CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’ouvrage La monnaie : entre dettes et souveraineté poursuit un entretien de l’économiste Michel Aglietta avec deux autres économistes, Pepita Ould Ahmed (CESSMA, IRD, université Paris Diderot) et Jean-François Ponsot (Université Grenoble Alpes) paru en 2014 dans la Revue de la régulation sous le titre « La monnaie, la valeur et la règle ». Celui-ci esquissait nombre des éléments constitutifs de ce volume de près de 450 pages, aboutissement d’analyses dans le domaine monétaire et financier publiées durant 35 années. Outre les travaux ayant nourri les enseignements de Michel Aglietta à Paris X Nanterre sur la macroéconomie monétaire et ses expertises [1], retenons ici comme textes fondateurs ses ouvrages réalisés avec André Orléan, La violence de la monnaie (1982), revisité 20 ans plus tard dans La monnaie entre violence et confiance, et La monnaie souveraine (1998), ainsi qu’un article remarqué, « L’ambivalence de l’argent », paru dans la Revue française d’économie en 1988. Cette ambivalence est précisément assise sur la tension entre son existence comme bien public et son appropriation privée, problématique à nouveau au cœur de cet ouvrage. Ses travaux actuels portent sur la tentative d’attribuer une valeur donnée au carbone évité [2].

2Au cours de sa carrière, et plus particulièrement ces dernières années, Michel Aglietta a publié divers ouvrages en collaboration avec de plus jeunes chercheurs. Ainsi avec Thomas Brand (qui a travaillé sur la crise européenne, les cycles financiers et la fiscalité), Virginie Coudert (spécialiste du système financier international), Antoine Rebérioux (qui a analysé la gouvernance d’entreprise et la financiarisation) ou Guo Bai (spécialiste des politiques macroéconomiques chinoises). Ces collaborations lui ont permis à la fois une forte productivité dans l’écriture et l’élargissement de ses champs d’observation en associant de bons spécialistes de certains domaines. Ajoutons ici les nombreuses recherches de doctorat qu’il a encadrées et que l’on trouve partiellement citées en bibliographie [3]. En travaillant explicitement en coopération avec d’autres, il a mis sa pratique de chercheur en conformité avec ses analyses développant les dimensions collectives des faits économiques. C’est le cas ici avec l’appui à l’écriture de cet ouvrage de Pepita Ould Ahmed et de Jean-François Ponsot, ayant respectivement mené des recherches en Russie et en Argentine pour la première et en Amérique latine pour le second.

3Le présent ouvrage est structuré en quatre grandes parties, chacune subdivisée en deux chapitres, auxquelles s’ajoute une brève introduction générale. La première partie, résolument théorique, affirme une théorie de la valeur (économique) fondée sur la monnaie, saisie comme rapport d’appartenance sociale, est développée tout au long du livre notamment à travers les concepts de dette et de souveraineté ; d’où son titre. Les deux parties suivantes légitiment cette approche alternative aux idées dominantes en sciences économiques par l’interrogation tout d’abord de l’histoire longue des systèmes monétaires, puis de certaines crises monétaires et des façons de les juguler. L’objectif général est de jeter les bases d’une compréhension des dynamiques en cours, notamment celle de la monnaie internationale. Celle-ci est cœur de la dernière partie, qui sert en quelque sorte de conclusion à l’ouvrage. Du foisonnement d’idées, d’études de cas et de théories, qu’il est impossible de présenter ici en détail, ma lecture retient quelques éléments de l’apport pour la socio-économie ; et leurs limites de ce point de vue.

Économie et interdisciplinarité

4Il fut un temps où chacune des sciences sociales et humaines (science politique, sociologie, ethnographie, histoire, démographie et bien sûr science économique) pouvait prétendre recouvrir un champ particulier du fonctionnement de l’humain et/ou du social. Chacune pouvait ainsi revendiquer le traitement particulier d’un certain nombre d’objets spécifiques. Aujourd’hui, c’est davantage la méthode qui « fait » une discipline, comme l’illustre en économie le fait que les « nouveaux économistes » dans les années 1970 (tel Gary Becker) ont soumis à leur grille tous les comportements humains jusqu’aux expérimentations contemporaines. L’analyse critique par Michel Aglietta des hypothèses définissant certains objets traités par les économistes, en l’occurrence ici la monnaie et la finance, confère un caractère interdisciplinaire à son œuvre, au sens où elle révèle certaines des hypothèses explicites ou plus souvent implicites définissant un objet [4] ; et celle-ci peut intéresser tous ceux qui travaillent dans une perspective socio-économique, et pas uniquement des économistes critiques. Relevons aussi que la monnaie et la finance sont également devenues des objets largement investis par certains sociologues, ethnologues et anthropologues, qui les soumettent à leur méthode ; ainsi que l’illustrent les travaux de sociologues comme Viviana Zelizer ou Jeanne Lazarus, ou ceux de l’anthropologue David Graeber. L’écho des recherches de Michel Aglietta a franchi les frontières de la seule science économique, tant pour ce qui est de l’enseignement que de la recherche. S’agissant de cette extension de sa lecture, on doit relever des allers-retours avec certaines recherches d’historiens et d’anthropologues qu’ils citent. Cette influence n’a donc pas été univoque (ce qui les réduirait au statut de simples sources d’information), mais bien réciproque (comme avec les historiens Jean Andreau et Jean-Marie Carrié, les anthropologues Stéphane Breton et Daniel de Coppet par exemple), en particulier grâce aux travaux animés par Bruno Théret [5].

