CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1La question des changements en agriculture traverse la sociologie rurale. Depuis les travaux séminaux de B. Ryan et N. Gross [1943], suivis de ceux de G. Beal et E. Rogers [1960] aux États-Unis et de H. Mendras [1967] en France, où il s’agissait de rendre compte de la vitesse d’adoption des innovations et des caractéristiques socio-économiques des agriculteurs selon le moment où ils se saisissent de l’innovation, différentes approches ont été déployées. Parmi les plus récentes, certaines s’intéressent aux motivations des agriculteurs à s’engager dans des changements [Fairweather, 1999 ; Lund et al., 2002 ; Darnhofer et al., 2005] ou aux interactions sociales qui favorisent ou bloquent la dynamique des normes liée à ces changements [Burton, 2004 ; Lamine, 2011 ; Sutherland et Darnhofer, 2012]. D’autres, développant des analyses réticulaires, voient comment différents segments sociaux jouent sur l’adoption de nouvelles pratiques par les agriculteurs [Coughenour, 2003 ; Moore, 2008 ; Goulet et Vinck, 2012] ou montrent le rôle des réseaux de dialogues dans ces changements [Chiffoleau et Touzard, 2014 ; Compagnone, 2014 ; Compagnone et Hellec, 2015].

2Ces derniers travaux ont en commun de reconnaître à des degrés divers : que les agriculteurs ne sont pas des adoptants passifs d’innovations, mais qu’ils mènent un travail collectif d’invention ou de réinvention ; que les changements qu’ils effectuent conduisent à une transformation des normes pratiques, transformation qui peut jouer sur leur identité et leur statut social.

3Dans la continuité de ces travaux, nous nous intéressons dans cet article à la dynamique des normes à l’œuvre chez les agriculteurs autour de l’abandon de la pratique du labour, et à leur positionnement argumentatif pour défendre ou se situer dans des modèles d’agriculture qui se trouvent interrogés par cet abandon du labour. Ce que nous voulons montrer, à partir d’enquêtes compréhensives réalisées auprès d’agriculteurs, c’est comment cette nouvelle façon de faire qu’est l’abandon du labour, portée par l’agriculture de conservation, bouscule la manière dont ils conçoivent leur pratique, le type d’agriculture qu’ils mettent en œuvre et le genre de producteurs agricoles qu’ils peuvent être.

4Les normes, que l’on qualifie ici de normes pratiques professionnelles, sont alors entendues à la fois comme des façons de penser et des façons de faire propres à un groupe professionnel [Darré, 1994]. Elles sont ressources et contraintes : elles offrent un support à l’action pour identifier les situations et pour savoir quoi faire, en même temps qu’elles la contraignent en disant ce qui est permis et ce qui ne l’est pas [Cicourel, 1979 ; Boudon et al., 2001]. Dans un processus de transformation, une norme établie peut tout d’abord accepter des variantes de pratiques, quand ce qu’il était impossible et anormal de faire hier devient ensuite une alternative possible, pour enfin ne devenir que la seule et bonne pratique [Darré, 1994]. Maintenir une norme, la construire ou la transformer demande un travail social qui passe pour partie par l’entremise du langage [Becker, 1985 ; Alter, 2001].

5La nouvelle manière de produire qu’est le non-labour interroge ainsi les normes pratiques établies, et suscite de la part des agriculteurs qui ne l’adoptent pas des positionnements normatifs [Compagnone et Hellec, 2015]. La situation d’enquête que nous allons présenter laisse voir que les agriculteurs en agriculture raisonnée et en agriculture biologique – dont nous préciserons les caractéristiques plus loin et qui pratiquent, eux, le labour – se réfèrent, dans la description de ce qu’ils font, à cette autre pratique que se trouve être l’abandon du labour promue par l’agriculture de conservation – qui s’affranchit donc, elle, de la pratique du labour.

6Les positionnements normatifs qu’ils adoptent s’inscrivent dans un conflit des normes [Cochoy et al., 1999]. La norme de la pratique du labour étant objet de débats et lieu de clivage, ce conflit des normes est très présent dans le discours de ces agriculteurs engagés dans ces différents modèles d’agriculture. Avec l’irruption de l’agriculture de conservation, c’est la norme ancestrale et culturellement enfouie du labour qui se trouve remise en cause. Qu’il faille pour eux supprimer ce labour, le conserver ou l’alléger, les agriculteurs situent leur façon de faire en la matière par rapport à d’autres conceptions. Ce qui indique non seulement que la pratique du non-labour est bien reconnue comme une variante possible de la norme pratique dominante (labourer), mais qu’en plus elle tend à s’ériger en norme alternative.

7Les agriculteurs enquêtés opèrent sur cette question de l’abandon du labour, élément central de l’agriculture de conservation, tout un travail argumentatif, dans un double mouvement de critique/justification [Boltanski et Thévenot, 1991 ; Boltanski, 2009], pour situer et défendre leur façon de faire et leur manière d’être agriculteur par rapport aux producteurs qui s’inscrivent dans d’autres modèles d’agriculture. Ce travail argumentatif traduit, à notre sens, le conflit des normes en cours autour du labour, en même temps qu’un éclatement des modèles professionnels, c’est-à-dire un éclatement des manières d’être et de se revendiquer agriculteurs [Lémery, 2003]. En effet, si les agriculteurs se réfèrent à ces trois modèles d’agriculture à partir desquels nous les avons identifiés, nous verrons en même temps qu’ils ont du mal pour certains à se définir comme s’inscrivant tels quels dans l’un de ces modèles.

8Ce qui est donc en jeu, au-delà des changements de pratiques, c’est la reconnaissance de la valeur de certaines manières de produire et des identités professionnelles qui y sont associées [Dubar, 2000 ; Lémery, 2003]. De ce fait, le processus social de dynamique des normes n’est pas déconnecté du processus institutionnel qui amène les pouvoirs publics à reconnaître, sur des temporalités différentes, certains modèles d’agriculture et pas d’autres. D’une certaine manière, ce processus social découle du processus institutionnel en même temps qu’il l’alimente. Il dépend d’un « travail institutionnel » dans lequel le discours joue un rôle essentiel, afin de maintenir ou contester l’ordre institutionnel existant [Blanc et Huault, 2010]. C’est donc à partir d’un fond de discours constitué et à disposition que les agriculteurs enquêtés vont se positionner. Nous ne verrons pas ce fond de discours en tant que tel, mais bien plutôt l’usage qu’en font les agriculteurs rencontrés pour justifier leur pratique.

9Dans notre présentation, nous procéderons en trois temps. Dans un premier temps, nous apporterons des précisions d’ordre méthodologique et descriptif sur notre échantillon d’enquête et nous présenterons les trois modèles d’agriculture auxquels nous nous intéressons. Dans un second temps, nous rendrons compte de la façon dont les agriculteurs en agriculture de conservation se sont engagés dans ce modèle d’agriculture pour souligner, d’un point de vue pratique et social, à quel type de rupture est associé ce changement et les ressources sur lesquelles ils s’appuient pour l’effectuer. Dans un troisième temps, nous nous centrerons précisément sur le registre argumentatif des différents types d’agriculteur pour montrer la façon dont chacun qualifie le modèle d’agriculture dans lequel il s’inscrit, afin de voir la diversité de cette qualification et saisir l’éclatement des modèles professionnels.

