noter l’usage instrumental qui est fait par le régulateur de la « médecine fondée sur les preuves ». L’essai clinique randomisé – au cœur de la « médecine fondée sur les preuves » – est une méthodologie datant de l’immédiat après-guerre alors que la puissance publique ne la mobilise qu’avec l’aggravation de la crise économique postfordiste. Plus qu’une « rationalisation » de l’« art médical », la quantification de la qualité des soins est le levier d’une reprise en main du financeur de soins sur les producteurs.

50La dimension sociohistorique de la quantification de la qualité des soins invite alors à interroger la pertinence de ses fondements épistémologiques. Deux critiques majeures peuvent être adressées à la méthodologie de l’essai clinique randomisé. D’une part, elle repose sur une épistémologie de la maladie arbitraire : la conception de la maladie comme altération quantitative de l’état normal rencontre des critiques légitimes. Si l’on conçoit la maladie aussi comme une rupture qualitative avec l’état normal, il est impossible de déduire des protocoles chiffrés et standardisés de soin. D’autre part, cette méthode repose sur une épistémologie des statistiques réductrice : contrairement à ce que suppose l’épistémologie réaliste des objets statistiques, leur réalité ne préexiste pas aux instruments qui cherchent à les mesurer. La recherche en statistique se doit alors d’adopter une posture réflexive en présentant et en discutant régulièrement les conventions de quantification sur lesquelles elle s’appuie, de façon à éviter à la fois le réductionnisme et le relativisme des connaissances.

51Bien évidemment, il ne s’agit en aucun cas d’instruire le procès de l’essai clinique randomisé et de la « médecine fondée sur les preuves ». Le problème est ailleurs. Il s’agit ici d’ouvrir un débat épistémologique et méthodologique ayant des conséquences de santé publique : comment organise-t-on le système de soin étant donné un certain état de la connaissance médicale ? L’absence d’un tel débat montre à nouveau à quel point la santé est un désert politique en France. Même s’il est clair que la « médecine fondée sur les preuves » porte un contenu progressiste face à l’organisation actuelle de la médecine libérale, l’issue de ce débat ne va pas de soi. Ce qui est en cause n’est pas tant la technique elle-même que la façon dont les forces sociales s’en emparent.

Notes

  • [1]
    Selon les statistiques de la DREES [2016], le reste à charge des ménages est en baisse pour la quatrième année consécutive (moins 0,8 point entre 2012 et 2015). Pourtant, ce résultat est trompeur au moins pour trois raisons. D’une part, sur longue période, le financement par la Sécurité sociale de la consommation de soins et de biens médicaux est en recul, de 80 % en 1980 à 76,8 % aujourd’hui [DRESS, 2013]. D’autre part, les statistiques portant sur l’ensemble de la population masquent des évolutions préoccupantes lorsque l’on s’intéresse aux différentes catégories de dépenses et d’assurés. Ainsi, la Sécurité sociale rembourse très fortement certains types de soins comme l’hôpital (plus de 90 %) et certains types de malades comme les titulaires du dispositif d’Affection longue durée (100 %), mais le niveau de remboursement des dépenses en soins de ville et en médicaments est inférieur à 70 %. Enfin, il faut noter que les statistiques sur les dépenses de santé sont vulnérables à un biais de solvabilité : il n’est possible d’étudier la part des remboursements que si la dépense est effectuée, or les études récentes constatent une recrudescence des non-recours aux soins pour raisons financières [Després, 2011]. Il est donc très probable que la statistique de reste à charge soit en baisse du fait de la hausse des non-recours aux soins les plus mal remboursés (optique, dentaire, etc.).
  • [2]
    On pourra se reporter à Rolland et Sicot [2012] pour une analyse à partir du concept de gouvernementalité.
  • [3]
    Notons toutefois qu’avant la réforme du médecin traitant, il était possible techniquement de rapprocher la consommation d’un patient à son médecin. L’informatisation du système de santé est antérieure aux années 2000 avec par exemple pour la médecine de ville la création du Système national d’information inter-régime de l’assurance maladie en 1999. Cependant, la réforme du parcours de soin rend légitime et généralise l’association d’un patient à son médecin. Elle la légitime parce que le patient choisit lui-même en pleine conscience son médecin traitant, celui-ci ayant le droit de refuser. Elle la généralise car le non-respect du parcours de soin et la non-déclaration d’un médecin traitant impliquent un coût financier en termes de moindre remboursement.
  • [4]
    Notamment grâce au développement de la carte Vitale.
  • [5]
    Cette idée n’est pas neuve, elle émerge pour la première fois en 1980 lors des discussions sur la convention médicale visant à autoriser les dépassements d’honoraires [Hassenteufel, 1997]. La loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) de 2000 renoue avec le principe par la création des Accords de bon usage des soins et des contrats de bonnes pratiques. La LFSS de 2002 complète le système incitatif avec le Contrat de santé publique. Le défaut majeur de ces dispositifs est qu’ils ne permettent pas de lier précisément un médecin à ses patients, ce qui pose problème lorsqu’il s’agit d’attribuer une responsabilité au médecin sur l’état de santé de ses patients et de leurs dépenses. La réforme du parcours de soin de 2004 résout ce problème.
  • [6]
    Soit près de 97 % du total des médecins exerçant sur le territoire.
  • [7]
    On pourra se reporter à Da Silva et al. [2015] pour une présentation plus poussée du dispositif.
  • [8]
    On pourra se référer à Sholl et De Block [2015] pour une synthèse et une critique de cette position qu’ils nomment «  the normalization view ».
  • [9]
    La puissance publique se heurte au même problème quand elle tente d’améliorer la qualité des soins dans les services d’urgence (objectif final) en réduisant le délai d’attente des patients (objectif intermédiaire), ce qui se révèle contre-productif [Belorgey, 2011].
Français

Avec la logique de quantification de la qualité du travail médical, les patients sont invités à faire confiance aux normes chiffrées déterminées par les agences de santé indépendantes – plutôt que de se fier à la relation personnelle avec leur médecin. Si cette nouvelle régulation ressemble à une rationalisation des pratiques, nous proposons de montrer en quoi il est utile de revenir sur la méthode de production de ces normes du travail médical et de questionner l’usage politique des essais cliniques randomisés. Après avoir rappelé les justifications théoriques et empiriques de la « rationalisation », nous défendons l’idée que la politique de quantification de la qualité des soins repose sur une épistémologie de la maladie arbitraire et une épistémologie des statistiques réductrice. Or cela n’est pas sans conséquences négatives, tant pour les professionnels que pour les patients.

Mots-clés

  • médecine libérale
  • essai clinique randomisé
  • standardisation
  • épistémologie des statistiques
  • épistémologie du soin

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Nicolas Da Silva
Centre d’Économie de Paris Nord Université Paris 13
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Mis en ligne sur Cairn.info le 04/12/2017
https://doi.org/10.3917/rfse.019.0111
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