5Pour les jeunes générations d’économistes, spécialistes notamment de la finance, qui ont pris en marche son cheminement intellectuel (comme les coauteurs de cet ouvrage, Pepita Ould Ahmed (née en 1973) et Jean-François Ponsot (né en 1971)), un tel ouvrage est donc bienvenu. Ils y trouveront en effet une belle et utile synthèse d’une pensée aussi brillante qu’originale. Pour ceux qui sont de la même génération que Michel Aglietta (né en 1938) ou de la suivante (comme moi-même, c’est-à-dire ceux et celles formé(e)s à l’économie avant la crise de 1974 ou juste après, quand la pensée keynésienne dominait et que celle de Marx et de ses épigones pouvait être enseignée et citée sans surprendre dans les facultés), le livre constitue une bonne occasion de (re)découvrir le chemin accompli et de (re)visiter l’évolution de la pensée économique depuis la fin des années 1960, ainsi que certaines des pistes qu’elle a entre-temps abandonnées (certaines définitivement, d’autres seulement temporairement).

6L’ouvrage est paru simultanément à celui du lauréat 2014 du prix dit « Nobel » d’économie, Jean Tirole, intitulé Économie du bien commun[6], publication qui se présente aussi comme la synthèse des écrits majeurs d’un économiste. Dans les deux cas, on remarque le même souci d’une pensée à la fois théorique et appliquée, mais l’œuvre de Michel Aglietta m’apparaît bien supérieure pour comprendre l’économie des sociétés contemporaines dans ce qui est présenté comme leurs fondements monétaires et financiers. Cette dimension, essentielle pour comprendre notre temps, est largement absente de l’ouvrage de Jean Tirole, en partie parce que celui-ci se situe dans la traditionnelle dichotomie entre réel et monétaire, perspective rejetée de façon fort pertinente par Michel Aglietta.

Une rupture et ses limites avec la représentation dominante de la monnaie et avec l’économisme

7Pour saisir l’analyse déclinée ici sous différentes facettes présentes et passées, abstraites et concrètes, en mobilisant une très riche documentation théorique et historique (qui donne aussi une utilité supplémentaire à la lecture de l’ouvrage par le regard qu’il porte), il faut rompre avec la représentation courante de la monnaie parmi les économistes. Représentation « courante » signifie qu’il existe une autre tradition en économie, dominée mais vivante, qui insère l’économie (et la monnaie) dans les institutions de la société et qui est celle à laquelle l’ouvrage appartient. En économie standard, la monnaie apparaît comme un objet dérivé du marché et en tant qu’appendice elle peut être considérée comme insignifiante par rapport à l’économie « pure » ou « réelle » ; le noyau supposé dur des explications. Aussi, puisque la monnaie serait accessoire, ces économistes parlent d’« invention de la monnaie » et il existerait un stade anté-monétaire désigné comme « troc [7] ». La monnaie y est logiquement définie par ce par quoi elle est supposée servir comme instrument du marché : ses fonctions de paiement et de compte, et accessoirement de réserve [8]. Ce faisant, l’économie est séparée du politique. Selon Michel Aglietta et ses deux coauteurs dont les travaux antérieurs se situent dans cette perspective [9], la monnaie fonde logiquement le marché et elle est le ressort de la valeur économique (et non l’inverse, comme le postule l’économie standard qui raisonne en termes d’équilibre et de déséquilibre des offres et des demandes). Or les déterminants sociaux, politiques, culturels et psychologiques [10] qui instituent la monnaie étant multiples, il y a incomplétude de l’économie, car la monnaie n’est pas réductible à un usage économique.

8L’ouvrage peut être dit critique de l’économisme dominant, même si la distance peut apparaître ici ou là incomplète. Donnons-en trois exemples. Cet économisme refoulé donne parfois des accents smithiens (mais peut-être faut-il revenir au libéralisme de Smith pour rompre avec le néolibéralisme ?).

9La première trace conservée de l’économisme est qu’à aucun moment (et notamment lorsque les crises sont analysées) il n’est fait explicitement référence dans les usages monétaires à l’existence de cloisonnements monétaires [11], qui font que tel moyen de paiement n’est pas substituable à un autre, même quand la valeur monétaire est la même et qu’il pourrait légalement être substitué. Ces comportements moraux largement répandus, sont largement ignorés des économistes, sans doute parce qu’ils vont à l’encontre d’une hypothèse de rationalité et que leur échelle d’analyse est macro (même lorsqu’ils sont microéconomistes…).

10Deuxième persistance de l’économisme : en introduction des monnaies locales (p. 191), il est affirmé : « Les territoires structurés par l’organisation urbaine sont des lieux de coopération par excellence. En effet, les villes sont des foyers de rendements croissants par effets d’agglomération, externalités de réseaux et activités intenses en information. »

11Ce lien établi entre urbanité et monnaies locales (et pas seulement avec celles-ci) peut surprendre dans la mesure où il existe une double tradition de monnaies locales : l’une urbaine certes, mais aussi une autre propre aux néo-ruraux, qui appuie des liens de proximité spécifiques. Cette approche progressiste de la ville est proche de celle… d’Adam Smith. Celle-ci a été magistralement analysée par Pierre Dockès dans L’espace dans la pensée économique du xvie au xviiie siècle[12]. Cette vision de l’urbanité par Adam Smith a largement inspiré jusqu’à nos jours des générations d’économistes, même si à lire La richesse des nations de près, on découvre un hommage à l’intelligence pratique des paysans, au-delà d’apparences de rusticité [13]. De façon plus générale, il s’agit d’une approche évolutionniste là aussi quasi consubstantielle à l’économie.