2 – Des agriculteurs engagés

10Pour réaliser ce travail, nous avons mené en Bourgogne des entretiens individuels compréhensifs auprès d’agriculteurs engagés dans l’un des trois modèles d’agriculture évoqués précédemment. Nous les avons interrogés sur leurs pratiques en matière de travaux du sol et sur la façon dont ils perçoivent et conçoivent la qualité de ces sols [Compagnone et al., 2013]. Dans le traitement des entretiens, nous nous sommes attachés à mettre l’accent, à la fois sur ce qui a changé dans leurs pratiques, ainsi que sur leur positionnement argumentatif pour justifier et défendre ce qu’ils font et le type d’agriculteur qu’ils sont.

11Ces enquêtes ont été conduites [1], en 2012, auprès de 18 agriculteurs produisant des grandes cultures [2] (voir tableau 1 en annexe). Quatorze d’entre eux se trouvent en Côte-d’Or, essentiellement dans l’aire dijonnaise, et les quatre autres en Saône-et-Loire dans la Bresse bourguignonne. Ces quatre dernières enquêtes, qui concernent des agriculteurs des trois modèles d’agriculture, nous ont permis d’élargir notre échantillon et de tester un éventuel « effet zone [3] » des résultats obtenus dans l’aire dijonnaise. Quatre agriculteurs sont en agriculture raisonnée – dont la seule femme de l’échantillon chef d’exploitation –, cinq en agriculture biologique et neuf en agriculture de conservation. Par commodité de langage nous parlerons par la suite d’agriculteurs en Raisonnée, en Biologique ou en Conservation.

12Le poids prépondérant dans notre échantillon des agriculteurs en Conservation est lié au fait que nous avons porté une attention particulière à ce modèle d’agriculture jusqu’à présent peu exploré. Notre travail a donc démarré en nous centrant sur les agriculteurs de ce type. La plupart d’entre eux se connaissent, car ils adhèrent à la même association [4] (l’Association pour une agriculture durable – APAD) et/ou au même Groupe d’étude et de développement agricole (GEDA de la Tille), pionnier dans la région Bourgogne sur cette question du non-labour. Impliqués dans le non-labour depuis une quinzaine d’années pour les plus anciens, et cinq ans pour les plus récents, ils ont une démarche bien plus militante, par rapport à la défense et à la promotion de leur mode de production, que les autres agriculteurs. Cette dimension militante se retrouve, par ailleurs, dans leur engagement syndical et communal plus fort que chez les autres types d’agriculteurs rencontrés [5]. On relèvera, de plus, que les trois agriculteurs de notre échantillon qui ne se sont pas installés sur l’exploitation familiale sont des agriculteur en Conservation, l’un d’entre eux n’étant pas non plus originaire du milieu agricole. Ce qui laisse entrevoir une diversité d’expériences plus large chez ce type d’agriculteur de notre échantillon.

13Nous avons voulu maintenir ce critère d’interconnaissance partielle entre les agriculteurs dans les autres catégories d’agriculteurs enquêtés, tout en souhaitant toucher un profil de personnes impliquées, de par leurs responsabilités professionnelles locales, dans la défense d’un modèle d’agriculture. Les agriculteurs en Raisonnée ainsi que ceux en Biologique ont été identifiés par échantillonnage « boule de neige » à partir d’un contact obtenu auprès d’un premier agriculteur en Raisonnée, en Côte-d’Or. Ceux de Saône-et-Loire l’ont été en s’appuyant sur des noms d’agriculteurs, classés comme étant dans l’un ou l’autre modèle d’agriculture, fournis par la Chambre d’agriculture.

14Mis à part deux d’entre eux, tous les agriculteurs enquêtés ont ainsi assumé ou assument des responsabilités agricoles locales et font quasiment tous partie d’un groupe de réflexion technique (voir tableau 1 en annexe). Nous avons donc affaire à des agriculteurs connaisseurs des discours constitués autour de leur mode de production, et des agriculteurs qui, de plus, sont en position de renforcer ces discours et de les déplacer dans les cercles sociaux dans lesquels ils gravitent où ils peuvent être en interaction avec des producteurs qui portent d’autres modèles que le leur. De ce fait, nous verrons comment l’entre-définition des modèles d’agriculture prend une forme cohérente où les arguments des uns font écho aux arguments des autres.

15En ce qui concerne les agriculteurs en Biologique, deux d’entre eux, parmi les plus récemment convertis, n’ont qu’une partie de leur exploitation en agriculture biologique : l’un pour le maraîchage ; l’autre pour l’élevage et la partie des cultures consacrée à cet élevage. Le reste des surfaces est cultivé en agriculture raisonnée, ce qui montre qu’il n’y a pas exclusivité dans la mise en œuvre de ces modèles d’agriculture. Relevons, enfin, que si le niveau moyen de diplôme est le plus élevé chez les agriculteurs en Biologique et le plus faible pour ceux en Raisonnée [6], les premiers ont aussi la moyenne d’âge la plus basse (44 ans) et les derniers la plus haute (52 ans) [7].

3 – Modèles d’agriculture et degrés d’institutionnalisation

16Nous avons indiqué que les trois modèles d’agriculture auxquels nous nous intéressons avaient un degré d’institutionnalisation différent. Précisons cet aspect pour voir en quoi ces modèles d’agriculture se différencient.

17Si l’agriculture raisonnée est un produit « institutionnel » élaboré conjointement par les syndicats agricoles majoritaires et le ministère en charge de l’Agriculture [Féret et Douguet, 2001], et si l’agriculture biologique est un produit « assimilé par l’institution » dans un processus de cadrage de longue haleine [Lamine et Bellon, 2009], l’agriculture de conservation [8] se trouve, dans un processus de débordement, hors institution du développement [Goulet, 2008]. L’agriculture de conservation centre son approche sur le fonctionnement naturel du sol. Elle s’appuie alors sur la mise en œuvre de pratiques adaptées, celles du semis direct [9] et de l’usage d’un désherbant comme le glyphosate, pour détruire les couverts végétaux [10], étant les plus emblématiques. Elle s’est implantée en France depuis une vingtaine d’années, en provenance d’Amérique [Coughenour, 2003], contre les institutions du développement et de la recherche qui la jugeaient non pertinente pour la France. Ce sont les agriculteurs eux-mêmes qui l’ont développée dans le cadre d’associations comme l’APAD et Bretagne agriculture sol et environnement (BASE)… avec un appui plus ou moins prononcé des firmes de l’agrochimie [Goulet, 2008].