12Troisième présence de cet économisme : les auteurs affirment ne pas inclure dans leurs analyses les sociétés qu’ils qualifient de « sans État » parce que « le principe d’équivalence qui unifie un espace de mesure n’y est pas établi » et que « l’usage des monnaies y est différencié par les statuts des personnes » (p. 97). N’est-ce pas là encore une vision évolutionniste de ces sociétés et donc des transformations historiques ? N’est-ce pas présumer que cette différence aurait totalement disparu des sociétés dont les auteurs prennent l’exemple ?

13On lit ainsi p. 15 : « Les anthropologues nous enseignent que la monnaie a existé au moins[14] depuis que les populations se sont sédentarisées et que la division du travail est apparue. » On retrouve une nouvelle référence à la sédentarisation déjà évoquée à propos des villes. Cette exclusion de l’analyse des pratiques relevées par les anthropologues peut être comprise comme une prise de distance vis-à-vis de certains éléments, voire comme un recul sous le feu des critiques énoncées à l’encontre de l’ouvrage La monnaie souveraine, dans la mesure où l’ambition avait été de les inclure tout en marquant leurs différences [15].

14Tous les anthropologues (et notamment la plupart de ceux qui se situent dans la lignée de Karl Polanyi) ne partagent pas cette vision de l’« apparition » de la monnaie, en particulier l’idée d’un lien entre monnaie d’une part et sédentarisation de l’autre. Celle-ci développe certaines formes d’accumulation matérielle, certaines pratiques monétaires, certains modes de financement, mais pas « l’apparition » de la monnaie elle-même. On trouve trace de ces usages parmi des chasseurs collecteurs pour autant que l’on comprenne les relations de créance/dette qui les sous-tendent. Sans compter que des agriculteurs peuvent « redevenir » des éleveurs nomades. Il n’y a pas continuité progressive entre des stades de chasse et cueillette (la sauvagerie), d’élevage (la barbarie), et la civilisation (sédentarisation à partir de l’agriculture), contrairement à ce qu’avancent les thèses évolutionnistes écossaises qui ont marqué les origines de l’économie politique. Des populations dans des niches écologiques particulières peuvent, sans agriculture et sans concentration démographique, connaître des formes d’accumulation entretenant de fortes hiérarchies (les populations à potlatch des côtes ouest de l’Amérique du Nord ou de la Kula des îles Trobriand par exemple). Sans compter aussi que les traces d’humanité sont sans cesse chronologiquement repoussées en deçà de l’homo sapiens sapiens. La relation de causalité (fût-elle réciproque) entre un phénomène comme la division du travail et la monnaie (affirmée depuis le milieu du xviiie siècle par l’économie) est donc douteuse. Le « au moins » paraît limiter l’analyse de la monnaie à des usages économiques. Cela pose un problème de définition de celle-ci tant dans sa forme que dans ses usages [16]. Certains anthropologues comme Alain Testart [17] ont réaffirmé qu’il existait des sociétés humaines « sans monnaie » en adoptant une définition économiste, fonctionnelle et matérielle de la monnaie qui, fort heureusement, n’est pas celle de Michel Aglietta. Rappelons ici les endettements chez les aborigènes australiens, exemple de pratiques monétaires chez des chasseurs-collecteurs. On est ici en présence de codifications nécessaires à la reproduction sociale, mais non d’usages directement économiques liés à la seule production et aux échanges dits « économiques ». Ajoutons que l’appréhension de la monnaie comme un instrument visant à l’extinction des dettes s’accorde mal non seulement avec la vision de sociétés dans lesquelles les monnaies sont des instruments explicites de perpétuation des liens, ce que l’ouvrage reconnaît dans les dettes dites « inaliénables » (pp. 74, 81 et suiv.), mais aussi à travers des logiques que l’on peut retrouver dans les sociétés antiques et médiévales, de même que dans nos propres sociétés à travers les relations que l’on a qualifiées de « clientèle » en les opposant à celles de « place de marché [18] ». Si, dans nos sociétés et dans d’autres, les choses et les services ont un prix qui ne varie pas selon le statut relatif des échangistes (on dit donc qu’elles ont une valeur économique), c’est parce que l’on présume implicitement que les échangistes sont supposés égaux (dans leur relation économique). Il s’agit là encore d’une croyance forte dans le corpus idéologique des économistes. Le marchandage peut avoir un tout autre objectif que d’équilibrer les flux d’offre et de demande. Cette différence entre sociétés statutaires ou non statutaires permet de comprendre l’analyse de la monnaie faite par Aristote dans l’Éthique à Nicomaque. Il y explique comment la monnaie rend possible dans une cité l’échange du produit de leur activité respective entre un architecte et un cordonnier et pourquoi elle doit établir (ou sanctionner) les rapports hiérarchiques existant entre eux. Là prime la valeur des personnes appartenant à des groupes sociaux différents. Vision exotique par rapport à celle de l’individu des économistes présumant une valeur des choses et des services rendus.

Au cœur des tensions monétaires et financières actuelles et quelques questions en suspens éclairées par l’histoire

15La monnaie : entre dettes et souveraineté est beaucoup plus qu’un exercice académique revisitant l’évolution récente et passée de(s) sociétés humaines dans leurs dimensions monétaires et financières. Cette synthèse des travaux antérieurs de Michel Aglietta peut aider à comprendre des questions pendantes comme, entre autres, la crise de l’euro, la croissance des endettements publics et privés, la poursuite de l’hégémonie du dollar malgré la concurrence d’autres devises, le développement des paiements dits « électroniques », le rôle des monnaies dites « complémentaires » ou le projet d’une valeur carbone évité. On trouve notamment avec ce dernier exemple des propositions très éloignées des idées à la mode, tout comme l’excellente critique dans l’ouvrage des illusions portées par la crypto-monnaie bitcoin et sa différence d’avec les monnaies territoriales complémentaires à caractère solidaire.

16On peut toutefois regretter que les auteurs n’aient pas choisi de développer parmi les thèmes d’actualité deux débats qui constituent deux propositions largement antagoniques, en l’état actuel des pratiques monétaires : la fin du cash d’une part et les propositions de gager les émissions de monnaie par les banques commerciales de l’autre. La première n’est pas totalement absente ici, mais elle est présentée surtout à partir de ses initiatives privées non bancaires de dématérialisation de la monnaie (telles les crypto-monnaies) [19] alors qu’elle est aussi voulue par les autorités monétaires d’un certain nombre de pays afin de mieux contrôler les flux monétaires. Elles rendraient les paiements payants [20]. La seconde est la contrainte de gager la monnaie mise en circulation, proposition faite notamment en Islande, au Royaume-Uni et en Suisse par des mouvements contestant la captation de l’émission monétaire par les banques commerciales. Cette proposition avait, sous d’autres formes, été avancée notamment par Frederick Soddy dans Wealth, Virtual Wealth and Debt. The solution of the economic paradox (1926), puis sous forme du Chicago Plan en 1933 (par Frank H. Knight, Lloyd W. Mints, Henry Shultz, Garfield V. Cox, Albert G. Hart et Henry C. Simons, proposition appuyée par Irving Fisher) [21] et par Maurice Allais en 1948. Des auteurs, on doit le souligner, aux convictions politiques et théoriques fort diverses par ailleurs – ce qui implique que les conséquences pratiques de leur proposition varient beaucoup. Peut-être ces thèmes sont-ils simplement effleurés dans l’ouvrage (comme la fin du cash) ou ne sont pas abordés (comme la monnaie pleine ou gagée) parce que la dimension internationale est largement privilégiée dans le choix des exemples évoqués. La quatrième et dernière partie de l’ouvrage lui est entièrement consacrée, de façon tout à fait pertinente vu les tensions que subissent les monnaies nationales ou fédérales et le dollar, monnaie jusque-là hégémonique. Et surtout peut-être parce que ces projets de monnaie pleine ou gagée s’écartent trop de l’hypothèse d’une endogénéité de la monnaie [22], ou du moins parce que cette hypothèse devrait être considérablement retravaillée pour l’inclure.

17Cette grille de lecture est mobilisée, comme elle l’a été parallèlement, notamment dans les textes récemment réunis par Pierre Alary, Jérôme Blanc, Ludovic Desmedt et Bruno Théret [23] afin de comprendre le présent mais aussi l’histoire monétaire longue. En particulier La monnaie : entre dettes et souveraineté s’appuie sur les exemples de l’Antiquité méditerranéenne, proche-orientale et chinoise, du Moyen Âge et de la Renaissance européens, de l’émergence des banques centrales et de crises monétaires et financières comme celle de l’Angleterre à la fin du xviie ou celle de Law au xviiie en France, ou encore celles de l’Antiquité, ou de l’hyperinflation allemande. On peut affirmer que, comme les hypothèses résumées ci-dessus pour définir la monnaie permettent de reconstruire théoriquement les transformations passées, observées à partir des travaux d’historiens et d’économistes, celles-ci sont efficaces et pertinentes pour comprendre le présent et tracer des pistes pour l’avenir. Alors que l’économie standard proposée par Jean Tirole produit des faits stylisés en affirmant « synthétiser » le présent, et se révèle largement amnésique quant aux pensées et situations passées, la preuve passe chez Michel Aglietta, comme chez la plupart des nouveaux institutionnalistes monétaires français, par un exercice de validation des faits par l’épreuve historique – et on doit ajouter anthropologique – comme chez Bruno Théret, qui a en cela fortement maintenu ce cap de La monnaie souveraine[24].

Capitalisme et surdétermination monétaire

18En relevant la définition sociale et politique de la monnaie donnée par Michel Aglietta, j’ai souligné le retournement opéré par rapport à la position de celle-ci dans l’économique. La monnaie en tant qu’ensemble de règles et de normes instituées et en tant qu’objet (physique ou dématérialisé) cesse d’être accessoire. Elle constitue « le mode de coordination des actes économiques » (p. 14). L’ouvrage (ré)affirme ainsi une surdétermination du fonctionnement structurel des sociétés et de leur dynamique par la monnaie et la finance. Cette place de la monnaie et de la finance pour les sociétés à accumulation « capitaliste » et avec l’opposition capital/travail est bien démontrée dans ces formes de société. Héritage de l’école de la régulation, de Marx, et d’autres, l’articulation avec les vagues d’innovations techniques promues par ce capitalisme et avec ses phases depuis la fin du xviiie siècle (textile et machine à vapeur ; rail et sidérurgie ; production de masse, dont l’automobile ; information et communication) l’illustre jusqu’à la période actuelle avec les potentialités ouvertes par la question environnementale [25]. C’est précisément du fait de l’évolution des modes de financement du capitalisme qu’on obtient ce résultat, avec la nécessité d’injections massives de fonds pour construire les réseaux ferrés, et l’apparition des sociétés (anonymes) par actions ; la promotion des banques centrales comme banques des banques pour faire face aux risques systémiques provoqués par les nouveaux modes d’endettement ; au xxe siècle, le financement de la protection sociale avec la généralisation du salariat, etc. Il y a bien là un raisonnement qu’on peut qualifier de dialectique, car les systèmes technico-scientifiques, les rapports sociaux de production et l’organisation monétaro-financière sont articulés. Cela aboutit dans la phase actuelle à la domination de cette dernière sur le reste de la société, et ce à un degré sans doute jamais atteint auparavant, que saisit bien cet ouvrage [26].