18L’agriculture biologique, quant à elle, s’interdit l’usage de produits de synthèse, fertilisants ou pesticides [11]. Une attention particulière est portée aux processus biologiques naturels et le travail du sol y est fortement développé pour se débarrasser mécaniquement des mauvaises herbes. À la fin des années 1990, cette agriculture, longtemps restée marginale, est institutionnellement reconnue comme un mode de production pertinent, et les conversions à l’agriculture biologique sont financièrement encouragées par les pouvoirs publics. Ce mouvement s’est accentué en 2007, avec le Grenelle de l’Environnement, celui-ci annonçant viser une production en agriculture biologique de 20 % à l’horizon 2020. Cette institutionnalisation de l’agriculture biologique ne va toutefois pas sans créer, d’un point de vue identitaire, une perturbation chez ceux qui la pratiquent déjà. Les producteurs « historiques » à forte sensibilité écologiste ne se reconnaissent pas forcément dans les nouveaux producteurs qui, s’appuyant sur les aides publiques et le développement d’un marché, sont considérés par les premiers comme des opportunistes.

19Quant à l’agriculture raisonnée, elle ne s’interdit ni l’usage du labour ni celui des pesticides, mais seulement leur utilisation systématique. Cette forme d’agriculture est dite « raisonnée » dans le sens où c’est l’usage des fertilisants et des pesticides qui l’est [Féret et Douguet, 2001]. En particulier, les traitements phytosanitaires des cultures à dates fixes sont proscrits au bénéfice d’une adaptation aux conditions du moment et du lieu. La production « raisonnée » se démarque de celle dite « conventionnelle ». Cette dernière s’est retrouvée depuis une quinzaine d’années déclassée en valeur par rapport à d’autres modèles d’agriculture. Ce terme de « conventionnel », proche d’« intensif », permet de désigner des agriculteurs qui traitent systématiquement leurs cultures sans pour autant les stigmatiser par l’usage d’une appellation connotée négativement… [Pervanchon et Blouet, 2002]. L’agriculture raisonnée émerge à une période où la multifonctionnalité de l’agriculture est reconnue, où des financements sont accordés pour la mise en place de Mesures agri-environnementales (MAE) [12] et où l’attribution des primes de la Politique agricole commune (PAC) sous condition de mise en œuvre de pratiques respectueuses de l’environnement (éco-conditionnalité des aides) se dessine. Elle est portée par le réseau du Forum pour une agriculture raisonnée et respectueuse de l’environnement (réseau FARRE), créé sous l’impulsion de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et de l’Union interprofessionnelle pour la protection des plantes (UIPP). Labélisée en 2002, elle ne constitue, en fait, qu’une variante du mode de production dominant.

4 – Positions pratiques et sociales

20Ce décor planté, voyons maintenant comment se sont déroulés, pour les agriculteurs en Conservation rencontrés, l’abandon du labour et l’adoption du semis direct, pour ensuite observer les ressources sociales et cognitives sur lesquelles ils se sont appuyés. Nous identifierons ainsi la dimension « totalisante » de l’inscription de leurs pratiques dans l’agriculture de conservation.

4.1 – L’abandon du labour

21Le changement de pratique des agriculteurs en Conservation s’est fait graduellement ou brusquement. Quand il s’est opéré de manière graduelle, étape par étape, c’est le schéma suivant qui apparaît dans les propos de trois agriculteurs (11C, 16C, 18C) : arrêt du labour et mise en œuvre de techniques simplifiées du travail du sol ; changement et test de semoirs de semis direct ; adoption de la technique du semis direct. Schéma qui correspond, somme toute, à celui assez classique de l’adoption des innovations décrit par E. Rogers (1983). Pour ceux pour qui la conversion s’est réalisée de manière radicale, les raisons qui l’ont motivée sont, pour les deux agriculteurs qui en parlent (12C, 13C), tout à la fois d’ordre psychologique et économique. La démarche est, pour le coup, bien moins classique. Ils ont vendu d’entrée de jeu leurs anciens matériels (charrue et semoir) pour en acheter de nouveaux, adaptés au semis direct. Cette implication totale, qui ne leur donne pas la possibilité de revenir facilement en arrière et les oblige à s’engager complètement dans ce nouveau système de production, semble, d’une certaine façon, leur garantir la réussite. Certains décrivent ce passage dans des termes qui tiennent de l’acte de foi : « Il faut être convaincu du système et c’est cela qui nous prépare. Si on n’est pas convaincu, on y va à reculons et c’est là où on verra tous les inconvénients et jamais les avantages » (13C).

22Les agriculteurs en Biologique et en Raisonnée continuent, quant à eux, de labourer. Les raisons avancées pour poursuivre le labour, au-delà de la difficulté à maîtriser le non-labour, sont toutefois de nature différente pour les uns et les autres. Les producteurs en Biologique en parlent comme de la seule solution pour lutter contre les mauvaises herbes (puisque l’usage des désherbants leur est interdit), et les agriculteurs en Raisonnée le voient comme seul moyen de lutter efficacement contre les problèmes de tassement des sols. Toutefois, pour les uns et les autres, ce labour tend à être moins fréquent qu’antérieurement. Le labour annuel systématique disparaît ainsi progressivement au profit d’un labour tous les deux ou trois ans, complété ou remplacé par d’autres techniques, sans retournement du sol. Les agriculteurs en Biologique disent ainsi essayer de limiter l’usage de la charrue, pour ne pas trop « bouleverser » les sols (8B) ou pour garder l’« effet désherbant » (7B) de cette technique, c’est-à-dire pour ne pas remonter d’une année sur l’autre les graines de mauvaises herbes enfouies l’année précédente au fond du labour.

23Pour les producteurs en Raisonnée, si les éléments qui jouent dans le sens de la limitation du labour sont pour certains d’ordre technique (gain de temps et diminution des charges économiques, amélioration de la structure du sol) et correspondent à des arguments que l’on retrouve dans le discours des producteurs en Conservation, d’autres sont sociaux. Ils portent précisément sur la transformation de la norme professionnelle, qui tend à reconnaître le non-labour comme une variante de ce qu’il est possible de faire. L’un d’entre eux (2R) constate ainsi que dans son environnement professionnel cette technique est de plus en plus mise en œuvre, ce qui le conforte dans l’idée de s’y intéresser également, voire de persévérer dans sa démarche de réduction du labour.

24Mais ce sont les agriculteurs dont toute l’exploitation est en Biologique qui sont le plus impliqués dans des essais. Si l’un d’entre eux a essayé de ne plus labourer, sans que cela soit convaincant, et a abandonné cette pratique (10B), un autre est dans une phase de test du non-labour pour « trouver la bonne méthode pour que les sols se régénèrent et respecter au maximum la vie du sol » (6B). Comme les agriculteurs en Conservation en phase de changement radical, il a vendu sa charrue « pour ne pas être tenté » et a acheté un outil à dents pour faire le même travail, sans mélanger les couches de terre. Quant au semis direct, il est expérimenté par les deux producteurs en Biologique possédant une partie de leur exploitation en agriculture raisonnée (7B et 9B), précisément sur cette partie où ils peuvent utiliser des désherbants… Les autres agriculteurs en Biologique sont contre le semis direct dans la mesure où il pose des problèmes difficilement gérables en Biologique (présence de souris et de gibier, salissement des parcelles par les mauvaises herbes), et où il est aussi, dans leur esprit, incompatible avec ce mode de production (usage de désherbants chimiques).