19Mais cette dialectique réel-financier/monétaire est moins mobilisée pour comprendre les périodes antérieures au xixe siècle. Sans doute cela tient-il au foisonnement des exemples. Fallait-il en citer autant pour convaincre ? Leur abondance rend difficile l’approfondissement de chacun ; et peut-être doit-on évoquer la déficience des sources d’information concernant ces questions. Ce n’est sans doute pas la seule raison. Les explications données se situent essentiellement à l’échelle macro alors que la micro-échelle pourrait éclairer les comportements, les contraintes, les usages. Ainsi, à propos de la Grèce antique, pour convaincre totalement, il faudrait que soient indiqués les usages des métaux sous forme ou non de pièces, les modalités de rémunérations, de paiements publics et privés de nature diverse, les règlements d’obligations sociales, cultuelles, politiques, etc., ou à défaut (faute d’informations précises) que des hypothèses soient proposées sur ces différents éléments en les mettant directement en relation avec les transformations économiques, sociales, politiques (locales et internationales), voire cultuelles ou climatiques des cités. En quelques mots, pourquoi y a-t-on eu plus ou moins besoin de monnaie(s) (et aussi d’autres techniques de paiement et de règlement) et comment y a-t-on répondu dans ces communautés humaines fort différentes des nôtres ? Pour la Rome antique, l’accent est davantage mis sur les conditions et les contraintes des émissions monétaires que sur les usages à proprement parler (notamment au quotidien) de la monnaie. Autre exemple, pour les marchands banquiers du xvie siècle, période beaucoup mieux documentée que celles des antiquités mésopotamienne, égyptienne ou grecque, la nature des lettres de change notamment est analysée avec précision, mais leur relation avec l’économie réelle est faite de manière trop allusive. Les échanges internationaux et leurs réseaux sont certes cités, ainsi que les prélèvements par l’Église et le besoin de faire remonter ceux-ci vers Rome. Les types de production, leurs contraintes techniques et sociales (spécifiquement avec les corporations), les mouvements démographiques, les changements dans les techniques militaires, sont insuffisamment pris en compte. Aurait aussi pu être interrogé davantage le poids de cette finance et des opérations monétaires, autrement dit le pourcentage de l’économie dite « réelle » qui permet ou nécessite ces mouvements financiers. Compte tenu de la différence du poids de la finance aujourd’hui et hier, de la spécificité du degré et des formes de monétarisation et de financiarisation des sociétés, n’est-ce pas projeter des logiques dominantes dans nos sociétés et qui étaient marginales dans ce passé (au sens où elles impliqueraient des sphères assez limitées de la société) ? Leur dynamique future ne fait-elle pas porter un regard rétrospectif déformant la vision que l’on peut avoir de ces sociétés anciennes ? L’articulation des jeux monétaires avec les conditions politiques et idéologiques (la souveraineté) est bien exposée, mais elle mériterait d’être considérablement approfondie pour ce qui est du monde de la production (tant dans ses dimensions techniques que dans ce qui concerne l’évolution des rapports sociaux de production). L’ouvrage en dit trop peu de choses parce qu’il évoque surtout des contraintes générales, alors qu’une intégration d’éléments d’ethnographie financière et monétaire aurait ici été bienvenue. C’est peut-être une volonté de ne pas renouer avec les croyances passées du déterminisme matérialiste qui occulte ici l’épaisseur matérielle et imaginaire de la production.

20La démarche entreprise depuis de nombreuses années par Michel Aglietta permet d’inscrire la crise actuelle dans des mouvements de longue durée, incluant certains changements techniques qui ne sont adoptés que pour autant qu’ils sont financés (p. 199). On retrouve là avec bonheur ses travaux anciens en tant que cofondateur de l’école française de la régulation (au côté de Robert Boyer). Ces transformations sont elles-mêmes reliées à des évolutions et à l’essor et la généralisation croissante de la société salariale et industrielle.

21Relevons ici, point essentiel, que Michel Aglietta ne limite pas l’émergence du capitalisme à l’essor, pour faire bref, du salariat manufacturier puis industriel et de la machine. Son prisme monétaro-financier le fait remonter au financement des croisades par des marchands (p. 121), donc au xie siècle européen. Cette approche met l’accent sur des logiques d’accumulation privée et ses jeux financiers. L’application qui est faite de cette définition est européo-centrée car, sans nul doute, pourrait-on trouver en Inde ou dans le monde islamique par exemple des formes concomitantes et antérieures d’accumulation par des agents privés. L’Europe même a pu, comme en d’autres domaines, s’en inspirer à partir de cette plaque tournante entre l’Orient et l’Occident qu’a constitué l’Égypte, notamment via les communautés juives. Cette définition large du capitalisme a l’avantage d’établir une continuité avec certains aspects notamment spéculatifs de la financiarisation dans les temps présents. Mais, elle a l’inconvénient de gommer la spécificité du capitalisme des xixe et xxe siècles à travers la montée, puis l’hégémonie du salariat et de l’accumulation industrielle qui lui a été consubstantielle [27] et que l’ouvrage reconnaît par ailleurs. Depuis les années 1980-1990, on assiste à l’étouffement de ce capitalisme du fait du gouvernement néolibéral des économies, processus bien analysé. Il existe une différence majeure entre les phases d’accumulation financière spéculative antérieure à l’avènement du capitalisme à dominante salariale et ses formes contemporaines : la proportion et la répartition du surplus global ainsi capté, déjà évoquées. Or, pour citer Hegel repris par Marx : les différences quantitatives produisent des différences qualitatives. L’exploitation contemporaine par la finance (et ses adjuvants techniques, informatiques et juridiques) devient massive, sur la base même de l’excroissance des bulles financières et de la nécessité de couvrir ces risques, par rapport aux ponctions traditionnelles exercées par l’exploitation salariale dans un cadre productif ou par les rentes foncières. Intégrer cette dimension est essentiel, en particulier pour élaborer de nouvelles formes de résistance et de lutte contre cet après capitalisme émergent [28].