25La démarche initiée par les agriculteurs en Conservation semble donc influencer les producteurs en Biologique et en Raisonnée. On se trouve dans une situation de contestation de la norme pratique antérieure (labourer) qui amène à l’émergence de positions contrastées vis-à-vis de cette pratique.

4.2 – Dynamique de changement et ressources sociales

26Si l’on s’intéresse aux ressources sur lesquelles les agriculteurs en Conservation disent s’appuyer dans leur démarche de changement, on relève l’importance de celles de nature sociale. À travers ces ressources, il s’agit à la fois : d’accéder aux connaissances nécessaires au changement ; de construire et défendre un point de vue alternatif sur les façons de travailler le sol, et donc une variante à la norme du travail du sol ; de former un collectif cohésif à même de fournir soutien et conseil à ses membres [Crowe, 2007]. Bien que les personnes rencontrées ne l’indiquent pas ainsi, le basculement radical au semis direct est sans doute lié à ce dernier point, l’appartenance à ce type de collectif souffrant difficilement de demi-mesures, comme nous allons le voir.

27Contrairement aux autres catégories d’agriculteurs interviewés, ces producteurs font largement référence à leur appartenance à des groupes de développement (comme le GEDA de la Tille) ou à l’APAD [13]. De même, c’est chez eux que l’on va trouver les plus gros usagers d’Internet [14], ces agriculteurs s’appuyant fortement sur cet outil pour échanger entre eux des expériences, des connaissances et des informations peu prises en charge par les organismes de recherche et de développement. Internet est ainsi non seulement une source d’information essentielle, mais aussi un moyen d’échanger entre pairs sur les pratiques culturales et sur les problèmes rencontrés dans la pratique du semis direct, par le biais des forums [15]. L’acquisition d’une culture commune est renforcée par la lecture de la même presse technique par les uns et les autres. Six d’entre eux (11C, 13C, 14C, 15C, 17C, 18C) s’appuient spécifiquement sur les revues agricoles Techniques culturales simplifiées (TCS) et Cultivar pour trouver des réponses aux questions de conduite des sols sans labour.

28Le fait de discuter ainsi de leur expérience, dans des communautés de pratiques matérialisées ou dématérialisées, est alors souligné par la plupart comme étant nécessaire afin « de pouvoir évoluer à plusieurs et de réussir sa conversion » (18C). Cette nécessité est associée à l’inadéquation de leurs connaissances antérieures et des conseils transmis par les organismes traditionnels de conseil. Comme l’indiquent deux d’entre eux (13C, 17C), leur formation initiale ne leur a pas apporté la connaissance suffisante sur les sols pour adapter et faire évoluer aujourd’hui leurs pratiques. Il s’avère que les connaissances agronomiques classiques sur lesquelles ils s’appuyaient ne tiennent plus, les sols en semis direct ne se comportant pas physiquement, chimiquement et biologiquement de la même façon que les sols labourés. La plupart prennent ainsi leurs distances avec les organismes de conseil traditionnels, en raison notamment de l’absence, en leur sein, « d’agronomes compétents sur les sols et possédant des connaissances pratiques » (19C).

29Si les agriculteurs en Raisonnée et en Biologique sont, eux aussi, comme nous l’avons déjà indiqué, membres de groupes de réflexion technique (voir tableau 1 en annexe), les discussions menées dans ces groupes portent peu sur les sols eux-mêmes. De manière générale, les liens de ces agriculteurs avec les producteurs en Conservation sont faibles. Les uns et les autres évoquent le repli de ces derniers sur leur communauté de pratiques. Un producteur en Raisonnée (3R) les considère comme « sectaires » parce qu’ils constituent des collectifs assez fermés, peu enclins à frayer avec les autres agriculteurs. Un autre juge que ces agriculteurs en Conservation cherchent à se distinguer socialement des autres agriculteurs en présentant le labour comme une « technique archaïque » (5R). Comme le notent certains auteurs, l’engagement dans l’agriculture de conservation s’accompagne d’une recomposition des liens sociaux entretenus antérieurement avec les producteurs d’autres modes de production [Goulet et Vinck, 2012].

4.3 – La dimension totalisante de l’agriculture de conservation

30On peut considérer que l’agriculture de conservation prend ainsi une dimension totalisante [Ellul, 1977], au sens pratique et social du terme, et tend à être une idéologie dans sa fonction d’intégration [16]. Au sens pratique, elle est totalisante car elle ne souffre pas d’aménagements qui la dégraderaient et demande que l’orientation des pratiques soit conservée au-delà des difficultés de mise en œuvre. La référence à la confiance et à la croyance est, dans ce cas, assez caractéristique de cette perte de repères qu’il faut accepter pour pouvoir changer : il faut accorder sa confiance à certaines personnes qui disent ce que sont les choses et aident à identifier ce qui marche et ne marche pas, comme l’indiquent trois agriculteurs (11C, 13C, 16C). D’un point de vue social, elle distingue « ceux qui en sont » de « ceux qui n’en sont pas ». Elle coupe les liens avec les individus « qui n’en sont pas », en même temps qu’elle renforce les relations entre ceux qui se trouvent dans la même démarche.

31Cette dimension totalisante du mode de production apparaît en négatif dans les plaintes émises dans les entretiens par les agriculteurs en Conservation qui ne peuvent pas basculer toute leur production dans ce système ou qui, après avoir fait usage du semis direct, se mettent à retravailler le sol pour certaines cultures. Des difficultés (de désherbage, de présence de ravageurs, souris, limaces ou sangliers) peuvent parfois nécessiter un travail superficiel du sol, comme le relèvent quatre agriculteurs (14C, 15C, 16C, 18C). Des problèmes d’outils peuvent aussi se poser, le matériel à disposition n’étant pas forcément celui qu’il faudrait (18C). Mais surtout, toutes les cultures ne sont pas adaptées à cette pratique, comme le colza ou le maïs pour lesquels le risque est trop grand de rater le semis (14C, 15C). Ce retour au travail du sol ou son maintien partiel n’est socialement pas aisé, car il oblige ces agriculteurs à se démarquer de la communauté à laquelle ils appartiennent ou à laquelle ils veulent adhérer. Les agriculteurs dans ce cas décrivent ainsi dans les entretiens les particularités de leur situation technique pour justifier leur écart par rapport à la norme de l’agriculture de conservation. L’un d’entre eux (14C) en vient même à critiquer ce mode de production. Il conteste la radicalisation qu’il peut prendre dans la promotion absolue du semis direct, empêchant des combinaisons avec d’autres modèles d’agriculture.