22L’économie standard donne à penser l’interdépendance des activités humaines essentiellement à partir de l’échange et celui-ci y est réduit au marché [29]. La monnaie : entre dettes et souveraineté analyse la place centrale (et occultée) de l’institution monétaire dans l’interdépendance marchande. Mais l’autre hypothèse du même paradigme de l’économie standard contemporaine, à savoir le primat de la circulation sur la production, se trouve en revanche largement entretenue. Cet ouvrage reflète ainsi parfaitement l’esprit de notre temps pour lequel les déterminations fondamentales des sociétés, pour ce qui est de la production, ont été subsumées par une vision catallactique. Une assimilation qui n’est pas complète, il est vrai (et on retrouve là Michel Aglietta cofondateur de l’école de la régulation) quand on lit sa proposition, déjà évoquée, de soutien aux investissements favorables à la transition écologique et ses solutions de sortie de crise.

La monnaie comme bien commun, un des enjeux en cours

23L’au-delà du capitalisme peut difficilement être compris aujourd’hui sans poser explicitement la question des communs et du commun. Mais ce qu’en dit l’ouvrage paraît restrictif, voire flou [30]. D’un côté les communs sont reconnus à partir du champ environnemental (p. 94) ; même si l’on peut comprendre la production de liquidités dans une société comme étant celle d’un commun. D’un autre côté, le terme « commun » recouvre le sens ancien lié au bien-être collectif dans une société (comme p. 19, p. 94), avec « la stabilité monétaire » pour les pays participant au système international, ou la reconnaissance de bien public (p. 90). En revanche, son sens nouveau, qui implique comme élément essentiel de définition et d’existence d’un commun l’adoption par une communauté de règles d’appropriation et d’usage d’un bien ou d’un service, est seulement effleuré à propos des monnaies locales [31] ou de façon très générale sous l’expression de « germes de liens sociaux qui approfondissent l’emprise des citoyens sur l’activité économique [32] », sans que cette innovation soit clairement explicitée concernant ce que pourraient être ses modes de fonctionnement. Cette définition incluant démocratie participative ou délibérative [33] et pratique solidaire de l’économie n’est pas appliquée dans la proposition d’une valeur carbone où la monnaie serait « mise au service du bien commun » de la transition énergétique [34]. L’intégration du sens nouveau de « commun » supposerait une réelle reconnaissance de la société civile au-delà de la formule très générale de « l’identité collective » (p. 107) ou de « transformation du principe de souveraineté » (p. 193). On peut s’étonner de la formule : « la monnaie est[35] un bien commun » (p. 94) ou l’affirmation que « la nature fait partie » des biens communs (p. 185) alors que ce sont l’élaboration de règles et de normes et leur respect qui rendent commun un bien. Comme il est affirmé que la monnaie est « appropriée par certains agents » (p. 94), on peut se demander s’il n’y a pas ici confusion avec la notion de « bien public » ; de même quand est évoquée « la confiance hiérarchique dans le bien commun que fournit l’espace public de valeur institué par la règle monétaire officielle » (p. 137) ; ou quand les auteurs parlent de la conciliation de « l’intérêt personnel et du bien commun » (p. 163). N’est-ce pas poursuivre ainsi la dualité marché-État par rapport à laquelle les économistes se positionnent comme des experts en défendant une dose plus ou moins élevée de l’un ou de l’autre ? La démocratie participative et délibérative des parties prenantes est, il est vrai en matière monétaire et financière plus qu’en tout autre champ, plus difficile à mettre en place dans la mesure où les politiques monétaires et financières ont jusqu’ici exceptionnellement été soumises à des contrôles de la démocratie indirecte représentative. La monnaie : entre dettes et souveraineté s’appuie sur une définition de la monnaie intégrant ses fondements politiques via la question centrale de la souveraineté [36]. Sur cette base, il est sans aucun doute possible d’aller plus loin que ne le font les auteurs, afin de penser une institution de la monnaie comme commun. Sur ce point, comme en beaucoup d’autres, on peut considérer ce nouvel ouvrage à la richesse foisonnante comme apportant des ingrédients bienvenus afin de suivre cette piste.