32Mais ce mode de fonctionnement totalisant n’empêche pas l’établissement de certains liens sociaux ou symboliques avec d’autres sphères sociales, et rend bien compte de la formation de coalitions à la fois défensives et offensives propres aux minorités actives [Moscovici, 1976]. Un des soucis des agriculteurs en Conservation est en effet de voir leur mode de production reconnu et institutionnalisé [Goulet, 2008]. Ils opèrent un travail institutionnel [Blanc et Huault, 2010], à la fois dans l’espace professionnel et dans celui plus global de la société. Quatre producteurs en Conservation insistent ainsi sur la nécessité d’échanger avec les agriculteurs pratiquant d’autres formes d’agricultures (12C, 15C, 16C, 18C). Toutefois, cet échange semble être plus ou moins facile selon l’attention que portent les autres agriculteurs aux modèles alternatifs. Mais deux aspects semblent faire obstacle : une norme professionnelle établie, toujours dominante, qui résiste au changement, et une norme sociétale en émergence qui s’oppose à ce que, si changement il y a, il se fasse dans le sens de l’agriculture de conservation.

33Si les normes professionnelles et sociétales disent ce que doivent être les pratiques agricoles, les premières sont portées par les agriculteurs eux-mêmes alors que les secondes le sont par différents acteurs, extérieurs à l’agriculture. La norme professionnelle dominante définit la propreté des cultures, c’est-à-dire l’absence de mauvaises herbes, comme critère d’appréciation de ce qu’est un bon travail, et donc un bon agriculteur. Or les parcelles en agriculture de conservation, de par la présence des couverts végétaux, sont bien moins « propres » que celles en agriculture raisonnée. La norme sociétale, quant à elle, tend à définir l’emploi des produits chimiques, et donc du glyphosate, désherbant utilisé en agriculture de conservation pour détruire les couverts végétaux, comme préjudiciable à l’environnement. Sensibles à ces derniers arguments, deux agriculteurs en Conservation (12C, 13C) considèrent non seulement que l’usage de glyphosate reste l’inconvénient majeur de cette forme d’agriculture, mais qu’en plus il pourrait la remettre en cause s’il s’avérait que ce type de molécule était réglementairement interdit. L’usage du glyphosate devient donc un objet de questionnement pour ces agriculteurs.

34La façon dont s’opèrent l’abandon du labour et la mise en œuvre du semis direct, ainsi que la manière dont ces changements différencient socialement les agriculteurs étant précisées, voyons maintenant comment, à partir du jeu des étiquettes à disposition, les agriculteurs définissent leur mode de production et entre-définissent les différents modèles d’agriculture.

5 – Se définir et définir les autres

35En effet, comme nous l’avons déjà relevé, les agriculteurs mènent par ailleurs dans leur discours une activité définitoire sur le genre d’agriculture qui est la leur et le type d’agriculteur qu’ils sont. Ce qui est alors en jeu, c’est la défense de leur mode de production et de leur identité professionnelle. Leurs propos font apparaître des éléments de transactions identitaires qui ont cours dans leur espace social professionnel à partir de la définition d’une identité pour soi et d’une identité pour autrui [Dubar, 2000].

36Ils opèrent alors un double travail. Un premier tend à rattacher la réalité pratique qui est la leur à une étiquette qui spécifie leur mode de production ; un second permet de positionner le modèle d’agriculture dans lequel ils s’inscrivent par opposition aux autres modèles. Ils s’appuient, pour ce faire, sur les étiquettes [Becker, 1985] et arguments [Chateauraynaud, 2011] socialement à disposition qui leur permettent d’étayer leurs propos et de se positionner symboliquement par rapport à d’autres agriculteurs. Leurs propos font écho à des débats dans leur sphère professionnelle. Dans ce sens, leurs discours rendent compte de luttes qui, pour être symboliques, n’en sont pas moins efficaces, pour dire le mode de production et les ressources qui valent par rapport à d’autres [Bourdieu, 2001].

5.1 – Définitions des modes de production

37Le travail de rattachement de leur réalité pratique et sociale à un modèle d’agriculture et à un type d’agriculteur est loin d’être évident pour les uns et les autres, de par la diversité des dénominations à disposition sur lesquelles ils peuvent s’appuyer. Cette diversité des appellations et de la manière dont les agriculteurs s’y référent tient, pour partie, d’un éclatement des modèles professionnels [Lémery, 2003 ; Hervieu et Purseigle, 2013]. Sur un « marché » des appellations, ils se réfèrent à certaines toutes faites ou en composent de spécifiques.

38Concernant le mode de production que pratiquent les producteurs en Conservation, les appellations varient d’une personne à l’autre sans qu’il soit possible de déterminer, en définitive, une dénomination qui corresponde à tous. L’un d’entre eux considère que son agriculture est « simplifiée » en raison de son passage au non-labour et de la mise en œuvre du « semis simplifié » (19C), tandis qu’un autre juge qu’il pratique une « agriculture intégrée » (18C). Deux autres exploitants parlent eux d’« agriculture durable », en référence à la réduction d’intrants réalisée (16C, 14C). Ils utilisent ainsi les appellations véhiculées par l’APAD. Pour l’un d’entre eux, cette appellation est plus juste que celle d’« agriculture de conservation » puisque le terme de « conservation » renvoie à l’idée de conservatisme qui ne caractérise, selon lui, pas du tout ce type d’agriculture (14C). Un autre producteur encore n’adhère pas plus à ce terme de « conservation », trop conservateur et pas assez dynamique pour lui. Mais faute d’une dénomination plus satisfaisante, il l’accepte malgré tout (11C). Seul l’un des agriculteurs se reconnaît pleinement dans l’appellation « agriculture de conservation », notamment car il n’aime pas le terme « simplifié » (15C).

39La manière dont les agriculteurs en Biologique caractérisent leur activité et se définissent eux-mêmes, bien que moins diversifiée que celle des producteurs en Conservation, n’est pas pour autant homogène. Si trois d’entre eux disent pratiquer une agriculture biologique en se référant aux termes de la certification de leur mode de production, les deux autres agriculteurs vont, en s’appuyant sur une autre dénomination, soit durcir le qualificatif de biologique, soit l’assouplir. L’un, engagé au syndicat de la Confédération paysanne, va parler, en reprenant l’appellation promue par cette organisation, d’« agriculture paysanne » (9B). Celle d’« agriculture biologique » lui semble être trop vaste et ambiguë pour désigner l’agriculture qu’il met en œuvre, puisqu’il existe aussi une agriculture biologique industrielle, proche de celle dite « conventionnelle ». L’identité qu’il revendique prend alors davantage appui sur son appartenance syndicale. Le second agriculteur a seulement 30 % de son exploitation en production biologique (7B). Il parle, à l’inverse, d’un « type de culture orienté durable » en mettant l’accent sur le respect de l’environnement du mode de production qu’il pratique. Dans ce sens, il utilise une appellation assez proche de celle des agriculteurs en Raisonnée, mode de production déployé sur l’autre partie de son exploitation.