Notes

  • [1]
    Quelques exemples de ses fonctions. Ancien élève de l’École polytechnique, il a commencé sa carrière en 1964 comme administrateur de l’INSEE, puis est devenu professeur d’université (Amiens, puis Paris Nanterre). Il est conseiller scientifique au CEPII (Centre de recherche et d’expertise sur l’économie mondiale), qui est depuis 1978 un service attaché au Premier ministre. Il a notamment été de 1997 à 2013 membre du Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre français. Il a été nommé membre du Haut Conseil des Finances publiques par le président du Sénat en février 2013.
  • [2]
    Voir pp. 201-204. Pour une analyse de cette proposition en relation avec l’organisation monétaire, voir Jérôme Blanc (2015), « Transition écologique de l’économie et monnaies locales. Discussion à partir des propositions de Michel Aglietta », in C. Fourel, J.-P. Magnen, N. Meunier (dir.), D’autres monnaies pour une nouvelle prospérité, Le Bord de l’eau, Lormont, pp. 233-249.
  • [3]
    Le site <http://www.theses.fr/026678799#directeurSoutenue> détaille la liste des 39 thèses dont il a été le directeur et qui ont été soutenues entre 1985 et 2011, toutes à l’Université Paris 10 Nanterre.
  • [4]
    Sur cette approche, voir J.-M. Servet (2012), « Possibilité et nécessité de pensées interdisciplinaires en temps de crise », Journal of Interdisciplinary. History of Ideas, vol. 1, n° 2, section 2, articles, pp. 3-27 [www.ojs.unito.it/index.php/jihi/article/download/179/198] ; « Au-delà des leçons de Gulliver et d’une anamorphose d’Holbein, penser les échelles en sciences sociales », in B. Hubert, N. Mathieu (2016), Interdisciplinarités entre natures et sociétés, Peter Lang, Bruxelles (sous presse).
  • [5]
    Bruno Théret (dir.) (2007), La monnaie dévoilée par ses crises, Éditions de l’EHESS, Paris, et à paraître les contributions au séminaire « Monnaie entre pluralité et unicité », Triangle/IRISSO (codirigé avec Jérôme Blanc).
  • [6]
    Jean Tirole (2016), Économie du bien commun, PUF, Paris.
  • [7]
    J’ai analysé les conditions de l’invention de la fable du troc dans « Le troc primitif, un mythe fondateur d’une approche économiste de la monnaie », Revue numismatique, 2001, pp. 15-32, article qui résume les arguments présentés dans ma thèse de doctorat de troisième cycle en économie (Université Lyon 2, 1978) qui fait suite à un DES d’économie soutenu en 1974 à l’Université Lyon 2.
  • [8]
    La critique de la fonction de réserve comme spécifiquement monétaire a été faite dès la fin des années 1970 par les chercheurs du Centre Monnaie Finance Banque de l’Université Lyon 2 (voir B. Courbis, É. Froment, J.-M. Servet, 1990, « À propos du concept de monnaie », reproduit dans Théories françaises de la monnaie, PUF, Paris, 2016). Cette piste a été heureusement poursuivie notamment par Jérôme Blanc (voir notamment son habilitation à diriger les recherches).
  • [9]
    Notamment pour Pepita Ould Ahmed avec l’économie dite « de troc » en Russie (« Les transitions monétaires en URSS et en Russie : une continuité par-delà la rupture », Annales HSS, septembre-octobre, n° 5, 2003, pp. 1107-1135, qui s’appuie sur sa thèse de doctorat soutenue à l’EHESS en 2000) et avec la crise en Argentine au tournant du millénaire. Signalons sur le sujet de cette crise l’ouvrage Alexandre Roig (2016), La moneda imposible. La convertibilidad argentina de 1991, Fondo de cultura economica, Mexico ; Hadrien Saiag (2011), Le trueque argentin au prisme de la dette : une socio-économie des pratiques monétaires et financières, thèse de doctorat en économie, Université Paris Dauphine [version remaniée parue en 2016 aux éditions Karthala]. Les travaux de Jean-François Ponsot sont résumés dans Contribution à une économie politique de la monnaie, habilitation à diriger les recherches en économie, université de Grenoble Alpes, septembre 2015.
  • [10]
    La dimension psychologique ou psychanalytique n’est pas développée dans l’ouvrage, même si ici ou là des termes comme désir ou refoulement apparaissent. Cela aurait très largement dépassé le propos de l’ouvrage. De plus, aurait été sans doute nécessaire aussi une incursion critique dans le champ de la nouvelle économie comportementale et expérimentale. J.-M. Servet (2015), « À la World Bank tout doit changer pour que… tout reste pareil », à propos du rapport 2015 de la Banque mondiale sur le développement dans le monde intitulé « Pensée, société et comportement », « L’économisme rampant de la “nouvelle” Banque mondiale, Une lecture critique du Rapport sur le développement 2015 de la Banque Mondiale », site de l’institut Veblen, 15 novembre 2015, http://www.veblen-institute.org/L-economisme-rampant-de-la?lang=fr.
  • [11]
    Sur ces cloisonnements, voir notamment les travaux de Viviana Zelizer.
  • [12]
    Ouvrage paru en 1969 chez Flammarion dans la collection de Fernand Braudel.
  • [13]
    Voir par exemple, Adam Smith, 1776, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, Livre 1 chap. X, trad. 2000, Economica, Paris, p. 138.
  • [14]
    Souligné par moi.
  • [15]
    Espérons qu’un jour sera dressé le bilan des évolutions, sur certains points, divergent des auteurs qui ont collaboré à l’écriture de l’ouvrage et qui pour certains ont ouvert d’autres pistes. Bruno Théret en donne l’exemple dans « La dette (et le don) contre le partage ? », contribution au colloque Polanyi, Paris, CNAM, 19-21 mai 2016, pp. 3-4. Réponse à paraître.
  • [16]
    Pour une approche anti-(néo)évolutionniste de la monnaie, voir J.-M. Servet (2012), Les monnaies du lien, PUL, Lyon.
  • [17]