40Pour les producteurs en Raisonnée, précisément, le travail définitoire n’est pas plus simple. Deux agriculteurs (1R, 5R) qualifient ainsi leur agriculture de « conventionnelle » plutôt que de « raisonnée », en référence au travail du sol qu’ils continuent d’effectuer. Classiquement, dans les différentes enquêtes faites auprès d’agriculteurs, il apparaît que ces derniers, lorsqu’on leur pose la question, se définissent plutôt spontanément en agriculture raisonnée. L’agriculture conventionnelle ayant été déclassée dans les modes de production qui comptent, comme nous l’avons vu, ils utilisent pour se définir un terme ayant une plus haute valeur. Quelles que soient, d’ailleurs, leurs pratiques réelles. Alors que nous avons qualifié ces agriculteurs comme étant « en agriculture raisonnée », l’usage même de cette dernière qualification ne va pas de soi. Dans un champ de la production agricole où l’agriculture biologique et l’agriculture de conservation se présentent comme des modes de production alternatifs au mode de production dominant, ils s’appuient pour s’autoqualifier sur le terme utilisé pour désigner les exploitations qui, en matière phytosanitaire, traitent systématiquement et n’ont donc pas changé leurs pratiques. Ils se réfèrent, pour ce faire, aux techniques et approches culturales, qu’ils considèrent comme « classiques », qu’ils mettent en œuvre, et au fait que leur conduite des cultures n’a pas ou peu évolué. Les deux autres producteurs parlent bien, quant à eux, d’« agriculture raisonnée » (2R, 3R).

5.2 – Entre-définitions des modèles d’agriculture

41Ces agriculteurs, comme nous l’avons indiqué, non seulement se qualifient, c’est-à-dire revendiquent une identité, mais qualifient aussi les autres modèles d’agriculture par rapport à celui auquel ils se rattachent. Dire quel genre d’agriculture vaut par rapport à l’autre, c’est en effet aussi dire quels types d’identité on revendique pour soi et on attribue aux autres. Ces entre-définitions rendent compte à la fois d’un conflit des normes et du jeu identitaire qui lui est associé.

Conservation vs Biologique

42En ce qui concerne les positionnements réciproques des agriculteurs en Conservation et de ceux en Biologique, si quelques points positifs du mode de production opposé peuvent être relevés, leur discours est globalement très critique. Toutefois, autant les producteurs en Biologique se trouvent engagés dans un mouvement de pure critique, autant ceux en Conservation le sont dans un double mouvement de justification/critique. Un point commun de leur argumentation repose sur l’usage du désherbant qu’est le glyphosate. Les agriculteurs en Biologique reprochent à l’agriculture de conservation de s’inscrire dans une logique productiviste. Elle se caractérise par une forte consommation d’intrants, en particulier du glyphosate qu’ils considèrent comme dangereux pour l’homme et l’environnement (8B, 9B).

43De leur côté, les agriculteurs en Conservation justifient leur pratique en faisant implicitement référence à cette critique qui leur est adressée sur l’usage du glyphosate. Mais plutôt que de situer, comme les agriculteurs en Biologique, le débat sur l’opposition « système à forte consommation d’intrants » vs « système à faible consommation d’intrants », ils opèrent un déplacement en donnant à voir une autre réalité. Ils opposent les modes de production en termes de résultats sur le bilan carbone et la qualité des sols. À partir de ces critères, ils situent discursivement d’un point de vue environnemental l’agriculture de conservation au même niveau que celle biologique, voire, pour certains, au-dessus. La forte consommation de fuel des agriculteurs en Biologique pour travailler leur terre, ainsi que les dégâts qu’ils causent par cette pratique à leur sol, sont alors mis en perspective avec la faible pollution engendrée par l’usage de glyphosate et la grande amélioration de la vie des sols consécutive à l’abandon du labour (12C, 13C, 14C).

44Un autre élément, d’ordre plus général, commun à leur argumentation, porte sur l’inadéquation du système opposé à la situation du moment ou du lieu. Ainsi, pour les agriculteurs en Biologique, le mode de production de conservation est inadapté aux sols et au climat français et, pour ceux en Conservation, l’agriculture biologique est une « impasse » du point de vue de sa viabilité à terme pour la gestion des maladies des plantes ou le maintien d’un haut niveau de production (14C, 17C).

Conservation vs Raisonnée

45Du côté des conceptions croisées des agriculteurs en Conservation et de ceux en Raisonnée, l’argumentation n’a pas la même symétrie que dans le cas précédent. À notre sens, cette asymétrie dans la nature des arguments rend assez bien compte de la position d’outsider [Becker, 1985] des agriculteurs en Conservation. Visant à bousculer le système de normes en place, ils sont tenus de présenter des arguments « vifs » qui tiennent vis-à-vis des autres modèles d’agriculture. Ce qui n’est pas le cas des producteurs en Raisonnée, dont le modèle d’agriculture est institutionnalisé et encore largement dominant.

46Les agriculteurs en Conservation qualifient ceux en agriculture conventionnelle ou raisonnée de routiniers et conservateurs. Discursivement, ils se caractérisent alors, eux, comme des progressistes et positionnent leur modèle d’agriculture comme respectueux de l’environnement. Reprenant pour le coup les arguments des producteurs en Biologique vis-à-vis de leur propre mode de production, ces agriculteurs en Conservation opposent le « système fortement consommateur en intrants » des agriculteurs en Raisonnée à leur « système faiblement consommateur en intrants » (11C, 14C, 15C). Ils reprochent ainsi à l’agriculture raisonnée ou conventionnelle une utilisation excessive d’intrants par rapport à leur modèle d’agriculture qu’ils considèrent alors comme encore « plus raisonné ». Ils dénoncent, en particulier, la « culture du travail du sol » ainsi que la « course à la puissance mécanique » de l’agriculture raisonnée ou conventionnelle, qui poussent à l’achat fréquent et toujours plus conséquent de matériels (11C, 12C, 17C, 18C).

47Quant aux agriculteurs en Raisonnée, ils tendent à défaire dans leur argumentation la singularité de l’agriculture de conservation, pour en faire, précisément, non pas un modèle d’agriculture mais un type de pratique parmi d’autres. Comme l’indique l’un d’eux, semis direct et labour partiel peuvent être complémentaires et pratiqués en fonction des types de sol. Ils jugent parfois extrême la position des personnes en Conservation lorsqu’elles s’interdisent tout travail du sol (5R).