    Alain Testart (dir.) (2001), Aux origines de la monnaie, Errance, Paris ; (2012), Avant l’histoire. L’évolution des sociétés de Lascaux à Carnac, Gallimard, Paris.
  • [18]
    J.-M. Servet (2012), Les monnaies du lien, PUL, Lyon. Cette distinction peut s’appliquer aux relations marchandes elles-mêmes : (2007), « Le marché, une évidence à revisiter. Parties vivantes et en débat dans l’œuvre de Karl Polanyi », in R. Sobel, Penser la marchandisation du monde avec Karl Polanyi, L’Harmattan, Paris/Lille, pp. 131-155 ; (2009), « Toward an alternative economy: Reconsidering the market, money, and value », in C. Hann, K. Hart, Market and Society. The Great Transformation Today, Cambridge University Press, Cambridge, pp. 72-90.
  • [19]
    Voir pp. 170-178, 184, et p. 89.
  • [20]
    Principal théoricien de la fin du cash, Ken Rogoff, professeur d’économie à Harvard, qui a été chief economist au FMI, vient de publier The Curse of cash (Princeton), voir dans le Wall Street Journal (25 août 2016), http://www.wsj.com/articles/the-sinister-side-of-cash-1472137692. En français, traduction : https://www.project-syndicate.org/commentary/dangers-of-paper-currency-by-kenneth-rogoff-2016-09/french.
  • [21]
    En 2012, une publication de deux économistes du Fonds monétaire international, Jaromir Benes et Michael Kumhof, a réhabilité ce Chicago Plan. Les propositions de monnaie pleine ou gagée font l’objet du projet de thèse en histoire de la pensée économique de Samuel Demeulemeester (Laboratoire Triangle Université Lyon 2/ENS).
  • [22]
    Jean-François Ponsot (2016), « Réguler la finance sans abolir les banques », Le Monde, 18 janvier. Voir ma critique dans « Et si l’on interdisait aux banques commerciales de créer la monnaie ? », Alternatives économiques, numéro hors série « Monnaie », juin 2016.
  • [23]
    Pierre Alary, Jérôme Blanc, Ludovic Desmedt, Bruno Théret (dir.) (2016), Théories françaises de la monnaie. Une anthologie, PUF, Paris.
  • [24]
    Bruno Théret (2008), « Les trois états de la monnaie. Approche interdisciplinaire du fait monétaire », Revue économique, vol. 59 ; (2009), « Monnaie et dettes de vie », L’Homme, n° 190.
  • [25]
    Voir notamment tableau p. 199 et son commentaire p. 200.
  • [26]
    La référence à un auteur comme James K. Galbraith aurait pu être utilement faite. Voir le compte rendu de la traduction de La Grande Crise. Comment en sortir autrement, Seuil, Paris, 2015, par Igor Martinache (La Revue du projet, n° 50, septembre 2015).
  • [27]
    On peut voir là une grande différence avec l’approche par Marx du capitalisme. Celui-ci écrit : « La transformation de l’argent – qui n’est qu’une forme de marchandise – en capital ne se produit que quand la force de travail est transformée en une marchandise pour le travailleur lui-même, donc quand la catégorie du commerce s’est déjà emparée d’une sphère qui, auparavant, en était exclue ou n’y était comprise que d’une manière éparse. […] C’est seulement sur la base de la production capitaliste, donc de la division capitaliste du travail à l’intérieur de l’atelier, que tout produit prend nécessairement la forme de marchandise et que tous les producteurs sont nécessairement producteurs de marchandises. » Karl Marx, Matériaux pour l’« économie » 1861-1865, in Œuvres, Économie, tome II, éd. Maximilien Rubel, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1968, p. 451.
  • [28]
    Je développe l’argument dans : « Solutions liquides. Résistances dans l’après-capitalisme », Esprit, mars-avril 2016.
  • [29]
    Sur cette réduction, voir les sources d’une critique dans I. Hillenkamp, J.-M. Servet (2015), « Introduction. La tragédie du marché », Le marché autrement, Garnier, Paris, pp. 25-56.
  • [30]
    Sans développer le concept de commun, j’avais dans « Monnaie : quand la dette occulte le partage », Revue française de socio-économie, 2e semestre 2013, 12, pp. 125-147 analysé l’occultation du partage par la dette dans La monnaie souveraine, et la méconnaissance des origines du principe polanyien de réciprocité comme forme d’interdépendance des activités humaines (voir aussi 2013, « Le principe de réciprocité aujourd’hui. Un concept pour comprendre et construire l’économie solidaire », in I. Hillenkamp, J.-L. Laville (dir.), Socio-économie et démocratie. L’actualité de Karl Polanyi, Erès, Toulouse, pp. 187-213). J’ai développé cette dimension dans « De nouvelles formes de partage : la solidarité au-delà de l’économie collaborative », Institut Veblen, Paris, 2014 [http://www.veblen-institute.org/De-nouvelles-formes-de-partage-la] et 2015 « La finance et la monnaie comme un “commun” », notes de l’Institut Veblen, mai 2015, 10 p., http://www.veblen-institute.org/IMG/pdf/jm_servet_monnaie_et_finance_comme_un_commun.pdf.
  • [31]
    Voir p. 94, pp. 192-193.
  • [32]
    Voir p. 167. Sont citées en note (pp. 186-187) les références essentielles de cette nouvelle définition qui peut justifier l’emploi du singulier « commun » plutôt que « biens communs » : B. Coriat [2015], P. Dardot et C. Laval [2014] ainsi que T. Negri et M. Hardt [2010].
  • [33]
    Selon l’expression d’Éric Dacheux et Daniel Goujon (2016), « La monnaie délibérée : pour une théorie démocratique articulant les apports et limites de l’ESS et des Communs », XVIe Rencontres du RIUESS, Montpellier, 25-27 mai.
  • [34]
    Voir ci-dessus note 3.
  • [35]
    Souligné par moi.
  • [36]
    Peut-être serait-il d’ailleurs préférable de parler des souverainetés au pluriel, comme pour les dettes.
Mis en ligne sur Cairn.info le 27/04/2017
https://doi.org/10.3917/rfse.018.0185
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