Biologique vs Raisonnée

48Enfin, en ce qui concerne les positions argumentatives réciproques des producteurs en Biologique et de ceux en Raisonnée, elles se concrétisent sous forme de critiques très acerbes adressées au modèle opposé par les deux agriculteurs dont l’exploitation est entièrement et anciennement convertie au mode de production biologique (6B, 8B). Par rapport au cas précédent, l’écart dans les pratiques entre les deux modèles est plus accentué et la position de compétition plus affirmée. En ce qui concerne ce dernier point, l’agriculture biologique est, comme nous l’avons vu, reconnue, depuis peu, par les pouvoirs publics comme un modèle d’agriculture à part entière qu’il s’agit de promouvoir. Les arguments avancés par les agriculteurs de l’un ou l’autre modèle sont alors, dans ce cas-là, de même nature, bien qu’opposés pour certains. Une certaine symétrie existe donc. Ainsi, le non-sens de chaque système est affirmé au regard de sa durabilité à la fois technique et économique.

49D’un côté, pour les agriculteurs en Biologique, les pratiques dites raisonnées sont ainsi considérées comme destructrices pour l’environnement : dans ce sens, selon eux, l’hypocrisie est à son comble quand cette catégorie de producteurs parle d’« agriculture raisonnée ». La qualification de « raisonnée » est donc discutée de la même façon que précédemment par les producteurs en Conservation. D’un autre côté, pour les agriculteurs en Raisonnée, la non-utilisation de traitements chimiques par les producteurs en Biologique paraît insensée au regard de l’importance des maladies ou problèmes qui peuvent toucher les cultures. D’un point de vue économique, ces formes de production ne tiennent pas plus. Pour les agriculteurs en Biologique, la forme de production raisonnée ne peut pas perdurer sans les primes ; pour ceux en Raisonnée, la forme de production biologique n’est ni rentable ni viable, dans la mesure où elle ne permet pas aux agriculteurs de dégager des revenus corrects et de produire des volumes de nourriture suffisants.

50En résumé, ce jeu de référence à des étiquettes à disposition, et de critères pour caractériser les modes de production autres que les leurs, fait donc apparaître chez l’ensemble de ces agriculteurs deux choses. D’une part, le caractère très flottant de l’appui qu’ils peuvent prendre sur les étiquettes à disposition pour dire qui ils sont : celles-ci apparaissent en tant que telles mal appropriées pour recouvrir ce qu’ils font et leur demandent un travail pour préciser les choses. Ce travail semble faire écho à celui mené par ailleurs et de manière plus large dans leur espace professionnel. D’autre part, apparaît à l’inverse le caractère fortement défini des critères qu’ils utilisent pour différencier leur mode de production des autres modes. Ces critères sont avancés d’autant plus fermement que leur mode de production est faiblement institutionnalisé. D’une certaine manière, s’ils ne savent pas bien ce qu’ils sont, ces agriculteurs savent ce qu’ils ne sont pas.

6 – Conclusion

51Nous interrogeant sur la dynamique des normes en cours autour de l’abandon du labour, nous avons mis en évidence la façon dont cette dynamique, qui donne lieu à un conflit des normes entre agriculteurs, se structure autour du modèle d’agriculture particulier qu’est l’agriculture de conservation. Nous avons vu aussi comment, en se définissant autour de ce modèle, cette dynamique amène les agriculteurs rencontrés à préciser en quoi leurs pratiques tiennent de l’un ou l’autre des modèles d’agriculture à partir desquels ils ont été identifiés pour le travail d’enquête, sans pour autant, pour certains, s’inscrire parfaitement dans l’un d’entre eux.

52L’entre-définition des manières de produire qui ressort de leur discours prend alors globalement une forme très cohérente par la façon dont les arguments qu’ils avancent semblent se faire écho. Cette cohérence tient au fait que nous avons affaire à des personnes qui ont accès aux registres de justification produits et véhiculés par les échanges professionnels au niveau local et national, les agriculteurs enquêtés étant géographiquement assez proches, partiellement en lien les uns avec les autres et engagés dans des responsabilités professionnelles locales. La force des critiques/justifications avancées est alors très étroitement liée au degré de reconnaissance institutionnelle du modèle d’agriculture à partir duquel les agriculteurs se situent pour parler des autres modèles.

53Toutefois cette « mise en arguments » réciproque qui tient du registre de la justification [Boltanski et Thévenot, 1991] semble en même temps dissimuler une variété des pratiques, et des étiquettes utilisées pour qualifier ces pratiques, propre à chaque agriculteur. Cette variété paraît à la fois tenir de et participer à un éclatement des modèles professionnels observés par différents auteurs [Lémery, 2003 ; Hervieu et Purseigle, 2013]. De par cet éclatement, des façons différentes de définir ce que sont la bonne agriculture et le bon professionnel émergent et peuvent se cristalliser de manière durable. Un travail de redéfinition est alors à l’œuvre. Les agriculteurs fonctionnent avec une diversité de modes de production qui n’existaient pas antérieurement et peinent à regrouper sous une même étiquette une diversité de situations.

54L’étude de la dynamique de changement de la norme du labour et des formes d’autoqualification par les agriculteurs des types d’agriculture qu’ils pratiquent donne alors à voir de manière vive ce travail, ainsi que la façon dont il s’ancre sur des formes établies de qualification propres aux différents modèles d’agriculture. Si l’on peut imaginer que ce processus sera identique dans d’autres zones que la Bourgogne chez des agriculteurs du même profil que celui de nos enquêtés, il reste à éclaircir la forme qu’il prendra chez des agriculteurs plus éloignés des institutions professionnelles.

55***

56Cette recherche a été effectuée dans le cadre et grâce au financement du programme GESSOL (Fonctions environnementales et gestion du patrimoine sol) du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie.

Tableau 1

Caractéristiques socio-économiques des agriculteurs

Tableau 1
Agri en Raisonnée Agri en Biologique Agri en Conservation Code 1R 2R 3R 5R 6B 7B 8B 9B 10B 11C 12C 13C 14C 15C 16C 17C 18C 19C Département 21 71 21 21 71 21 21 71 21 21 21 21 21 21 21 21 21 71 Sexe Âge H 48 H 59 H 60 F 40 H 33 H 64 H 33 H 51 H 38 H 61 H 48 H 48 H 46 H 57 H 44 H 58 H 33 H 38 Origine agricole oui oui oui oui oui oui oui oui oui oui oui non oui oui oui oui oui oui Natif du lieu oui oui oui oui oui oui oui oui oui oui non non oui oui oui oui oui oui Date inst. 1985 1974 1975 2009 2001 1972 2004 1996 1998 1975 2007 1989 1988 1977 1985 1995 2002 2001 Exploit. familiale oui oui oui oui oui oui oui oui oui oui non non Oui (beau-père) oui oui, en partie non oui, en partie oui Diplôme BEP agri ------ BEP agri Master BTS agri BEP méca. auto BTS agri Ingén. agri BTS agro-alimentaire BTS agricole BTS technicocommercial BTS agricole BTS agricole BTA agricole Bac agricole BTA agricole BRPEA BEP méca. BTS BRPEA Responsabilités agricoles Psdt assoc de producteurs Psdt CUMA Psdt synd. Irrigants non Vice-psdt GAB 71 Responsable GER-FAB Psdt départemental syndicat des bios Psdt CUMA, Psdt deux assoc. rurales Psdt caisse locale Mbre CA 2 coopérative. Mbre CA Crédit Agricole psdt GEDA trésorier APAD Commission. FDSEA Délégué régional ARVA-LIS non psdt comités rivière et de bassin Mbre CA Crédit Agricole. Mbre 2 CA coop, Mbre CA banque; trésorier Psdt JA du canton. non A été : Psdt syndic.-inter-Communal. Psdt GEDA A été : Psdt CETA A été : Secrét. trésorier CUMA A été : au bureau départemental des JA A été : Psdt GDA, psdt JA du canton Élu en mairie non oui non non non l’a été non non non oui l’a été non oui oui oui non non non Militance syndicale ---- ---- ---- FD-SEA ----- ------ ------ Confé ----- JA -------- FDSEA -------- JA -------- --------- JA FDSEA
Tableau 1
Agri en Raisonnée Agri en Biologique Agri en Conservation Code 1R 2R 3R 5R 6B 7B 8B 9B 10B 11C 12C 13C 14C 15C 16C 17C 18C 19C Département 21 71 21 21 71 21 21 71 21 21 21 21 21 21 21 21 21 71 Appart. groupe échanges techniques assoc producteurs CETA GDA GAB GERFAB GERFAB CETA et SEDARB SEDARB proche GEDA de la Tille GEDA de la Tille GEDA de la Tille GEDA de la Tille GEDA de la Tille GEDA de la Tille GEDA Dijon, Réseaux FARRE Ageris GEDA Nuits-Beaune Surface agricole utile (ha) 250 250 95 380 130 100 180 87 XX 123 185 300 345 230 140 242 70 87 Exploit. familiale oui oui oui oui oui oui oui oui oui oui non non Beau-père oui oui, en partie non oui, en partie oui Production animale non bov. lait non non non non non brebis bov. viande non non non non non non non non volailles Date de conversion 1998 En 1995 et en 2000 1993 2012 20 ha et troupeau 2001 2005 2009 2008 2007 2010 2010 2003 2010 2000

Caractéristiques socio-économiques des agriculteurs

Sigles

57BEP : Brevet d’études professionnel

58BPREA : Brevet professionnel responsable d’exploitation agricole (niveau IV)

59BTA : Brevet de technicien agricole

60BTS : Brevet de technicien supérieur

61CUMA : Coopérative d’utilisation de matériel agricole

62CETA : Centre d’études techniques agricoles

63FDSEA : Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles

64GAB : Groupement des agriculteurs biologiques

65GDA : Groupe de développement agricole

66GEDA : Groupe d’étude et de développement agricole

67GERFAB : Groupe étude réalisation filière agriculture biologique

68JA : Jeunes agriculteurs

69SEDARB : Service d’écodéveloppement agrobiologique et rural de Bourgogne

Notes

  • [1]
    Par J. Pribetich pour les agriculteurs en Raisonnée et en Biologique et par I. Rousselet pour les agriculteurs en Conservation.
  • [2]
    Seuls quatre d’entre eux, dont deux en agriculture biologique, possèdent aussi une production animale (ovins viande, bovins viande ou lait, ou volailles).
  • [3]
    Qui, dans les faits, n’apparaît pas.
  • [4]
    Leurs coordonnées nous ont été fournies par le responsable de l’APAD.
  • [5]
    Alors qu’à peu près un agriculteur sur quatre en Biologique et en Raisonnée revendique une appartenance syndicale et est ou a été élu communal, cette proportion est de plus de un sur deux chez les agriculteurs en Conservation.
  • [6]
    La proportion des agriculteurs ayant poursuivi après le bac passe de quatre sur cinq chez les agriculteurs en Biologique pour descendre à un sur quatre chez les agriculteurs en Raisonnée. En Bourgogne, en 2010, 45 % des producteurs en grandes cultures ont un diplôme supérieur ou égal au baccalauréat (Agreste Bourgogne, 2012). Notre échantillon correspond à cette moyenne.
  • [7]
    Comme dans d’autres domaines professionnels, en agriculture, l’augmentation du niveau de diplôme est inversement corrélée avec celle de l’âge.
  • [8]
    L’expression « agriculture de conservation » a d’abord été utilisée en langue anglaise. Elle reflète en agriculture la mise en place de politiques de « conservation » des ressources naturelles comme il y en a dans d’autres domaines.
  • [9]
    Il s’agit d’arriver à implanter une culture en ne travaillant pas le sol préalablement et en n’intervenant que sur la ligne de semis : le semoir ouvre un sillon dans lequel les graines sont déposées, puis referme ce sillon.
  • [10]
    Le sol ne devant jamais être nu, des cultures, qui forment un couvert végétal et qui sont destinées à être détruites sur place, sont implantées entre deux cultures récoltées.
  • [11]
    On regroupe sous le terme de pesticides les produits pour la protection phytosanitaire des cultures et ceux pour le désherbage chimique des cultures.
  • [12]
    La reconnaissance de la multifonctionnalité se concrétise avec l’instauration, en 1999, des Contrats territoriaux d’exploitation (CTE), puis des Contrats d’agriculture durable (CAD) qui leur succèdent entre 2002 et 2007. Les MAE cibleront, elles, des territoires à enjeu environnemental.
  • [13]
    Six d’entre eux en sont membres. Cette association est citée comme étant un lieu de rencontres et d’échanges important pour la plupart des agriculteurs interrogés.
  • [14]
    Seuls deux d’entre eux disent ne pas beaucoup y recourir (17C, 19C).
  • [15]
    L’échange sur les forums n’est évoqué que par les agriculteurs de ce groupe.
  • [16]
    Pour Paul Ricœur [1986], une idéologie dans sa fonction d’intégration permet à un groupe : de se donner une image de lui-même ; de justifier et motiver une pratique ; de schématiser les choses ; de développer un cadre conceptuel à l’intérieur duquel penser les choses ; de penser le nouveau dans le typique.
Français

Nous nous intéressons dans cet article aux pratiques de travail du sol d’agriculteurs engagés dans trois modèles d’agriculture aux degrés d’institutionnalisation différents (agriculture de conservation, agriculture biologique et agriculture raisonnée). Nous faisons apparaître comment, sur cette question du changement dans la façon de travailler le sol, un conflit des normes divise les agriculteurs selon leur engagement dans l’un ou l’autre modèle d’agriculture. Ce conflit est particulièrement visible dans la façon dont ces agriculteurs entre-définissent leur façon de produire.

Mots-clés

  • agriculteurs
  • normes
  • arguments
  • non-labour
  • changements de pratiques
  • agriculture de conservation

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Claude Compagnone
AgroSup Dijon, INRA, Univ. Bourgogne Franche-Comté, UMR Cesaer
Justine Pribetich
AgroSup Dijon, INRA, Univ. Bourgogne Franche-Comté, UMR Cesaer
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Mis en ligne sur Cairn.info le 27/04/2017
https://doi.org/10.3917/rfse.018.0101
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